Arnaud Mercier - Le Journalisme
Arnaud Mercier - Le Journalisme
Arnaud Mercier - Le Journalisme
DOI : 10.4000/books.editionscnrs.13893
Éditeur : CNRS Éditions
Année d'édition : 2009
Date de mise en ligne : 20 août 2019
Collection : Les essentiels d'Hermès
ISBN électronique : 9782271121752
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782271068071
Nombre de pages : 168
Référence électronique
MERCIER, Arnaud (dir.). Le journalisme. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : CNRS Éditions,
2009 (généré le 29 août 2019). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/editionscnrs/13893>. ISBN : 9782271121752. DOI :
10.4000/books.editionscnrs.13893.
ARNAUD MERCIER
Professeur en sciences de l'information et la communication à
l'Université de Metz et membre de la rédaction en chef d'Hermès, a
dirigé le laboratoire Communication et politique du CNRS de 2004
à 2006. Ses recherches portent sur le journalisme, le traitement de
l'information et la communication politique.
SOMMAIRE
Présentation générale
Regard sociologique sur le métier et regard critique sur ses pratiques
Arnaud Mercier
Bibliographie sélective
Glossaire
Les auteurs
Présentation générale
Regard sociologique sur le métier et regard critique sur ses pratiques
Arnaud Mercier
NOTE DE L’ÉDITEUR
Les termes repris dans le glossaire sont suivis d’une*.
Les textes qui suivent ont été retravaillés pour des raisons éditoriales.
Cet ouvrage a bénéficié des précieux conseils d’un des meilleurs
spécialistes de ces questions, François Heinderyckx, qu’il soit ici
remercié.
1 L’étude du journalisme implique deux approches complémentaires, qui
cadrent parfaitement avec le projet éditorial de la revue Hermès. L’une
s’apparente à une sociologie de la profession, traquant ses évolutions,
ses pratiques, son identité, son histoire 2 ; l’autre concerne l’analyse
qui peut être faite des logiques sociales et professionnelles à même
d’expliquer la production journalistique, d’aider à décrire, analyser et
critiquer les informations diffusées par les médias. On a donc un regard
compréhensif sur le métier de journaliste qui fait face à un regard
critique sur certaines pratiques journalistiques. On retrouve la première
approche dans tout le no 35 d’Hermès (2003), entièrement consacré à
l’analyse de la profession de journaliste, dirigé par un des meilleurs
spécialistes français de la question, Jean-Marie Charon (Charon, 2007),
et par moi-même. Ce dossier présente les principaux résultats de
l’enquête décennale sur la carte professionnelle des journalistes,
souligne les principales évolutions (féminisation, éclatement des
supports et des missions, précarisation, perte de prestige social), établit
des comparaisons utiles avec d’autres pays (Belgique, Grande-Bretagne,
Canada) mais aussi avec d’autres « professions intellectuelles »
(documentalistes, universitaires, avocats).
2 La seconde approche se retrouve disséminée dans de nombreux
numéros, tant il est vrai que la question de la médiatisation est toujours
une clé de lecture des faits étudiés dans Hermès, que ce soit pour
analyser la dérision (P. Lefébure, Hermès no 29, 2001), les rituels
cathodiques et politiques (D. Dayan, Hermès, no 4, 1989, M. Abélès,
no 8-9, 1991, J. Bourdon, no 11-12, 1993), la guerre (D. Hallin, no 13-
14, 1994), la science (de Cheveigné, no 21, 1997), ou encore l’économie
(G. Leblanc, no 44, 2006).
3 La sélection que nous proposons ici rend compte des deux approches, et
offre un panorama large et complet de ce que le regard empirique* peut
nous aider à comprendre de l’information journalistique pour nourrir
une indispensable analyse critique des pratiques d’information. En effet,
compte tenu du rôle éminent que jouent les médias dans les
développements contemporains de l’espace public, les journalistes ne
peuvent opérer sans s’abstraire d’un esprit de responsabilité et sans se
soumettre à la critique, savante comme populaire.
4 La revue Hermès a toujours su développer ce regard critique empreint
d’un esprit compréhensif, loin des discours de dénonciation et d’une
sociologie critique qui fait la part belle aux théories du complot et de la
connivence généralisée. Si l’analyse détaillée de la production
journalistique permet de mettre en évidence des biais dans le traitement
de l’information, elle gagne peu de chose à postuler qu’ils sont le fruit
d’une intention maligne des journalistes. Écartons également
l’hypothèse d’un manque de formation intellectuelle. Les journalistes
sont très – et de plus en plus – diplômés.
5 Il apparaît donc plus fécond et plus pertinent de voir dans les dérives
constatées les conséquences du fonctionnement du système de
production de l’information. Les contraintes dans lesquelles les
journalistes évoluent les mettent régulièrement à la faute. Comme le
souligne Patrick Charaudeau, l’information offerte est le produit « d’une
machine à informer complexe et incontrôlable » où la maîtrise du
journaliste individuel fait défaut par rapport à la machinerie collective :
« L’événement à l’état brut subit une série de transformations-
constructions depuis son surgissement. Qu’il soit – au mieux – perçu
directement par des journalistes ou qu’il soit rapporté par des
intermédiaires, il fait l’objet d’une interprétation, puis il entre dans la
machine à informer, passe par une série de filtres constructeurs de sens,
et le récit qui en résulte, ainsi que son commentaire échappent à
l’intentionnalité de son auteur » (Charaudeau, 2005).
La connivence politico-médiatique 5
Certaines particularités dommageables du journalisme français en
matière politique sont connues de longue date. Elles ne sont
d’ailleurs pas toutes propres au traitement de ce secteur d’actualité.
La couverture de tout domaine d’activité implique la fréquentation
assidue de ses acteurs. Des liens personnels se tissent ; des
sympathies se forgent. Le manque de distanciation entraîne au
mieux une forme de myopie ; au pis, une connivence ; parfois une
complicité. Ce travers est plus accentué qu’ailleurs dans le
champ* politique. Par obligation, hommes et femmes politiques
savent séduire. Les journalistes ne sont pas insensibles à cette
séduction, d’autant que leur recrutement n’échappe pas à
l’endogamie. Il y a une évidente consanguinité entre les politiques
et ceux qui sont chargés de les observer. Ils sont fréquemment issus
des mêmes milieux, et souvent des mêmes écoles. Ils partagent la
même culture, les mêmes codes, les mêmes références. Par goût
autant que par obligation, ils fréquentent les mêmes lieux. Souvent,
hors des studios, ils se tutoient. Il peut même arriver que certains
journalistes imaginent influencer le cours des événements et rêvent
de jouer les éminences grises, passant alors de l’autre côté du
miroir… Les effets pervers de cette grande proximité sont accrus
par une tradition de déférence à l’égard de tous ceux qui occupent
une fonction publique. Cette déférence a imprégné la société :
l’expérience montre, à la télévision notamment, qu’un
questionnement pointu, insistant, est considéré comme agressif, et
se retourne contre « l’agresseur », blâmé non sur le fond mais sur
la forme. La société républicaine est monarchique dans son
comportement : le roi doit être respecté, les roitelets aussi.
Un fait tragique
L’intérêt du public
La mode
L’urgence
Plan de l’ouvrage
40 Pour rendre compte de la complexité de la recherche sur le journalisme,
nous avons croisé quatre approches :
a. une approche globale. Le texte de D. Wolton remet en perspective l’évolution du métier de
journaliste avec les transformations contemporaines de l’espace public.
b. une approche sociographique. Il s’agit d’interroger les caractéristiques de la profession de
journaliste. Le texte de C. Leteinturier présente les résultats de la dernière enquête
décennale sur les titulaires de la carte de presse, en pointant les évolutions du métier.
c. une approche par les pratiques journalistiques. Le texte de J. Charron revient sur la notion
d’agendasetting et questionne ainsi la relation des journalistes à leurs sources. L’article de
P. Riutort remet en perspective les évolutions du journalisme à travers la figure du
journalisme économique, pendant que celui de Jean-Marie Charon fait de même avec le
journalisme politique.
d. une approche critique. P. Champagne dresse un panorama complet et très instructif des
diverses contraintes sociales et contradictions dans lesquelles les journalistes doivent
évoluer.
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques citées
Beharrell , P., Philo , G., Trade Unions and the media, Londres, McMillan, 1977.
Borjesson, K., (dir.), Black list : quinze grands journalistes américains brisent la loi du silence,
Paris, Les Arènes, 2003.
Brin C., Charron J., de Bonville J. (dir.), Nature et transformation du journalisme. Théorie et
recherches empiriques, Sainte Foy, Presses de l’Université Laval, 2004.
Charaudeau, P., Les médias et l’information. L’impossible transparence du discours, Bruxelles,
De Boeck, INA, 2005.
Glasgow University Media Group, Bad news (Vol. 1), 1976, More bad news, (Vol. 2), Londres,
Routledge and Keagan, 1980.
Heinderyckx, F., La malinformation, Bruxelles, éditions Labor, 2003.
Pean, P., Cohen, P., La face cachée du monde, Paris, Mille et une nuit, 2003.
Tuchman , G., Making news, a study in the construction of reality, New York, Free Press, 1978.
NOTES
2. voir Mathien, M., « Les journalistes et le pacte républicain. Les fondements historiques de la
profession », in Hermès no 5, Paris, CNRS éditions, 2003, p. 121-130 et aussi Mercier, A.,
« L’institutionalisation de la profession de journaliste », in Hermès no 3-14, Paris, CNRS
Éditions, 1994, p. 219-235.
3.Lavigne, A., « L’omniprésence des relationnistes. Des relations de presse stratégiques aux
pratiques hors du contrôle des journalistes », in Pratiques novatrices en communication
publique, journalisme, relations publiques et publicité, Laval, Presses de l’Université de Laval,
2005, p. 103-126.
4. Traduction française (Réseaux, no 1, 1992, p. 75-99).
5. Extrait de Duroy, A., « Les liaisons dangereuses du journalisme et de la politique », in
Hermès no 5, Les journalistes ont-ils encore du pouvoir ?, Paris, CNRS éditions, 2003, p. 131-
136.
6.Mercier, A., « Logiques journalistiques et lecture événementielle des faits d’actualité », in
Hermès no 6, Paris, CNRS Éditions, 2006, p. 23-35.
7. « Outreau, la nouvelle donne journalistique », in Libération, 14 mars 2006.
8. Chiffres cités par Esther Duflo, « L’aide au prorata des médias », in Libération, 21 novembre
2005. Elle montre que l’ampleur des dons internationaux a été directement affectée par le niveau
de couverture médiatique des catastrophes survenues depuis un an.
9. Voir les travaux pionniers sur ce qui fait la valeur d’une information pour les journalistes (la
« newsworthiness ») : Galtung, J., Ruge, M., « The structure of foreign news » Journal of
International Peace Research, 1, 1965, p. 64-91.
10. http://www.digitalcenter.org/pdf/2008-Digital-Future-Report-Final-Release.pdf, p. 2.
11.Carton, D., « Bien entendu, c’est off ! », Ce que les journalistes politiques ne racontent
jamais, Paris, Albin Michel, 2003.
12.Mercier, A., « Judith Miller ou le blanchiment de l’information sale », Les cahiers du
journalisme, no 6, automne 2006, p. 220-233.
13. Miller , J., « A personnal account. My four hours testifying in the Federal Grand Jury
room », The New York Times, 16 octobre 2005, p. 31.
14.Demers, F., « La convergence comme nouvelle pratique journalistique », in Pratiques
novatrices en communication publique, journalisme, relations publiques et publicité, Laval,
Presses de l’université de Laval, 2005, p. 77-101.
15. McChesney , R., « The problem of journalism, a political economic contribution to an
explanation of the crisis in contemporary US journalism », Journalism studies, vol. 4, n o , août
2003, p. 299-329.
16.Klinenberg, E., « Journalistes à tout faire de la presse américaine », Le Monde diplomatique,
février 1999, p. 7.
AUTEUR
ARNAUD MERCIER
NOTE DE L’ÉDITEUR
Reprise du no 35 de la revue Hermès, Les journalistes ont-ils encore du
pouvoir ?, 2003
1 Les journalistes sont apparemment les grands vainqueurs de ce demi-
siècle. Et ce pour quatre raisons liées aux valeurs, à la technique, à
l’économie et à la culture.
2 Pour les valeurs, le changement est considérable, même si on l’oublie
trop souvent. Dans l’affrontement Est-Ouest, les valeurs de liberté et
démocratie l’ont emporté. La liberté de la presse est devenue l’horizon
de la communauté internationale, et même si elle n’est pas toujours
respectée, loin s’en faut, la valeur en est acceptée. Ce sont les régimes
autoritaires et dictatoriaux qui doivent maintenant se justifier. Presque
partout, au prix parfois de leur vie, les journalistes travaillent dans le
monde.
3 La deuxième victoire, après celle des idées, est celle des techniques. Les
satellites, la radio, la télévision et Internet permettent maintenant de
produire et d’envoyer des informations, presque en temps réel, de
n’importe quel coin du monde. Impensable il y a encore trente ans. Le
village global, pour l’information-presse, est devenu une réalité. La
mondialisation de l’information, surtout pour les pays du Nord, est l’un
des changements les plus spectaculaires des trente dernières années.
4 La troisième rupture est économique. Les industries de l’information et
de la communication sont en pleine expansion au plan mondial. Les
quatre plus grandes multinationales ne sont-elles pas les industries de la
communication dans lesquelles on trouve à la fois des journaux, des
radios, des télévisions, des maisons d’édition, du cinéma, de la musique,
des logiciels ? Dans toutes ces industries, la presse joue un rôle certain
et les emplois existent. Le nombre de journalistes dans le monde, et
particulièrement dans les pays occidentaux, a presque triplé en deux
générations. Cela ne veut pas dire que le métier s’exerce facilement, car
les pressions sont proportionnelles à l’élargissement du champ* de
l’information et aux concentrations, fusions et restructurations de plus
en plus nombreuses, mais cela veut dire au moins que c’est un secteur
dynamique qui permet d’absorber – ce qui a toujours été sa force – des
individus venant d’horizons différents.
5 Enfin, quatrième victoire d’ordre culturel. Les journalistes sont un peu
les héros des temps modernes, en tout cas fortement identifiés et
valorisés par rapport aux hommes politiques, entrepreneurs,
enseignants… Ils sont omniprésents dans la vie publique, culturelle et
politique. Tout accès à la communication passe par eux, ce qui leur
confère un pouvoir réel. D’autant que l’idée de liberté, de contre-
pouvoir, d’information, est au cœur de la culture contemporaine et les
journalistes en sont le symbole.
6 Néanmoins, toutes ces victoires posent de redoutables défis à une
profession inévitablement fragile, parce que composée d’individus.
D’autant que les journalistes travaillent sur l’information, qui n’est
jamais une donnée naturelle, mais une donnée construite par des
hommes, à destination d’autres hommes, et dont personne ne sait jamais
comment elle est reçue. Les journalistes ont donc apparemment du
pouvoir, ils en ont d’ailleurs, mais leur action est beaucoup plus difficile
qu’ils ne le croient, ou même le disent. Et surtout, leur légitimité*
s’effrite presque proportionnellement à leur visibilité. L’un des risques
est de confondre la visibilité, et parfois le prestige dont ils sont l’objet,
avec la réalité de leur métier.
7 En réalité, la profession est confrontée à cinq défis qui sont autant liés à
la victoire d’une certaine conception de l’information qu’aux
contradictions d’une profession qui, pour l’instant, a surfé sur les
mutations qui lui ont été favorables, plutôt qu’elle n’a essayé de les
maîtriser.
L’emprise de l’économie
12 Globalement, le secteur de l’information et de la communication est en
pleine expansion économique, mais davantage du côté des possibilités
offertes par les systèmes d’information liés aux nouvelles technologies
et aux réseaux à haut débit, que du côté des médias traditionnels. Si la
radio peut être lucrative, la télévision l’est moins, la presse quotidienne
très peu, la presse magazine et spécialisée beaucoup plus. Autrement
dit, c’est à la fois un secteur dans lequel il y a beaucoup d’argent en
circulation et où l’économie stricte de l’information-presse reste fragile.
Difficile pour les journalistes de se repérer dans ce gigantesque
malstrom économique. Ils en bénéficient souvent, sur le plan
professionnel, même si les conditions d’emplois restent précaires, et
même si le milieu perçoit, confusément, ce glissement de logique où
l’économie s’impose de plus en plus, modifiant le cœur du métier.
13 Le décalage entre la forte culture politique des journalistes, et leur faible
culture économique – nécessaire pour préserver leur place et leur
autonomie, dans un secteur en pleine restructuration – est accentué par
ce changement de statut de l’information dont on ne parle pas assez. Il y
a d’une part une réalité de l’information devenue une marchandise dans
une économie généralisée de la société de l’information, et d’autre part
la subsistance d’un discours classique et important sur la liberté de la
presse. Comme si le changement de statut de l’information, dans
l’économie, n’avait pas d’impact sur la conception de l’information-
presse, ou comme si on pouvait réduire cette question de l’information,
devenue marchandise, à la problématique classique de la liberté
politique de l’information.
14 Hier, l’information était avant tout une valeur politique, et elle était
finalement vendue à un prix relativement modeste. Aujourd’hui, c’est
l’inverse. L’information est abondante, mais vendue de plus en plus cher
aux publics destinataires de plus en plus ciblés, car on est passé d’une
conception politique à une conception économique de l’information. Il y
a d’ailleurs un paradoxe. Soit l’information est de plus en plus chère,
soit elle est gratuite, avec l’essor de la presse gratuite. Ce qui, dans les
deux cas, illustre le changement du cadre de référence. La presse écrite
est confrontée, à la gratuité, et à l’opposé, pour les systèmes
d’information, on voit une segmentation des marchés et la montée des
prix. Il y a d’une part une économie de l’information qui se met en place
au plan mondial, et qui tend à faire payer de plus en plus cher toutes les
informations rares ou utiles, et il y a d’autre part, sous couvert de
« démocratie » – en réalité d’économie de la publicité – la tendance à
développer des journaux gratuits.
15 Dans les deux cas, c’est le même phénomène. C’est le concept
d’information politique liée à une bataille d’émancipation qui est battu
en brèche. L’information payante ramène à l’idée du lien qui existe
depuis toujours entre information et pouvoir. L’information gratuite à la
dévalorisation du concept même d’information citoyenne. Il y a donc
banalisation et changement de statut de l’information.
AUTEUR
DOMINIQUE WOLTON
NOTE DE L’ÉDITEUR
Reprise du no 35 de la revue Hermès, Les journalistes ont-ils encore du
pouvoir ?, 2003
Statuts des journalistes titulaires de la carte de presse en 2000, 2006 et 2008. (Source Carte
d’Identité des Journalistes Professionnels, CCIJP)
Dont premières demandes 2 180 (dont 307*) 1 979 (dont 303*) 2 162 (dont 322*)
Évolution de la part des pigistes parmi les journalistes français de 1955 à 2008 (source
CCIJP)
1990 26 614 15
1999 31 903 18
2003 35 539 18
Salaires mensuels conventionnels bruts de base en Euros (source Syndicat National des
Journalistes, SNJ)
Répartition hommes femmes lors de premières demandes de cartes entre 2000 et 2008
(source CCIJP)
Arnaud Mercier
100 % 100 %
% et effectifs 31 903 100 % 12 546 19 447
(39 %) (61 %)
Télévisions
28,5 5,5
régionales
Radios nationales 26,1 3,3
Agences mondiales
26 3,1
d’information
Télévisions
21,6 3,5
nationales
Presse quotidienne
15,7 7,4
nationale
Journalistes diplômés des écoles agréées titulaires de la carte 1999 – Présence dans les
effectifs des médias (en % de l’ensemble des actifs)
3 810 30 619
Rappel effectif total et en %
12,2 % 100 %
26 Les journalistes diplômés des écoles agréées occupent donc, en général
des positions apparemment plus favorables que la moyenne des
journalistes. Cela se traduit bien sûr par des éléments matériels
mesurables (accès à des positions cadres plus facile, revenus plus
élevés) mais aussi des éléments symboliques, à savoir l’accès aux
médias qui occupent le haut d’une hiérarchie implicite dont les critères
d’organisation seraient d’une part la visibilité nationale ou
internationale et d’autre part la proximité au monde politique.
27 Cette analyse des données statistiques de la CCIJP confirme donc
l’hétérogénéité de la profession, qui apparaît relativement éclatée et
moins unie qu’on ne le croit. Cependant, l’analyse statistique n’offre
qu’une photographie globale de la profession, mais les situations
individuelles sont loin d’être aussi « prédéterminées » que ce qu’elle
suggère car ces positions individuelles s’expliquent aussi par les
dimensions subjectives qui ont présidé, pour chaque journaliste, au
choix de cette profession et à la façon dont, ensuite, cette carrière et ses
conditions d’exercice sont perçues et gérées.
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
Devillard, V., Lafosse, M.-F., Leteinturier, C., Rieffel, R., Les Journalistes français à l’aube
de l’an 2000. Profils et parcours, ed. Panthéon-Assas, LGDJ, 2001.
Ruellan, D., Marchetti, D., Devenir journalistes. Sociologie de l’entrée sur le marché du
travail, Documentation française, 2001.
NOTES
1. Site de la CCIJP [www.ccijp.org].
2. Les données présentées ici concernent l’ensemble des journalistes titulaires de la carte de
presse 1999, ce qui ne recouvre pas totalement l’ensemble de ceux qui exercent des fonctions
journalistiques.
3. Tout nouvel entrant dans la profession relève de la position de « stagiaire » pendant deux ans.
Toutefois les diplômés des écoles reconnues ne sont stagiaires qu’un an et certaines
spécialisations techniques (photographe par exemple ou JRI) permettent l’accès direct à la
position de titulaire.
4. Cf. site [www.snj.fr].
5. Direction du développement des médias, Tableaux statistiques de la presse. Édition 2001,
Documentation française, 2001.
6. Service juridique et technique de l’information et de la communication, Indicateurs
statistiques de la radio, 1999.
AUTEUR
CHRISTINE LETEINTURIER
Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, à l’Université Paris
II et Directrice adjointe de l’Institut Français de Presse.
Médias et sources : Les limites du
modèle de l’agenda-setting
Jean Charron
NOTE DE L’ÉDITEUR
Reprise du no 17/18 de la revue Hermès, Communication et politique,
1995.
1 Une des hypothèses les plus florissantes dans la recherche
contemporaine sur les effets des médias est celle dite de l’« agenda-
setting ». La notion d’agend asetting désigne un modèle qui établit une
relation causale entre l’importance que les médias accordent à certains
sujets (issues) et la perception qu’ont les consommateurs de nouvelles
de l’importance de ces sujets. Les médias influencent l’ordre du jour des
affaires publiques dans la mesure où le public ajuste sa perception de
l’importance relative des sujets à l’importance que les médias leur
accordent.
2 Cette idée, qui a été formalisée et testée pour la première fois par
McCombs et Shaw 1 , a ouvert la voie à un important courant de
recherche en communication politique. La recherche classique en ce
domaine consiste à comparer l’agenda des médias (les thèmes abordés
par les médias et l’importance qu’ils leur accordent) avec l’agenda du
public (mesuré par des enquêtes où l’on demande aux gens de dire quels
sont à leur avis les problèmes les plus importants auxquels la société fait
face), pour tenter de dégager une relation de causalité entre les deux.
3 Au fil des ans, les chercheurs ont précisé le modèle en testant plusieurs
variables intermédiaires : le type de médias (les effets respectifs du
journal et de la télévision), le type de thèmes (plus ou moins
controversés, familiers, complexes ou abstraits), le degré d’information
préalable des personnes interrogées, le degré d’intérêt pour la politique
(et celui de participation à la politique), les habitudes de consommation
des médias, etc.
4 L’hypothèse d’un effet d’agenda-setting des médias sur le public est
maintenant généralement admise, bien que les corrélations nulles, les
observations incompatibles avec l’hypothèse et les conclusions
incertaines qui abondent dans la littérature, indiquent que ces effets sont
contingents.
5 L’idée que les médias parviennent, dans une certaine mesure, à dicter
l’ordre des préoccupations des citoyens, soulève plusieurs questions
fondamentales : l’agenda-setting n’affecte-t-il pas aussi les jugements
ou les attitudes des gens à l’égard des objets hiérarchisés par les
médias ? Quelle est l’autonomie des médias dans l’établissement de leur
propre agenda et quel est l’apport des sources d’information dans la
définition de l’agenda des médias ? Comment se forme l’agenda des
décideurs politiques ? Quelle est son influence sur l’agenda des médias
et du public ? Bref, comment s’exerce l’influence respective des
décideurs, des médias et des citoyens dans le processus de formation de
l’agenda des affaires publiques, et quelle est la mesure de cette
influence ?
6 Un des principaux champs* d’étude visés par l’extension du modèle
d’agenda-setting est celui qui porte sur les relations entre les médias et
les sources d’information, plus particulièrement les décideurs politiques.
Nous voulons ici discuter du potentiel intégrateur du modèle de
l’agenda-setting sur ce point précis. Il apparaît en effet que la
transposition à l’étude des relations sources-médias d’un modèle
élaboré à l’origine pour rendre compte des relations médias-public pose
quelques problèmes de « traduction ». Par une critique des recherches
empiriques* qui, à partir du modèle d’agenda-setting, tentent de
mesurer l’influence réciproque des journalistes et des sources politiques
dans la production du contenu des médias, nous voulons souligner
certaines limites théoriques et méthodologiques de cette approche.
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
Charron, J., La production de l’actualité. Montréal, Boréal, 1994.
Crozier, M., Friedberg, Å., L’acteur et le système. Paris, Seuil, 1977.
Ericson , R. V., et al., Negotiating Control : A Study of News Sources. Toronto, University of
Toronto Press, 1989.
Shoemaker , P. J., Reese , S. D., Mediating the Message. Theories of Influences on Mass Media
Content. New York/Londres, Longman, 1991
Taras , D., The Newsmakers : The Media’s Influence on Canadian Politics. Toronto, Nelson,
1990.
NOTES
1. McCombs , M. E., Shaw , D. L., « The agenda-setting function of mass media », Public
Opinion Quarterly, 1972, vol. 36, p. 176-187.
2. voir Gilberg , S., et al., « The State of the Union address and the press agenda », in
Journalism Quarterly, 1980, vol. 57, p. 584-588 et aussi Wanta , W., & al. « How President’s
State of Union talk influenced news media agendas. » Journalism Quarterly, 1989, vol. 66,
p. 537-541.
3. Molotch , H., Protess , D. L., Gordon , M. T., « The media-policy connection : Ecologies
of news », in Paletz , D. L. (ed.), Political Communication Research : Approaches, Studies,
Assessments. Norwood, Ablex, 1987, p. 26-48.
4. Reese , S. D., « Setting the Media’s Agenda : A Power Balance Perspective », in Anderson ,
J. S. (ed), Communication Yearbook 14. Newbury Park, Sage, 1991, p. 309-340.
5. Cook , F., et al., « Media and agenda-setting : effects on the public, interest group leaders,
policy makers, and policy », in Public Opinion Quarterly, 1983, vol. 47, p. 16-35.
6. Ettema , J., et al., « Agenda-setting as politics : A Case study of the press-public-policy
connection », in Communication, 1991, n o 12, p. 75-98.
7. Molotch , H., et al., op. cit., 1987.
8.Schlesinger, P., « Rethinking the sociology of journalism : Source strategies and the limits of
media-centrism » in Ferguson, M. (ed.), Public Communication. The New Imperatives. Future
Directions for Media Research. London, Sage, 1990, p. 61-83. Voir aussi Charron, op. cit.,
1994 ; Ericson, op. cit., 1989 ; Taras, op. cit., 1990.
AUTEUR
JEAN CHARRON
NOTE DE L’ÉDITEUR
Reprise du no 44 de la revue Hermès, Économie et communication,
2006.
1 Le journalisme économique occupe une curieuse place : longtemps
dédaigné et méprisé au sein de la profession elle-même, il a fini par
incarner, au cours de ces dernières décennies, de nouvelles pratiques.
Elles sont en phase avec les mutations globales traversées par nombre
d’entreprises de communication : prise en compte des impératifs
commerciaux et publicitaires dans la conception même des produits
journalistiques, appréhension du public par les outils du marketing,
souci de la rentabilité financière. Le journalisme économique finit par
symboliser un journalisme « moderne », qui s’assumerait pleinement.
2 L’évolution des représentations de cette activité journalistique s’est
inscrite dans le même contexte politique et idéologique qui a rendu
possible la « réhabilitation de l’entreprise », et permis la diffusion de
schèmes d’appréhension de la réalité conformes au « raisonnement
économique » à tout un ensemble de secteurs qui en étaient, jusqu’alors,
exemptés. Par conséquent, les redéfinitions contemporaines du
journalisme économique informent aussi bien sur les transformations
d’une spécialité longtemps tenue pour ésotérique, y compris pour ceux
dont c’était le métier, que sur la banalisation progressive de
l’économisme en tant que critère d’évaluation généralisé de l’ensemble
des actions sociales.
NOTES
1.Cf. pour un panorama rapide, Jacques Henno, La Presse économique et financière, Paris, PUF,
1993.
2.Cf. Jean-Noël Jeanneney, « Sur la vénalité du journalisme financier entre les deux guerres »,
Revue française de science politique, no 4, 1975, p. 717-739.
3.Cf. Bertrand Gille, « État de la presse économique et financière en France », Histoire des
entreprises, no 4, 1959, p. 58-76.
4. Sur la période caractérisée par l’émergence du journalisme économique, de l’après-guerre
jusqu’aux débuts des années 1970, cf. Philippe Riutort, « Le journalisme au service de
l’économie », Actes de la recherche en sciences sociales, no 131/132, 2000, p. 41-55.
5. Pour une analyse de l’ensemble des mutations contemporaines, cf. Julien Duval, Critique de
la raison journalistique, Paris, Seuil, 2004.
6. Cette confiance magique à l’égard de la bourse peut nuire néanmoins aux intérêts des lecteurs
(épargnants). Cf. Robert Boure, « Le krach de la presse économique », Médias-Pouvoirs, no 10,
1988, p. 19-35.
6. Sur la relégation contemporaine du journalisme social, cf. Sandrine Lévêque, Les
Journalistes sociaux, Rennes, PUR, 2000.
7. Pour un état des griefs exprimés à l’égard de leurs sources privilégiées, La Perception des
entreprises par les journalistes économiques et sociaux, Deloitte et Touche, CFPJ/Entreprises et
médias, 1996.
8. La première émission est introduite ainsi par F. de Closets : « L’économie, voyez-vous, on
n’en parle guère, quand ça va bien. Mais, en ce moment, on est bien obligé d’en parler et d’en
parler beaucoup parce que c’est vrai qu’il y a des problèmes. Et à travers ces batailles
économiques c’est notre vie, notre argent, nos emplois, nos salaires qui sont en jeu » (TF1, 4
octobre 1978). Le premier reportage de l’émission est par ailleurs consacré à la crise des
chantiers navals.
9.Cf. Julien Duval, « Le sens du marché. À propos de l’émission Capital (M6) », Regards
sociologiques, no 23, 2002, p. 23-33.
10.Cf. Élisabeth Cazenave, « Les mutations de la presse économique et financière », Matériaux
pour l’histoire de notre temps, no 46, 1997, p. 40-43.
11.Cf. Frédéric Pierru, « La fabrique des palmarès » dans Jean-Baptiste Legavre (dir.), La
Presse écrite : objets délaissés, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 247-270.
AUTEUR
PHILIPPE RIUTORT
NOTE DE L’ÉDITEUR
Reprise du no 35 de la revue Hermès, Les journalistes ont-ils encore du
pouvoir ?, 2003
1 L’histoire politique de la France au cours des deux dernières décennies
aura été marquée par ce qu’il est convenu d’appeler les affaires
« politico-financières » : crise du Rainbow Warrior, suicide de l’ancien
Premier ministre, Pierre Bérégovoy, démissions de Dominique Strauss
Kahn, ministre des Finances ou de Roland Dumas 1 , président du
Conseil Constitutionnel, multiples affaires autour de la mairie de Paris,
polémiques à propos de poursuites concernant l’actuel président de la
République. L’attention qu’accordent traditionnellement les médias à
l’égard de l’action de la justice s’est déportée irrémédiablement des
crimes de sang ou affaires de grand banditisme, avec leurs procès
souvent retentissants, vers le suivi des enquêtes et de la procédure
d’instruction visant une criminalité en col blanc, concernant souvent des
sommes d’argent considérables dans lesquelles se trouvent mises en
cause de grandes entreprises, des partis politiques, des personnalités de
premier plan 2 , etc. Cette évolution n’aurait pu s’opérer sans que
n’émerge une figure journalistique particulière, celle du journalisme
d’investigation*.
2 Il est intéressant de s’interroger sur ce qu’est cette forme de
journalisme, ce que sont ses méthodes de travail et sa place dans les
rédactions, ce que sont ses valeurs et représentations propres et sur ce
qu’exprime son émergence au regard des questions que rencontre
aujourd’hui le journalisme en France.
Les hommes
8 Edwy Plenel constitue probablement la charnière entre les deux modèles
du journalisme d’investigation. Comme les plus anciens, son parcours
journalistique prend racines dans le militantisme et l’engagement
politique. En revanche, comme ses plus jeunes confrères, il est
fortement intégré à la rédaction du Monde et à la vie tumultueuse du
journal au cours des années 1980 et 1990, ce qui se traduira par son
accession à la direction de la rédaction. Comme eux, il se revendique
d’une réflexion sur le professionnalisme et l’éthique de la profession, au
regard de la crise de légitimité que traverse celle-ci. Il saura enfin
construire, au sein de la rédaction du Monde, les structures adaptées à
l’investigation, capables d’attirer d’excellents éléments et de les
conforter dans leur démarche.
9 Ces plus jeunes journalistes, que l’on trouve désormais au Monde, à
Libération, au Parisien, à France soir et même au Figaro, sans parler
des hebdomadaires ou du Canard où ils commencent à s’installer, sont
largement issus d’écoles de journalisme. Ils sont le plus souvent
éloignés de l’engagement politique, qui leur paraît contradictoire avec
leur idéal d’indépendance et de professionnalisme. La plupart sont
venus au journalisme pour pratiquer l’investigation. Dans leur travail
quotidien ils ont le sentiment de mettre en œuvre tous les gestes de base
du journaliste : recherche des faits par des entretiens, étude de dossiers
et obtention de documents, vérification, croisement de points de vue et
de sources diverses, analyse, interprétations, mise en forme par le récit.
Certains revendiquent une spécialisation acquise par une formation ou
l’expérience de terrain – en matière de comptabilité et de droit des
entreprises comme Armelle Thoraval par exemple, responsable de la
cellule investigation de Libération – d’autres (la majorité) se veulent
totalement généralistes.
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
Decouty, E., Les scandales de la MNEF, la véritable enquête, Paris, Michel Lafon, 2000.
Derogy, J, Pontaut, J.-M., Investigation, passion, Paris, Fayard, 1993.
Lacan, J.-F., Palmer, M., Ruellan, D., Les Journalistes, Stars, scribes et scribouillards, Paris,
Syros, 1994.
Neveu, E., Sociologie du journalisme, Paris, La découverte, 2001.
NOTES
1. Il fut très longtemps, ministre des Affaires étrangères, très proche de François Mitterrand.
2. On pourra se reporter à ce sujet à notre ouvrage : Un Secret si bien violé, La loi, le juge, le
journaliste, Paris, Seuil, 2000.
3.Cf. Denis Ruellan, Le Professionnalisme du flou, Grenoble, PUG, 1993, et notamment les
sous-chapitres : « L’apport de la littérature et de la sociologie » et « La contribution des
naturalistes », p. 115 à 129.
4. Qui lui-même hésitera un temps, comme d’autres grands reporters de la même période (tel
Henri Béraud), ou qui lui succéderont, entre littérature et journalisme. On pense à Joseph
Kessel, notamment. Voir la biographie de Pierre Assouline, Albert Londres, Vie et mort d’un
grand reporter 1884-1932, Paris, Balland, 1989.
5. Dont la première publication remonte à 1923, sous le titre « Au bagne », rééditée en 1975,
sous le titre : « L’Homme qui s’évada », Paris, 10/18, 1975. Sont également célèbres ses
enquêtes sur les asiles (1925), rééditées sous le titre « Chez les fous », en 1997, sur
l’exploitation des Noirs des colonies françaises, « Terre d’ébène », publiées au Serpent à plume
en 1994, sur la persécution des juifs d’Europe, « Le Juif errant est arrivé », 10/18, sur le Tour de
France (1924), « Tour de France, tour de souffrance », Serpent à plume, 1996, sur la
prostitution, « Les Chemins de Buenos Aires », Serpent à plumes, 1995, etc.
6. Derogy enquête aussi, durant les années 1960 et 1970, sur l’affaire Pouillon, sur l’enlèvement
et l’assassinat de Ben Barka, sur les « Vedettes de Cherbourg », les « Plombiers du Canard »,
etc.
7. L’hebdomadaire satirique, traditionnellement ouvert aux « indiscrétions », va développer
progressivement l’investigation, dans laquelle il occupe désormais une place de choix. Voir
Laurent Martin, Histoire du Canard enchaîné ou Les fortunes de la vertu : histoire d’un journal
satirique, 1915-2000, Paris, Flammarion, 2001.
8. Par exemple à propos de l’affaire Elf-Dumas : Karl Laske (Libération), Ils se croyaient
intouchables, Albin Michel ; Hervé Gattegno (Le Monde) L’affaire Dumas, Stock, ou Gilles
Gaetner (L’Express) Le roman d’un séducteur. Les secrets de Roland Dumas, éd. J.-C. Lattès.
9. Ce que montre bien Christian Delporte dans Les Journalistes en France 1880-1950, Paris,
Seuil, 1999, et qui transparaît dans les travaux sur « l’élite de la profession », à commencer par
les ouvrages de R. Rieffel, L’Élite des journalistes, Paris, PUF, 1984 ; Y. Roucaute, Splendeurs
et misères des journalistes, Paris, Calmann-Lévy, 1991, ou encore dans notre enquête sur la
profession, Cartes de presse, Enquête sur les journalistes, Paris, Stock, 1993.
10. La loi de 1881 fait du directeur de la publication le responsable de l’information sur le plan
juridique, les journalistes se trouvant dans un lien dit de « subordination » à l’égard de celui-ci.
Cette subordination est confirmée par la loi de 1935, sur le statut des journalistes. Ce statut est
dérogatoire au regard des autres types de salariés, mais explicitement dominé par le lien de
subordination, dont il atténue les effets par des clauses dites de cession ou de conscience.
AUTEUR
JEAN-MARIE CHARON
NOTE DE L’ÉDITEUR
Reprise du no 17/18 de la revue Hermès, Communication et politique,
1995.
1 Ce n’est sans doute pas un hasard si le journalisme d’information paraît
préoccupé, depuis longtemps, et de façon quasi structurelle, par des
problèmes de « déontologie professionnelle » et si, également, tout
semble s’opposer à l’adoption effective, par la profession, d’une
quelconque charte engageant réellement le milieu journalistique. Deux
obstacles majeurs semblent être au principe de ce refus. L’un réside
dans les craintes, plus ou moins justifiées, des journalistes à l’égard du
pouvoir politique, et explique leur attachement hautement proclamé au
principe de la liberté de la presse. L’autre, qui est d’ordre économique,
tient au fait que les entreprises de presse sont aussi et sans doute de plus
en plus des entreprises économiques soumises à une loi du marché qui
reconnaît plus volontiers la logique du profit que celle des austères
considérations éthiques ou déontologiques.
2 Cette position ambiguë du journaliste, pris entre un idéal professionnel
élevé et une réalité plus triviale, explique sans doute qu’il y ait peu de
métiers qui soient l’objet de représentations sociales aussi opposées. Le
personnage social du journaliste oscille, en effet, entre d’une part, le
pôle assez prestigieux incarné par le « grand reporter », qui paye parfois
de sa vie la couverture des conflits, ou, plus récemment, par le
« journaliste d’investigation* » qui révèle des scandales et sert « la
démocratie », ou encore par le grand commentateur politique qui exerce
son esprit critique sur les responsables du pays ; et d’autre part, le pôle
inverse, très négatif, du journaliste corrompu qui fait des articles de
complaisance, profite des malheurs du monde (on parle des
« charognards de l’information ») ou même, tel le paparazzi, cherche à
des fins purement mercantiles à étaler la vie privée, vraie ou inventée,
des personnages publics. Si le journaliste est ainsi un personnage
trouble, capable du meilleur comme du pire, c’est qu’il doit le plus
souvent composer avec les contraintes politique et économique qui
pèsent sur lui et rendent sa position instable et inconfortable.
AUTEUR
PATRICK CHAMPAGNE
Charon, J.-M., Les journalistes et leur public : le grand malentendu, Paris, Vuibert/INA/Clemi,
2007.
Charron, J., Brin, C., De Bonville, J. (dir.), Nature et transformation du journalisme, Laval,
Presses de l’Université Laval, 2004.
Collectif, Pratiques novatrices en communication publique, journalisme, relations publiques
et publicité, Laval, Presses de l’Université Laval, 2005.
Delporte, C., Les journalistes en France (1880-1950), Naissance et construction d’une
profession, Paris, Seuil, 1999.
Estienne, Y., Le journalisme après Internet, Paris, L’Harmattan, 2007.
Heinderyckx, F., La malinformation, Bruxelles, éditions Labor, 2003.
Joannes, A., Le journalisme à l’ère électronique, Paris, Vuibert, 2007.
Kovach, B., Rosenstiel, T., The elements of journalism. What newspeople should know and the
public should expect, New York, Three rivers press, 2001.
Lemieux, C., Mauvaise presse, Paris, Métailié, 2000.
Martin-Lagardette, J.-L., L’information responsable : un défi démocratique, Paris, éditions C.
L. Mayer, 2006.
Mathien, M., Les journalistes : histoire, pratiques et enjeux, Paris, Ellipses, 2007.
Mercier, A., Le journal télévisé. Politique de l’information et information politique, Paris,
Presses de Sciences Po, 1996.
Neveu, E., Sociologie du journalisme, Paris, La Découverte, 2001.
Paterson, C., Domingo, D., (dir.) Making Online News. The Ethnography of New Media
Production, New York, Peter Lang, 2008.
Ward, S. J., The Invention of Journalism Ethics. The Path to Objectivity and Beyond,
Montréal/Londres, McGill-Queen’s University Press, 2004.
Wolton, D., Internet et après. Une théorie critique des nouveaux médias, Paris, Flammarion,
1999.
Glossaire