Willa Cather - La Nièce de Flaubert

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Willa Cather

La nièce
de Flaubert
Traduction de l’anglais et préface
d’Anne-Sylvie Homassel
© The Willa Cather Literary Trust
© Les Éditions du Sonneur, 2012 pour la présente édition
ISBN : 978-2-916136-48-6
Dépôt légal : avril 2012
Conception graphique de la couverture : Sandrine Duvillier
Conception graphique de l’intérieur : Anne Brézès
Relecture typographique : Nathalie Barthès
Les Éditions du Sonneur
5, rue Saint-Romain, 75006 Paris
www.editionsdusontieur.com
Préface
LORSQU’EN 1930, WILLA CATHER s’installe pour quelques jours
au Grand-Hôtel, à Aix-les-Bains, elle est déjà considérée par
certains critiques comme un auteur du passé, un Henry James
en jupons dont l’étoile pâlit devant celles d’Hemingway, de
Steinbeck et de Faulkner.
Née en 1873 en Virginie, fille de riches fermiers, elle a
passé ses premières années dans un Sud encore dévasté par la
guerre de Sécession. L’année de ses dix ans, ses parents
décident de partir dans le Nebraska, terre encore quasi
vierge – du moins pour les pionniers et les émigrants. La jeune
Willa y rencontre nombre de familles suédoises, bohémiennes
ou allemandes, tout juste arrivées d’Europe – le matériau
humain de nombre de ses futurs romans. Bientôt, les Cather
quittent les rudes plaines et la ferme pour s’installer en ville, à
Red Cloud. Adolescente douée, Willa s’inscrit à l’université de
Lincoln, la capitale de l’État, et paie ses études en rédigeant
critiques et recensions pour le Nebraska State Journal. Son
diplôme de lettres obtenu, elle quitte le Nebraska pour
Pittsburgh (Pennsylvanie), écrit pour le Pittsburgh Daily
Leader, enseigne le latin et l’anglais, et vit pendant quelques
années chez son amie et première muse, Isabelle McClung.
C’est avec elle qu’elle visite pour la première fois l’Europe, en
1902. Cather publie en 1903 un recueil de poèmes, April
Twilights, suivi en 1905 d’un recueil de nouvelles, The Troll
Garden. Ce qui, sans doute, décide l’éditeur Sam McClure à
lui proposer de contribuer à son magazine, McClure’s, qui
publie notamment Henry James, Joseph Conrad, W. B. Yeats ;
elle en devient la directrice en 1909. Puis Cather s’installe à
New York avec une autre amie d’université, Edith Lewis.
Autre rencontre décisive, l’écrivain Sarah Orne Jewett,
grande figure littéraire de Boston, qui ne cesse de lui
conseiller de trouver sa voie et de se libérer de l’influence,
selon elle négative, de ses trop nombreux travaux
journalistiques. Ce n’est qu’après le succès de ses deux
premiers romans, Alexander’s Bridge (paru en 1912) et
Pionniers (O Pioneers !, 1913)(1), que Cather peut enfin songer
à suivre le conseil de Jewett. Suivront Mon Ántonia (My
Ántonia, 1918) et un autre recueil de nouvelles, Youth and the
Bright Medusa (1920).
Un nouveau voyage en Europe l’emmène en 1920 sur les
champs de bataille de la Première Guerre mondiale, source
d’inspiration de L’Un des nôtres (One of Ours), roman qui lui
vaudra le prix Pulitzer en 1923. Elle est la deuxième femme à
l’obtenir, après Edith Wharton, qui l’avait reçu en 1920 pour
Le Temps de l’innocence. « Le monde se cassa en deux vers
l’année 1922 », écrit Cather dans la préface à Not Under
Forty (1936), dont La Nièce de Flaubert est extrait. Séquelles
de la guerre mondiale, deuils personnels, approche de son
propre demi-siècle… Cather, cependant, après cette
irréparable fracture, continue d’écrire nombre d’œuvres qui
allient modernité de la langue, sèche intimité du ton et
expériences narratives portées par son seul désir. Une dame
perdue (A Lost Lady, 1923), La Maison du professeur (The
Professor’s House, 1925), Mon ennemi mortel (My Mortal
Enemy, 1926), La Mort et l’Archevêque (Death Comes for the
Archbishop, 1927), Des ombres sur le rocher (Shadows on the
Rock, 1931) lui apportent un lectorat nombreux – mais une
réception critique parfois acide. Elle est, disent certains, un
auteur du passé, qui ne veut ou ne peut affronter la crise
économique et politique dont souffre le monde.
C’est cette singulière femme de lettres, traduite en français
dès 1924 par Victor Llona (Mon Ántonia paraît cette année-là
chez Payot), grande lectrice de Flaubert, de Maupassant, de
Balzac, qui a la bonne fortune de rencontrer à l’été 1930
Caroline Franklin-Grout, née Hamard, veuve Commanville,
nièce de ce même Flaubert – et sans nul doute, aux yeux de
Cather que les destins individuels fascinent, admirable
survivante de la grande cassure temporelle évoquée dans Not
Under Forty. Caroline a pu écrire d’elle-même qu’elle était
« née dans les larmes ». Fille de la sœur de Gustave Flaubert,
morte en couches en 1846, la petite Caro est rapidement
retirée à son père, devenu fou ; la grand-mère et l’oncle,
écrivain et célibataire, l’élèvent à Croisset, dans la maison
familiale, et ont la curieuse idée de la marier, dès ses dix-huit
ans, à un affairiste qui manque bien de ruiner l’auteur de
Salammbô. Caroline ne quittera jamais l’ombre de son oncle,
dont elle éditera – en plus d’un sens – la correspondance, ce
qui la fera détester d’un certain nombre de flaubertiens. Grâce
à lui, elle croisera Maupassant, compagnon de jeux,
Tourgueniev, George Sand, Heredia et les chers amis de « mon
oncle », Louis Bouilhet et Maxime Du Camp. Les
représentants d’un « âge d’or » que Cather a fait presque sien
dès l’adolescence, découvrant par le biais de l’essai d’Henry
James, French Poets and Novelists (1878) et par ses propres
lectures, le plus souvent dans le français d’origine, des
écrivains dont elle se sentira toujours particulièrement proche.
« En toute chose artistique, les Français ont plus de patine et
de sensibilité ; leurs traditions sont plus pures, plus
anciennes ; ils ont une connaissance instinctive de l’art de
vivre, un don qui manque encore aux Anglais et aux
Américains », juge-t-elle notamment, selon les propos
rapportés par la chercheuse américaine Stéphanie Durrans
dans sa monographie consacrée à l’influence de la culture
française sur Willa Cather(2). Une proximité, estime Durrans,
qui tient de l’influence « en creux » : c’est vitalisée par cet art
de vivre que Cather peut se replonger, avec ses grands
romans, dans le matériau de son enfance, la terre américaine,
et ceux et celles, infiniment divers, qui l’habitent et la
travaillent. On ne pourra cependant s’empêcher de distinguer,
dans l’extrême précision de Cather, dans son art de l’ellipse,
« un réalisme, dit une autre de ses exégètes, Helen Dennis(3),
qui ne s’ancre pas dans le matérialisme, mais dans un regard
attentif et une restitution exacte […] qui ne cèdent jamais à
l’explication » – l’influence du modèle flaubertien.
« [Flaubert], rappelle sobrement Caroline Grout dans ses
mémoires(4), jugeait qu’aucun livre n’est dangereux s’il est
bien écrit ; cette opinion venait chez lui de l’union intime qu’il
faisait du fond et de la forme. »

La Nièce de Flaubert, histoire de cette brève rencontre, est


du reste l’exemplaire reflet de ce flaubertisme de Cather.
Mme Franklin-Grout meurt l’année suivante, en 1931. Cather,
rentrée aux États-Unis, écrit encore deux romans, Lucy
Gayheart (1935) et Sapphira and the Slave Girl (1940), et
fournit avec Not Under Forty, ironique recueil d’essais sur la
littérature, une réponse à ses détracteurs. Y figurent non
seulement La Nièce de Flaubert, hommage détourné aux
maîtres français de l’art de vivre et d’écrire, mais aussi The
Novel Démeublé, bref manifeste du modernisme cathérien.
Son ultime roman, Hard Punishments, dont l’action se déroule
à Avignon, à l’époque des papes français, reste inachevé : à la
demande de Cather, son amie de toujours, Edith Lewis,
détruira le manuscrit après la mort de l’écrivain, en 1947.

ANNE-SYLVIE HOMASSEL
LA NIÈCE DE FLAUBERT
I

CELA SE PRODUISIT À AIX-LES-BAINS, l’une des villes les plus


agréables du monde. Je séjournais au Grand-Hôtel d’Aix,
lequel donne sur la petite place en pente qu’orne le buste en
bronze de la reine Victoria, commémorant ses quelques visites
en cette antique station thermale de Savoie. Le casino et
l’opéra sont tout proches, de l’autre côté des jardins. L’hôtel a
été conçu pour les voyageurs d’il y a quarante ans, qui
aimaient les grandes chambres et les grandes salles de bains. Il
est tranquille ; rien de chic, mais très confortable. J’ai entendu
autrefois les anciens en parler, à Pittsburgh et à Philadelphie.
Les hôtels plus récents, situés sur les collines pentues qui
surplombent la ville, ont une clientèle plus à la mode : le bruit,
le jazz et les danseurs.
Dans la salle à manger, je remarquai à plusieurs reprises, à
une table qui n’était pas bien éloignée de la mienne, une dame
âgée, une Française, qui le plus souvent déjeunait et dînait
seule. Elle semblait bien vieille en effet, largement plus de
quatre-vingts ans, et quelque peu invalide, mais ni flétrie ni
voûtée. Elle n’était pas grosse, mais son corps souffrait de cet
empâtement assez informe qui, pour je ne sais quelle raison
odieuse, affecte souvent les gens lorsqu’ils atteignent le grand
âge. Ce que l’on remarquait plus particulièrement était sa belle
tête, si bien plantée sur ses épaules, au dessin si harmonieux,
rappelant certains bustes de dames romaines. Son nez formait
avec son front droit et bas l’angle idéal ; ses tempes avaient
dans leurs lignes, ce qui est rare, quelque chose d’adorable.
La regardant entrer et sortir de la salle à manger, je vis
qu’elle boitait légèrement, sans aucunement s’en soucier
toutefois, marchant à petits pas rapides et avec une grande
impatience, les épaules bien droites. Visiblement, elle n’avait
pour les infirmités de la vieillesse qu’intolérance et mépris.
Passant devant ma table, elle m’accordait souvent un regard
pénétrant et un demi-sourire (ses yeux étaient brillants à
l’extrême et clairs), comme si elle s’apprêtait à dire quelque
chose. Je restai impassible. Je suis une médiocre linguiste : il
eût été absurde de débiter des banalités à cette dame. De cela,
on pouvait se rendre compte au premier regard porté sur elle.
Pour lui adresser la parole, il fallait être à son aise.
À plusieurs reprises, tôt le matin, il m’arriva de la voir
quitter l’hôtel en voiture ; chaque fois, le chauffeur installait
dans l’auto une chaise pliante, un chevalet, des toiles et des
boîtes de couleur sanglées entre elles. Puis ils prenaient la
direction des montagnes. Il lui fallait quelque vaillance, à cette
dame, pour aller peindre par ce temps étouffant – car cette fin
d’août 1930 voyait s’achever l’un des étés les plus chauds
qu’eût jamais connus Aix-les-Bains. Tous les soirs, après
dîner, elle disparaissait dans l’ascenseur pour remonter dans sa
suite. Souvent, elle réapparaissait plus tard, habillée pour
l’opéra où elle se rendait en compagnie de sa femme de
chambre.
Un soir qu’il n’y avait pas de spectacle, je la trouvai qui
fumait une cigarette au salon, où je m’étais installée pour
écrire quelques lettres. La nuit était chaude et toutes les
fenêtres étaient ouvertes ; la voyant serrer son châle de
dentelle sur sa poitrine, j’allai fermer l’une des croisées. Elle
s’adressa alors à moi dans un anglais excellent :
— Je crois que ce courant d’air vient de la salle à manger.
Si vous voulez bien demander au groom de fermer les portes,
nous ne le sentirons plus.
Je trouvai le garçon, qui nous rendit ce service, lorsque je
revins au salon, la vieille dame me remercia puis, désignant un
fauteuil à son côté, me demanda si j’avais le temps de fumer
une cigarette.
— Vous séjournez pour quelques jours ici, ai-je
l’impression ? me demanda-t-elle tandis que je prenais place.
J’acquiesçai.
— Vous aimez donc l’endroit ? Vous faites une cure ? Y
êtes-vous déjà venue ?
Non, je ne faisais pas de cure. J’étais déjà venue, en effet ;
aimant la ville, j’y revenais donc.
— Aix-les-Bains a moins changé que bien d’autres
endroits, je crois, remarqua-t-elle. Cela fait trente-cinq ans que
je viens ici ; j’y ai des liens anciens. De surcroît, j’apprécie la
musique qu’on y donne. J’habite dans le Sud, à Antibes.
Fréquentez-vous le Grand-Cercle ? Avez-vous entendu Tristan
et Iseult, hier soir ?
Je n’avais pas assisté au concert. Je n’aurais pu, lui dis-je,
aller à l’opéra par une chaleur aussi accablante.
— Mais il n’y faisait pas plus chaud qu’ailleurs. Je ne m’y
suis pas trouvée mal.
Il y avait dans sa voix un accent de reproche ; en guise
d’excuse supplémentaire, j’ajoutai ceci : je pensais que les
rôles principaux ne seraient certainement pas tenus par de très
bons interprètes, or j’aimais à entendre cet opéra bien chanté.
— Ils n’étaient pas mauvais, déclara-t-elle. Avec Wagner,
les voix ne m’importent pas tant que cela. C’est l’orchestre
que je viens écouter. Il était dirigé hier soir par Albert Wolff,
l’un de nos meilleurs Kapellmeister.
J’étais bien désolée d’avoir manqué Tristan et Iseult, lui
dis-je.
— Et demain après-midi, viendrez-vous à son concert
classique ? Il donnera une excellente interprétation de la Valse
de Ravel… Si vous appréciez la musique moderne…
Je me hâtai de dire que j’en avais justement l’intention.
— Mais avez-vous pris des places ? Non ? Alors je vous
conseille de le faire sans tarder. Ici, il vaut mieux réserver pour
toute la série de concerts. C’est le meilleur moyen, même si
l’on peut, bien sûr, en manquer quelques-uns. Il n’y a pas
grand-chose d’autre à faire pour occuper ses soirées, à moins
d’aller jouer au casino. De plus, nous sommes presque en
septembre. Les jours baissent déjà, et l’on a besoin d’aller au
spectacle.
La vieille dame s’interrompit, les sourcils froncés, et fit un
geste impatient d’une main intrigante.
— Ah, qu’aurais-je dû dire ? « Baisser », ce n’est pas le
mot, mais je n’ai pas souvent l’occasion de parler anglais.
— Vous auriez aussi pu dire que les jours raccourcissaient,
mais « baisser » est très bien choisi, me semble-t-il.
— Mais un peu poétique, n’est-ce pas ?*(5)
— Peut-être, oui ; cependant, c’est une poésie juste.
— C’est-à-dire ?
— Qu’elle est n’est ni trop livresque, ni trop littéraire. Les
gens utilisent cette expression dans certaines régions
d’Angleterre, je crois. En Amérique, je l’ai entendue dans la
bouche de quelques vieux fermiers du Sud.
La vieille dame eut un petit rire sec.
— Ainsi, lorsqu’un mot est employé par des fermiers, on
peut s’y risquer ?
Oui, lui dis-je, c’était exactement ce que je voulais dire :
on pouvait s’y risquer.
Nous parlâmes encore quelque temps ce jour-là. Elle me
demanda si j’étais déjà allée à Chamonix et me recommanda
vivement un village des environs de Sallanches, où elle avait
rendu visite peu de temps auparavant à des amis, sur le chemin
d’Aix-les-Bains. En lui répondant, je tombai dans ce travers
imbécile qui vous saisit parfois lorsque vous vous adressez à
des gens dans une langue qui n’est pas la leur et tentai de lui
expliquer quelque chose en termes trop simples.
— Parlez de façon idiomatique, je vous prie, me reprit-elle,
les sourcils froncés. Autrefois, je connaissais très bien
l’anglais. Si je le parle mal, c’est que je manque à présent de
pratique.
Je lui souhaitai bonne nuit et retournai à ma
correspondance. En montant me coucher, je passai voir l’amie
avec laquelle je voyageais pour lui dire que la vieille dame
française que nous avions si souvent admirée parlait un très
bon anglais, avec, de surcroît, grande facilité ; qu’elle
paraissait, de fait, avoir un instinct assez particulier pour les
langues.
II

LE LENDEMAIN, LA CHALEUR ÉTAIT INTENSE. Au matin, les


belles chaînes de montagne qui encerclent Aix se dressaient,
nettes, acérées, mais les vignes semblaient fanées. Vers midi,
les collines se firent plus indistinctes et le soleil se déversa sur
les rues, filtré par un air vaguement laiteux. Je craignais
d’avoir à affronter la fournaise d’une salle de spectacle :
cependant, je me rendis à deux heures au concert d’Albert
Wolff et y entendis une Valse de Ravel telle que l’on n’en
donnera sans doute plus de mon vivant – un petit orchestre
merveilleusement entraîné, un chef magistral.
Le programme était long et comprenait deux entractes. La
dernière partie ne me semblait pas particulièrement
passionnante : le concert, bien assez bon sans ces ajouts,
n’avait que trop duré. Je décidai de m’y dérober. Je traversai
donc la Grand-Place pour aller prendre un thé près de l’Arc
romain. En quittant le foyer par la sortie qui donnait sur le
jardin, je vis la vieille dame assise sous le porche avec sa
femme de chambre. Elle portait une robe blanche et une
capeline de dentelle de même couleur, et s’éventait d’une main
vigoureuse. La transpiration qui gouttait sur son visage
dessinait des traces sombres dans la poudre. Elle me fit signe
d’approcher, me demanda si j’avais apprécié la musique. Oui,
assurément, répondis-je, ajoutant qu’à présent ma capacité à
jouir, voire simplement à écouter, était épuisée et que je partais
prendre un thé sur la place.
— Mais non, dit-elle, ce ne sera pas nécessaire. Vous
pouvez très bien vous restaurer ici, à la Maison des Fleurs, ce
qui vous laissera le temps de revenir pour la troisième partie.
Après l’avoir remerciée, je traversai le jardin, sans
l’intention toutefois d’assister à la fin du concert. Cette dame,
de toute évidence, avait coutume de faire les choses jusqu’au
bout, si j’en jugeais par l’intensité avec laquelle elle vivait, se
rendant au concert et à l’opéra sous un soleil de plomb, se
souciant de surcroît d’y faire venir d’autres personnes, et
s’intéressant aux interprétations de Ravel, quand, bien
naturellement, son goût pour la musique contemporaine eût dû
s’arrêter à César Franck, à n’en pas douter.
Je sortis des jardins du casino par une grotte artificielle qui
donnait sur la rue, montai jusqu’à la place et pris le thé avec de
sympathiques Anglais que j’avais rencontrés sur le mont
Revard, un jeune entrepreneur et sa femme, venus passer des
vacances à Aix-les-Bains. J’avais un peu l’impression d’avoir
échappé à une institutrice exigeante. La vieille dame tenait
pour acquis qu’on veuille accomplir le plus de choses
possibles dans un temps imparti. Je compris bientôt que la vie,
pour elle, avait précisément cette signification – accomplir des
choses, « et toujours les faire un peu mieux que la fois
précédente », remarqua-t-elle un jour, quand j’eus appris à la
connaître.
En me changeant pour le dîner, je décidai d’aller passer
quelque temps dans les montagnes de Haute-Savoie, au pied
du Mont-Blanc. Ce soir-là, lorsque la vieille dame m’arrêta
pour que nous parlions du concert, je lui demandai de me
conseiller un hôtel là-haut – puisque, lors de notre première
rencontre, elle m’avait vivement recommandé d’aller visiter
l’un de ces villages de montagne, facilement accessible de
Sallanches.
Elle m’indiqua immédiatement un hôtel en grande altitude,
très frais, et me dressa la liste de toutes les excursions que je
devais faire du village, m’élaborant un programme dont je
savais bien que je ne le suivrais pas. Si je partais dans les
hauteurs, ce n’était que pour fuir la chaleur et contempler le
Mont-Blanc d’un point de vue qui lui fit honneur, et non pour
courir la campagne.
III

MON EXPÉDITION FUT UN RÉEL SUCCÈS. Toutes les


suggestions de la vieille dame s’avérèrent excellentes, ce dont
je lui fus très reconnaissante. Je m’absentai plus longtemps
que je ne l’avais prévu. Je rentrai à Aix-les-Bains tard un soir,
me levai tôt le lendemain matin et me rendis à la banque, en
me disant qu’Aix était décidément un endroit que l’on aime
toujours retrouver. En revenant déjeuner à l’hôtel, qui vis-je ?
La vieille dame assise dans un fauteuil, devant la porte, l’air
las et fané. Pourquoi avait-elle décidé d’affronter la fournaise,
elle qui avait une auto et un chauffeur ? Je ne le sais. Elle avait
subi la chaleur tous les jours, était sortie peindre tous les jours.
Elle me réserva un accueil très cordial, me demanda si j’étais
prise pour la soirée et me proposa de la retrouver dans le salon,
après le repas.
Je dînais avec mon amie. Puis nous nous rendîmes toutes
deux au salon, où nous attendait la vieille dame. En mon
absence, notre relation semblait avoir progressé de façon
manifeste, bien que nous ne nous fûmes toujours pas
présentées l’une à l’autre. Mais que me dirait son nom,
pensais-je ? Elle était ce qu’elle était. Nul ne pouvait ne pas
remarquer sa distinction, sa vigueur : elles se manifestaient
dans son port de tête, ses belles mains, sa voix, le choix des
mots qu’elle prononçait, quelle qu’en fût la langue, son regard
étincelant, des plus perçants.
Je n’étais pas curieuse d’apprendre son nom, sûrement un
détail sans importance.
Nous nous mîmes à discuter de manière fort détendue. La
vieille dame fit quelques commentaires sur l’expérience
soviétique en Russie. Mon amie remarqua qu’il était heureux
pour les grands écrivains russes du siècle passé qu’ils
n’eussent pas vécu assez vieux pour assister à la Révolution :
Gogol, Tolstoï, Tourgueniev.
— Ah oui, dit la vieille dame avec un soupir. En particulier
pour Tourgueniev, tout cela aurait été très effroyable. Je l’ai
bien connu, à une époque.
Je la regardai, ébahie. Oui, bien sûr, ce n’était pas
impossible. Elle était très âgée. Je lui répondis que c’était la
première fois que je rencontrais quelqu’un qui eût connu
Tourgueniev.
Elle sourit.
— Non ? Quand j’étais jeune, je le voyais souvent. La
langue allemande m’intéressait beaucoup, ainsi que les
grandes œuvres. Je travaillais à une traduction de Faust pour
mon seul plaisir ; de temps en temps, Tourgueniev s’y
plongeait et la corrigeait. C’était un grand ami de mon oncle.
J’ai été élevée chez mon oncle.
Elle s’exprimait avec une excitation croissante : son visage
s’était animé, sa voix s’était faite plus chaleureuse. Il y avait
une lueur dans ses yeux ; une émotion puissante se réveillait
en elle. Elle poursuivit d’une voix un peu tremblante.
— Ma mère est morte à ma naissance, et j’ai été élevée
chez mon oncle. Il fut plutôt un père pour moi. Mon oncle était
également un homme de lettres, Gustave Flaubert, vous
connaissez peut-être…
Elle murmura cette dernière phrase d’un ton singulier,
comme si elle venait de commettre une indiscrétion qu’elle
aurait voulu, furtivement, me faire oublier.
La signification de ces mots m’apparut lentement. Ainsi,
elle devait être la Caro des Lettres à sa nièce Caroline*.
Assurément, il n’y avait rien à dire. Le salon était plongé dans
un silence absolu, mais il n’y avait absolument rien à répliquer
à cette révélation. J’avais le sentiment d’être confrontée
soudain à une montagne de souvenirs que la vieille dame avait
fait apparaître grâce à quelques mots et à un nom ou deux.
Impossible d’en faire le tour ; il fallait se contenter de
comprendre bêtement que là gisait, dans presque toute son
étendue, un passé mental qui était aussi le mien. Quelques
minutes s’écoulèrent. Aucune réplique n’aurait pu saluer
pareille découverte. Je pris dans la mienne l’une de ses
adorables mains et l’embrassai, en hommage à une grande
époque, aux noms qui avaient fait trembler sa voix.
Elle eut un rire embarrassé.
— Oh, il ne faut pas, protesta-t-elle, il ne faut vraiment
pas !
Mais le soupçon, le léger défi perceptible de son « Vous
connaissez peut-être… » avaient disparu.
— Vous connaissez bien les œuvres de mon oncle ?*
Qui ne les connaissait pas ? lui demandai-je.
De nouveau son ton coupant, accompagné d’un
haussement d’épaules :
— Oh, je n’ai pratiquement jamais rencontré quelqu’un qui
les connaisse vraiment. L’auteur bien sûr, sa place dans notre
littérature, oui, mais pas les œuvres elles-mêmes. De nos jours,
je ne rencontre plus personne qui s’y intéresse vraiment.
Les grands noms ne sont pas aisés à manier dans une
conversation avec quelqu’un rencontré par hasard. On ne peut
pas prendre trop de liberté avec eux ; ils ont trop de valeur. La
meilleure chose à faire, me dis-je, était de ne rien forcer et de
ne surtout poser aucune question, de laisser la vieille dame
dire ce qu’elle voulait bien dire, de l’interroger sur ce qu’elle
voulait bien révéler. Elle souhaitait, me semblait-il, parler des
œuvres de mon oncle*. Son assaut fut hésitant. Elle fit mouche
çà et là. Le sujet était vaste. Elle me dit qu’elle avait corrigé le
manuscrit incomplet de Bouvard et Pécuchet après la mort de
Flaubert, que de tous ses livres, c’était La Tentation de Saint-
Antoine qu’il préférait. Sans doute, supposait-elle, n’étais-je
guère d’accord avec ce choix ?
Non, en effet, même si j’en étais désolée.
— C’est Madame Bovary, j’imagine, que vous appréciez le
plus ?
On ne peut guère discuter de ce livre, c’est un fait avéré.
On le connaît trop bien pour bien le connaître.
— Et cependant, souffla-t-elle, l’éditeur n’en donna que
cinq cents francs à mon oncle. Bien sûr, il n’écrivait pas pour
l’argent. Pourtant, il aurait bien aimé… Alors lequel préférez-
vous ?
Je lui dis qu’ayant relu L’Éducation sentimentale quelques
années plus tôt, j’avais eu l’impression de découvrir cette
œuvre pour la première fois dans sa grandeur.
— Ah, dit-elle en secouant la tête, trop long, prolixe, trop
de conversation*. Et Frédéric est très faible.
Mais il y avait sur son visage une expression ardente. Au
ton de sa voix, je compris qu’elle procédait comme Garibaldi
lorsqu’il parla à ses soldats le jour de la retraite de Rome, leur
promettant le froid et la faim et la maladie et le dénuement. Et
quelque chose d’autre, mais cela, son armée devait le
comprendre d’elle-même.
Il m’avait semblé, lors de cette dernière relecture de
L’Éducation sentimentale, que même ses faiblesses avaient de
la noblesse. Le livre est trop froid, sans doute, pour justifier
son sous-titre, Roman d’un jeune homme, car la jeunesse,
même lorsqu’elle est dépourvue d’enthousiasme et de
générosité, a du moins un farouche égoïsme. Je m’étais
cependant demandé si cette présentation de Frédéric, distante,
sans entrain, presque méprisante, n’était pas une réaction à la
manière trop compatissante qu’avait Balzac de décrire ses
jeunes gens : Eugène de Rastignac, Lucien de Rubempré,
Horace Bianchon et tous les autres. Sans doute, Flaubert avait-
il dû trouver détestable la propension qu’avait le même Balzac
à forcer le trait de ses personnages, à descendre dans l’arène à
leur côté, à lutter et à suer avec eux, les soutenant de toute sa
chaleur animale. Peut-être était-ce, chez Balzac, cette habileté
de voyageur de commerce qui avait poussé Flaubert à dire de
lui, dans une lettre à sa nièce Caroline : « Avec cela, ignorant
comme un pot et provincial jusque dans la moelle !* »
Naturellement, un roman sur la jeunesse aussi
complètement dépourvu de cet élan gustatif et de cet intérêt
trop marqué pour les banalités est souvent condamné à
l’échec. L’Éducation n’est pas exempt de futilités (ainsi va la
vie, du reste), mais lui fait défaut le vorace appétit avec lequel
les jeunes gens s’adonnent à des expériences stupides et
grossières. L’histoire de Frédéric est celle du jeune âge auquel
on aurait ôté le cœur – ce qui la rend fréquemment ennuyeuse.
Pourtant, les derniers chapitres du livre justifient qu’on y ait
embarqué. Alors, la jeunesse du héros devient bien plus réelle
qu’au cours des pages précédentes, dans lesquelles les années
se suivaient mollement sous l’œil du lecteur ; le roman
s’achève dans les hauteurs. De l’ultime scène, vaste et
tranquille, assis devant la cheminée auprès des deux amis,
désormais dans leur âge mûr (amis, ils ne l’ont pas été
vraiment, mais ils ont été jeunes ensemble), le lecteur
considère de nouveau la vie de Frédéric et comprend qu’il l’a
assimilée tout entière, jusque dans ses moments les plus
ennuyeux. C’est quelque chose qu’il a vécu, et non un roman
qu’il a lu. Quelque chose de moins divertissant, peut-être, mais
de bien plus inexorable. Quelque chose qui lui restera –
comme il aurait conservé une faiblesse au cœur après je ne sais
quelle maladie. Une ombre est tombée sur son esprit qui ne
s’effacera pas.
La vieille dame et moi discutâmes un moment de
L’Éducation sentimentale.
Elle parla avec affection et chaleur, avec tendresse, de
Mme Arnoux.
— Ah oui, Mme Arnoux, qu’elle est belle.
La larme dans son œil brillant, le rose à ses joues et le
radoucissement de ses traits me disaient bien plus. Cette
femme charmante et affable de la petite bourgeoisie, cette
épouse qui donne sa tenue au roman (comme elle la donne à
Frédéric) traversait l’esprit de la vieille dame avec tant
d’intensité qu’on eût dit qu’elle venait d’entrer dans la pièce.
Mme Arnoux était avec nous, dans cet hôtel d’Aix-les-
Bains, le soir du 5 septembre 1930, en chair et en os, dans les
jolis atours de son temps, comme en cette occasion où
Frédéric, pour la première fois, dîna au 24 de la rue de
Choiseul. La nièce avait pour ce personnage de son oncle un
sentiment très particulier. Elle s’attarda dans ses souvenirs, se
rappela l’apparition de Mme Arnoux, assise sur le banc d’un
bateau, sur la Seine, en robe de mousseline à pois verts et
grand chapeau de paille aux rubans rouges. Chaque fois que la
vieille dame prononçait le nom de Mme Arnoux, c’était
toujours avec une marque d’affection : elle souriait, soupirait
ou secouait la tête, comme nous le faisons lorsque nous
parlons d’une chose ou d’une personne dont nous ne pouvons
expliquer la beauté.
— Ah, oui, elle est adorable, Mme Arnoux. Elle est très
complète.
La vieille dame me confia qu’elle avait chez elle le
manuscrit corrigé de L’Éducation sentimentale.
— Bien sûr, j’en ai de nombreux autres. Mais celui-là, il
me l’a donné bien avant de mourir. Vous le verrez quand vous
viendrez me voir chez moi, à Antibes. J’ai appelé ma maison
la Villa Tanit, pour la déesse*, ajouta-t-elle avec un sourire.
Ce nom nous ramena à Salammbô, qui est celui des livres
de Flaubert que je préfère. J’aime Flaubert dans ces vastes
reconstructions du passé cruel et lointain. J’en vins à
mentionner la dernière phrase de son conte intitulé Hérodias,
dans laquelle le rythme des syllabes suggère si
merveilleusement le pas hâtif des disciples de Jean emportant
la tête coupée de leur prophète, et elle répéta ces mots
doucement :
— Comme elle était très lourde, ils la portaient al-ter-na-
ti-ve-ment.*
Il se faisait tard. La femme de chambre depuis longtemps
attendait sa maîtresse dans le couloir. Enfin la vieille dame se
leva et serra son étole sur ses épaules.
— Bonne nuit, madame*. Puissiez-vous faire de beaux
rêves. Quant à moi, je ne dormirai pas ; vous avez réveillé trop
de souvenirs.
Elle alla à l’ascenseur de ce pas énergique, invaincu, avec
lequel elle traversait toujours la salle à manger, mouvant avec
hardiesse un corps sur lequel elle n’avait plus un contrôle
absolu.
En remontant dans ma chambre, en ouvrant les fenêtres, je
compris, moi aussi, que le sommeil allait m’échapper. La
pleine lune (semblable à celle de Salammbô) s’était levée sur
la petite place et illuminait les jardins, les rues tranquilles, les
montagnes brumeuses. La vieille dame avait rendu très proche
cette ère glorieuse des lettres françaises – période qui a
toujours eu une signification particulière pour la vie intime de
quiconque se soucie de la littérature de ce pays.
IV

SANS DOUTE, CEUX D’ENTRE NOUS qui ont eu la chance de


découvrir les maîtres français par accident, et non pas sous la
férule glaciale d’un professeur, ont vécu à peu de chose près la
même expérience. Nous avons tous commencé, bien sûr, avec
Balzac. Aux yeux des jeunes lecteurs, et pour d’excellentes
raisons, Balzac est l’alpha et l’oméga. Ils le lisent et le relisent,
ils vivent dans son monde ; à qui n’a pas d’expérience, les
sphères de Balzac ne semblent ni peuplées ni meublées à
l’excès. Lorsqu’ils commencent à lire Flaubert – Madame
Bovary faisant en général office de présentation –, ils
ressentent le changement de ton : soudain leur manque l’éclat,
et l’ardeur, et le caractère. (Il est à peine exagéré d’affirmer
que si l’on n’est pas un peu fou de Balzac à vingt ans, on ne
vivra jamais – et qu’ayant atteint le double de cet âge, on a
vécu en vain si l’on jauge encore Rastignac et Lucien de
Rubempré à la seule aune de Balzac.) Nous lisons donc
d’abord Madame Bovary avec une certaine hostilité. Le vin est
trop sec pour nous. Nous essayons, peut-être, une autre des
œuvres de Flaubert et, haussant les épaules, revenons à Balzac.
Mais les jeunes gens qui sont un tant soit peu attentifs à
certaines qualités d’écriture ne retrouvent pas le Balzac qu’ils
avaient délaissé. Il leur est arrivé quelque chose qui gâte leur
plaisir. Pendant un temps, il leur semble avoir perdu et
Flaubert et Balzac. Ils finissent par les retrouver tous deux et
lisent chacun pour ce qu’il est, ayant appris que les limites
d’un artiste comptent pour autant que ses forces, qu’elles sont
un atout manifeste et non pas une faiblesse, et que c’est
l’alliage qui donne son goût à un créateur, sa personnalité, la
chose qui fait que l’oreille reconnaît immédiatement Flaubert,
Stendhal, Mérimée, Thomas Hardy, Conrad, Brahms, César
Franck.
Reste que Balzac, de même que Dickens et Scott, séduit
particulièrement ces foules d’individus qui n’ont aucune
sensibilité pour quelque forme d’art que ce soit et qui ne le
lisent que dans de médiocres traductions. Ce qui témoigne de
son immense vitalité, que le plus rude des traitements ne
saurait diminuer. Et suggère, de même, qu’il lui manque
certaines qualités qui n’importent – mais grandement, le cas
échéant – qu’à quelques rares lecteurs. Il est un moment où
l’on commence à comprendre ce que Flaubert cherchait, à
admirer (presque malgré soi) cette singulière intégrité de
langue et de vision, cette froideur qui, chez lui, a de la
noblesse. C’est un épisode de notre propre existence dont on a
plaisir à se souvenir, et Mme Franklin-Grout, ce soir-là, me
l’avait remis à portée de main.
V

CAR TEL ÉTAIT SON NOM. Le valet de chambre* m’apporta,


le lendemain, une carte de visite ; y étaient gravés ces mots :
MADAME FRANKLIN-GROUT
ANTIBES
On avait ajouté dans un coin « Villa Tanit » à l’encre
violette.
Dans la soirée, la vieille dame et moi nous retrouvâmes au
salon ; Mme Grout évoqua bien des choses. De la guerre de
1870, par exemple, et de son effet sur Flaubert.
Il avait veillé à ce que sa nièce se trouvât à l’abri en
Angleterre pendant l’essentiel de cette période tourmentée.
Durant la Première Guerre mondiale, elle avait passé une
grande partie de son temps en Italie. De toutes les langues
qu’elle parlait avec tant de facilité, c’était l’italien qu’elle
préférait (elle connaissait même le suédois, ayant vécu en
Suède, où son premier époux avait des affaires).
Elle parla de Tourgueniev(6), de l’affection que son oncle
lui portait et de la grande admiration qu’il avait pour son art.
Elle aimait à se rappeler ses délicieuses visites à Croisset,
récompenses d’une longue attente pour ses hôtes. Tourgueniev
envoyait en général une lettre pour leur donner une date, la
modifiait dans la suivante, puis par télégramme, et parfois ne
venait pas du tout. La mère de Flaubert se préparait à ces
séjours en inspectant tous les lits de la maison, sans pouvoir en
trouver un seul qui fût assez long pour que « le Moscove » pût
s’y coucher à son aise. Mme Grout semblait se souvenir avec
un plaisir particulier des soirées où Tourgueniev s’asseyait
près d’elle et relisait sa traduction de Faust.
— Quelle noblesse de sa part, de se pencher sur mes
puérils efforts !
Elle se rappelait bien l’époque pendant laquelle il écrivait
Les Eaux printanières et l’excitation qu’elle avait ressentie à la
lecture de ce texte. Tout comme Henry James, elle semblait
regretter le statut qu’avait eu Tourgueniev dans la maison
Viardot(7) – en parlait, même après tout ce temps, avec
ressentiment.
— Et quand ils organisaient une battue, il s’occupait des
chiens ! grommelait-elle.
Un soir, elle évoqua les dernières années de Tourgueniev, si
tristes, sa fille, qui l’avait déçu, sa maladie, longue et
douloureuse, la manière dont sa vie semblait rétrécir un peu
plus à mesure que ses amis mouraient, jusqu’à sombrer dans la
désolation. Mais c’étaient là des souvenirs très intimes, et si
Mme Grout avait souhaité qu’ils fussent publics, elle les eût
écrits.
Mme Viardot, elle l’avait très bien connue, et fréquentée de
longues années après la mort de Tourgueniev.
— Pauline Viardot était une artiste magnifique, et une
femme d’une intelligence et d’un attrait indéniables, d’un
grand charme – très espagnole, au fond* !
Elle ne tenait pas M. Louis Viardot en grande estime. Je
crus comprendre qu’il était plaisant, sans plus. Lorsque je lui
demandai s’il avait réellement traduit certaines œuvres de
Tourgueniev en français, la vieille dame haussa les sourcils,
une lueur moqueuse dans les yeux.
— C’est Tourgueniev lui-même qui les traduisit. Viardot
avait dû regarder par-dessus son épaule.
Elle n’aimait pas George Sand. Certes, admettait-elle, ses
amis hommes ne lui avaient jamais manqué de loyauté et
avaient pour elle la plus grande considération ; mon oncle*
appréciait sa camaraderie ; cependant Mme Grout trouvait
détestable la personnalité de la dame.
Je crus comprendre qu’aux yeux de Mme Grout, George
Sand n’avait vraiment rempli aucun des grands rôles qu’elle
s’était assignés : la maîtresse dévouée, l’indéfectible amie et
« bonne camarade », la mère se sacrifiant pour ses enfants. Les
amis hommes de Sand croyaient fermement en toutes ces
vertus – elle aussi, sans doute. Mme Grout malgré tout avait
l’air de penser qu’en ses diverses relations, Mme Dudevant
s’était plus souvent gratifiée qu’elle ne s’était oubliée ; qu’elle
n’avait jamais cessé de s’admirer et qu’elle était un rien
sournoise. Mme Grout avait pour cette sorte de fausseté,
déconcertante, un dégoût instinctif, immédiat, qui lui faisait
grincer des dents. Tourgueniev, pourtant analyste pénétrant du
caractère féminin, n’avait jamais ressenti, semble-t-il, cette
superficialité. Chopin, en revanche, s’en était rendu compte,
pour son malheur, en observant, chose curieuse, le
comportement de Mme Dudevant envers ses propres enfants.
Sa correspondance s’en était fait l’écho sur le tard. Il avait
découvert en George Sand une duplicité si subtile, si
douloureusement fourbe, que lorsqu’il y fait allusion, ses
phrases semblent frémir.
Bien que je m’efforçasse de laisser Mme Grout diriger nos
conversations, sans jamais lui faire de suggestion ni
l’interroger, je lui demandai tout de même un jour si elle lisait
Marcel Proust avec quelque plaisir.
— Trop dur et trop fatigant*, murmura-t-elle, congédiant
d’un geste de la main le plus grand écrivain français de son
temps.
Lorsque je prononçai le nom d’Anatole France, elle
s’empressa de dire :
— Oh, je l’aime énormément. Mais je l’apprécie surtout en
ce qu’il doit à mon oncle.
Quand elle était fatiguée ou très émue, la vieille dame
parlait français ; mais lorsqu’elle revenait à l’anglais, c’était
d’une manière aussi fluide que correcte. Elle le parlait comme
une Anglaise, sans la moindre trace d’accent français.
Ce qui m’étonnait le plus en elle était sa vive affection
pour la musique contemporaine – Ravel, Scriabine, Albéniz,
Stravinski, de Falla. Quelques jours avant de quitter Aix, je la
rencontrai devant le guichet de l’opéra, réservant des sièges
bien précis pour une représentation de Boris Godounov.
Comme elle avait invité des amis de Sallanches à se joindre à
elle, elle ne pouvait s’en tenir à sa place habituelle.
— Vous viendrez vous aussi, n’est-ce pas ? C’est le dernier
concert d’Albert Wolff cette saison et il dirige très bien cette
œuvre, m’expliqua-t-elle.
Ce soir-là, à l’opéra, je me plus à observer la vieille dame
et la façon dont l’expression de son visage changeait, tandis
qu’elle écoutait la musique avec une attention qui ne s’égarait
à aucun instant, paraissant plus jeune, plus vigoureuse qu’elle
avait jamais semblé à la lumière du jour, comme si la musique
était un puissant cordial. Toute forme de plaisir, avais-je
remarqué, la rendait plus incisive, plus directe et plus
confiante, plus souveraine aussi, ravivant en elle le cachet
d’une époque parvenue à un grand style dans les arts. Flaubert
lui écrivit ceci lorsqu’elle n’était encore qu’une jeune femme :
« C’est une joie profonde pour moi, mon pauvre loulou, que de
t’avoir donné le goût des occupations intellectuelles. Que
d’ennuis et de sottises il vous épargne !* »
Ces occupations assurément ne l’avaient jamais quittée,
l’avaient accompagnée plus d’années que l’oncle lui-même
n’en avait vécues. À quatre-vingt-quatre ans, elle avait encore
un talent pour le plaisir que peu de gens en ce monde pourront
jamais posséder.
VI

LE LENDEMAIN MATIN, j’appris à Mme Grout qu’une de mes


amies étant tombée malade, je devais rentrer sur le champ à
Paris.
Et quand, me demanda-t-elle, pourrais-je revenir et lui
rendre visite à Antibes, à la Villa Tanit, qu’elle puisse me
montrer sa collection Flaubert et le contenu du bureau de son
oncle, qu’elle avait fait transférer chez elle trente-cinq ans plus
tôt ?
Je lui répondis que je craignais que cette occasion ne dût
être reportée à l’été suivant.
Elle eut un rire très charmant.
— À mon âge, bien sûr, les lendemains ne sont jamais
certains.
Puis elle me demanda si elle pouvait, après son retour à
Antibes, m’envoyer quelque souvenir de notre rencontre ;
aimerais-je posséder un objet qui eût appartenu à son oncle ou
une lettre de sa main ?
Je lui expliquai que je n’étais pas une collectionneuse, que
les manuscrits et lettres autographes avaient peu de
signification à mes yeux. Ce qui, de Flaubert, avait pour moi
de la valeur m’appartenait déjà – depuis des années. J’étais
plutôt vexée qu’elle pût penser que j’eusse besoin d’une
relique qui me les rappelât, elle et son oncle. C’était le
Flaubert de son esprit et de son cœur qui me donnerait un beau
souvenir.
Le lendemain, après déjeuner, je pris congé de Mme Grout.
Je partais par le train de deux heures. Ce fut un adieu hâtif,
attristé, mais il y avait de part et d’autre une réelle affection.
Elle avait espéré, me dit-elle, que je resterais plus longtemps.
Pas un instant elle n’emprunta un ton chagrin – nombre de
vieilles dames de la bonne société n’eussent pas hésité.
Il n’y avait rien de capricieux ni de complaisant en
Mme Grout. La discipline de son existence l’avait
constamment tenue à l’écart de ces écueils. On avait un
objectif et il fallait l’atteindre ; on avait des devoirs et il fallait
toujours faire de son mieux.
Voici la dernière image que j’eus d’elle : elle était dans la
salle à manger, la poudre de son visage tout à fait rongée par
les larmes, les traits contractés, mais la tête haute et le regard
ardent. Voici les dernières paroles que j’entendis de sa
bouche : elle exprimait l’espoir que je pusse me souvenir
toujours du plaisir que nous avions eu, toutes deux, à parler
sans réserve des œuvres de mon oncle*. Debout devant la
table, elle semblait se retenir à ce nom comme à un bâton de
pèlerin. Elle vivait, sans doute, d’une immense mémoire,
d’une immense dévotion, double armure contre un monde qui
ne se préoccupait que de billevesées.
VII

DE RETOUR À PARIS, je commençai à relire les Lettres de


Flaubert à sa nièce Caroline et constatai que la personnalité
de Mme Grout projetait une lueur fabuleuse sur ces pages.
J’étais presque stupéfaite, dans ces lettres qui lui avaient été
écrites alors qu’elle n’était qu’une enfant, de la sollicitude
avec laquelle Flaubert s’informait des progrès de sa nièce en
anglais – progrès dont j’allais, soixante-treize ans plus tard,
être la bénéficiaire !
Les cinq cents pages de ce livre s’emplissaient désormais
pour moi de visages intimes, comme s’il eût été la chronique
d’une famille que j’eusse connue. Il restera à jamais selon moi
l’un des ouvrages les plus délicieux qui soient ; dans aucune
de ses lettres à d’autres correspondants Gustave Flaubert ne
semble dévoiler plus de charme. En lisant ces vingt-quatre
années de correspondance, avec à l’esprit la personnalité de
Mme Grout, l’on ne peut, en repensant à la situation, que
ressentir une sorte de joie, de contentement – et l’on remercie
le Destin ! Le grand homme eût pu écrire ces lettres
charmantes, et tendres, et chaleureusement intimes à une nièce
égoïste, vaniteuse, à l’intelligence purement conventionnelle,
parce qu’il n’avait personne d’autre sous la main. Sait-on
jamais ; une femme stupide et sans cœur peut avoir une
excellente éducation.
Mais ayant connu Mme Grout, je savais que s’enracinait en
elle le cœur même de cette relation ; que nul ne pouvait être
plus sensible qu’elle à ce que l’œuvre de Flaubert recèle de
plus beau – ni, du reste, être plus prompte à admettre les
qualités qu’il n’avait pas, ce qui importe tout autant.
Pendant les meilleures années de sa vie d’écrivain, il avait
eu dans sa maison, à son côté, ou du moins à portée de
correspondance, un être de son sang, plus jeune et plus ardent
que lui, qui comprenait la moindre de ses intentions, et qui,
plus encore, percevait la qualité de ses échecs. Peut-on rêver
situation plus heureuse pour un homme de lettres ? Combien
sont-ils à avoir trouvé une oreille attentive parmi leurs fils ou
leurs filles ?
De plus, Caroline était l’enfant d’une sœur que Flaubert
avait adulée. Alors qu’elle n’était encore qu’un nourrisson, il
l’avait installée dans sa maison de Croisset, où il vivait seul
avec sa vieille mère. Quel bonheur pour un écrivain solitaire et
pour une vieille dame de pouvoir prendre soin d’un
nourrisson, fille d’une fille et sœur bien-aimée ! Ils avaient eu
le plaisir de l’accompagner dans ses premières années – et
quelle irrésistible petite créature elle avait dû être ! Flaubert
avait consacré beaucoup de temps à son éducation, durant sa
prime enfance ; lorsqu’il était assis à son grand bureau ou qu’il
travaillait au lit, il aimait l’avoir près de lui, allongée sur le
tapis, un livre à la main. Pendant des heures, m’avait-elle dit,
elle restait silencieuse, si ardemment fière qu’il la voulût à son
côté. À l’époque où elle commençait tout juste à lire, elle
aimait à penser, bien installée dans son petit coin, qu’elle était
enfermée dans une cage avec quelque puissant fauve – un
tigre, un lion, un ours, qui avait dévoré son gardien et sauterait
sur quiconque oserait ouvrir la porte, mais avec lequel elle se
sentait « très en sécurité, et si vaine », me confia-t-elle avec un
petit rire.
Lorsqu’il séjourne à Paris, Flaubert écrit à Caroline, lui
demande des nouvelles de son lapin préféré, des personnages
imaginaires dont elle a peuplé le jardin de Croisset. Il envoie
ses meilleurs vœux à la poupée de Caroline, Mme Robert :
« Remercie de ma part Mme Robert qui a bien voulu se
rappeler de moi. Présente-lui mes respects et conseille-lui un
régime fortifiant, car elle me paraît un peu pâle, et je ne suis
pas sans inquiétude sur sa santé.* »
Dans une lettre envoyée de Paris, l’année suivante –
Caroline a alors onze ans –, il lui parle des Récits des temps
mérovingiens, de Thierry, qu’il lui a envoyés : « Je suis bien
aise que les Récits mérovingiens t’amusent ; relis-les quand tu
auras fini ; apprends des dates, tu as tes programmes, et passe
tous les jours quelque temps à regarder une carte de
géographie.* »
L’on ressent à lire ces lettres le contentement avec lequel
Flaubert suivit toutes les étapes du développement de
Caroline. Il était particulièrement fier de son don pour les
langues, même s’il lui reproche parfois son orthographe, alors
qu’elle est déjà mariée et qu’elle vit à l’étranger : « Un peu
d’orthographe ne te nuirait pas, mon bibi ! Car tu écris
aplomb par deux p : “Moral et physique sont d’applomb”,
trois p marqueraient encore plus d’énergie ! Ça m’a amusé,
parce que ça te ressemble. »
Oui, cela lui ressemblait, assurément – cela lui ressemblait
tandis qu’elle traversait la salle à manger de cet hôtel d’Aix-
les-Bains, des dizaines d’années plus tard.
Mariée deux fois, Mme Grout ne me parla d’aucun de ses
époux. Son oncle avait toujours été sa figure souveraine ;
même si je ne la fréquentai qu’un temps fort court, je crois
qu’elle avait toutes les qualités requises pour être l’amie de cet
homme. Elle l’adorait, certes, elle avait de multiples talents,
une intelligence peu ordinaire et un instinct artistique ; plus
encore, elle était animée de valeurs qu’il avait sans doute
vénérées : sa rectitude, son inébranlable bon sens, son amour
de la justice, son honnêteté. Elle ne manquait jamais de
vérifier les faits, les preuves, pour sa propre érudition.
Lorsqu’elle expliquait quelque chose, son discours avait les
qualités de la prose latine : laconisme, élégance, exactitude.
Elle n’avait rien d’une idéaliste : elle avait traversé deux
guerres. Elle était l’une des personnes les plus réalistes, les
moins sentimentales de ma connaissance. Elle savait que ce
sont les circonstances, et non leurs propres désirs, qui dictent
aux hommes leurs actions. Son esprit était abondamment
éclairé, comme le bureau aux nombreuses fenêtres de la
maison de Croisset où la lumière froide et tempérée du nord se
déversait à flots. Flaubert n’avait pas seulement trouvé une
camarade en elle, mais aussi « une fille de la maison », qu’il
pouvait chérir et protéger. Et toute sa vie, elle fut à son côté,
jusqu’à l’attaque cérébrale qui l’emporta en à peine une heure.
Elle, toute sa vie, conserva le mouchoir avec lequel on avait
tamponné le front de Flaubert quelques minutes avant sa mort.
VIII

J’EMBARQUAI POUR QUÉBEC EN OCTOBRE. En novembre,


alors que je résidais à Jaffrey, dans le New Hampshire, je reçus
une lettre de Mme Grout, dont l’enveloppe, très abîmée, avait
été ouverte. Il m’était parvenu de Bornéo et de Java des
missives qui paraissaient avoir moins voyagé.
Mme Grout avait d’abord adressé son courrier à un obscur
libraire d’une minuscule rue de Paris, qui lui avait procuré l’un
de mes livres (je pense qu’à son époque, tous les libraires
étaient aussi éditeurs). La lettre avait été réexpédiée à trois
maisons d’édition, et une partie de son contenu avait été
égarée. Mme Grout écrivait qu’elle m’envoyait « ci-joint une
lettre de mon oncle Gustave Flaubert adressée à George
Sand – elle doit être, je crois, de 1866. Il me semble qu’elle
vous fera plaisir et j’ai plaisir à vous l’envoyer* ». La lettre
jointe avait disparu. Si je déplorais sa perte, c’était que je
craignais qu’elle ne fit peine à Mme Grout. Mais je lui
répondis, très sincèrement, que son souhait que j’entrasse en
possession de l’une des lettres de son oncle m’importait bien
plus que la possession elle-même. Néanmoins, c’était une
explication un peu délicate à formuler, et ma lettre ne partit
pas avant la fin du mois de décembre. Je ne reçus jamais de
réponse. En février, mes amis de Paris m’envoyèrent un article
paru dans le Journal des débats. On pouvait y lire ceci :
MORT DE MME FRANKLIN-GROUT

« Nous apprenons avec tristesse la mort de Mme Franklin-


Grout, qui s’est éteinte à Antibes, à la suite d’une courte
maladie.
Nièce de Gustave Flaubert, Mme Franklin-Grout a joué un
rôle important dans la diffusion et le succès des œuvres de son
oncle. Exécutrice testamentaire du grand romancier, qui
l’avait élevée et instruite, Mme Franklin-Grout a publié la
correspondance de son oncle, si précieuse pour sa psychologie
littéraire, et qui nous a révélé les doctrines de Flaubert et sa
vie de travail acharné. Mme Franklin-Grout publia aussi
Bouvard et Pécuchet. […] Mme Franklin-Grout était une
personne charmante et distinguée, très attachée à ses amis et
qui, jusqu’à la plus extrême vieillesse, avait conservé
l’intelligence et la bonté souriante d’une spirituelle femme du
monde.* »
Les Éditions du Sonneur

La Petite Collection a été créée pour que puissent exister


des textes trop courts pour être publiés dans un grand format,
mais trop grands pour ne pas être édités.

Le mot d’ordre des Éditions du Sonneur reste le même


depuis leur création : publier des textes inédits et des textes
oubliés ou méconnus dignes de vivre ou de revivre, d’être
découverts ou retrouvés, des ouvrages auxquels on revient et
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longtemps pour qu’ils trouvent leurs lecteurs. Grâce à cette
nouvelle collection, nous pouvons ajouter aujourd’hui : quelle
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Achevé d’imprimer en avril 2012,
sur les presses de l’imprimerie la Source d’Or,
63039, Clermont-Ferrand, France.
Imprimeur n° 15679.
Cet ouvrage est imprimé, pour l’intérieur,
sur papier bouffant Munken Print White 90 g certifié PEFC
sous le n° 10/31-2008.
1 Nous donnons le titre français, suivi du titre anglais, lorsque l’œuvre a été
traduite.
2 The Influence of French Culture on Willa Cather, The Edwin Mellen Press, 2007.
3 Voir son article « Good Housekeepers : Flaubertian Fictions of Domesticity », in
Willa Cather and European Cultural Influences, The Edwin Mellen Press,
1996.
4 Publiés en 1999 sous le titre Heures d’autrefois, Publications de l’université de
Rouen.
5 Tous les mots, phrases et extraits en italique suivis d’un astérisque sont en
français dans le texte. (NdT)
6 La considération qu’avait Mme Grout pour Tourgueniev était, semble-t-il,
chaleureusement réciproque. Dans une lettre que Flaubert écrivit à sa nièce en
1873, au lendemain d’une visite de Tourgueniev à Croisset, on peut lire ceci :
« Mon Moscove m’a quitté ce matin… Tu l’as tout à fait séduit, mon loulou !
Car à plusieurs reprises il m’a parlé de “mon adorable nièce”, de “ma
charmante nièce”, “ravissante femme”, etc., etc. Enfin le Moscove t’adore ! Ce
qui me fait bien plaisir, car c’est un homme exquis. Tu ne t’imagines pas ce
qu’il sait ! Il m’a répété, par cœur, des morceaux des tragédies de Voltaire et de
Luce de Lancival ! Il connaît, je crois, toutes les littératures jusque dans leurs
bas-fonds ! Et si modeste avec tout cela ! -Si bonhomme ! Si vache ! » (NdA)
7 Ami du couple Viardot, dont il partagea le toit de 1871 jusqu’à sa mort,
Tourgueniev était passionnément et désespérément amoureux de la cantatrice.
D’où un statut pour le moins ambigu et parfois quelque peu ridicule. (NdT)

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