MSC 180154
MSC 180154
REVUES
Yannick Simonin1
Afrique, s’est propagé au cours des vingt dernières
années sur une grande partie du continent
européen provoquant notamment des mortalités 1
Pathogenesis and control of
aviaires importantes, comme cela est rapporté en chronic infections, Université de
France depuis 2015. Le risque zoonotique associé Montpellier, Inserm, EFS, 60, rue
à cette succession d’épizooties aviaires en Europe de Navacelle, 34000 Montpellier,
France.
mérite d’être considéré, même si à ce jour les 2
SYNTHÈSE
Université Paris Est Créteil Val
cas humains restent exceptionnels. L’infection de Marne (UPEC), Anses animal
humaine est le plus souvent asymptomatique, health laboratory, UMR1161
virologie, INRA, Anses, École
ou d’une expression clinique bénigne. Toutefois,
nationale vétérinaire d’Alfort
des complications neurologiques telles (ENVA), Maisons-Alfort, France.
qu’encéphalites ou méningoencéphalites ont été 3
Centre de coopération
décrites. L’observation récente en France d’un cas internationale en recherche
agronomique pour le
atypique de paralysie faciale a frigore1 suggère flavivirus, composé de plus de 70 développement (CIRAD), UMR
que le spectre clinique des infections dues au membres. Parmi ces virus, on retrouve Animal, Santé, Territoire,
virus Usutu n’est pas complétement connu. quelques-uns des arbovirus les plus Risques, Écosystèmes (ASTRE),
pathogènes pour l’homme, comme le F-34398 Montpellier, France.
L’histoire récente de flambées épidémiques 4
virus de la dengue (DENV), le virus ASTRE, CIRAD, INRA, Univ
d’autres arboviroses invite ainsi la communauté Montpellier, Montpellier, France.
de la fièvre jaune (yellow fever virus
scientifique à la plus grande vigilance. Les 5
Pathogenesis and control of
ou YFV), le virus de la fièvre du Nil chronic infections, Université
connaissances concernant la physiopathologie occidental (West Nile virus ou WNV), de Montpellier, Inserm, EFS, CHU
de ce virus émergent sont, pour l’heure, très le virus ZIKA, ou encore le virus de Montpellier, Montpellier, France.
sommaires. Les travaux en cours visent donc à l’encéphalite japonaise (japanese [email protected]
mieux appréhender sa biologie et les mécanismes encephalitis virus ou JEV) [1-3] (➜) [email protected].
associés aux atteintes neurologiques. < USUV est un membre du sérocomplexe3 (➜) Voir : la Nouvelle de
de l’encéphalite japonaise ; il est phylogénéti- M. Flamand et P. Desprès,
quement proche du JEV et du WNV [4]. Il tient m/s n° 8-9 août-septembre
2002, page 816 ; la Synthèse
son nom de la rivière Usutu située dans le Swa- de M.C. Lanteri et al., m/s
ziland, en Afrique australe, où il a été identifié n° 4, avril 2011, page 375 ;
1
Le virus Usutu pour la première fois en 1959 [5]. C’est un la Synthèse de S. Salinas et
virus enveloppé d’environ 40-60 nm de dia- al., m/s n° 4, avril 2016,
page 378
Parmi les virus émergents, le virus Usutu (USUV) attire mètre, à ARN simple brin de polarité positive
depuis peu l’attention de la communauté scientifique constitué de 11 064 nucléotides avec une coiffe en 5’ mais dépourvu de
en raison de sa propagation en Europe. USUV est un queue polyA en 3’ [6]. Le génome d’USUV est composé d’un seul cadre de
arbovirus2 de la famille des Flaviviridae et du genre lecture codant une polyprotéine de 3 434 acides aminés à l’origine, après
clivage, de la libération de 3 protéines structurales (C, prM et E) et de
Vignette (insects of Wisconsin, photo © Pete DeVries). 8 protéines non structurales (NS1/NS1’, NS2a, NS2b, NS3, NS4a, 2K, NS4b
1
Paralysie faciale aiguë idiopathique, dite a frigore ou paralysie de Bell pour les
Anglo-Saxons.
et NS5) [4] (Figure 1). La protéine de capside (C) forme le corps central
2
Arbovirus signifie arthropod-borne virus : qui est transmis par les arthropodes. du virion et est associée à l’ARN viral. La protéine pré-membranaire (prM)
Les arbovirus se multiplient à la fois chez les vertébrés (éventuellement l’homme) est nécessaire à l’assemblage et à la maturation des virions en partici-
et chez des arthropodes piqueurs (comme les moustiques, phlébotomes ou tiques).
L’arthropode s’infecte lors du repas sanguin sur un vertébré virémique. Le virus pant au repliement de la glycoprotéine d’enveloppe (E) qui est, quant
franchit la barrière digestive et se multiplie dans l'hémocoele de l’arthropode (si
ce dernier est compétent) puis diffuse et gagne les glandes salivaires. L’arthropode
3
transmet le virus par la salive lors de la piqûre d’un autre vertébré. Qui donne lieu à la production d’anticorps aux réactions croisées entre virus.
à elle, impliquée dans différents aspects du cycle viral, permettant la mais considérées comme des hôtes accidentels et des
fixation et la fusion du virus aux cellules de l’hôte [7]. Chez les flavivirus, impasses épidémiologiques.
les protéines non structurales (NS) s’associent aux membranes cellulaires
du réticulum endoplasmique où elles forment un complexe de réplication Les vecteurs d’USUV
dans lequel, notamment, la protéine NS5 assure la réplication de l’ARN
viral par son activité ARN-polymérase ARN-dépendante [6]. Comme pour L’USUV, comme d’autres flavivirus apparentés comme
les autres membres des flavivirus, la réplication virale s’effectue dans le le WNV, est principalement transmis par les mous-
cytoplasme de la cellule infectée. Des antigènes viraux peuvent cepen- tiques ornithophiles du genre Culex. Il a été découvert
dant être détectés dans le noyau cellulaire. en 1959 chez une femelle adulte de Culex neavei au
Des études phylogénétiques fondées sur la séquence du gène codant NS5 Swaziland [5]. Il a ensuite été retrouvé chez plusieurs
ont montré que les souches d’USUV isolées dans différentes régions du espèces de moustiques à travers le continent africain,
monde se répartissent en 8 lignées – 3 en Afrique et 5 en Europe [8] –, et principalement dans des pays où des programmes de
que leur proximité de séquence est fonction de leur origine géographique recherche ont été mis en place, comme le Sénégal, la
et de l’hôte à partir duquel ces souches ont été isolées. Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Burkina Faso, l’Ouganda et
Peu de données concernent le tropisme d’USUV. Nous avons décrit le Kenya [14, 15], mais aussi, plus récemment, dans
récemment sa capacité, comme d’autres flavivirus, à infecter in le sud de l’Europe. Ce virus a ainsi été isolé chez les
vitro des neurones matures, la microglie, des précurseurs neuronaux moustiques Aedes albopictus, A. caspiuis, Anopheles
humains et des astrocytes humains primaires [9]. In vivo, chez des maculipennis, Culex quinquefasciatus, C. perexiguus,
souris âgées d’une semaine, l’infection par USUV occasionne des signes C. perfuscus, Coquillettidia aurites, Mansonia africana
cliniques : une désorientation, une dépression, une paraplégie, une et C. pipiens, un moustique ornithophile mais qui pique
paralysie et un coma, associés à une mort neuronale [10,11]. Chez les aussi l’homme. Ce dernier a été impliqué dans l’émer-
espèces réservoirs aviaires, des atteintes neurologiques sont égale- gence du virus en Europe. En 2018, une étude rétros-
ment observées (voir ci-dessous). pective a en effet démontré la présence de différentes
lignées d’USUV (Africa 2 et Africa 3) chez des mous-
Cycle de transmission du virus tiques C. pipiens capturés en Camargue [16]. C. pipiens
est considéré comme le vecteur principal du virus en
Le cycle naturel de transmission d’USUV est un cycle enzootique4 Europe et la compétence vectorielle de C. neavei et de
impliquant principalement les oiseaux passériformes (comme les C. pipiens pour USUV a été démontrée en laboratoire
merles, les pies, etc.) et strigiformes (comme les chouettes lapones) [17, 18]. Les études de compétence vectorielle restent
comme hôtes amplificateurs, et les moustiques ornithophiles, comme cependant à réaliser pour les autres espèces de mous-
vecteurs (Figure 2). Différents travaux ont démontré l’implication de tiques infectés qui sont retrouvées sur le terrain.
plusieurs espèces de moustiques dans l’entretien du cycle viral d’USUV
au sein de l’avifaune [12, 13]. Ces insectes sont aussi responsables de Les réservoirs animaux du virus
la transmission virale aux humains et aux chevaux, espèces sensibles
La présence d’USUV a été mise en évidence chez 58 espèces
d’oiseaux provenant de 13 ordres et 26 familles [19]. Dif-
4
Maladie épidémique, qui n'atteint que les animaux d'une seule localité ou d'une seule exploitation. férentes espèces migratrices européennes telles que Falco
REVUES
Vecteurs (Culex, etc.) Vecteurs (Culex, etc.) lisation menés en 2012 sur des sérums de chevaux
et de chiens militaires au Maroc ont également
Chevaux
suggéré l’exposition de ces animaux à l’USUV [27].
En 2014, une autre étude a rapporté la présence
Réservoirs d’anticorps anti-USUV chez 10 équidés du sud-
(strigiforme et passériforme)
ouest de la Tunisie [28]. La présence d’anticorps
neutralisants, spécifique d’USUV, a par ailleurs été
tinnunculus (faucon crécerelle), Sylvia curruca (fauvette babillarde), rapportée en Serbie chez des sangliers [29]. Enfin, une
SYNTHÈSE
S. communis (fauvette grisette) et Ficedula hypoleucas (gobemouche enquête sérologique rétrospective, menée sur les sérums
noir) seraient ainsi responsables de l’introduction d’USUV en Europe [15]. de 4 693 ruminants sauvages, dont le cerf élaphe (Cervus
D’autres espèces résidentes, telles que Pica pica (pie bavarde), Passer elaphus), le daim (Dama dama), le mouflon (Ovis aries
domesticus (moineau domestique) et Turdus merula (merle noir) seraient musimon) et le chevreuil (Capreolus capreolus), collectés
à l’origine de sa dissémination [19]. Parmi les différentes espèces entre 2003 et 2014 dans des parcs de chasse espagnols, a
aviaires sensibles à l’infection par l’USUV, les merles noirs présentent le rapporté une prévalence d’anticorps spécifiques d’USUV
taux de mortalité le plus élevé. En 2001, le virus a été identifié en Autriche correspondant à environ 0,2 % des animaux testés [30].
sur des cadavres d’oiseaux [20]. Entre 2006 et 2007, l’USUV a également
été isolé chez des oiseaux morts dans des parcs zoologiques en Autriche Épidémiologie
et en Suisse et, en 2017, en France dans les départements du Loir-et-
Cher et du Haut-Rhin (données personnelles Anses, [21]). Des troubles À la suite à sa première identification au Swaziland,
nerveux centraux ont été rapportés chez les oiseaux infectés par l’USUV l’USUV a été détecté dans d’autres pays d’Afrique, comme
avec comme symptômes principaux : une prostration, une désorientation, la République centrafricaine, le Sénégal, la Côte d’Ivoire,
une incoordination motrice et une perte de poids. L’autopsie des animaux le Nigeria, l’Ouganda, le Burkina Faso, l’Afrique du Sud
infectés a fréquemment révélé une hépatomégalie et une splénomégalie. et la Tunisie [15]. En 2001, l’émergence du virus a été
Des lésions histologiques non systématiques ont également été signalées confirmée en Europe après qu’il ait été constaté une
dans le cœur, le foie, les reins, la rate et le cerveau des oiseaux infectés mortalité importante de merles noirs d’Eurasie à Vienne,
[22]. Les organes étaient généralement congestionnés avec des foyers en Autriche [20]. Une analyse rétrospective d’échantil-
de nécrose, de gliose et des infiltrats inflammatoires riches en cellules lons de tissus d’un merle noir d’Eurasie (Turdus merula),
lymphoïdes et histiocytaires [22]. L’USUV peut donc être hautement mort en 1996 en Toscane (Italie), a fourni la preuve que
pathogène pour l’avifaune, en raison de sa possible réplication et de sa l’USUV circulait déjà en Europe dans les années 1990
virulence dans un grand nombre de tissus et d’organes. Il provoque ainsi [31]. Jusqu’en 2015, il a été isolé à partir de moustiques
des mortalités aviaires importantes dans différentes régions d’Europe ou d’oiseaux dans huit pays européens (Allemagne,
sans que, actuellement, les conséquences de cette mortalité sur la dyna- Autriche, Belgique, Espagne, Italie, République Tchèque,
mique des populations/espèces aviaires soient clairement déterminées. Serbie et Suisse) [32] (Figure 3). En 2015, la France a
Aussi, comme pour le virus West Nile [23], la relation entre cette surmor- détecté à son tour l’USUV chez des merles noirs communs,
talité aviaire et l’amplification de la circulation virale au sein du réservoir à la suite de l’observation d’une augmentation de morta-
naturel, avec le risque afférent de transmission pour des hôtes acciden- lité de ces oiseaux dans les départements du Haut-Rhin
tels comme l’homme, reste à démontrer. USUV a également été isolé de et du Rhône5. Depuis, il a été établi que l’USUV circulait
l’encéphale de cadavres de chauves-souris (Pipistrellus) trouvés dans le chez les moustiques C. pipiens présents dans la région
sud-ouest de l’Allemagne, questionnant le rôle potentiel de ces animaux camarguaise depuis au moins 2015 [16]. Durant l’été
comme réservoir viral [24]. 2016, une grande épizootie d’USUV touchant l’avifaune
a de nouveau été enregistrée en Europe, avec une large
Les hôtes accidentels de USUV
5
Collaboration Office national de la chasse et de la faune sauvage, réseau SAGIR et
Des anticorps spécifiques de l’USUV, signe d’une infection, ont été détec- Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement
tés dans le sérum de chevaux en Italie, en Serbie, en Croatie, en Pologne et du travail). Le réseau SAGIR est un réseau de surveillance épidémiologique des
oiseaux et des mammifères sauvages terrestres en France. Sa mission est de sur-
et sur l’île de Majorque en Espagne [25, 26]. Des tests de séroneutra- veiller les maladies de la faune sauvage.
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Pays Année Nombre Échantillon Clinique Population étudiée Méthode diagnostique Réf
Italie 2009 1 LCR Méningo-encéphalite Cas clinique RT-PCR panflavi + séquence [36]
2008-9 3/44 LCR Méningo-encéphalite Patients avec méningo-encéphalites RT-PCR spécifique [38]
Croatie 2013 3/95 Sang Méningo-encéphalite Patients avec méningo-encéphalites ELISA et séroneutralisation [40]
Allemagne 2016 1 Sang Sain Donneurs de sang (n ?) Cobas WNV2 + séquence [41]
Autriche 2017 6/12047 Sang Sain Donneurs de sang Cobas WNV + séquence [42]
Séroprévalence (n=74)
Pays Année Nombre Prévalence Population étudiée Méthode diagnostique Réf
2008-11 40/609 6,5 % Patients sains et avec pathologies diverses Séroneutralisation [39]
Serbie 2015 7/93 7,5 % Patients sains avec risques d’exposition ELISA et séroneutralisation [48]
Allemagne 2012 1/4 200 0,02 % Donneurs de sang ELISA, immunofluorescence et séroneutralisation [45]
Tableau I. Liste des infections humaines par l’USUV. LCR : liquide céphalorachidien ; RCA : République Centre-africaine. 1Procleix West Nile Virus assay (Grifols Diagnostic Solutions). 2Cobas TaqScreen
West Nile virus (WNV) test (Roche Molecular Systems).
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SYNTHÈSE REVUES
l’étude autrichienne par PCR pour identifier le WNV, six se sont révélés, des cliniciens aux présomptions de méningites aseptiques.
après séquençage, être en fait dus à l’USUV. Si l’infection par l’USUV chez L’émergence possible d’USUV, qui partage une épidémio-
l’homme peut être asymptomatique, l’ensemble du tableau clinique de logie similaire à celle du WNV, devrait conduire à inclure
l’infection nécessite d’être mieux défini. En effet, la description récente l’USUV dans ce dispositif de surveillance. Le manque de
par notre équipe d’une infection aiguë par l’USUV, associée à un probable spécificité des outils biologiques tant sérologiques que
tableau atypique de paralysie faciale a frigore en France justifie cette moléculaires mis en œuvre pour la détection du WNV,
nécessité [43]. pourrait ici devenir un atout, sous réserve bien sûr de
À ce jour, on dénombre 28 cas d’infection humaine par l’USUV (Tableau compléter les identifications de cas positifs par des
I). Savoir si ces cas d’infection représentent une partie émergée de approches sérologiques de confirmation (séroneutrali-
l’iceberg et si l’incidence des infections aiguës par l’USUV pourrait en sation) et par du séquençage ou des PCR spécifiques de
fait être plus importante reste impossible à déterminer. L’émergence chacun de ces deux virus.
des épizooties aviaires que l’on observe apparaît cependant clairement
être contemporaine d’une exposition plus élevée de l’homme au risque Diagnostic de l’infection par l’USUV
zoonotique. Ainsi, les cas humains détectés en Italie étaient-ils conco-
mitants d’une flambée épizootique d’USUV, dont certains auteurs ont Le diagnostic d’infection par l’USUV chez l’homme est
montré qu’elle exposait à une pression zoonotique plus élevée que celle délicat. Il repose sur la détection de l’ARN viral dans le
liée au WNV [44]. Les cas d’infection récemment détectés chez des don- sang et le liquide céphalorachidien (LCR) et sur l’isole-
neurs de sang en Allemagne et en Autriche sont contemporains des épi- ment du virus par culture cellulaire et/ou sur la détec-
zooties les plus importantes qui ont été observées récemment en Europe tion d’anticorps (Ig[immunoglobuline] M et G) dans le
de l’Est, notamment en 2016 [41, 42]. L’analyse phylogénétique des sérum et le LCR des patients. À noter que, comme pour
souches virales détectées chez l’homme dans ces deux pays a confirmé l’infection par le WNV, la période virémique est courte
qu’il s’agissait de souches des lignées Europe 2 et 3, celles qui avaient chez l’homme.
effectivement circulé au sein des populations de merles et passereaux à À ce jour, aucun test commercial de diagnostic de
la même époque. La souche issue de la lignée Africa 2, impliquée dans le l’USUV n’est disponible. Les sérologies d’USUV sont
cas détecté dans le sud de la France à Montpellier [43], avait été éga- réalisées par des tests ELISA ou des approches d’im-
lement identifiée simultanément dans des populations de moustiques munofluorescence qui sont développés par des labo-
de l’espèce C. pipens capturés à proximité, en Camargue [16]. Une ratoires de référence, à partir d’antigènes viraux ou
circulation importante d’USUV aussi bien dans les réservoirs que dans de souches virales en culture. Ces tests souffrent d’un
les vecteurs, à une période et un endroit donnés, semble augmenter la manque de spécificité. Ils doivent être systématique-
probabilité de survenue de ces cas d’infection chez l’homme. ment confirmés par des approches de séroneutralisa-
Quelques trop rares études de séroprévalence viennent étayer l’hypo- tion pour exclure les réactions sérologiques croisées
thèse d’une exposition non négligeable de l’homme au risque d’infection d’anticorps spécifiques d’autres représentants des
par l’USUV (Tableau I). Conduites en Italie, en Allemagne et en Serbie, flavivirus, plus particulièrement le WNV, endémique
ces études rapportent des prévalences se situant entre 0,02 % et 1,1 % aussi en Europe. La cinétique de production d’anti-
des donneurs de sang sains [44-47] ; ces prévalences pouvant être corps anti-USUV chez l’homme n’est pas connue et
beaucoup plus importantes (de 6 % à 7 %) dans des populations avec les interprétations sont généralement déduites des
un plus fort risque d’exposition [39, 48]. Des études de prévalence de données acquises avec les réponses observées contre
l’infection d’USUV chez les moustiques vecteurs en Europe révèlent aussi le WNV. Ainsi dans notre expérience récente, aucun
un niveau d’exposition supérieur pour l’USUV par rapport au WNV. Le taux anticorps n’est détectable trois jours après le début
d’infection par l’USUV du vecteur C. pipiens dans la région camarguaise des signes cliniques d’une infection aiguë par l’USUV,
a ainsi été estimé à plus de 1 % de la population de moustiques à la fin ce qui est en accord avec les cinétiques usuellement
de l’été de 2015 [16]. Toutefois, les données restent ténues pour appré- observées pour les autres arbovirus.
cier la réelle incidence d’USUV chez l’homme et on ne dispose pas, à ce Le diagnostic direct d’une infection par l’USUV peut
jour, d’outils performants de diagnostics sérologiques permettant un être réalisé par l’isolement du virus sur des cultures
dépistage à grande échelle. La mise au point de ces outils se heurte en cellulaires. De nombreuses cellules sont en effet per-
effet, comme souvent avec les flavivirus, à un défaut de spécificité lié missives au virus ; les plus utilisées restent les cellules
à la grande communauté antigénique entre les virus qui souvent néces- de moustiques C636 ou les cellules de mammifères
site des confirmations reposant sur des approches plus fastidieuses de Vero6, pour lesquelles le virus présente un effet cyto-
détermination de séroneutralisation [49]. pathique [50].
Les départements du pourtour méditerranéen sont depuis les années
2010 sous surveillance pour le risque lié au WNV. Cette surveillance inclut
désormais un volet vétérinaire et un volet humain avec une sensibilisation 6
Lignée de cellules épithéliales de rein de singe vert d'Afrique.
REVUES
la plupart des flavivirus en ciblant une région conservée de 260 paires 2. Lanteri MC, Assal A, Norris PJ, et al. Le virus West Nile. Med Sci (Paris) 2011 ;
de bases du gène NS5, commun à ces virus [53-55] ; le typage du virus 27 : 375-81.
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peut alors être réalisé secondairement par séquençage ou hybridation 32 : 378-86.
[54]. Cette approche « panflavivirus » est certes plus fastidieuse, 4. Calisher CH, Gould EA. Taxonomy of the virus family Flaviviridae. Adv Virus
mais elle présente un double avantage. D’une part, elle ne présume Res 2003 ; 59 : 1-19.
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SYNTHÈSE
nécessaire pour l’identification de l’agent étiologique, autorise éga- comparison with the South African strain SAAR-1776 and other flaviviruses.
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Responsable d’épizooties récurrentes depuis 1996 dans l’avifaune euro- demyelination. Acta Neuropathol 2004 ; 108 : 453-60.
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naires, éleveurs) suivant l’approche « une santé » (one health) devraient pipiens mosquitoes in the Camargue, France, 2015. Infect Genet Evol 2018 ;
j.meegid.2018.03.020.
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