Droit de La Compliance Et Gouvernance de L'entreprise Vers Une Approche Éthique Et Responsable

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Droit de la compliance et gouvernance de l’entreprise :

vers une approche éthique et responsable


Zakariyae El Adlouni, Salim Medromi

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Zakariyae El Adlouni, Salim Medromi. Droit de la compliance et gouvernance de l’entreprise : vers
une approche éthique et responsable. African Scientific Journal, 2024. �hal-04562084�

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African Scientific Journal
ISSN : 2658-9311
Vol : 3, Numéro 23

Droit de la compliance et gouvernance de l’entreprise : vers une


approche éthique et responsable

Compliance law and corporate governance: towards an ethical


and responsible approach

Auteur 1 : EL ADLOUNI Zakariyae


Auteur 2 : MEDROMI Salim

EL ADLOUNI Zakariyae, Doctorant chercheur


Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales Souissi - Université Mohamed V de Rabat
Laboratoire De Recherche En Management Des Organisations, Droit Des Affaires Et Développement Durable
[email protected]

MEDROMI Salim, Doctorant chercheur


Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales - Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès
Laboratoire Droit Privé et Enjeux de Développement
[email protected]

Déclaration de divulgation : L’auteur n’a pas connaissance de quelconque financement qui


pourrait affecter l’objectivité de cette étude.

Conflit d’intérêts : L’auteur ne signale aucun conflit d’intérêts.

Pour citer cet article : EL ADLOUNI. Z & MEDROMI. S (2024), « Droit de la compliance et
gouvernance de l’entreprise : vers une approche éthique et responsable », African Scientific Journal «
Numéro 3 / Volume 23 » pp : -

Date de soumission : 24/03/2024

Date de publication : xx/xx/xxxx

Copyright © 2024 – ASJ

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Vol : 3, Numéro 23

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Résumé

L’entreprise constitue une source incroyable d’innovations, de progrès, de créativité et


d’enthousiasme. En effet, elle est l’outil le plus efficace de création d’un changement positif.
Or, le fossé entre les entreprises et la société reste encore flagrant ainsi que la relation entre les
pouvoirs publics et les entreprises est caractérisée par le manque de confiance et de lucidité.

Le droit de la compliance apparaît comme la panacée à ces nouveaux défis, et se présente


comme l’outil le plus perfectionné de gouvernance pour l’entreprise et qui permet de concilier
entre l’intérêt de l’entreprise et celui de la société.Les entreprises sont tenues de respecter les
ordres publics nationaux et supranationaux dans lesquels ils s'inscrivent, Les principes de
compliance désignent les lois qui imposent un objectif d’intérêt général à l’entreprise tout en la
laissant libre des moyens pour atteindre cet objectif.

Les pouvoirs et les régulateurs publics ne font que surveiller la manière dont les
opérateurs privés se conforment par eux-mêmes (self-policing, self-reporting, self-compliance
et self-monitoring) et contrôler la stricte observance de leurs diligences, c’est-à-dire de leur «
capacité à s’auto-policer».

Mots clés : Compliance, entreprise, gouvernance, éthique, blanchiment.

Abstract

The enterprise constitutes an incredible source of innovations, progress, creativity as


well as enthusiasm. Indeed, it is the most efficient tool of the creation of positive change. Yet,
the gap between enterprises and society still remains obvious as well as the relation between
the public powers and enterprises is characterized by the lack of confidence and clarity.

The law of compliance seems to be the answer to these new challenges, it presents itself
as the most ideal tool of governance for the enterprise and which allows to conciliate between
the enterprise’s interests and those of society.

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Enterprises are required to respect the national and supranational public order which
they are a part. The principles of compliance mean the laws that impose a goal of general
interest for the enterprise while leaving it free the means to achieve this objective.

Powers and public regulators only control the way in which private operators conform
by themselves ( self-policing, self-reporting, self-compliance and self-monitoring) and control
as well the strict observance of their diligence, that is to say, their self-policing ability.

Keywords : Compliance, corporate governance, ethics, money laundering.

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Introduction

Le commun des mortels pense qu’il est difficile que l’éthique puisse cohabiter avec
l’entreprise. L’idée qu’il a de l’entreprise est la recherche de la maximisation des profits sans
se soucier des autres considérations sociétales.

L’inflation législative, l’internationalisation grandissante des affaires, le développement


toujours plus pointu des branches du droit, la complexification constante des relations
économiques…1

Face à ces réalités, l’entreprise se trouve contrainte et forcée d’adopter une politique de
compliance et de conformité.

Il est difficile d’avoir une définition unanime de la compliance2.La compliance


(conformité) est un ensemble de mesures qui repose sur des procédures, des normes et des
leviers de contrôle. L’objectif est de s’assurer de la conformité des activités d’une organisation
aux cadres légaux, supra légaux et aux engagements (sociaux, sociétaux, économiques,
écologiques, certifications, normes) qui ont été pris afin de minimiser les risques : financiers et
pénaux, d’atteinte à l’image et à la réputation de l’organisation3.

La conformité peut être définie comme l'ensemble des instruments et actions mis en
place au sein de l'entreprise destinés à prévenir la survenance d'un risque juridique pour
l'entreprise, comme la violation des règles en matière de concurrence par exemple4.

Pour toute entreprise, le respect des obligations légales correspond au minimum des
exigences à respecter5. La compliance permet non seulement d’assurer le respect des normes
applicables à l’entreprise pour l’ensemble de ses salariés et ses dirigeants mais aussi d’insuffler
des principes ainsi qu’un esprit éthique insérés par les dirigeants.

1
DE STREEL Alexandre et JACQUEMIN Hervé, L'intelligence artificielle et le droit, Paris, Éditions Larcier, 2017, p.
294.
2
BADJI Patrice Samuel Aristide, Pour un droit des affaires : Quand une approche pluridisciplinaire du droit
s'impose, Dakar, Harmattan Sénégal, 2018, p. 158.
3
GUIGNARD Jean-Louis et HERBINIER Jean-Pierre et PENNAFORTE Antoine, Les fondamentaux de la GRH : 100
défis RH illustrés, Paris, Dunod, 2018, p. 58.
4
DUBOIS DE LUZY Agnès, Droit des sociétés : cours et exercices, Paris, Ellipses, 2020, p. 27.
5
BERNARD Xavier et GAUTHEY Olivier et PALEY Marc, La maîtrise des risques en entreprise : Construire-
Renforcer-Pérenniser, Paris, AFNOR, 2018, p. 43.

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La conformité et la compliance actuelles se caractérisent par un système qui tend à aller


d’un contrôle externe vers une forme d’intériorisation des contraintes par les entreprises.
Autrement dit, les entreprises doivent d’une part respecter les normes qui leur sont soumises et
d’autre part, réaliser elles-mêmes le travail de mise en conformité. Les entreprises deviennent
ainsi leur propre gendarme6.

Tous les acteurs du monde économique sont tenus de respecter les ordres publics
nationaux et supranationaux dans lesquels ils s'inscrivent7.La compliance impose des
obligations structurelles à l’entreprise, comme l’établissement de cartographie des risques ou
de code de conduite, charge à l’entreprise de se saisir de ces instruments afin de rendre son
dispositif efficace. Il s’agit d’une obligation de résultat, l’entreprise doit démontrer par des
actions réelles qu’elle est structurée pour atteindre les objectifs d’intérêt général qui lui sont
fixés.

Par ailleurs, un tel dispositif constitue un gage d'amélioration de la compétitivité de


l'entreprise et de sa gouvernance, notamment par la consolidation du lien de confiance qu'elle
entretient avec ses actionnaires, investisseurs potentiels et bailleurs de fonds8.

En somme, la compliance signifie, notamment, que les entreprises doivent mettre en


place un processus volontariste pour gérer les risques qui peuvent se produire d’une part, et
d’autre part fortifier l’image et la réputation de l’entreprise à travers l’intégration de la logique
éthique dans le pilotage de ces entités.

L’intérêt de ce sujet n’est pas dû au hasard, ce sujet revêt un intérêt théorique et un


intérêt pratique. Le premier réside dans la nécessité de repenser la logique juridique classique
de gestion des risques chez les entreprises, à travers l’instauration d’une nouvelle philosophie
juridique transparente et responsable qui concilie les impératifs de prospérité de l’entreprise
avec ses responsabilités sociétales.

L’intérêt pratique se manifeste dans l’importance de l’instauration d’un climat d’affaires


sain et sauf à travers la gouvernance et le droit de la compliance. Les crises et scandales

6
SAVALL Henri et ZARDET Véronique, op. Cita, p. 170.
7
MIGAUD Didier, « Le nouveau rapport entre l’État et les normes impliquées dans la compliance », Régulation,
Supervision, Compliance, op. Cita, p. 75.
8
SIVIGNON Jacques et BRIANT Guillaume, L'utilité des procédures de compliance. In Gaudemet, A. (dira.), La
compliance : un nouveau monde ? Aspects d'une mutation du droit, éd. Panthéon-Assas, 2016, Paris p. 101.

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actuelles (bancaires, financiers) ont montré la fragilité et l’incohérence des modèles de gestion
des risques dans l’encadrement juridique de la vie économique. Le droit de la compliance sert
à restaurer l’image et la réputation endommagées des entreprises ainsi que de rétablir une sphère
de confiance entre les pouvoirs publics et les autres agents économiques.

Ceci nous pousse à se poser la problématique suivante : « quelle est la place du droit
de la compliance dans la gouvernance de l’entreprise ? »

Afin de trouver les tenants et les aboutissants de notre recherche, nous allons adopter
une méthode fonctionnelle pour mettre en évidence le poids de la compliance dans la
moralisation du monde des affaires. De même, la méthode analytique est nécessaire pour établir
un diagnostic afin de détecter les points de forces et de faiblesses ainsi que les menaces
inhérentes à la mise en œuvre de la compliance au sein de l’entreprise.

Pour répondre cette problématique il’ est nécessaire de voire en premier lieu la nature
et les fonctions du droit de la compliance (1), avant de décortiquer les techniques de sa mise en
œuvre (2).

1- Les fonctions du droit de la compliance dans l’entreprise

L’activité de toute société humaine est soumise à un encadrement juridique et


institutionnel qui fixe les règles du comportement social9. L’activité économique des
entreprises n’échappe non plus à cette contrainte.

L’entreprise, en tant qu’actrice puissante de la société et ayant un pouvoir de nuisance


par le biais de ses activités, a besoin d’une gouvernance claire et forte pour être pilotée
correctement10.

Étymologiquement, le terme gouvernance provient de la même racine que le terme


gouvernement. Tous deux dérivent du grec kubernân, « diriger », qui a donné kubernêtikê, «
art du pilotage 11».

La gouvernance, c’est un système permettant la défense de l’intérêt général, la conduite,


la gestion, le contrôle, et la pérennité de l’entreprise, précisant les pouvoirs, les responsabilités

9
DIZEL-CHANFREAU Martine, Droit des affaires et gestion des entreprises, Paris, EMS Editions, 2004, p. 8.
10
COHEN Daniel, Les fiches outils du dirigeant d'entreprise Ed. 1, Paris, Eyrolles, 2017, p. 49.
11
MAUGERI Salvatore, Gouvernance(s), Paris, Dunod, 2014, p. 12.

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et les relations des actionnaires et des dirigeants, et s’assurant que l’objectif de création de la
prospérité pour l’ensemble des acteurs. De manière plus synthétique, nous pourrons également
définir la gouvernance comme la façon dont le pouvoir est organisé et exercé pour assurer le
pilotage de l’entreprise12.

Le débat sur la gouvernance de l’entreprise a fait couler beaucoup d’encre et de salive.


Pour certains adeptes de la conception traditionnelle ou néoclassique du monde des affaires,
l’entreprise n’a qu’une seule finalité celle de la réalisation de profits pour les actionnaires. Dans
cette perspective, les hommes d’affaires n’ont pas à se préoccuper d’autre chose que de
maximiser leurs intérêts égoïstes.

Or, cette vision traditionnelle provoque des contestations : certains critiques avancent
que les principes du monde des affaires doivent être repensés en fonction de perspectives plus
larges, qui sont celles du bien-être des humains, de l’environnement, de la justice globale et du
bien commun13.

La gouvernance d’entreprise jouera un rôle dans la performance économique et sociétale


de l’entreprise, et à ce titre contribuera également à la sauvegarde non seulement des intérêts
des actionnaires mais aussi de ceux de l’ensemble des parties prenantes.

Les fonctions du droit de la compliance permettent d’intensifier la gouvernance des


entreprises à travers la gestion des risques (1.1), et l’accroissement de la légitimité sociétale
(1.2).

1.1- La gestion des risques juridiques

Au cours de ces dernières années, les entreprises ont dépensé beaucoup d’énergie pour
développer des infrastructures robustes de gouvernance et de gestion des risques. Or, il n'existe
pas de démarche entrepreneuriale réussie sans prise de risque. Et la pérennité des entreprises
passe et passera toujours par la capacité des créateurs et des dirigeants à prendre des risques
différents tout au long de cycle de vie de l’entreprise.

12
CABANE Pierre, Manuel de gouvernance d'entreprise : Les meilleures pratiques pour créer de la valeur Ed. 2,
Paris, Eyrolles, 2018, p. 47.
13
MBOUA Emmanuel, L'éthique de l'entreprise, Paris, Harmattan Cameroun, 2016, p. 10.

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Les risques sont partout dans l’entreprise, qu’on le veuille ou non, qu’on les gère ou pas.
Pire même, la survie de l’entreprise peut aller jusqu’à dépendre de cette notion. Les pratiques
de maîtrise de risque deviennent un accélérateur de développement de l’entreprise, une garantie
pour sa continuité d’activité et sa pérennité14.

De ce fait, l'entreprise ne doit pas devenir « risque adverse » par nature ou par confort15,
bien au contraire. Son équipe de direction et ses fondateurs doivent, tous les jours, et de plus en
plus, prendre des risques » raisonnables » pour dominer et survivre, dans un environnement de
plus en plus incertain donc de plus en plus exposé aux risques par essence.

L’entreprise doit apprendre à identifier, comprendre et maîtriser les risques inhérents à


son développement afin d'asseoir sa pérennité. Sans prise de risque, il n'y a pas d'entrepreneur,
donc il n'y a pas d'entreprise. Savoir saisir des opportunités revient à accepter, à un moment ou
à un autre, une prise de risque. Trop de risques ont conduit à la crise, la peur du risque freine la
relance, l’instabilité économique incite à la prudence voire à l’immobilisme.

« Gérer l’entreprise, c’est gérer les risques. Gérer les risques, c’est gérer
l’entreprise16». La gestion du risque se veut un mécanisme susceptible de permettre à
l’organisation de réaliser ses objectifs stratégiques de rentabilité, tout en demeurant capable de
faire face aux soubresauts imprévus, autant environnementaux que ceux du marché17.

La compliance constitue une majeure innovation en matière de gestion des risques, et


spécialement le risque juridique. En effet la prolifération de la règle législative, son instabilité,
la dégradation des conditions de préparation de la loi et de son contenu, les incertitudes sur ses
conditions d’application, créent une insécurité juridique parfois insupportable pour le citoyen
brutalement confronté à l’application du droit18. La complexité du droit peut ainsi perdre le
faible et donner au fort des moyens de le tourner.

Les entreprises se présentent aussi comme des victimes de ce phénomène. En effet, il


n’y a pas de vie économique et sociale sans lois, mais le respect du Droit est devenu un handicap

14
BURIN Christophe et LACOLARE Vincent, Optimiser les risques de l'entreprise, Paris, AFNOR, 2010, p. 17.
15
DARSA Jean-David et DUFOUR Nicolas, Le coût du risque : Un enjeu majeur pour l'entreprise Ed. 2, Paris,
Gereso, 2018, p. 255.
16
LE RAY Jean, Gérer les risques : Pourquoi ? Comment ? Paris, AFNOR, 2010, p. 62.
17
NACIRI Ahmed, Traité de gouvernance d'entreprise : Guide de l'enseignant, Québec, Presses de l'Université du
Québec, 2011, p. 100.
18
MATHIEU Bertrand, La loi Ed. 3, Paris, Dalloz, 2010, p. 119.

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pour la vie économique et sociale au lieu d’en être le catalyseur19 ; C’est un facteur découragent
la prise de risque et l’envie d’entreprendre20.

La fonction compliance se manifeste comme une solution pragmatique pour réduire ces
imperfections de droit à travers le mécanisme de la veille juridique. Au Maroc, nous constatons
qu’il y a une cacophonie de droit qui étouffe la liberté de l’entreprise.

Ces dernières années, nous avons témoigné un bing bang législatif dans toutes les
matières et plus spécialement ceux qui touchent l’entreprise. On a commencé par l’encadrement
juridique de la consommation21 et de la concurrence22tout en passant par l’insertion d’un droit
de protection des données personnelles23 ainsi qu’au renforcement de la lutte contre le
blanchiment des capitaux24.

Pour cela, les entreprises se sont retrouvées devant un dilemme, « soit dépenser de
l’argent pour se conformer à ces lois soit être poursuivies comme des coupables ».

Il n'existe pas de solution simple à un problème complexe. La lutte contre le blanchiment


et le financement du terrorisme en est la démonstration25. L’une des finalités de la compliance,
est de moraliser les entreprises et surtout les banques pour lutter contre le blanchiment des
capitaux et la protection des données à caractère personnels.

1.1.1- La lutte contre le blanchiment des capitaux

La monnaie constitue un moyen de paiement abstrait et anonyme, destiné à simplifier


les transactions économiques en permettant des échanges facilités. De ce fait, la monnaie se
caractérise par une fongibilité élevée et ne présente aucun indice sur le degré de légalité de ses

19
LARGILLIER Bernard, Entrepreneuriat et culture d'entreprise : Il ne suffit pas d'entreprendre, CORMELLES-LE-
ROYAL, EMS Editions, 2015, p. 121.
20
AMAR Hervé, Dés-équilibres : Retrouver le bon sens de la performance Ed. 1, Paris, Editions Débats Publics,
2018, p. 44.
21
Dahir n° 1-11-03 du 14 rabii I 1432 (18 février 2011) portant promulgation de la loi n° 31-08 édictant des
mesures de protection du consommateur.
22
Dahir n° 1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30 juin 2014) portant promulgation de la loi n° 104-12 relative à la liberté
des prix et de la concurrence.
23
Dahir n° 1-09-15 du 22 safar 1430 (18 février 2009) portant promulgation de la loi n° 09-08 relative à la
protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel.
24
Dahir n° 1-07-79 du 28 rabii i 1428(17 avril 2007) portant promulgation de la loi n° 43-05 relative à la lutte
contre le blanchiment de capitaux modifiée et complétée par la loi n° 12 - 18.
25
BEAUSSIER Michel et QUINTARD Henri, Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme : Analyse et
mise en œuvre pratique de la troisième directive européenne, Paris, RB édition, 2010, p. 13.

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origines. Les blanchisseurs utilisent donc pleinement les caractéristiques de la monnaie en


infiltrant les bénéfices qui résultent de leurs activités criminelles dans le circuit financier légal,
pour en profiter sans attirer l’attention des autorités26.

En effet, les techniques de blanchiment sont devenues très vite de plus en plus
complexes, jusqu’à se fondre dans l’économie légale.

Le blanchiment est la condition sine qua non de la pérennité des organisations


criminelles. Elles ont besoin de réussir le blanchiment pour prospérer. Sans blanchiment,
l’infraction initiale s’avère vaine car le criminel se retrouve dans l’impossibilité de profiter des
revenus qu’il en a tiré27.

Le blanchiment d’argent est donc un processus servant à dissimuler la provenance


criminelle de capitaux (trafic de drogue, trafic d’armes, corruption…). L’objectif de l’opération,
qui se déroule en plusieurs étapes, consiste à faire croire que des capitaux illégalement acquis
ont une source licite et à les insérer dans le circuit économique.

L’activité bancaire est un point d’entrée dont la connaissance client s’avère très utile
pour repérer des agissements en lien avec le blanchiment28. Dès lors, toute entrée en relation
avec un nouveau client implique que celui-ci soit bien connu de la banque. Il s'agit bien sûr de
connaître son identité, sa ou ses sources de revenus, et de ne pas se laisser abuser par des
présentations fallacieuses. Lorsqu'il s'agit de personnes morales par exemple, la banque devra
connaître les ayants droit et les principaux actionnaires...

L'identification et la connaissance des clients sont essentielles à la fois pour répondre


aux obligations légales et réglementaires inspirées des recommandations du GAFI, et pour
répondre aux besoins opérationnels et assurer une bonne qualité de service client.

La compliance impose une obligation de connaissance du client. Elle s'applique


préalablement à l'entrée en relation et demeure pendant toute la durée de cette relation. Les
procédures peuvent différer d'un établissement à l'autre mais toutes doivent conduire à
matérialiser les informations relatives aux clients, identité, domicile, profession, revenus et

26
VERNIER Éric, Techniques de blanchiment et moyens de lutte Ed. 4, Paris, Dunod, 2017, p. 11.
27
LAMBERT Guillaume, Blanchiment et marché de l'art : Le droit et la pratique, Paris, L’Harmattan, 2020, p. 14.
28
DEBLY Pierre, Réglementations bancaires et financières depuis la crise de 2008 : Nouveaux acteurs, nouvelles
règles, nouveaux régulateurs, Paris, Maxima, 2019, p. 134.

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patrimoine pour les personnes physiques. Tandis que pour les personnes morales il faut voir :
la forme sociale, le siège social, les activités et les documents comptables ainsi que les éléments
permettant d'apprécier l'adéquation des produits aux clients tels que l'expérience, la
qualification et la compétence professionnelle.

Nous comprenons alors pourquoi il est impératif de porter une attention particulière aux
personnels politiques (chefs d'États et membres de leurs familles, etc.) qui pourraient être tentés,
comme dans certaines régions du monde, de s'enrichir au détriment de leurs peuples, et qui font
inévitablement l'objet de poursuites voir même être ultérieurement forcés de démissionner
comme en Tunisie ou en Égypte au début de l'année 2011... Ces personnes doivent faire l'objet
d'une surveillance accrue…29

1.1.2- La protection des données à caractère personnel :

Le numérique a changé les usages, les pratiques, mais aussi les risques et les enjeux 30.
Le patrimoine des entreprises est de plus en plus constitué d’actifs immatériels : les fichiers de
clients ou fournisseurs, les études de marché, les notes de stratégie, les plans de recrutement ou
d’acquisitions, les méthodes de gestion ou d’organisation, les accords commerciaux, la
politique de rémunération, le savoir-faire technique ou technologique, et plus généralement les
idées.

Ces actifs constituent aujourd’hui une valeur patrimoniale non négligeable qu’il
convient de protéger en garantissant un régime efficace du secret des affaires afin de prévenir
tout préjudice grave à la pérennité de l’entreprise. Cette protection est d’autant plus impérieuse
que le développement des modes de communication numérique facilite la dissémination des
secrets d’affaires31.

Le traitement des données personnelles représente désormais un enjeu crucial pour les
responsables d’entreprises, d’administrations ou d’associations : qu’il s’agisse des données de

29
DAUNIZEAU Jean-Michel Leimbach, Contrôle des risques : Mieux comprendre les fonctions juridiques et de
conformité, Paris, RB édition, 2011, p. 33.
30
DENIS Marie-Laure, Cahiers français : Comprendre la souveraineté numérique - n°415 : Le meilleur des mondes
numériques, Paris, La Documentation française, 2020, p. 42.
31
DALLE Frédérique et QUEMENER Myriam et WIERRE Clément, Quels droits face aux innovations numériques ?
: Législation, jurisprudences et bonnes pratiques du cyberespace - Défis et protections face aux dérives du
numériques Ed. 1, Paris, Gualino, 2020, P :76

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leurs employés, de leurs clients, de leurs usagers ou de leurs membres, elles sont omniprésentes
et doivent être traitées et protégées dans les formes prescrites par la loi.

Or, leur importance économique est croissante : l’exploitation des données personnelles
permet non seulement de rendre un meilleur service aux clients, mais parfois aussi de financer
à elle seule ce service32.

Un nouveau marché en est même né : la data driven economy (l’économie guidée par
les données) ; au centre de toutes les attentions et n’attendant que son heure encore loin son
paroxysme33.

Certains juristes proposent que la loi évolue pour rendre l’individu pleinement
propriétaire de ses données. Il pourrait alors à sa guise les louer ou les vendre.

Toutefois, une telle évolution serait contraire à l’esprit de la loi actuelle qui fait de la
protection de la vie privée et des données personnelles un droit intangible : on ne peut ni y
renoncer ni le vendre. Elle ne correspond pas non plus à ce que l’on entend communément par
le concept de « propriété »34.

Les obligations qui s’imposent aux traitements de données personnelles ont


profondément évolué35. L’un des principaux sujets de préoccupation des acteurs du secteur
bancaire aujourd’hui concerne les données personnelles et leur utilisation.

Les banques possèdent, de par la relation menée avec la clientèle et les obligations de
connaissance client, de très nombreuses informations à caractère personnel : revenus, surface
financière, mode de consommation, type d’opérateur, d’assureur, etc. Ces informations ont bien
évidemment une valeur importante, notamment en termes de ciblage client. Jusqu’alors, les
banques n’utilisaient pas pleinement ces informations à leur disposition.

Les établissements bancaires et financiers collectent et traitent beaucoup de données


personnelles au moment de l'entrée en relation avec leurs clients et pendant toute sa durée.

32
MATTATIA Fabrice, RGPD et droit des données personnelles : Enfin un manuel complet sur le nouveau cadre
juridique issu du RGPD et de la loi Informatique et Libertés de 2018 Ed. 4, Paris, Eyrolles, 2019, p. 2.
33
RAIMONDO Laurane, La protection des données personnelles : 100 questions-réponses pour comprendre et
mieux se protéger, Paris, Ellipses, 2021, p. 216.
34
MATTATIA Fabrice, Internet et les réseaux sociaux : que dit la loi ? : Liberté d'expression, données personnelles,
achats en ligne, Internet au bureau, piratage Ed. 3, Paris, Eyrolles, 2019, p. 67.
35
MATTATIA Fabrice, Manuel de survie du RGPD Ed. 1, Paris, Eyrolles, 2021, p. 13.

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Ainsi, à l'occasion d'une demande de crédit, un établissement sera amené à collecter des
informations sur la situation personnelle du demandeur de crédit (son âge, sa nationalité, sa
situation matrimoniale, etc.), sur sa situation économique et financière, sur sa situation bancaire
(domiciliation bancaire, ancienneté, le montant des produits financiers détenus, etc.), sur
l'opération de crédit en question (le type de crédit, la durée, le type de vente, etc.), mais
également sur les garants et sur les autres membres du foyer du demandeur et les personnes qui
lui sont économiquement rattachées (parent, enfant à charge, etc.)36.

En somme, le partage des données personnelles a pris une ampleur croissante avec le
développement d’Internet, des réseaux sociaux, de l’e-commerce et plus généralement de tous
les services proposés en ligne. Si les données personnelles constituent une information
hautement valorisée, il s’agit également d’une source de danger pour les personnes à qui ses
données appartiennent, lorsque leur circulation finit par leur échapper.

Les technologies permettent aux entreprises privées d’exploiter les données comme
jamais auparavant dans le cadre de leurs activités. L’ampleur de la collecte et du partage des
données est sans précédent et inévitable37.

La protection des données reposant sur des textes légaux 38, les premiers outils à mettre
à disposition de ces acteurs sont juridiques. Le meilleur instrument dans l’ordre interne étant la
Constitution, la question s’est posée de constitutionnaliser le droit à la protection des données
de façon à lui donner une plus grande valeur.

La Constitution de 2011 a réaffirmé l’attachement du Maroc à la construction d’un État


de droit, démocratique et moderne qui protège les droits de l’Homme et les libertés individuelles
et collectives. Parmi ces droits, figure le droit à la protection de la vie privée39.

36
BANCK Aurélie et SCHULTIS Catherine, Vade-mecum de la protection des données personnelles pour le secteur
bancaire et financier, Paris, RB édition, 2018, p. 17.
37
QUEMENER Myriam, Le droit face à la disruption numérique : Adaptation des droits classiques - Émergence de
nouveaux droits Ed. 1, Paris, Gualino, 2018, p. 228.
38
EYNARD Jessica, Les données personnelles : Quelle définition pour un régime de protection efficace ? Paris,
Michalon Editeur, 2013, p. 366.
39
Dans son article 24, la nouvelle Constitution souligne ce droit fondamental en ces termes : « Toute personne a
droit à la protection de sa vie privée. Le domicile est inviolable. Les perquisitions ne peuvent intervenir que dans
les conditions et les formes prévues par la loi. Les communications privées, sous quelque forme que ce soit, sont
secrètes. Seule la justice peut autoriser, dans les conditions et selon les formes prévues par la loi, l’accès à leur
contenu, leur divulgation totale ou partielle ou leur invocation à la charge de quiconque. Est garantie pour tous,
la liberté de circuler et de s’établir sur le territoire national, d’en sortir et d’y retourner, conformément à la loi ».

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La compliance est venue pour intensifier l’arsenal juridique existant, à travers un


contrôle interne au sein de l’entreprise de processus de traitement des données personnelles.

Il est impératif de relever que toute donnée directement ou indirectement identifiante est
une donnée à caractère personnel, peu important son caractère confidentiel ou public, et son
caractère privé ou professionnel40.

En guise de conclusion, nous pouvons dire que la protection des données personnelles
est un gage de qualité, tout particulièrement dans les secteurs sensibles tels que la santé,
l’industrie pharmaceutique, la banque, la finance, les assurances, les ressources humaines, le
marketing, etc.41

La compliance, à côté de la CNDP serait le fer de lance de tous les politiques de


protection des données à caractère personnel au sein de n’importe quel organisme public ou
privé.

Tableau N°1 : le cadre réglementaire de la protection des données personnelles au Maroc

La constitution de 2011 Article 24. Toute personne a droit à la protection de sa


vie privée.
Loi n° 09-08 relative à la Cette loi vise à assurer une protection efficace des
protection des personnes particuliers contre les abus d’utilisation des données de
physiques à l'égard du nature à porter atteinte à leur vie privée et d’harmoniser
traitement des données à le système marocain de protection des données
caractère personnel personnelles avec celles de ses partenaires notamment
européens. En outre, la loi institue une Commission
Nationale de protection des Données Personnelles
(CNDP).
Décret n° 2-09-165 du 25 Ce décret a pour finalité de conforter la loi n°09-08 en
joumada i 1430 (21 mai 2009) matière de protection des données à caractère
pris pour l’application de la loi personnelles

40
FERAL-SCHUHL Christiane, La protection des données personnelles Ed. 1, Paris, Dalloz, 2019, p. 10.
41
DUCREY Vincent et GRIGUER Merav, Le guide de la communication sans risque : Enjeux juridiques - Prévention
de crises - Gestion de risques - Clés et préconisations Ed. 1, Paris, Eyrolles, 2012, p. 59.

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n° 09-08 relative à la protection


des personnes physiques à
l’égard des traitements des
données à caractère personnel

Le règlement général sur la Le RGPD englobe toutes les organisations établies en


protection des données Europe, mais également toutes les organisations qui sont
(RGPD) amenées à traiter les données personnelles des citoyens
Européens. Il s’agit donc d’un concept nouveau
d’extraterritorialité, puisque la loi peut également
concerner les entreprises basées en dehors de l’UE.

Source : auteurs

1.2- L’accroissement de la légitimité sociétale via la compliance :

« L’entreprise est une communauté d’hommes rendant un service marchand à la société


». - Pierre DE LAUZUN42

L’opinion publique est extrêmement attentive aux pratiques du monde économique


pouvant nuire au « mieux vivre ensemble »43.En effet, lorsqu’on demande à quelqu’un quelle
est la finalité de l’entreprise il nous répond spontanément « gagner de l’argent ».

Cette mauvaise identification de la finalité de l’entreprise est la première des pollutions


de notre société, la source de toutes les autres pollutions : dégradation de l’environnement,
réchauffement climatique, fracture sociale, pauvreté, exclusion, licenciements abusifs…44

L’entreprise est d’ailleurs bien souvent perçue comme visage de chômage, de


dégradation du niveau de vie, précarisation et du développement de l’exclusion. Cette image de

42
LARGILLIER Bernard, op cita, p. 28
43
IMS - Entreprendre pour la Cité, La Société, une affaire d'entreprise ? L'Engagement Sociétal des entreprises :
enjeux, pratiques, perspectives, Paris, Editions d'Organisation, 2006, p. 17.
44
BENOIT Jacques, 5 propositions pour réformer l'entreprise : La refondation du capitalisme passera par la
réforme de l'entreprise, Paris, EMS Editions, 2015, p. 62.

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l’entreprise s’est dégradée avec les récents débats relatifs aux agissements de certains
dirigeants.

Aujourd’hui et dans un contexte de fragilité de la légitimité de l’entreprise, cette dernière


doit faire face à des contestations sur son mode de fonctionnement, à la démobilisation de ses
salariés et à la suspicion de l’opinion publique.

Au-delà de l’enjeu de réputation, les démarches sociétales sont de plus en plus souvent
conçues comme des contributions aux problématiques actuelles qui concernent les évolutions
organisationnelles, la gestion des ressources humaines, les relations avec les clients et les
rapports avec l’environnement de l’entreprise au sens large.

L’apparition de cette fonction sociale des entreprises n’est qu’une conséquence de


l’affaiblissement de la force de la loi et de l’effacement des corps intermédiaires (institutions
politiques, syndicats) qui met face à face les dirigeants d’entreprise avec leurs salariés, leurs
clients et leurs fournisseurs45.

La notion de responsabilité sociale des entreprises est devenue incontournable en droit


économique46.

L’entreprise fait partie intégrante de la société avec laquelle elle a des échanges en
permanence (éducation, infrastructures, énergie, transport, etc.), ce qui crée de fait une dette
financière et morale47. Bref, les entreprises sont de plus en plus appelées à assumer un rôle
social48.

Une « entreprise responsable » est donc celle qui prend en charge les objectifs du
développement durable dans son projet et sa sphère d’activité, en rend compte à ses parties
prenantes et promeut le modèle économique qui lui permet de réussir cette évolution, en termes
d’offre et de fonctionnement49.

45
LE BAS Christian et MERCURI Chapuis Sylvaine, La responsabilité sociale des entreprises : Des relations sociales
à la dimension stratégique, Paris, EMS Editions, 2020, p. 131.
46
GENDRON Corinne et GIRARD Bernard, Repenser la responsabilité sociale de l'entreprise : L'école de Montréal,
Paris, Armand Colin, 2013, p. 91.
47
HERVE Yann, Stop au greenwashing : Comment les marques peuvent-elles nous aider à changer le monde ?
Paris, Maxima, 2020, p. 35.
48
TCHOTOURIAN Ivan, La gouvernance d'entreprise après la pandémie : Leçons pour l'aven ir, Québec, Presses
de l'Université Laval, 2020., p. 91.
49
D'HUMIERES Patrick, Le développement durable va-t-il tuer le capitalisme ? Les réponses de l'éco-capitalisme,
Paris, Maxima, 2010, p. 101.

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Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à considérer la RSE comme un enjeu
stratégique de leur avenir50. Les stratégies « sociales » sont devenues un complément essentiel
des stratégies de marketing. Leur but est la création d’une image institutionnelle positive,
d’entreprise « citoyenne » engagée dans un projet qui va au-delà de la simple recherche du
profit51.

Les entreprises marocaines sont particulièrement appelées à développer de nouveaux


modèles de gestion pour relever les défis liés à leur compétitivité, à leur conformité sociale, à
leurs responsabilités et à leur engagement en tant qu’acteur actif sur le plan de la protection
sociale des collaborateurs. Les constats observés témoignent du fait qu’elles sont de plus en
plus sollicitées, en tant qu’employeurs, à contribuer dans leurs périmètres en vue de répondre
aux diverses problématiques sociales et sociétales qui affectent le Maroc52.

La compliance est en effet un instrument juridique au service de finalités d’ordre public


assignées par les États. Elle sert donc des objectifs et des finalités variés, parfois qualifiés de «
buts monumentaux » promus par les États53. En effet, elle invite ou contraint plutôt, les
entreprises à participer à la mise en œuvre des politiques publiques.

La compliance inclut des objectifs liés à la RSE (lutte contre la corruption, respect des
droits humains et devoir de vigilance), mais elle les dépasse aussi (lutte contre le financement
du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, embargos et sanctions
internationales)54.

A travers la compliance, les dirigeants sont persuadés par le fait qu’une entreprise
citoyenne est la source d’un avantage concurrentiel. Une entreprise vertueuse serait en effet
moins exposée aux risques et au boycott des consommateurs que ses concurrents moins
vertueux. Elle serait également mieux à même d’obtenir du capital à moindre coût ainsi que
d’attirer des salariés compétents et de fidéliser les clients.

50
JOUNOT Alain, RSE et développement durable, Paris, AFNOR, 2010, p. 16.
51
MARSI Luca, Les stratégies des multinationales. : Éléments pour une approche critique de la société néo-libérale,
Paris, Chemins de traverse, 2013, p. 10.
52
CHERKAOUI Adil, La responsabilité sociétale des entreprises au Maroc : Facteurs déterminants, analyses
perceptuelles et typologies comportementales, Paris, L'Harmattan, 2019, p. 22.
53
BOURSIER Marie-Emma et FEUGERE William, Code de la compliance 2021 Ed. 1, Paris, Dalloz, 2020, p. 2.
54
Ibid.

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Une entreprise citoyenne est une entreprise utile à la société55. Avec la compliance,
l’entreprise se présente comme un lieu d’épanouissement non seulement professionnel, mais
aussi humain ; Une « famille », un lieu où les salariés sont rassemblés autour d’un projet
commun d’où le foisonnement des chartes éthiques, des codes de conduite fondés sur les valeurs
et les principes qui font de la « diversité » des salariés la richesse de la firme.

Être un manager responsable, c’est être conscient que son action prend en compte la
préoccupation de son personnel, mais aussi s’inscrit dans une communauté plus large, et donc
prend en compte la société tout entière56.

2- La mise en œuvre du droit de la compliance

Dans un monde en mutation, où l'adaptation et l'innovation signifient avantage concurrentiel ou


survie, les entreprises sont, plus que jamais, en quête de personnalités capables de produire et
conduire des changements stratégiques57.Le changement est devenu incontournable et sa
fréquence de plus en plus régulière.

Pour rester concurrentiel, le management ne suffit pas. Les organisations, au sens large, ont
besoin d'hommes et de femmes doués de créativité, capables de faire face aux incertitudes, de
mobiliser leurs ressources et de créer du sens dans des phases de transformation
organisationnelle et/ou de conjoncture défavorable.

La compliance permet à l’entreprise de se positionner dans la nouvelle logique


managériale qui prend en compte les besoins de tous les acteurs de l’entreprise et du milieu
environnant. La compliance est préventive et permet à l’entreprise de se pérenniser.

L’intégration des programmes de la compliance peut conduire l’entreprise à améliorer


son image de marque et sa réputation, à gagner des parts de marché, à développer son chiffre
d’affaires par des produits éthiques, à être perçue comme leader sur son marché.

55
BOISSIERE Yann, Restaurer la confiance aujourd'hui, Paris, Editions Hermann, 2020, p. 83.
56
MICHAUD Yves, Qu'est-ce que le management responsable ? : Confiance, décision, réflexivité Ed. 1, Paris,
Eyrolles, 2013, p. 49.
57
DE WITTE Bertrand, Gagner en leadership : Techniques et astuces pour inspirer et rassembler, Paris, 50 Minutes,
2015, p. 21.

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Bien que les programmes d’éthique et de conformité favorisent le processus de gestion


des risques juridiques, éthiques et réputationnels, il se présente souvent des obstacles qui
entravent leur mise en œuvre et leur efficacité.

Nous allons étudier les outils de mise en œuvre du droit de la compliance (2.1) première
et les contraintes auxquels l’entreprise doit faire face en appliquant une politique de compliance
(2.2).
2.1- Les outils de mise en œuvre du droit de la compliance

Le Droit de la Compliance impose à l’entreprise de se structurer par la mise en œuvre


d’un certain nombre de procédures destinées à la gestion des risques. On parle de gestion des
risques et non pas seulement de prévention puisque si le risque peut être négatif il peut aussi
être positif en dégageant des opportunités et en permettant des décisions rationnelles au regard
des avantages que peut tirer l’entreprise à ne pas se conformer à la norme58.

La première obligation structurelle destinée à cette gestion des risques est


l’établissement d’une cartographie des risques59ayant pour objectif d’identifier, d’analyser et
d’hiérarchiser les risques.

2.1.1- La cartographie des risques

La cartographie des risques est un outil fondamental pour le responsable du management du


risque. Elle présente l’avantage d’illustrer, à un instant donné, les résultats des analyses
menées60.

Ainsi, elle représente de manière synthétique et graphique les risques de l’entreprise,


hiérarchisés selon des critères de gravité et de fréquence et présuppose la compréhension des
aléas et des vulnérabilités de l’entreprise afin d’en prévenir les effets le plus en amont possible

58
ROQUILLY Christophe, De la conformité réglementaire à la performance : pour une approche
multidimensionnelle du risque juridique, Cahiers de droit de l’entreprise, Novembre 2009, n° 6, p. 34.
59
La cartographie des risques est un visuel qui permet de comparer les risques. Généralement représenté sous
un format de matrice, chacun des risques analysés y est positionné en fonction de sa vraisemblance (ou
probabilité) – impact (ou gravité).
60
SUTRA Géraldine, Management du risque : une approche stratégique : Cartographie des risques : prenez de la
hauteur ! Paris,AFNOR,2018, p. 25.

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et, d’en limiter le cas échéant les conséquences négatives. Cette cartographie repose sur une
taxonomie des risques, véritable dictionnaire des risques possibles en théorie61.

La cartographie des risques est un procédé déployé sur plusieurs étapes, Chaque étape
possède ses contraintes, ses objectifs et ses livrables62.

La première étape consiste à l’identification et à l’évaluation des risques potentiels


auxquels l’entreprise est exposée en fonction de la typologie d’activité et des zones
géographiques d’opérations. La méthode d’identification peut se résumer en une triple
invitation : identifier la norme, identifier l’événement qui peut survenir et rencontrer la norme
et identifier l’incertitude qui pèse sur l’une ou sur l’autre.

La deuxième étape est l’identification de moyens susceptibles de garantir la maîtrise des


risques.

La troisième étape est l’identification des risques résiduels, c’est-à-dire ceux qui
persistent malgré la mise en œuvre des moyens de prévention. Les dirigeants devront alors
choisir les risques acceptables et ceux qui ne le sont pas et qui nécessitent l’ajustement des
procédures internes.

Cette cartographie des risques est établie par la compliance officer de l’entreprise ;
L’objectif étant d’augmenter la performance juridique de l’entreprise.

Pour autant la cartographie des risques ne concerne pas seulement le risque juridique
puisque le risque est de nature multidimensionnel : un risque juridique entraine en réalité un
risque financier, commercial, réputationnel…

La réalisation d’une cartographie des risques dans une organisation permet d’avoir une
vision d’ensemble exhaustive et précise, de son exposition aux « turbulences » de toutes natures,
tant internes qu’externes63.

61
FRATTA Hervé et MADERS Henri-Pierre et MASSELIN Jean-Luc, Les métiers d'auditeur interne et de contrôleur
permanent Ed. 1, Paris, Eyrolles, 2014, p. 34.
62
BERNARD Frédéric et GAYRAUD Rémi et ROUSSEAU Laurent, Contrôle interne Ed. 4, Paris, Maxima, 2013, p.
86.
63
BOURROUILH-PAREGE Olivier et SCHICK Pierre et VERA Jacques, Audit interne et référentiels de risques : vers
la maîtrise des risques et la performance de l'audit Ed. 3, Paris, Dunod, 2021, p. 66.

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2.1.2- Le compliance officer:

Le compliance officer se présente aujourd’hui comme un acteur indispensable au bon


fonctionnement de l’entreprise. Il doit veiller au respect et à l’application de ces règles et
sensibiliser le personnel aux évolutions réglementaires. De même, il doit prendre en compte
tous les risques qui pourraient entacher la réputation de son entreprise.

Avant de déterminer le processus de mise en œuvre de la compliance, il s’avère


nécessaire de faire une nette démarcation entre le juriste d’entreprise et le compliance office,
puisqu’on trouve fréquemment une confusion entre les deux fonctions.

Le juriste d’entreprise est en effet très courtisé64. Il gère les contentieux et participe aux
négociations commerciales. Il se charge ainsi de la rédaction et de l’exécution des contrats65.
Ce dernier dispose d’une véritable « boîte à outils » au service de l’entreprise et de ses
décideurs, des opérationnels et des fonctionnels de l’organisation66.

Informer et conseiller sont les missions importantes d’un juriste. Ce dernier doit mettre
le doigt sur les questions juridiques d'actualité et d’insuffler une culture juridique dans
l’entreprise, et de donner des solutions juridiques aux risques dont l’entreprise doit faire face.

La fonction du compliance officer est en quelque sorte une évolution du statut du juriste
d’entreprise. En revanche, il ne s'agira plus seulement de répondre à des questions dans le cadre
de dossiers, mais d'avoir une approche managériale consistant à identifier et prévenir les risques
juridiques, à les mesurer, et à les éradiquer.

Certains considèrent que le rôle du compliance officer consiste à attester que les affaires
sont menées conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, ainsi que dans le
respect des règles professionnelles et de comporte ment généralement admises.

Pour d'autres, le compliance officer s'assure que les activités sont exercées avec
diligence, loyauté et équité, dans le respect de la primauté des intérêts des clients et de l'intégrité
des marchés.

64
CRIGNON Anne, Les métiers du droit, Paris, L'Etudiant, 2008, p. 14.
65
Collectif, Le Grand livre des métiers Ed. 12, Paris, L'Etudiant, 2015, p. 61.
66
GAULTIER-GAILLARD Sophie et LOUISOT Jean-Paul, Diagnostic des risques : Identifier, analyser et
cartographier les vulnérabilités, Paris, AFNOR, 2014, p. 150.

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D'autres encore privilégient une vision axée sur l'identification et la des risques légaux,
réglementaires et de réputation67.

Le Compliance Officer a une triple responsabilité : faire respecter les réglementations,


nationales et internationales d'une part, les normes professionnelles et extra professionnelles
d'autre part et les règles d'éthique et de bonne conduite définie par l'entreprise et son
environnement enfin.

Le compliance officer est un nouveau métier qui se consacre à la sûreté éthique68.Il est
présent essentiellement dans les entreprises des secteurs où la réglementation est importante.
Ce dernier est chargé de s’assurer du respect de la réglementation, et des procédures internes
de l’entreprise, en somme de la bonne conduite de l’entreprise69.

La fonction de responsable de la conformité vise à assurer que les collaborateurs, et


l'entreprise dans son ensemble, répondent aux nombreuses obligations professionnelles
imposées par la réglementation. Cette fonction, son expertise, son indépendance, ses moyens,
sont déterminants car ils permettent de mettre en place et suivre l'ensemble des procédures et
mesures propres à assurer le et l'intégrité des marchés70.

Il doit ainsi former, informer le personnel sur ces nouvelles prescriptions et veiller à ce
que la mise en application ne reste pas sans effet. De même, il est tenu de soumettre des rapports
sur tous les comportements du personnel, bons ou mauvais, afin qu’ils soient débattus par la
hiérarchie.

Le compliance officer doit donc être proche des autres dirigeants de l'entreprise afin de
pouvoir mieux connaître leurs dilemmes et leurs problèmes et leur apporter des solutions.

En effet, il est responsable d’une fonction transversale et a généralement pour mission,


selon les travaux du Cercle européen des déontologues (CED) d’affirmer l’identité de
l’entreprise et sa diffusion, de développer la culture de responsabilité des managers, de

67
CORDIER-PALASSE Blandine, La Compliance Officer : chef d'orchestre de la culture change management. In
Gaudemet, A. (dir.), La compliance : un nouveau monde ? Aspects d'une mutation du droit, éd. Panthéon-Assas,
2016, Paris, p. 132.
68
SCOUARNEC Aline, Management et métier : Visions d'experts, Caen, EMS Editions, 2010, p. 167.
69
AVENEL Jean-David et PEYRARD Max, L'essentiel des risques de l'entreprise à l'international Ed. 1, Paris,
Gualino, 2015, p. 67.
70
DE JUVIGNY Benoît, « La compliance bras armé de la régulation », Régulation, Supervision, Compliance, Paris,
Dalloz, 2017, p. 21.

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concrétiser la responsabilité sociétale, de donner à l’entreprise un avantage concurrentiel,


conforter les chartes, codes éthiques, en un mot, être le garant de la sureté éthique.

La sûreté éthique traduit un état obligé de protection et conservation tel qu’une « entité
organisée » peut démontrer par une assurance raisonnable que ses valeurs, ses objectifs, son
intégrité, son image, sa réputation ne sont pas affectés ou ne peuvent pas l’être par des menaces
et dangers, matériels et immatériels, venant de pratiques et conduites non-éthiques,
individuelles ou collectives.

Ces comportements non-éthiques résultent de la non observance de la conformité aux


règles de l’ordre public et aux principes de l’ordre privé volontairement souscrits et/ou imposés
par d’autres acteurs. La sûreté éthique repose sur la qualité du dispositif de contrôle interne de
l’entité et suppose une prise de conscience de chacun71.

Enfin, un message fort de l’importance accordée à la compliance par l’entreprise passe


par l’établissement d’un compliance officer hissé au plus haut niveau de la hiérarchie. Plus le
niveau d’influence de la fonction conformité au sein de l’entreprise est élevé et plus il y aura
un effet positif sur l’adoption des programmes mis en place au titre de la compliance72.

Un clivage apparaît néanmoins entre deux visions fonctionnelles du Compliance Officer


(CO) dans l’entreprise73. Pour certains, la fonction de CO doit être clairement identifiée et
indépendante, mais travailler en étroite collaboration avec la fonction juridique. Pour d’autres,
c’est une préoccupation qui doit être l’affaire de tous, sur un mode collaboratif : la
problématique de compliance est traitée sous forme d’échanges avec les responsables des
différents secteurs concernés par des obligations de conformité.

71
IGALENS Jacques et JORTAS Michel, La sûreté éthique : Du concept à l'audit opérationnel, Caen, EMS Editions,
2010, p. 24.
72
COLLARD Christophe, « Le risque juridique existe-t-il ? », Cahiers de droit de l’entreprise, Janvier 2008, n° 1, p.
31.
73
COLLARD Christophe et GUIZOT Xavier et GRAS Guy et ROQUILLY Christophe et SAINTE FARE GARNOT Rémy,
« La conformité règlementaire et les « programmes de compliance », Cahiers de droit de l’entreprise, Mars 2010,
n° 2, p. 25.

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2.2- Les obstacles à la mise en œuvre des programmes de la compliance

Récapitulons ce qui a été précédemment évoqué. Il ressort de notre réflexion que la


compliance est vue comme un moteur de succès. Les entreprises qui clarifient leurs valeurs sont
susceptibles de réussir.

La compliance permet à l’entreprise de se positionner dans la nouvelle logique


managériale qui prend en compte les besoins de tous les acteurs de l’entreprise et du milieu
environnant. La compliance est préventive et permet à l’entreprise de se pérenniser.

L’intégration des programmes de la compliance peut conduire l’entreprise à améliorer


son image de marque et sa réputation, à gagner des parts de marché, à développer son chiffre
d’affaires par des produits éthiques, à être perçue comme leader sur son marché.

Bien que les programmes d’éthique et de conformité favorisent le processus de gestion


des risques juridiques, éthiques et réputationnels, il se présente souvent des obstacles qui
entravent leur mise en œuvre et leur efficacité.

2.2.1- Le coût élevé de la compliance :

La mise en œuvre de la compliance est une activité hautement chronophage


(consommatrice de temps) et donc coûteuse pour les organisations. Les dépenses associées à la
mise en place et au maintien d’un programme d’éthique et de conformité efficace sont
normalement signalées comme l’un des premiers problèmes que l’entreprise doit faire face.

En effet, la compliance engendre un coût financier important qui englobe généralement


les frais administratifs, d’infrastructure, de communication et de surveillance, la rémunération
du personnel chargé de l’élaboration, de l’application et du suivi du programme de même que
les dépenses pour l’adaptation et la gestion des systèmes informatiques afférents.

Les organisations produisent parfois des objectifs qui ne sont pas raisonnablement
atteignables, au regard des moyens qui sont donnés à ceux qui sont censés porter la
responsabilité de leur exécution74.

2.2.2- L’absence de contrainte :

74
CORDEL Frédéric et LEBEGUE Daniel, Gestion des risques et contrôle interne : De la conformité à l'analyse
décisionnelle, Paris, Vuibert, 2013, p. 218.

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Von Jhering disait que « le droit sans la force est un feu qui ne brûle pas «. La
compliance n’a pas une force contraignante. En effet, la base des engagements énoncés repose
sur des verbes d’intention, dont encourager, souhaiter, viser et favoriser. Des expressions
comme « l’entreprise favorise », « est attentive à », « souhaite contribuer à », « encourage »,
« vise à promouvoir », « participe à » se retrouvent souvent dans ces textes et dénotent alors
leur caractère déclaratif plutôt qu’impératif75.

De plus, le droit de la compliance reste une manifestation de droit mou. En substance,


le droit souple ou soft Law est celui qui recommande sans prévoir de sanction, civile ou pénale,
pour les contrevenants76.A priori, les normes de droit souple n’ont aucune valeur contraignante.

Il n’existe aucune valeur juridique des codes éthiques par exemple et ne s’imposent pas
au juge. Néanmoins, malgré leur absence d’obligation et de sanction juridiques, celles-ci
peuvent éventuellement faire l’objet d’une forme de reconnaissance par le droit dur77.

Autrement dit, si les normes souples ne sont pas a priori des normes juridiques comme
telles, celles-ci peuvent toutefois être utilisées par le droit dur pour préciser le contenu de
certaines exigences.

Par exemple, le juge peut utiliser ces codes éthiques afin de bâtir son intime conviction,
mais il ne peut pas fonder entièrement sa décision en se basant exclusivement sur ces documents
éthiques. Ces codes n’ont pas une force de la loi et donc ne s’imposent pas au juge.

Bref, le droit mou regroupe sous sa houlette une diversité d’instruments normatifs qui
ne comportent aucune obligation ni sanctions juridiques. De plus, les outils de la compliance
sont des techniques qui visent à gérer l’inflation normative mais qui, paradoxalement,
contribuent à la renforcer, en étant génératrices de normes et de procédures.

75
KEREN DAYANA ALVARADO GRANADOS, « Ethiques des affaires et conformité : de la gestion des risques à
une culture d’entreprise », Université de Montréal, 2019, P.113.
76
JESTAZ Philippe, Les sources du droit Ed. 2, Paris, Dalloz, 2015.p. 38.
77
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Conclusion

Les entreprises ont toujours eu besoin d’une gouvernance inclusive afin de valoriser leur
image et réputation et de déployer leur influence pour dominer et conquérir de nouveaux
marchés, pour assurer leur acceptabilité sociale, pour collaborer avec d’autres partenaires, pour
résister en cas de crise.

Le Droit de la Compliance se présente comme un outil concurrentiel dans la mesure où


il conduit à protéger, voire à renforcer la notoriété de l’entreprise en promouvant une image
positive et une culture éthique dont la finalité ultime est de concilier le bien être particulier de
l’entreprise avec les impératifs de l’intérêt général.

La compliance devient un moyen de mesurage de l’image de l’entreprise sur le marché


et une technique d’évaluation de l’intensité de gouvernance au sein d’un organisme. De ce fait,
avec une politique de compliance forte l’entreprise devient attractive pour ses partenaires et ses
clients et évite les conséquences néfastes du risque de non-conformité.

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Bibliographie :

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