Proteinurie Expression Des Resultats

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Dossier : Actualités sur les protéinuries

Ann Biol Clin 2018 ; 76 (6) : 643-50

Expression des résultats d’une protéinurie :


le ratio protéines ou albumine sur créatinine urinaire
Urinary protein or albumin/creatinin ratio
for reporting measurements results

Christophe Mariat1 Résumé. Le dosage des protéines ou de l’albumine dans les urines présente une
Pierre Delanaye2 variabilité intra-individuelle non négligeable. Cela a conduit à utiliser les urines
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Jean-Philippe Bastard3 recueillies sur 24 heures comme milieu biologique de référence pour détermi-
ner des valeurs usuelles, en dessus desquelles on diagnostique une protéinurie
Guillaume Résimont2
positive. Cependant, la difficulté d’un tel recueil a généré un nombre important
Etienne Cavalier4 d’études pour tenter de remplacer ce « gold standard » par une mesure sur un
Laurence Piéroni5 échantillon d’urines et rapporter la valeur mesurée à celle de la créatinine, afin
Pour le groupe de travail de limiter la variabilité. Cet article tente de présenter les cas où le ratio P/C
SFBC, SFNDT, SNP ou A/C est performant, les recommandations des seuils de détection dans les
« Actualités situations cliniques ainsi que les limites à son utilisation.
sur les protéinuries » Mots clés : ratio protéinurie/créatininurie, ratio albuminurie/créatininurie
1 Service de néphrologie-
dialyse-transplantation rénale, Abstract. Urinary proteins or urinary albumin exhibit a high intra individual
CHU de Saint-Étienne, France variability. Therefore, urine collected during 24 hours has been recognized as
2 Université de Liège, Service de
a reference biological fluid for usual values determination. However, urine col-
néphrologie-dialyse-transplantation lection during a day is difficult and numerous studies have been performed to
rénale, CHU Sart Tilman, CHU ULg,
Liège, Belgique replace the “gold standard” with measures on random samples and results given
3 Service de biochimie et as protein/creatinine ratio or albumin/creatinine ratio, to decrease the variabi-
d’hormonologie, Hôpital Tenon, lity. The paper presents the populations where ratios are well correlated with
AP-HP, Paris, France protein excretion, the cut-off values recommended in clinical settings and the
4 Université de Liège, Service de chimie
limits of using ratio rather than 24 h excretion.
médicale, CHU Sart Tilman, CHU ULg,
Liège, Belgique Key words: protein/creatinin ratio, albumin/creatinin ratio
5 Département de biochimie et
hormonologie, CHU de Montpellier,
France
<[email protected]>

Article reçu le 09 octobre 2018,


accepté le 09 octobre 2018

L’élévation de l’excrétion de protéines dans les urines est pour le dosage des protéines totales ou celui des pro-
considérée comme un facteur de risque indépendant de téines spécifiques, l’inconvénient majeur que présentait le
maladie rénale et de maladie cardiovasculaire et sa mesure recueil des urines de 24 heures était son défaut de prati-
est recommandée pour le suivi des personnes identifiées cabilité. Des études assez anciennes ont d’ailleurs montré
comme étant à risque de développer de telles patholo- que les échantillons d’urines de 24 heures étaient consi-
gies [1]. Depuis une dizaine d’années, la « protéinurie des dérés comme incomplets dans 10 à 20 % des cas selon
24 heures » a progressivement laissé sa place de gold stan- les auteurs [2, 3]. Cependant, le recueil des urines sur la
doi:10.1684/abc.2018.1394

dard au ratio protéines sur créatinine urinaire. En effet, journée permet de s’affranchir des variations d’excrétion
quelle que soit la méthode de dosage utilisée, à la fois des protéines, notamment en période post-prandiale et en
fonction de la prise de boissons ou de l’activité physique.
Chez le jeune enfant, ce recueil est toutefois quasiment
Tirés à part : L. Piéroni irréalisable.
Pour citer cet article : Mariat C, Delanaye P, Bastard JP, Résimont G, Cavalier E, Piéroni L. Expression des résultats d’une protéinurie : le ratio protéines ou albumine sur
créatinine urinaire. Ann Biol Clin 2018 ; 76(6) : 643-50 doi:10.1684/abc.2018.1394 643
Dossier

Études chez les receveurs


Membres du groupe de travail mixte Société française
en transplantation rénale
de biologie clinique, Société francophone de néphrolo-
gie, dialyse et transplantation, Société de néphrologie Chez ces sujets, l’excrétion de protéines et d’albumine est
pédiatrique : Jean-Philippe Bastard, Marie-Christine associée à la maladie rénale active, à la perte du greffon et à
Beauvieux, Isabelle Benz-de Bretagne, Edith Bigot- la maladie cardiovasculaire [13-16]. Les recommandations
Corbel, Anne Boutten, Marie-Christine Carlier, Eli- des KDIGO en transplantation ont présenté les rapports
zabeth Caussé, Etienne Cavalier, Sophie Claeyssens, protéines sur créatinine (RPC) et albumine sur créatinine
Jean-Paul Cristol, Pierre Delanaye, Vincent Delatour, (RAC) comme une alternative raisonnable à la protéinurie
Soraya Fellahi, Marc Fila, Christophe Mariat, Nicolas exprimée en mg/24h [17]. Akbari et al. ont montré qu’une
Pallet, Franck Perrier, Laurence Piéroni, Elisabeth Plou- exactitude de 30 % (% des valeurs estimées dans les 30 %
vier, Christelle Roger, Sophie Séronie-Vivien de la valeur mesurée) permet aux cliniciens d’interpréter les
rapports P/C et A/C [18], étant donné que la variabilité jour-
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nalière de l’excrétion urinaire de protéines peut atteindre


37 % [19]. Ils préconisaient de recourir à la protéinurie des
Expression sous forme 24 h lorsqu’une décision doit être prise. Les mêmes auteurs
de ratio protéinurie ont proposé de remplacer le rapport P/C ou A/C par une
ou albuminurie/créatininurie estimation du rapport, obtenue par estimation de la créati-
nine urinaire plutôt que sa détermination, ce qui permettrait
L’alternative au dosage de la protéinurie des 24 heures de réduire le biais par rapport à la protéinurie des 24 h [20].
que représente le dosage des protéines dans un échantillon Cependant, cette pratique évaluée sur une cohorte de 180
non minuté (spot) et l’expression du résultat sous forme patients mériterait d’être confirmée.
d’un rapport protéines sur créatinine est désormais très uti-
lisé. En effet, la créatininurie, qui est un reflet de la masse
musculaire, est relativement constante sur une période de Études chez les donneurs de rein
24 heures. Le rapport albumine/créatinine permet donc
La détermination de l’albuminurie fait partie des compo-
d’apporter un facteur correctif aux variations de concentra-
sants de l’évaluation du risque per-opératoire et à long
tions urinaires (urines concentrées ou diluées). Rapporter
terme chez les donneurs de reins. L’évaluation initiale doit
l’albumine (ou le dosage de protéines totales) sur la créati-
se faire à partir du rapport A/C et pas sur le rapport P/C
nine permet aussi de limiter la variabilité intra-individuelle
(KDIGO donneur vivant). De plus, en cas d’impossibilité
observée en moyenne de 97 à 39 % [4].
de recueil des urines de 24 h, la confirmation peut être
En partant du principe que la variabilité de l’excrétion
faite sur un échantillon non minuté et sous forme de rap-
urinaire des protéines est moins importante que la perte
port A/C [21]. Ces recommandations KDIGO peuvent
d’informations liées à l’incertitude sur le recueil des urines
cependant être discutées, dans la mesure où une « impos-
sur une journée, de nombreuses études ont évalué cette
sibilité de recueil des urines de 24 h, pourrait, en soi,
pratique.
être source de questionnement quant à la « qualité » du
donneur.
Études chez les insuffisants rénaux chroniques
Certaines études n’ont trouvé qu’une corrélation modeste
Études chez les femmes enceintes
entre les rapports P/C et la protéinurie des 24h [5, 6]. Ying
et al. ont évalué récemment le rapport P/C contre la protéi- D’après certains auteurs, la présence d’une protéinurie ne
nurie des 24 h pour la prédiction de la survenue de critères serait pas nécessaire au diagnostic de pré-éclampsie, qui est
forts (décès, IRT ou diminution de plus de 30 % du DFG l’une des plus importantes complications de la grossesse
dans les 5 ans) dans une population de sujets atteints d’IRC et dont l’incidence globale s’élève à 4,6 % [22]. Cepen-
ou de patients en attente de transplantation. Les rapports dant, c’est le critère qui est le plus fréquemment associé à
P/C et A/C étaient équivalents à la protéinurie des 24 h [7]. l’hypertension [23]. Le rapport P/C est utilisé préférentiel-
Cette étude dans une population d’IR confirme les résultats lement à la protéinurie des 24 h, car il permet la détection
précédents [8, 9] obtenus dans des cohortes plus ou moins des événements indésirables de la grossesse [24, 25] et
importantes. D’autres travaux présentaient même les rap- que la valeur de la protéinurie n’est pas en elle-même un
ports P/C et A/C comme meilleurs pour la prédiction de la indicateur de mauvais pronostic. Le rapport A/C peut être
survenue de décès ou d’aggravation de la maladie que la utilisé avec la même efficacité pour détecter une protéinurie
protéinurie des 24 h [10-12]. significative selon la même équipe [26].

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Ratio protéines ou albumine sur créatinine urinaire

Études dans la population pédiatrique à ce stade, associé à un DFG normal (stade G1 : > 90
mL/min/1,73m2 ) ou légèrement diminué (stade G2 : 60 à
C’est dans cette population particulière que l’expression des 89 mL/min/1,73m2 ) est favorable.
résultats de protéinurie ou d’albuminurie sous forme de rap- Ce seuil de 30 mg/g ou 3 mg/mmol a été choisi car il est équi-
port sur la créatinine est la plus intéressante du point de vue valent au seuil de 30 mg/24h. L’expression des résultats en
pratique. Cependant, la très grande variabilité de l’excrétion mg/24h, donc après recueil des urines de 24 h, est présentée
urinaire de créatinine chez le jeune enfant rend la fiabilité comme la dernière étape de vérification d’une albuminurie
de ce rapport très incertaine. Certains auteurs, à l’instar positive, selon les KDIGO. Ce seuil n’est pas forcément
de ce qui a été proposé chez l’adulte, ont recommandé valable pour tous les âges, tous les genres ou toutes les
’utiliser l’estimation de l’excrétion urinaire de créatinine à ethnies [34]. Par ailleurs, il existe un continuum entre
partir de résultats d’équation [27, 28]. Cependant, comme l’excrétion d’albumine dans les urines et l’augmentation
pour l’adulte, les résultats obtenus sur cette cohorte de 220 du risque rénal ou cardiovasculaire et une concentration
patients doivent être confirmés à plus large échelle.
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d’albumine urinaire inférieure à 30 mg/g n’est pas forcé-


ment « normale » [35].
Études dans la population de diabétiques Dans le chapitre 3 Management de la progression et des
La présence d’une albuminurie est prédictive d’insuffisance complications de la MRC, on se réfère cette fois-ci au seuil
rénale chez le diabétique de type 1 et 2. Les recom- exprimé en mg/24h ou équivalent, ce qui place le ratio au
mandations de l’American diabetes association ou de même niveau que l’excrétion par 24 h (paragraphes Dia-
l’International diabetes federation concernant la mesure de bétiques et non diabétiques avec ACR < 30 mg/24h ou
l’albumine urinaire préconisent l’expression des résultats équivalent ; Diabétiques et non diabétiques avec ACR 30 à
sous forme de rapport sur la créatinine [29, 30]. Les recom- 300 mg/24h ou équivalent ; Diabétiques et non diabétiques
mandations émises par la Haute autorité de santé (HAS) avec ACR > 300 mg/24h ou équivalent).
dans le référentiel de prévention et dépistage du diabète Enfin, dans le chapitre 5 Orientation vers des spécialistes
de type 2 et des maladies liées au diabète préconisent éga- et modèles de prise en charge, les différents stades de MRC
lement le rapport albumine sur créatinine urinaires pour nécessitant des prises en charge différentes sont définis uni-
le dépistage de la maladie rénale chronique chez le sujet quement à partir des seuils exprimés en ratios (figure 2). La
diabétique de type 2 [31]. HAS a proposé en 2012 un tableau présentant les équiva-
lences entre les différents seuils selon les modes de recueil
Études dans la population d’hypertendus et les méthodes de dosage utilisés (tableau 1) [36].
Comme critère de contre-indication au don de rein figure la
Chez l’hypertendu, le bilan initial selon la HAS com-
protéinurie > 300 mg/24h ou exprimée sous forme de ratio
porte une recherche de la protéinurie sans précision de la
> 200 mg/g [37].
méthode, ni de l’expression des résultats [32]. Il est toute-
fois précisé que le rapport albumine sur créatinine urinaires
ne se justifie pas chez le sujet hypertendu sauf s’il est diabé- Diabète
tique non protéinurique. Ceci sous-entend une expression Les recommandations de la HAS (prévention tertiaire - sur-
du résultat sous forme de rapport sur la créatinine. veillance rénale), présentées dans le tableau 2, indiquent
les mêmes seuils d’albumine urinaire pour le dépistage
Choix des seuils décisionnels de l’insuffisance rénale chronique chez tous les sujets et
complètent avec des seuils proposés pour le dosage de la
Maladie rénale chronique protéinurie à des situations particulières [38].
Depuis la publication des recommandations des KDIGO en
Grossesse
2012 [33], les seuils définissant la maladie rénale chronique
sans atteinte du débit de filtration glomérulaire (DFG) sont Les recommandations de la HAS pour le suivi et
appliqués (figure 1). l’orientation des femmes enceintes en fonction des situa-
Dans le chapitre 1 Définition et classification de la MRC, la tions à risque identifiées proposent d’évaluer la protéinurie
détermination de l’albuminurie tient une place importante à chaque consultation de suivi, sans préciser le seuil
puisqu’elle permet de grader l’atteinte rénale. Une concen- [39]. Les conférences de consensus des sociétés classent
tration < 30 mg/g ou 3 mg/mmol de créatinine définit ainsi l’HTA gravidique après 20 SA en pré-éclampsie lorsque
le premier stade A1 (sans recourir au recueil des urines de l’HTA est associée à une protéinurie > 300 mg/24h.
24 h). À ce stade, l’albuminurie est dite normale ou légè- Une protéinurie > 5 g/24h traduisant une atteinte rénale,
rement élevée. Le pronostic de maladie rénale chronique, permet d’identifier une pré-éclampsie sévère [40]. Plus

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Dossier
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Figure 1. Classification des stades de la maladie rénale chronique selon les KDIGO.

Figure 2. Recommandations pour la prise en charge des patients atteints de MRC selon les KDIGO.

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Ratio protéines ou albumine sur créatinine urinaire

Tableau 1. Dosages urinaires des protéines et de l’albumine : tests et expressions équivalentes du Guide du parcours de soins - Maladie
rénale chronique de l’adulte de la HAS.

Dosage de la protéinurie Dosage de l’albuminurie

Bandelette P/C Protéinurie/24 h* A/C Albuminurie/24 h1


Négative Négative Négative
< 3 mg/mmol < 30 mg/24 h
(≈ 30 mg/g)
NA Négative
Traces < 500 mg/24 h Positive Positive
3 à 30 30 à 300
mg/mmol2 mg/24 h2
(≈ 30 à 300
mg/g2 )
> 30 mg/mmol3 > 300 mg/24 h3
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Positive Positive
> 50 mg/mmol > 500 mg/24 h (≈ 300 mg/g)
(≈ 500 mg/g)
Positive
Sévère Sévère Sévère Sévère
≥ 1+
> 100 mg/mmol > 1 g/24 h > 70 mg/mmol > 700 mg/24 h
(≈ 1 g/g) (≈ 700 mg/g)

NA : non applicable ; A/C : rapport albuminune/créatininurie, dosage réalisé à partir d’échantillon urinaire ; P/C : rapport protéinurie/créatininurie, dosage
réalisé à partir d’échantilion urinaire ; 1 Recueil des urines de 24 h : au temps T0, vider sa vessie puis, à partir de ce moment-là, recueillir TOUTES les urines
pendant 24 heures, jour et nuit, jusqu’à T0 + 24 h où une dernière vidange de la vessie dans le flacon de recueil sera réalisée ; 2 Valeurs correspondant à une
« microalbuminurie », significatives sur le plan clinique et en conséquence définies comme seuil de positivité chez le diabétique [51]. Une valeur intermédiaire
entre celle définie habituellement chez l’homme (2,5 mg/mmol ou 25 mg/g) et chez la femme (3,5 mg/mmol ou 30 mg/g) est proposée pour simplifier ; 3 Valeurs
correspondant à une albuminurie « clinique », significatives sur le plan clinique et en conséquence définies comme seuil de positivité de l’albuminurie chez le
non-diabétique [51].

Tableau 2. Recommandations de la HAS pour le dépistage de l’insuffisance rénale chronique chez le diabétique.

Dosage de la protéinurie Dosage de l’albuminurie

Bandelette Protéinurie Protéinurie Albuminurie Albuminurie


/créatinurie* des 24 heures /créatinurie* des 24 heures
Négative < 3 mg/mmol Négative
(≈ 30 mg/g) < 30 mg/24 h
Non applicable Négative
Traces < 500 mg/24 h Positive Positive
(microalbuminurie) 30 à 300 mg/24 h
3 à 30 mg/mmol†
(30 à (300 mg/g)
Positive Positive Positive > 300 mg/24 h
> 50 mg/mmol > 500 mg/24 h (albuminurie)
(« 500 mg/g) > 30 mg/mmol
Positive (≈ 300 mg/g)
> 1+
Sévère Sévère Sévère Sévère
> 100 mg/mmol > 1 g/24 h > 70 mg/mmol > 700 mg/24 h
(≈ 1 g/g) (≈ 700 mg/g)
*
Dosage sur un échantillon urinaire recueilli à tout moment de la journée ; † Selon le profil du sujet (diabétique ou non diabétique).

récemment, ces données ont été revues par la Société Limites de l’utilisation
française d’hypertension artérielle, en collaboration avec le du rapport P/C ou A/C
Collège national des gynécologues et obstétriciens français
(CNGOF). La définition de la pré-éclampsie inclut désor- Comme déjà évoqué, le problème majeur de l’utilisation
mais le ratio protéinurie/créatininurie > 30 mg/mmol ou du rapport P/C ou A/C est sa très grande variabilité intra-
> 300 mg/g et le seuil de définition de l’atteinte rénale individuelle, variabilité d’autant plus importante que la
sévère est diminué à 3 g/24h [41]. concentration de protéines et d’albumine est basse. Naresh

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Dossier

illustre ainsi les variations devant être atteintes chez un La HAS en 2011 [49] avait conclu, pour pallier ces limites :
même individu pour être considérées comme cliniquement – pour le dépistage de la maladie rénale, la détermination
significatives : pour un sujet sans albuminurie la variation de l’excrétion urinaire de protéine ou d’albumine doit être
doit être de 467 %, pour un sujet microalbuminurique, la réalisée à partir d’un échantillon urinaire pouvant être pré-
variation doit être de 170 %, pour un sujet albuminurique, levé à tout moment de la journée, et le résultat doit être
la variation doit être de 83 % et pour un sujet néphro- exprimé sous la forme d’un ratio protéinurie/créatininurie
tique la variation doit être de 48 % [42]. Cette variabilité (P/C) ou albuminurie/créatininurie (A/C) dans les unités du
intra-individuelle de l’albuminurie (et de la protéinurie) système international (mg/mmol). Le recueil des urines des
impose qu’un résultat positif doive toujours être confirmé 24 heures n’est pas nécessaire ;
par un second, voire un troisième prélèvement. Idéalement, – pour le dépistage de la MR, la présence d’une albuminurie
la seconde analyse sera réalisée dans des conditions plus positive devra être confirmée 1-2 fois sur une période de
favorables, comme un échantillon sur les premières urines 6 mois étant donné les facteurs de variation individuels tels
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du matin ou sur des urines de 24 heures [4, 33]. En effet, le l’exercice physique, fièvre, infection, orthostatisme ;
premier échantillon urinaire du matin peut être préféré à un – le compte rendu du laboratoire devra porter à la fois
échantillon aléatoire pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la valeur de l’albuminurie et de l’ACR dans le système
la corrélation de la protéinurie mesurée sur urines du matin d’unités retenu mg/mmol, ainsi que les seuils décisionnels
et sur recueil des 24 heures est meilleure que celle que définis.
l’on peut observer avec l’échantillon aléatoire sur la journée
[43]. Il permet également d’exclure une protéinurie ortho-
statique qui est un phénomène bénin [44]. Une mesure de
protéinurie ou d’albuminurie sur échantillon doit impéra- Conclusion
tivement être accompagnée d’une mesure de la créatinine
urinaire [45]. Cependant, ces avantages doivent être mis La place de la protéinurie (ou de l’albuminurie) dans le
en balance avec une moindre praticabilité par rapport à un diagnostic, l’évaluation de la sévérité de nombreuses patho-
échantillon aléatoire [43]. Dès lors, la priorité peut être don- logies n’est plus à démontrer. Cependant, la difficulté de
née aux premiers échantillons du matin mais, à défaut, la ce dosage liée à la variabilité intra-individuelle d’un tel
mesure sur spot aléatoire semble tout à fait acceptable et analyte dans un milieu complexe comme l’urine impose la
acceptée [46]. recherche de référentiels établis au « cas par cas ».
Rappelons également que l’excrétion de la créatinine Le « gold standard » de la mesure de la protéinurie dans les
est dépendante de facteurs indépendants du rein. Il est urines recueillies pendant 24 h n’est pas fiable, en pratique
très important de garder cet aspect à l’esprit lors de clinique ambulatoire. Le recueil étant entaché d’erreurs,
l’interprétation de l’ACR, en particulier chez les patients même si la méthode de dosage était parfaite, le résultat ne
âgés ou avec des masses corporelles très faibles. En effet, serait pas pour autant correct.
une créatininurie basse, en place de dénominateur, don- De ce fait, l’évaluation de la protéinurie par le ratio pro-
nera une importante augmentation du rapport sans qu’une téinurie sur créatininurie apparaît plus que satisfaisante
protéinurie pathologique ne puisse être réellement présente dans de nombreuses situations. Malgré cela, pour amé-
[47]. À l’inverse, le rapport albuminurie/créatininurie sous- liorer les performances des ratios, il faudrait pouvoir les
estimerait l’excrétion de l’albuminurie chez les individus évaluer selon les mêmes règles que celles qui ont permis
musclés, comme par exemple des jeunes hommes afro- de déterminer les équations d’estimation du DFG, telles
américains, alors qu’il la surestimerait chez des femmes que :
âgées avec faible masse musculaire. Cela a bien été illustré – disposer d’une méthode de référence avec un recueil des
par Fotherhingham chez le sujet obèse qui a aussi une créa- urines de 24 h standardisé ;
tininurie plus élevée. Pour un même niveau d’albuminurie – évaluer les ratios dans différentes populations ciblées ;
sur 24 h, un rapport A/C de 30 et 300 mg/g chez un sujet – doser les paramètres avec une méthode de dosage traçable
avec IMC normal correspondra un rapport A/C de 23 et contre un matériel de référence.
230 mg/g chez un sujet avec un IMC > 35 kg/m2 [48]. Dans Ces pistes d’amélioration de la mesure du ratio protéinu-
ces cas précis, on peut être amené à préférer une mesure sur rie ou albuminurie/créatininurie, évoquées par Inker [50],
recueil des urines de 24 h. De même, on sera particulière- pourraient aider les cliniciens dans la prise en charge de
ment attentif, et on peut recommander une seconde mesure, leurs patients.
voire un recueil des urines de 24 heures, pour les résultats
d’échantillons obtenus sur des urines très concentrées ou, à Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
l’inverse, très diluées. lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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Ratio protéines ou albumine sur créatinine urinaire

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