StLaurent Denis

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CHAUSSÉE 2 : Conception des chaussées en

tenant compte des soulèvements au gel

Denis St-Laurent, ing.


Service des chaussées
Ministère des Transports du Québec

Résumé
Le ministère des Transports du Québec (MTQ) utilise le logiciel CHAUSSÉE depuis 1999 pour le
dimensionnement des structures de chaussées souples. Cet outil est basé sur la méthode empirique de
l’American Association of State Highway Transportation Officials (AASHTO, 1993) avec certaines
adaptations au contexte québécois et l’ajout d’un critère de protection contre les effets du gel. Ce logiciel
s'est rapidement intégré à la pratique québécoise à la suite de sa publication sur Internet en janvier 2001.

Une seconde version est maintenant disponible; elle comprend un modèle de calcul de la profondeur de
gel et des soulèvements. La progression du gel est calculée à l'aide d'une équation décrivant le bilan
thermique au front de gel. Les soulèvements sont calculés à l'aide du potentiel de ségrégation.

Le calcul tient compte de l’indice de gel, ou des températures journalières durant un hiver, et de la
température moyenne annuelle de l’air. La variabilité annuelle est traitée au moyen d’une approche
statistique basée sur l’écart type et l’hypothèse d’une distribution normale des indices de gel. La structure
de la chaussée est modélisée à l’aide des caractéristiques propres à chacune des couches. Le logiciel
comprend une bibliothèque de valeurs par défaut en fonction des choix de l’utilisateur.

Le calcul de la profondeur de gel et des soulèvements représente un pas important dans la


compréhension du comportement des chaussées. Il oriente mieux la résolution des problèmes de
conception lorsqu’il s’agit de limiter les soulèvements dus au gel en vue d’éviter les déformations, fissures
ou lézardes qui en résultent. Cette nouvelle version se veut un outil qui reflète davantage l’état
d’avancement de la recherche et des connaissances, plus particulièrement dans le contexte québécois.

Mots-clés
Chaussée, conception, dimensionnement, structural, gel

42e Congrès annuel de l’ AQTR, Montréal, avril 2007


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ...................................................................................................................................................... 1

1.0 INTRODUCTION ................................................................................................................................. 3

2.0 PRÉSENTATION SOMMAIRE DU LOGICIEL ......................................................................... 4

3.0 TRAFIC LOURD, CLIMAT ET MATÉRIAUX........................................................................... 6

4.0 DIMENSIONNEMENT STRUCTURAL ET DURÉES DE VIE................................................. 9

5.0 DIMENSIONNEMENT AU GEL ................................................................................................. 10


5.1 MISE AU POINT ET VALIDATION DU MODÈLE DE SIMULATION DU GEL .............................................. 14
5.2 SENSIBILITÉ DU MODÈLE DE SIMULATION DU GEL ............................................................................. 16
6.0 CONCLUSION .................................................................................................................................... 19

7.0 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................. 19

2
1.0 Introduction

Le logiciel CHAUSSÉE a pour objectif de faciliter l’analyse et la conception des structures de chaussées à
revêtement bitumineux. Il vise principalement les applications du ministère des Transports du Québec
(MTQ), en tant que complément au tome II du recueil des normes sur les Ouvrages routiers.

La première version du logiciel a déjà fait l’objet d’un article publié par l’AQTR (Association québécoise du
transport et des routes) (St-Laurent, 2001). La version 2 est disponible depuis janvier 2007. Cette nouvelle
version est similaire à la première, sauf qu’elle bénéficie des ajouts et modifications suivants :
• Choix de la station climatique à partir d’une carte géographique.
• Traitement statistique de l’intensité des hivers à partir de l’écart type des indices de gel.
• Accès direct aux paramètres avancés décrivant les matériaux, en double-cliquant sur les
paramètres de base.
• Ajout de certains types de matériaux : sols argileux ayant un indice de liquidité élevé (IL ≥ 0,9),
isolants en polystyrène, infrastructure améliorée, enrobés recyclés à froid (ERF), dalles
concassées par résonance (rubblizing), revêtements bitumineux comportant une couche de base
antifatigue (BAF).
• Révision des hypothèses de variations saisonnières inhérentes aux calculs structuraux : les
modules de résilience (Mr) et coefficients d’agressivité (CA) par défaut ont été légèrement
modifiés.
• Affichage de notices d’information propres à certains choix de matériaux.
• Facteur de capacité portante ajustable pour chaque couche.
• Prise en compte des revêtements en parachèvement (couche de roulement différée d’un an).
• Durées de vie prolongées.
• Sauvegarde de fichiers en format XML.
• Coupes types par scénario d’intervention.
• Profondeur P pour transitions affichée en parallèle avec le critère de protection partielle contre le
gel.
• Ajout d’un module de simulation de la pénétration du gel et des soulèvements.

Ce dernier ajout est de loin le plus important, autant sur le plan de l’effort de développement qu’en ce qui
a trait à l’impact potentiel sur les pratiques en conception des chaussées. Le nouveau logiciel comprend
donc deux modules d’analyse du gel en plus du module structural. Il prévoit encore des intrants pour
définir le contexte de la chaussée (classe de route, débit de circulation, camionnage lourd, information
climatique, propriétés du sol de support) et un environnement convivial permettant de spécifier un

3
scénario de structure de chaussée pouvant comprendre jusqu’à huit couches de matériaux différents, en
incluant le sol de support.

Le logiciel calcule la durée de vie structurale (en nombre d’essieux lourds admissibles), ainsi que les
effets du gel (profondeur et soulèvement). Il appartient à l’utilisateur de choisir des paramètres
représentatifs et de retenir le scénario qui satisfait aux objectifs de faisabilité et de performance visés.

Le présent article se consacre essentiellement à la description des nouveautés apportées par la deuxième
version, et plus particulièrement à la description du nouveau module de gel. Le logiciel est distribué avec
un guide d’utilisation détaillé et a fait l’objet de journées de formation pouvant être reproduites au besoin.

2.0 Présentation sommaire du logiciel


L’écran principal est montré dans les figures 1 et 2. Il est très similaire à celui de la version précédente.
Un panneau à onglets sépare cependant les principaux modules de calcul (Structural, Gel et Gel 1994).
L’interface a été conçue avec le souci de minimiser la complexité des analyses en permettant le recours à
une bibliothèque de valeurs par défaut et en résumant l’affichage au strict minimum. Les paramètres par
défaut qui permettent de définir les objectifs de conception sont accessibles dans la boîte à outils des
onglets de calcul concernés. Ils sont posés automatiquement selon le choix du type de route et de la
classe de trafic, mais l’utilisateur conserve la possibilité technique de les modifier. Les paramètres plus
spécialisés ou rarement mesurés sont relégués à l’arrière-plan, accessible en « mode approfondi ».

4
Figure 1 : Écran principal

Figure 2 : Onglets GEL et GEL (1994)

5
3.0 Trafic lourd, climat et matériaux

Le trafic lourd est caractérisé sous la forme d’équivalents de charges axiales simples (ECAS). Un outil
complémentaire est disponible pour calculer les ECAS selon la même méthode qu’auparavant à partir des
données de comptage typiques du MTQ. Les coefficients d’agressivité moyens par défaut ont cependant
été révisés avec une hausse de 0 à 5 % selon le type de camionnage.

Une carte géographique interactive (Figure 3) a aussi été ajoutée pour faciliter le choix de la station
climatique la plus représentative en fonction de la localisation et de l’altitude du projet. Les données de
chaque station climatique sont contenues dans un fichier texte pour faciliter l’ajout d’informations. Chaque
fichier climatique doit contenir au moins l’indice de gel normal. Les autres données climatiques utiles au
logiciel peuvent aussi s’y retrouver, faute de quoi elles seront substituées par des valeurs par défaut :
température moyenne annuelle de l’air (Tma), température représentative du revêtement (TBB), écart type
de l’indice de gel (σIG), températures journalières de l’air (Ta), etc. Les paramètres climatiques déduits par
défaut sont inscrits en rouge dans leur emplacement approprié sur l’écran principal (Figure 1). La Figure 4
montre la corrélation utilisée afin de déterminer les valeurs éventuellement manquantes pour la
température moyenne annuelle. La Figure 5 montre celle utilisée lorsque l’écart type de l’indice de gel
n’est pas connu.

6
Figure 3 : Carte géographique pour stations climatiques

7
Figure 4 : Corrélation entre la température moyenne annuelle (Tma) et l’indice de gel (IG)

10

0
Tma (°C)

-5
y = -0,0048x + 9,5853
R2 = 0,9262

-10

-15
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500

IG (°C jours)

Légende : Noir = moyenne de plusieurs années pour chaque station climatique


Gris = sites-années individuels

Figure 5 : Corrélation entre la moyenne et l’écart type de l’indice de gel

350
y = 0.0545x + 160
Blanc Sablon

300
Écart type

250

200

150

100
500 1000 1500 2000 2500 3000 3500
Indice de gel moyen (°C·jrs)

8
Le logiciel contient aussi une bibliothèque de matériaux renfermant toutes les valeurs par défaut
nécessaires au déroulement des calculs. Les paramètres les plus importants et susceptibles d’être
modifiés par l’utilisateur se retrouvent dans les cases blanches des trois onglets d’analyse de l’écran
principal (Figures 1 et 2). Le « mode approfondi » permet d’intervenir sur les autres paramètres jugés
secondaires. Les cases grises contiennent les paramètres fixés ou issus d’un calcul.

4.0 Dimensionnement structural et durées de vie


Le calcul structural vise à déterminer une conception permettant de supporter les véhicules lourds
anticipés, de façon à respecter une vitesse de détérioration préétablie. Le logiciel CHAUSSÉE 2 utilise la
méthode de l’AASHTO (1986-93) de la même manière que le faisait la version précédente (St-Laurent,
2001).

Plusieurs informations tendent à indiquer que les récents progrès dans le domaine des chaussées
permettent de construire des chaussées plus durables qu’auparavant (Savard et autres, 2004; St-Laurent
et Langlois, 2006). Cela découle en grande partie de l’amélioration de la résistance à la fissuration
thermique des enrobés à la suite de l’introduction des grades de bitumes PG. Le comportement thermique
a longtemps été considéré comme étant le facteur limitatif pour la durée de vie des chaussées. Il a été
jugé que le gain de longévité thermique obtenu grâce aux nouveaux bitumes permet de prolonger les
durées de vie de conception d’au moins une dizaine d’années tout en entraînant des bénéfices
économiques à moyen et à long terme. Il existe une tendance internationale vers les chaussées ayant une
période de conception structurale de 40 ans, 50 ans et même davantage.

Les durées de vie par défaut proposées par CHAUSSÉE 2 sont donc augmentées de 10 ans par rapport à
la version précédente. Ces durées plus longues sont cependant recommandées uniquement pour les
chaussées neuves ou remises à neuf, et exemptes de tous problèmes compromettants tels que des
soulèvements au gel élevés ou d’anciens patrons de fissuration laissés en place. Le concepteur doit
prescrire lui-même une réduction de durée de vie structurale dans les cas suivants :
• Resurfaçages d’un revêtement fissuré. La remontée des fissures laissées dans le vieux
revêtement limite la durée de vie des resurfaçages à un maximum de 10 à 15 ans.
• La durée de vie d’un resurfaçage peut être augmentée d’environ 5 ans lorsque l’intervention est
bonifiée par le recyclage à froid d’une fraction significative du vieil enrobé, ou le recours à une
autre technique équivalente pour ralentir la remontée des fissures (p. ex. : membrane élastomère
avec enrobé coulé à froid).
• Réhabilitations dans un contexte favorisant la formation de soulèvements au gel supérieurs aux
seuils recommandés.
• Contextes spéciaux où la réalisation d’autres travaux de réfection ou de démolition est prévisible.

9
• Secteur en milieu urbain où l’état (et l’âge) des services souterrains requiert potentiellement des
travaux d’excavation avec tranchées.

5.0 Dimensionnement au gel

La première version du logiciel CHAUSSÉE utilisait un critère de protection contre le gel adapté au MTQ à
partir d’une courbe élaborée au début des années 50, par Transports Canada, pour calculer une
protection partielle correspondant à environ la moitié de la profondeur de pénétration du gel (Armstrong et
Csathy, 1963). C’est donc une règle d’expérience qui s’avère depuis longtemps efficace pour permettre
d’obtenir un comportement au gel jugé acceptable (Rioux, 1999). Il faut noter cependant que ce critère est
relativement subjectif et qu’il n’intègre aucun indicateur de performance explicite et vérifiable après
construction, ce qui limite son domaine d’application de même que son potentiel d’amélioration dans le
temps.

Lorsqu’on y regarde de plus près, le dimensionnement au gel doit être dicté par le besoin d’éviter
l’endommagement du revêtement. Cet endommagement peut prendre la forme de fissures de gel
(lézardes) ou de déformations de la surface, qui sont toutes deux directement causées par les
soulèvements au gel, et plus particulièrement par les variations de soulèvement (soulèvements
différentiels, Figure 6). Le soulèvement (h) constitue donc un indicateur mesurable et directement relié
aux dommages ou à la performance au gel.

10
Figure 6 : Soulèvements différentiels causés par le gel

Axe est-ouest (entre le boul. Valcartier et l’aut. Henri IV à Québec), hiver 2004.

D’une manière indirecte, la mesure des soulèvements différentiels se fait couramment au MTQ par
l’intermédiaire d’un différentiel d’IRI (ΔIRIhiver-été = IRIhiver - IRIété). Les données de la Figure 7 indiquent que
le taux de détérioration annuel de l’IRI est supérieur à 0,1 (taux normal) lorsque le ΔIRIhiver-été atteint plus
de 1 m/km. Ces différentiels sont difficiles à prévoir précisément avant la construction d’un nouveau tracé
puisqu’il faudrait de grandes quantités de données pour bien couvrir la variabilité des sols. Il est toutefois
évident qu’un soulèvement globalement plus faible a une plus grande probabilité de conduire vers des
soulèvements différentiels plus faibles. Les Finlandais Gustavsson et autres (1999) considèrent qu’un
seuil de soulèvement global situé entre 30 et 100 mm constitue un préalable pour maintenir un niveau de
service acceptable et prévenir la fissuration du revêtement. Du côté des chercheurs de l’Université Laval,
Konrad (1998) estime que les soulèvements acceptables semblent se situer entre 30 et 60 mm selon le
type de chaussée, alors que Doré et autres (2005) proposent un abaque définissant un seuil modulé en
fonction de l’épaisseur de la fondation granulaire à la jonction d’une tranchée non gélive. L’expérience
accumulée au Service des chaussées indique que les soulèvements différentiels sont peu perceptibles
lorsque le soulèvement global est limité à moins de 50 mm, et qu’ils peuvent être problématiques avec
des soulèvements de plus de 80 mm.

11
Figure 7 : Effet des soulèvements différentiels sur le taux de détérioration

Axe est-ouest (Québec) et autoroute 55 (Estrie)


4

Taux de détérioration de l'IRI (m / km / année)


3

-1
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
ΔIRI hiver - été (m/km)

Le soulèvement au gel constitue donc un critère de performance au gel pertinent et mesurable, et la


possibilité de le prédire dans un calcul théorique a motivé l’élaboration de la version 2 du logiciel
CHAUSSÉE. Il a toutefois été décidé de ne pas laisser tomber l’ancien critère de gel et de continuer à
l’utiliser en parallèle avec la nouvelle approche.

Le critère de protection partielle (appelé « Gel 1994 » afin de le différencier plus aisément) est donc
conservé pour indiquer l’épaisseur totale minimale de la structure de chaussée requise lorsque le
soulèvement au gel anticipé est inférieur au seuil toléré. La règle de détermination des profondeurs « P »
pour transitions, Norme II-1.8 (Tableau 1.8-1), y est aussi mise en parallèle à des fins de comparaison.
Cette profondeur P n’est pas encore une protection totale, mais l’expérience indique qu’elle donne une
épaisseur suffisante pour remédier à pratiquement tous les problèmes de soulèvements différentiels, y
inclus par exemple les sols hétérogènes et les situations où il faut raccorder la chaussée à un point fixe
comme une coupe de roc ou un ouvrage d’art. Une protection plus grande peut toutefois être nécessaire
en présence d’une argile varvée ou ayant un indice de liquidité élevé (IL ≥ 0,9).

Les critères de protection au gel de 1994 sont donc conservés pour baliser les épaisseurs minimales
(protection partielle) et maximales (profondeur P) de la chaussée en complémentarité avec le critère de
soulèvement admissible. Ce dernier est toutefois le seul à pouvoir servir lorsque la zone soumise aux
cycles de gel et de dégel se trouve en présence d'un isolant thermique, d'un sol argileux varvé ou ayant
un indice de liquidité élevé (IL ≥ 0,9), ou de plusieurs couches de sol de gélivités différentes.

12
En certaines occasions le concepteur peut s’intéresser davantage à la profondeur de gel qu’au
soulèvement. C’est le cas notamment lorsqu’il s’agit de protéger des conduites d’utilité publique à l’abri de
la zone de gel. Le modèle de gel dont il est question permet de faire ce type de calcul puisqu’il prédit la
profondeur de gel en plus du soulèvement. Il a été utilisé par exemple pour calculer les abaques
d’isolation de conduites de l’annexe TSC-04 du Guide de préparation des projets routiers (Transports
Québec, 2003) avant d’être implanté dans le logiciel CHAUSSÉE 2.

13
5.1 Mise au point et validation du modèle de simulation du gel
Le calcul du gel est basé sur le modèle « SSR », mis au point en Finlande par Saarelainen (1992). Il
consiste à calculer la profondeur de gel (Z) et le soulèvement (h) à l’aide d’une méthode semi-analytique.
Le calcul de la profondeur de gel se base sur l’équilibre du bilan thermique au front de gel. L’équation du
bilan thermique est résolue chaque jour de l’hiver, ayant une température moyenne donnée, pour
déterminer l’avancée du front de gel résultant du maintien de l’équilibre des flux thermiques. Le calcul du
soulèvement se fait en simulant, d’une part, la formation des lentilles de glace à l’aide du potentiel de
ségrégation (Konrad et Morgenstern, 1980), et, d’autre part, le gonflement interstitiel des sols saturés
lorsque l’eau se transforme en glace 9 % plus volumineuse.

Les trois exemples présentés sur la Figure 8 montrent la température pour chaque jour de l’hiver, de
même que la simulation de la progression du front de gel et de la position des interfaces entre les
couches. Les exemples b et c montrent aussi des points de mesure individuels à des fins de comparaison.
Les calculs de conception se font en simulant le climat à partir d’un indice de gel de conception.
L’exemple a est typique d’un calcul dans lequel les températures journalières sont représentées suivant la
courbe d’un demi-sinus calculée à partir de l’indice de gel de conception. L’exemple b représente des
paliers de température moyenne déduits à partir d’indices de gel mensuels, issus de la thèse de
Saarelainen (1992). L’exemple c utilise les températures moyennes mesurées pour chaque jour d’un
hiver en particulier, ce qui donne un signal d’apparence aléatoire plus fidèle à la nature.

Figure 8 : Tracé d’une simulation (Graphe de l’onglet GEL du logiciel)

a) Sinus de conception b) Indices de gel mensuels c) Températures journalières

Les exemples b et c (Figure 8) représentent des exercices de validation du code de calcul par
comparaison avec des mesures de terrain (gelmètre et soulèvement). Plusieurs exercices similaires ont
été faits et regroupés dans la Figure 9. Le jeu de validation comprend 18 sections de chaussées
québécoises, dont 7 ayant un isolant thermique, en plus des 6 sites de la thèse finlandaise. Chaque
section a été suivie durant un à huit hivers à l’aide de mesures de pénétration du gel. Les mesures de

14
soulèvement au gel ont été faites sur 7 de ces 18 sections, en plus des 6 sections finlandaises. Sur
l’ensemble des 960 mesures de profondeur de gel utilisées, on trouve une erreur de prédiction
normalement distribuée et inférieure à 50 mm dans 42 % des cas, inférieure à 100 mm dans 68 % des
cas, inférieure à 150 mm dans 85 % des cas et inférieure à 300 mm dans 99 % des cas (Figure 10). Il faut
noter que les sources d’imprécision qui interfèrent dans cet exercice ne peuvent provenir uniquement de
l’élaboration du logiciel; elles sont issues aussi de l’imprécision des données de températures (distance
variable des stations météorologiques), des mesures de gel (gelmètre et soulèvement) et des données de
caractérisation des diverses chaussées considérées (épaisseurs et composition des couches). Les
analyses de sols étaient souvent limitées aux analyses de laboratoire conventionnelles, ce qui a contraint
à l’utilisation de plusieurs valeurs par défaut pour la représentation des matériaux : masse volumique,
potentiel de ségrégation, minéralogie, surface spécifique, etc. La précision du modèle est jugée
satisfaisante à la lumière de cet ensemble de validation.

Figure 9 : Comparaison avec le jeu de validation

a) Comparaison avec le modèle SSR finlandais original


3 140
fuseau à ± 150 mm
Soulèvement au gel mesuré (mm)

120
Profondeur de gel mesurée (m)

2.5

100 fuseau à ± 20 mm
2

80
1.5
60
y = 1.0406x
1 R2 = 0.9993
Côté sécuritaire 40
Côté sécuritaire
0.5
20

0 0
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0 20 40 60 80 100 120 140
Profondeur de gel prédite (m) Soulèvement au gel prédit (mm)

b) Comparaison avec le jeu de validation en entier (mesures québécoises et modèle finlandais)


3 140
fuseau à ± 150 mm
Soulèvement au gel mesuré (mm)

120
Profondeur de gel mesurée (m)

2.5

100 fuseau à ± 20 mm
2
y = 0.9808x
80
R2 = 0.9537
1.5
60

1
Côté sécuritaire 40
Côté sécuritaire
0.5
20

0 0
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0 20 40 60 80 100 120 140
Profondeur de gel prédite (m) Soulèvement au gel prédit (mm)

15
Figure 10 : Distribution des erreurs de prédiction de la profondeur de gel

Histogramme des erreurs Histogramme des erreurs absolues


250 500 120%
200 400 100%

Fréquence
Fréquence

150 80%
300 Fréquence
60%
100 200 % cumulé
40%
50
100 20%
0
0 0%
00

00

50

00

50

0
0.050 0.100 0.150 0.200 0.300 ou

...
00

05

10

15

20

30

us
.3

.2

.1

.1

.0

0.

0.

0.

0.

0.

0.
-0

-0

-0

-0

-0

pl
plus...

ou
Classes d'erreur (profondeur de gel, m) Classes d'erreur (m)

5.2 Sensibilité du modèle de simulation du gel

La possibilité de tenir compte des variables d’un problème est un des avantages inhérents à l’utilisation
d’un modèle de simulation théorique. La Figure 11 montre que la profondeur de pénétration du gel peut
différer de près d’un mètre entre une chaussée construite sur un sol sablonneux parfaitement drainé, et
une autre construite sur un silt et argile humide et gélif. Le modèle intègre les facteurs clés (types de
matériaux, épaisseur des couches, compaction, teneur en eau, gélivité, etc.) et permet au concepteur d’en
tenir compte.

Figure 11 : Effet du type de sol sur la profondeur de gel (hiver 1994)

a) sable bien drainé (<10% fines) b) silt et argile (30 % d’eau)

ML
CL

Le potentiel de ségrégation (SP) et le coefficient de surcharge (a) sont deux paramètres majeurs qui
gouvernent la pénétration du gel et l’amplitude du soulèvement. Ce sont aussi deux paramètres nouveaux
que les utilisateurs devront apprendre à maîtriser. Leur détermination précise en laboratoire est
relativement coûteuse et se fait encore principalement dans les centres de recherche (Info DLC, 2002). Il
existe cependant diverses méthodes simplifiées (Rieke et autres, 1983; Knutsson et autres, 1985; Konrad,

16
2005) ne demandant que l’ajout d’essais de sédimentométrie et au bleu de méthylène. Les diverses
méthodes sont décrites en détail dans le guide d’utilisation du logiciel.

Les autres paramètres sont plus faciles à mesurer ou plus familiers auprès des ingénieurs routiers.
L’utilisateur doit déterminer les essais et les mesures à réaliser dans le cadre d’un projet routier. La
représentativité des données a un impact important sur la précision de l’analyse qui en découle.

Certaines décisions sont aussi à prendre en ce qui concerne les objectifs ou les critères de conception. Le
module de simulation du gel introduit avec le logiciel CHAUSSÉE 2 amène deux nouveaux critères de
conception : le seuil de soulèvement admissible (hadmis) et la période de récurrence (PR) de l’indice de gel
de conception. Le seuil de soulèvement est directement relié au niveau de service et à l’endommagement
toléré au regard des effets du gel. La période de récurrence définit le niveau de risque sur le plan de la
fréquence (en années) à laquelle il est permis d’atteindre et de dépasser le seuil de soulèvement. Cette
période est ce qui permet de tenir compte des variations annuelles d’intensité des hivers, caractérisés par
un indice de gel normal (ou moyen) et un écart type en assumant une distribution statistique normale. La
Figure 12 et la Figure 13 montrent l’effet de ces paramètres sur l’épaisseur totale requise pour une
chaussée construite en remblai sur un sable silteux non saturé (de 30 à 50 % de particules inférieures à
80µm). Les traits en gras montrent les exigences de la profondeur P pour transitions et de protection
partielle (critères de gel 1994) à des fins de comparaison. L’impact du soulèvement admis sur l’épaisseur
de sous-fondation requise représente un différentiel d’environ 200 à 300 mm de MG 112 pour chaque
tranche de 10 mm de soulèvement admissible. L’impact de la période de récurrence est de l’ordre de
100 mm lorsqu’elle augmente de 2 à 5 ans et diminue rapidement par la suite : 50 mm de 5 à 10 ans et
25 mm de 10 à 15 ans.

17
Figure 12 : Effet du critère de soulèvement admissible

Nationale en REMBLAI sur SMfin (PR = 12 ans)

2100

1800
Épaisseur totale requise (mm)

1500 hadmis = 50 mm

1200 hadmis = 60 mm

hadmis = 70 mm
900

hadmis = 80 mm
600

300
600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000
Iles-de-la Montréa Drummondville Québec Mont-Laurier Roberval Amos
Madeleine l Indice de gel normal (IGn)

Figure 13 : Effet de la période de récurrence de l’indice de gel

Nationale en REMBLAI sur SMfin (hadmis = 55 mm)

2100

1800
Épaisseur totale requise (mm)

1500
PR = 15 ans
PR = 10 ans
PR = 5 ans
1200 PR = 2 ans

900

600

300
600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000
Iles-de-la Montréa Drummondville Québec Mont-Laurier Roberval Amos
Madeleine l
Indice de gel normal (IGn)

18
6.0 Conclusion

Le calcul de la profondeur de gel et des soulèvements représente un pas important dans la


compréhension du comportement des chaussées. Il oriente mieux la résolution des problèmes de
conception lorsqu’il s’agit de limiter les soulèvements dus au gel en vue d’éviter les déformations, fissures
ou lézardes qui en résultent. Cette nouvelle version se veut un outil qui reflète davantage l’état
d’avancement de la recherche et des connaissances, plus particulièrement dans le contexte québécois.
La méthode offerte est issue de l’évolution de plusieurs prototypes utilisés par le Service des chaussées
depuis près d’une décennie, pour diverses expertises et avis techniques à l’intérieur du ministère des
Transports.

Cet outil vise à aider le concepteur à mieux reconnaître et à mieux résoudre les situations qui demandent
des précautions particulières contre le gel. Il est souhaité que son utilisation rehausse le niveau
d’expertise commun et contribue à la réalisation de progrès supplémentaires. Il faut noter cependant que
la précision des analyses est plutôt sensible à la qualité des intrants fournis au logiciel, en particulier le
potentiel de ségrégation et son coefficient de surcharge. L’obtention du plein rendement de CHAUSSÉE 2
tend donc à demander une caractérisation des sols plus détaillée qu’auparavant.

Il est souhaité que l’évolution se poursuive sous plusieurs aspects, notamment par l’intégration d’une
méthode de conception structurale de type mécanisto-empirique.

Le logiciel peut être téléchargé à : www.mtq.gouv.qc.ca (section Réseau routier – Chaussées)

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