22 08 Simonneaux Et Al

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Menons l’enquête sur des questions d’Education au

Développement Durable dans la perspective des


Questions Socialement Vives
Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,
Grégoire Molinatti, Nadia Malek Cancian, Amélie Lipp

To cite this version:


Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec, Grégoire Molinatti, et al..
Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable dans la perspective des
Questions Socialement Vives. Revue des Hautes écoles pédagogiques et institutions assimilées de
Suisse romande et du Tessin, 2017, La problématisation et les démarches d’investigation scientifique
dans le contexte d’une éducation en vue d’un développement durable, 22, pp.143-160. �hal-01897074�

HAL Id: hal-01897074


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teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires
abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
Formation et
pratiques d’enseignement
en questions

THÈME : LA PROBLÉMATISATION ET LES DÉMARCHES


D’INVESTIGATION SCIENTIFIQUE DANS LE CONTEXTE
D’UNE ÉDUCATION EN VUE
D’UN DÉVELOPPEMENT DURABLE

Numéro coordonné par


Patrick Roy, Alain Pache et Bertrand Gremaud

No 22, 2017
Comité scientifique

Pierre-François Coen, HEP Fribourg, Suisse


Bertrand Gremaud, HEP Fribourg, Suisse
Patrick Roy, HEP Fribourg, Suisse
Nicole Durisch Gauthier, HEP Vaud, Suisse
Corinne Marlot, HEP Vaud, Suisse
Alain Pache, HEP Vaud, Suisse
Franziska Bertschy, HEP Berne, Suisse
Jean-Marc Lange, Université Montpellier, France
Alain Legardez, Aix Marseille université, France
Olivier Morin, Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education de Lyon, France
Benoit Urgelli, Ecole normale supérieure de Lyon et Université de Lyon, France
Johanne Lebrun, Université de Sherbrooke, Canada

Le contenu et la rédaction des articles n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

© Conseil académique des hautes écoles romandes en charge de la formation des enseignant.e.s (CAHR)

ISSN 1660-9603

Secrétariat scientifique : Sarah Boschung


Rédacteur responsable : Pierre-François Coen
Conception graphique : Jean-Bernard Barras
Mise en page : Marc-Olivier Schatz
Formation et pratiques d’enseignement en questions

Thème : La problématisation et les démarches d’investigation


scientifique dans le contexte d’une éducation en vue
d’un développement durable

Numéro coordonné par


Patrick Roy, Alain Pache et Bertrand Gremaud

Table des maTieres

La problématisation, les démarches d’investigation scientifique et l’EDD :


quelles conjugaisons possibles en vue de construire un monde meilleur ?
Editorial. Patrick Roy, Bertrand Gremaud et Alain Pache 7

Problématisations scientifiques fonctionnalistes et historiques en éducation relative


à l’environnement et au développement durable : le cas de l’évolution climatique
Christian Orange et Denise Orange Ravachol 21

Le problème c’est de le poser. Définitions, modèles, perspectives pour la géographie scolaire


Anne Sgard, Philippe Jenni, Marco Solari et Pierre Varcher 39

Problématiser en classe de géographie sur le thème des migrations


Hyade Janzi 59

Investigation scientifique et éducation au développement durable :


relations, clarifications sémantiques et épistémologiques
Virginie Albe 81

Une démarche d’investigation interdisciplinaire pour traiter des problématiques d’EDD


dans une perspective d’instruction et de socialisation émancipatrice
Patrick Roy et Bertrand Gremaud 99

La matrice interdisciplinaire d’une question scientifique socialement vive


comme outil d’analyse a priori dans le processus de problématisation
Bertrand Gremaud et Patrick Roy 125

Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable


dans la perspective des Questions Socialement Vives
Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,
Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp 143

La situation de problématisation traitée dans le cadre de focus groups.


Un dispositif permettant de développer des compétences en EDD
Alain Pache et Philippe Hertig 161

Coupler les dispositifs PEERS (Projet d’étudiants et d’enseignants-chercheurs


en réseaux sociaux) et Lesson Study pour enrichir les dispositifs de formation en EDD
Alain Pache et Vincent Robin 177

Prendre en compte les compétences pour problématiser en EDD : quels changements ?


Didier Mulnet 195

3
Formation et pratiques d’enseignement en questions

La probLématisation et Les démarChes


d’investigation sCientiFique dans
Le Contexte d’une éduCation en vue
d’un déveLoppement durabLe

5
Formation et pratiques d’enseignement en questions

Menons l’enquête sur des questions d’Education


au Développement Durable dans la perspective
des Questions Socialement Vives

Jean simonneaux1 (Ecole Nationale Supérieure de Formation de


l’Enseignement Agricole, France), Laurence simonneaux2 (Ecole
Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole,
France), nicolas hervé3 (Ecole Nationale Supérieure de Formation de
l’Enseignement Agricole, France), Lucas nédéLeC4 (Ecole Nationale
Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole et Université de
Montpellier, France), grégoire moLinatti5 (Université de la Réunion,
France), nadia CanCian6 (Ecole Nationale Supérieure de Formation
de l’Enseignement Agricole, France) et amélie Lipp7 (Ecole Nationale
Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole, France)

PARRISE est un consortium européen multidisciplinaire qui a construit les principes


théoriques éducatif et didactique d’une démarche d’investigation sur des questions
socio-scientifiques fondés sur une éducation à la citoyenneté critique. Cet article pré-
sente la déclinaison française de ces principes en proposant une modélisation de cette
démarche qualifiée « d’enquête ». Il rend compte de l’appropriation de cette démarche
par des enseignants stagiaires de master de l’éducation nationale et de l’enseigne-
ment agricole par l’analyse de scénarios qu’ils ont construits lors d’une formation à
la démarche d’enquête. Les résultats montrent que les démarches d’enquête conçues
par les enseignants stagiaires mobilisent de façon différente les phases identifiées de
l’enquête, en proposant aux élèves un cheminement qui n’est pas linéaire (récursivité
de type « tourbillon »), que chaque phase de l’enquête s’implémente des phases anté-
rieures (récursivité de type « boule de neige ») et que le type d’approche didactique
choisie est pluriel, mais tend vers une approche critique-pragmatique. Cette étude per-
met de documenter la nature et les caractéristiques de la démarche d’enquête, notam-
ment son ancrage dans le paradigme de la complexité, et le changement de posture des
enseignants qu’elle nécessite.

1. Professeur de l’enseignement supérieur, UMR EFTS, Ecole Nationale Supérieure de Formation de l’Ensei-
gnement Agricole (ENSFEA). Contact : [email protected]
2. Professeure de l’enseignement supérieur, UMR EFTS, Ecole Nationale Supérieure de Formation de l’En-
seignement Agricole (ENSFEA). Contact : [email protected]
3. Maître de conférences en didactique, Ecole Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agri-
cole (ENSFEA). Contact : [email protected]
4. Doctorant en sciences de l’éducation, UMR EFTS (Ensfea, Toulouse) et EA LIRDEF (Université de Montpel-
lier). Contact : [email protected]
5. Maître de conférences, LIRDEF, Université de la Réunion. Contact : [email protected]
6. Formatrice, UMR EFTS, Ecole Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole (ENSFEA).
Contact : [email protected]
7. Formatrice, UMR EFTS, Ecole Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole (ENSFEA).
Contact : [email protected]

N° 22 / 2017 / pp. 143-160 143


Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable
dans la perspective des Questions Socialement Vives

Mots-clés : Démarche d’enquête, démarche d’investigation, Questions Socialement


Vives (QSV), Éducation au développement durable (EDD)

introduction
Nous présentons la recherche menée par l’équipe française dans le cadre d’un pro-
jet européen PARRISE (Promoting Attainment of Responsible Research & Innovation
in Science Education) qui porte sur la construction d’une démarche d’investigation
spécifique aux questions socialement vives intégrant les principes de durabilité et
de citoyenneté.
PARRISE8 est un consortium multidisciplinaire visant à faciliter les collaborations
entre des enseignants, des formateurs et des enseignants-chercheurs de 18 insti-
tutions, localisées dans 11 pays. Les membres du consortium ont une expertise im-
portante dans l’éducation à la démarche d’investigation scientifique et dans l’inté-
gration des questions socio-scientifiques au sein de la formation des enseignants,
dans une diversité de contextes d’apprentissage des élèves.
L’objectif global vise une éducation démocratique à la citoyenneté, pour laquelle
deux approches en didactique souvent présentées indépendamment dans l’ensei-
gnement des sciences à l’école sont ici réunies : la démarche d’investigation scien-
tifique (Inquiry Based Learning, IBL) et l’étude des questions socio-scientifiques
(SocioScientific Issues (SSI) en anglais, et Questions Socialement Vives (QSV) en
français). Il s’agit ici d’une approche intégrée intitulée « démarche d’investigation
sur des questions socio-scientifiques » (démarche SSIBL).
Un cadre théorique sur lequel se fonde la démarche SSIBL a été d’abord élaboré
par Ralph Levinson (Levinson and PARRISE consortium, in review) puis a évolué
dans une démarche collaborative associant les différents partenaires du projet
PARRISE. Il s’ancre dans la démarche d’enquête promue aux Etats-Unis par le phi-
losophe et pédagogue John Dewey (1916). Dewey y a vu un fort potentiel démocra-
tique en permettant aux citoyens de développer leur curiosité et le sens du partage
à travers la résolution de problèmes d’intérêt commun.

partis pris pour une éducation à la citoyenneté critique


La démarche SSIBL est caractérisée par 4 dimensions (Levinson & PARRISE consor-
tium, in review) :
– la mobilisation de savoirs de différentes natures (académiques, professionnels,
sociaux, stabilisés ou non, éventuellement situés et distribués entre différents
acteurs) ;
– la mobilisation d’habiletés pour mener une démarche d’investigation sur des
questions socio-scientifiques ;
– l’inscription dans une perspective de justice sociale ;

8. PARRISE : Promoting Attainment of Responsible Research and Innovation in Science Education) This pro-
ject has received funding from the European Union’s Seventh Framework Programme for research, techno-
logical development and demonstration under grant agreement no 612438. http://www.parrise.eu/

144 Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,


Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp
Formation et pratiques d’enseignement en questions

– l’ambition de développer chez les élèves des dispositions de délibération dé-


mocratique et d’empowerment, autrement dit d’acquisition et de renforcement
d’une autonomie pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques
ou écologiques auxquelles ils sont confrontés (Bacqué & Biewener, 2013).
Tableau 1 : Dimensions de l’éducation citoyenne critique

réflexivité /
politique social praxis (engagement)
subjectivité

Savoirs relatifs au fonction- Savoirs relatifs aux inter-


nement des systèmes connexions entre les
politiques et des struc- cultures, les pouvoirs
Savoirs relatifs au sens de
tures de pouvoir et les transformations ; Savoirs relatifs à la manière
l’identité
(comprendre où réside cela concerne aussi bien de concrétiser collecti-
(comprendre la manière
savoirs

l’autorité, par exemple les savoirs sociaux des vement des changements
dont les individus se
le directeur de l’école, dominés que les discours pour la justice sociale
positionnent en relation
les instances étudiantes, dominants (savoir trouver des appuis
avec un enjeu particu-
etc., identifier les lieux où (prendre en compte la au changement).
lier).
pourrait se porter l’action variété des points de vue
pour rendre possible le et prendre en considéra-
changement). tion des voix marginales).

Capacité à imaginer un
Capacité à engager le dia-
Analyse politique critique monde meilleur, parti-
Compétences

logue et la délibération Capacité à penser sa propre


(comprendre les relations cipation active à faire
(par exemple prendre part position au sein de la
pouvoir-culture-savoir, et évoluer le statu quo
de façon constructive aux société
par conséquent la nature (avoir une vision d’un
discussions au sein d’un (comprendre la position des
du statut des connais- monde meilleur et tenter
groupe, en présentiel ou autres et la sienne).
sances). de rendre effective cette
en virtuel).
aspiration).

Engagement pour des Relation dialogique et


valeurs opposées à inclusive avec les autres,
l’injustice et à l’oppres- habilité à refléter les Auto-examen Action informée, respon-
valeurs

sion valeurs et engagements (exprimer pourquoi son sable, réflexive et éthique


(comprendre les causes de d’autrui propre groupe a une (l’action mise en œuvre est
l’injustice et comment (capacité à verbaliser les perspective singulière et raisonnée et reflète les
cela interagit avec son points de vue des autres, ce qu’elle signifie). valeurs sous-jacentes).
propre système de même en situation de
valeurs). désaccord).

Questionner activement Autonomie et critique


dispositions

l’injustice sociale et Responsabilité vis-à-vis de (écouter les perspectives Engagement et motivation


l’oppression soi et des autres des autres, mais en pour changer la société
(faire émerger des ques- (développer d’abord une gardant son propre point (communiquer les raisons
tions critiques à propos responsabilité sociale). de vue, tout en étant auto des actions).
d’actes injustes). critique).

La démarche SSIBL cherche à promouvoir l’éducation à la citoyenneté. Cette éduca-


tion peut être interprétée de différentes façons. Kerr (2000) souligne la différence
entre une approche « passive et historique » et une approche « active et critique »
de l’éducation à la citoyenneté. Ainsi l’éducation à la citoyenneté peut avoir des ob-
jectifs situés sur un continuum, visant à un pôle l’apprentissage de ce qu’implique
la citoyenneté de façon simplement déclarative et à l’autre pôle, le développement
d’une préoccupation plus active pour la recherche d’une justice sociale. L’éduca-
tion citoyenne et critique peut également être interprétée de différentes façons, se
focalisant sur la pensée critique et/ou mettant l’accent sur la praxis, autrement dit
visant la réflexion et l’action (Freire, 1972). Ralph Levinson (Levinson & PARRISE
consortium, in review) inclut une perspective d’éducation citoyenne explicitement
critique dans la démarche SSIBL, en proposant une modélisation présentée dans le
tableau 1, adaptée de Johnson et Morris (2010). La ligne horizontale représente les

N° 22 / 2017 / pp. 143-160 145


Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable
dans la perspective des Questions Socialement Vives

éléments constitutifs de l’éducation à la citoyenneté critique et la colonne verticale


représente les attributs nécessaires, en termes de savoirs, compétences, valeurs
et dispositions. Chaque cellule décrit comment chaque attribut illustre chaque
élément avec, entre parenthèses, des exemples indiquant comment il pourrait se
manifester dans l’éducation.
Simonneaux (2011) a identifié quatre stratégies didactiques potentiellement adop-
tées par les enseignants pour traiter les QSV en classe. Ces stratégies peuvent être
combinées dans des scénarios didactiques. Levinson (Levinson & PARRISE consor-
tium, in review) les a légèrement adaptées pour la démarche SSIBL :
– Une stratégie doctrinale qui vise à l’acceptation des concepts scientifiques fai-
sant autorité.
– Une stratégie de problématisation qui met l’accent sur le raisonnement des
élèves dans l’approche SSIBL.
– Une stratégie critique qui vise à développer les capacités à questionner les
expertises, à reconnaitre le caractère incertain de la science et de ses applica-
tions et à considérer que le développement des technosciences comporte des
risques.
– Une stratégie pragmatique pour promouvoir l’action des étudiants. Cette typo-
logie sert de cadrage pour l’approche de la démarche SSIBL (tableau 2).
Tableau 2 : Types d’approches didactiques de la démarche SSIBL selon Levinson (in review)

approche
politique social valeurs praxis (engagement)
didactique

Suivi des procédures


(principalement

Centrage sur l’appren-


telles qu’elles sont
doctrinale

structurée)

tissage portant sur les Apprentissage du fait que


enseignées et mises en
savoirs scientifiques les applications de la Discussion des problèmes
lien des résultats avec
théoriques et les science ne sont pas en groupes.
les savoirs scientifiques.
compétences d’inves- exemptes de valeurs.
Explicitation des procé-
tigation.
dures apprises.

Procédures pour réaliser


(principalement guidée)

l’enquête. Elles peuvent


problématisante

être menées avec un Identifier quand la colla-


Mobilisation des savoirs certain guidage, si boration en groupe est
Montrer que l’enquête se
scientifiques et non cela est approprié. nécessaire, et quand
construit sur des juge-
académiques dans de Démontrer la prise en il faut être autonome.
ments de valeur.
nouveaux contextes. compte de l’incertitude Importance de la pleine
en considérant les participation.
données empiriques et
de seconde main.

L’enquête est conduite


Collaboration en groupe en fonction de valeurs
Critique et pragmatique
(principalement ouverte)

Recontextualisation et pour générer des explicitées, en prenant


mise en question du questions ou des hypo- en compte plusieurs Peut fonctionner en
savoir scientifique thèses. Mettre en œuvre aspects tels que pleine autonomie et en
considéré comme per- une enquête et réaliser l’interrelation entre les pleine collaboration.
tinent et seul légitime une production. valeurs personnelles et Reconnaissance de
au regard de la contin- Adaptation du savoir et les valeurs collectives l’importance de savoir
gence de contextes de sa compréhension par exemple. négocier un consensus.
spécifiques. qui est dépendante des Identification de la nature
circonstances. politique de l’action
quand c’est nécessaire.

146 Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,


Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp
Formation et pratiques d’enseignement en questions

Nous faisons l’hypothèse que, si les scénarios didactiques pour développer une
citoyenneté critique mobilisent les trois approches didactiques, les plus favorables
devraient se centrer sur les approches de type problématisante, critique et prag-
matique.
L’enjeu pour l’équipe française impliquée dans ce projet est de proposer une dé-
marche d’investigation spécifique aux questions socialement vives dans la pers-
pective de l’Education au Développement Durable (EDD).
L’équipe française a choisi de construire une démarche dite « d’enquête » pour évi-
ter que les enseignants transfèrent la démarche d’investigation maintenant clas-
sique dans l’enseignement scientifique sans l’adapter aux spécificités des QSV
dans une approche de la durabilité (par exemple : sur des questions liées à l’ali-
mentation, à l’usage de l’énergie, à la réduction de l’usage des pesticides, au res-
pect du bien-être animal...).
Depuis une dizaine d’années, les curricula français prônent la mise en œuvre di-
dactique d’une « démarche d’investigation », dont les principales caractéristiques
selon Boilevin (2013, p. 264) sont que l’élève apprend des savoirs scientifiques en
réalisant des tâches qui ne sont pas uniquement des tâches d’ordre expérimental ;
en participant à la validation des productions des autres élèves, autrement dit en
participant au choix argumenté entre plusieurs méthodes, plusieurs hypothèses,
plusieurs protocoles expérimentaux, plusieurs explications, plusieurs modèles. Il
demeure cependant une grande variété dans la définition et surtout dans la mise
en œuvre de la démarche d’investigation en sciences en classe (Cariou, 2015),
même si la référence à Dewey est fréquente. Ponctuellement questionnée en di-
dactique des sciences économiques (Dollo, 2009) ou de l’histoire (Loison, 2006), la
démarche d’investigation nous parait mobilisable sur les dimensions sociales que
portent les QSV.
Comme celle d’investigation, la démarche d’enquête se réfère elle aussi à la notion
d’expérience mise en valeur depuis longtemps par Dewey (1938) et l’enquête y
est aussi appréhendée comme une expérience vécue par les étudiants, dans le
sens où il s’agit d’une exploration d’un environnement social constamment en évo-
lution. Selon Dewey, le développement de la pensée et le contexte dans lequel
l’expérience survient sont indissociables. L’enquête est le moyen d’organiser des
expériences d’interactions entre acteurs, d’y exercer sa citoyenneté puisqu’il est
question de « coopérer en donnant aux différences et aux différends une chance de
se manifester parce qu’on a la conviction que l’expression de la différence et du
désaccord est non seulement un droit d’autrui, mais aussi un moyen d’enrichir sa
propre expérience de vie » (Dewey, 2006/1939, p. 255). Comme l’avance Chateau-
raynaud (2015), « l’idée de co-construction, de continuité ou d’interférence entre
les formes de savoirs a fini par s’imposer, au moins dans les discours, allant parfois
jusqu’à modifier durablement les conditions de production des expertises, deve-
nues « collectives », « plurielles », « dialogiques » ou « citoyennes » – ce qui fait bien
sûr écho à la capacité d’agir de la communauté d’enquête liée à la formation des
publics selon John Dewey (2010/1927) ». Dans cette logique de démocratie dialo-
gique promue par Dewey, l’éducation est une source importante d’émancipation.
La démarche d’enquête que nous souhaitons promouvoir n’a pas pour objectif
d’identifier UNE solution, c’est le processus d’enquête lui-même qui est un objectif

N° 22 / 2017 / pp. 143-160 147


Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable
dans la perspective des Questions Socialement Vives

d’apprentissage, analysant les controverses, leurs interconnexions, les liens et op-


positions entre les acteurs, les réseaux d’emprise. Autrement dit, l’important dans
la démarche d’enquête est surtout l’expérience vécue de la conduite de l’enquête
pour développer compétences et savoirs, tout en s’interrogeant sur les rapports de
légitimité entre différents types de savoirs mobilisés (scientifiques, professionnels,
sociaux...).
La dimension citoyenne et démocratique est également étayée par les principes du
débat promu par Habermas (1992) visant la justice éthique et sociale. L’enquête est
un changement de paradigme didactique : pour reprendre l’approche de Ladage et
Chevallard (2011), l’enquête remplace la « visite des œuvres » par le « questionne-
ment du monde », et la pédagogie de l’enseignant par la pédagogie de l’enquête.
Il s’agit de remplacer le rapport à l’ignorance et à la connaissance en proposant un
modèle proactif, plutôt que rétroactif, où les élèves apprennent de l’enquête dans
son mouvement exploratoire.
Dans la perspective de l’EDD et d’une durabilité forte (Simonneaux & Simonneaux,
2011), cette démarche peut contribuer à une éducation scientifique, sociale, poli-
tique et économique, mais nous observons aussi des points communs avec l’en-
seignement humaniste des sciences prôné par Freire : « This argument (huma-
nist) brings to discussion to the need of transforming scientific and technologi-
cal modern society through human values, preparing the students for a society in
which sustainable knowledge and responsible action are the norms. This is not a
movement anti-technology, but a movement against a particular model of economic
development and technological practice » (Santos & Mortimer, 2002, p. 646). Elle
devrait alimenter chez les élèves « the understanding of environmental risks ; the
power of domination that the technological system impinges in culture ; the diffe-
rence between human needs and markets’ needs ; and the developing of attitudes
and values consistent with a sustainable development » (Santos & Mortimer, 2002,
p. 647).
Cette recherche vise à i) élaborer un cadre théorique et méthodologique sur la
démarche d’enquête sur les QSV dans la perspective de la durabilité (QSVD), ii)
construire des communautés transnationales d’enseignants, de formateurs, de
médiateurs scientifiques et de chercheurs en éducation à la citoyenneté et à la
durabilité pour mettre en œuvre et évaluer des applications de cette démarche,
iii) développer les compétences relevant de la démarche EQSVD chez des ensei-
gnants européens du secondaire ainsi que chez des formateurs à travers la forma-
tion continue et initiale.

modélisation et propriétés de la démarche d’enquête


socio-scientifique
La démarche d’enquête socio-scientifique (figure 1) se différencie de la démarche
d’investigation tout d’abord par la nature et la structuration des phases d’explora-
tion de la question. La figure 1 présente dans les hexagones les dispositifs didac-
tiques qui peuvent être mobilisés et à la périphérie les cinq phases de l’enquête
QSVD. Le tableau 3 décrit des composants possibles des différentes phases. Dans
cette démarche, le principe de récursivité est essentiel et traduit une approche
complexe du processus d’enquête, où les éléments constitutifs de la démarche

148 Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,


Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp
Formation et pratiques d’enseignement en questions

s’actualisent entre eux, au fur et à mesure de l’évolution de la dynamique d’explo-


ration. Il s’inspire directement de « l’idée récursive » (Morin, 1990, p. 100) qui se
place « en rupture avec l’idée linéaire cause/effet, de produit/producteur, de struc-
ture/superstructure, puisque tout ce qui est produit revient sur ce qui le produit
dans un cycle lui-même auto-constitutif, auto-organisateur et auto-producteur ».
Dans la démarche d’enquête, ce principe permet la rétroaction entre les phases,
mais aussi en interniveaux avec les dispositifs. Ainsi, les différentes phases de tra-
vail nécessitent d’y revenir régulièrement et ne peuvent être définitivement closes
avant la conclusion provisoire de l’enquête qui peut conduire à plusieurs solutions
(en cohérence avec le caractère « ouvert » et souvent complexe des questions abor-
dées). De plus, le processus est plus important que le résultat qui n’est considéré
comme valide que momentanément, dans un contexte sociohistorique donné. Les
apprenants ont une responsabilité accrue dans l’identification des questions ou la
problématisation et dans le choix des ressources qui seront mobilisées. L’ensei-
gnant est un spécialiste méthodologique dans le sens où son rôle consiste essen-
tiellement à guider la démarche suivie par les élèves. Il peut proposer une série
de dispositifs pour conduire chacune des phases de l’enquête, mais il n’est pas
le principal porteur de savoirs. Le cœur didactique de la démarche se situe bien
davantage dans la dynamique de problématisation et de questionnement, c’est-à-
dire dans le processus d’enquête, que dans l’outil en soi.

Figure 1 : La démarche d’enquête QSVD, un processus d’exploration récursif

N° 22 / 2017 / pp. 143-160 149


Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable
dans la perspective des Questions Socialement Vives

Tableau 3 : Illustration des différentes phases de l’enquête QSVD


Nature des données : scientifiques, syndicales, juridiques...
Nature des sources : enquête de proximité, interview d’expert, médias, Web, discours
recueil et analyse d’acteurs
d’informations Acteurs impliqués : visibles / cachés
Nature des arguments : scientifique, axiologique, économique, politique...
Critique des informations : fiabilité, redondance, pertinence ... ou opposition

réflexivité/subjectivité des Réflexivité / subjectivité : individuelle et professionnelle (enseignant)


enquêteurs Distance des enquêteurs face au problème et aux acteurs
Mise en relation des données / des acteurs / des actants (conjectures)
Explicitation des raisonnements socio-scientifiques
Identification des nœuds de controverse en relation avec la théorie de l’acteur réseau
explicitation et construction
(Callon, 1990 et Latour, 2007), des nœuds interdisciplinaires, des noyaux conceptuels, des
des raisonnements
îlots de rationalité (Fourez, 1998)
Construction, mobilisation d’un/de modèle(s)
Identification des incertitudes, des risques...
Proposition d’actions possibles : politiques et citoyennes, scientifiques, professionnelles...,
pistes de réponses possibles
locales (dans le territoire, dans le lycée...) ou globales

rendre compte de la Rendre public la démarche, la (les) solution(s), les positions, les arguments, les actions
démarche et des conclusions possibles..., la problématisation et son évolution, les modes d’organisation du travail, les
provisoires de l’enquête temps de régulation, les supports de travail, les dysfonctionnements...

Dans le contexte de l’EDD, l’équipe française a choisi de traiter la question « quelle(s)


agriculture(s) pour nourrir l’humanité ? » avec des enseignants en formation qui
devaient ensuite mettre en œuvre la démarche sur ce thème avec leurs élèves. Les
différentes formations ont commencé par la construction d’une carte des contro-
verses autour de cette question en s’inspirant des travaux de Callon (1990) et La-
tour (1989, 2007) supportés par la théorie de l’acteur réseau. Dans cette théorie, le
monde ne doit pas être pensé en termes de groupes sociaux, mais en termes de
réseau d’acteurs. Le social est appréhendé comme étant un effet causé par les inte-
ractions successives d’actants hétérogènes. Les acteurs - appelés actants - peuvent
être humains ou non humains. Un actant est identifié par ses actions performatives,
autrement dit des actions qui font exister un nouvel état de la controverse. La forme
du réseau est déterminée par les actants et leurs interactions. Cette cartographie
permet de clarifier les arguments, intérêts, alliances et oppositions des actants, et
les relations transitoires qui sont à la fois matérielles (entre les choses) et sémio-
tiques (entre concepts). Cette démarche permet d’aborder les aspects techniques
et scientifiques d’une QSV et également les aspects politiques, juridiques, moraux,
éthiques et autres qui doivent être pris en considération (Latour, 2007) et de dé-
ployer la complexité de la question. La construction de la cartographie a permis
aux sous-groupes d’enseignants de choisir des problématiques spécifiques à la
question centrale sur lesquelles ils souhaitaient que leurs élèves mènent l’enquête.
Ensuite, ils ont élaboré en sous-groupes des scénarios didactiques pour la mise en
œuvre de la démarche d’enquête.
Nous proposons maintenant de rendre compte de la façon dont des enseignants en
situation de formation à la démarche d’enquête se sont approprié celle-ci et l’ont
mobilisée dans l’élaboration de scénarios didactiques.

150 Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,


Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp
Formation et pratiques d’enseignement en questions

appropriation de la démarche d’enquête par des enseignants


en formation
A partir de la façon dont des enseignants stagiaires en formation initiale se sont
engagés dans la démarche d’enquête et des sept scénarios didactiques qu’ils ont
construits pour aider leurs élèves à la mettre en œuvre, nous analysons notamment
la nature et les caractéristiques des phases de la démarche, les modes de récursi-
vité déployés, et enfin le(s) type(s) d’approche(s) didactique(s) choisi(s) et la prise
en compte des contextes éducatifs.

Contexte de formation
Des enseignants stagiaires ont suivi dans le cadre de leur formation de master 2
MEEF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) une unité
d’enseignement dans laquelle la démarche d’enquête et la didactique des QSV leur
étaient présentées et étaient mobilisées pour construire en groupe des scénarios
didactiques. Cette formation s’est déroulée à l’ESPE de l’Université de Montpellier
(Education Nationale) pour 12 enseignants stagiaires de la discipline Sciences de
la Vie et de la Terre, et parallèlement à l’ENSFEA de Toulouse (Enseignement Agri-
cole) pour 16 enseignants stagiaires de différentes disciplines (horticulture, zoo-
technie, information-documentation, éducation sociale et culturelle, agroéquipe-
ment, économie, mathématiques, technologies de l’informatique et du multimédia).

L’engagement des enseignants dans la démarche d’enquête (de)

Nature et caractéristiques des phases de la DE dans les scénarios


Nous présentons dans le tableau 4 ci-dessous les différents scénarios construits au
travers des phases de la démarche d’enquête qu’ils mobilisent.
Nous remarquons une grande diversité des modalités pédagogiques mobilisées
dans chacune des phases : la collecte d’informations peut par exemple prendre la
forme d’une étude documentaire, mais aussi d’interviews d’acteurs ou de sondages
organisés par les élèves. De même, les moyens de rendre compte de l’enquête sont
variés, depuis l’utilisation d’un carnet de bord jusqu’à l’animation d’un blogue ou la
production d’une affiche. La démarche d’enquête est majoritairement située dans
l’espace classe, ce qui indique que les enseignants inscrivent cette démarche dans
la continuité de pratiques d’enseignement plus traditionnelles alors que Dewey
préconise que l’expérience des élèves soit vécue au sein des communautés, ce
qui participe de l’authenticité des questions traitées. Des dispositifs didactiques
liés aux QSV sont également intégrés à la démarche d’enquête (mise en place de
débats, cartographies de controverses par exemple). Seuls deux scénarios n’ont
pas intégré toutes les phases de la démarche d’enquête, ce qui traduit globale-
ment une bonne appropriation de la démarche, mais peut aussi révéler un besoin
ponctuel d’explicitation de certaines phases plus problématiques à appréhender
en fonction du contexte et de la question choisie.

N° 22 / 2017 / pp. 143-160 151


Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable
dans la perspective des Questions Socialement Vives

Tableau 4 : principales caractéristiques des scénarios didactiques produits par les ensei-
gnants stagiaires

phases de la de pistes de
recueil et ana- réflexivité / sub- explicitation et
réponses Compte-rendu de
lyse d’informa- jectivité des construction des
possibles- l’enquête
scénarios tions acteurs raisonnements
actions
L’exploitation Recherche docu- Production de
Identification des
agricole du lycée mentaire; Travail d’imagi- scénarios du futur
acteurs ; grille Carnet de bord
en 2050 Interview de pro- nation de l’exploitation
d’entretien
[ensFea 1] fessionnels du lycée
Recherche docu-
La diversité Construction
mentaire; Temps de position-
végétale d’arguments pour Débat en classe Carnet de bord
Interview nement personnel
[ensFea 2] un débat
d’acteurs
Travail de com-
Les alternatives Positionnement
Recherche docu- munication sur Exposition dans le
alimentaires [ens- personnel sur un Blogue
mentaire les supports de lycée
Fea 3] blogue
communication
Recherche docu- Stand lors des
Les modèles Construction Présentation orale
mentaire; Positionnement ini- journées portes
agricoles de 2050 d’arguments pour et à travers des
Sondage dans tial sur le thème ouvertes et dans
[ensFea 4] un débat en classe affichages
l’établissement une jardinerie
Recherche docu-
Compatibilité Expression d’un
mentaire à l’aide Travail de
entre agricul- point de vue Publication d’un Discussion orale
du professeur positionnement
ture intensive et raisonné sous article dans le à la fin de la
documentaliste et autour d’un corpus
dignité animale forme d’article journal d’un lycée démarche
mise en ligne sur d’informations
[espe 1] journalistique
« Padlet »
Causes et consé-
Analyses d’articles Rédaction d’un Construction d’une
quences de la
préalablement article en réponse grille d’analyse
disparition des ø Carnet de bord
sélectionnés par à la problématique des articles à
abeilles
les enseignants posée disposition
[espe 2]
production et com- Intervention d’ac- Identification des
mercialisation des teurs extérieurs en arguments et inté- Exposition d’une
ø Poster
huiles de palme tant que personnes rêts des acteurs affiche
[espe 3] ressources invités

Modes de récursivité déployée


Deux types de récursivité peuvent être identifiés dans les scénarios proposés par
les enseignants stagiaires. La succession et la répétition de certaines phases de
l’enquête sont une première forme de récursivité : les élèves suivent une « piste »,
dont le cheminement n’est pas linéaire. Nous appelons « effet tourbillon » ce pre-
mier type de récursivité, en référence à Morin (1990). La démarche d’enquête est
également une expérience vécue par les élèves et à ce titre, son histoire se nourrit
des phases successives qui la constituent. Nous appelons « effet boule de neige » ce
deuxième type de récursivité.

Caractéristiques de la « piste » suivie par les élèves : l’« effet tourbillon »


La démarche d’enquête est constituée d’une succession de phases, qui sont explo-
rées par les élèves et dont la principale caractéristique est d’être non linéaire.
Nous illustrons cette récursivité par l’exemple du scénario [ENSFEA 1].
Dans ce scénario, les enseignants exposent la problématique en informant les
élèves de divers constats (crise agricole, enjeux environnementaux, enjeux de
santé publique, enjeu démographique) et décrivent l’organisation du projet : les
élèves travaillent en groupes, chaque groupe est porteur d’un scénario d’évolu-
tion de l’agriculture qui leur est fourni (Phase 1 : recueil d’informations). Au sein

152 Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,


Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp
Formation et pratiques d’enseignement en questions

d’un groupe, chaque élève a en charge l’interview d’un acteur réel (professionnel,
citoyen, etc.), il prépare ainsi son enquête à partir d’informations recueillies sur
l’acteur qu’il a identifié (Phase 2 : raisonnement). L’ensemble des informations est
écrit sur son carnet de bord (Phase 3 : compte-rendu) et mène l’entretien sur le site
de l’acteur (Phase 4 : recueil d’informations). Il utilise son carnet de bord pour col-
lecter les informations et pour rendre compte de son enquête aux autres élèves du
groupe (Phase 5 : compte-rendu). Chaque groupe travaille alors à imaginer (Phase
6 : subjectivité) l’exploitation du lycée en 2050 suivant son scénario et en prenant en
compte tous les éléments qu’ils ont pu recueillir (Phase 7 : raisonnement). Chaque
scénario produit (Phase 8 : solutions possibles) est exposé oralement au reste de la
classe (Phase 9 : compte-rendu).
Certaines phases sont de plus synchrones : il est par exemple difficile de sépa-
rer temporellement les phases 6, 7 et 8 qui sont toutes mises en œuvre dans la
construction des scénarios de prospective.
La figure 2 modélise la piste suivie par les élèves :

Figure 2 : Exemple d’articulation des différentes phases de l’enquête


Chaque scénario, modélisé de la même manière, montre cette récursivité non li-
néaire suivant l’image d’un tourbillon, mais chaque piste est différente et propre à
la démarche suivie par les élèves.
On note toutefois que certaines phases sont moins présentes dans les scénarios
(par exemple la phase de subjectivité / réflexivité est relativement peu travaillée,
les enseignants n’interrogeant qu’à la marge leurs opinions personnelles sur la
question traitée ou encore l’institution scolaire en temps qu’acteur potentiel de la

N° 22 / 2017 / pp. 143-160 153


Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable
dans la perspective des Questions Socialement Vives

controverse), ce qui peut s’expliquer à la fois par le manque de familiarité des en-
seignants avec ce type de travail à conduire avec les élèves, comme par le format
de la formation qui n’a pas spécifiquement travaillé ce point avec les enseignants
stagiaires.

récursivité et « effet boule de neige »


La récursivité ne se situe pas uniquement dans la succession ou la répétition de
phases qui seraient autant d’étapes de la démarche. Chaque nouvelle phase se
nourrit des phases précédentes et les intègre afin que l’enquête évolue. La récur-
sivité se traduit non seulement par des phénomènes de rétroaction, mais par une
évolution intraniveau de questionnement et de(s) dispositif(s) au sein d’une même
phase de l’enquête et la récursivité interniveaux se traduit par une modification
des questionnements et des activités entre les différentes phases au fur et à mesure
de l’avancement de la DE.
Nous avons identifié certains leviers qui sont des « organiseurs » de récursivité : ce
sont des outils ou dispositifs qui sont conçus par les enseignants pour créer de la
continuité dans l’expérience vécue par les élèves. Par exemple, la cartographie de
controverses est un dispositif qui peut être mobilisé dans différentes phases de la
démarche, telles que :
• rendre-compte de l’enquête ;
• collection et analyse d’information ;
• réflexivité.
La cartographie a également été articulée entre les phases de la démarche et a
même pu favoriser leur enchaînement, c’est-à-dire que certains questionnements
dans l’élaboration de la cartographie renvoyaient à d’autres questionnements
concernant d’autres phases. Ainsi, alors qu’elles étaient elles-mêmes en situation
d’enquête pour construire le scénario de démarche d’enquête sur lequel elles tra-
vaillaient, le groupe d’enseignantes stagiaires abordant la question de la dignité
animale et de sa comptabilité avec le modèle d’élevage intensif [ESPE 1] a élaboré
une cartographie de controverse (figure 3).
Le but, pour elles, était de construire leur propre cartographie pour mieux organi-
ser ensuite pour les élèves la phase de recueil d’informations. Lors de ce travail,
alors qu’elles plaçaient les acteurs de la controverse sur la carte, elles ont identifié
des acteurs éducatifs comme parties prenantes (la cantine scolaire de leur établis-
sement et l’administration qui la gère, en tant qu’acteur commanditaire au bout de
la chaîne de distribution alimentaire, par exemple). Face à ce constat a émergé une
interrogation simple, qui les a amenées à se projeter dans une posture réflexive :
où se positionneraient-elles sur la cartographie, en tant qu’actrices éducatives ? Où
se situeraient d’autres acteurs cruciaux dans cette controverse tels que le Ministère
de l’Education ou les porteurs de l’éducation aux médias ? Or, leur objectif initial
n’était pas encore d’aborder la phase de réflexivité et subjectivité des enquêteurs,
mais c’est bien l’utilisation de la cartographie, par la dynamique de questionne-
ment qu’elle initie via le recueil d’informations, qui les a conduites à nourrir cette
réflexion par rétroaction.

154 Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,


Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp
Formation et pratiques d’enseignement en questions

Figure 3 : Reproduction d’un exemple de cartographie de controverse élaborée par les en-
seignantes stagiaires de l’ESPE de l’Université de Montpellier (Education Nationale)
Les traces laissées par ce dispositif de la cartographie de controverse révèlent
ainsi certaines propriétés de la démarche d’enquête. Sa récursivité entre phases et
dispositifs s’exerce tout autant sur le temps de l’enquête et notamment sur l’évolu-
tion de la formulation de la question. Un groupe d’enseignants stagiaires travaillant
à propos de la production et de la commercialisation de l’huile de palme [ESPE
3] et utilisant également l’outil de la cartographie pour construire son scénario a
produit trois cartes différentes. Ces trois supports relatent sur un plan chronolo-
gique la dynamique de questionnement des enseignants : alors que la première
carte (réalisée lors de la première séance en mars 2016) identifie une sphère du
« politique » sans en préciser les acteurs et sans distinction d’échelle et de temps,
la troisième carte (réalisée avant la dernière séance en mai 2016) précise que ces
acteurs sont Ségolène Royal et sa déclaration du 15 juin 2015 à propos de l’huile
de palme entrant dans la composition du Nutella, ainsi que le gouvernement fran-
çais depuis 2012 et ses propositions de taxations des produits contenant de l’huile
de palme. En échangeant avec ces enseignants, ils nous ont précisé que la pro-
gression de leur enquête les a amenés à situer leur échelle géographique et la
période sur laquelle ils se basaient pour mener leur analyse. Cette évolution du
cadrage de la question et de sa contextualisation s’est faite progressivement, de
manière dynamique et récursive, à travers les différentes phases de la démarche.
A ce titre, nous pouvons même envisager que la précision et la pertinence de la
problématique posée peuvent tout autant constituer une sorte d’aboutissement à
la démarche d’enquête mise en œuvre, au même titre que les pistes de solutions
envisagées. L’enquête ne prend pas fin avec la ou les solutions proposée(s), c’est
l’instruction de chacune des phases qui rend compte de l’expérience vécue et in
fine de ce qui en a été appris.

N° 22 / 2017 / pp. 143-160 155


Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable
dans la perspective des Questions Socialement Vives

En outre, l’usage d’un outil de compte-rendu (carnet de bord, blogue) qui s’implé-
mente au cours de l’enquête semble être également de nature à favoriser l’intégra-
tion progressive du travail mené dans les différentes phases qui se sont succédé.
Cet outil pourrait constituer un support pour la phase de réflexivité / subjectivité
évoquée plus précédemment.
Une démarche qui conduit à une action sociale (comme l’organisation d’une expo-
sition, d’un débat, l’écriture d’un article) puise sa récursivité dans cette production :
chaque phase est mobilisée, réinterrogée, retravaillée en vue de cette production.
De même, une collecte de données hétérogènes (comme dans les scénarios où
étude documentaire et interview sont mises en place, [ENSFEA 1 et 2]) conduit à
une articulation de phases pourtant séparées dans le temps.
Dans les scénarios [ENSFEA 1 à 4] construits par des groupes interdisciplinaires
d’enseignants, on note que ces outils ou actions sont pris en charge par des en-
seignants dont c’est justement la spécialité : le travail de communication (affiches,
etc.) ou la mise en place d’actions est effectué avec l’enseignant d’éducation socio-
culturelle (ESC), le travail sur le blogue est sous la responsabilité de l’enseignant
de TIM (Technologies de l’informatique et du multimédia), le travail de recherche
documentaire est encadré par l’enseignant d’information-documentation.

Type(s) d’approche didactique choisie


En ce qui concerne la construction du problème, nous l’avons dit, la formulation
de la question posée est placée au cœur du processus de démarche d’enquête,
car elle révèle que le processus est plus important que le résultat en tant que tel.
La manière dont les enseignants envisagent cette problématisation est un élément
significatif pour juger de leur façon d’appréhender la démarche. Dans certains cas,
la problématisation est dévolue de manière forte aux élèves :
« Au cours d’une deuxième séance, les élèves seront amenés à confronter leurs
points de vue par petits groupes, au travers d’un débat, afin de proposer une pro-
blématique commune sur le sujet. » [ESPE 1, p. 6].
Dans cet exemple de scénario, la conception de la problématisation s’inscrit dans
une approche critique pragmatique (cf. tableau 2). La formulation de la question
est dévolue aux élèves qui collaborent en groupe pour la générer.
En revanche, d’autres cas traduisent une volonté de maîtriser le processus de ques-
tionnement, ce qui conduit à une fermeture de la démarche :
« En dégager en collégiale la problématique : quelles sont les causes et consé-
quences de la disparition des abeilles ? » [ESPE 2, p. 6]
« La problématique est ensuite clairement exposée aux élèves. » [ESPE 3, p. 5]
Ici, la question est déjà formulée à l’avance, et même si la méthode pédagogique
déployée vise une procédure « collégiale » pour y arriver, le processus relève clai-
rement d’une approche didactique de type doctrinal sur laquelle l’enseignant peut
rebondir pour engager les élèves vers une approche plus ouverte.
Le déploiement de l’enquête est analysé dans l’analyse des scénarios. Il ne s’agit pas
pour nous de tirer des conclusions hâtives à partir de l’unique facteur du guidage

156 Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,


Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp
Formation et pratiques d’enseignement en questions

de la problématisation. Les approches didactiques déployées par les enseignants


ne relèvent pas uniquement du doctrinal, du problématique, ou du critique-prag-
matique. Les scénarios pédagogiques hybrident les approches de manière plus ou
moins pragmatique, dans le but de les adapter au contexte d’enseignement qui est
projeté, au sujet controversé qui a été retenu, mais aussi sans doute aux habitudes
professionnelles des enseignants qui ont tendance à élaborer le scénario à partir
des pratiques qu’ils maîtrisent ou développent déjà, dont la démarche d’investiga-
tion hypothético-déductive. Par exemple, un scénario [ESPE 1], dans son déploie-
ment, propose une approche problématisante sur le plan des savoirs et des valeurs,
mais se situe davantage dans la perspective critique-pragmatique quant aux com-
pétences et dispositions visées chez les élèves.
Ceci dit, dans la majorité des scénarios analysés (notamment [ENSFEA 1-4]), il y a
une évolution dans l’approche didactique : la démarche d’enquête est initiée plutôt
de manière doctrinale (apports des enseignants, problématique imposée, consignes
strictes de travail y compris en termes de productions finales), puis le travail de
problématisation est effectué, le plus souvent via une recherche documentaire gui-
dée, qui vise à affiner la problématique de départ, et finalement la démarche se
développe dans une approche critique-pragmatique, dans laquelle les élèves sont
libres de prendre des directions précises, en termes de collecte d’informations, de
raisonnements ou bien d’expressions de leur subjectivité ou réflexivité.
Les scénarios construits par les enseignants stagiaires ont la particularité de ne pas
se conclure par un moment d’institutionnalisation de savoirs, comme c’est l’usage
dans la démarche d’investigation. Il s’agit de considérer l’enquête comme étroite-
ment dépendante de son contexte sociohistorique de production et donc de souli-
gner sa nécessaire actualisation.
Cette modalité de conduite du milieu d’étude pour les élèves relève d’une ouver-
ture progressive, avec un important balisage de l’activité des élèves par les ensei-
gnants : il y a donc dans les scénarios la volonté de minimiser les incertitudes liées
à leur propre action ou réaction.
L’ouverture est circonscrite à l’intérieur des espaces construits. C’est sans doute
un effet dû au type de données sur lesquelles nous avons travaillé : les scénarios,
en tant que traces de l’activité enseignante, sont justement un outil de minimisation
des incertitudes d’action pour l’enseignant.

Prise en compte du contexte éducatif dans l’élaboration des scénarios


Dans notre analyse, nous avons fait le choix de ne pas différencier outre mesure
les scénarios produits dans le contexte de l’Education Nationale de ceux produits
pour l’Enseignement Agricole. La démarche d’enquête, telle que nous la concevons,
est en effet une démarche multidisciplinaire qui prend en compte les adaptations
nécessaires aux contraintes curriculaires et à l’environnement scolaire. Toutefois,
certaines de nos conclusions doivent être discutées au regard de ce contexte diffé-
rencié de production sur la thématique choisie. L’intégration des acteurs extérieurs
à l’école représente notamment un pas de côté beaucoup plus important pour les
enseignants stagiaires de SVT de l’Education Nationale que pour les enseignants
des filières agricoles qui, du fait de la nature professionnelle des enseignements,

N° 22 / 2017 / pp. 143-160 157


Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable
dans la perspective des Questions Socialement Vives

ont l’habitude d’intégrer le terrain et ses acteurs à leurs projets éducatifs. La phase
réflexivité et subjectivité des enquêteurs peut également poser davantage de pro-
blèmes vis-à-vis de la posture déontologique adoptée par les enseignants. Si la
prescription déontologique se base sur les mêmes principes en filières générales
et en filières agricoles, la manière de l’interpréter et de la vivre n’est pas forcément
la même. Deux scénarios sur trois produits à l’ESPE (aucun à l’ENSFEA) mentionnent
la nécessité pour l’enseignant de rester neutre et d’organiser la démarche d’en-
quête dans le cadre des valeurs républicaines, ce qui peut connoter une volonté de
refroidir le processus d’exploration sur le plan des valeurs, hypothèse qui ne peut
être vérifiée que par l’analyse de la corrélation entre les intentions du scénario
et les pratiques d’animation et de cadrage de la démarche d’enquête en activité,
dans la classe. L’analyse des scénarios construits par les enseignants est donc la
première étape d’une recherche sur la mise en œuvre de la démarche d’enquête.

Conclusion
Il nous semble que la démarche d’enquête prend sens pour les enseignants sta-
giaires qui l’ont mobilisée en formation dans la mesure où cette démarche permet
d’articuler de manière cohérente des dispositifs et des activités de traitement des
QSV, en restant attentifs au caractère interdisciplinaire, ouvert et contextualisé du
questionnement propre à ces questions.
L’une des difficultés majeures quant à l’appropriation de cette démarche réside
dans la parenté qui pourrait être faite avec la démarche d’investigation (bien
connue des enseignants et d’inspiration hypothético-déductive) alors qu’elle s’en
démarque, notamment par la mise en œuvre d’un questionnement social et scien-
tifique, ouvert, complexe, qui s’incarne dans une récursivité centrale et circulaire
du processus d’enquête.
Cette première mise en œuvre de la démarche d’enquête en formation nous a éga-
lement permis d’appréhender la façon dont les enseignants envisagent les chan-
gements de postures qu’elle suppose. Changement de posture des élèves d’une
part, puisque la légitimation de l’activité des élèves n’est plus fondée sur le par-
tage de connaissances académiques, mais sur la construction d’un rôle social fon-
dé sur un travail collaboratif, réflexif, critique vis-à-vis des formes d’autorité. C’est
bien cette fonction à visée émancipatoire que vise une éducation à la citoyenneté
critique, en particulier dans le rapport à la vérité. Et ce changement de paradigme
n’a pas posé problème aux enseignants stagiaires parce qu’ils y ont identifié l’une
des dimensions éducatives de leur métier. Ils ont pu réduire les imprévus qui pou-
vaient émerger dans la conduite de la démarche en balisant la démarche, mais ils
ont accepté les incertitudes épistémologiques qui pouvaient surgir au cours de
la démarche d’enquête. Ils ont même témoigné de l’intérêt de pouvoir s’appuyer
sur une démarche formalisée pour faire valoir auprès de l’institution la légitimité
d’une telle orientation éducative.
La démarche d’enquête suppose d’autre part un changement de posture des ensei-
gnants eux-mêmes. Ils sont en effet amenés à accompagner le processus d’enquête
sur le plan de la méthode en acceptant le caractère ouvert de l’enquête, les multiples
directions que pourront lui donner les élèves. De ce point de vue, les enseignants
stagiaires de l’enseignement agricole proposent une transposition pédagogique de

158 Jean Simonneaux, Laurence Simonneaux, Nicolas Hervé, Lucas Nédélec,


Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp
Formation et pratiques d’enseignement en questions

la démarche plus aboutie que les enseignants stagiaires de l’éducation nationale.


Au regard de la thématique choisie, leurs propositions de scénarios apparaissent
mieux ancrées dans l’authenticité des contextes sociaux, ce qui peut s’expliquer par
la proximité du thème choisi (l’alimentation) avec des questions agricoles. Ce carac-
tère authentique des situations proposées conduit à la confrontation des savoirs au
réel comme cela apparaît dans la conception deweyenne de l’enquête. Il est possible
également que le travail en interdisciplinarité, ce qui était le cas à l’ENSFEA et non
pas à l’ESPE, facilite le changement de posture professionnelle attendu.
Reste que la formation des enseignants à la démarche d’enquête dans ce cadre
SSIBL doit surmonter une difficulté réelle. Il s’agit en effet de faire en sorte que les
enseignants aient une maîtrise suffisante de la démarche sans pour autant que la
scénarisation didactique qu’ils en proposent pour orienter le travail des élèves ne
balise trop ce dernier, et donc n’en stérilise le caractère exploratoire. La clarifica-
tion des critères d’évaluation doit prévenir cette possible dérive, notamment en
intégrant la réflexivité portée sur la démarche.

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Menons l’enquête sur des questions d’Education au Développement Durable
dans la perspective des Questions Socialement Vives

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Grégoire Molinatti, Nadia Cancian et Amélie Lipp

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