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Intervention Jean Eudes Gilbert

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Formation PFES et catéchuménat 1

17/11/18
VIE AFFECTIVE, VIE SPIRITUELLE, VIE SACRAMENTELLE
VERS UNE UNITÉ DE VIE.

Topo 1 : Les étapes de la vie affective et leur impact dans la vie spirituelle.

Introduction :
Dessin de l’iceberg et petit sketch improvisé autour. Objectifs :
- Prendre conscience du rapport visible-invisible : le corps comme sacrement.
- Suite du propos est le décorticage du tiers supérieur.

I/ Les trois dimensions du corps :


- Le corps émotionnel :
Il est sans doute la première expérience corporelle. Lorsque l’embryon descend
dans les trompes, ce qu’il va percevoir de l’utérus va l’inciter ou non à nicher. Va-t-il se
développer ou non ?
Au fil des mois, puis des années à partir de la naissance, ce corps émotionnel va
s’enrichir et se complexifier. C’est lui qui va accueillir les émotions, les sentiments. C’est
lui qui va manifester de la tendresse ou de la colère, rendant manifeste sa satisfaction ou
son insatisfaction. C’est lui qui va dire si la personne est heureuse ou non. C’est lui qui va
être le moteur de la vie de la personne en donnant le désir d’aller chercher le bonheur.
C’est lui donne le feu, la dynamique d’une vie. Si le corps émotionnel est riche, alors la
vie est riche.

- Le corps intellectuel :
Nous le connaissons bien. Notre tradition occidentale en a fait une sorte d’alpha et
d’oméga de la personne. En réalité, lorsqu’il prend conscience de lui-même, le corps
émotionnel est déjà bien développé et il nourrit le corps intellectuel. Car le point de
départ de l’activité intellectuelle est bien la maitrise des émotions. Son rôle est de les
canaliser, non pour les enfermer, mais pour repérer une orientation, du sens. Il ne donne
pas le sens, il le repère, il le discerne en verbalisant les interrogations et en prenant du
recul. Ainsi, il peut faire des choix et prendre des décisions, rôles essentiels du corps
intellectuels.

- Le corps physique :
Je termine par celui-là parce que les bouleversements de l’adolescence sont tels
qu’il y a une sorte de nouvelle « première » prise de conscience du corps rendant
amnésique de la prise de conscience initiée lors de la fécondation. De plus, il a une
importance particulière car c’est lui qui porte la visibilité. Sans les deux corps
précédents, il perd sens et utilité, mais sans lui, ils n’ont pas d’expression possible. Les
corps émotionnel et intellectuel sont donc dépendants de ce que le corps physique
donne à voir et ils se nourrissent de ce qui lui arrive : c’est bien lui qui se pose pour lire
ou qui reçoit la tendresse du conjoint. À l’inverse, il peut arriver que celui-ci donne autre
chose à voir que ce que voudraient les deux autres corps. En effet, lorsque la pulsion
s’exprime, celle-ci peut ne pas être en accord avec les autres corps.

Un des grands enjeux de notre vie est l’unité de ces trois corps. Nous nous rendons
compte combien, chez l’enfant, sa croissance se fait autour de cette unité. C’est à cela que
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sert la vie affective : que le corps émotionnel trouve du sens par le corps intellectuel et
que ce sens soit mis en œuvre par le corps physique. Ce travail d’unité se fait en 4
grandes étapes qui ne sont jamais pleinement réglées, l’homme passe son temps à faire
des allers-retours.
En parallèle de ces étapes, je vais faire des liens avec la progression de la vie
spirituelle, mais il est important de ne pas attacher les deux évolutions. La progression
spirituelle est beaucoup moins systématique et saisissable que la vie affective.

II/ Les étapes de la vie affective.

Tout commence avec un amour de soi bien en place, c’est-à-dire un narcissisme


ajusté. Pour ceux qui doute de la vertu du narcissisme, je les renvoie au Ps 138, 14 Je
reconnais devant toi le prodige, l'être étonnant que je suis : * étonnantes sont tes oeuvres
toute mon âme le sait.
Le narcissisme n’est rien d’autre que de se reconnaître comme don digne d’amour.
Au plus jeune âge de l’enfant, cela se joue autour de l’attachement. C’est un besoin inné,
il ne surgit d’aucun besoin. Seulement, l’enfant s’attache naturellement et spontanément
à ses parents. Or les réponses à ce besoin sont décisives pour la construction du
narcissisme : si mes parents répondent, alors, oui, je suis digne d’être aimé ; si les
parents répondent mal ou que les réponses sont mal interprétées, pire, si les parents ne
répondent pas, alors le narcissisme ne va pas pouvoir se mettre en place et le sujet ne va
pas se reconnaître digne d’amour. Il sera alors incapable d’accueillir l’amour d’un autre.
Les répercussions sur la vie spirituelle sont claires : comment croire en l’amour
d’un être que je ne vois pas, alors que l’amour parental n’a jamais été reçu, voire pire,
donné ?
Cette étape dure toute l’enfance, jusqu’à l’adolescence. Elle est décisive et donne,
pour la première fois, le sentiment d’être tout-puissant. Cependant, celui-ci va se heurter
à la découverte de l’autre qui n’est pas moi et qui m’échappe.
L’autre apparaît à la fois comme un territoire à découvrir et un lieu permanent de
frustration. Cette expérience est essentielle pour que le narcissisme se mette sainement
en place car elle comporte l’apprentissage des limites. S’aimer soi-même ne veut pas
dire être tout-puissant. C’est reconnaître ses limites et les utiliser comme tremplin pour
s’ouvrir à l’autre.
Ici aussi la vie spirituelle peut être impactée : si l’expérience de la frustration a été
légère, ou insuffisante, comment va-t-il être possible d’accueillir un Dieu qui me met face
à mon péché, donc face à mes limites ? Ou comment va-t-il être possible d’accueillir un
Dieu qui s’est fait fragile ? Ou comment accueillir un Dieu qui pardonne, le pardon
supposant un rapport très particulier à la faiblesse ?

Pourtant, cette expérience de la limite est essentielle pour entrer dans la deuxième
phase de la vie affective où il s’agit de vérifier si on est vraiment aimable. Alors, le sujet
va rechercher des relations amicales ou amoureuses qui vont venir consolider son
narcissisme. Cette étape est souvent le début de l’adolescence où l’enfant prend
conscience du caractère très imparfait de l’amour de ses parents pour lui. Il cherche
alors à en combler les manques, à en vérifier la véracité et la solidité. En clair, les
questions du jeune adolescent sont les suivantes : je découvre que mes parents sont
faillibles, donc ont-ils raison de m’aimer ? Mes parents m’aiment, mais tellement mal,
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que je vais aller voir ailleurs pour trouver mieux. Si je deviens détestable, mes parents
m’aimeront-ils encore ?
Ces questions sont diverses en intensité au sein d’une même personne et d’une
personne à l’autre. Elles ont un réel impact sur la vie affective et sur des relations qui
commencent à s’enraciner et à avoir l’ambition de durer.
Dans le même temps, ces questions sont aussi une mise à l’épreuve : le sujet va
aller plus loin dans l’expérience de la frustration. Car jusque là, elle se bornait à la
famille, maintenant, elle s’élargit au rythme auquel notre sujet s’ouvre au monde. En
fuyant l’imperfection familiale, et donc les siennes propres, le sujet va se heurter à
l’imperfection du monde qui va lui renvoyer les siennes. Quelque soit la façon dont on
essaye de le faire sortir, le réel finit toujours par revenir. Ainsi un narcissisme solide
sera consolidé, tandis que le fragile sera fragilisé. Dans cette ouverture au monde, c’est
la solidité du narcissisme qui est éprouvée.
Dans la vie spirituelle, cette phase va se caractériser par un rapport à Dieu très
ego-centré. Le sujet de la contemplation n’est pas Dieu, en lui-même et pour lui-même,
mais l’œuvre de Dieu en moi et finalement, mon œuvre à moi.
Comme je l’ai dit, c’est le réel qui va obliger le sujet à bouger. Une fois le
narcissisme consolider, la frustration va faire son retour car, finalement, l’autre continue
de résister à ce que je veux.

La troisième grande phase est donc celle de l’apprentissage à aimer l’autre pour ce
qu’il est, tel qu’il est. Le sujet sait maintenant qu’il est aimable, c’est-à-dire digne
d’amour. Il n’a plus besoin de se le prouver. Il peut donc réellement s’ouvrir à l’autre.
Dans l’amour conjugal, c’est souvent la phase d’idéalisation du conjoint, dans l’amitié,
c’est le moment de l’amitié exclusive. C’est aussi l’époque de la bande d’amis.
Spontanément, on ne peut se passer de l’autre, on fait tout avec lui. C’est une phase très
belle lorsque le meilleur de la personne grandit, lorsque la dynamique est positive. La
personnalité s’épanouit, elle s’enrichit, elle s’ouvre au monde avec enthousiasme et
surtout à l’avenir. C’est le grand retour de la toute-puissance qui a animé le nourrisson,
car maintenant, tout est vraiment possible. Attention au « face à face » et à
l’enfermement sur soi. Il n’est pas de relation saine qui ne cherche à nouveau un autre.
Dans la relation à Dieu, cela s’exprime par le fait que tout va bien : il répond aux
prières comme jamais, prier met le sujet dans un état d’émoi avancé… C’est le moment
où tout va bien.

C’est alors le moment d’atteindre la quatrième étape, celle où, avec l’autre, tout
paraît possible. C’est le moment où les amis, ou le couple, vont s’ouvrir aux autres. La
bande s’élargit, le désir d’enfant se concrétise. C’est là où l’unité des trois corps
commence à se concrétiser. Le corps émotionnel trouve son orientation, le corps
intellectuel l’appuie et le corps physique met en œuvre. C’est le moment dans grands
choix et des engagements.
C’est donc le moment où Dieu prend une place particulière dans la vie du sujet.
Avec lui, tout devient possible, c’est le moment où le sujet décide de s’engager avec lui et
en lui.

III/ Un constat d’échec.


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En réalité, la vie n’est pas si simple et les trois corps tout seul ont bien du mal à
trouver leur unité. En effet, l’expérience humaine de chacun nous montre à quel point
chaque corps a tendance à tirer la roue de son côté. Que se passe-t-il ?
D’abord, notre vie affective reste tributaire de notre histoire. Qui que nous soyons,
aussi parfait et équilibrer que nous soyons, nous faisons l’expérience douloureuse de la
frustration et du manque. Sommeille en nous l’idée que, non, nous ne sommes pas aimés
comme nous le méritons, que personne d’autre que nous n’est capable de prendre soin
de nous et de notre bonheur et que l’autre est un obstacle dans cette quête. La meilleure
preuve est que tous ceux qui nous avons aimé, à commencer par nos parents, nous ont
blessés. C’est bien la preuve que l’autre est un danger : « L’enfer, c’est les autres. »
Pourtant, notre corps affectif nous pousse vers les autres, tandis que notre corps
intellectuel nous en éloigne réduisant le corps physique à l’impuissance, celle-ci laissant
libre court à la pulsion.
C’est face à cette douloureuse expérience du mal, de la frustration, de la trahison
que l’homme va chercher une autre voie : celle de la spiritualité, de la foi s’ouvre alors
devant lui. L’homme se met en quête de sens, une quête qu’il soit capable de
comprendre et qui le mette en marche. C’est là que le questionnement métaphysique et
religieux fait son apparition.
C’est là qu’intervient le don de la foi. Dieu ne laisse pas l’homme errer, il répond à
sa quête et lui permet d’accomplir son désir.

Conclusion :
Pour remplir sa mission sacramentelle, c’est-à-dire rendre visible le mystère
invisible de la vie divine caché en Dieu et déposé en l’homme, le corps doit trouver son
unité entre ses différentes dimensions et cela ne peut se faire qu’en s’ouvrant au don de
Dieu par l’accueil de la vie spirituelle.
C’est ce que nous verrons cet après-midi.
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L’unité de vie.
Préliminaires :
Nous avons parlé de matin de la recherche d’unité du corps global, qualifié de
« sacrement » par Jean-Paul II, et pourquoi cette unité ne se faisait pas. Nous allons
maintenant prendre le temps de découvrir comment la vie spirituelle sert cette unité.

Introduction :
Lc 11, 21 Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient
est en sécurité.
22 Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement auquel il
se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé.
23 Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi
disperse.
24 Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant
où se reposer. Et il ne trouve pas. Alors il se dit : “Je vais retourner dans ma maison, d’où
je suis sorti.”
25 En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée.
26 Alors il s’en va, et il prend d’autres esprits encore plus mauvais que lui, au nombre de
sept ; ils entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au
début. » (Commentaire dans GE n° 165)

Ce dont il est question ici est le combat spirituel qui est la conséquence de notre
choix de suivre le Christ. La grâce sacramentelle est l’homme plus fort qui a chassé le
premier homme fort, mais le Christ nous prévient que celui-ci n’est pas disposé à se
laisser faire et qu’il va certainement revenir. Si nous n’avons pas veillé, le résultat
s’annonce pire que le départ.
Mais d’où vient ce combat ? Pourquoi est-il si difficile de rester une maison balayée
et bien rangée ?

I/ Une vie unifiée : chemin de sainteté.


Tout commence par là !!! Par un appel !!! Lv 11, 44 : Vous vous sanctifierez et vous
serez saints car moi, je suis saint. Les choses sont dites, nous savons à quoi nous sommes
appelés. Le problème est de savoir en quoi consiste le fait d’être saint.
Une réponse assez classique vient de la contemplation de Dieu. Si Dieu est bon,
créateur, sauveur…, aimant le bien et le vrai ; alors être saint doit ressembler à cela. Or,
l’émotion humaine qui semble s’approcher le plus de la sainteté est celle du bonheur,
celle d’être heureux. Cela se manifeste dans notre capacité à « aimer la vie, en nous, par
nous et pour nous »1.
Aimer la vie en nous, c’est aimer la façon dont elle prend forme en nous, c’est
s’aimer soi. On rejoint ici la question du narcissisme positif dont nous parlions ce matin.
Je ne peux être heureux sans m’aimer, être saint c’est aimer ce premier don que Dieu me
fait : moi-même.

1 Les fondamentaux de la foi, Marie-Christine Bernard, p. 25


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VERS UNE UNITÉ DE VIE.
Aimer la vie par nous, c’est aimer ce que nous faisons exister par notre propre
initiative. C’est ce qui existe grâce à nous. En général, nous aimons ce que nous faisons
de bien, ce qui vient du meilleur de nous-mêmes. Être saint, c’est savoir inventer un bien
nouveau, faire en sorte que le monde soit un peu meilleur après notre passage.
Aimer la vie pour nous, c’est prendre à bras le corps tout ce qui arrive, que ce soit
bon ou mauvais et en faire une occasion « d’aimer la vie par nous ». Être saint, c’est
assumer le réel dans sa complexité, voire dans sa violence, c’est traverser la nuit du
tombeau à chaque fois qu’elle se présente afin d’arriver à la lumière de la résurrection.
Cette traversée commence par les toutes-petites choses.
La réalité de ce bonheur se reconnait de deux manières : soit par le bruit qu’il fait
quand il s’en va ; soit par la persistance de la joie, signe de la présence du bonheur,
même dans les situations difficiles. À cet égard, la joie matrimoniale (AL n°126) est
exemplaire. La joie est un élargissement du cœur qui « élargit notre capacité de jouir et
nous permet de trouver du plaisir dans des réalités variées, même aux étapes de la vie où le
plaisir s’éteint. »
Au fond, la sainteté, c’est répondre à l’appel du Père en vivant les mystères de la vie
du Christ en union avec lui. Elle consiste à s’associer à la mort et à la résurrection du
Seigneur d’une manière unique et personnelle, à mourir et à ressusciter constamment avec
lui (GE n°20).
La vie chrétienne et la marche vers la sainteté sont donc réponse à un appel, or
cette réponse passe par un travail d’unité qui permet d’orienter le corps global vers sa
fin qui est également son origine : être image et ressemblance de Dieu, vivre sa vocation
de sacrement. Concrètement, il nous faut accepter d’être un projet du Père pour refléter
et incarner, à un moment déterminé de l’histoire, un aspect de l’Évangile (GE n°19).
Le problème est que nous sommes fragiles dans cette quête de sainteté et d’unité.
C’est pourquoi le Seigneur nous a laissé deux alliés de poids : sa parole et les sacrements.

II/ La vie sacramentelle : un don pour la vie spirituelle et affective.


Conscient de l’ambition de la mission, le Seigneur ne nous a pas laissé sans
moyens, sans outils pour pouvoir la mener à bien et trouver cette unité de la personne
qui est le chemin de la sainteté. C’est à ce besoin que répondent les sacrements.
Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de clarifier ce qu’est un sacrement. Avant
toute chose, il est un don du Christ à son Église et pour être précis, un sacrement est le
Christ qui se donne à son Église. De ce point de vue, le sacrement est un acte
éminemment sponsal2. C’est-à-dire qu’un sacrement est un don total du Christ pour le
bien de son Église qui est la sanctification de ses membres. C’est pour cela que, pour
comprendre la nécessité de la vie sacramentelle dans la vie chrétienne, il nous faut
explorer le sacrement du mariage.
Vous savez tous que le définition du sacrement du mariage est construite autour
des 4 piliers : indissolubilité, fidélité, liberté, fécondité. Ces 4 piliers nous disent ce qui se
passe dans chaque sacrement.
Nous avons tout d’abord l’indissolubilité. Dans le mariage, c’est l’annonce que,
quelque soit l’histoire et les tempêtes que le couple traversera, il restera existant en
Dieu. Il fonde l’impossibilité d’un remariage religieux. En effet, qu’est-ce qu’un don total
qui peut être repris ? L’indissolubilité du don de Dieu se manifeste à Noël : l’incarnation

2C’est le don total de soi-même à la personne. Le mot « conjugal » se contente de


souligner la nécessaire conjugaison des différences.
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est un non-retour du don de Dieu. Chaque sacrement est un don sans retour de Dieu à
celui qui le souhaite. Que ce soit les sacrements à caractère (baptême-confirmation,
ordre, mariage) ou les sacrements réitérables (eucharistie, confession, malade), le don
de Dieu est un allé simple, définitif. Lorsque nous l’avons reçu, nous sommes armés pour
vivre le combat de la sainteté.
Or quand Dieu se donne à nous dans les sacrements, Il croit en nous. C’est cela la
fidélité. Ce n’est pas juste ne pas avoir des regards ou des désirs déplacés. C’est croire en
l’autre, croire que, grâce au don de moi-même, il sera plus fort pour surmonter
l’épreuve. Dieu croit en nous, après avoir accueilli le don de Lui-même, pour faire un
bien nouveau et résister à la tentation, et tenir le mal en défaite. Et Dieu croit que nous
n’avons pas seulement des éclairs de génie pour cela, mais que nous sommes talentueux,
que nous sommes capables de constance et de régularité.
Alors la liberté apparaît dans toute sa richesse. Nous résumons trop souvent la
liberté à l’absence de contraintes, mais c’est beaucoup plus que cela. Dieu est libre car il
fait le bien sans limites, Il n’est jamais complice du mal, pour aucune raison et d’aucune
façon. Dans le sacrement du mariage, ce qui se joue est bien la capacité des conjoints à se
rendre capables d’un bien nouveau, à se libérer de ce qui l’empêche d’aimer en vérité et
en totalité. C’est cette liberté là que Dieu nous donne dans les sacrements et bien sûr, de
manière éminente, dans le sacrement du baptême-confirmation. Là, nous rentrons dans
une pleine relation d’enfant de Dieu, c’est-à-dire que toute notre vie prend une
orientation nouvelle et se trouve totalement orientée vers Dieu. Le don de l’Esprit Saint,
qui est l’Esprit du Christ, vient confirmer en nous cette orientation nouvelle en nous
faisant vivre de l’esprit du Fils. C’est pour cela que le baptême et la confirmation sont
inséparables, je ne peux être fils de Dieu sans en avoir l’esprit. C’est dans la croissance
de la liberté, entendu comme capacité nouvelle à faire le bien, que l’avancée vers la
sainteté va se manifester. En général, tout le monde s’en rend compte sauf l’intéressé (et
encore !!!). C’est très bien ainsi. Plus nous avançons sur ce chemin, plus nous emportons
des victoires, plus nous nous rendons compte du travail qu’il reste à faire. Ainsi, un
cercle vertueux apparaît : la liberté permet d’avancer vers la sainteté, qui fait grandir en
humilité, qui nous rend plus conscient du combat à mener, qui nous fait grandir en
liberté, etc…
Tout cela est au service d’une fécondité nouvelle !! Le sacrement du mariage est
soumis au désir d’avoir des enfants, mais pas au fait d’en avoir !!! En effet, la foi
chrétienne nous a fait découvrir combien la question de la fécondité était une question
beaucoup plus large que celle du nombre d’enfant, même si ce désir est nécessaire pour
vérifier notre désir de transmettre la vie, don de Dieu. De ce point de vue, une vocation
religieuse se fonde sur le désir d’avoir des enfants et le dépasse. L’absence de ce désir
rendrait toute vocation caduque. Car c’est bien pour transmettre la vie que nous
recevons les sacrements, et c’est bien la vie que nous recevons dans les sacrements, la
vie de Dieu.
Hélas, dans ce beau descriptif, nous rencontrons un ennemi redoutable : le mal.
C’est ainsi que commence le combat spirituel.

III/ Le combat spirituel : lutter contre ce qui divise.


Cela fait plusieurs années que nous avons rangé la question du mal au placard et
nous avons tort. Nous avons oublié de prévenir, car nous le savons tous, combien la vie
spirituelle, combien le combat pour la sainteté, la réponse à l’appel de Dieu sont des
combats de tous les instants : La vie chrétienne est un combat permanent. Il faut de la
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force et du courage pour résister aux tentations du diable et annoncer l’Evangile. Cette
lutte est très belle, car elle nous permet de célébrer chaque fois le Seigneur vainqueur dans
notre vie. GE n°158.
Et le pape poursuit : Il ne s’agit pas seulement d’un combat contre le monde et la
mentalité mondaine qui nous trompe, nous abrutit et fait de nous des médiocres dépourvus
d’engagement et sans joie. Il ne se réduit pas non plus à une lutte contre sa propre fragilité
et contre ses propres inclinations (chacun a la sienne : la paresse, la luxure, l’envie, la
jalousie, entre autres). C’est aussi une lutte permanente contre le diable qui est le prince du
mal. Jésus lui-même fête nos victoires. Il se réjouissait quand ses disciples arrivaient à
progresser dans l’annonce de l’Evangile, en surmontant les obstacles du Malin, et il
s’exclamait : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair » (Lc 10, 18). EG 159.
Dans le Notre Père, lorsque nous demandons à être délivré du mal, le terme utilisé
désigne le Malin, c’est-à-dire « un être personnel qui nous harcèle. » (EG n°160).
Avoir cru que le mal était un mythe ou un symbole nous a amené à baisser les bras,
à relâcher notre vigilance. De ce fait, il a le champ libre pour nous empoisonner par la
haine, la tristesse, l’envie et il détruit nos vies. (GE n°161). Or, le mal nous détruit en
semant la division. En grec, le diabolon c’est le diviseur. Il nous faut donc veiller à ne pas
nous laisser diviser. Je vous rappelle la parabole de l’homme fort par laquelle j’ai
commencé. Que se passe-t-il dans une âme qui s’est ouverte au don de Dieu par la grâce
sacramentelle lorsqu’elle a laissé la maison vide ? Cela nous rappelle que le sacrement
est responsabilisant : le don de Dieu ne me décharge pas d’agir.
Si nous revenons maintenant à la question de la sainteté et du chemin qui y mène,
nous voyons qu’il n’y a pas de domaines qui en soient exclus. GE n°175. Cela veut dire,
qu’aucun domaine de nos vies n’est exclu de la tentation et de l’action du mal et que tout
doit être unifié par la grâce sacramentelle et notre travail de conversion. Il est découle
une conséquence immédiate : de nos rêves de grandeurs les plus hauts, à nos actions les
plus humbles et quotidiennes, tous les aspects de nos vies ont besoin de la grâce
sacramentelle pour porter un fruit nouveau, ainsi que pour le porter durablement.
Porter ce fruit nouveau suppose pour nous d’agir, agir supposer de choisir, choisir
suppose de discerner afin de ne pas nous contenter de notre seule bonne volonté que le
mal a si vite fait de pervertir. C’est ainsi que tous les aspects de notre vie ont besoin de
l’éclairage de l’Esprit du Christ, de l’Esprit Saint, pour que tout soit vécu selon la logique
sponsale de l’évangile. Et quand je dis tout, je pense à tout ce qui concerne notre
intelligence (nos pensées notre réflexion…), tout ce qui concerne nos émotions et nos
sentiments (oui, même si nous ne sommes pas maître de nos émotions et de nos
sentiments, il y a une manière chrétienne de les vivre et d’en faire quelque chose), tout
ce qui concerne notre corps (il y a une manière chrétienne de vivre sa sexualité, et même
d’aller aux toilettes !!!). Bref, c’est toute notre vie qu’il nous faut nourrir de la grâce
sacramentelle et de notre prière quotidienne afin de ne pas laisser la maison vide.
Sur quoi s’appuie ce discernement ? Il s’appuie sur les apports des connaissances
humaines, existentielles, psychologiques, sociologiques ou morales. Mais il les transcende.
Même les sages normes de l’Église n’y suffisent pas. Rappelons-nous toujours que le
discernement est une grâce. Bien qu’il inclue la raison et la prudence, il les dépasse parce
qu’il s’agit d’entrevoir le mystère du projet unique et inimitable que Dieu a pour chacun, et
qui se réalise dans des contextes et des limites les plus variés. (…) Ce qui est en jeu, c’est le
sens de ma vie devant le Père qui me connaît et qui m’aime (…). Il ne requiert pas de
capacités spéciales ni n’est réservé aux plus intelligents ou aux plus instruits, et le Père se
révèle volontiers aux humbles (cf. Mt11, 25). GE n°170
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VERS UNE UNITÉ DE VIE.
Cela suppose que chaque baptisé se mette à l’écoute de Dieu. Une telle attitude
d’écoute implique, c’est certain, l’obéissance à l’Evangile comme ultime critère, mais aussi
au Magistère qui le garde, en cherchant à trouver dans le trésor de l’Église ce qui est le plus
fécond pour l’aujourd’hui du salut. (…) Le discernement des esprits nous libère de la
rigidité qui n’est pas de mise devant l’éternel aujourd’hui du Ressuscité. Seul l’Esprit sait
pénétrer dans les replis les plus sombres de la réalité et prendre en compte toutes ses
nuances, pour que, sous un nouveau jour, émerge la nouveauté de l’Evangile. (GE n°173)

Conclusion :
Au terme de ces propos, il est bon de nous rappeler une évidence : par le don du
baptême-confirmation-eucharistie, le catéchumène est entré dans la vie avec Dieu, c’est-
à-dire qu’il a répondu à l’appel que Dieu lui adresse à être saint (EG n°10). Il est appelé à
entrer dans la sainteté même de Dieu (LG n°11). L’accueil des sacrements de l’initiation
chrétienne n’est donc que le point de départ d’un long chemin, et il va falloir « courir
avec constance l’épreuve qui nous est proposé » (Hb 12, 1).
Or la conscience de cet « après » est capitale dans le discernement sacramentel,
tant pour les catéchumènes que pour les futurs époux. Le sacrement ouvre un avenir,
désigne une arrivée et aide à garder la direction. L’émergence de cette conscience passe
par notre capacité, comme catéchiste, à poser les bonnes questions. Or trop souvent,
nous demandons pourquoi ils veulent recevoir un sacrement, au lieu de leur demander
pour quoi, en vue de quoi, quel est leur projet ? Or, c’est la réalisation de ce projet qui est
l’épreuve proposée.
Cependant, une chose doit être précisée : c’est tout le corps qui vit des sacrements
et non des individus. La grâce sacramentelle n’est jamais reçue pour soi tout seul, mais
également pour tous ceux qui en ont besoin, y compris ceux qui, à cause des épreuves de
la vie et des échecs rencontrés, ne peuvent les recevoir, que ce soit des catéchumènes ou
des gens en situation de nouvelle vie conjugale après une séparation. La grâce
sacramentelle est également pour eux, ils peuvent en vivre s’ils restent des chercheurs
de Dieu « obéissant à l’Évangile et au Magistère de l’Église qui le garde. » (GE n°173)
Ainsi, ils restent membres de l’Église et reçoivent, par son intermédiaire, la grâce dont
ils ont besoin.
Finalement, l’unité de vie est le processus qui nous permettra de prendre notre
place dans « la classe moyenne de la sainteté » (GE n°7) en gardant notre maison balayée
et bien rangée (Lc 11,25). Le don régulièrement actualisé de l’Esprit Saint nous permet
de réajuster le processus et d’avoir une vie qui a bon goût pour nous-mêmes, pour les
autres et pour Dieu.

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