Les Insuffisances Médullaires

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LES INSUFFISANCES MEDULLAIRES

Unité d’Hématologie FSS/UAC Année académique : 2022-2023


Dr ZOHOUN Alban
Dr BAGLO-AGBODANDE Tatiana
Professeur ANANI Ludovic

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Objectifs

1- Définir une aplasie médullaire

2- Décrire les principaux mécanismes

3- Citer les principaux arguments diagnostics

4- Énumérer cinq étiologies courantes dans notre milieu

5- Indiquer les modalités et les principaux moyens thérapeutiques

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Concept d’insuffisance médullaire
Plusieurs situations peuvent manifester une insuffisance de la fonction médullaire :

- La pancytopénie. Elle suppose l’association d’anémie, de neutropénie et de thrombopénie.


Elle correspond à une diminution des 3 lignées myéloïdes. Une pancytopénie peut être
périphérique ; mais dans le cadre d’une insuffisance médullaire, elle est centrale.

- La bicytopénie : elle correspond à l’association de 2 des éléments de la pancytopénie.

Par définition les cytopénies comportant un déficit en lymphocytes associé à l’atteinte d’une
autre lignée ne sont pas incluses dans ce cadre.

- L’aplasie médullaire est synonyme d’insuffisance médullaire globale quantitative. Elle est
secondaire à la raréfaction du tissu hématopoïétique.

- L’insuffisance médullaire qualitative : le tissu médullaire est quantitativement normal ou


hyperplasique mais les cellules avortent avant leur maturation avec comme conséquence une
sortie insuffisante de la moelle.

Dans ce chapitre nous nous intéresserons seulement à l’aplasie médullaire.

Les insuffisances médullaires quantitatives globales


ou aplasies médullaires

1- Définition

L’aplasie médullaire correspond à une insuffisance médullaire quantitative globale


secondaire à la disparition partielle ou complète du tissu hématopoïétique sans prolifération
tissulaire anormale. Elle est une pathologie rare.

Elle se traduit en général par un déficit plus ou moins sévère de la production des
cellules myéloïdes, réalisant un tableau caractérisé par une atteinte des 3 lignées sans
adénopathie ni autre organomégalie.

2- Physiopathologie

A l’origine de la pancytopénie constatée dans le sang circulant se trouve un déficit non


seulement des précurseurs morphologiquement reconnaissables au myélogramme mais aussi
celui des progéniteurs et des cellules souches hématopoïétiques (CSH). La majorité des
aplasies médullaires sont dites idiopathiques. Le mécanisme habituellement invoqué est une
inhibition de l’hématopoïèse par les lymphocytes T et les cytokines (interféron γ, TNF β)
qu’ils synthétisent. Un autre mécanisme est une atteinte du tissu de soutien des cellules
hématopoïétiques privant ces dernières du microenvironnement cellulaire et des facteurs de
croissance indispensables au processus hématopoïétique.

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3- Diagnostic

3-1-Clinique

Les manifestations de l’aplasie médullaire sont caractérisées par trois types de signes en
rapport avec l’atteinte des 3 lignées :
- Les signes d’anémie avec ses signes fonctionnels
- Les signes d’infection
- Les signes hémorragiques : purpura pétéchial ou cutanéo-muqueux, épistaxis,
gingivorragie, hématurie, méno-métrorragie
Il ne devrait y avoir ni hépatomégalie, ni splénomégalie ni adénopathie.

3-2-Para clinique

L’hémogramme montre une pancytopénie plus ou moins sévère avec


- une anémie en général profonde, normochrome, normocytaire, arégénérative
- une leucopénie avec neutropénie et
- une thrombopénie.
Les hématies, les leucocytes et les plaquettes circulant ne présentent aucune anomalie
morphologique.
Le myélogramme confirme l’origine centrale de la pancytopénie avec une moelle
hypoplasique ou désertique.
La biopsie ostéo-médullaire (BOM) confirme le diagnostic d’aplasie en montrant une
moelle pauvre, sans envahissement tumoral ni fibrose.

4- Diagnostics différentiels

4-1 Pancytopénies à moelle riche

- Les envahissements médullaires par les leucémies, les lymphomes, les métastases d’un
cancer ; ils sont diagnostiqués sur médullogramme ou sur BOM
- La carence en vitamine B12 ou en acide folique : elles sont identifiées sur la
macrocytose sanguine et la mégaloblastose médullaire
- Les myélodysplasies ou anémies réfractaires sont reconnues au myélogramme
- Les pancytopénies associées à la tuberculose des organes hématopoïétiques, à la
mononucléose infectieuse, à une infection à cytomégalovirus (CMV), à une rubéole,
une varicelle, à une primo-infection à VIH. Leur identification repose sur le diagnostic
de l’agent infectieux.

4-2 Pancytopénies à moelle pauvre : Les fibroses médullaires


Lorsque le myélogramme ne ramène que très peu de cellules ou reste blanc ou que l’os
est difficile à ponctionner, il faut penser à l’existence d’une fibrose. La BOM permet de
faire le diagnostic. L’existence d’une fibrose majeure relève de causes multiples dont les
principales sont : la splénomégalie myéloïde, certaines leucémies aiguës, la leucémie à
tricholeucocytes, rarement des cancers métastatiques, éventuellement les fibroses post-
radiothérapiques

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5- Etiologies

5-1 Causes acquises

● Les toxiques professionnels : Pour les dérivés des hydrocarbures aromatiques


(benzène, toluène, xylène) et l’exposition aux radiations ionisantes, l’exposition
professionnelle peut être évidente alors que l’utilisation domestique doit être attentivement
recherchée (vernis, colles, solvants, etc.). Les insecticides et pesticides doivent être évoqués
en milieu agricole. Ces différents toxiques induisent l’aplasie soit par toxicité directe sur les
cellules souches soit par lésion du tissu de soutien.

● Les toxiques médicamenteux : De très nombreuses drogues sont myélotoxiques.


Certaines le sont de manière prédictible en relation avec la dose et la durée du traitement
(chloramphénicol et dérivés, quinacrine, antimitotiques), d’autres sont plus liées à une
susceptibilité individuelle (sels d’or, phénylbutazone, hydantoïnes, phénothiazines,
sulfamides, antipaludéens, antithyroïdiens de synthèse, ticlopidine). Ces aplasies iatrogènes
sont le plus souvent transitoires mais peuvent être irréversibles en cas d’atteinte sévère des
cellules souches hématopoïétiques (CSH).

● Les infections : elles sont très rares. Elles peuvent être liées à une infection par le
VIH ou à une hépatite virale ; dans ce cas elles surviennent au cours et au décours d’une
hépatite banale. En ce qui concerne l’aplasie tuberculeuse, elle correspond habituellement à
une tuberculose diffuse et la pancytopénie induite est plutôt à moelle riche.

● Les aplasies idiopathiques : elles sont les plus fréquentes. Leur étiologie est par
définition inconnue ; cependant des arguments thérapeutiques suggèrent une possible origine
auto-immune. Ce diagnostic est retenu après élimination de toutes les causes connues.

● Hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN)

● Thymome

5-2 Causes constitutionnelles : la maladie de Fanconi

C’est une maladie génétique à transmission autosomique récessive. Le diagnostic


repose sur l’association d’une aplasie, d’une notion familiale (autre cas d’aplasie ou de
malformation dans la fratrie), de malformations (anomalies des pouces, pigmentation cutanée,
hypotrophie céphalique, malformations osseuses, rénales, etc.)
Le début de l’aplasie se situe entre 4 et 20 ans. L’évolution de l’insuffisance médullaire est
lentement progressive vers l’aplasie complète avec un risque accru de développer une
leucémie aiguë ou un autre cancer. Le diagnostic repose sur le caryotype des lymphocytes qui
montre un taux élevé de cassures chromosomiques spontanées.

6- Traitement

6-1- Bilan pré-thérapeutique

Tout traitement d’une aplasie médullaire doit comporter un bilan pré-thérapeutique. Celui-ci
doit être effectué dès que le diagnostic est posé. Il vise à :

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- minimiser les risques inhérents aux transfusions sanguines itératives : allo-
immunisation anti-érythrocytaires ou anti-HLA (rend inefficaces les transfusions de
plaquettes) ; transmissions d’agents viraux. Ces deux grands risques peuvent
compliquer une éventuelle allogreffe ultérieure.

- déterminer les critères de gravité : une aplasie médullaire est considérée comme sévère
si à deux reprises, sont associées à une moelle hypocellulaire : une réticulocytose <
1%, une neutropénie < 0,5 G/L et une thrombopénie < 20 G/L. C’est l’index de
Camita.

Le bilan pré-thérapeutique comporte : phénotypage érythrocytaire, recherche d’anticorps


irréguliers, typage HLA du patient et de la fratrie si une greffe peut être envisagée, sérologies
VIH, VHB, VHC, CMV, etc., recherche de foyers infectieux potentiels (ORL,
stomatologiques, cutanés, gynécologiques (stérilets), etc..

6-2- Traitement

La prise en charge d’une aplasie médullaire ne se conçoit qu’en milieu spécialisé et


comporte deux volets complémentaires : le traitement symptomatique et le traitement
curatif.

● Le traitement symptomatique
Quelque soit l’étiologie, le traitement symptomatique est le même : isolement dans la mesure
du possible, précautions d’asepsie, traitement de toute infection par antibiothérapie
polyvalente et selon les besoins transfusions de culots globulaires et ou de plaquettes.

● Le traitement curatif
Quatre moyens sont disponibles pour le traitement de fond:

➢ Arrêts des médicaments éventuellement suspectés

➢ Traitement immunosuppresseur : il s’applique dans les aplasies idiopathiques. Il


a recours :
- Au sérum anti-lymphocytaire (SAL) : 10 mg/kg/jour en une seule cure de 4 à 7 jours
associé ou non :
- A la ciclosporine A (8 à 12 mg/kg pendant 6 mois). La surveillance du taux sérique, de
la tension artérielle et de la fonction rénale est impérative
- Aux stéroïdes anabolisants (2 mg/kg/j pendant au moins 3 mois). Un résultat positif
est observé dans 50% environ des cas d’aplasie idiopathique.
Des réponses plus ou moins complètes sont obtenues dans 50% des cas ; des rechutes sont
possibles. Dans notre contexte, seule la corticothérapie est utilisée compte tenu du plateau
technique très limité.

➢ Androgènes : ils sont généralement proposés aux patients qui n’ont pas
répondu au traitement immunosuppresseur et qui ne peuvent être greffés. Les androgènes
peuvent permettre de bonnes réponses même dans les formes très sévères.

➢ Greffe de moelle osseuse allogénique : elle doit être d’emblée envisagée dans
les aplasies profondes ou en cas d’échec des immunosuppresseurs notamment chez des sujets

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âgés de moins de 55 ans. Elle n’est possible que s’il existe un donneur, généralement frère ou
sœur, compatible dans le Complexe Majeur d’Histocompatibilité.

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