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UNIVERSITE CATHOLIQUE DU CONGO

FACULTE DES COMMUNICATIONS SOCIALES

B.P. 1534
www.ucc.ac.cd

Présenté et défendu par MALUMBI KAZIMOTO Benoît

Mémoire en vue de l’obtention d’un Master en


Communications Sociales
Option : Journalisme, Information et
Communication

Promoteur : Professeur Docteur Célestin


KATUBADI
Novembre 2021

1. Introduction générale

1.1. Contexte et problématique


1.1.1. Contexte

Depuis l’Acte Constitutionnel du 9 avril 1994, et aujourd’hui dans la Constitution de


la RDC, l’on a reconnu les droits de libertés fondamentales à tout citoyen congolais. L’article
18 de l’Acte Constitutionnel et l’article 23 de la Constitution, qui est sa version actualisée,
reconnait « la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole,
l’écrit et l’image, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs »1.
En ce temps, ce droit relatif à la liberté d’expression était garanti dans la presse qui était « le
mode privilégié de communication de masse, d’information et de culture »2. De ce fait, le
droit d’informer, d’être informé par la presse écrite, les médias audiovisuels ou encore toute
autre support de communication, a acquis une légitimité avec une loi qui fixait ses modalités
d’exercice afin d’éviter tout trouble à l’ordre public, aux droits d’autrui et aux bonnes mœurs.
Il s’agit ici de la loi du 22 juin 1996 fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse.
Elle est une garantie « de l’indépendance du journaliste et des autres professionnels de la
presse ainsi que leur responsabilité vis-à-vis de la société, de l’ordre public et des droits des
tiers »3. Face à cette loi, le journaliste, la presse a non seulement des droits mais aussi des
devoirs, étant donné la portée et l’influence des médias sur les masses populaires (de tout
genre, à tous les niveaux d’instruction) qui les suivent et leur rôle important dans la
construction de la vision du monde. Raison pour laquelle la Charte de Munich, le code
d’éthique et de déontologie des journalistes congolais ont établi un certain nombre de règles
et principes du métier de journalisme afin de veiller à ce que ce dernier n’abuse de leurs
libertés et de leur droit d’informer.

Cependant, les professionnels des médias et de la presse vont être confrontés à la


révolution numérique dont ils n’ont pas vu venir le danger dans leur secteur. Il s’agit

1
Art. 23 de la Constitution de la République Démocratique du Congo.
2
Exposé des motifs, Loi du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de presse.
3
Idem.

2
particulièrement du passage au Web 2.0, fort illustré avec le développement des réseaux
sociaux numériques (tels que Facebook, Instagram, Twitter, pour ne citer que les plus utilisés)
qui viennent remettre la question de la liberté d’expression et de la presse plus que jamais à
l’ordre du jour.

Si à l’époque du Web 1.0 (version du web statique centré sur la distribution des
informations), la presse, notamment les journalistes, détenait encore le monopole de la
production de l’information d’actualité sur des sites web, et pour un public qui va à la
recherche de celle-ci, les plateformes sociales numériques ont brouillé cette logique ou
encore cette hiérarchie. Le web 2.0 ou participatif a fait entrer le public, « ancien lecteur »4
ou ancien téléspectateur parmi les acteurs de la production et la diffusion de l’information. A
partir de cet instant, où un utilisateur quelconque, auteur d’un compte sur une plateforme
comme Facebook ou Instagram, a maintenant le pouvoir d’exposer librement son
opinion/jugement sur l’actualité fournie par des professionnels ou sur le travail de ces
derniers, voire les contredire, de publier des images exclusives d’un évènement dont cet
utilisateur a été témoin, sous réserve d’aucune restriction, la liberté d’expression et de la
presse révèle aujourd’hui des lacunes que les lois et codes qui fixent les modalités de leur
exercice depuis bon nombre d’années n’avaient prévu.

1.1.2. Problématique

Dans ce nouveau monde, dépourvu de règlementation et de politiques de


confidentialité solides, les journalistes et leurs lecteurs se partagent la légitimité d’informer,
puisqu’ils ont tous accès à la même information au même moment (la tendance aujourd’hui
est que le public est souvent informé d’un fait avant la diffusion de celui-ci par les médias).
L’information se démocratise, toute personne, qualifié, compétent ou pas, a le droit et la
liberté de dire, de contredire, publier ou diffuser, de commenter une nouvelle. Ce, à telle
enseigne que l’identité de la profession du journaliste ou des professionnels des médias s’en
retrouve mitigé et qu’on est dorénavant face à plusieurs « vérités »5.

4
H. M. BADAU, « Les enjeux éthiques de la communication de l’information d’actualité sur les blogs et
réseaux sociaux », in Revue française en sciences de l’information et de la communication, no.12 (2018),
https://journals.openedition.org/rfsic/3527#bodyftn21 consulté le 09/10/2021.
5
Idem.

3
Les réseaux sociaux numériques sont devenus aujourd’hui un lieu majeur d’échanges
d’information. En 2020, environ 3 millions de congolais y ont accès pour s’informer, faire
des réservations, effectuer des achats en ligne et communiquer6. De plus, ces nouveaux
addicts des médias sociaux ont trouvé l’espace par excellence où il est possible de s’informer
et se divertir dans le même temps. Là, l’utilisateur reçoit, d’une manière instantanée, une
multitude de contenus sélectionnés selon les préférences de leur actions observées sur ces
plateformes, les fréquences d’interaction sur une page, un type de contenu ou de recherche
sur un sujet. Et il lui suffit juste de scroller passivement afin de passer d’une information à
une autre. Ce nouveau rapport du public avec l’information va être à la base d’une rupture
avec les sites web sur lesquels les médias d’informations en ligne ou pure-players classiques
diffusaient principalement les nouvelles d’actualités. H. M. BADAU explique que « ce
mouvement entraîne un changement de paradigme : le public n’est plus à la recherche de
l’information, celle-ci part à la recherche du public. Le public, qui avait un comportement
proactif dans sa relation avec l’information, en la recherchant sur différents sites, a
désormais un comportement passif : il lui suffit de passer du temps sur ses comptes des
réseaux sociaux et l’information vient à lui »7. De ce fait, les sites web d’informations
générales vont rejoindre le contexte très complexe des plateformes sociales numériques et
associer des stratégies de marketing digital à la pratique journalistique afin que leurs
informations atteignent le public ciblé. Cette nouvelle logique dans l’exercice du journalisme,
dans le traitement de l’information a vite créé un terrain favorable à la circulation fausses
nouvelles dites « fake-news » en provenance de nombreux comptes d’utilisateurs quelques
anonymes ou piratés, des créateurs de contenus numériques avec des grands titres
sensationnels, animés par la soif de la viralité, et « le public touché est extrêmement vaste et
tout le monde ne dispose pas d’une capacité à traiter judicieusement »8 cette masse
d’informations reçues.

6
Digital 2020 : The Democratic Republic of the Congo,
https://datareportal.com/reports/digital-2020-democratic-republic-of-the-congo consulté le 11/10/2021.
7
H. M. BADAU, « Les enjeux éthiques de la communication de l’information d’actualité sur les blogs et
réseaux sociaux », in Revue française en sciences de l’information et de la communication, no.12 (2018),
https://journals.openedition.org/rfsic/3527#bodyftn21 consulté le 09/10/2021.
8
DURBECQ, Clémence. « Fake news » à l’ère numérique : un nouveau défi pour le droit de la presse ? Faculté
de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2018, p.1.
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:15911 consulté le 09/10/2021.

4
C’est dans ce nouveau contexte que sont également nées plusieurs pages numériques,
particulièrement à Kinshasa, qui s’identifient comme des médias d’actualité urbaine et de
divertissement sur les plateformes comme Facebook ou Instagram. La plupart d’entre eux
peuvent être considérés ou agissent comme des magazines, ou des médias dédiés qui couvrent
généralement l’actualité des personnalités publiques (artistes musiciens congolais, les
politiques ou encore d’autres célébrités du pays ou de l’étranger), les derniers buzz,
tendances, scoops sur la vie de ces personnalités, et des faits divers. Dans ce registre, on peut
prendre le cas des médias tels que Mboté.cd, Talents2Kin ou Voilà Night. Ces médias
numériques, qui s’adressent à un public compris entre la génération Y et Z (principaux
consommateurs des réseaux sociaux), ont choisi d’exercer le journalisme sur un terrain qui
leur offre les possibilités de faire du sensationnel, de l’humour, de publier des vidéos brutes
ou exclusifs, soit des concerts, soit des coulisses d’un tournage de clip vidéo, ou encore de la
vie familiale des célébrités. Certes, ces médias qui font du people (un monde caractérisé par
le scoop, le buzz, le choc, tenant même du monde des célébrités), ont un traitement de
l’information moins stricte que les pure-players classiques. Cependant, cette liberté
d’expression qui leur est permis s’avère être un terrain glissant, surtout à l’ère des réseaux
sociaux numériques. Evoluant sur cet espace soumis à aucune régulation ou à une faible
règlementation, les pratiques journalistiques de ces médias sont facilement portés à
outrepasser les limites imposées par la loi ou les codes d’éthique et de déontologie du
journalisme.

Dans cette volonté de faire du sensationnel, un média comme Mboté.cd par exemple,
suivi par plus de 300 000 abonnés sur Instagram et plus d’un million sur sa page Facebook,
reprend souvent des citations, soit des extraits de déclarations d’une personnalité publique
congolais, énoncés dans un langage qui porte parfois à confusion, avec une source pas
clairement identifiée ou carrément sans aucune source. Ces phrases qu’auraient prononcées
une quelconque célébrité, reprises sur des photo-montage, sont généralement incomplètes, ou
encore plus construites de façon à susciter de vives réactions des abonnés (likes,
commentaires, partages) que d’informer utilement, d’amener ces derniers à la bonne
compréhension de l’information, à la vérité. Ce qui porte, pour la plupart de publications, à la
confusion, l’information diffusée est facilement sortie du contexte dans lequel elle a été émise
à la source, et peut de ce fait être susceptible de passer pour une information erronée.

5
Le marché fort concurrentiel sur les réseaux sociaux, la course à la recherche de
l’exclusivité à tout prix, amène aussi ces médias à publier certains aspects de la vie privée des
personnalités congolaises, violant ainsi la limite de l’intimité de ces dernières imposée par
leurs libertés et leurs droits garantis par les articles 31 de la Constitution et 11 du code
d’éthique et déontologie des journalistes congolais. Toujours dans cette même perspective de
recherche malsaine de plus de visibilité pour leurs informations, ces médias numériques sont
parfois portés à laisser passer, à travers leurs publications, des propos de nature à diffamer, à
nuire à la dignité d’une tierce personne, et qui, pouvait facilement être évités à cause de leur
teneur moins pertinente. Mais publiées dans l’objectif de faire grimper les statistiques, les
informations de ce genre ouvrent la voie à des abus de la liberté d’expression très marquée
dans des centaines de commentaires, en réactions à ces publications, où l’on peut retrouver
des incitations à la haine, des injures de tout genre, des discours tribalistes ou sexistes, etc. De
plus, ces écarts de comportement venant des abonnés, la page ne sait ni les éviter, ni les
rappeler à l’ordre à cause de l’accès libre et ouvert aux commentaires sur Facebook ou
Instagram et le grand nombre de réactions générées.

L’ampleur des dégâts que peuvent provoquées les informations peu éthiques de ces
médias numériques n’est pas non plus négligeable, car elles sont en partie à la base de
nombreuses polémiques, d’incompréhension ou encore d’amplification de mauvaises
relations qui existent déjà entre certains musiciens congolais.

Au regard de ce qui précède, nous pouvons observer que l'ambiguïté posée par les
contenus de ces médias numériques kinois ne facilite pas leur classification dans une
typologie des médias, voire amène à remettre en cause l’identité même de média qu’ils
s’attribuent.

Les questions de recherche de notre étude seront donc formulées de la manière


suivante :

• Quels types d'informations diffusent-ils sur les réseaux sociaux numériques ?

• Comment usent-ils des actes du langage pour susciter l'intérêt du public ?

1.2. Hypothèses

6
En première approche, les médias numériques dont il sera question dans le présent
travail peuvent diffuser tout type d’informations, d’abord dans un but de publier seulement,
nourrir leurs pages sur les réseaux sociaux et, dans le cas d’une information alléchante,
celle-ci peut également générer beaucoup d’interactions en termes de likes, commentaires et
partages. En d’autres termes, les informations diffusées cadrent non seulement avec le secteur
d’activité de ces médias numériques – pour le cas précis, l’actualité people congolaise – mais
ces derniers vont également à la recherche de toute image ou vidéo susceptibles d’attirer du
monde sur leurs pages.

En seconde approche, ces médias numériques utilisent un langage chargé pour diffuser
leurs informations. Ils ont souvent recours à certaines terminologies empreintes d’une
grammaire familier au digital, dans le but d’attirer une catégorie de personnes,
particulièrement les addicts aux réseaux sociaux numériques.

1.3. Cadre théorique

Premièrement, notre étude s’appuiera sur la théorie de l’Agenda-Setting, développée


par les américains Maxwell MC COMBS et Donald SHAW, et qui fait partie des grandes
théories de la Communication centrées le contenu des médias qui dictent les sujets de
conversation dans l’opinion publique. Dans un sens inverse, surtout à l’ère des plateformes
numériques, cette théorie réussit à démontrer comment les sujets les plus partagés sur la
Toile, notamment à travers les mots-clés dits « hashtag » ou les « challenge » peuvent
également influencer les médias numériques à les relayer. La théorie de l’Agenda-Setting
contribuera, dans ce travail à expliquer la sélectivité des informations des pages Mboté.cd et
Voilà Night. En effet, ces médias congolais diffusent des catégories récurrentes
d’informations censées produire l’effet voulu sur les internautes, le maximum d’interaction,
et le relaie également des contenus viraux sur l’espace numérique.

Pour ce faire, les médias usent d’un langage chargé, c’est-à-dire, ils utilisent une
certaine terminologie pour persuader le public d’une certaine manière, pour avoir la réaction
voulu par eux. Cet aspect nous mène à recourir en deuxième lieu à la théorie des actes du
langage développés par John Langshaw AUSTIN, complétée par la suite avec les fonctions
du langage de Roman JACKOBSON et Emile BENVENISTE. Elle aura pour but d’expliquer

7
les fonctions de langage utilisé dans les textes sur les visuels ou les légendes des contenus
publiés par les médias numériques kinois sur lesquels la présente étude portera.

1.4. Méthode et techniques de recherche

La méthode de recherche que nous appliquerons est celle de l’analyse de contenu.


François DEPELTEAU la définit dans son ouvrage « La démarche d’une recherche en
sciences humaines » comme étant « une méthode de classification dans diverses catégories
des éléments du document analysé pour en faire ressortir les différentes caractéristiques en
vue d’en mieux comprendre le sens exact et précis »9. L’analyse catégorielle est le type
d’analyse de contenu que nous utiliserons dans le présent travail. Elle aura pour objectifs de :
primo, passer au peigne feint à travers les quatre étapes de l’analyse proprement dite, les
publications des médias numériques sélectionnées selon notre délimitation spatio-temporelle.
Secundo, relever et classifier les types d’informations diffusées, selon les thématiques
récurrentes, par les médias numériques.

Concernant les techniques de recherche qui ont été appliqué dans cette étude, nous
avons eu recours à : (A ajouter)

• La technique documentaire : elle sous-entend le recours à diverses sources de


documentation qui permettront, d’expliquer les concepts clés autour desquels tournent le
présent sujet de recherche et sa problématique, présenter et développer le cadre théorique,
le cadre méthodologique et le cadre d’étude.

1.5. Intérêt du sujet


L’intérêt de la présente étude se trouve dans la mise en évidence Du pouvoir des réseaux
sociaux numériques qui remet plus que jamais à l’ordre du jour la question de la liberté
d’expression et de la presse. D’où la nécessité aujourd’hui d’une règlementation des pratiques
des médias qui y exercent.
1.6. Délimitation spatio-temporelle
L'analyse de contenu qui sera menée dans ce travail portera sur deux médias
numériques principalement basés dans la ville de Kinshasa. Il s'agit de Mboté.cd et Voilà

9
F. DEPELTAU, La démarche d'une recherche en sciences humaines : de la question de départ à la
communication des résultats, Presses Université Laval, Québec, 2000, p.293.

8
Night. Notre étude se basera sur les publications de ces médias sur leurs pages Instagram et
Facebook, dans une période située entre le 1er janvier et le 1er août 2021.
1.7. Division du travail (Être bref)

Le présent travail sera divisé en trois grands chapitres. Le premier chapitre posera les
cadres conceptuels, méthodologiques et théoriques de notre étude. Concernant les concepts
clés à définir et à développer, il s'agira dans ce chapitre des termes suivant :

− Média : sans nous limiter à la définition de ce concept, nous verrons également les
différentes évolutions terminologiques du mot "média", les caractéristiques d'un
média en tant qu'entreprise ou organe de presse, les types de média selon leurs
objectifs et leurs supports ou techniques de diffusion tels que développés par Marshall
MAC LUHAN et F. BALLE. Nous passerons également en revue l’évolution des
médias du point de général, et en République Démocratique du Congo en particulier.
Nous finirons le développement de ce premier concept par un aperçu de la régulation
et l’auto-régulation des médias et la règlementation des réseaux sociaux en RDC.
− Médias d’information en ligne : ce deuxième concept nous conduira d’abord à
clarifier la notion de pure-player en tant qu’entreprise « tout en ligne » et site web
d’informations générales en ligne. Ensuite interviendra une brève histoire des médias
d’informations en ligne, et l’introduction de la presse en ligne en RDC.
− Information : après avoir passé en revue les approches définitionnelles du terme
« information » selon différents auteurs, nous nous pencherons sur l’information
journalistique, les étapes de sa production et de sa diffusion, l’éthique de
l’information, la valeur de l’information à l’ère des NTIC, et la différence entre
l’information journalistique et la création de contenu pour les réseaux sociaux.

Le cadre théorique sur lequel portera également le premier chapitre sera celui de
l’Agenda Setting et celle des actes du langage. Concernant la théorie de l’Agenda Setting, les
américains D. SHAW et MAC COMBS décrivent la fonction des médias qui exercent un effet
important sur la formation de l’opinion publique en imposant un calendrier de certains
événements et une hiérarchie des sujets. Cette section du premier chapitre sera consacré à
décrire les principes de ladite théorie, après avoir passé en revue ses origines et les contextes
dans lesquels le concept d’ « Agenda Setting » est né. La théorie des actes de langage, nous y

9
verrons les principes de l’acte du langage développés par ses différents auteurs, notamment
J.L. AUSTIN, R. JACKOBSON et E. BENVENISTE.

Quant au cadre méthodologique, nous décrirons la méthode de l’analyse de contenu


(AC) selon l’auteure Laurence Bardin. Nous verrons différentes approches de l’analyse de
contenu, les disciplines proches de ladite analyse, les types et les étapes de l’AC.

Le deuxième chapitre portera, lui, sur le cadre d’étude. Il s’agira d’abord de présenter
un état des lieux de la liberté de presse à l’ère des réseaux sociaux numériques, les magazines
en ligne de façon générale, entre autres ceux qui pullulent les réseaux sociaux numériques
depuis quelques années. Ensuite, nous ferons une entrée en matière des trois médias
numériques kinois qui nous intéresseront dans le présent travail, notamment Mboté.cd,
Talents2Kin et Voilà Night. Ces entreprises seront largement présentées, avant de tracer les
tableaux des publications de chacune d’elles, qui feront principalement l’objet de nos
analyses.

Le troisième chapitre comptera quatre sections : la première consistera en un rappel


méthodologique sur les différentes théories et méthodes d’analyses auxquels nous recourront
pour répondre aux questions de problématique. La seconde section portera sur l’application
de la méthode d’analyse de contenu syntaxique suivant les étapes de François DEPELTEAU.
La troisième section se basera sur l’analyse des publications selon les fonctions de langage
développées par Roman JACKOBSON. Enfin, la quatrième section sera consacrée à la
synthèse, aux observations.

Chapitre premier

Cadre conceptuel, cadre méthodologique et cadre


théorique

10
I.0. Introduction
I.1. APPROCHES CONCEPTUELLES

(Introduction)

I.1.1. MEDIA

Le dictionnaire Larousse définit un média comme étant un « procédé permettant la


distribution, la diffusion ou la communication d'œuvres, de documents, ou de messages
sonores ou audiovisuels (presse, cinéma, affiche, radiodiffusion, télédiffusion, vidéographie,
télédistribution, télématique, télécommunication) »10.

Claude-Jean BERTRAND va plutôt attribuer au concept « média » (au pluriel «


médias ») le sens d’« une entreprise industrielle qui, par des moyens techniques spécifiques,
diffuse, simultanément ou presque, un même message à un ensemble d'individu épars »11.
Contrairement à la définition du Dictionnaire Larousse développée ci-haut, celle-ci écarte le
l’idée du média comme un moyen ou une technique de diffusion, la considérant plutôt
comme l’institution qui possède des moyens de diffusion des messages à l’endroit de diverses
personnes.

Rémy RIEFFEL pense que les médias, au pluriel, « doivent être conçus dans un
premier temps comme un ensemble de techniques de production et de transmission de
message à l'aide d'un canal, d'un support (journal papier, ondes hertziennes, câble, etc.) vers
un terminal (récepteur, écran) ainsi que comme le produit proprement dit de cette technique
(journaux, livres, émissions) ; dans un second temps comme une organisation économique,
sociale et symbolique (avec ses modalités de fonctionnement, ses acteurs sociaux multiples)
qui traite ces messages et qui donne lieu à des usages variés. Ils présentent, par conséquent

10
« Média » dans Dictionnaire Larousse,
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/m%C3%A9dia/50085#definition, consulté le 06 octobre 2021 à
12 :34'.
11
C-J. BERTRAND, Les médias aux Etats-Unis, Paris, éd. PUF « que sais-je ? », 1997, p. 6.

11
une dimension technique (matériels) et une dimension sociale (représentations) qui évolue en
fonction du temps, de l'espace et des groupes sociaux qui s'en servent »12.

I.1.1.1. Des « mass media » aux médias (Francis BALLE)

Le sociologue français Francis BALLE évoque la multiplicité des sens et acceptations


attribuées au mot « média ». En même temps considéré comme support de transmission d’un
message, le terme média est aussi employé pour désigner les grandes institutions sociales,
résultats de plusieurs initiatives calculées et ayant des équipements techniques gérés par des
professionnels. Dans ce sens, la radio, la télévision ou encore les affiches publicitaires sont
appelées média, au même titre qu’un quotidien tel que La Prospérité ou une chaîne de
télévision comme B-One TV, par exemple.

Il faut tout de même souligner qu’avant d’avoir affaire à cette polysémie que renferme
aujourd’hui le terme « média », on parlait déjà des « mass media » dès les années 1950 en
Amérique du Nord. Ces deux mots désignaient ensemble « toutes les techniques permettant
d’atteindre simultanément une audience étendue, diverse, et dispersé »13. Dans ce registre, on
pouvait citer le cinéma, la télévision et la presse. Dans les années comprises entre 1960 et
1970, le mot « média » s’est popularisé grâce au professeur canadien Marshall MC LUHAN.

I.1.1.2. Selon Marshall MAC LUHAN)

Le théoricien anglais Marshall MC LUHAN (1911-1980) considère que le média est le


prolongement des sens, facultés et capacités de l’homme. Le « medium » (journal, livre,
télévision, radio, enseigne), selon MC LUHAN, est lui-même porteur d’un message, au-delà
des informations qu’il peut véhiculer. Il ne s’intéressera donc pas au contenu du média, mais
plutôt à la façon dont il est diffusé, ou à la technique de transmission de ce contenu. Selon lui,
l’émetteur opère le choix d’utiliser chacun de ces médiums selon les effets bien précis qu’ils
peuvent produire sur ceux qui reçoivent l’information que ces médiums portent. En d’autres
termes, l’affichage d’une couverture d’album d’un musicien sur l’écran géant au Time Square
renvoie un message fort et accorde une plus grande importance à cet album que la publication
de la même couverture dans une page d’un journal de presse, par exemple. Surtout pour un
public né avec les écrans et tout type de support visuel.

12
R. RIEFFEL, Que sont les médias ? Pratiques, identités, influences, Gallimard, Paris, 2005.
13
F. BALLE, Médias et Sociétés (12è Ed.), Montchrestien, Paris, 2005, p.27.

12
Cette considération du média selon MC LUHAN distingue le médium de son contenu
qu’il qualifie d’un « autre médium ». Pour reprendre l’exemple de l’auteur : le médium d’un
télégramme est l’imprimé, celui de l’imprimé est l’écrit, celui de l’écrit est la parole et celui
de la parole un processus de pensée non verbal. Mac Luhan, souligne aussi que les médias,
par leur rapidité à étendre une information, la traitent, la transportent, cela grâce aux avancées
technologiques (train, avion, télévision, internet).14

Dans le cadre du présent travail, l’acception du terme média que nous choisirons est
celle de Rémy RIEFFEL qui la considère comme une organisation économique, sociale et
symbolique qui traite les informations, en lui donnant lieu à des usages variés.

I.1.1.3. Famille des médias


I.1.1.3.1. Médias autonomes, de diffusion et de communication

Certes, « média » est à ce jour employé pour exprimer à la fois les moyens d’expression
et les institutions auxquelles elles donnent naissance, par leur utilisation. F. BALLE va
néanmoins saisir la différence que proposent tous les médias (par rapport à l’étendue de leur
audience et les messages acheminées), en dressant un inventaire des médias à la fois complet
et pertinent.15 Il va distinguer trois familles des médias : les médias de autonomes, les médias
de diffusion et les médias de communication.

− Médias autonomes : dans cette famille, on peut citer les livres, les journaux, les
affiches, etc. Ce sont là des supports portant des messages et qui ne nécessitent pas de
raccordement à un réseau quelconque. Certains parmi eux, à l’instar du disque audio
ou vidéo requiert un équipement tel le magnétoscope pour leur lecture.
− Médias de diffusion : il s’agit dans cette famille, des médias qui permettent
l’émission et le relais d’informations. Ces médias ont évolué depuis la transmission
sans fil, avec les ondes hertziennes qui permettaient d’acheminer des programmes de
télévision, et de 1975 à ce jour, avec l’arrivée des câbles, des satellites, la télévision
numérique terrestre (TNT), et Internet.
− Médias de communication : permettent l’interaction ou l’interactivité. Elles
comprennent les moyens de télécommunication qui permettent de mettre en relation,

14
M. MC LUHAN, Pour comprendre les médias, Edition Mame/Seuil, Paris, 1968.
15
F. BALLE, Médias et Sociétés (12è Ed.), Montchrestien, Paris, 2005, p.28-29.

13
« à distance et à double sens »16, deux personnes ou deux groupes, ou encore, une
personne ou un groupe d’un côté, et une machine offrant plusieurs programmes et
services, de l’autre. Le téléphone, créé en 1876, est considéré comme un ancêtre dans
cette famille des médias
I.1.1.3.2. Médias chauds et médias froids

MC LUHAN va distinguer deux types de médias, en fonction de la participation des


récepteurs : on a donc les médias chauds et les médias froids.

Un média est dit chaud lorsqu’il « prolonge un seul sens et lui donne une haute
définition »17. L’auteur fait allusion, pour parler de la haute définition dont il est question ici,
à la grande quantité de données (informations) portées par les médias chauds. Dans cette
catégorie, on peut citer la radio, le cinéma qui ont la capacité de transmettre beaucoup
d’informations et ne nécessitent qu’une faible participation du récepteur.

Au contraire, un média est dit froid lorsqu’il implique plusieurs sens et ne comprend
que peu d’informations, qui encourage la participation de son audience. Julien Damon ajoute
l’exemple de la télévision et la parole qui « livrent des messages incomplets qui laissent place
à l’interaction »18. Aujourd’hui, nos smartphones, les plateformes numériques comme
Facebook ou Instagram peuvent être considérées comme étant des médias chauds, au regard
des masses d’informations qui y sont quotidiennement fournies partout dans le monde. Et au
niveau de l’internaute qui reçoit des informations découpées, il est toujours appelé à les
compléter.

I.1.1.4. Aperçu historique des médias

L’évolution des médias s’apparente le mieux au développement des sociétés mondiales.


Au fil des années, les hommes, de plus en plus curieux, ont réussi à acquérir et à produire de
nouvelles connaissances, les systèmes politiques se sont rivés vers la démocratie, et les
technologies de collecte et de diffusion se sont également développés.

I.1.1.4.1. La Presse écrite

16
Idem, p.30.
17
M. MC LUHAN, Pour comprendre les médias, Edition Mame/Seuil, Paris, 1968.
18
J. DAMON, Les 100 penseurs de la société, PUF, Paris, 2016, p.147-148.

14
Elle est la plus ancienne à avoir vu le jour dans la chronologie des médias. Son histoire
est d’abord précédée par deux grandes inventions du 15ème siècle : la poste, d’une part, qui
servait à recevoir et à diffuser les nouvelles et l’imprimerie, d’autre part, qui dupliquait ces
dernières.

Malgré ce développement technologique, les premiers périodiques ne furent publiés


que vers le début du 17ème siècle, grâce à une curiosité et une demande sociale croissante,
particulièrement à l’époque de la Renaissance et la Reforme. L’on est petit à petit passé de la
distribution des nouvelles à la main – les avvisi (avis) en Italie, les zeitungen (journaux) en
Allemagne et les relaciones (rapports) en Espagne – , l’impression en 1605 des Niewe
Tydinghen ou Nouvelles récentes, publications (périodiques) bimensuel imprimées par
l’anversois Abraham Verhoeven à l’occasion des quelconques événements, à la parution de la
première gazette hebdomadaire à Strasbourg (ville allemande à l’époque) suite à la
multiplication des lecteurs.19 Ensuite, il y eut : entre 1618 et 1619, le « Courante uyt Italien,
Duytslandt » ou « Courant d’Italie et d’Almaigne » en version française (courriers
hebdomadaires à Amsterdam), le Weekly Newes de Thomas Archer publié en 1622 à Londres
et enfin, la fameuse Gazette à Paris, publiée le 30 mai 1631 par Théophraste Renaudot. Cette
gazette était « une suite de dépêches venues des villes étrangères ordonnées selon leur
ancienneté, des nouvelles des armées du roi en campagne, des nouvelles de la Cour » et
disponible en plusieurs modèles.

En France, dicté pendant le siècle des Lumières par la monarchie absolue, plusieurs
journaux spécialisées ont vu le jour. Les commentaires ou analyses politiques furent interdit à
la presse jusque dans les années 1770. L’information « conviait le public à admirer, non à
réfléchir »20 jusqu’au cours du 18ème siècle, lorsque la presse littéraire et les gens des lettres
devinrent peu à peu autonome et critique.

Le premier quotidien français, Le Journal de Paris, parut en 1777, septante-cinq ans


après le premier quotidien anglais, le Post Man. Il était cependant interdit de publier des
contenus politiques ou des annonces, comme le faisait déjà la Gazette. A la place, le Journal
de Paris publiait des rubriques de service, des informations de la vie quotidienne, etc.

19
R. LE CHAMPOIN & C. LETEINTURIER (dir.), Médias, Information et Communication, Ellipses, Paris,
2009, p.37-38.
20
Ibidem.

15
Dans le Nord des États-Unis, les journaux se sont multipliés depuis longtemps. Après
l'indépendance, le 1er amendement de la Constitution de 1787 interdit au Congrès de voter
des lois qui limiteraient la liberté de la presse.

I.1.1.4.2. La Radio

Hélène ECK suggère dans un chapitre consacré à la Radio des années 1920 aux années
2000 , plusieurs significations qui peuvent renvoyer au terme « radio » : « il désigne à la
fois : une technique de transmission effectuée par voie hertzienne, appelée au début du 20ème
siècle TSH (téléphonie ou télégraphie sans fil) ; la diffusion univoque de messages à
destination d’un public anonyme (la radiodiffusion proprement dite) ; les entreprises
publiques et/ou privées responsables dans un cadre plus ou moins libéral de la production et
la diffusion des émissions (station et programme de radio) ; un objet domestique (récepteur,
poste de radio) ; et une pratique culturelle (l’écoute de la radio) »21.

Avant l‘invention de la radio, la Télégraphie ou Téléphonie Sans Fil (TSF) permettait


déjà, à la fin du 19ème siècle, la communication à distance avec des utilisateurs mobiles grâce
à des ondes hertziennes. Les contemporains de cette époque avaient salué cette amélioration
technique qui rendait désormais indépendant à l’infrastructure des fils. Les entrepreneurs
financiers et commerciaux, les militaires se sont vite intéressés à l’utilité de la TSF, et la
conception des usages de cette dernière a été encouragé par la première Guerre Mondiale.

A partir des années 1920, la perspective d’une radiotéléphonie, vue comme « moyen
possible de diffusion des messages à destination d’un vaste public » se propagea davantage
sous l’influence de la retransmission du « combat du siècle » opposant le français Georges
Carpentier à l’Américain Jack Dempsey en 1921, et les succès de la diffusion d’émissions en
France. Mais pendant que les hommes d’affaires voyaient en cette radiotéléphonie une
opportunité de marché de masse, les amateurs de cette nouvelle technique devaient être
confrontés à une police des ondes qui limitait la liberté de pouvoir expérimenter les matériels,
compte tenu de la rareté des fréquences. Les autorités politiques, eux, s’interrogeaient sur la
conciliation les avantages de la radiotéléphonie les principes du libéralisme.

La KDKA est considéré comme la première radio commerciale de l’histoire, créé le 2


novembre 1920, grâce aux efforts de la Westinghouse Electric 8C Manufacturing Company

21
Ibidem

16
désireuse d’étendre ses opérations commerciales dans l’industrie de la radio en Pennsylvanie.
Elle va émettra une heure tous les soirs pour soutenir les ventes de postes récepteurs. En
France, le poste de la Tour Eiffel émet pour la première fois le 24 décembre 1921. Avec la
structuration d’une offre plus adaptée au grand public qui ne souhaite pas « bricoler » son
poste, mais simplement écouter ce qu’il reçoit, les années 1930 voient se mettre en place une
offre de programmes qui s’enrichit et se stabilise. La musique, les retransmissions sportives
et les soaps opéras font leur apparition. Ces derniers, sponsorisés aux États-Unis par des
marques en quête de notoriété où les marchands de produits d’entretien se taillent la part du
lion, créent une habitude d’écoute qui donne la sensation à l’auditeur d’avoir rendez-vous
avec son programme, d’être devenu un fidèle des aventures d’Amos et Andy ou, en France,
de la famille Duraton, feuilleton diffusé sur Radio Cité à partir de 1937.22

Aux Etats Unis, la radio connait son heure de gloire en 1938 avec le célèbre canular
radiodiffusé d’Orson Welles, qui mit l'Amérique en panique. Avec le transistor et la
modulation de fréquence (FM), le succès de la radio devient planétaire. Malgré l'arrivée du
numérique, la radio reste populaire, particulièrement en France, ou elle est une source
d'information privilégiée.

I.1.1.4.3. La Télévision

L’ingénieur électricien anglais, Willoughby Smith peut être considéré comme un des
précurseurs de l’invention de la télévision avec la photoconductivité du sélénium en 1873.
Vers la fin du 19ème siècle et dès le début du 20ème, en 1909, le physicien allemand Ferdinand
Braun fait partie des lauréats du Prix Nobel de physique pour ses contributions au
développement de la Télégraphie Sans Fil (TSF), notamment avec une invention
déterminante dans l’histoire de la Télévision qu’est le tube cathodique. Vers la fin des années
1940 apparaît la télévision par câble, présentée comme « un moyen de retransmission
d’émissions de télévision mal reçues pour des raisons topographiques »23. A cette époque, les
foyers avaient accès à une bonne qualité de réception grâce à des antennes installées sur une
colline et une liberté de choix de programmes qu’ils désiraient, moyennant un abonnement.

22
L. BONCHAMP, Invention et histoire de la radio,
https://www.histoire-pour-tous.fr/inventions/746-invention-de-la-radio.html consulté le 25/10/2021.
23
C. KATUBADI, Notes de cours de Technologies de l’Information et de la Communication, Master 1 (LMD),
UCC, 2020-2021.

17
I.1.1.5. Evolution des médias en RDC (La presse congolaise)
I.1.1.5.1. La presse missionnaire (1891-1911)

Avant l’arrivée des missionnaires, le Tam-tam, les cornes, les griots, alors instruments
de musique, servaient également de moyens de communication et transmission des messages.

La presse missionnaire, qui a connu plusieurs titres, était caractérisée par un


journalisme d'évangélisation. Elle était dirigée par des missionnaires auprès desquels les
premiers journalistes congolais faisaient leurs premiers pas. Vers la fin du 19ème siècle, ils
rédigeaient des manuels scolaires, des Bibles qu’ils imprimaient en Europe et aux Etats-Unis,
avant l’installation de sept imprimeries auxquelles les colons recouraient désormais. Il s’agit
notamment de : une imprimerie à MUDINGUNGU, une imprimerie à Londe, une imprimerie
à BOLOBO, une imprimerie à YAKUSU, deux imprimeries à Nouvelles Anvers
(MAKANZA), une imprimerie au Kasaï.

L'introduction de la presse par le réseau missionnaire était liée à l'histoire de l'État


Indépendant du Congo. La presse d'information à l'époque comprenait les périodiques
missionnaires, et la presse privée ou commerciale. Parmi ces périodiques missionnaires, on
distinguait les revues destinées à l'étranger, et les journaux destinés aux peuples autochtones
(les congolais). Concernant les journaux et revues destinées à l’étranger, les publications
étaient faites au Congo et en Europe, écrites en français et en anglais. Leurs principaux
destinataires étaient des chrétiens des pays de provenance des missionnaires. Ces publications
avaient pour but d’émouvoir les chrétiens occidentaux, provoquer leur compassion, en vue de
récolter de l'aide. On peut citer la Revue des Scheut ou la Mission d’Afrique des pères blancs
(revues catholiques), Le Chrétien Belge ou encore L’Ami du Congolais (revues protestantes).
La presse destinée aux congolais, elle, comprend des journaux comme Misamu mia Yenge,
paru à Mudingungu, en langue locale (kikongo), après la codification effectuée par Henri
Clavier et a été supprimé en 1973, Se Kukianga (traduit en français par « espoir »), édité par
les baptistes Suédois (le 1er numéro fut lancé en 1891), et Ntetembo Eto, édité en kikongo par
les Jésuites, à Kisantu.

18
I.1.1.5.2. La Presse coloniale (1911 à 1956)

Cette presse apparaît avec les journaux commerciaux (presse commerciale,


d’informortations générales) produits par et pour les blancs vivant au Congo. Certains
facteurs avaient contribué à rendre ces journaux viables : l'existence des sources
d’informations ; les moyens d’impression, l'existence des villes (Elisabethville, la capitale
Léopoldville, Stanleyville et Consternaville), les moyens de transport et la facilité de
diffusion.

La récolte des informations se faisait au moyen des écoutes des bulletins d'informations
des radios étrangères, en anglais et en français. Après l'installation de la ligne ferroviaire, on
installa la ligne téléphonique. En 1930 intervient l’installation de la première agence
d'informations, PRESCOLBEL – remplacée par l’agence BELGA en 1945 – qui était au
service du journal LE SOIR de Bruxelles.

Après la crise économique de 1930-1931, 12 nouveaux journaux catholiques voient le


jour, parmi lesquels on peut compter La Croix du Congo, premier hebdomadaire en langue
française et d’informations générales et destiné aux congolais, et Shauri na Hadisi qui fut le
premier journal des pères blancs parut à Albertville (ex Kalemie).

I.1.1.5.3. La presse congolaise de 1956 à ce jour

Au début de cette période, les premiers journaux autochtones ont vu le jour avec les
journalistes comme Jean-Jacques KANDE, Denis SAKOMBI, Justin NZEZA, Muissa
CAMUS, Philippe KANZA... Cette période marqua un tournant décisif dans l'histoire du
journalisme en RDC.

− Première génération : des origines au début des années 70. Cette période a vu
émerger les premiers éditorialistes et reporters congolais ;
− Deuxième génération : de 1970 à 1975, plus précisément à la naissance de
l'UPC (Union de la presse congolaise) en 1971 jusqu'en 1980, c'est la génération des grands
journalistes et d’Horizon des journaux spécialisés ;
− Troisième génération : de 1980 à ce jour : un journalisme amateur en quête du
sensationnel, et mauvaise gestion des organes de presse.

19
I.1.1.6. La régulation et l’auto-régulation de la presse en RDC24
I.1.1.6.1. Les organes de régulation

Contrairement à la France et à d’autre pays européens qui n’ont qu’une instance de


régulation, la Rd Congo en a trois, aussi parle-t-on des instances de régulations. On en
distingue deux : les organes d’autorégulation et les organes de régulation.

La régulation des médias en République Démocratique du Congo a été au centre des


débats Politiques depuis 1990. Déjà au cours de la Conférence Nationale Souveraine (CNS)
entre 1991 et 1992, sa mise en place a été l’une des recommandations phares dans l’objectif
de faire face à l’anarchie et au désordre observé dans le fonctionnement des médias toutes
catégories confondues. Cette option sera aussi levée, par les États généraux de la
communication de 1995. Enfin, le Dialogue intercongolais de 2003 à Sun City avait
approfondi la question et décidé la mise en place d’une instance de régulation dont la mission
était de « veiller au pluralisme, à la neutralité, à l’indépendance et au professionnalisme des
médias ». On distingue trois organes de régulation en RDC :

− Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) ;


− Le Ministère des médias ;
− L’autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunication du Congo (ARPTC)
I.1.1.6.1.1. Le conseil supérieur de l’Audiovisuel et de la communication (CSAC)

L’instance de régulation des médias a été formellement créée en 2004 et a porté d’abord
le nom de Haute Autorité des Médias, HAM, conformément à l’article 155 de la Constitution
de transition. La HAM était l’une des cinq institutions d’appui à la démocratie avec la
Commission Électorale Indépendante (CEI), 1a Commission Vérité et Réconciliation (CVR),
l’Observatoire National des Droits de l’Homme (ONDH) et la Commission de l’Éthique et de
la Lutte contre la Corruption (CELC). L’existence effective de la HAM a été consacrée par la
Loi N°04/017 du 30 juillet 2004 définissant son organisation, ses attributions et son
fonctionnement.

24
J. PUNGI ANA-U’MBERHA et alii, L’audiovisuel public en RD Congo. Une étude de l’observatoire des
Médias Congolais (OMEC) Avec l’appui de Open Society Intiative for Southern Africa (OSISA), Kinshasa,
MédiasPaul, 2015, pp. 40-46, cité par P. NZINGA, Notes de cours de Production et Réalisation Audiovisuelle,
Master 1 JIC, UCC, 2019-2020, p.25.

20
Bien qu’ayant à sa tête un professionnel des médias issu de la Société civile, la HAM
était dominée par des animateurs nommés par les seigneurs de guerre.

Conformément à l’article 212 de la Constitution de la Troisième République


promulguée en février 2006, la HAM a cédé sa place au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel
et de la Communication (CSAC). Cette institution d’appui à la démocratie a pris forme avec
la Loi organique N" 11/001, du 10 janvier 2011 qui définit sa composition, ses attributions et
son fonctionnement.

Dans l’exposé des motifs de la loi créant le CSAC, le législateur reconnait que la HAM
a joué le rôle de la première instance de régulation ayant fonctionné en RDC, avant d’ajouter
aussitôt que la HAM « a souffert, dans sa substance, de nombreuses interférences des
opérateurs politiques l’empêchant d’accomplir sa mission ». Pourtant, comme il sera
démontré plus loin le CSAC souffre de la même maladie, dans la mesure où sa troisième
mission qui est de « veiller à l’accès équitable des partis politiques, des associations et de
toute autre personne aux moyens officiels d’information et de communication demeure
encore un horizon inaccessible »25.

On peut cependant noter qu’à la différence de la HAM, le champ d’intervention du


Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication ne vise que les organes des
médias et non les professionnels, sauf en cas de faits infractionnels comme le précise
l’exposé des motifs sus-évoqué.

Alors qu’il est déjà opérationnel depuis septembre 2011 à Kinshasa, qui en abrite le
siège, le CSAC ne s’est pas encore déployé dans les provinces pour réaliser sa mission sur
toute l’étendue du territoire national. L’absence criante de l’Autorité de régulation est de ce
fait source d’anarchie dans les provinces.

Les missions du CSAC sont nombreuses. Elles correspondent à celles de la plupart


d’instances de régulation dans le monde. L’analyse comparative de ces missions par rapport à
la réalité du terrain permettra de jauger au chapitre suivant la place exacte du CSAC
aujourd’hui. Ces missions renforcées par rapport à la Haute Autorité des Médias, sont

25
Le Baromètre des médias africains, RDC 2012, p. 19 où ce problème est évoqué au point 1.8. Les panélistes
lui ont attribué la note 1.7. Sur 5 soit 3,4/10.

21
reprises au chapitre 2 de la loi organique, section 2, article 9 que nous reproduisons in
extenso ci-dessous pour une meilleure compréhension.

Aux termes de l’article 9 de sa loi organique, le CSAC est chargé de :

− Élaborer son Règlement intérieur ;


− Garantir le droit de la population à une information pluraliste, fiable et objective ;
− Assurer la neutralité et l’équité des médias publics ainsi que privés commerciaux,
associatifs et communautaires ;
− Mener, en cas de conflit, des actions de médiation entre les différents protagonistes et
intervenants dans le domaine des médias ;
− Veiller à la conformité, à l’éthique, aux lois et règlements de la République, des
productions des radios, des télévisions, du cinéma, de la presse écrite et des médias en
ligne ;
− Veiller au respect de la loi fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse
en République Démocratique du Congo ;
− Promouvoir le développement technique et l’accès des médias congolais aux
nouvelles technologies de l’information et de la communication ;
− Veiller à la qualité des productions des médias du secteur tant public que privé et en
promouvoir l’excellence ;
− Donner des avis techniques « a priori » ou « a posteriori » sur toutes les matières
concernant les médias audiovisuels, la presse écrite et électronique ;
− Donner un avis conforme avant toute attribution de fréquences et avant toute
délivrance du récépissé de la presse audiovisuelle, écrite et électronique aux
impétrants du secteur ;
− S’assurer du respect du cahier des charges par 1es opérateurs de l’audiovisuel ;
− Veiller à la diffusion de la culture de la paix, de la démocratie, des droits de l’homme
et des libertés fondamentales ainsi que des informations favorisant le développement
socio-économique ;
− Œuvrer pour la production des émissions, des programmes, des documentaires
éducatifs et d’articles de journaux respectueux des valeurs humaines, notamment la
dignité de la femme ainsi que de la jeunesse et des groupes vulnérables ;

22
− Amener les organisations professionnelles à faire observer le code d’éthique et de
déontologie par les professionnels des médias ;
− Encourager l’implantation des médias dans les milieux ruraux : la radiodiffusion
sonore, la télévision la presse écrite, les nouvelles technologies de l’information et de
la communication et l’Internet ;
− Encourager les médias à assurer la formation continue, le recyclage et le
professionnalisme de leurs membres ;
− Veiller à la valorisation de la culture nationale à travers les médias ;
− Prendre des décisions et/ou des directives applicables à tout intervenant sur les
médias, notamment en période électorale ;
− Veiller au respect des normes sur la publicité et le sondage d’opinions ;
− Prendre toutes les mesures nécessaires en vue de protéger les enfants des effets
néfastes et pervers de l’Internet ;
− Déposer son rapport périodique et annuel à l’Assemblée nationale et au Sénat.

I.1.1.6.1.2. Le Ministère de la Communication et des Médias

La création de l’instance de régulation des médias (la HAM puis le CSAC) a soulevé
une polémique sur la nécessité ou non d’un ministère ayant l’information les médias ou la
communication dans ses attributions.

Cette polémique n’avait Pas lieu d’être, si on s’en tient aux dispositifs pertinents de la
constitution titre III, consacré à l’organisation et à l’exercice du pouvoir, en son chapitre
deux, relatif aux provinces et plus spécifiquement la Section 2 sur la répartition des
compétences entre le pouvoir central et les provinces. Ces dispositions légales permettent au
gouvernement de créer un ministère chargé des médias et de la communication.

En examinant entre les lignes le Plan directeur du ministère de la Communication et des


Médias, on peut se rendre compte que le ministère a la responsabilité du pilotage de la
politique nationale de la communication et des médias. Cette volonté est exprimée à travers
un plan stratégique et opérationnel26. Le ministère est également considéré comme
l’institution chargée de mobiliser et de gérer les ressources (financières) en vue du

26
Plan directeur du Ministère de la communication et des médias, 2009, pp. 89-92.

23
développement des médias en RDC. Dans les faits, avec la création de la HAM puis du
CSAC, les attributions confiées à ce ministère, notamment en matière de régulation ont été
soit vidées soit dédoublées, dans ce dernier cas, c’est la source de bien de confusions à ce
jour.

En son temps, le président de la HAM avait déploré cette confusion : « les attributions
de la HAM sont spécifiées dans la résolution du Dialogue inter congolais de Sun City.
Malheureusement le décret présidentiel sur les attributions du ministère de l’information et
de la presse n’a pas respecté les dispositions de cette résolution. Certaines prérogatives de la
HAM ont ainsi été confiées à ce ministère »27. Ou, inversement, des prérogatives attribuées
jadis à ce ministère sont devenues celles de l’instance de régulation.

I.1.1.6.1.3. L’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunication du Congo


(ARPTC)

Créée en 2002 par la loi No 014-2002 du 16/10/2002, l’ARPTC a pour missions,


notamment 26 de :

− Veiller au respect des lois, règlements et conventions en matière des postes et


télécommunications ;
− Contribuer à définir et à adapter, conformément aux orientations de la politique
gouvernementale, le cadre juridique général dans lequel s’exercent les activités des
postes et télécommunications
− Instruire les dossiers de demande de concession délivrer, suspendre ou retirer les
autorisations ;
− Recevoir les déclarations, établir les cahiers des charges correspondant aux
autorisations ;
− Veiller au respect des obligations contractées par leurs titulaires, fixer périodiquement
le nombre de nouveaux opérateurs admissibles au bénéfice d’une concession ou d’une
autorisation ;

27
F. BAKU, « Régulation des médias dans les Grands lacs : défendre la liberté de la presse ou discipliner les
acteurs des médias ? » Interview de Modeste MUTINGA, dans Cahiers des médias pour la paix, Novembre
2005, p. 34, cité par P. NZINGA, Notes de cours de Production et Réalisation Audiovisuelle, Master 1 JIC,
UCC, 2019-2020, p.28.

24
− Définir les principes d’interconnexion et de tarification des services publics des postes
et télécommunications ;
− Édicter les normes techniques des équipements et terminaux et procéder aux
homologations requises par la loi ;
− Gérer et contrôler le spectre des fréquences, assigner les fréquences nécessaires au
fonctionnement de toute station de radiodiffusion sonore et de télévision ;
− Assurer la continuité du service et protéger l’intérêt général ;
− Suggérer toutes modifications législatives ou réglementaires qui lui paraissent
nécessaires à l’évolution des secteurs des postes et télécommunications et au
développement de la concurrence ;
− Protéger sur le marché des postes et télécommunications, les intérêts des
consommateurs et des opérateurs en veillant à l’existence et à la promotion d’une
concurrence effective et loyale et prendre toutes les mesures nécessaires à l’effet de
rétablir la concurrence au profit des consommateurs ;
− Concourir à la désignation de l’opérateur autorisé, en dehors de l’exploitant public, à
l’effet d’installer et d’exploiter une partie du réseau de référence ;
− Définir et édicter les normes d’installation de toute station de radiodiffusion sonore et
de télévision pour la réception collective ou la réception aux fins de redistribution :
− Donner, à titre exceptionnel, l’autorisation à l’exploitant d’un réseau indépendant de
transmettre ou de recevoir, même gratuitement, des correspondances privées, des
signaux ou des communications quelconques pour le compte ou au profit des tiers ;
− Donner au ministre, concurremment avec l’exploitant public, l’avis préalable pour
autoriser un exploitant concessionnaire du service public des télécommunications
d’écouler ses propres trafics interurbains et de posséder ses propres voies de sortie à
l’international, sous diverses conditions fixées par la loi ;
− Veiller à ce que les fonds du service universel soient utilisés pour assurer la prestation
d’un service universel dans le domaine postal et des télécommunications ;
− S’assurer que les citoyens bénéficient des services fournis à l’aide de nouvelles
technologies de l’information et de la communication.

Au regard de toutes les innovations intervenues dans la gestion du secteur au niveau


tant national qu’international, il est clair que cette loi devenue obsolète exige d’être adaptée

25
au nouvel environnement. Elle fait, du reste, partie du nouveau cadre légal et réglementaire
en préparation.

I.1.1.6.2. Les organes d’autorégulation


I.1.1.6.2.1. L’Union Nationale de la presse du Congo (UNPC)

L’Union Nationale de la Presse du Congo, à travers la Commission de discipline et de


l’éthique professionnelle, participe à l’autorégulation des médias en RDC. Cette Commission
entendue comme le « Tribunal des pairs », joue le rôle de cour suprême, parce qu’elle siège
en premier et dernier ressort. Une seule fois, le 01 juin 2012, le CSÀC a saisi la commission
de discipline et d’éthique professionnelle au sujet du journaliste Fidèle MUSANGU.

I.1.1.6.2.2. L’observatoire des Médias Congolais (OMEC)

L’année de la création de la HAM est aussi celle qui a vu naître l’instance


d’autorégulation des médias en RDC, l’Observatoire des médias congolais, (OMEC). C’était
dans le sillage du congrès dit de refondation de la presse en RDC, tenu à Kinshasa en mars
2004. L’OMEC exerce les prérogatives reconnues au Parquet, puisqu’il recherche les
infractions commises par les journalistes soit par saisine soit par auto- saisine.

La création de l’OMEC par les professionnels des médias cadre avec l’esprit et la lettre
de la Déclaration de Windhoek qui avait milité en faveur de l’élaboration et de la promotion
dans chaque pays africain des réglementations non gouvernementales et des codes
déontologiques permettant de mieux défendre la profession journalistique et d’assurer sa
crédibilité.

Dans les faits, l’OMEC, qui n’a pas le pouvoir de sanction, publie généralement un
communiqué de rappel à l’ordre lorsqu’il constate, par saisine ou auto-saisine, des
manquements dans le chef d’un journaliste. Les cas de récidive avérée sont transmis à la
Commission de discipline et d’éthique professionnelle pour des sanctions éventuelles, étant
entendu que l’UNPC, qui octroie la carte de presse, est seule habilitée à la retirer au détenteur
fautif.

Toutefois, il faut reconnaitre les efforts louables déployés par l’OMEC pour assurer une
autorégulation proactive, notamment à travers de nombreux ateliers et séminaires, dont
certains ont donné lieu à des publications de référence, notamment : Le Guide pratique du

26
journaliste en période électorale, Kinshasa, Médiaspaul, (avec l’appui de I’UNESCO pour la
première édition en 2005, et d’OSISA pour la seconde édition de 2012) ; le Code de bonne
conduite consensuelle, Kinshasa, OMEC, octobre 2006 (avec l’appui de I’UNESCO), Le
Manuel de Monitoring en période électorale, Kinshasa, Médiaspaul, décembre 2013 (avec
l’appui du Programme Interbailleurs Médias en RDC).

Conscient des chevauchements entre la régulation et l’autorégulation la HAM et


l’OMEC ont signé un protocole d’accord en 2005. Le législateur avait, en effet, confié à la
HAM le droit de juger et de sanctionner non seulement les médias comme cela convient à une
autorité de régulation, mais aussi les professionnels des médias. Aujourd’hui encore, cette
collaboration entre l’autorité de régulation et d’autorégulation existe toujours. Avant de
sanctionner un journaliste pour des infractions dans l’exercice de ses fonctions, le CSAC
demande « l’avis technique » de l’OMEC qui procède à la qualification de l’infraction. Par
exemple, entre le 01 juin 2012 et le 30 août 2013, le CSAC a sollicité 15 fois l’avis technique
de l’OMEC.

I.1.2. MEDIAS D’INFORMATIONS EN LIGNE (La presse en ligne)


I.1.2.1. Notion de « pure-player » et presse en ligne

Le terme de pure player est né avec l’apparition du digital. Celui-ci étant emprunté à
l’anglais, la Commission générale de terminologie et de néologie a publié en 2014 le terme
français équivalent : “tout en ligne”.

Donc est un pure player toute entreprise qui exerce son activité exclusivement en ligne
sur Internet. Comme activité on entend aussi bien de la vente (e-commerce, places de
marché…) que des éditeurs de contenu pur (blog, presse).

Emmanuelle ANIZON et Olivier TESQUET comprennent le concept de “pure-player”,


assimilé à la presse en ligne, comme étant un « site d’information généraliste né avec le Web
indépendant (ou presque) des groupes de presse et qui revendiquent un autre ton, une liberté
éditoriale, sans en avoir toujours les moyens »28.

28
E. ANIZON & O. TESQUET, « Les “pure players” ou le pari de la presse en ligne », in Télérama’, article
publié le 8/11/2011,
https://www.telerama.fr/medias/les-pure-players-ou-le-pari-de-la-presse-en-ligne,74902.php consulté le
16/09/2021.

27
I.1.2.3. Histoire des médias d’information en ligne

La vraie genèse de l’information en ligne date, accrochez-vous, des années 80. En effet,
avec un ordinateur et un accès au service CompuServe (premier fournisseur d’accès à un
service en ligne), dans le cadre d’un projet expérimental (Associated Press Experiment), il
était possible de lire des articles en ligne en juillet 80. Ce projet s’est terminé en 82, bien
avant qu’il ait pu se démocratiser et pour cause l’Internet ne l’était évidemment pas à ce
moment.29

Dans son ouvrage « Histoire Française de la presse en ligne », de Patrick Eveno, on


peut lire que les quotidiens français et en particulier Le Monde, ont commencé leur virage
numérique dès la fin des années 90. Le Monde, en effet, crée en 1997 une filiale permettant
de migrer le papier vers le Web. À une époque où l’Internet était d’ores et déjà le royaume de
la gratuité, la question du modèle économique s’est tout de suite posée.30 À cette époque les
usages numériques étaient encore très empreints des usages de consommation classiques et le
Web n’était alors que le simple reflet du papier. Personne n’en était à exploiter la puissance
du numérique pour des nouveaux services.

C’est à la fin des années 2000 que sont apparus les premiers pure players, c’est-à-dire
les éditions en version numériques uniquement. En France par exemple, Mediapart a été créé
en 2008, Rue89 en 2007, et Bakchich en 2006, dont les créateurs étaient tous issus d’anciens
médias plus classiques respectivement Le Monde, le Nouvel Observateur et le Canard
Enchainé. Les modèles économiques étaient divers pour ses pure players : abonnement pour
Médiapart, gratuit et financé par la publicité pour Rue 89. Ce dernier et Backchich se sont
essayés à des versions papier avec un succès modeste et une durée éphémère du reste.

Les médias plus classiques ont aussi au cours des années 2000 vraiment développé
leurs sites Web, allant même jusqu’à proposer une version PDF de leur journal ou magazine.
Ils ont dans un premier temps seulement numérisé leurs articles papier avant de s’affranchir
du papier et de profiter pleinement de ce que pouvait leur offrir le numérique en termes de
réactivité, de temporalité et de dynamisme. The Guardian, a été le premier journal britannique

29
KERMARREC, A.M, Une (très) brève histoire des médias en ligne,
https://www.mediego.com/fr/blog/breve-histoire-medias-en-ligne/ consulté le 13/10/2021.
30
EVENO, P., Histoire Française de la presse en ligne, Flammarion, Paris, 2012, p.34.

28
à privilégier son service en ligne qui exploitait vraiment les vertus de l’Internet et s’éloignait
du modèle de publication « une fois par jour ».31

Dès 2010, les statistiques ont montré que plus de personnes, les jeunes en particulier,
consultaient leurs news en ligne que sur les versions papier. À compter de ce moment, la
fréquentation en ligne n’a cessé d’augmenter.

I.1.2.4. Entrée des médias d’information en ligne en RDC


I.1.2.4.1. D’un groupe WhatsApp à l’Association des Médias d’information en ligne
en RDC

L’Association des Médias d’information en ligne en République Démocratique du


Congo (MILRDC) fait sa sortie officiellement le 16 juin 2017. Ce groupe qui rassemblait
encore 14 médias traitant des informations du pays, sans compter d’autres sont en cours
d’affiliation en attendant qu’ils règlent leur situation − marque ainsi l’histoire de la presse en
ligne en RD. Congo. Soulignons que Médiaspaul.cd fait bel et bien partie de cette association.
Toutes les cérémonies de la sortie se sont déroulées entre 15h et 17h30 dans une salle de
l’hôtel Sultani (Gombe/Kinshasa) en présence des présidents de l’UNPC (Union national de
la presse congolaise), le CSAC (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel Congolais), le
représentant de l’Internews, des professeurs en sciences de l’information et de
communication sociale dont le prof. MALEMBE et le recteur de l’IFASIC prof. MUNKENI
ainsi que pas mal d’autres journalistes. Ces manifestions inscrites ainsi dans le temps
marquent le début officiel de l’histoire de médias en ligne en RDC avec son tout premier
président, Patient LIGODI de l’Actualite.cd. Cependant, l’historique lointain de cette
association est plus à situer dans un parcours commencé depuis août 2016 dans un groupe
Whatsapp qui est vite passé quelques mois après à l’organisation d’une table ronde en
décembre 2016, laquelle table ronde a rassemblé plus de médias en ligne qui, chemin faisant,
sont arrivés à créer cette nouvelle et toute première association. Il ne reste qu’à l’Association
des Médias en ligne en RDC de régler sa situation dès le mois prochain auprès de l’UNPC et
CSAC qui l’attendent déjà à bras ouverts.32

31
KERMARREC, A.M, Une (très) brève histoire des médias en ligne,
https://www.mediego.com/fr/blog/breve-histoire-medias-en-ligne/ consulté le 18/10/2021.
32
Sortie officielle des Médias en ligne en RDC – MILRDC,
http://www.mediaspaul.cd/index.php/homepage/actualites/251-sortie-officielle-des-medias-en-ligne-en-rdc-milr
dc

29
I.1.3. INFORMATION

Dans son sens étymologique, le terme « information » signifie « donner une forme,
mettre en forme, former l’esprit, le caractère par l’intermédiaire de l’apprentissage »33. De
ce point de vue, nous pouvons dire que l’information sous-entend l’idée de prendre un fait
dans une société quelconque, lui donner une forme qui la rend plus accessible au public pour
lequel il est diffusé. Pour ce faire, l’acteur émetteur de l’information doit apprendre et
maitriser les codes socio-culturels de son public ainsi que ceux du métier de producteur
d’information. Dans cette même optique, A. FALCONI et F.-X. BUDIM’BANI parle de
« modeler un contenu de manière à ce qu’il soit perceptible par le sens ; et en même temps le
processus et le résultat de cette action »34. L’émetteur joue donc un rôle plutôt déterminant,
c’est lui qui façonne son information et sa perception dépend du sens qu’il aura donné à
celle-ci.
Le concept d’information est un terme polysémique, d’autant plus qu’il a été exploité
tant par de nombreux auteurs que dans plusieurs disciplines.
Les psychologues pensent que l’information met en concert plusieurs facteurs, pas
seulement humaines, afin d’avoir une signification : « Ensemble des données significatives et
concertantes, pouvant être transmises par un signal ou une combinaison des signaux ayant
pour but une adaptation »35.
En communication sociale, l’information est le résultat d’une série d’opérations, de
modifications et destinée à être transmise : « l’information recouvre à la fois la récolte,
l’élaboration et la diffusion des nouvelles et autres éléments constitutifs des messages
échangés par les différents systèmes d’information, leur mise en forme (verbale) et le contenu
même de ces messages »36.
Cette étude reposera sur l’information journalistique dont le sens adhère en partie à la
dernière définition. Il s’agira d’une information qui est le résultat d’une collecte, d’un
traitement (rigoureux) et d’une diffusion par un canal numérique.

33
WILLET, G., La communication modélisée. Une introduction aux concepts, aux modèles et aux théories,
Ottawa, Renouveau Pédagogique, 1992, p.158.
34
A. FALCONI, et F-X. BUDIM’BANI, Lexique des médias, internet, multimédia, Kinshasa, Médiaspaul, 2009,
p.89.
35
WILLET, G., La communication modélisée. Une introduction aux concepts, aux modèles et aux théories,
Ottawa, Renouveau Pédagogique, 1992, p.158.
36
Ibid., p.159.

30
I.1.3.1. La valeur de l’information à l’ère des réseaux sociaux numériques

Dans l’écosystème traditionnel de l’information, rappelle-t-il, le schéma est simple :


des journalistes sont chargés de collecter et de vérifier des faits qu’ils mettent en forme,
décryptent, contextualisent, mettent en perspective pour un public donné. Dans le nouvel
écosystème socio-numérique de l’information, la relation aux médias est complexifiée, avec
des internautes qui estiment pouvoir se passer des médias et se satisfaire des informations que
produisent des blogueurs et leurs pairs.37

Selon l’enquête menée par A. CARASCO sur l’utilisation des réseaux sociaux par les
jeunes, « il existe un risque de confusion sur la valeur de l’information, quand un mensonge
est mis au même niveau qu’un travail journalistique répondant à des règles éthiques et à une
exigence de qualité »38. Un jeune internaute qui n’accède à l’actualité que par des
recommandations ne perçoit pas non plus la hiérarchie de l’information opérée par les
différents médias

Confronté au flot d’informations circulant sur les réseaux sociaux, notre cerveau a
tendance à sélectionner celles qui confirment nos « propres croyances » ou qui sont
massivement partagées. Pour le sociologue Gérald Bronner, ces biais cognitifs piègent notre
raisonnement face à des thèses complotistes ou de fausses informations.

En matière de production de contenu, en particulier de l’information, les réseaux sont venus


jouer un rôle d’accélérateur.39

I.2. Cadre théorique


I.2.1. Théorie de l’agenda setting

A l'encontre des travaux sur les effets limités et indirects des médias, on assiste à un
retour aux hypothèses sur les effets directs de ceux -ci. Le concept d'agenda setting a été
proposé par Maxwell MCCOMBS et Donald SHAW en 1972. Il désigne la façon dont les

37
A. CARASCO, « Réseaux sociaux, réseaux d’infos ? », in La Croix, article publié le 05/03/2019.
https://www.la-croix.com/Famille/Parents-et-enfants/Reseaux-sociaux-reseaux-dinfos-2019-03-05-1201006690
consulté le 26/10/2021.
38
Idem.
39
WATHI, « ‘Avec l’arrivée des réseaux sociaux, beaucoup de journalistes ont dit que les réseaux sont une
menace pour notre métier’, Sinatou Saka, journaliste’, article publié le 9/07/2021.
https://www.wathi.org/avec-larrivee-des-reseaux-sociaux-beaucoup-de-journalistes-ont-dit-que-les-reseaux-soci
aux-sont-une-menace-pour-notre-metier/ consulté le 26/10/2021.

31
préoccupations des citoyens sont structurées par les médias. Selon McComb et SHAW : « Il
existe dans les domaines politiques, économiques, et sociaux des choses que les citoyens ne
maitrisent pas. Ils ont donc, besoin des médias pour s'informer »40. Partant du principe que
les médias n'accordent pas une importance égale à tous les sujets, on en arrive qu'ils orientent
l'attention du public sur certains sujets que sur d’autres. Ainsi, les médias peuvent contribuer
à influencer le public en mettant en évidence tel événement plutôt que tel autre, tel enjeu
social plutôt que tel autre, une façon pour eux d'orienter son attention. Les auteurs résument
ainsi leur théorie : « la presse ne réussit peut-être pas, la plupart du temps, à dire aux gens ce
qu'il faut penser, mais elle est extrêmement efficace pour dire à ses lecteurs, auditeurs, et
téléspectateurs à quoi ils doivent penser »41. L'effet le plus important de la communication de
masse serait sa faculté d'organiser mentalement le monde à notre place.

I.2.1.1. Une étude empirique en période électorale

MCCOMBS et SHAW ont essayé de vérifier empiriquement ce rôle des médias en


analysant les élections présidentielles de 1968. Ils montrent que parmi les électeurs hésitants,
on relèverait des corrélations importantes entre les questions mises en vedette par les médias
et les questions que ces électeurs considéraient comme éléments clés de l'élection
présidentielle. Dans le modèle qu'ils présentèrent en 1972, il apparait que les éditeurs et
programmeurs jouent un rôle très important dans la formation de la réalité sociale par la
sélection et le classement des informations et sont en somme, les auteurs d'un véritable
agenda public qui organise notre univers.

Les pionniers de la recherche en communication de masse, suivant la ligne tracée par


Merton (qui s'est fixé de mettre à jour les besoins de la société), vont se consacrer à définir
les fonctions des mass-médias dans la société. Plusieurs études et enquêtes par sondage
relèvent les fonctions suivantes : fonction de diffusion et d'interprétation des informations,
fonction de développement du consensus social, de légitimation des normes, de transmission
de l'héritage social, de distraction. Parmi ces différentes fonctions, celle de la mise à l'ordre

40
KATZ et alii cités par J. LOHISSE, La communication : de la transmission à la relation, De Boeck
Université, Bruxelles, 2009, p.53.
41
Ibidem, p.54.

32
du jour ou de l'agenda a été formulée théoriquement par deux études qui soulignent cette
fonction qui serait remplie presqu'à notre insu par les grands organes d'information.42

Allant dans la ligne de White qui qualifie les journalistes de Gatekeeper ou portiers de
l'information puisqu'ils opèrent un filtrage sévère dans le flot des faits portés à leur
connaissance et qu'ils transforment et informent, M. Mc Combs et D. Shaw (dans The
Agenda Setting fonction of mass media) soulignent le rôle joué par les médias dans
l'établissement, pour l'opinion publique des sujets de controverses. « Non seulement ils
sélectionnent les thèmes de discussion, mais ils en établissent l'ordre des priorités »

R. Cobb et C. Eider dans « participation in Américain politics : the dynamics of agenda


setting », s'intéressa à l'établissement de l'ordre du jour et du calendrier des décideurs
politiques. Ils montrent que cet établissement est de l'apanage des mass-médias.

Ainsi la fonction d'ordre du jour ou agenda setting invite à comprendre que c'est la
presse qui détermine moins ce qu'il faut penser. La presse ne vise pas à inculquer aux gens
des idées à reproduire mais à les envoyer à certaines préoccupations. On peut ainsi distinguer
trois agendas : celui des médias, celui des citoyens et celui de ces groupes tient pour
important. Comme on le voit, ces études reviennent d'une certaine manière sur les effets de
médias. 43

En parlant des études sur les élections présidentielles américaines de 1968, Mc Combs
et D. Shaw révélèrent que parmi les électeurs résidents, on relevait des corrélations
importantes entre les questions mises en exergue par les médias et les questions faisant la
préoccupation principale des électeurs pour ces élections. Ce qui a conduit Daniel
BOUGNOUX à connaitre que « les médias dominants imposent leurs modèles de visibilité ;
ils s'opposent aux opinions qui n'entrent pas dans les clichés ready made de l'image et de la
narration ».

I.2.1.3. Application de la théorie

Dans le cadre du présent travail, la théorie de l’Agenda Setting permettra de démontrer


les types d’informations, des sujets que les médias numériques kinois diffusent régulièrement
pour créer l’effet voulu sur les internautes.

42
P. NTONDA, Notes de cours de Théories de la Communication, Licence 2 (LMD), UCC, 2017-2018.
43
Ibidem.

33
I.2.2. Théorie de l’acte du langage

La théorie des actes et de langage, est une théorie développée par J.L. Austin et Searle,
toute fois le mérite est remis à Austin dans son livre quand dire c’est faire où il développe et
donne les objectifs de cette théorie.

Le langage paraît comme étant l’objet de la philosophie déployé par J. L. Austin. Ce


dernier doit sa renommée à l’invention du concept de « performatif » et pour sa « philosophie
du langage ordinaire ». Pour lui, comme pour nombre de ses contemporains, la philosophie
du langage joue un rôle premier, en tant qu’elle permet de repérer ce que l’on peut dire à
propos de ce qui est et, dès lors, de déterminer ce que l’on peut penser44.

AUSTIN développe un aspect majeur, celui du « dire consiste à faire ». D’abord


identifiée par le terme de « performatif », cet aspect a plus été articulé avec le concept « actes
de parole », qui est désormais devenu d’usage courant en linguistique pragmatique. Cette idée
consiste à considérer que l’usage de la parole ne consiste pas seulement à dire des choses
mais aussi à le faire45.

En règle générale, l’analyse du langage pose qu’il convient d’étudier les relations entre
trois éléments : les sons ou/et les mots, les états d’esprit du locuteur et les états du monde.
Déjà Aristote écrivait : les sons émis par la voix sont symboles des états de l’âme, et les mots
écrits les symboles des mots émis par la voix. Et de même que l’écriture n’est pas la même
chez tous les hommes, les mots parlés ne sont pas non plus les mêmes, bien que les états de
l’âme dont ces expressions sont les signes immédiats soient identiques chez tous, comme sont
identiques aussi les choses dont ces états sont les images46.

Le langage est ainsi censé être le porteur d’une pensée, qui est elle-même l’image de
l’état du monde. On pense ainsi une sorte de correspondance entre le monde et des
représentations de deux statuts différents (mentale et linguistique), dont le caractère
représentatif garantit précisément le caractère signifiant. Si l’on prend l’état du monde où le
ciel est bleu, la pensée que le ciel est bleu a le contenu qu’elle a (porte sur l’état du monde)
parce qu’elle correspond, d’une manière « formelle » ou idéale, à l’état du monde ; et

44
B. AMBROISE, « J. L. Austin : de la philosophie du langage ordinaire à la conception de la parole comme
action », in S. Plaud, éd., lecture de la philosophie analytique, Paris : Ellipses, 2011, p. 179-196
45
M. Sbisà & K. TURNER, eds., Pragmatic of Speech Action, Berlin: Mouton De Gryyler, 2013, p.20.
46
ARISTOTE, De l’interprétation, 1, 16a 3-10 (trad. Fr. de J. Tricot, Paris, Vrin, 2004).

34
l’énoncé « ciel est bleu » a la signification qu’il a (dit que le ciel est bleu) parce qu’il est en
correspondance avec la pensée et, par son moyen, avec le monde. Le langage parle donc du
monde parce qu’il le représente.

Austin parle des énoncés d’acte en ce que sa réussite correspond à la réalisation d’une
action qui a des conditions spécifiques de réalisation. Ce type d’énoncé, Austin le qualifie des
« énoncés performatifs », ces énoncés se distinguent tout d’abord en ce qu’ils semblent
réalisés ce dont ils parlent. Austin dira que ces énoncés font ce qu’ils disent faire sachant
qu’il insistera toujours sur le fait qu’ils indiquent ce qu’ils font (au moyen des marqueurs
linguistiques, par exemple des « verbes performatifs explicite », tels « promettre, ordonner,
prier etc. », mais qu’ils ne décrivent pas : un énoncé de promesse ne décrit qu’il est en train
de promettre, il est l’effectuation même de la promesse. Ce n’est donc pas en raison de leur
signification que les énoncés performatifs agissent, mais en fonction de leurs conditions
d’usage, les conditions de félicité, qui forment autant « rituel ». AUSTIN ne cessera en effet
d’y insister : le propre des énoncés performatifs est de produire certains effets de manière
conventionnelle, comme autant de rituels sociaux. C’est donc en fonction d’une convention
que certains énoncés font quelques choses47. Or Austin n’arrête pas son analyse au niveau des
énoncés performatifs ; il généralise leur propriété pragmatique qui leur permet de faire des
choses selon certaines conditions de félicité48.

I.2.2.1. Les trois aspects actifs de l’usage du langage

Non content d’avoir montré que l’affirmation est un acte de parole qui a des conditions
pragmatiques, Austin va expliciter le caractère d’acte de parole et déterminé au moins trois
façons pour la parole de faire des choses :

a. L’acte locutoire est celui qui est accompli lorsqu’un énoncé réussit à dire quelque
chose, c’est-à-dire à avoir un sens et une référence. En effet, selon Austin, il n’y a pas de
signification en soi ; bien plutôt un énoncé ne gagne un sens déterminé qu’à être inscrit dans
une activité donnée, orienté par certains objectifs. Abstraitement, un énoncé n’a qu’une
signification générale, relativement indéterminé et c’est son utilisation contextuelle, selon

47
M. SBISA & K. TURNER, eds., op. cit., p. 25.
48
D. VERNANT., « chap. II : Genèse du concept d’assertion », in Du discours à l’action, Paris, PUF, 1197, et
Discours et Vérité, Paris, Vrin, 2009.

35
certaines conventions, qui le dote d’un sens précis en lui donnant une référence précise : une
« référence historique »49.
b. L’acte illocutoire, qui est l’acte qui correspond à la dimension performative de
l’énoncé : c’est l’acte qui est fait en disant quelque chose au moyen de l’acte locutoire et qui
ne correspond plus à une réalisation sémantique. C’est l’acte effectué en ce deuxième et
nouveau sens que l’ai appelé : acte « illocutoire » : il s’agit d’un acte effectué en disant
quelque chose, par opposition de l’acte de dire quelque chose. Je nomme l’acte réalisé une
illocution et me référerai à la doctrine des différents types des fonctions du langage en
question ici comme la doctrine des « valeurs/forces illocutoires ». Il est identifié par la
fonction qu’il sert à remplier promesse, affirmation, etc50.
c. L’acte perlocutoire, qui est l’obtention de certains effets par le fait de dire quelque
chose51. Il est en effet l’acte réalisé au moyen de l’usage du langage ; mais c’est l’acte qui lui
est consécutif, sans le suivre nécessairement. Toutefois, cet acte n’est pas dans une relation
interne avec son effet, mais dans une simple relation externe ou contingence : le fait que je
rassure mon amie en promettant de faire la vaisselle ne s’en suit pas nécessairement. En
disant la même chose, je pourrai très bien l’effrayer, la faire rire, l’amener à douter de mon
état mental etc. car les conséquences obtenues dépendent non pas d’une normative interne à
l’acte, mais des circonstances extérieures en l’occurrence, de la psychologie de ma
campagne, de nos rapports, de notre histoire, etc52.

Cette théorie est aussi abordée par Roman JAKOBSON et Emile BENVENISTE.

I.2.2.2. Les actes de langage selon Roman Jacobson

JACOBSON estime que toute communication verbale comporte six éléments ainsi que
six fonctions liées à ces éléments.

a. Les éléments du langage

49
J. L. AUSTIN, « The Meaning of A Word », in Philosophical Papers, Oxford: Oxford University Press, 1962,
p. 55-75; trad. Fr d’A-L. HACKER & L. AUBERT, « la signification d’un mot », in Ecrits philosophique, Paris,
Seuil, 1994, p. 22-44.
50
J. L. AUSTIN., How To Do Things With Words, Oxfort : Oxford University Press, 1975 ; trad. Fr. De G.
LANE (à partir du texte angalis de 1962), Quand dire c’est faire, Paris: Seuil, p. 113

51
J. L. AUSTIN op.cit p. 129.
52
S. CAVELL, « Performative and Passionate Utterance », in Philosophy the Day After Tomorrow, Cambridge,
Mass. : Harvard University Press, 2006, p. 155-191.

36
En ce qui s’agit des éléments nous avons53 :

− Le destinateur : c’est l’émetteur, l’énonciateur, le concepteur même de l’idée, il


envoie le message au destinataire ;
− Le destinataire : c’est le récepteur ou l’énonciataire, celui qui reçoit le message ;
− Le message : information apportée ;
− Le contexte : c’est aussi ce qu’on appelle la terminologie, le référent, cela veut juste
dire les autres signes verbaux du même message, et le monde dans lequel prend place
le message. Le contexte est saisissable par le destinataire ;
− Le code : le message requiert un code commun au destinateur et au destinataire en
d’autres termes l’encodeur et le décodeur, c’est la langue utilisée par l’émetteur ;
− Le contact : c’est un canal physique et une connexion psychologique entre l’émetteur
et le récepteur, c’est ce qui leur permet d’établir et de maintenir le contact.

b. Les fonctions du langage

Comme fonctions du langage, nous avons :

− Fonction référentielle (ou dénotative) : le message est centré sur le référent, le sujet
même du message. Le langage décrit le monde ; il s’agit bien souvent de la fonction
primordiale du langage.
− Fonction expressive (ou émotive) : le message est centré sur l’émetteur.
− Fonction conative : le message est centré sur le destinataire. Il peut s’agir d’un
message performatif : le message peut faire naître un certain comportement chez
l’interlocuteur.
− Fonction métalinguistique : le message est centré sur le langage. Le langage sert à
parler de lui-même, les usagers habituels de la fonction métalinguistique du langage
sont, par exemple, les linguistes. D’autres signes appartiennent cette fonction comme
« je veux dire… », « c’est-à-dire », « en d’autres termes… » etc.
− Fonction phatique : le message cherche à établir ou à maintenir le contact. « Allô ? »,
« n’est-ce pas ? ».

53
F.X. BUDIMBANI, Science de l’Information et de la Communication, cour de premier graduat, UCC, 2017.

37
− Fonction poétique : le message est centré sur lui-même, sur sa forme esthétique. Le
langage joue sur son propre code.
c. Le schéma de Jacobson

Roman Jacobson a illustré sa pensée dans un schéma qu’on appelle le schéma de la


communication verbale. Il y a démontré qu’à chacun des six facteurs des médias correspond
une fonction. Ce schéma se présente comme suit :

38
I.2.2.2. Les actes de langage selon Emile BENVENISTE

Emile BENVENISTE est plus connu pour ses recherches dans le domaine de l’analyse
de discours, il a mis en évidence l’existence d’un appareil formel de l’énonciation, constitué
par l’ensemble des termes déictiques, pronoms personnels et démonstratifs, que toutes les
langues possèdent. Il oppose ainsi par exemple les pronoms personnels je/tu, correspondant
respectivement au locuteur et au destinateur, au pronom il de la troisième personne, qu’il
appelle non-personnel.54

Selon lui, ces indices impliquent :

− Les traces de l’émetteur : l’émetteur produit l’énoncé. Dans notre travail, il s’agit de
l’analyse des titres des vidéos des chaînes YouTube, nous allons repérer les marques
de la 1ére personne, des pronoms, les déterminants verbaux (à l’impératif), les
déterminants possessifs ;

54
D. BOUGNOUX, la théorie de communication, Paris, le Repère, 1991, p.42

39
− Les traces du récepteur : celui qui reçoit l’énoncé. Ici, ces sont les marques de la 2è
personne qui sont repérés, des pronoms (tu, te, toi, vous), déterminants verbales (-e,
-ez à l’impératif), des déterminants possessifs (ton, ta, tes, votre, vos…)
− Le pronom « on » qui est toujours intéressant à relever et à étudier. Il peut avoir
plusieurs valeurs, telles qu’une valeur indéfinie, dans le cas où ne peut pas l’identifier
; une valeur qui peut signifier tout le monde, les humains en général (ex : dans les
proverbes) ; une valeur de substitut de l’émetteur (je, nous) ou du récepteur (toi,
vous), qu’on veut éviter de designer.
I.2.2.3. Application de la théorie

La théorie de l’acte du langage nous permettra, dans ce travail, de faire ressortir les
fonctions de langage compris dans les publications des médias numériques kinois que nous
comptons analyser, dans le but de comprendre leur portée sur les réactions des internautes.

I.3. Cadre méthodologique


I.3.1. Analyse de contenu
I.3.1.1. Historique

On peut considérer l’herméneutique comme un ancêtre de l’analyse de contenu. Dans


l’antiquité, on y avait déjà recours pour l’interprétation des textes mystérieux ou sacrés.55 On
compte également la rhétorique qui « étudiait les modalités d’expression les plus propices à
la déclamation persuasive » et la logique qui « essayait de déterminer par l’analyse des
énoncés d’un discours et de leur enchainement, les règles formelles du raisonnement juste ».

C’est aux Etats-Unis, avec l’Ecole de Journalisme de Columbia, que l’analyse de


contenu connut son essor. Plusieurs études quantitatives des journaux se sont multipliées
pendant une quarantaine d’années, pendant le début du 20ème siècle, et l’analyse se basait
essentiellement aux contenus journalistiques. On procédait par « l’inventaire des différentes
rubriques, on suit l’évolution d’un organe de presse, on mesure le degré de sensationnalisme
de ses articles, on compare les articles des hebdomadaires ruraux et quotidiens citadins »56
L’analyse s’est ensuite étendue au comptage et à la mesure des surfaces des articles, de la
taille des titres de presse, et de l’emplacement de la page.

55
L. BARDIN, L’analyse de contenu, les Editions PUF, Paris, 1977, p.13-14.
56
Idem.

40
Les deux guerres mondiales ont donné lieu à un nouveau type d’analyse basée sur
l’étude de la propagande. Harold LASSWELL va donner un statut scientifique à l’analyse de
contenu, grâce à ses analyses de presse et de la propagande en 1915 et la parution de
l’ouvrage Propaganda technique in the World War (1927). LASSWELL va se pencher sur
une psychologie comportementale objective, dans une époque où le behaviorisme règne dans
les sciences psychologiques aux Etats-Unis, pour « décrire le comportement comme une
réponse à un stimulus et cela de la manière la plus rigoureuse possible ».

Entre 1940 et 1950, les recherches de plus en plus nombreuses dans le domaine des
sciences politiques ont joué un rôle majeur dans le développement de l’analyse de contenu.
Dans ce contexte de la Seconde Guerre Mondiale, la technique d’analyse de contenu,
appliquée à des journaux et périodiques soupçonnés de propagande nazie, a servi à plusieurs
études empiriques menées par des analystes américains pendant cette période. Pour ce faire,
on compte des procédés tels que l’analyse lexicale des mots clés de la politique et propagande
nazie, l’analyse de favorabilité/défavorabilité, etc.57 Dès lors, l’intérêt porté à l’analyse de
contenu s’accroît de plus en plus et plusieurs chercheurs, à part LASWELL, se sont
spécialisés dans ce sens. Le domaine d’application de l’analyse de contenu s’est par la même
occasion différencié, reparti en deux approches : celui de la critique littéraire d’un côté, et
celui sur la personnalité de l’autre.

A la fin des années 40-50, B. BERLSON, dont les règles d’analyse ont marqué cette
période du point de vue méthodologique, va définir l’analyse de contenu comme étant « une
technique de recherche pour la description objective, systématique et quantitative du contenu
manifeste de la communication »58 Cette célèbre définition contribuera à fonder
épistémologiquement l’analyse de contenu.

Au début des années 1960, Roland Barthes introduit la notion d’analyse de contenu
dans le domaine de l’image publicitaire, de la photographie et de la mode. Avec le
développement en France de l’analyse conversationnelle, le discours politique sera encore un
objet d’étude privilégié, entre les années 70-80. Après un colloque organisé en 1981, le
politique cesse d’être le centre obligé de l’analyse de contenu.

57
Idem
58
B. BERELSON, Content analysis in Communication Research, Glencoe, The Free Press, 1952, cité par L.
BARDIN, L’analyse de contenu, Les Editions PUF, Paris, 1977, p.17.

41
Depuis 1990, l’analyse de contenu vise à démontrer (à dénoncer) les mécanismes
idéologiques. Elle est devenue une méthode à la croisée de nombreuses disciplines. La
plupart des auteurs situent l’analyse de contenu à la croisée de plusieurs disciplines.

I.3.1.2. Disciplines proches de l’Analyse de Contenu

Les frontières et les distinctions entre les approches sont mouvantes et peuvent différer
d’un auteur à l’autre. On peut donc distinguer59 :

− L’analyse documentaire qui est condensation, une représentation simplifiée de


données brutes document sous une forme différente de sa forme originelle
− L’analyse du discours, discipline connexe de la linguistique qui étudie la structure
d’énoncés supérieurs à la phrase en la rapportant à leurs conditions de production.
− L’analyse textuelle, étude des textes, littéraires ou non, du point de vue des
phénomènes linguistiques de surface (la microstructure) et de leur organisation (la
macrostructure). J.-M. Adam nomme cette démarche, analyse textuelle des discours.
− L’analyse conversationnelle consiste étudier minutieusement ce qui se produisait
dans les interactions verbales (l’organisation séquentielle des tours de paroles.
− L’ethnométhodologie, fondée en 1960, est une science sociale qui s’intéresse aux
petits groupes d’individus.
− La narratologie analyse les composantes, les mécanismes du récit et les propriétés
du discours qui relate des événements (…), des structures communicatives
organisées par les principes de narration.
I.3.1.3. Quelques grands types d’analyse de contenu

Le champ d’analyse de contenu est vaste et diversifié. En fonction de besoin de la


recherche, les approches sont le plus souvent cumulables60 :

− Les analyses thématiques : Elles s’intéressent le plus souvent aux représentations


sociales et au jugement du locuteur. Elle a pour but de repérer les unités sémantiques
qui constituent l’univers discursif de l’énoncé sous une forme condensée et formelle.
Une analyse thématique comprend deux étapes : le repérage des idées significatives et
leur catégorisation.

59
D. TEBANGASA, Notes de cours de Méthodes d’investigation en Sciences Sociales. PowerPoint, Licence 2
(LMD), UCC, 2020-2021.
60
Idem.

42
− Les analyses catégorielles : Ici, on calcule les fréquences d’apparition de certains
items regroupés en catégories thématiques ou expressives.
− Les analyses des évolutions : permettent d’apprécier la connotation positive, négative
ou neutre des termes ou des jugements formulés par le locuteur.
− Les analyses formelles : on y approche les formes et les enchaînements du discours.
− Les analyses de l’expression : on étudie des caractéristiques de l’expression
(vocabulaire, ordre des mots, longueur des phrases…) information sur les
représentations et l’idéologie du locuteur.
− Les analyses de l’énonciation : c’est la dynamique de l’expression qui est prise en
compte : ordre des séquences, rythme, répétitions…
− Les analyses structurales : l’agencement révèle les aspects sous-jacents du message.
− L’analyse des co-occurrences : on repère et on analyse la présence simultanée de
deux ou plusieurs items (mots).
− L’analyse des oppositions structurales : on vise la mise au jour des principes
organisateurs.
I.3.1.4. Les étapes de l’analyse de contenu

Ces étapes ne sont pas forcément communes à tous les types d’analyse. On se réfère ici
principalement au modèle de l’analyse dite catégorielle, la première à avoir été mise au point
et la plus généralisable.

Pratiquement, l’analyse catégorielle considère l’ensemble du texte analysé et le passe


au crible pour en dégager, sur base de classifications et de comptages, des tendances révélant
l’intensité de présence des items considérés.

On distingue donc parmi les étapes propres à l’analyse de contenu : la préanalyse et la


détermination du corpus, la catégorisation, le codage et unités de comptage, et l’interprétation
des résultats.

a. La préanalyse consiste à effectuer des choix pertinents dans le stock des documents.
b. La catégorisation vise à appliquer aux textes retenus un traitement permettant
d’accéder à une signification non immédiatement visible. Une manière de réduire la
multitude des mots, des expressions qui composent le corpus à élaborer des catégories, c’est
expliquer la compréhension intérieure que l’on a du contenu sémantique global.

43
c. Le codage et unités de comptage permet de mettre dans une même catégorie les
unités d’enregistrement. Ces unités peuvent être le mot, le thème, l’objet ou le référent, le
personnage = acteur ou actant, événement. Le codage se fait en fonction de 3 unités :
l’enregistrement, d’énumération : quand on doit procéder à la quantification, on calcule la
fréquence des mots (Attention les deux unités ont tendance à se confondre), de contexte = les
circonstances qui donnent sens au mot
d. L’interprétation, c’est l’étape de la lecture interprétative des résultats étroitement liée
l’évaluation du système de catégorisation mise en place. C’est aussi la connaissance du
contexte d’énonciation des documents.

44
Conclusion partielle

Ce premier chapitre nous a permis de passer en revue : primo, le cadre conceptuel du


présent travail, c’est-à-dire les différents concepts clés sur lesquels reposent notre sujet de
recherche, secundo, la présentation du cadre et méthodologique qui comprennent les théories
qui s’appliquent à ladite recherche et la méthode pour y parvenir.

Le chapitre suivant portera sur le cadre d’étude, à savoir la liberté d’expression et de la


presse à l’ère des réseaux sociaux numériques, passant par la présentation de notre corpus de
travail.

45
Chapitre deuxième

Liberté de la presse à l’ère des réseaux sociaux

II.1. Liberté d’expression et de la Presse


II.1.1.Liberté d’expression

La « liberté d’expression », est garantie par la Déclaration Universelle des Droits de


l’Homme de 1948, en son article 19 : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et
d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de
chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les
idées par quelque moyen d'expression que ce soit ». La liberté d’expression « permet à
chacun d’exprimer librement ses idées par tous les moyens qu’il juge appropriés (ex : livre,
film). Elle implique donc la liberté de la presse et, aujourd’hui, la liberté de la
communication audiovisuelle »61 .

II.1.1.1. Difficultés de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux en RDC

La définition de la liberté d’expression selon l’article 19 de la DUDH (1948), vue


plus-haut, est en réalité très restrictive, puisqu’elle ne prend pas en compte un phénomène de
société récent, l’apparition des « nouvelles technologies ». Car la liberté d’expression peut se
concrétiser aussi par le biais de l’Internet, sur des forums, sur des réseaux sociaux, sur son

61
Qu'est-ce que la liberté d’opinion ? https://www.vie-publique.fr/fiches/23871-quest-ce-que-la-liberte-dopinion
consulté le 27/10/2021.

46
propre blog, etc. Aujourd’hui, en RDC, nous pouvons dire que l’Internet est en effet le seul
support possible de libre expression pour les citoyens.

La transmission de la parole et de l’opinion de l’internaute, que ce soit via un


Smartphone ou un ordinateur, se fait de toute façon sur les réseaux sociaux, qui peuvent être
de toute nature, par l’intermédiaire de la rédaction d’articles ou par les commentaires laissés
sur son compte ou sur le compte d’un autre. Toute personne peut le faire, un simple citoyen
lambda, un membre de l’administration, un journaliste, ou même un étranger. Les réseaux
sociaux sont donc devenus un système qui permet à tout utilisateur d’être lui-même éditeur de
contenus, de commenter ou de modifier des contenus mis en ligne par d’autres utilisateurs ou
encore, et c’est la particularité des réseaux sociaux, d’obtenir des contenus et des messages
par le simple fait d’appartenir à une communauté.

II.1.2. Liberté de la Presse

La liberté de la presse est associée aux libertés d’expression (liberté d’opinion, de


religion, de communication visuelle, de réunion, d’association, d’enseignement), et aux
débuts de la démocratie. Celle-ci résulte ou tire ses origines des premiers textes qui
reconnaissaient la liberté des droits civiques, notamment le Bill of Rights de 1689 en Grande
Bretagne, la Déclaration des droits de Virginie aux Etats-Unis (1776) et la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen en France (1789). Aujourd’hui, les chartes qui régissent les
normes éthiques et déontologiques de la presse s’inspire de la Déclaration universelle des
droits de l’homme, celle qui promeut la liberté de diffuser des informations par divers canaux
d’expression. Cela dit, les médias deviennent de plus en plus influents, voire même qu’on
leur attribue le titre de « quatrième pouvoir », celui qui contrôle les actions de l’Etat, qui
dénonce les failles du pouvoir, la presse est désormais porteuse de voix de l’opinion publique.
L’exercice des métiers relatifs aux médias exige une liberté qui favorise leur plein
épanouissement. Néanmoins, pour éviter certaines violations ou des écarts de conduite, les
journalistes sont soumis à des restrictions prévues dans les lois et règlements des organes de
régulation.62

62
INADES, Liberté de la presse et démocratie en Afrique, Inades Documentation, Abidjan, 1996, p.7-8.

47
II.1.2.1. Les médias et la loi

Les pays africains, ou plus généralement les colonies françaises ou


britanniques sont dotées des lois héritées des droits des métropoles respectives, soit le droit
romain français ou le droit coutumier britannique.

P.K. FOGAM expose les difficultés manifestées dans la profession de


journalistes africains. C’est des questions liées à63 :

− Le droit d’accès aux informations ;


− Les lois sur la sécurité et l’utilisation des informations ;
− La révélation des sources d’information ;
− La diffamation ;
− L’utilisation des documents protégés par les droits d’auteur ;
− L’outrage
Au regard de ces problèmes, FOGAM fait une lecture selon laquelle les lois
des pays se diffèrent selon chacune des préoccupations.

Pour les pays africains qui héritent du droit romain, la liberté de la presse (ou
disons la liberté d’expression) figurent dans les constitutions comme des « forces morales »
sans une portée légale. Les pays qui suivent le droit coutumier, quant à eux, légalisent la
presse, ses droits et ses obligations.

Aucune catégorie des pays que nous voyons ne garantit le droit d’accès aux
informations. Il y existe par contre des lois de restriction aux rapports publics, par exemple.

D’une manière générale, dans les deux formes de droit, la loi contraignait les
journalistes africains de révéler les sources confidentielles sauf le secret de confidences.
Certains métiers, en l’occurrence les médecins, les avocats, les hommes d’Eglise, sont
pourtant exemptés par le privilège de taire les confessions de leurs sources. Nombre de pays
africains de droit coutumier, comme le Nigeria, parviennent tout de même à obtenir gain de
cause en vertu d’une disposition relative à la liberté d’expression. Mais dans le cas des
sources d’intérêt judiciaire, les journalistes sont forcés de les révéler.

63
P.K. FOGAM, Médias et la Loi, dans WORLD PRESS FREEDOM COMMITEE, Manuel pour les
journalistes africains : avec la participation d’Eminents Journalistes Africains, Virginie, 2000, p.67-76.

48
La loi protège les droits d’auteur dans les pays africains. Mais aucune
disposition n’est prévue pour les informations d’auteur relatives aux faits, aux événements
d’actualité. Le style d’écriture journalistique relève du droit d’auteur.

À propos de la diffamation, les journalistes y sont plus exposés (quelquefois


indépendamment de leur volonté) parce qu’ils traitent des affaires mettant sur la scène la
réputation des personnes concernées. On distingue la diffamation au sens stricte, celle qui
tient de l’image ou de l’écrit et fait intervenir les journalistes, et la calomnie qui est oral.

II.1.2.2. Ethique et Déontologie

L’éthique professionnelle est le levier qui permet au journaliste de mener à


bien son travail et de contribuer ainsi au développement de son pays. Le professionnalisme
du journaliste le rend surtout crédible vis-à-vis du public.

Joseph IGBINEDIOM attire l’attention sur différents aspects de l’éthique


professionnelle qui auraient tendance à entacher le métier de journalisme64 :

1° Un journaliste doit se réserver de percevoir toute forme de cadeaux de grande valeur, au


risque de subir une influence dans la couverture d’une actualité ou la présentation d’un
événement. À la limite, il existe des rédactions qui dressent une liste des cadeaux
acceptables.

2° L’engagement à des associations ou à un parti politique n’est pas permis à un journaliste


pour ne pas de servir des intérêts d’un groupe. Le journaliste est au centre de la population et
du gouvernement.

3° L’utilisation d’une fausse identité ou des moyens frauduleux pour avoir accès à une
information est proscrite.

4° Avant la publication, il est recommandé au journaliste de prendre du recul face à une


information et s’assurer que celle-ci a de l’intérêt pour le public ou pas. Surtout lorsqu’il
s’agit des sujets sensibles ou des éléments ayant trait à la vie privée d’une personne.

5° Le journaliste fait preuve de bon sens, par-dessus tout.

64
J. IGBINEDION, Ethique et Crédibilité, dans Ibid. p.47-49.

49
Pius NDJAWE renforce en disant qu’« une parfaite maîtrise des techniques
professionnelles autant dans la recherche, la collecte, le traitement et la diffusion de
l’information peut être un puissant moyen sinon de protection, du moins de défense en cas de
nécessité. La communauté des professionnels et les organisations de défense des droits
humains ne peuvent vraiment se mobiliser pour un journaliste en difficulté que si celui-ci
leur a rendu la tâche facile en faisant preuve de professionnalisme. »65. Les journalistes
subissent régulièrement des pressions auxquels il nécessite de répondre par un comportement
professionnel irréprochable, pour se défendre.

II.2. Présentation du corpus de travail


II.2.1.Mbote.cd
II.2.1.1. Présentation

Mbote.cd, dit aussi « Mboté », est un média de la société MBOTE AFRICA SARL créé
le 1er novembre 2017. Depuis son lancement, Mboté est membre de l'association des Médias
d'information en ligne en RDC (MILRDC).

Il se décrit comme un site web divertissement congolais qui se résume en trois concepts
: buzz, tendances, culture jeune, lesquels constituent aussi la ligne éditoriale du média. A près
de cinq années d’existence, Mbote.cd a déjà pris ses marques, comme en témoignent ces
chiffres dans les réseaux sociaux : plus de 2 millions d’interactions chaque semaine provenant
d’un compte Instagram suivi par près de 350 milles personnes et de plus d’1 million
d’abonnés sur Facebook. MBOTE.CD, c’est aussi en moyenne 600 milles visiteurs le mois, ce
qui lui vaut une place dans le top 5 des médias en ligne les plus visités au pays.

Le succès de MBOTE.CD est aussi le fruit d’une production éditoriale innovante.


Article, vidéo, infographie, etc. sont les formats les plus utilisés. Pour y parvenir, une
rédaction jeune a été mise en place. Elle est composée des journalistes et techniciens qui se
sont appropriés les nouveaux médias.

65
P. NJAWE, Les Risques du Métier dans Ibid., p.57-58.

50

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