Intervention Jean Eudes Gilbert
Intervention Jean Eudes Gilbert
Intervention Jean Eudes Gilbert
17/11/18
VIE AFFECTIVE, VIE SPIRITUELLE, VIE SACRAMENTELLE
VERS UNE UNITÉ DE VIE.
Topo 1 : Les étapes de la vie affective et leur impact dans la vie spirituelle.
Introduction :
Dessin de l’iceberg et petit sketch improvisé autour. Objectifs :
- Prendre conscience du rapport visible-invisible : le corps comme sacrement.
- Suite du propos est le décorticage du tiers supérieur.
- Le corps intellectuel :
Nous le connaissons bien. Notre tradition occidentale en a fait une sorte d’alpha et
d’oméga de la personne. En réalité, lorsqu’il prend conscience de lui-même, le corps
émotionnel est déjà bien développé et il nourrit le corps intellectuel. Car le point de
départ de l’activité intellectuelle est bien la maitrise des émotions. Son rôle est de les
canaliser, non pour les enfermer, mais pour repérer une orientation, du sens. Il ne donne
pas le sens, il le repère, il le discerne en verbalisant les interrogations et en prenant du
recul. Ainsi, il peut faire des choix et prendre des décisions, rôles essentiels du corps
intellectuels.
- Le corps physique :
Je termine par celui-là parce que les bouleversements de l’adolescence sont tels
qu’il y a une sorte de nouvelle « première » prise de conscience du corps rendant
amnésique de la prise de conscience initiée lors de la fécondation. De plus, il a une
importance particulière car c’est lui qui porte la visibilité. Sans les deux corps
précédents, il perd sens et utilité, mais sans lui, ils n’ont pas d’expression possible. Les
corps émotionnel et intellectuel sont donc dépendants de ce que le corps physique
donne à voir et ils se nourrissent de ce qui lui arrive : c’est bien lui qui se pose pour lire
ou qui reçoit la tendresse du conjoint. À l’inverse, il peut arriver que celui-ci donne autre
chose à voir que ce que voudraient les deux autres corps. En effet, lorsque la pulsion
s’exprime, celle-ci peut ne pas être en accord avec les autres corps.
Un des grands enjeux de notre vie est l’unité de ces trois corps. Nous nous rendons
compte combien, chez l’enfant, sa croissance se fait autour de cette unité. C’est à cela que
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sert la vie affective : que le corps émotionnel trouve du sens par le corps intellectuel et
que ce sens soit mis en œuvre par le corps physique. Ce travail d’unité se fait en 4
grandes étapes qui ne sont jamais pleinement réglées, l’homme passe son temps à faire
des allers-retours.
En parallèle de ces étapes, je vais faire des liens avec la progression de la vie
spirituelle, mais il est important de ne pas attacher les deux évolutions. La progression
spirituelle est beaucoup moins systématique et saisissable que la vie affective.
Pourtant, cette expérience de la limite est essentielle pour entrer dans la deuxième
phase de la vie affective où il s’agit de vérifier si on est vraiment aimable. Alors, le sujet
va rechercher des relations amicales ou amoureuses qui vont venir consolider son
narcissisme. Cette étape est souvent le début de l’adolescence où l’enfant prend
conscience du caractère très imparfait de l’amour de ses parents pour lui. Il cherche
alors à en combler les manques, à en vérifier la véracité et la solidité. En clair, les
questions du jeune adolescent sont les suivantes : je découvre que mes parents sont
faillibles, donc ont-ils raison de m’aimer ? Mes parents m’aiment, mais tellement mal,
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que je vais aller voir ailleurs pour trouver mieux. Si je deviens détestable, mes parents
m’aimeront-ils encore ?
Ces questions sont diverses en intensité au sein d’une même personne et d’une
personne à l’autre. Elles ont un réel impact sur la vie affective et sur des relations qui
commencent à s’enraciner et à avoir l’ambition de durer.
Dans le même temps, ces questions sont aussi une mise à l’épreuve : le sujet va
aller plus loin dans l’expérience de la frustration. Car jusque là, elle se bornait à la
famille, maintenant, elle s’élargit au rythme auquel notre sujet s’ouvre au monde. En
fuyant l’imperfection familiale, et donc les siennes propres, le sujet va se heurter à
l’imperfection du monde qui va lui renvoyer les siennes. Quelque soit la façon dont on
essaye de le faire sortir, le réel finit toujours par revenir. Ainsi un narcissisme solide
sera consolidé, tandis que le fragile sera fragilisé. Dans cette ouverture au monde, c’est
la solidité du narcissisme qui est éprouvée.
Dans la vie spirituelle, cette phase va se caractériser par un rapport à Dieu très
ego-centré. Le sujet de la contemplation n’est pas Dieu, en lui-même et pour lui-même,
mais l’œuvre de Dieu en moi et finalement, mon œuvre à moi.
Comme je l’ai dit, c’est le réel qui va obliger le sujet à bouger. Une fois le
narcissisme consolider, la frustration va faire son retour car, finalement, l’autre continue
de résister à ce que je veux.
La troisième grande phase est donc celle de l’apprentissage à aimer l’autre pour ce
qu’il est, tel qu’il est. Le sujet sait maintenant qu’il est aimable, c’est-à-dire digne
d’amour. Il n’a plus besoin de se le prouver. Il peut donc réellement s’ouvrir à l’autre.
Dans l’amour conjugal, c’est souvent la phase d’idéalisation du conjoint, dans l’amitié,
c’est le moment de l’amitié exclusive. C’est aussi l’époque de la bande d’amis.
Spontanément, on ne peut se passer de l’autre, on fait tout avec lui. C’est une phase très
belle lorsque le meilleur de la personne grandit, lorsque la dynamique est positive. La
personnalité s’épanouit, elle s’enrichit, elle s’ouvre au monde avec enthousiasme et
surtout à l’avenir. C’est le grand retour de la toute-puissance qui a animé le nourrisson,
car maintenant, tout est vraiment possible. Attention au « face à face » et à
l’enfermement sur soi. Il n’est pas de relation saine qui ne cherche à nouveau un autre.
Dans la relation à Dieu, cela s’exprime par le fait que tout va bien : il répond aux
prières comme jamais, prier met le sujet dans un état d’émoi avancé… C’est le moment
où tout va bien.
C’est alors le moment d’atteindre la quatrième étape, celle où, avec l’autre, tout
paraît possible. C’est le moment où les amis, ou le couple, vont s’ouvrir aux autres. La
bande s’élargit, le désir d’enfant se concrétise. C’est là où l’unité des trois corps
commence à se concrétiser. Le corps émotionnel trouve son orientation, le corps
intellectuel l’appuie et le corps physique met en œuvre. C’est le moment dans grands
choix et des engagements.
C’est donc le moment où Dieu prend une place particulière dans la vie du sujet.
Avec lui, tout devient possible, c’est le moment où le sujet décide de s’engager avec lui et
en lui.
Conclusion :
Pour remplir sa mission sacramentelle, c’est-à-dire rendre visible le mystère
invisible de la vie divine caché en Dieu et déposé en l’homme, le corps doit trouver son
unité entre ses différentes dimensions et cela ne peut se faire qu’en s’ouvrant au don de
Dieu par l’accueil de la vie spirituelle.
C’est ce que nous verrons cet après-midi.
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VERS UNE UNITÉ DE VIE.
L’unité de vie.
Préliminaires :
Nous avons parlé de matin de la recherche d’unité du corps global, qualifié de
« sacrement » par Jean-Paul II, et pourquoi cette unité ne se faisait pas. Nous allons
maintenant prendre le temps de découvrir comment la vie spirituelle sert cette unité.
Introduction :
Lc 11, 21 Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient
est en sécurité.
22 Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement auquel il
se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé.
23 Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi
disperse.
24 Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant
où se reposer. Et il ne trouve pas. Alors il se dit : “Je vais retourner dans ma maison, d’où
je suis sorti.”
25 En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée.
26 Alors il s’en va, et il prend d’autres esprits encore plus mauvais que lui, au nombre de
sept ; ils entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au
début. » (Commentaire dans GE n° 165)
Ce dont il est question ici est le combat spirituel qui est la conséquence de notre
choix de suivre le Christ. La grâce sacramentelle est l’homme plus fort qui a chassé le
premier homme fort, mais le Christ nous prévient que celui-ci n’est pas disposé à se
laisser faire et qu’il va certainement revenir. Si nous n’avons pas veillé, le résultat
s’annonce pire que le départ.
Mais d’où vient ce combat ? Pourquoi est-il si difficile de rester une maison balayée
et bien rangée ?
Conclusion :
Au terme de ces propos, il est bon de nous rappeler une évidence : par le don du
baptême-confirmation-eucharistie, le catéchumène est entré dans la vie avec Dieu, c’est-
à-dire qu’il a répondu à l’appel que Dieu lui adresse à être saint (EG n°10). Il est appelé à
entrer dans la sainteté même de Dieu (LG n°11). L’accueil des sacrements de l’initiation
chrétienne n’est donc que le point de départ d’un long chemin, et il va falloir « courir
avec constance l’épreuve qui nous est proposé » (Hb 12, 1).
Or la conscience de cet « après » est capitale dans le discernement sacramentel,
tant pour les catéchumènes que pour les futurs époux. Le sacrement ouvre un avenir,
désigne une arrivée et aide à garder la direction. L’émergence de cette conscience passe
par notre capacité, comme catéchiste, à poser les bonnes questions. Or trop souvent,
nous demandons pourquoi ils veulent recevoir un sacrement, au lieu de leur demander
pour quoi, en vue de quoi, quel est leur projet ? Or, c’est la réalisation de ce projet qui est
l’épreuve proposée.
Cependant, une chose doit être précisée : c’est tout le corps qui vit des sacrements
et non des individus. La grâce sacramentelle n’est jamais reçue pour soi tout seul, mais
également pour tous ceux qui en ont besoin, y compris ceux qui, à cause des épreuves de
la vie et des échecs rencontrés, ne peuvent les recevoir, que ce soit des catéchumènes ou
des gens en situation de nouvelle vie conjugale après une séparation. La grâce
sacramentelle est également pour eux, ils peuvent en vivre s’ils restent des chercheurs
de Dieu « obéissant à l’Évangile et au Magistère de l’Église qui le garde. » (GE n°173)
Ainsi, ils restent membres de l’Église et reçoivent, par son intermédiaire, la grâce dont
ils ont besoin.
Finalement, l’unité de vie est le processus qui nous permettra de prendre notre
place dans « la classe moyenne de la sainteté » (GE n°7) en gardant notre maison balayée
et bien rangée (Lc 11,25). Le don régulièrement actualisé de l’Esprit Saint nous permet
de réajuster le processus et d’avoir une vie qui a bon goût pour nous-mêmes, pour les
autres et pour Dieu.