Droit Des Societes
Droit Des Societes
Droit Des Societes
E
n dépit de la richesse qui peut être la sienne, un commerçant ne peut pas à partir des
moyens dont il dispose faire face aux multiples nécessités de l’économie moderne. C’est
ce qui justifie en partie la place des groupements dans la vie des affaires. Cependant, les
sociétés n’ont pas plus de droit que les individus. La société tout comme d’autre groupements,
est la matérialisation de la pluralité des personnes : associations et syndicats, partis et
congrégations, tribus et familles.
Chaque groupement fonctionne selon un système. Les groupements d’affaires sont variés. En
effet, on y retrouve les sociétés et le GIE (Groupement d’Intérêt Economique). Parmi les
sociétés, il y a : la SNC (Société à Nom Collectif) ; la SCS (Société en Commandite Simple) ; la
SARL (Société à Responsabilité Limitée) ; la SA (Société Anonyme).
Cependant, qu’est-ce donc qu’une société ? Le mot a deux sens.
D’une part, il peut désigner le contrat par lequel deux (2) ou plusieurs personnes conviennent
de mettre quelque chose en commun en vue de se partager les bénéfices ou de profiter de
l’économie qui pourrait en résulter. C’est l’acte constitutif de la société.
Pourtant, certaines sociétés peuvent être unipersonnelles, c’est-à-dire constituées par une
seule personne. C’est ainsi l’idée de patrimoine d’affectation qui se trouve traduite dans le
droit positif.
D’autre part, le mot société désigne la personne juridique dite personne morale, à laquelle est
affectée la chose mise en commun et qui est investie de la capacité juridique d’agir au nom et
dans l’intérêt de la collectivité. Dans le langage des affaires, le terme société vise
essentiellement la personne morale. Tandis que, l’acte de constitution est appelé acte de
société ou simplement statuts.
Les groupements de personnes sont de deux (2) sortes :
• Les groupements à but lucratif et ceux à but non lucratif.
Les premiers relèvent de l’argent, ils sont à but économique, telle est la vocation des sociétés.
Les groupements à but non lucratif sont à but désintéressé et poursuivent la réalisation d’un
idéal, telle est la vocation des associations.
Pendant longtemps, le critère de la recherche et du partage des bénéfices à prévalu et
permettait de distinguer la société de l’association.
Ainsi, la finalité de l’association est tout sauf le partage de bénéfices. Il se pose pourtant la
question de savoir ce que l’on entend par bénéfices.
La cour de cassation française dans un arrêt du 11 mars 1914 avait jugé que la caisse rurale de
Manigrad était une association et non une société (Dalloz périodique (DP) 1914 1 ère partie
page 257). A cet effet, elle avait défini le bénéfice comme étant « un gain pécuniaire ou un
gain matériel qui s’ajouterai à la fortune des associés ».
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Cette définition ne pouvait être battue en brèche, car elle s’accommodait mal à l’esprit du
droit commercial et du droit comptable, pour qui le bénéfice résulte aussi bien d’une
diminution des charges ou d’une augmentation des produits.
Depuis l’entrée en vigueur de l’AUDCG (Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général),
le nouveau critère est la recherche des bénéfices ou des économies car on peut s’enrichir en
faisant des économies. Les entreprises sociétaires peuvent être classées en trois catégories :
De même que les activités sont économiques et commerciales, les sociétés peuvent être
civiles ou commerciales. En principe, une société n’est civile que si l’objet de son activité est
civil. On classe généralement dans les activités civiles ; les activités agricoles ou artisanales,
les professions libérales ou intellectuelles, les opérations relatives aux immeubles (la location
d’immeubles).
Cependant, cette affirmation n’est vraie que si les fondateurs n’ont pas choisi la forme
commerciale.
Les sociétés civiles sont essentiellement des sociétés de personnes, dont les parts sont
cessibles sous certaines conditions.
Les sociétés publiques1 sont celles dont le capital est souscrit totalement ou au moins à 50 %
par une personne morale de droit public. Le régime de ces sociétés est régit par la loi du 11/82
du 24 janvier 1983 portant régime juridique des établissements publics, des sociétés d’Etat,
des sociétés d’économie mixte et des sociétés à participation financière publique.
Les sociétés de personnes sont celles dans lesquelles, les associés se regroupent en
considération de leur personnalité (intuitu personae) joue un rôle primordial dans ces
sociétés. Il s’agit aussi de sociétés dans lesquelles, les associés doivent agréer tout nouvel
associé et en principe l’incapacité ou le décès d’un associé met fin à la société, sauf s’il existe
une clause de continuation de l’activité à l’exemple des sociétés en noms collectifs et en
commandite simple.
A l’intérieur de la catégorie des sociétés de personnes on trouve tantôt des sociétés dotées
de la personnalité morale, tantôt dépourvues de la personnalité morale. En outre, aucune
société de personne ne peut faire appel public à l’épargne.
Les sociétés de capitaux quant à elles, sont des sociétés dont le régime n’est pas fondé sur la
personnalité des associés, mais plutôt leurs apports (intuitu pecuniae). Ceux-ci ne se
connaissent généralement pas, c’est l’exemple des sociétés anonymes.
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Il faut préciser que le terme d’établissement public convient le mieux. En effet, selon le législateur gabonais, la notion
d’entreprise ou de société publique n’est pas forcement adéquate dans la mesure où, un grand nombre d’entre elles échappent
par détermination de la loi ou par leur nature, à la catégorie d’entreprise publique puisque n’ayant pas d’activité industrielle ou
commerciale, critère de l’entreprise.
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Entre les sociétés de personnes et de capitaux se trouvent les sociétés hybrides, nommées
sociétés à responsabilité limitée, dont les traits caractéristiques sont empruntés tantôt aux
unes, tantôt aux autres. Elles sont à risques limités et ne peuvent émettre que des valeurs
mobilières (les parts sociales).
Il n’est pas non plus superflu de s’intéresser à la source du droit des sociétés. En effet, le droit
des sociétés remonte à l’antiquité même si la forme achevée des structures sociétaires date
de 1966 en France avec une réforme majeure qui a eu des répercussions sur le droit des
sociétés des colonies françaises d’Afrique.
Mais depuis la signature du traité de l’HOHADA et l’adoption de l’Acte Uniforme, ce dernier
est devenu la source première du droit des sociétés.
En définitive, on peut aussi s’interroger sur l’intérêt que renferme la forme sociale. Il résulte
de la structure sociétaire trois intérêts pratiques : pour les associés, les dirigeants et les tiers.
Pour les associés, c’est l’efficacité issue de la réunion d’un ensemble de ressources affectées
à une entreprise commune. Leur intérêt peut aussi être pécuniaire à l’exemple des sociétés à
risques limités. Cette sécurité n’est toutefois pas totale, lorsque l’associé est également
dirigeant. Pour les dirigeants, la sécurité est remise en cause si la société est déclarée en
cessation de paiement et que le juge établit l’existence d’une faute de gestion. Dans ce cas, le
tribunal peut les condamnés au comblement de l’insuffisance d’actif social et cette
condamnation sera exécutée sur le patrimoine personnel.
Pour les tiers, l’intérêt réside dans la continuité de la personne morale et celle de l’entreprise
sociale qui en résulte. La forme sociale permet aussi une certaine clarté dans la gestion, car
l’entreprise sociale relevant du patrimoine de la société échappe à l’universalité du patrimoine
de l’entrepreneur. Les créanciers d’une société échappent ainsi aux concours sur les biens
sociaux des créanciers personnels des associés.
La forme sociale présente un intérêt de souplesse dans le cadre de la transmission
successorale de l’entreprise sociale, soumise à une dévolution successorale. L’entreprise
individuelle serait soumise aux aléas de la liquidation et du partage, dangereux pour sa
stabilité et sa pérennité. En revanche, pour la transmission successorale de l’entreprise sociale
portant sur les droits sociaux c’est-à-dire les parts sociales ou actions, il faut préciser que ceux-
ci peuvent être partagés sans que l’unité de l’entreprise ne soit remise en cause. Parmi les
groupements, seules les sociétés commerciales feront l’objet de notre étude. Ainsi, nous
examinerons les dénominateurs communs à toutes les sociétés (Titre 1), avant de nous
appesantir sur les règles spécifiques à leur disparition (Titre 2).
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TITRE I : LA STATIQUE DES GROUPEMENT
COMMERCIAUX
Ne seront abordées dans cette partie, que les règles communes aux sociétés commerciales,
ainsi que celles relatives à leur constitution.
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CHAPITRE I°/ LA CONSTITUTION DE LA SOCIETE
COMMERCIALE2
Selon l’article 4 de l’AUDSC, la société commerciale est créée par deux (2) ou plusieurs qui
conviennent, par un contrat, d’affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature,
ou de l’industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui peut en
résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues par le
présent acte uniforme.
La société commerciale doit être créée dans l’intérêt commun des associés (affectio
societatis3) la loi prévoit des règles de constitution dont les unes sont relatives aux conditions
de fond section 1 et les autres aux conditions de forme section 2 le tout sanctionné en cas de
violation section 3.
Parce que la société commerciale est un contrat, sa constitution est soumise aux conditions
générales de validité des contrats et aux conditions particulières du contrat de société. Les
conditions de fond spécifiques aux sociétés commerciales concernent les personnes (§ 1) et
les biens affectés à l’activité (§ 2).
Toute personne physique ou morale peut être associée dans une société commerciale, à
condition de ne pas faire l’objet d’une interdiction, d’une incapacité ou d’une incompatibilité
visée par les articles 7 à 9 de l’AUDSC. Les mineurs et les incapables majeurs ne peuvent pas
ainsi, être associés d’une société dans laquelle ils seraient tenus de la dette sociale au-delà de
leurs apports. Ce qui les exclu des sociétés de personnes telles que les SNC art 270, et les SCS
art 293 AUDSC.
Les époux aussi ne peuvent pas être tous les deux associés dans une société où ils seraient
tenus du passif social indéfiniment et solidairement4. En principe, le nombre de d’associés doit
être au minimum de deux (2), mais par souci de favoriser l’insertion du secteur informel dans
2 Article 4 de l’AUDSC.
3Il s’agit de l’intention, qui doit animer les associés, de collaborer sur un pied d’égalité. Il implique non seulement un esprit
de collaboration mais aussi le droit pour chaque associé, d’exercer un contrôle sur les actes des personnes chargées
d’administrer la société.
4 Cf. Marius Tchendjou Le conjoint de l’associé RTD commerciale 1996 N° 3 409.
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le secteur formel et d’encourager la constitution de petites et moyennes entreprises (P.M.E),
la loi permet à une seule personne d’être associée d’une S.A ou d’une S.A.R.L art 5 AUDSC.
Dans tous les cas, il faut que les biens soient affectés à l’activité de la société.
Le but de la création de la création d’une société commerciale est de faire naître un sujet de
droit doté d’une personnalité juridique. Par conséquent, doté d’un patrimoine distinct de celui
des associés. C’est ce qui justifie que les associés soient tenus de faire des apports, faute de
quoi la société est fictive. Jusqu’à la complète réalisation de son apport, l’associé est débiteur
de la société. Selon l’art 40 de l’AUDSC il peut apporter de l’argent par apport en numéraire,
des droits portant sur des biens en nature, mobiliers, corporels ou incorporels, par apport en
nature. Mais également, des connaissances techniques ou professionnelles ou des services,
par apport en industrie ; tout autre apport est interdit.
Seuls les apports en nature ou en numéraire entre dans la composition du capital social, c’est
pourquoi on les nomme apports capitalisés, par opposition à l’apport en industrie non
capitalisé.
❖ L’apport en numéraire
C’est l’apport d’une somme d’argent dont la propriété est définitivement transférée à la
société en contre partie de l’attribution d’action ou de part sociales. L’apport en numéraire
pose certains problèmes :
D’une part la souscription qui fait naître à la charge de l’associé l’obligation d’effectuer son
apport et d’autre part la libération qui correspond aux versements effectifs de la somme
promise par l’associé. L’apport en numéraire doit être réel et sérieux, c’est-à-dire que la
dépossession doit être réelle et durable.
❖ L’apport en numéraire
Il s’agit de tous les apports de biens meubles ou immeubles à l’exception des espèces
monétaires, peu importe que le bien soit corporel ou incorporel, l’apport en nature peut
prendre plusieurs formes.
Il peut être fait en pleine propriété dans ce cas, il se réalise par le transfert de la propriété du
bien et sa mise à la disposition effective de la société. Le bien apporté quitte en effet le
patrimoine de l’apporteur, c’est une aliénation exigeant la capacité de disposer à titre
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onéreux. L’apport peut être un droit réel, c’est-à-dire en usufruit5 ou en nue propriété 6.
Lorsqu’il est fait en nu propriété, il permet à la société de se réserver un droit sur un bien utile
à son développement futur.
Lorsque le transfert du bien est soumis à la publicité, l’apport de ce bien doit être publié pour
être opposable aux tiers.
L’apport peut se faire aussi en jouissance dans ce cas, l’associé se limite à apporter à la société
la jouissance du bien, ce qui lui permet de le récupérer lors de la dissolution. Dans cette
hypothèse, l’apporteur est garant envers la société comme un bailleur envers un preneur.
L’évaluation de l’apport en nature est problématique, car si l’apport est sur évalué, l’apporteur
est privilégié par rapport aux coassociés et le capital social artificiellement sur évalué.
Si l’apport est sous-évalué, l’apporteur est lésé par rapport aux autres associés. C’est pourquoi
l’AUDSC en son art 49 prévoit que les associés évaluent les apports en nature. Cette évaluation
doit être contrôlée par un commissaire aux apports, dans les cas prévus par la loi. Cependant,
il existe des cas où l’évaluation est directement faite par les commissaires aux apports. Ainsi,
dans les SARL, l’art 312 alinéa 2 prévoit l’évaluation par les commissaires aux apports dès que
la valeur de l’apport ou de l’avantage considéré ou que la valeur de l’ensemble des apports ou
avantages considérés excède 5.000.000 de francs CFA.
Le commissaire aux apports est choisi par les futurs associés à l’unanimité, à défaut, il est
désigné à la demande d’un fondateur par le président du tribunal de première instance. Le
commissaire aux apports établi un apport annexé aux statuts.
Dans les SA, les apports en nature doivent être évalués par un commissaire aux apports
désigné dans les même conditions (art 400 alinéa 2).
Ce commissaire aux apports établit sous sa responsabilité un rapport décrivant chacun des
apports en indiquant la valeur, en précisant le mode d’évaluation retenu, ainsi que les raisons
de ce choix (art 401). Le rapport du commissaire aux apports est annexé aux statuts. Lorsque
la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les
actionnaires sont solidairement responsables pendant cinq (5) ans, à l’égard des tiers, de la
valeur attribuée aux apports en nature.
L’obligation de garantie ne vise que la valeur des apports au moment de la constitution et non
le maintien de cette valeur (art 403).
Les honoraires du commissaire aux apports qui peut par ailleurs se faire assister par un expert
de son choix sont à la charge de la société.
5 Droit réel principal, démembrement du droit de propriété, qui confère à son titulaire le droit d’utiliser la chose, et d’en
percevoir les fruits, mais non celui d’en disposer, lequel appartient au nu propriétaire.
6 Droit réel principal, démembrement du droit de propriété, qui donne à son titulaire le droit de disposer de la chose, mais ne
lui confère ni l’usage, ni la jouissance, lesquels sont les prérogatives de l’usufruitier sur cette même chose.
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C’est l’apport en industrie7, l’Acte Uniforme le réduit à un apport de main d’œuvre, alors que
traditionnellement il englobait toute compétence technique ou intellectuelle, un savoir faire
ou bien une simple notoriété.
L’Acte Uniforme ne définit pas son régime juridique, c’est-à-dire qu’il ne prévoit pas les
modalités de son évaluation et il ne l’interdit pas dans les SARL et les SA.
L’apport en industrie a pour objet une activité de l’associé, le plus souvent il s’agit d’apports
futurs et successifs, d’une contribution personnelle de l’associé à l’activité définie par l’objet
social.
Ainsi, une influence peut servir d’objet à un apport en industrie à condition de caractériser sa
consistance et qu’elle soit licite (cassation civile 16/07/1997 arrêt publié bulletin Joly 1997 p
992).
En mettant de côté la question du prix qui ne peut se poser ici, puisque l’apport est rémunéré
par l’attribution de droits sociaux, il y a lieu de retenir qu’il est presque calqué sur le régime
de la vente. La réalisation des apports fait naître des obligations aussi bien à la charge de
l’apporteur que de la société.
Selon l’art 37 de l’Acte Uniforme, chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu’il
s’est obligé à lui apporter. Au-delà de cette règle, il y a des règles propres applicables à chaque
type d’apport.
Celui qui a fait un apport en numéraire doit transférer à la société la propriété des sommes
qu’il s’engage à lui apporter, l’apport est libéré intégralement lors de la constitution de la
société (art 41 alinéa 2).
Lorsqu’il y a un retard dans le versement, les sommes restantes dues portent de plein droit
intérêt au taux légal à compter du jour où le versement aurait dû être fait, sans préjudice des
dommages et intérêts s’il y a lieu. Une mise en demeure n’est donc pas nécessaire pour faire
courir les intérêts moratoires comme en droit commun.
7 L’apport en industrie peut laisser la porte ouverte au trafic d’influence, c’est sans doute pour cette raison qu’il n’est possible
que dans les sociétés de personnes et écarté dans les SA et las SARL.
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Il faut distinguer selon qu’il s’agit d’un apport en pleine propriété ou d’un apport en
jouissance. Cependant, quelque soit l’apport en nature effectué, il doit être libéré
intégralement lors de la constitution de la société (art 45 alinéa 2).
Lorsque l’apport est fait en jouissance, il faut distinguer selon que l’apport porte sur des
choses de genre, c’est-à-dire des choses en exemplaire et en nombre indéterminé ou sur un
corps certain, c’est-à-dire un bien non fongible.
S’il s’agit de choses de genre ou de biens appelés à être renouvelés pendant la durée de la
société, comme un vendeur, l’apporteur doit transférer au profit de la société la propriété des
biens à charge pour cette dernière d’en rendre une pareil quantité, qualité et valeur (art 47).
On applique ainsi les mêmes règles que pour l’apport en pleine propriété (garantie des vices
cachés). Toutefois, en cas de dissolution et à défaut de dispositions contraires, tout bien
apporté qui se retrouve en nature dans la masse à partager est attribué sur sa demande à
l’associé qui en avait fait apport. S’il s’agit d’un corps certain, l’apporteur est tenu dans les
mêmes conditions qu’un bailleur envers son locataire (garanti des troubles de jouissance).
Lorsque l’apport est fait en pleine propriété, celui qui a réalisé cet apport est garant envers la
société comme un vendeur envers son acquéreur (art 46).
L’Acte Uniforme ne consacre aucune disposition au régime juridique des apports en industrie.
Traditionnellement, on considérait que l’apporteur en industrie devait rendre compte de tous
les gains qu’il réalisait dans l’exercice de l’activité ayant fait l’objet de l’apport. Il est également
tenu d’une obligation de non concurrence. Cependant, aucune exclusivité n’est exigée.
La société doit rémunérer l’apport en émettant des parts sociales ou des actions. Ces titres
sociaux sont des biens meubles par détermination de la loi (art 52).
Selon l’art 53, ces titres confèrent à leurs titulaires :
Les parts sociales sont cessibles, c’est-à-dire que l’associé peut les vendre, alors que les actions
sont en principe négociables et donc transmissibles sans formalités particulières (art 57). On
constate donc que la société commerciale, même de personne n’est plus une prison pour
l’associé.
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La cessibilité des parts sociales est consacrée aussi bien pour les SNC, les SCS que pour les
SARL. Ces parts sont cessibles suivant les règles du droit civil et avec l’accord préalable de tous
les autres associés.
Les apports effectués constituent le capital social qui n’est rien d’autre que le patrimoine de
la société (art 61). Or, qui parle de patrimoine, parle de personnalité juridique. Il ne peut en
être ainsi que si la société est immatriculée au RCCM (Registre du Commerce Crédit Mobilier).
L’art 97 de l’AUDSC pose le principe selon lequel, toute société doit être immatriculée au
RCCM. Seule échappe à cette règle, la société en participation, car c’est cette immatriculation
qui confère à la société la personnalité juridique. C’est pourquoi, les sociétés qui ne font pas
l’objet d’immatriculation sont dépourvues de personnalité juridique.
1 Le siège social
Selon l’art 23 de l’Acte Uniforme, une société a un siège social qui doit être mentionné dans
les statuts. Il appartient aux associés de fixer ce siège. Le choix peut porter soit sur le lieu du
principal établissement, soit sur le lieu où se trouve le centre de direction administrative et
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financière. Il ne peut pas être constitué uniquement par une domiciliation à une boîte postale.
Il doit être localisé par une adresse ou une indication géographique précise. Le siège choisi
doit être réel, c’est pourquoi l’art 26 précise que « les tiers peuvent se prévaloir du siège
statutaire, mais celui-ci ne leur est pas opposable par la société si le siège réel se trouve en un
autre lieu ».
2 La dénomination sociale
Toute société est désignée par une dénomination sociale, qui doit être mentionnée dans les
statuts, elle est librement fixée. Cette dénomination sociale qui peut comporter le nom d’un
ou de plusieurs associés, doit figurer sur tous les actes émanant de la société et destinés aux
tiers. Elle doit aussi être suivie ou précédée immédiatement en caractères lisibles par
l’indication de la forme de la société, du montant de son capital social, de l’adresse ou de son
siège social et de la mention de son immatriculation au RCCM. Le nom des commanditaires
dans les SCS ne peut être inclus dans la dénomination sociale (art 294 alinéa 2). La société ne
peut pas prendre la dénomination d’une autre société immatriculée. Cela signifie que le nom
comme droit de la propriété intellectuelle est protégé contre toute imitation ou usurpation
(art 16).
3 Le patrimoine
La société qui est immatriculée acquiert la personnalité juridique en tant que personne
morale, elle dispose d’un patrimoine qui comprend l’ensemble de ses droits et obligations et
il est distinct de celui de ses membres. A partir de ce moment c’est la société elle-même qui
est créancière, débitrice ou propriétaire. L’autonomie du patrimoine de la société apparaît à
deux (2) niveaux : d’abord au regard des relations avec les associés, ceux-ci ne sont pas
copropriétaires des biens apportés à la société. Ils sont simplement titulaires de droit sociaux,
constitués de droits patrimoniaux (droit au bénéfice, droit aux bonus de liquidation) et de
droits extrapatrimoniaux (droit de vote lors des assemblées).
Si la société est en cessation de paiement, les associés ne sont pas en principe concernés sauf
s’ils sont solidairement et indéfiniment responsables du passif social. Au regard des relations
avec les tiers, notamment les créanciers, ceux de la société ont un droit de gage exclusif sur
son patrimoine cela veut dire que les créanciers personnels des associés ne peuvent pas saisir
les biens de la société et inversement les créanciers de la société ne peuvent pas en principe
saisir les biens des associés.
Celle-ci n’a pas encore la personnalité morale, puisque cette dernière découle de
l’immatriculation, mais l’absence de personnalité morale n’empêche pas la société d’exister
de fait. Pendant la période antérieure à l’immatriculation la société a pu avoir une certaine
activité, la question qui se pose alors est de savoir quel est le sort des actes accomplis pour le
compte de cette société qui n’existe pas encore en tant que personne morale et qui de ce fait
ne peut supporter des obligations ?
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Pour répondre à cette situation, deux (2) possibilités doivent être distinguées : celle dans
laquelle la société est en formation et avant sa constitution et celle dans laquelle la société
est constituée, mais non encore immatriculée.
La constitution de la société résulte de la signature des statuts. Avant cette signature, ceux qui
agissent au nom de la société sont nommés les fondateurs. Les actes et engagements de ces
fondateurs peuvent être repris par la société. Dans ce cas, ils sont réputés avoir été contracté
par la société dès l’origine. A défaut de reprise, ces actes sont inopposables à la société et les
personnes qui les ont souscrits sont tenues indéfiniment et solidairement par les obligations
qu’ils comportent (Christian Lopez. La responsabilité solidaire et indéfinie des fondateurs, le
sort des engagements pris au nom d’une société en formation en cas de défaut de reprise
des actes par la société, édition entreprise. 1998 JCP, page 408).
Comment s’effectue la reprise ?
Lorsqu’il s’agit d’une société faisant appel public à l’épargne, les actes et engagements pris
par les fondateurs doivent être portés à la connaissance des associés lors de l’assemblée
générale constitutive. La reprise fera l’objet d’une résolution spéciale de cette assemblée
générale constitutive (art 109).
Lorsqu’il s’agit d’une société ne faisant pas appel public à l’épargne, les actes et engagements
doivent être portés à la connaissance des associés avant la signature des statuts. La reprise
résultera dans ce cas de la signature des statuts et de l’état des engagements, et elle prendra
effet dès immatriculation (art 107). La reprise peut aussi résulter d’une délibération de
l’assemblée générale ordinaire après la constitution, sauf clause contraire des statuts, dans ce
cas, l’assemblée générale devra être informée sur la nature et la portée de chacun des actes
et engagements dont la reprise lui est proposée.
Les personnes qui ont accomplis les actes ne prennent pas part au vote et il n’est pas tenu
compte de leurs voix pour le calcul du quorum et de la majorité (art 108). Ces dispositions ont
pour finalité, la protection des tiers qui ont pu entrer en relation avec la société en formation.
Mais si les fondateurs avaient constitué frauduleusement la société dans le but d’échapper à
leurs obligations, ils resteraient tenus. (CA de Paris, 22 novembre 1988 RTD Com 1989. Page
241).
Le rôle des fondateurs prend fin dès la signature des statuts. A partir de ce moment, ils sont
remplacés par les premiers dirigeants sociaux qui vont agir au nom de la société. Trois (3)
conditions doivent être réunies pour que les actes accomplis par ces dirigeants soient repris.
D’abord les dirigeants doivent avoir reçu mandat dans les statuts ou dans un acte séparé pour
prendre des engagements. Ensuite, les engagements doivent être déterminés. Enfin, les
modalités de la reprise doivent être précisées dans le mandat. Lorsque ces trois conditions
sont réunies, l’immatriculation au RCCM emporte reprise des engagements par la société.
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Il se peut que les actes accomplis excédent les pouvoirs conférés à ceux qui les ont accomplis
ou soient étrangers au mandat. Dans ce cas, la société ne les reprendra que s’ils sont
approuvés par l’assemblée générale ordinaire, sauf clause contraire des statuts. Ceux qui ont
accomplis ces actes ne peuvent prendre part au vote et il n’est pas tenu compte de leurs voix
pour le calcul du quorum et de la majorité.
Lorsque les actes sont repris par la société régulièrement immatriculée, ils sont réputés avoir
été accomplis par celle-ci dès l’origine. A défaut de reprise, les dirigeants qui les ont accomplis
sont indéfiniment et solidairement tenus.
A : La société en participation
Selon l’art 114 de l’AUDSC, les associés peuvent convenir que la société ne sera pas
immatriculée, ils constituent ainsi une société en participation. Pour autant, il ne s’agit pas
d’une véritable société les associés étant tenus de respecter les règles impératives prévues
par les dispositions communes applicables à toutes les sociétés.
Cependant, en l’absence d’une immatriculation, la société en participation n’a pas de
personnalité juridique et l’absence de personnalité morale influe sur les rapports entre
associés d’une part, et les rapports entre associés et tiers d’autre part. Les rapports entre
associés sont régis par les dispositions applicables aux SNC. Cette règle n’est cependant pas
d’ordre public, puisqu’une organisation différente peut être prévue.
Selon l’art 115 de l’AUDSC, si le contrat de société ou l’acte unilatéral de volonté n’est pas
établi par écrit et que de ce fait la société ne peut être immatriculée, il s’agit de la société
créée de fait. Pour le régime juridique l’art 115 renvoi aux dispositions de l’art 864 de l’AUDSC
qui parle des sociétés de fait l’art 866 du même acte prévoit que toute personne qui y a intérêt
peut demander au tribunal la reconnaissance d’une société de fait entre deux ou plusieurs
personnes. L’existence d’une telle société, précise l’art 867 peut être prouvée par tous les
moyens.
Les associés de la société de fait sont soumis aux règles de la SNC, il y a une identité de régime
juridique puisque les règles de la société de fait sont applicables à la société créée de fait. Ce
qui ne signifie pas cependant qu’il y a identité de nature juridique.
On rencontre la société de fait dans deux (2) cas : le premier est prévu dans l’art 864 selon
lequel il y a société de fait lorsque deux (2) ou plusieurs personnes physiques ou morales se
comportent comme des associés sans avoir constitué entre elle l’une des sociétés reconnues
par la loi ; le second cas est prévu par l’art 865 qui parle de société de fait lorsque deux ou
plusieurs personnes ont constituées entre elles une société reconnue par la loi, mais n’ont pas
accompli les formalités légales constitutives ou ont constituées entre elles une société non
reconnue par la loi.
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SECTION III°/ LES SANCTIONS D’INOBSERVATION DES CONDITIONS DE
CONSTITUTION D’UNE SOCIETE
En sus de la nullité qui est la sanction normale de l’inobservation des conditions de formation
des actes juridiques, il y a la responsabilité des auteurs de l’irrégularité.
Elles sont strictement prévues par la loi, ce qui n’est pas le cas en droit commun ou la nullité
d’un acte est la sanction normale de la méconnaissance de toute irrégularité.
Selon l’art 242 de l’AUDSC, la nullité d’une société ou de tous les actes, décisions ou
délibérations modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du présent
Acte Uniforme ou de textes régissant la nullité des contrats en général et celui de la société
en particulier.
A la lecture de ce texte, deux (2) séries de causes de nullité apparaissent : elle résulte tout
d’abord d’une disposition expresse de l’Acte Uniforme, il ya quelques cas de nullité de ce
genre prévues par l’Acte Uniforme, soit dans les dispositions générales, soit dans les
dispositions propres à chaque société.
Ainsi, l’art 245 prévoit que dans les SNC et dans les SCS, l’accomplissement des formalités de
publicité est requis (art 261 et 262) à peine de nullité de la société. L’art 315 prévoit que
l’associé unique ou les associés de la SARL doivent à peine de nullité de l’acte de la société,
intervenir à l’acte constitutif de ladite société en personne ou par mandataire justifiant d’un
pouvoir spécial.
La forme de l’acte constitutif de la société est déterminée par l’art 10. L’intervention des
associés à l’acte est sanctionnée par la nullité absolue, elle a pour but la garantie du
consentement de chaque associé. Les associés ou leurs mandataires doivent apposer leur
signature sur les statuts.
La nullité peut aussi résulter des dispositions qui régissent la nullité des contrats en général
ou du contrat de société en particulier. La constitution de la société résulte d’un acte juridique,
14
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
c’est pourquoi lorsque les conditions de formation des actes juridiques ne sont pas réunies, la
nullité de la société est encourue. Ainsi, la nullité de la société peut être prononcée en cas
d’absence de consentement, absence ou illicéité de l’objet ou en cas d’absence, d’illicéité ou
d’immoralité de la chose.
Pour les vices du consentement et l’incapacité qui sont cause de nullité en droit commun, il
faut faire une distinction en matière de société. Dans les sociétés de personnes, ils sont
toujours cause de nullité, dans les sociétés à risques limités ils ne sont cause de nullité que si
tous les associés fondateurs sont atteints (art 243).
B : L’action en nullité
Tout dépend de la nature ou du caractère de la nullité. S’il s’agit d’une nullité absolue, tout
intéressé pourra agir, s’il s’agit en revanche d’une nullité relative seule pourra agir la personne
dont la loi à voulu assurer la protection.
8Acte signifié par un huissier de justice et produisant des effets juridiques en dehors de toute procédure : ainsi une sommation
de payer, un protêt, un commandement de saisie.
15
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
3 La régularisation de la société
Afin de restreindre les cas d’annulation des sociétés, le législateur à non seulement réduit les
causes de nullité et les délais pour agir, mais il a aussi et surtout mis en place un dispositif
permettant d’éviter les jugements d’annulation. Ainsi, selon l’art 246 lorsque la cause de
nullité a disparue au jour du prononcé du jugement, l’action est éteinte.
Pour permettre de couvrir la nullité, trois (3) règles sont prévues :
❖ Le tribunal saisi d’une demande en nullité ne peut prononcer celle-ci moins de deux
(2) mois après l’acte introductif d’instance ;
❖ Le tribunal peut même d’office fixer un délai pour couvrir la nullité ;
❖ Si pour couvrir une nullité, une assemblée doit être convoquée et s’il est justifié d’une
convocation régulière de cette assemblée, le tribunal accorde le délai nécessaire pour
que les associés puissent prendre une décision (art 247).
Corrélativement le législateur a prévu des mécanismes de régulation qui ont pour effet de
faire disparaître la nullité. Si l’associé incapable ou celui dont le consentement est vicié décide
d’agir dans le délai, la société ou tout associé peut soumettre au tribunal saisi toute mesure
susceptible de supprimer l’intérêt du demandeur, notamment le rachat de ses droits sociaux.
Le tribunal saisi peut soit prononcer la nullité, soit rendre obligatoire les mesures proposées.
L’associé dont le rachat des droits est demandé ne prend pas part au vote.
Une observation doit être préalablement faite. La décision qui prononce la nullité 9 doit être
mentionnée au RCCM. Deux (2) types d’effets s’attachent à la nullité : l’anéantissement du
contrat de société pour l’avenir et la responsabilité des dirigeants.
9 Précisons à toutes fins utiles, que la responsabilité de ceux qui ont demandé la nullité peut être engagée.
16
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
La nullité de la société n’est pas une sanction efficace, car ceux qui n’ont commis aucune faute
sont atteins de la même manière que les auteurs des irrégularités. C’est pourquoi, la loi prévoit
que l’annulation de la société peut entrainer la responsabilité solidaire de ceux à qui elle est
imputable (art 256 alinéa 1 de l’AUDSC).
L’action en responsabilité se prescrit par trois (3) ans, le point de départ de ce délai, c’est le
jour où la décision d’annulation est passée en force de chose jugée 10. Même si la nullité n’est
pas prononcée, parce que la cause de la nullité a disparue, la responsabilité des auteurs peut
être engagée. Dans ce cas, la prescription commence à courir à compter du jour où la nullité
a été ouverte.
En tout état de cause, il faut que les dirigeants aient commis une faute dans l’exercice de leurs
fonctions (art 78 – 162 – 165). C’est cette faute qui justifie que les responsables soient
recherchés même en cas de disparition de la cause de nullité. Cette responsabilité est le prix
du risque de nullité et peut compenser un préjudice économique lié à l’incertitude dont était
affecté l’être social.
Même si la nullité de la société n’est pas encourue, la responsabilité des fondateurs et des
premiers dirigeants pourrait être engagée. Ainsi, selon les arts 75 à 80, les fondateurs et les
premiers dirigeants sont solidairement responsables du préjudice causé soit par l’omission ou
l’accomplissement irrégulier d’une formalité prescrite pour la constitution d’une société, soit
par le défaut d’une mention obligatoire dans les statuts. De même, en cas de modification des
statuts, la responsabilité des personnes chargées de l’administration ou de la gestion qui
étaient en fonction peut être engagée.
L’action en responsabilité se prescrit par cinq (5) ans à compter du jour de l’immatriculation
ou de la publication de l’acte modifiant les statuts. Le législateur a prévu également une action
tendant à obtenir du tribunal une décision ordonnant la régularisation de la constitution de la
société.
10Lorsque les délais des voies de recours suspensives d’exécution (opposition, appel, pourvoi dans les rares cas où il est
suspensif) sont expirés ou que celle-ci ont été employées ; d’irrévocabilité, enfin, lorsque les voies de recours extraordinaires
ont été utilisées ou ne peuvent plus l’être.
17
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
CHAPITRE II°/ LE FONCTIONNEMENT DES SOCIETES
COMMERCIALES
Le pouvoir souverain dans la société commerciale appartient aux associés qui, étant dans
l’impossibilité d’assurer personnellement et en permanence le fonctionnement de ces
sociétés, délèguent une partie de leurs prérogatives aux dirigeants sociaux. L’Acte Uniforme
leur consacre des dispositions générales et ne perd pas de vue que des désordres peuvent
surgir au sein de la société du fait des dirigeants ou des associés11 eux-mêmes. Il n’existe pas
de société sans organes de direction dès lors, si la collectivité des associés est entièrement
compétente, pour désigner les dirigeants, elle l’est moins pour déterminer leurs pouvoirs.
Ceux-ci relèvent pour l’essentiel de la loi, ainsi que du régime de leur responsabilité.
18
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
C’est un principe formulé de manière générale par l’art 125 AUDSC selon lequel, tout associé
a sauf dispositions légales contraires, le droit de participer aux décisions collectives. Et pour
renforcer ce droit, le législateur a écarté toute possibilité de création des actions sans droit de
vote (art 5).
Cette règle est d’ordre public, car toute stipulation contraire est réputée non écrite. L’art 892
AUDSC sanctionne pénalement ceux qui sciemment auront empêché un associé quelconque
de participer à une assemblée. Tout associé a le droit de se faire représenter par un
mandataire. Le mandat ne peut être donné par un autre associé, sauf disposition contraire de
la loi.
L’Acte Uniforme ou les statuts, peuvent limiter le nombre d’associés et de voix qu’un
mandataire peut représenter (art 126).
S’agissant des SARL, un associé ne peut se faire représenter par une autre personne qu’un
coassocié uniquement si les statuts le permettent. Cependant, l’associé de la SRAL peut se
faire représenter par son conjoint, à moins que la société ne comprenne que les deux époux
(art 334).
Dans les SA12, tout actionnaire peut se faire représenter par un mandataire de son choix (art
788), l’actionnaire peut se faire représenter par un autre actionnaire, son conjoint ou tout
autre personne étrangère à la société. Les mandats en blanc ne sont pas autorisés. Tout
actionnaire a le droit pour lui-même ou pour le mandataire désigné, de recevoir des
documents nécessaires à la tenue de l’assemblée. En cas de refus de lui communiquer les
documents requis, celui-ci peut saisir le juge des référés le cas échéant sous astreinte (TPI
Yaoundé ORD greffe N° 494/0 du 6/02/2001 affaire Djeudjui Thaddée contre Continental
machine).
Si au jour prévu pour la tenue de l’assemblée, les documents ne sont pas toujours
communiqués, le juge des référés13 saisi pourra ordonner la suspension de la tenue de
l’assemblée jusqu'à l’accomplissement de cette formalité.
Les autres sociétés sont des sociétés fermées ne tolérant pas l’immixtion de tiers dans leur
sein même s’ils sont les représentants des associés. Le droit de participer aux décisions
collectives se traduit concrètement par un droit de vote dans les assemblées collectives. Le
principe formulé par l’art 125 est d’application facile sauf dans deux (2) cas :
- Lorsque les parts ou actions font l’objet de démembrement ;
- Lorsque les parts ou actions font l’objet de propriété collective.
Il se peut tout d’abord que les parts fassent l’objet d’une propriété collective, il en est ainsi en
cas d’indivision, dans une telle hypothèse, s’il n’y a pas de stipulation contraire des statuts, les
copropriétaires de la part indivise sont représentés par un mandataire unique choisi parmi les
indivisaires. En cas de désaccord, le mandataire est désigné par voie de justice à la demande
de l’indivisaire le plus diligent (art 128). Il peut cependant en être convenu autrement dans la
mesure où, le nu-propriétaire n’est pas privé de son droit de participer.
12 Dans les SA, les obligataires ont droit de regard mais pas de droit de vote.
13 Le juge des référés, juge des urgences ou juge avant dit droit, ne traite pas du fond du litige.
19
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
Les droits de vote de chaque associé sont proportionnels à sa participation au contrat de la
société, sauf disposition contraire de la loi. Autrement dit, les droits et obligations de chaque
associé sont proportionnels au montant de ses apports (art 54 alinéa 1). Une répartition non
proportionnelle est toutefois possible, à condition que les clauses qui la stipulent ne soient
pas léonines14. En effet, l’art 54 alinéa 2 sanctionne toutes clauses léonines qu’elles soient
contenues dans les statuts ou dans un acte séparé, qu’elles soient temporaires ou sans durée
définie, elles sont réputées non écrites.
Les associés ont le droit de profiter des résultats positifs de l’exploitation sociale. Ils ont droit
à une part de bénéfice. Il convient cependant d’observer que les associés ne peuvent se
partager tous les bénéfices. La répartition ne porte que sur le bénéfice distribuable. Le
bénéfice distribuable est selon l’art 143 alinéa 1, le résultat de l’exercice augmenté du report
bénéficiaire et diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes portées en réserve en
application de la loi ou des statuts.
BD = RE + RB – (PA + RL)
Pour ce qui est des réserves légales, elles dépendent du type de société. Dans les SARL et dans
les SA l’Acte Uniforme prévoit qu’il est pratiqué sur le résultat de l’exercice diminué le cas
échéant des pertes antérieures une dotation égale à 1/10 au moins affectée à la formation
d’un fond de réserve, dit « réserve légale ». Cette dotation cesse d’être obligatoire lorsque la
réserve atteint 1/5 du montant du capital social (art 346 alinéa 2) pour les SARL et (546 alinéa
2) pour les SA.
(RE – PA) x 1
RL =
10
Exemple : la société Big Boss est constituée avec un capital de 2.000.000 de francs CFA. A la
fin de l’exercice, on vous demande de déterminer le bénéfice distribuable à partir de :
• Le résultat de l’exercice s’élève à 1.000.000 de francs CFA
• Les pertes antérieures s’élèvent à 250.000 francs CFA
• Il y a un report bénéficiaire de 500.000 francs CFA
14 Qui fait preuve d’iniquité par monopolisation des avantages au profit de quelques uns.
20
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
RE = 1.000.000
PA = 250.000
RB = 500.000
(RE – PA) x 1
RL = = (1.000.000 – 250000) x 1 RL = 75000 francs
10
10
C’est l’assemblée générale qui détermine après approbation des Etats financiers de synthèse
et constatation de l’existence de sommes distribuables, la part des bénéfices à distribuer aux
associés. La part revenant à chaque action ou part sociale est nommée dividende. Tout
dividende distribué en violation des règles fixées par l’art 144 de l’AUDSC est un dividende
fictif et constitue une infraction pénale prévue par l’art 889 du même acte.
On ne peut distribuer que des bénéfices réalisés et disponibles. Si ceux de l’exercice sont
insuffisants, on peut prélever sur les réserves constituées au cours de l’exercice précédant.
A défaut de bénéfices ou de réserves, toute distribution rendrait les dirigeants coupables de
répartition de dividendes fictifs.
Les modalités de payement sont fixées par l’assemblée générale qui peut déléguer des
pouvoirs aux dirigeants. Toutefois, une règle impérative prévoit que la mise en payement des
dividendes doit avoir lieu dans un délai maximum de 9 mois après la clôture de l’exercice, sauf
prorogation accordée par le président du tribunal (art 146 AUDSC).
A : L’abus de majorité
21
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
Il y a abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul
intérêt contrairement à ceux des associés minoritaires et que cette décision ne puisse être
justifiée par l’intérêt de la société. Une telle décision abusive peut être annulée pour abus de
majorité et engager la responsabilité des associés qui l’ont votée à l’égard des associés
minoritaires (art 130 AUDSC).
La notion d’intérêt de la société devra sans doute être appréciée par le juge. Les associés
majoritaires. Peuvent user de leur droit de vote, mais ne doivent pas en abuser dans le seul
but de nuire aux minoritaires. C’est le cas par exemple d’une décision de mise en réserve
systématique des bénéfices déjà supérieurs aux réserves du capital social. L’abus de majorité
suppose la réunion de deux (2) éléments : la violation de l’intérêt social et la rupture d’égalité
entre les associés.
B : L’abus de minorité
Il y a abus de minorité, lorsqu’en exerçant leur vote, les associés s’opposent à ce que des
décisions soient prisent alors qu’elles sont nécessitées par l’intérêt de la société et qu’ils ne
peuvent justifier d’un intérêt légitime. Les associés minoritaires commettant cet abus
engagent leur responsabilité (art 131).
Le droit de voter contre est légitime pour tout associé, mais l’opposition entêtée ou
systématique est constitutive d’abus. Un associé qui a la minorité de blocage peut en user
comme une arme contre la société, il peut de ce fait s’opposer par exemple à l’augmentation
de capital essentielle pour la survie de la société, il peut aussi s’opposer à la prorogation de la
société arrivée à terme. Pour qu’il y ait abus de minorité, il faut la réunion de deux (2)
conditions :
- Une opération envisagée et jugée essentielle pour la société ;
- L’opposition des minoritaires contraire à l’intérêt social.
Est contraire à l’intérêt social une opposition fondée sur les propres intérêts des minoritaires
au détriment de l’ensemble des autres associé, leur attitude est jugée égoïste et non légitime.
22
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
§ 1°/ LES POUVOIRS DES DIRIGEANTS SOCIAUX
Les articles (121 et 123) AUDSC établissent les principes généraux applicables aux pouvoirs
des dirigeants, en distinguant les différents rapports : les rapports des dirigeants et associés
d’une part et ceux de la société et des tiers d’autre part.
L’art 123 ne vise que les rapports entre associés, mais on peut considérer qu’il concerne aussi
les rapports entre les associés et les dirigeants qui peuvent ne pas être des associés. Dans ce
type de rapport, les statuts peuvent se limiter au pouvoir de gestion, de direction et
d’administration. Toutefois, les stipulations statutaires ayant pour objet social de limiter les
pouvoirs des dirigeants sont inopposables aux tiers de bonne foi. Les tiers de bonne foi sont
ceux qui n’ont pas eu connaissance des limites portées à l’objet social ou aux pouvoirs des
dirigeants, sans qu’on puisse leur reprocher de n’avoir pas consulté les statuts. Ces principes
généraux sont précisés par les textes applicables à chaque type de société et qui sont rédigés
à peu près de manière identique.
Ainsi, les articles 277, alinéa 1 pour les SNC 298 pour les SCS et 328 pour les SARL prévoient
qu’en l’absence de détermination par les statuts, les gérants peuvent accomplir tous les actes
de gestion dans l’intérêt de la société. Ces textes permettent de constater, un silence législatif
quant à la définition de l’acte de gestion. C’est la doctrine qui a tentée de donner une
définition négative de l’acte de gestion. Selon elle, on ne doit pas considérer comme acte de
gestion, les actes qui relèvent de la compétence exclusive d’un autre organe. De ce fait, ne
constitue pas un acte de gestion, la répartition des dividendes tout comme ne l’est pas plus
l’approbation des comptes, car ces actes relèvent de la compétence exclusive de l’assemblée
générale.
1 La règle générale
Il résulte de l’art 121 de l’Acte Uniforme qu’à l’égard des tiers, les organes de gestion, de
direction et d’administration ont des limites fixées par la loi pour chaque type de société. Tout
pouvoir pour engager la société sans avoir à justifier d’un mandat spécial, toute limitation de
leurs pouvoirs légaux par les statuts est inopposable aux tiers.
23
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
Pour les SNC, l’art 277, al. 2 précise que dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la
société pour les actes entrant dans l’objet social. Pour les SCS, l’art 298 renvoi aux dispositions
de l’art 277 al. 2.
Les gérants des SCS ont donc les mêmes pouvoirs que ceux de la SNC. Il en résulte qu’une
éventuelle close des statuts par laquelle les pouvoirs du gérant seraient limités à l’intérieur de
l’objet social est inopposable aux tiers. La société sera donc valablement engagée. Pour les SA,
les articles 436 (conseil d’administration), 465 alinéa 4 (PDG), 488 alinéa 1 (DG) et 498 alinéa
4 (Administrateur Général) prévoient la possibilité pour ces dirigeants d’engager la société
par les actes qui ne relèvent pas de l’objet social dans les conditions et limites fixées par l’art
122. Il résulte cependant de la combinaison de ces textes avec l’art 122 que la société n’est
pas engagée, si elle prouve que les tiers avec qui le dirigeant a traité savaient que l’acte
dépassait cet objet. La preuve ne peut résulter que de la seule publication des statuts.
Pour les SARL, l’art 329 alinéa 2 prévoit que la société est engagée par les actes du gérant, à
moins qu’elle ne prouve en cas de dépassement de l’objet que les tiers savaient que l’acte
dépassait cet objet ou qu’ils ne pouvaient l’ignorer compte tenu des circonstances, étant
entendu que la seule publication des statuts ne suffit pas pour constituer cette preuve.
Ces dispositions protectrices des tiers découlent de l’existence d’un mandat conférant des
pouvoirs très larges aux dirigeants qui les dispensent de vérifier les pouvoirs statutaires des
dirigeants. La jurisprudence française interprète restrictivement la connaissance que
pourraient avoir les tiers du dépassement des pouvoirs des dirigeants. Il a été ainsi jugé que
la société dont l’objet social relève du domaine de l’information, est tenu au payement de
leçon de pilotage aérien prise par son gérant, au motif que le moniteur avait pu penser que le
dirigeant avait besoin d’une qualification de pilotage pour assurer des déplacements
professionnels rapides (Paris 15/06/95 droit des sociétés novembre 1995 N° 218 note
Bonneau).
A : Le domaine de la responsabilité
La loi a prévu un régime de droit commun et des régimes spécifiques applicables aux seuls
dirigeants des SARL et des SA.
Il est de droit commun parce qu’applicable à tous les dirigeants sociaux. Le principe de la
responsabilité des dirigeants est posé par les arts 161 et suivants. Ces textes distinguent deux
(2) types d’actions en responsabilité : l’action individuelle et sociale.
24
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
➢ L’action15 individuelle
Elle est destinée à réparer les dommages subis par les tiers ou un associé pris individuellement
en ce qui concerne la responsabilité envers les tiers, il faut se référer à l’art 161 AUDSC. Ce
texte prévoit que chaque dirigeant est responsable individuellement envers les tiers des
fautes qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions. Si plusieurs dirigeants sociaux ont
contribué au même fait ayant causé le dommage, leur responsabilité sera solidaire à l’égard
des tiers. Toutefois, le juge pourra déterminer la part contributive de chacun. En ce qui
concerne la responsabilité envers un ou plusieurs associés, l’art 162 prévoit que l’action
individuelle peut être exercée par un ou plusieurs associés qui subissent un dommage distinct
de celui qui est subi par la société lorsque ce dommage résulte de la faute commise par les
dirigeants dans l’exercice de leurs fonctions. C’est le cas par exemple lorsqu’un associé est
privé du droit de vote ou bien qu’il n’a pas eu sa part lors de la distribution des dividendes. Au
total l’action individuelle est soumise au droit commun de la responsabilité civile.
➢ L’action sociale
C’est l’action en réparation du dommage subi par la société par la faute commise par les
dirigeants dans l’exercice de leurs fonctions. Chaque dirigeant est responsable
individuellement envers la société des fautes qu’il a commises si plusieurs dirigeants sociaux
ont participés au même faits leur responsabilité est solidaire.
Les gérants des SARL et les administrateurs des SA peuvent être déclarés responsables envers
la société ou les tiers pour les infractions aux dispositions législatives ou règlementaires
applicables à ces sociétés pour les violations des statuts et pour les fautes commises dans leur
gestion.
➢ L’action individuelle
Qu’elle soit destinée à réparer le préjudice causé à un tiers ou un associé, l’action individuelle
doit toujours être exercée devant le juge du siège social. Elle se prescrit par trois (3) ans à
compter du fait dommageable qu’il constitue ou non une infraction pénale, sauf en cas de
crime ou le délai est porté à 10 ans.
25
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
Il faut en déduire que lorsque le fait dommageable ne constitue pas une infraction pénale, la
prescription est de trois (3) ans et dans le cas d’une infraction pénale il faut distinguer deux
(2) hypothèses :
- Si le fait dommageable constitue un délit ou une contravention, la prescription est de
trois (3) ans ;
- Si c’est un crime, elle est de dix (10) ans.
➢ L’action sociale
En principe est intentée par les dirigeants en leur qualité de représentants légaux de la société,
mais on voit mal qu’un dirigeant puisse agir contre lui-même, c’est pourquoi la loi a prévue la
possibilité pour les associés, d’exercer l’action sociale et de demander la réparation du
préjudice subi par la société après une mise en demeure des organes compétents non suivit
d’effet dans un délai de trente (30) jours. En cas de condamnation, les dommages et intérêts
sont alloués à la société (art 167) pour éviter toute entrave à l’action sociale, la loi pose deux
(2) interdictions :
❖ Toute clause statutaire subordonnant l’exercice de l’action sociale à l’avis favorable ou
à l’autorisation de l’assemblée générale ou d’un autre organe de la société ou qui
comporterai par avance une renonciation à cette action est réputée non écrite.
Toutefois, cette disposition ne s’oppose pas à ce que l’associé ou les associés agissants
puissent conclure une transaction avec les personnes contre qui l’action est intentée
pour mettre fin au litige (art 168) ;
❖ Aucune décision de l’assemblée des associés tel qu’un quitus ou d’un organe de la
société ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre un
dirigeant pour la faute commise dans l’accomplissement de ses fonctions (art 169).
Dans les SARL, les associés ont la possibilité d’agir pour demander en justice la réparation du
préjudice qu’ils ont personnellement subit. Ils ont aussi la possibilité d’exercer l’action sociale
lorsqu’ils représentent le quart des associés et le quart des parts sociales (loi de la double
majorité).
Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la
société (art 331). En plus, de la responsabilité civile du gérant, celui-ci comme tout dirigeant
de société encours une responsabilité personnelle en cas de faillite de la société. De même, le
gérant est pénalement responsable en cas d’abus de bien sociaux, de présentation de l’image
inexacte de l’entreprise dissimulant la véritable situation de la société. Il est également
responsable en cas de majoration frauduleuse d’apport en nature, de distribution de
dividendes fictifs en l’absence de bilan ou sur des bilans frauduleux (art 889).
Dans les SA, on retrouve les mêmes types d’action, c’est ce qui résulte des articles 740 à 743.
Ces textes donnent aux actionnaires, le pouvoir d’exercer l’action en réparation du préjudice
qu’ils ont personnellement subi. Ces textes leurs donnent aussi le pouvoir d’intenter en se
groupant, l’action sociale contre les administrateurs ou l’administrateur général.
26
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
S’ils représentent au moins 1/20 du capital social, les actionnaires peuvent dans un intérêt
commun charger à leurs frais un ou plusieurs d’entre eux de les représenter pour soutenir tant
en demande qu’en défense l’action sociale.
Le retrait en cours d’instance d’un actionnaire soit par décision volontaire, soit par la perte de
la qualité d’associé est sans incidence sur la poursuite de l’action. Ces actions se prescrivent
en trois (3) ans.
27
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
CHAPITRE III°/ LA DISSOLUTION D’UNE SOCIETE
COMMERCIALE
C’est le dénouement du lien juridique qui unissait les associés. La société a normalement une
longue durée de vie, elle survie généralement aux personnes physiques qui l’on créée. Mais,
la dissolution est le terme de son existence. Cette dissolution est organisée par les arts 200 et
suivants AUDSC, qui traitent d’une part, des causes de dissolution et d’autre part, des effets
de la dissolution.
La société est dissoute de plein droit dans certaines situations. Il en est ainsi en cas
d’expiration du temps pour lequel elle est constituée, en cas de réalisation ou d’extinction de
l’objet social, en cas d’annulation du contrat de société, en cas de stipulation statutaire.
Parmi les causes communes, la réunion de toutes les parts ou actions en une seule main n’est
plus une cause de dissolution de plein droit de la société. La dissolution ne peut plus intervenir
que par décision de justice lorsque la situation n’a pas été régularisée dans le délai d’un (1)
an.
En outre, la société unipersonnelle est admise pour les SARL (art 309 AUDSC) donc cette cause
de dissolution n’est plus valable que pour les SNC et les SCS qui deviendraient unipersonnelle
après leur constitution par la réunion de toutes les parts en une seule main.
A : L’arrivée du terme
28
Droit des Sociétés- Christ Hermann POUNAH
Selon l’art 200-1, la société prend fin par l’expiration du temps pour lequel elle a été
constituée. Il faut souligner que toute société a une durée qui doit être mentionnée dans les
statuts, elle ne peut excéder 99 ans à compter de l’immatriculation (art 28 et 29). L’art 32
réserve cependant, la possibilité d’une prorogation. Celle-ci est décidée pour chaque forme
de société dans les conditions prévues pour la modification des statuts (art 33). Si la
prorogation n’est pas décidée et si la société poursuit son activité, une société de fait apparaît
entre les associés.
Un an au moins avant la date d’expiration de la société, les associés doivent être consultés à
l’effet de décider si la société doit être prorogée.
Prévue par l’art 200-2, on peut dire qu’il y a réalisation de l’objet social lorsque les opérations
pour lesquelles la société s’est constituée sont définitivement achevées.
Il y a extinction de l’objet social lorsque l’activité pour laquelle la société s’est spécialement
constituée est devenue impossible matériellement ou juridiquement. Donc, il peut s’agir d’un
obstacle de fait tel que la destruction des machines ou la fermeture du fonds de commerce
unique objet de l’exploitation sociale, il peut aussi s’agir d’un obstacle de droit tel est le cas
lorsque par exemple l’objet de la société est déclaré illicite. La dissolution de la société pour
une telle cause opère de plein droit il n’est prévu aucune mesure de régularisation ou de
prorogation. La seule ressource pour les associés est de modifier les statuts avant la
survenance de la cause de réalisation ou d’extinction de l’objet social.
Selon l’art 200-3, la société prend fin par l’annulation du contrat de société. Ce texte doit être
combiné avec l’art 253 ainsi rédigé : « lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met
fin sans retro activité à l’exécution du contrat et pour ce qui concerne les sociétés
pluripersonnelles à leur liquidation ».
Selon l’art 200-7 la société prend fin pour toute autre cause prévue par les statuts. Les associés
peuvent donc stipuler dans les statuts que la société sera dissoute par la survenance de tel ou
tel évènement s’il y a réalisation de cet évènement, la société est automatiquement dissoute.
Dans certains cas, la dissolution n’opère pas de plein droit elle résulte soit d’une décision du
tribunal, soit d’une décision des associés.
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A : La dissolution pour juste motif
Le tribunal peut prononcer la dissolution de la société dans deux (2) cas : s’il y a juste motif ou
s’il y a réunion des parts sociales entre les mains d’un seul associé. L’art 200-5 ne défini pas la
notion de juste motif, mais cite deux (2) exemples : l’inexécution de ses obligations par une
association et la mésentente entre associés peut entrainer la paralysie totale de la société.
L’utilisation de l’adverbe notamment dans l’art 200-5 permet de dire que la liste des motifs
n’est qu’indicative, il suffit seulement que la paralysie soit si manifeste qu’elle mette en péril
la situation financière de la société.
Les associés peuvent décider la dissolution de la société dans les conditions prévues pour la
modification des statuts (art 200-4) :
- Pour quelque cause que se soit même si elle n’est prévue ni par la loi, ni par les statuts ;
- Quel que soit le moment même avant le terme (société à durée déterminée).
La dissolution de la société doit être publiée, car elle n’a d’effet qu’à l’égard des tiers qu’à
compter de sa publication au RCCM art 202 alinéa 1 AUDSC.
La dissolution d'une société dans laquelle tous les titres sont détenus par un seul associé
entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à cet associé, sans qu'il y ait
lieu à liquidation. Le législateur donne cependant la possibilité aux créanciers de faire
opposition à la dissolution, devant la juridiction compétente, dans le délai de trente (30) jours
à compter de la publication de celle-ci.
Le tribunal peut rejeter l'opposition ou ordonner soit le remboursement des créances, soit la
constitution de garanties. Ainsi, si la société offre des garanties et qu’elles sont jugées
suffisantes, la transmission du patrimoine n'est pas réalisée et il n'y a disparition de la société
qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée ou que
le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.
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C’est donc seulement la dissolution de la société pluripersonnelle qui entraine de plein droit
sa mise en liquidation.
La fusion et la scission sont réglementées par les articles 189 à 199 AUDSC qu’on peut
considérer comme le droit commun en la matière et par des dispositions particulières, les unes
relatives aux SARL (art 382 et 383 AUDSC) et les autres aux SA (art 670 et 689 AUDSC).
La fusion est l’opération par laquelle deux (2) ou plusieurs sociétés décident de se regrouper
pour n’en former qu’un seule (art 189 AUDSC). Elle peut consister, soit en l’absorption de l’une
(ou des unes) par l’autre, soit en la création d’une société nouvelle tout à fait distincte des
participantes à l’opération.
Par contre, la scission d’une société est l’opération par laquelle le patrimoine d’une société
est partagé entre deux ou plusieurs sociétés existantes ou nouvelles (art 190 AUDSC) ; la
société scindée est appelée à disparaître. Il ne faut surtout pas commettre l’erreur de
confondre la scission et la cession partielle d’actif qui consiste, pour une société, à faire apport
d’une branche autonome d’activité à une société préexistante ou à créer (art 195 AUDSC) ; la
société apporteuse d’actif partiel ne disparait pas, à la différence de la société scindée.
Toutefois, l’apport partiel d’actif est soumis au régime de la scission (art 195 AUDSC).
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L’art 199 AUDSC dispose que la fusion, la scission et la cession partielle d’actif peuvent
concerner des sociétés dont le siège social n’est pas situé dans le territoire d’un même Etat
partie ; dans ce cas, chaque société concernée est soumise aux dispositions du présent Acte
Uniforme dans l’Etat partie de son siège social16.
Toute société même en liquidation, peut fusionner (art 189, alinéa 2 AUDSC). Aucune
disposition semblable n’est prévue pour la scission17. Pourtant, la même solution peut tout à
fait être admissible pour les deux opérations puisqu’elles aboutissent toutes les deux à
transmettre le patrimoine d’une société en liquidation à une autre.
Toute société peut fusionner ou se scinder en transmettant son patrimoine à des sociétés
existantes ou nouvelles (arts 189, alinéa. 1 et 190, alinéa. 2 AUDSC).
La fusion et la scission sont possibles entre sociétés de formes différentes (art 196).
Pour les SA et les SARL (art 677, 685 et 382 AUDSC), lorsque la fusion ou la scission doit se
réaliser par création d’une société nouvelle, celle-ci peut être constituée sans autres apports
que ceux des sociétés qui fusionnent ou que celui de la société scindée.
La fusion et la scission permettent de réaliser des concentrations économiques et comme
telles, elles sont soumises aux dispositions des législations économiques sur la concurrence,
les ententes et les positions dominantes.
Toute fusion doit faire l’objet d’un projet élaboré et signé par les dirigeants de chaque société
participant à l’opération (art 193 et 194 AUDSC) de façon à renseigner parfaitement les
associés et les tiers. Ce projet doit être déposé aux greffes du tribunal et faire l’objet d’un avis
inséré dans un journal d’annonces légales par chaque société participant à l’opération.
La fusion et la scission sont décidée, pour chacune des sociétés intéressées, dans les
conditions, pour modification de ses statuts et selon les procédures suivies en matière
d’augmentation du capital pour la société créée ou maintenue et de la dissolution pour la
société qui disparaît (art 197 AUDSC). Toutefois, si l’opération projetée a pour effet
d’augmenter les engagements des associés ou des actionnaires de l’une ou de plusieurs des
sociétés en cause, elle ne peut être décidée qu’à l’unanimité desdits associés ou actionnaires
(art 197 AUDSC).
16Notons que cela ne règle en rien le problème de la loi applicable lorsque la fusion, la scission ou la cession partielle d’actif
concerne deux sociétés dont l’une seule a son siège social dans l’espace juridique OHADA.
17Certains praticiens du droit OHADA admettent cependant que la disposition existe pour la scission, dans l’art 190 alinéa 2,
qui est rédigé semble t’il de façon incomplète, mais identique à celle de l’art 189 alinéa 2.
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B : Les règles particulières à la fusion ou à la scission des SA et des SARL
Outre ces conditions de forme communes à toutes les sociétés, des conditions particulières
sont prévues pour les SARL, et les SA (arts 382 et 383 ; 670 à 689 AUDSC). Ces conditions sont
prévues pour les fusions et scissions intervenant entre deux SA ou deux SARL.
❖ Elle est ensuite soumise, dans chacune des deux sociétés participantes, à la ratification
des « assemblées spéciales d’actionnaires18 » visées par l’art 555.
❖ Le gérant ou le conseil d’administration de chaque société établi un rapport qui est mis
à la disposition des actionnaires et qui explique et justifie le projet, de manière
détaillée, du point de vue juridique et économique (rapport d’échange des actions,
méthodes d’évaluation utilisées ; concordance entre ces méthodes pour toutes les
sociétés concernées en difficultés et certaines évaluations) (art 671, alinéa. 3 AUDSC).
❖ Toute société participante doit mettre à la disposition de ses associés, quinze (15) jours
avant la date de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion
ou de scission :
1- Le projet ;
18 Celle qui réunissent les titulaires d’action d’une catégorie déterminée (art 671, al. 2 AUDSC).
19 Celle qui reçoit le patrimoine d’une autre.
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BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
GUILLIEN, R. et VINCENT, J. (2001). Lexique des termes juridiques. 21ème édition. Paris : Dalloz,
592 p.
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HESS-FALLON, B. et SIMON, A-M. (2001). Droit des affaires, 14ème édition. Paris : Sirey 365 p.
TEXTES LÉGISLATIFS
OHADA, Traité des actes uniformes commentés et annotés, 2ème éditions, Juriscope, (2002).
OHADA, Traité des actes uniformes commentés et annotés, 2ème éditions, Juriscope, (2016)
Loi n° 11/82 du 24 janvier 1983 portant régime juridique des établissements publics, des
sociétés d’Etat, des sociétés d’économie mixte et des sociétés à participation financière
publique, (1983)
SUPPORTS DE COURS
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