656-Article Text-2225-2-10-20230816
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ISSN: 2726-5889
Volume 4 : Numéro 3
ESSIYEDALI Abdellah
Enseignant chercheur
Centre Régional des Métiers de l’Education et de la Formation (CRMEF) de Rabat
Equipe de Recherche Pluridisciplinaire « Ecole & Société » (ERPE&S)
Maroc
[email protected]
Résumé
La finalité de la pratique réflexive est d’aider les enseignants à améliorer leurs pratiques
enseignantes. Ces pratiques devraient intégrer une réelle préparation aux activités réalisées en
milieu professionnel. Les activités pédagogiques de formation devraient permettre aux
stagiaires d’apprendre à modéliser la complexité du contexte professionnel tout en investissant
de manière plus pratique et plus réfléchie les connaissances théoriques. Ces connaissances sont
certes nécessaires mais pas suffisantes pour le développement d’une posture réflexive. Dans
cette optique vient s’inscrire cette réflexion qui tente de traiter certains questionnements en
rapport avec les postures, approches et pratiques de formation recommandées par les dispositifs
de formation des futurs enseignants. Sous forme d’une contextualisation des différentes offres
de formation initiales et continues, notre souci consiste à souligner les contraintes et les défis
qui pourraient handicaper voire nuire à ce processus de professionnalisation qui représente un
enjeu majeur pour l’école marocaine.
Abstract
The aim of reflective practice is to help teachers improve their teaching practices. These
practices should include real preparation for activities carried out in the workplace. Pedagogical
training activities should enable trainees to learn to model the complexity of the professional
context while investing theoretical knowledge in a more practical and reflective way. This
knowledge is certainly necessary, but not sufficient, for the development of a reflective posture.
It is with this in mind that this paper attempts to address a number of issues relating to the
postures, approaches and training practices recommended by the training systems for future
teachers. In the form of a contextualisation of the various initial and in-service training offers,
our concern is to highlight the constraints and challenges that could handicap or even hinder
this process of professionalisation, which represents a major challenge for Moroccan schools.
Introduction
Dans son rapport sur la vision stratégique 2015-2030 intitulé « pour une école de l’équité, la
qualité et de la promotion » le Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la
Recherche Scientifique(CSEFRS) souligne que « l’école se situe actuellement au cœur du projet
de société de notre pays, en raison des missions qu’elle se doit d’assumer dans la formation des
futur(e)s citoyen(ne)s, dans la réalisation des objectifs du développement humain durable et
dans la garantie du droit à l’éducation pour tous ». Les objectifs de changement concernent un
repositionnement du rôle de l’école qui devrait, entre autres, “ remplir les missions de
socialisation, d’éducation aux valeurs nationales et universelles, d’enseignement et
d’apprentissage, de formation et d’encadrement, de recherche et d’innovation, de qualification
à l’intégration socioculturelle et à l’insertion économique”. Ce changement de paradigme
valorise une éducation fondée sur l’idée d’un enseignement de qualité qui, par-delà la capacité
de lire, écrire et compter (acquisition de connaissances et aptitudes), s’inscrit dans un projet
sociétal qui vise la formation de l’être social.
La fonction de la socialisation comme le souligne Durkheim (1922) consiste à favoriser
l’adaptation de la personnalité de l’individu à la société dans laquelle il vit. Le projet sociétal
définit en quelque sorte la place qui devrait occuper chaque personne tout en lui permettant de
satisfaire ses besoins et ses attentes. Dans cette optique Durkheim réserve le terme d’éducation
aux institutions qui ont pour projet systématique la socialisation des jeunes générations par les
anciennes, comme la famille et l’école.
L’école en tant qu’institution est invité à remplir différentes missions et jouer plusieurs rôles.
A ce sujet Grootaers (2014) stipule que les missions de l’institution scolaire pourraient se
résumer dans le remplissage de trois grands rôles à savoir l’Ecole de l’Education, l’Ecole de la
Socialisation et l’Ecole de l’Utilité. L’Ecole de l’Education se sert de la science et de la raison
pour offrir l’occasion à chaque élève d’être un sujet penseur qui se distingue par sa singularité
et sa pensée critique. Quant à l’Ecole de la Socialisation, son rôle consiste à créer un sentiment
d’appartenance en tant que futur citoyen et bien entendu préparer le jeune apprenant à pouvoir
dépasser les particularismes locaux de type communautariste. Concernant l’Ecole de l’Utilité.
Son rôle est plutôt d’ordre pragmatique. Il s’inscrit dans une logique instrumentale. Dans cet
optique, l’école est censée préparer l’élève à l’insertion socioprofessionnelle via le processus
de certification et l’acquisition de diplômes. L’ensemble de ces rôles et mission laisse observer
la nature des attentes de la société à l’égard de l’école ce qui rend sa mission plus complexe.
Ces attentes nous invitent à soulever un ensemble de questions qui nous semble pertinentes en
lien avec la nature de l’éducation au sein de l’école, la natures des enseignements, leurs
organisations, les pratiques éducatives et pédagogiques, le rapport au savoir, le développement
de la créativité et de l’esprit critique, le travail collaboratif… autrement dit comment l’école
pourrait contribuer à la réussite du projet sociétal tout court ?
Ces questionnements légitimes et d’autre, nous invite à mettre l’accent sur un levier très
important voir incontournable dans ce processus de changement à savoir les compétences
professionnelles des enseignants et par conséquents la nature de leur formation initiale,
professionnelle et continue !
En vue de réponde aux attentes et besoins de notre société, le Maroc a décidé d’entamer à
partir de l’année 2000 à une réforme de son système éducatif par le bais d’un changement
stratégique qui a été traduit par la conception et la mise en place de la Charte Nationale de
l’Education et de la Formation (CNEF). Il s’agit d’un ensemble d’orientation concernant les
principes fondamentaux du système éducatif marocain. La Charte a porté un intérêt particulier
à « l’amélioration de la qualité de l’éducation et de la formation ». Ces dispositions concernant
: la révision et l’adaptation des programmes et méthodes d’enseignement, l’adoption d’une
nouvelle génération de manuels scolaires ainsi que la diversification de l’utilisation des langues.
Certes, la formation des enseignants est considérée comme un axe stratégique. À cet effet, le
levier 13 de la charte a souligné cette relation qui lie d’une part « l’engagement des enseignants
» et d’autre part « le renouveau de l’école ». Un ensemble de critères de réussite a été défini
sous forme d’orientation telle que la qualité de formation des enseignants, l’intégration de
l’ensemble des établissements de formation et la nécessité d’une formation continue pour une
meilleure gestion de la carrière professionnelle du corps professoral. Pour comprendre
l’ampleur et l’urgence de la réforme, un bref arrêt sur la nature de l’offre de formation des
enseignants nous semble incontournable.
Depuis les années 60, la formation des futurs enseignants a été institutionnalisée dans
différents de formation (ENS, CPR, CFI). Les Centres de Formation des Instituteurs (CFI)
assuraient la formation des enseignants de cycle primaire. Quant aux Centres Pédagogiques
Régionaux (CPR), ils se chargeaient de la formation des enseignants du cycle collégial. En
revanche, les Ecoles Normale Supérieurs (ENS) prenaient en charge la formation des
enseignants du cycle secondaire et par la suite la formation des professeurs agrégés. Chaque
établissement avait ses propres modalités de formation selon une approche curriculaire
disciplinaire que nous pouvons qualifié de traditionnelle. A noter que ces différents dispositifs
de formation (DDF), malgré les divergences d’approche, ont réservé une place assez importante
au sciences humaines et sciences de l’éducation. (Sciences de l’éducation, pédagogie spéciale,
didactique générale, psychologie de l’éducation, dynamiques de groupe, sociologie de
l’éducation, psychologie…etc.)
Il est important de rappeler que la formation continue des enseignants au Maroc a été
impactée par les différentes réformes. Ce qui explique cette diversification en termes de formes
et d’organisation. La formation continue faisait partie des missions des établissements dédies à
la formation initiale. C’est le cas du 2ème cycle de l’ENS, du cycle spécial dans les CPR, du
cycle de formation des inspecteurs, du cycle de formation des chargés de l’orientation ou de la
planification et du cycle de l’agrégation. D’une manière générale, nous pouvons souligner que
le dispositif de formation de ce type de formation semble s’inscrire dans la même logique des
dispositifs de la formation initiale quant à la place réservée aux sciences de l’éducation. Pae
ailleurs, il faut mentionner que d’autres modes de formation continue (formation à la carte) dont
la durée varie entre 1 à 4 jours sont planifiés pour répondre à certains besoins sous forme de
journées pédagogiques ou de séminaires entre enseignants. Malheureusement, la quasi majorité
de ces formations n’accorder aucune place aux sciences humaine et aux sciences de l’éducation,
les activités de formation s’intéressaient davantage aux didactiques de disciplines. Toutefois,
certaines formations ont fait l’exception. Nous citons celles organisées durant la période 1999-
2002 dont l’offre de formation comprenait certains modules en lien avec les sciences de
l’éducation (didactique, psychologie, pédagogie). Un autre exemple est celui du projet E3.P1
du programme d’urgence. Ce projet avait comme objectif de mettre en place un nouveau
système de formation continue au niveau de l’enseignement scolaire (MENESFCRS, 2009-
2012). Certaines thématiques de formations ont concerné les sciences de l’éducation (Approche
par les compétences, les innovations pédagogiques, le manuel scolaire, l’enseignement
préscolaire, pédagogie de l’intégration)
Certes, la réforme du système éducatif marocain depuis les orientations de la CNEF ont
permis d’instaurer certains changements. Cependant on observe la persistance de
dysfonctionnent dont l’impact altère négativement l’efficacité de l’école. Les manifestations de
ces dysfonctionnements prennent différentes formes. Entre autres nous citons l’échec scolaire,
l’abondant scolaire, la violence scolaire, crise de valeur, le rapport au savoir…etc. Cet état de
fait a poussé le Ministère de l’Education National (MEN) a élaboré un Programme d’Urgence
qui s’est étalé entre 2009-2012 dont la finalité est l’accélération de la mise en œuvre de la
réforme. Pour améliorer la formation des enseignants, quatre mesures majeures ont été arrêté à
savoir : « une définition des critères et des processus de sélection des enseignants du scolaire »
; « la mise en place de filières universitaires d’éducation (FUE) » ; « la création de centres
régionaux des métiers de l’enseignement et de la formation (CRMEF) » et « la mise en œuvre
d’une stratégie de formation continue des enseignants ». La déclinaison de ces mesures laisse
observer une réorganisation de la formation des enseignants et un changement au niveau des
dispositifs de formation (DDF). Il nous semble intéressant de s’arrêté sur la nature de cette
offre.
Les CPR et CFI dont la mission est d’assurer la formation qualifiante des enseignants ont
été remplacés par les Centre Régionaux en Métiers de l’Education et de la formation (CRMEF).
Selon le décret de création (décret 2.11.672 du 23 décembre 2011 relatif à la création des
CRMEF (BO 6018 Du 2 Février 2012), un CRMEF est un établissement de formation des
cadres supérieurs sous tutelle du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation
Professionnelle. Un ensemble de missions sont confiées aux CRMEF à savoir : la qualification
des enseignants ; la préparation au concours d’agrégation ; la formation des directeurs et des
cadres d’appui ; l’organisation des sessions de formation continue ; la recherche scientifique et
pédagogique ; la production documentaire et l’élaboration des propositions de projets de
réformes en matière de curricula et de formation.
L’analyse des trajectoires des DDF de l’enseignant laisse observer des transformations des
formations initiales qui témoignent d’un changement de la définition de son profil en termes de
compétence voire un changement de paradigme de formation. Le focus est mis sur la
professionnalisation de ces métiers. Former un acteur de l’éducation est un acte qui pourrait se
décliner de différentes façons selon qu’on vise une formation à la recherche, une formation
généraliste ou une formation à un métier de l’éducation. Dans ce dernier cas, nous avons affaire,
comme le stipule Charlot (1995) à « une discipline universitaire dans un champ de pratiques
sociales », ce qui transforme notablement le rapport au savoir.
La nouvelle acceptation des compétences professionnelles de l’acteur du champ éducatif met
l’accent sur les valeurs personnelles qui se traduisent par l’importance des qualités humaines
relationnelles et communicationnelles. Il s’agit de socle de compétence d’ordre transversal.
Ceci nous invite à situer notre analyse plutôt dans le cadre de la science-action (Argyris, 1990)
qui est censé éclairer ce rapport entre savoirs académiques et pratiques professionnelles
Dans cette optique en vue de souligner les rôles et missions de l’enseignants, le CES 2008
précise que « Les missions de l'enseignant consistent à assurer les conditions de l'appropriation
par un maximum d'élèves, de savoirs, du savoir-faire, des méthodes d'apprentissage, des valeurs
nationales et universelles et des aptitudes personnelles évolutives ». « L'enseignant a ainsi le
devoir d'accomplir les trois missions suivantes : La participation à l'éducation des apprenants
sur la base d'un système de valeurs morales, humanistes et civiques partagées par la nation ;La
transmission des savoirs et du savoir-faire selon des contenus et une méthodologie validés ;La
préparation de l'élève ou de l'étudiant à s'intégrer dans la vie professionnelle et sociale, en lui
faisant acquérir les compétences nécessaires, et en participant à son épanouissement personnel.
». L’accomplissement de ces rôles et mission nécessite un ensemble de qualificatif composant
un profil de 5 compétences qui a été présenté par le CSE (2008), qui s’est inspiré du « modèle
de l’enseignant réflexif » de Paquay & Wagner (1996), comme suit :
Acteur social (connaissances socio-culturelles spécifiques à l'exercice du métier) ;
Chercheur (démarche scientifique et attitudes de recherche) ;
Maître instruit (connaissances disciplinaires et interdisciplinaires) ;
Personne en relation (connaissances socio-affectives et relationnelles) ;
Pédagogue (connaissances pédagogiques) ;
Praticien (savoir-faire).
Un ensemble de question et de réflexion nous emble pertinent à souligner pour examiner cette
problématique entre le prescrit et la réalité du terrain à savoir : Comment peut-on appréhender
la nature complexe de l’acte d’enseigner ? Comment offrir l’occasion au formé pour apprendre
à s'auto-réguler, s'auto-évaluer, s'autonomiser et s'auto-former ? Comment opèrerez le passage
d’une posture d’étudiant qui maîtrise un champ disciplinaire à une posture de professionnel qui
utilise des savoirs pour comprendre sa pratique et ses effets ? Comment développer un savoir
agir professionnel qui articule savoirs formalisés et savoirs pratiques ?
Certes, éduquer et enseigner sont la raison d’être de l’école. L’acte d’enseignement renvoie à
la gestion dynamique des apprentissages. Cette gestion englobe à la fois la facilitation et
d'organisation de l'apprentissage. Le rôle de l’enseignant, outre l’organisation des situations
d'apprentissage, il est considéré comme un agent de changement. A ce niveau, Giordan (1998)
stipule que l'enseignant doit tenir compte de l'individu et intervenir sur son environnement. Pour
faire démarrer l'acquisition de nouveaux savoirs, Giordan (1998) évoque la nécessité de réguler
quatre éléments à savoir : l'intentionnalité (l'accroche), l'expression, la mise en contraste des
conceptions installées et la perturbation de l'élève. Ce processus d’acquisition est provoqué par
des ruptures voire des perturbations de l’ordre établi qui nécessite une présence voire un
accompagnement de l’enseignant pour donner sens et stabiliser les nouvelles acquisitions.
Les compétences requises pour une pratique enseignante telle que présentées au préalable nous
invite à s’arrêté sur la nature de la formation des enseignants. Sans aucun doute, cette formation,
quel que soit sa nature (initiale, qualifiante ou continue) devrait offrir l’occasion aux futurs
enseignants pour vivre un passage d’une posture d’étudiant qui maîtrise un champ disciplinaire
à une posture de professionnel qui utilise des savoirs pour comprendre sa pratique et ses effets.
Il s’agit d’un savoir enseigner avec des attentes en termes de rôle et de mission.
Certes un professionnel compétant se caractérise par son savoir agir. A ce sujet Guy Le Boterf
(2008) souligne que « une des modalités privilégiées du développement de la compétence passe
par le retour sur l’action : travailler sur le comment et le pourquoi afin d’entraîner la réflexivité,
l’autoanalyse. « Face à des situations complexes, l’estimation de la pertinence d’un choix passe
par la confrontation des points de vue : on gagne en objectivité en passant par
l’intersubjectivité ». Dès lors, une personne agit avec compétence si elle est capable d’identifier,
d’utiliser et d’investir avec efficience les différentes ressources offertes et disponibles
(connaissances, affects, relation, contexte) pour faire face aux exigences et contraintes d’une
situation. Une compétence suppose, au-delà du traitement efficace, que cette personne pose un
regard critique sur les résultats de ce traitement qui doit être socialement acceptable. Nous
Notre pratique de terrain en tant que formateur des futurs enseignants nous a permis d’avoir
des retours d’expériences de la part de nos enseignants stagiaires que nous qualifions de
pertinents. Une grande partie de ces retours souligne l’existence d’un fossé entre ce qui est
offert par les DDF en termes de formation et la pratique de terrain. Ces stagiaires, d’après leurs
témoignages, se trouvent incapable d’affronter certaines réalités de leur pratique
professionnelle. A titre d’exemple nous citons les retours d’expériences suivants : « On se
trouve face à des phénomes et difficultés auxquelles on se sent dépassé… » ; « Dites-nous ce
que nous devrions faire pour gérer la discipline, j’ai tout essayé ! » ; « Les élèves d’aujourd’hui
manque de motivation, je n’arrive pas à les motiver » ; « Le programme est trop chargé, on est
dans une course contre le temps ! C’est très frustrant ! » ; « …la pratique du terrain c’est autre
chose, que ce qu’on voit en formation » …)
Il nous semble important de noter que la plupart des travaux menés sur la réflexivité
s’intéressent davantage aux enseignants stagiaires. Certes c’est un levier important à analyser
mais il ne faut pas occulter le rôle important joué par le formateur qui pourrait impacter
considérablement ce processus réflexif (Correa Molina & al., 2010 ; Derobertmasure, 2012).
Par définition, le processus réflexif devrait aider les stagiaires à devenir acteurs de leur pratique.
Le formateur par son expertise, son esprit critique et ses pratiques de formation guide les
étudiants à travers des échanges, des feedbacks, des remises en question et des explicitations en
lien avec leurs modes de pensé et d’agir. Cet accompagnement aide les étudiants à prendre
consciences et bien entendu à développer des savoir sur l’action qui vont leur permettre
d’améliorer leurs choix didactiques et pédagogiques (Bouissou, Brau-Anthony, 2005). La
finalité étant de permettre à ces stagiaires de passer du « faire » à « l’agir » et d’induire ainsi
une évolution dans les processus de construction du savoir professionnel. Ce « modèle du
praticien réflexif », adopté par certains pays comme le Canada concerne l’entièreté des DDF y
compris l’intégration des différents acteurs intervenants. Un tel dispositif, quel que soit le degré
d'incorporation à l'ensemble de la formation, induit un certain nombre de réactions, voire de
repositionnements de la part des acteurs, a fortiori des formateurs. (Tardif et Lessard, 1999 ;
Perrenoud, 2001).
Former à la réflexivité, accompagner l'enseignant débutant pour devenir un praticien réflexif ne
peut s'envisager sans une participation consciente de la part du le formateur. Se pose également
la question du transfert de la compétence de réflexivité sur la pratique en classe, l’objectif de la
formation professionnelle visant en effet la construction d’une compétence de réflexivité
s’exerçant, aussi, en cours d’action. (Raucent & al, 2010).
Pour expliciter en quoi ressemble cette formation à la réflexivité et le rôle du formateur réflexif,
Derobertmasure (2012) identifie cinq fonctions dans les interventions du formateur à savoir : «
la fonction évaluative, la fonction pédagogique, les questions liées au futur enseignant, la
fonction sociale et la fonction structurante ». Selon le même auteur, pour exercer cette fonction
évaluative, le formateur utilise des feedbacks pour aider le stagiaire de se situer par rapport aux
objectifs à atteindre. Quant à la fonction pédagogique, elle vise à aider le stagiaire à prendre du
recul en se référant aux recommandations du formateurs en lien avec ses choix méthodologique
et l’investissement de ses connaissances disciplinaires. La troisième fonction est en rapport avec
les questions liées au futur enseignant. Le formateur doit offrir l’occasion au stagiaire de se
poser des questions en lien avec sa personne et son identité professionnelle. La fonction sociale
est en rapport avec le rôle du support social qui devrait être jouer par le formateur. Les questions
soulevées lors des différents échanges pourraient alimenter un certain stress chez le stagiaire ce
qui nécessite une intervention adéquate de la part du formateur pour le rassurer. Enfin, la
fonction structurante, se définit comme « la clarification et l’interprétation de la situation ou
des propos, le recentrage des propos, la réitération et le fait de compléter les propos du futur
enseignant » (Derobertmasure, 2012).
De manière générale, nous pouvons souligner le fait que la formation des enseignants au
Maroc, et malgré les différentes réformes, se caractérise par son aspect rigide et sa résistance
au changement. Cette rigidité pourrait être expliquée, entre autres, par une absence d’évaluation
systématique qui devrait alimenter les ajustements a apporter lors de la déclinaison et
l’opérationnalisation des DDF. S’inspirer des modèles occidentaux et des nations
industrialisées ou opter pour un Benchmarking est une pratique nécessaire au niveau de la
conceptualisation. Toutefois la mise en place nécessite des DDF contextualisés capables
prendre en considération les spécificités de notre pays (économique, culturelle, historique,
social…etc.) et de répondre aux attentes de notre société.
Dans ce cadre Perrenoud (2002), dans une réflexion sur l’efficacité d’un système éducatif
évoque dix principes fondamentaux. Entre autres nous citons les deux principes suivants « Des
professionnels compétents, autonomes et réflexifs, engagés dans une amélioration continue et
coopérative des pratiques et des dispositifs » et « Des professions fondées sur des savoirs étayés
par les sciences sociales et humaines ». La formation actuelle des enseignants met généralement
l’accent sur la professionnalisation. L’environnement culturel de élèves, sa singularité, ses
habitus, son imaginaire collectif, le non-dit, son affectivité… sont souvent occultés autant dans
les classes que dans les établissements de formation. Il ne semble pas indispensable de savoir
si les enseignants ont saisi les besoins d’apprentissage spécifiques de l’élève et de la complexité
de l’école. Alors que les sciences humaines (philosophie, psychologie, sociologie…) sont
timidement investies. Le contenu de la formation des enseignants en sciences de l’éducation
mérite une révision, une restructuration voire une redéfinition profonde. L’enjeu est de taille !
Ce programme devrait permettre aux stagiaires de développer, outre les connaissances
disciplinaires, une posture de praticien réflexif qui est capable de faire mobiliser un corpus de
compétence (savoirs, savoir-faire et savoir être) pour mener à bien son action pédagogique dans
une environnement complexe et fluctuant. Le développement de ce portefeuille de compétence
n’est possible que si et seulement si les DDF offrent une formation pluridisciplinaire articulant
à la fois un apport pratique, culturel, philosophique, pédagogique, psychosocial et didactique
en lien avec la nature complexe de l’acte d’enseigner dans le contexte de l’école marocaine.
Conclusion
priorité aux procédures flexibles, aux réponses différenciées, à l'appréciation qualitative des
processus complexes et à la responsabilité décentralisée en matière de jugement et d’action ».
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