Explication N°9 Romani
Explication N°9 Romani
Explication N°9 Romani
Accroche :
Selon les Grecs anciens : Gaïa la terre est fécondée par Ouranos, le ciel. Mais
Ouranos ne laisse pas ses enfants voir le jour. Alors son fils Cronos se révolte,
l’émascule et jette son sexe dans la mer. Sa semence flotte sur l’eau et donne
naissance à Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté ou Vénus en latin.
Vénus anadyomène veut dire « émergeant des eaux ». C’est un thème privilégié
dans les arts. (Botticelli, Le Titien, Böcklin, Ingres, etc.)
Auteur :
Son œuvre, qui n'a été publiée que partiellement de son vivant, est redécouverte
après sa mort et influence de nombreux poètes, comme les surréalistes.
Œuvre :
Les Cahiers de Douai est un recueil posthume d’Arthur Rimbaud. Ce n’est pas lui qui
a choisi ce titre et il ne voit que quelques-uns de ces vingt-deux poèmes publiés dans
des revues. Il les écrit principalement à Douai en 1870, après une fugue.
Passage :
Fin XIXe siècle, Rimbaud provoque les parnassiens, s’inspire de Baudelaire et des
naturalistes pour présenter sa propre version, parodique, de la naissance de Vénus.
Problématique :
La tête qui émerge de la baignoire vient tout de suite interroger et contredire le titre.
V5 à 11 : Le développement du contre-blason
Dans le dernier tercet, on nous invite à remarquer les détails, ce qui prépare la pointe
du sonnet.
V1 : « comme » :
V1 : « tête »
V2 : « Cheveux bruns »
Le poète ne décrit pas une déesse aux cheveux blonds mais une Vénus noire.
Les « cheveux bruns » viennent contredire le tableau attendu d’une vénus blonde.
V2 : « Pommadés »
La femme essaye de se faire belle, bien à l’opposé de Vénus, belle par nature.
Un jugement dépréciatif => Rime signifiante « tête … bête » : normalement la tête est
du côté de l’intelligence, le corps du côté de la bestialité.
Toujours une absence d’empathie, les seuls traits du visage sont des « déficits »
avec le préfixe « dé- ».
La « lenteur » de l’émergence du corps est soulignée par la phrase qui est très
longue, elle se prolonge jusqu’à la fin du premier tercet.
V5 :
Dans l’ordre : le « col » puis le « dos » puis les « reins » et étrangement, on remonte
vers « l’échine »
Les adjectifs « gras et gris » forment une allitération en « GR » comme pour imiter le
grincement de la baignoire sous l’action du corps qui tente d’en sortir.
Alors que le corps entre en mouvement, le « gris » indique plutôt la couleur d’un
cadavre.
V6 :
Ce corps est morcelé par la syntaxe : points virgules qui séparent des subordonnées
« les omoplates qui … le dos qui … »
Allitération en R très présente tout au long du passage (V5 à V11) => La sensation
est pénible.
La gestuelle de la femme n’a rien d’élégant si l’on observe les verbes « rentre » et «
ressort » créant une antithèse confirmée par la rime avec « essor »
V7 :
V8 et V9 :
« L’échine » est une partie du corps (le haut du dos) mais aussi le nom d’un
morceau de viande. La préposition « sous » va même décrire « sous la peau
», les os et la graisse. Description anatomique voire une animalisation.
V9 :
La référence aux différents sens : la vue avec « rouge », l’odorat avec « sent » mêlé
au « goût » créent une synesthésie surprenante et l’effet d’écœurement recherché.
V10 :
V11 :
Par antiphrase, le poète met en valeur le dégoût généralisé qui se dégage de cette
description.
La description de chaque partie du corps est rythmée par la répétition de l’adverbe « puis »
qui additionne en détail les laideurs, dans une forme de lent crescendo (phrase très longue)
aboutissant à la chute du poème.
V12 :
Le regard redescend aux « reins » déjà décrits plus hauts, mais cette fois avec une
curiosité supplémentaire.
Utilisation du participe passé « gravé » => Une gravure qui a plusieurs sens :
4) Des mots gravés dans le marbre : une pierre tombale ? Renvoi au cercueil
du début du poème !
V13 :
Le tiret long ( - ) indique un moment de rupture, qui prolonge en fait l’attente. Ici le
sentiment esthétique sera détourné.
Cette posture rappelle le racolage de la prostituée (cf. tatouage) sous les yeux du
lecteur devenu voyeur dans une mise en scène perverse créant le malaise.
V14 – 15 :
Jeu de Rimbaud avec les traditions : le sonnet se termine traditionnellement par une
pointe.
Rime provocatrice « Vénus » et « anus » => alliance du plus élevé au plus trivial.
Effet de discordance. (jeu “anadyomène” et “anus”)
Ici, la chute du poème insiste sur son manque de pudeur. La rime « Vénus » / «anus
» souligne donc un érotisme scandaleux en exhibant la partie du corps la plus triviale
dégradée par la maladie avec le terme « ulcère ». La désignation crue de la partie du
corps concernée par cette infirmité accroît le dégoût du spectateur.
Conclusion :
Comment, dans ce contre blason parodique, Rimbaud fait-il l’éloge paradoxal
d’une prostituée ?
Ouverture :
Rimbaud s’inscrit dans l’héritage baudelairien incarné par le recueil des Fleurs du
Mal.