Lecture Linéaire 3
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La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est une réécriture de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789. Elle est rédigée par Olympe de Gouges, femme de lettres française
devenue femme politique et révolutionnaire, en 1791.Si, ce texte a permis la mise au jour des fondements
républicains et démocratiques, sa réécriture par Olympe de Gouges suggère que la femme en est «
oubliée ».
Le texte, intitulé « Postambule », succède à l'énoncé des articles de lois, visant à fonder le droit des
femmes et des citoyennes. Olympe de Gouges exhorte les femmes à recouvrer leur droit naturel à la
liberté.
Nous pourrons donc nous demander en quoi cette exhortation militante, soutenue par la tonalité
polémique, fait-elle œuvre de manifeste ?
b. Olympe de Gouges fait, en effet, un tableau de son temps. La métaphore de la raison « le tocsin » est
censé provoquer ce réveil. Celle-ci est redoublée du « flambeau de la vérité ». Ces deux métaphores
évoquent avec efficacité la pensée des Lumières qui ont permis une Révolution des représentations pour
une libération de l'oppression de l'homme. L'action de cette pensée « se fait entendre » ou « a dissipé »
montre l'action efficiente de la pensée sur le monde et oppose la raison et la vérité au champ lexical des
fléaux de l'Ancien Régime « préjugé », « fanatisme », « superstition », « mensonges », « sottise », «
usurpation ».
c. Elle évoque ensuite la manière dont l'homme a changé de statut. Il était sujet « homme esclave », il est
devenu citoyen « libre ». Or, ce changement s'est réalisé grâce à une démultiplication des forces
d'opposition : celles des hommes d'une part « a multiplié ses forces », celles des femmes d'autre part « a
eu besoin de recourir aux tiennes ». On sait en effet, combien les femmes se sont activement engagées
dans la Révolution Française. Toutefois, la conséquence de cette union contre l'oppresseur est inattendue.
La parataxe, renforcée du parallélisme « devenu libre, il est devenu injuste » en atteste.
→ Olympe de Gouges fait état du merveilleux mouvement de libération qu'a constitué la Révolution pour le
peuple français. Mais, cette évocation se clôt sur la déception du constat de l'injustice qui perdure indûment
entre les hommes et les femmes, alors que celles-là mêmes se sont battues à la libération collective.
c. L'Ancien Régime est ensuite évoqué à travers des mots péjoratifs « corruption », « faiblesse », « empire
détruit » dans lequel la femme était d’autant plus soumise.
La question emphatique « que vous reste-t-il donc ? » trouve sa réponse dans une lucidité brutale et sans
faille « la conviction des injustices » et « la réclamation de votre patrimoine ». Olympes de Gouges cherche
à ouvrir les yeux de femmes sur les injustices. Elle les invite à réclamer leur dû, le statut de citoyenne
qu’elle mérite en partant à la conquête de ses droits économiques et naturels.
→ Les effets de balancements affirment la dimension rhétorique de cette exhortation à regarder avec
lucidité le bilan de l'engagement révolutionnaire. Celui-ci se solde par un sort injuste envers les femmes.
b. C'est avec ironie que l'oratrice fait référence aux Noces de Cana, référence du Nouveau Testament.
Olympe de Gouges s'adresse aux femmes pour leur rappeler que les hommes ne sont pas des dieux
vivants quand bien même ils le suggéreraient. Par la métaphore « cette morale longtemps accrochée aux
branches de la politique » renvoie au fonctionnement monarchique qui fait, artificieusement, du roi un
représentant de Dieu sur Terre. La précision « mais qui n'est plus de saison » affirme avec force que ce
genre d'argument n'est plus recevable dans l'ordre nouveau de la république proclamée par la Révolution.
Ainsi, la citation relative à l'épisode biblique « Femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? » qui
portait le sens de mettre les femmes mortelles à distance de Jésus porteront au contraire l'injonction de la
communauté établie « Tout auriez-vous à répondre ».
c. Le raisonnement, construit sur un système éventuel, oppose l'entêtement des hommes, caractérisés par
des termes négatifs, tels que « faiblesse », « inconséquence », « contradiction », « prétentions de
supériorité » à des femmes éclairées, ce que révèlent les mots « courageusement », « force de la raison »,
« étendards de la philosophie », « énergie de votre caractère ». Les verbes principaux de ce système
conditionnel évoquent, pour leur part, un appel à la lutte à l'impératif « opposez », « réunissez-vous »,
« déployez ». La relance par la proposition coordonnée « et vous verrez bientôt ces orgueilleux » dont le
caractère péjoratif est renforcé par l'emploi du démonstratif « ces », met en scène l'issue de cette lutte par
un effet de balancement « non serviles mais fiers». Ce que suggère ici Olympe de Gouges c'est que le
respect des femmes dans leur intégrité d'être humain est la garantie pour chacun d'un monde meilleur,
libéré des systèmes d'oppression. Le dernier système conditionnel mis en œuvre consiste un l'énoncé
d'une conviction profonde que la femme a la capacité de s'affranchir de la domination avilissante des
hommes. De plus, la proposition juxtaposée « vous n'avez qu'à le vouloir » affirme la responsabilité de
chacune et de toutes à désirer l'égalité et la liberté.
→ S'appuyant sur l'incohérence même des principes des Lumières alliés à la volonté de puissance des
hommes, Olympe de Gouges affirme la capacité des femmes à se mobiliser dans leur propre intérêt.
C° : Ainsi, l'on perçoit dans ce texte la saisie, dans l'immédiateté, des luttes traversées pendant la
Révolution. L'engagement, au plus près des événements, montre une femme qui réfléchit son époque au
plus près des mutations. L'intérêt de ce texte consiste à montrer, dans une verve franche et efficace,
comment se pense la lutte féministe d'Olympe de Gouges au cœur même des mutations philosophiques,
sociales et politiques de son temps. La thèse en est limpide : la société entière sortira grandie du respect
de l'égalité homme-femme.