Surf Session Juni 2017.wawacity - Ec.
Surf Session Juni 2017.wawacity - Ec.
Surf Session Juni 2017.wawacity - Ec.
10 EN LIBRAIRIE LE 10 MAI
SOMMAIRE
11 84
Tendances
STARTERS Des lunettes pour vos petits yeux..
16 Frame
22 News
26 Social
30 Insider
34 Surf & Style
74
Cap-Vert
4 jours, 4 îles.
68
Portfolio
98
38
30
Confessions
Surfed-out
À bout de soule.
102
The Couples
Odisea
60
interview
Les conidences de Jordy Smith.
Du locon à la vague en Patagonie.
95
RUBRIQUES
96 Portrait
100 Shape
52
104 Une vague, une histoire
110 Le jour où...
112 Duke
Le paradoxe
92
du secret spot
106
Story
abonnement Trip père-ils à Sumatra.
11
SURF SESSION
Bâtiment Olatu Leku
OURS
100 avenue de l’Adour
64 600 Anglet
Tél. 05 59 41 70 00
[email protected]
PROPRIÉTAIRE CONTRIBUTEURS
Bruno Ledoux Holding Media SARL
GÉRANT
Benjamin Gufflet
DIRECTEUR
DE LA PUBLICATION
Benjamin Gufflet
MARKETING
Alex Charre
[email protected]
Joao Esteves
PHOTOGRAVURE
MAKING-OF
Profilkolor / Anglet
[email protected]
IMPRESSION
Ganboa / Espagne
Issue de forêts gérées durablement
et de sources contrôlées
Poligono Borda-berri, 2,
20140 Andoain, Gipuzkoa, Espagne
COMPTABILITE
Nadine Gibaud
[email protected] Vestiaire improvisé au Cap-Vert pour Justine Une bonne flambée après la session, ça En bon Sud-Af ’, Jordy Smith perpétue la
et Vincent. Trip roots p.74. réchauffe le duo Odisea (p.38). mémoire de Madiba (p.60).
DIFFUSION
Gestion des ventes au numéro
Agence BOCONSEIL SURFEURS
Analyse-Média-Etude
Jorgann Couzinet, Ian Fontaine, Damien Castera, Mathieu Crépel, Dane Reynolds, Théo Julitte, Jordy Smith, Vincent Duvignac, Justine Dupont, Gauthier Garanx,
Direction Otto Borscha Pilou Ducalme, Tom Lasset, Kelly Slater, Paul-César Distinguin, Francis Distinguin, Éric Rebière.
Réglage des ventes : Hindeley Mattard
[email protected]
Tel : 0967320934 (réservé aux marchands
de journaux) COLLABORATEURS
Sylvain Cazenave, Tim Mc Kenna, Joli, Jeff Divine, Éric Chauché, Antony “Yep” Colas, Yannick Le Toquin, Greg Rabejac, Yves Sobanski, Laurent Masurel,
ABONNEMENTS/BOUTIQUE Damien Poullenot, Ronan Gladu, Bernard Testemale, Bastien Bonnarme, Ben Thouard, Laurent Pujol, Bertrand Portrat, Pascal Dunoyer, Olivier Dezèque,
Abomarque - 05.34.56.35.60 Elisa Routa, Kevin Métallier, David Bianic, Julie Pollet, Renaud Masson, Antoine Justes, Guillaume Arrieta, Robin Guyonnet, Xavier Huart, Olivier Servaire.
Surf Session
CS 63656
31036 TOULOUSE CEDEX 1 ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO
SURF SESSION SARL Agathe Toman, Alan Van Gysen, Julien Binet, Erwan Crouan, Paul Crétinon, Pierre Tostee.
B 339 862 872 00035
Capital de 37 180 €
Fondateurs : Pierre Bernard Gascogne,
Gibus de Soultrait
Commission paritaire : 0621 K 88161
ISSN : 0767.7987
Dépôt légal : à parution
édito
baptiste levrier
14
HYPERFREAK X JORDY
140% Hyperstretch. O’Neill Hyperdry. Made to move. 15
FRAME
Jorgann Couzinet
Tartane
Damien Poullenot
Auteur d’un début de saison canon, Jorgann Couzinet pointe aux avant-postes du classement général du QS.
Plus motivé que jamais, soutenu par son nouveau sponsor Soöruz et en pleine confiance, le Réunionnais de
23 ans va devoir confirmer son statut de qualifiable en allant chercher des bons résultats sur les grosses
compètes qui se profilent... Son surf complet et dynamique sera à surveiller de près !
16
17
FRAME
18
Line-up
Outside Punta Elena
Manu Miguelez
Avec Los Lobos en fond, cette droite rare attire, quand elle fonctionne,
bien des convoitises. Et dans un archipel où les locaux ne sont pas réputés des plus
accueillants, y conquérir sa part de vagues relève parfois de l’impossible.
Si Fuerteventura regorge de spots, le nord de l’île en concentre la majorité.
Et quand la houle est suffisamment grosse, d’un coup de ferry,
la traversée vers le caillou d’en face vaut aussi le détour.
19
FRAME
Ian Fontaine
Côte Sauvage
Erwan Crouan
Double dose de granit pour encadrer ce tube de Ian Fontaine à Quiberon.
Quand les bancs de sable de la Côte Sauvage sont aussi bien plantés que le décor
breton, le surf ne peut qu’y être mémorable.
Et avant que ne s’installe l’incertitude des houles estivales, mieux vaut prendre
son dû tant qu’il est encore temps et repartir repu de la presqu’île.
En quelque sorte, une session à graver dans le marbre...
20
21
news
© WSL/Kirstin
Photo : Reynolds
© WSL/Kirstin
6 TRUCS À FAIRE...
EN ATTENDANT LA BONNE MARÉE
12 3 4 5 6
VOIR BOUGER. BONNE VAGUE.
22
Pourquoi 6 ? Comme le nombre d’heures max à poireauter pour voir la marée changer.
LINE-UP DE MAGS EN KIOSQUE
Grosse activité chez votre marchand de journaux ! Nous vous avons
préparé plusieurs hors-séries pour satisfaire toutes vos envies de surfeurs.
Le Surf Session Mademoiselle mixe mode, sport, bien-être et beauté dans
un numéro spécial maillots. Idéal pour toutes les surfeuses qui veulent
bien attaquer l’été. Du beau matos, il y en a aussi dans notre tradition-
nel hors-série... Matos. 400 produits référencés pour faire le point sur
ce dont vous avez besoin, avec tous les conseils pour bien choisir votre
matériel. En plus de ça, une enquête passionnante et instructive analyse
le comportement des surfeurs vis-à-vis de leur équipement. Révélateur...
Enfin, notre SUP Annual (en kiosque mi-juin) met à l’honneur toute la
diversité des pratiques du surf debout à la rame : surf, race, rando. On
vous emmène du Monténégro à Hawai’i, de Méditerranée à la Birmanie.
Le tout réuni dans un numéro collector haut de gamme de 132 pages.
> Tous nos magazines sont aussi disponibles sur shop.surfsession.com
SURF BUSINESS
UNE COMBI
À TOUTE ÉPREUVE
Deux jeunes charentais, Pierre-Louis Bouron et Fabien Mathiot, 27 ans, ont monté
EN CHIFFRES
l’atelier Ocean Combinaison, qui se propose d’allonger la durée de vie
de vos combinaisons en les réparant (proprement).
1000
LE NOMBRE DE VAGUES PAR HEURE
QUE PEUT PRODUIRE THE COVE,
LA NOUVELLE VERSION DU WAVE-
GARDEN. UN SPOT SACRÉMENT
CONSISTANT.
42,6
EN KM/H, LA VITESSE AHURISSANTE
ATTEINTE PAR MICK FANNING EN
SURFANT THE SNAKE, SON SPOT
SECRET. SA MONTRE GPS INDIQUE
AUSSI 34 VAGUES PRISES, 5 H DE
SESSION ET UN RIDE DE 880 M...
24
C’EST LA VEILLE DU DÉBUT DU CT
AU BRÉSIL QUE KELLY SLATER A
DÉCLARÉ FORFAIT... POUR MIEUX
REVENIR POUR SON CONTEST
C’EST QUOI ?
COPYRIGHT, LE OUTERKNOWN FIJI
« On voulait réparer des combinaisons afin d’augmenter leur durée de vie, car plus elles durent PRO ?
longtemps, moins on en achète. À la base, on ne voulait faire que de la réparation mais le
21
projet n’était pas viable et il a fallu y ajouter de la vente de matériel neuf ». C’est ainsi qu’est
né Ocean Combinaison, concept associant un atelier de réparation de combinaisons et
un shop spécialisé. Ce dernier ne propose que « les marques les plus solides, donc les plus
C’EST, EN KILOMÈTRES, LA
écologiques ». DISTANCE PARCOURUE EN DÉRI-
VANT AU LARGE DES CÔTES ÉCOS-
COMMENT ÇA MARCHE ? SAISES PAR MATTHEW BRYCE, EN
Un trou, un zip cassé, une couture qui s’effiloche ? Envoyez votre combi (5,95 € de frais PERDITION AVEC SA PLANCHE
de port aller-retour) et l’atelier se charge du reste : « On fait une dizaine de répas par PENDANT TRENTE HEURES... AVANT
semaine, surtout pour des professionnels comme des gérants d’écoles de surf ». En plus de ça, D’ÊTRE RETROUVÉ INDEMNE.
l’atelier customise à la demande les combinaisons afin de les adapter à toutes les activités
: « On ajoute des braguettes aux combis des sauveteurs en mers pour qu’ils puissent aller aux
toilettes, on rajoute des straps aux chevilles des combi de surf pour ceux qui font aussi du kite,
des ouvertures en bas des combis des écoles de kite... ».
73
EN PIEDS, LA TAILLE ESTIMÉE (SOIT
PLUS DE 22 M) DE LA VAGUE DE
DIY FRANCISCO PORCELLA À NAZARÉ
Et pour ceux qui veulent se charger eux-mêmes des réparations, Ocean Combinaison QUI A REMPORTÉ LE XXL BIGGEST
WAVE AWARD. SON FRÈRE AVAIT
propose des tutoriels sur sa chaîne YouTube pour savoir comment utiliser une colle
REMPORTÉ L’AN PASSÉ LE PRIX DU
néoprène ou du vernis souple. Longue vie à votre combinaison ! WIPE-OUT DE L’ANNÉE.
24
VOS SOIRÉES SURF ET CINÉ
Vous étiez plus de trois cents à venir assister à la projection de Fishpeople,
le nouveau film réalisé par Keith Malloy. Un beau succès pour saluer ces
six histoires de vies chamboulées par l’océan. Présente lors de cette projec-
tion au cinéma Le Royal de Biarritz, l’apnéiste Kimi Werner a pu parta-
ger son expérience, répondre à quelques questions et même partager une
bière en écoutant la musique des Sunset Sons. Une belle soirée ! Peu après,
le 27 mai, Surf Session vous a proposé Distance Between Dreams, le film
consacré au chargeur hawaïen Ian Walsh. Un nouveau beau succès qui nous RYAN CARLSON
encourage à vous proposer de nouvelles dates tout au long de l’année. Le
prochain rendez-vous approche déjà, réservez vos places !
p: Tim Zimmerman
© Binet
25
social
TOP 5
Les articles les plus lus du 4/04 au 9/05
La dernière fois qu’on t’a taxé
Le même jour, ma copine m’a taxé...
La dernière fois que tu as taxé
Toujours la même session, je me suis vengé sur elle.
1. Un surfeur français attaqué par un requin à Hawai’i La dernière fois que tu as checké ta page Facebook
2. Nouvelle attaque mortelle à la Réunion Aujourd’hui.
La dernière photo que tu as posté sur Instagram
3. Surf et moto : la cascade de trop En GoPro à Audierne avec ma douce.
4. Kai Lenny teste le bodyboard foil
5. Laird Hamilton en stand-up foil à Guethary
#SURFSESSIONLOCAL
6381 photos avec le hashtag #SurfSessionLocal ! En voici quatre sélectionnées parmi les dernières publiées.
Comme chaque mois désormais, un cadeau viendra récompenser la plus belle photo ! Rendez-vous sur @SurfSessionMag pour suivre tout ça.
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INSIDER
10 choses
à savoir sur...
Les coraux
ON N’AIME PAS TOMBER DESSUS MAIS POURTANT, SANS EUX, ON SERAIT BIEN TRISTES. INDEMNES
MAIS BIEN TRISTES... LE CORAIL EST EN EFFET INDISPENSABLE À LA SURVIE DE NOMBRE D’ESPÈCES
MARINES COMME À LA QUALITÉ DE NOMBREUX SPOTS.
2. Innombrables
Plus de mille espèces de coraux ont été recen-
sées jusqu’à présent. Au milieu de cet écosys-
1. Vivants tème unique, 4 000 espèces de poissons, plus
Le corail est un animal de la famille des d’un million d’espèces de plantes et d’animaux
cnidaires composé d’un squelette de calcaire. Il prospèrent, soit 25 % de toute la vie marine.
3. Chaud
vit rarement seul mais forme plutôt des colonies
Les plus grands récifs coralliens se trouvent
de tailles variables dont la forme définit parfois
dans les eaux chaudes de l’Australie, du Belize
la physionomie de certaines vagues.
et de Nouvelle-Calédonie.
Très sensible aux variations de températures,
le corail s’épanouit dans une eau claire où la
10. Citron
photosynthèse est aisée.
Après une blessure sur du reef,
les surfeurs se frottent souvent les
plaies avec du citron... Ça pique
mais surtout l’acidité du citron tue 4. Froid
les polypes du corail qui peuvent Certains récifs se développent en eau
continuer à vivre dans la plaie. froide (autour de 4 °C) et à partir de 40
m de profondeur. Ils peuvent proliférer
jusqu’à sept mille mètres de profon-
deur, comme découvert récemment
9. Culture en Nouvelle-Écosse (Canada).
La coraliculture donne nais-
sance à des coraux qui seront
ensuite implantés dans un récif
artificiel. Cela permet de
diversifier la vie sous-marine, 5. Canonique
protéger des côtes ou de Les coraux sont apparus voilà
repeupler un récif. plusieurs centaines de millions
d’années et figurent parmi les
plus anciens animaux. Des
scientifiques ont pu dater
certains récifs actuels, âgés
de plusieurs centaines d’an-
8. Dynamite nées. Faites attention où vous
Une technique de pêche dévastatrice marchez…
(et hélas toujours pratiquée) qui permet
de pêcher en abondance sur les récifs
en faisant tout péter pour n’avoir plus
qu’à récupérer les poissons morts... 6. Colorés
7. Menacés
Il y a les coraux noirs, bleus ou rouges, qui
La surpêche et ses méthodes destructives,
sont autant de classes de coraux différents. On
le tourisme de masse, la pollution humaine
trouve aussi les coraux durs ou mous, qui n’ont
terrestre et fluviale... Toutes ces activités
peu ou pas de squelette.
menacent la survie des coraux. 30 % des récifs
coralliens seraient en déclin et, d’ici 2030, 60 %
30 pourraient disparaître.
John John Florence
S I G N A T U R E S E R I E S
Racontez-nous...
La vague la plus marquante de votre vie
PARFAITE, POURRIE, ÉNORME, MAGNIFIQUE, INATTENDUE, LOINTAINE... LA VAGUE DONT ON SE SOUVIENT
BES
LE PLUS N’EST PAS FORCÉMENT LA MEILLEURE D’ENTRE ELLES. QUELLES QUE SOIENT LES RAISONS
QUI L’ONT PROFONDÉMENT GRAVÉES DANS VOTRE MÉMOIRE, VOICI CERTAINES DES VAGUES LES PLUS
MARQUANTES DE VOS VIES !
Olivier Saulière
Jean-André Blanc
Jérémie Bizard
EST
Brieuc Becker
Spot de Port Rhu, Quiberon : session hivernale, 2 m 50, glassy, creux, tubulaire, en
bodyboard. Rentrée du take-off parfaite, mais vague trop rapide et je me retrouve
englouti par le tube sans pouvoir en sortir. Je me mange le sable bien salement sur
la gueule, je remonte à la surface sauf que, manque de bol, une très grosse série se
referme sur moi. À peine le temps de prendre ma respiration, je reste sous l’eau une
trentaine de secondes en buvant la tasse. Je me suis bien vu mourir...
LA+
PHILOSOPHIQUE
Zouhair Khattabi
Tristan Besnard
33
surf & style
LA WAX FONDUE
Après la prochaine SUR LA BANQUETTE OUI,
tempête, dites ARRIÈRE DE VOTRE UNE BONNE
« Tous les bancs de VOITURE VA DE PAIRE SESSION
sable ont bougés ». AVEC UN TAS DE SABLE
SUR LE SIÈGE POURRIE,
Juste au cas où. PASSAGER. ÇA EXISTE.
89 %
VOTRE PLANCHE
MIEUX VAUT NE DOIT PAS
NE PAS AVOIR TRAÎNER SUR LA
DE DÉRIVES PLAGE PLUS DE des surfeurs
QUE DE PARTIR 17 MINUTES mentent sur
SANS TOUCHER
À LA DÉRIVE. L’EAU. leur niveau.
34
EN KIOSQUE
HS04
SPÉCIAL
MAILLOTS
2017
V O YA G E
DÉPART
POUR
TAÏWAN
RENCONTRE
BODYSURF,
Mode LA GLISSE
À L’ÉTAT PUR
BIARRITZ
LA FRENCH
,
BEAUTÉ
NOTRE
TOUT-DOUX
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CALIFORNIA
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LES CONSEILS
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DE JOHANNE DEFAY
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SURF SESSION THÉMATIQUE HORS-SÉRIE FORME
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05/04/2017 14:15
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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR L A SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉR ATION.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR L A SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉR ATION.
Aventure
LOCAL
38
Odisea
du flocon à la vague en patagonie
ODISEA, C’EST UNE HISTOIRE D’EXPÉDITIONS TOUT EN GLISSE. LES AVENTURES DU CHAMPION DU MONDE
DE SNOWBOARD MATHIEU CREPEL ET DU FREE SURFEUR DAMIEN CASTERA SUR LES CHEMINS DE L’EAU.
EN ALASKA (L’ANNÉE DERNIÈRE) ET CETTE ANNÉE EN PATAGONIE, ILS ONT SUCCESSIVEMENT RETRACÉ LE
PARCOURS D’UN FLOCON DE NEIGE QUI SE DÉPOSE AU SOMMET D’UNE MONTAGNE, COULE LE LONG DES RI-
VIÈRES ET FINIT SA COURSE DANS L’OCÉAN. SNOWBOARD, PACKRAFT, CANOE, SURF… PEU IMPORTE POUR-
VU QUE LA GLISSE SOIT CÉLÉBRÉE.
O
disea, c’est l’opportunité pour deux En piste
sportifs de haut niveau qui, après Le volcan Osorno est une montagne complexe à conquérir.
avoir cotoyé les podiums, renouent Sa proximité avec l’océan rend la météo imprévisible et sa
avec le calme des grands espaces. Sous forme conique, spécifique des strato-volcans, génère des
le couvert des forêts, ils pénètrent le vents d’une puissance inouïe. Les accidents sont fréquents
royaume des ours, pêche le saumon, sur le sommet, aussi le parc national interdit toute nuit
établissent des campements et développent une entraide sur la montagne. Heureusement, Jose, un des meilleurs
fondamentale face à la rudesse d’une nature exigeante. grimpeurs de la région, a quelques connaissances bien
Odisea, ce sont aussi des rencontres faites en chemin placées dans les instances ministérielles et nous parvenons
semblables à des pépites d’or dans le fond des rivières, à obtenir un passe-droit pour bivouaquer deux nuits sur le
rares et lumineuses. L’Alaska et la Patagonie, deux destina- volcan. Avec le matériel vidéo et les splitboards, nous avons
tions aux antipodes de l’Amérique pour une même entité chacun entre 25 et 30 kg sur les épaules et 1800 mètres
humaine et naturelle. Là où le wild persiste, les hommes se de dénivelés positifs à gravir. Nous attaquons l’ascension
ressemblent. Des tlingits d’Alaska aux Mapuches de Patago- par la face nord et projetons de redescendre, si le temps le
nie chilienne, les peuples premiers dévoilent une conscience permet, par la face sud. Il nous faudra alors sortir les cordes
poétique et écologique qui entre en résonnance avec l’odys- de rappel et dégringoler une pente de glace sur 200 m, avec
sée de nos deux sportifs. une inclinaison avoisinant les 70°, ce qui, avec mon vertige,
relève d’une prouesse de premier ordre. Les paysages qui
nous entourent sont d’une beauté rare. Au sable basaltique
(éparpillé par l’éruption phénoménale du volcan Calbulco
un an auparavant) succède bientôt la neige molle de cette
fin d’hiver. Le temps est clair, l’azur rayonne au-dessus
des têtes. Nous installons le camp 1 à flanc de montagne,
à 1800 mètres d’altitude après six heures de marche. Nous
délimitons l’emplacement, terrassons la neige à grands coups
de pelles, et bâtissons des murs pour se protéger des vents.
Avec Mathieu, nous profitons des dernières lueurs du jour
pour tracer nos premières lignes dans une neige immaculée.
Extase suprême…
Cathédrale de glace
Les nuits sont glaciales sur la montagne pour un néophyte
comme moi. Nous prélevons à même le sol la neige qui
permettra la préparation des soupes et du thé.
Les menus sont rudimentaires et peu variés mais, après
l’effort d’une marche, ils n’en demeurent pas moins les
meilleurs repas du monde. Aucun met ne peut surpasser
une soupe aux vermicelles dans le silence mystérieux des
hauteurs. Le lendemain, le soleil a laissé place au jour
blanc. La visibilité est nulle, les perspectives s’estompent,
le vent rugit dans le lointain. Nous enfilons nos baudriers,
chaussons les crampons et martelons la glace avec nos
piolets. L’ascension est longue et périlleuse. Plus personne ne
parle. Chacun se concentre à assurer ses prises pour ne pas
dévisser et plonger plusieurs centaines de mètres plus bas.
40
Après la conquête à petit pas du sommet, la descente est avalée
entre ciel et neige. Damien part à la poursuite de Mathieu.
41
Aventure
LOCAL
Quant à moi, je prends un pied phénoménal à dévaler cette et les volcans qui s’illuminent de leurs neiges dans l’or du
montagne sur laquelle semble s’appuyer le ciel. soir. Nous découvrons avec bonheur l’éveil de la nature après
Le snowboard est un jeu de petit homme pratiqué sur un l’hiver austral, les parfums errants de la sève en travail, le
terrain de géant. Pas étonnant que ces massifs solitaires vent courant sur la lande. Le temps est lumineux, les rivières
chargés de mystères aient depuis toujours représenté le fuient vers l’océan. Après l’ascension et la descente du
domaine des dieux. volcan Osorno, nous avons troqué nos snowboards contre
des embarcations précaires qui devraient nous permettre de
Les rapides du rio Petrohue descendre le rio Petrohue.
La région des lacs est un sanctuaire, un royaume tranquille Le problème est que nous avons sensiblement surévalué
à la croisée de la mer et des montagnes. Tout ce qui fait douce nos compétences en eau vive et certainement sous-évalué la
la vie des hommes semble y être réuni : des cabanes paisibles complexité de la rivière. Lorsque nous l’attaquons sur sa partie
alimentées par la chaleur du poêle, des forêts en paix, le haute (niveau de difficulté 3+), nous comprenons vite que le
mouvement lent de quelques hommes parmi leurs pierres, débit est extrêmement puissant et que les rapides vont être
42
complexes à franchir, surtout à bord de nos packrafts conçus
pour les navigations en eau calme. Nous passons une bonne
Je prends un pied
partie de la journée entre rires et larmes à tenter de survivre phénoménal à dévaler
au milieu des bouillons. Malgré toute ma concentration, je
ne parviens pas à trouver le rythme et chavire au milieu des
cette montagne sur laquelle
vagues. Sans embarcation et à la merci des courants, je lutte semble s’appuyer le ciel.
plusieurs minutes avant de regagner le rivage. Mathieu, qui
s’en est mieux sorti, récupèrera mon raft un kilomètre plus
Le snowboard est un jeu
bas. Au fil de notre progression, les rapides semblent devenir de petit homme pratiqué
de plus en plus dangereux. Nous décidons d’avancer à tâtons
et de contourner à pied les passages jugés trop techniques.
sur un terrain de géant.
Le soir, épuisés par la bataille, nous bivouaquons sur une
petite plage de sable noir.
43
Aventure
LOCAL
44
Surf-check à dos de cheval, une expérience inédite et
écologique. À importer le long de leurs plages basques ?
45
46
Le pays des gauches tient toutes ses promesses et Mathieu change de
stance (il est regular en snowboard...) pour se repaître de la spécialité locale.
Nous avons arpenté chaque crique, chaque pointe
rocheuse pour débusquer la perle rare,
l’objet de tous nos rêves : une vague sans in.
47
Reentry engagé pour Damien qui épouse parfaitement le
rythme de la vague, suivant jusqu’au bout le chemin de l’eau.
Dès les premiers jours, un couple de paysans nous offre arrache à son champ les secrets de la terre. Poireaux, salades,
l’hospitalité et nous permet de partager une parcelle de terre tomates, et quelques légumes aux formes aussi étranges que
avec quelques-unes de leurs bêtes. Rien de tel qu’une nuit de le nom qui les accompagne. Avec Mathieu, nous mettons la
tente au milieu des alpages. Après les rivières tumultueuses main à l’œuvre et préparons une parcelle pour la nouvelle
et la compagnie des pêcheurs de Cochamo, nous plongeons plantation de pommes de terre. Echanges de bons procédés :
dans l’univers bucolique de Chiloe. Sur la devanture de la deux paires de bras supplémentaires contre deux chevaux
maison, cette maxime en lettres capitales : « Ici, il n’y a pas pour explorer les plages environnantes. Après une journée
d’étrangers, seulement des amis qui ne se connaissent pas encore ». au champ, c’est donc à la manière de Don Quichotte que
À première vue, nous sommes bien tombés. Fernando et nous gagnerons les spots de surf, si surf il y a…
Henrietta possèdent une trentaine de brebis, deux chevaux
et un potager rondement entretenu. Chaque matin, avec Check à cheval
cette sérénité propre aux hommes de la campagne, Fernando Le lendemain matin, nous fixons les planches sur nos
48
Rencontre au sommet avec les locaux les plus
nombreux et envahissants du coin.
sacs à dos et prenons la piste des vagues sur nos nouvelles Nous nous enfonçons
montures. Quelle expérience formidable ! Après la descente
d’un volcan en snowboard, le franchissement de rapides
dans les paysages de Chiloe
en packraft, nous nous enfonçons dans les paysages de à cheval, comme si le sens
Chiloe à cheval, comme si le sens véritable de notre aven-
ture consistait à voyager de la manière la plus esthé-
véritable de notre aventure
tique et originale possible. « N’aspire pas à la vie éternelle consistait à voyager
mais épuise le champ des possibles », disait Pindare. Avec
Odisea, nous mettons en pratique ce principe d’existence.
de la manière
Niveau surf, nous découvrons plusieurs beachbreaks et la plus esthétique
une vague de roche. La moitié de l’île étant étouffée sous
une dense forêt primaire, il faudrait des mois pour l’explo-
et originale possible.
rer dans sa totalité. Nous préférons nous focaliser sur une
petite zone géographique et jouir de cette tranquillité propre communauté. Changement d’environnement : la tente
aux régions isolées. Durant notre semaine à Chiloe, nous ne est dressée entre l’église, le cimetière et le terrain de foot.
croisons surfeur qui vive. À la bonne heure ! Après quelques La ressemblance de Mathieu avec le célèbre footballeur
acrobaties le long d’une paroi rocheuse, nous débusquons tricolore Antoine Griezmann fait sensation au village.
un slab d’une rare qualité. Malheureusement, notre manque Tous les enfants veulent tester la dextérité du jeu de jambe
de connaissances des spots et de leurs conditions météos de mon compagnon de glisse et les premières parties de
nous font arriver à la mauvaise marée, un jour trop tard. football sont lancées sous le regard amusé des anciens.
À peine trente minutes dans l’eau avec des vagues d’1m 50 Alors qu’une fête locale se prépare, Christian nous livre un
que le vent du large se lève et anéanti nos rêves de hold-up. témoignage poignant sur la situation sociale de son peuple :
Le lendemain, le swell a complètement disparu. « Nous autres Huilliches et Mapuches, luttons depuis des années
pour la valorisation de nos droits. Un combat rude où se mêlent
Conscience indienne fréquemment arrestations et assassinats. Vous savez, les décrets
Nous passons alors deux jours en compagnie du chef promulgués par la dictature militaire de Pinochet sont toujours
Huilliche Christian Chiguay, au sein même de sa en vigueurs. De grandes étendues de terre passent aux mains
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Ciel embrasé en Terre de Feu pour la carte postale inale
d’un trip haut en couleur. Mathieu Crépel.
de puissants groupes économiques privés, annulant les bienfaits fouille dans les paysages pour en révéler sa substance, nous
de la réforme agraire en matière de distribution territoriale. avons arpenté chaque crique, chaque pointe rocheuse pour
Ces multinationales organisent des monocultures massives de débusquer la perle rare, l’objet de tous nos rêves : une vague
pins et d’eucalyptus qui assèchent considérablement les nappes sans fin, déroulant dans une crique silencieuse à l’abri des
phréatiques de la région. Mais comme d’habitude, seul le profit regards. Une sorte de royaume en paix pour un rêve un
immédiat est comptabilisé. Le peuple Mapuche se bat pour peu égoïste, celui de surfer seuls. Durant l’hiver austral,
endiguer cette activité qui répand la pauvreté, endommage les dépressions se forment aux abords de l’Antarctique et
l’environnement et détériore culturellement notre peuple ». remontent le long du continent sud-américain. Comme en
Malgré cette réalité qui entache quelque peu la vision Afrique occidentale, un courant froid remonte les latitudes,
paradisiaque du Chili, Chiloe restera à coup sûr une étape propice au développement et à la diversité de la vie aquatique.
marquante de notre odyssée. Un lieu unique au monde où Benguela en Namibie, Humbolt au Chili, permettent la
les hommes ont su tisser un lien de connivence étroit avec prolifération de milliers de mammifères marins, baleines,
la nature. lions de mers, phoques… Un paradis naturel jusqu’alors
épargné grâce à la rudesse du climat. Pour les spots de
Du surf au royaume d’Araucanie surf, c’est un peu la même chose. Ce courant froid nous
La furie des vents d’ouest rendant le surf impraticable sur permet de côtoyer davantage de compagnons à nageoires
Chiloe, nous avons décidé de tenter notre chance un peu que de compatriotes bipèdes. Et les vagues se révèlent
plus au nord. Avec cette minutie propre au géographe, qui d’une intensité extrême pour qui sait chercher. C’est un
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L’expédition s’achève au bord de l’eau, que Damien s’emploie à remuer, peut-être pour
relancer son cycle et trouver une nouvelle idée de voyage.
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LOCAL
Culture
Le paradoxe
du s e c re t spot
LE SURFER TRANQUILLE, LE MÉDIATISER, L’EXPLOITER, AIDER À LE DÉVELOPPER ?
QUE FAIRE D’UN SPOT DÉSERT QUE L’ON A DÉCOUVERT, SEUL OU AVEC QUELQUES AMIS.
À L’HEURE OÙ TOUT SEMBLE SE SAVOIR DANS LA SECONDE, EST-IL D’AILLEURS ENCORE
POSSIBLE DE GARDER UNE VAGUE POUR SOI ? AVEC AUTANT D’OPTIONS DISPONIBLES,
LE SECRET SEMBLE DE PLUS EN PLUS DUR À GARDER !
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©Brasset
LOCAL
Culture
Pour être sûr de garder le spot pour lui, Miguel Blanco surfe caché.
La première et la plus eicace des précautions.
S
i les grandes heures de la surf explo- garder pour soi pour y surfer, au risque de se faire griller
ration datent des années 70 avec la la politesse par d’autres surfeurs et de voir le spot subir un
découverte des spots majeurs d’Indo- développement incontrôlé. De nos jours, plusieurs acteurs
nésie ou du Pacifique, des nouveau- de la sphère surf peuvent être accusés de tuer le secret. Dans
tés récentes comme Skeleton Bay en quelle logique agissent-ils et, après tout, faut-il vraiment
Namibie ou le Snake de Mick Fanning garder le secret ?
montrent qu’il reste encore quelques pépites surfistiques
cachées autour du globe. Certains pensent que la loi impli- Les secrets spots en couverture
cite du surf oblige à respecter ces derniers secrets, d’autres Commençons par une autocritique. Comme l’a sévèrement
considèrent que les spots sont à tout le monde. Mais de nos énoncé Steve Pezmann, le fondateur de The Surfer’s Journal,
jours, le poids du secret semble toujours plus lourd à porter. « Les magazines menacent les spots ». Il y déjà cinquante ans,
Lointaine est l’époque où Jeff Clark, pionnier de Mave- quand un premier article sur le Guam (île des Mariannes),
ricks, pouvait garder ce spot pour lui pendant quinze ans paraît dans Surfer, la fierté des locaux est mêlée aux regrets,
avant de se résoudre à y amener quelques surfeurs de gros. surtout pour Tom Chambers, le surfeur qui a “balancé”. Et
Aujourd’hui, que se passe-t-il quand on découvre un spot ? quand il voit ensuite débarquer des surfeurs disant que son
Selon le caractère de l’heureux conquistador, il peut choi- article les a incités à venir, Tom a parfois l’impression d’avoir
sir d’en parler, de montrer des photos, d’inviter du monde, « vendu [son] âme au diable pour 50 $ ». Pas très rentable...
d’y installer un surfcamp… Ou bien de se contenter de le Les médias ont donc une part de responsabilité dans la diffu-
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Si avant la compète,
« même les pros
ne savaient pas où ils
allaient », quelques jours
après, des wagons entiers
de surfeurs arrivaient
©Lesbats/Rip Curl
sur le spot.
sion des images, comme l’a avant eux ceux qui les réalisent. Cependant, l’objectif est clair : « On ne vend pas la destina-
Heureusement, beaucoup de photographes professionnels tion ou la vague mais bien le voyage nécessaire pour s’y rendre ».
ont une véritable éthique de travail. Le photographe breton
Ronan Gladu affirme même pratiquer l’auto-censure en Contest et secret spot ?
permanence : « Pour les spots bretons, il y a plein d’angles que Parfois, le trip est même organisé dans le cadre de compé-
je m’interdis car on voit trop de repères… Et lors de la première titions. On garde tous en tête l’épreuve WCT du Rip Curl
parution, je donne un surnom au spot pour brouiller un mini- Pro Search Mexico en 2006 qui a vu le top 44 de l’époque
mum les pistes. Pour certains spots secrets, je ne fais que des enchaîner barrel sur barrel sur une droite inédite. Tout le
photos très serrées et j’attends au minimum une semaine avant monde a adoré, sauf ceux qui avaient intérêt à ce que le spot
de les diffuser. Malgré tout, je suis le démon pour 99,9 % des reste secret. Certains commentaires marquaient toute l’am-
surfeurs bretons qui me fusillent du regard dès que j’ai un appa- biguïté du ressenti : « C’était vraiment cool de voir la compé-
reil dans les mains ! ». Dans le cadre de Lost in the Swell, tition... mais la zone a été tellement médiatisée que rien n’y sera
Ronan et ses compagnons ont aussi découvert de nombreux jamais plus comme avant ». Pour Arnaud Decarne, qui s’est
spots mais n’éprouvent pas le même besoin de les protéger : occupé à l’époque de la logistique de la compétition pour Rip
« On voyage des jours entiers pour atteindre le spot... Donc si les Curl, ce contest reste un souvenir fantastique. Son défi était
gens ont envie d’y retourner, bonne chance ! ». Le trio a même de créer une infrastructure à un endroit où il n’y avait rien,
intégré des images satellites à ses vidéos du Gabon car ils à part quelques bungalows et un petit resto. Il ne regrette
aimeraient voir de très bons surfeurs se frotter à ces spots. rien : « Le projet a été monté en faisant attention aux popula-
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LOCAL
Culture
© Gladu
« Le sandspit breton », lâche Ronan Gladu.
Un bon surnom bien aguicheur mais pas d’info supplémentaire.
tions locales, sans dénaturer le site ». Arnaud reste persuadé boat-trips aux Maldives, connaît forcément beaucoup de
que l’impact a été positif sur l’économie locale : « Il y avait spots plus ou moins secrets. Tour à tour accusé ou remercié
des compensations, on faisait travailler les ouvriers locaux, les de les avoir partagé, il explique son approche : « Au début
camions… ». Et si certains locaux auraient voulu gagner des années 90, sur une zone de dix spots, seuls deux ou trois
plus, dans l’ensemble cela c’est bien passé. Et Arnaud est étaient connus. On s’est attaché à renverser la vapeur : faire en
resté une semaine de plus pour participer à la construction sorte que sept ou huit soient connus et que deux ou trois restent
d’un dispensaire. Mais alors que Rip Curl avait souhaité à l’écart de notre publication ». Il explique que l’idée est de
tenir secret l’emplacement du spot en le renommant La donner aux surfeurs l’envie de bouger mais sans tout révé-
Jolla, Arnaud comprit vite que le secret ne tiendrait pas. ler pour que chacun puisse chercher. « Il est important de
Si avant la compète, « même les pros ne savaient pas où laisser des spots aux locaux, pour qu’ils s’y retrouvent », recon-
ils allaient », quelques jours après, des wagons entiers de naît-il. Antony se souvient qu’il avait été question de créer
surfeurs arrivaient sur le spot. Après réflexion, Arnaud des sanctuaires, sortes de zones vierges de toute info, mais
admet que « tu ne peux pas garder un spot secret pendant l’idée avait été abandonnée car « on a craint d’obtenir l’ef-
une éternité à partir du moment où tu le diffuses ». L’an- fet inverse en attirant la convoitise de tous les surfeurs malins
née suivante, lors du Search au Chili, le problème est vite qui cherchent ardemment du bon surf vierge ». Récemment,
expédié puisque la municipalité d’Arica avait clairement il a constaté en personne qu’une île non référencée dans
souhaité que l’on situe la compétition pour pouvoir profi- les guides était restée bien tranquille depuis sa première
ter de cette médiatisation. visite voilà vingt ans. Même s’il estime que c’est surtout
car le surf n’y est pas très consistent alors que « les voya-
Guides et relevés géographiques geurs aiment la consistance, comme aux Maldives où le bon
Combien reste-t-il alors de spots secrets ? Nul ne le sait, surf est très fréquent ». Antony explique aussi que la clé des
mais on sait à peu près combien sont répertoriés : 9000 spots vierges n’est plus le secret mais la difficulté d’accès
sur wannasurf.com et environ la moitié dans les différentes : « Combien d’heures pour quel budget ? La barrière est là
éditions du Stormrider Guides et autres guides papiers. maintenant ! Tant qu’un aéroport ou une route n’est pas planté
Antony Colas, auteur des guides Stormrider et opérateur de à côté d’un spot majeur, il reste à l’écart des grands flux de
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© Le Toquin
Le secret le plus eicace pour un spot réside dans son caractère éphémère.
Un coup par là, l’autre un peu plus loin, impossible à prévoir.
voyageurs. Et j’exagère à peine en disant que s’il n’y a pas de En caricaturant, il suit
signal GSM ou de wifi, on peut carrément parler de secret spot ».
de démissionner, d’investir
Nouvelles technos son solde de tout compte
Téléphone portable, carte satellite, forums, les nouvelles
technologies et moyens de communication ont permis la dans un terrain pas cher puis
découverte de nouveaux spots. Ce fut le cas pour Skeleton d’y monter un surfcamp.
Bay, révélée par un concours de Surfing Magazine utilisant
Google Earth. Mais les nouvelles technologies permettent
surtout de diffuser rapidement de l’information sur les « Si une personne accole le vrai nom d’un spot à sa photo, plus
spots. Dès 2011, Kimball Taylor estimait que YouTube d’un milliard de personne peut potentiellement le retrouver.
avait tué le secret spot après avoir vu un nouveau spot Encore pire, cela ne concerne pas juste leur photos personnelles,
grillé par la circulation de vidéos. Aujourd’hui, une simple mais celles de tout le monde ! ». Et ces outils menacent non
recherche « surf secret spot » sur YouTube donne 167 000 seulement les secret spots lointains, mais aussi ce qui s’en
résultats. Certaines de ces vidéos sont extrêmement popu- rapproche le plus pour les surfeurs aquitains : les bancs de
laires : 400 000 personnes ont vu le Snake de Mick Fanning, sable ! Comme l’explique David, un surfeur girondin, « il
90 000 un spot de surf en rivière situé en Suisse, 60 000 se n’y a plus de secret spots entre Soulac et Anglet ! En revanche,
sont intéressées au « Best Secret Surf Spot in the Caribbean ». on peut toujours essayer d’être le premier à surfer le banc de
sable du moment ». Comme d’autres, il consacre beaucoup
Le buzz #secretspot de temps à chercher ces spots et regrette que certains bons
Existe-t-il encore des surfeurs qui partent en trip sans dire plans soient grillés en quelques jours. Parmi les causes, selon
où ils sont ? Des surfeurs capables de disparaître pendant lui, ces pages Facebook où « sous prétexte d’organiser du covoi-
trois mois sans laisser filtrer la moindre photo de vague turage, on balance le nom de spots qui marchent à plusieurs
sur leur profil Facebook ? Pour Stu Nettle de Swellnet, les milliers de personnes ». Dans un but « pédagogique », David
réseaux sociaux et leurs mots-clés sont une vraie menace : a d’ailleurs déjà contacté plusieurs membres et administra-
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LOCAL
Culture
teurs pour les inciter à être un peu plus discrets. David n’est
pourtant pas un intégriste anti-internet puisqu’il publie
régulièrement des photos de ses sessions sur un forum de
surf et sur son compte Instagram. Alors n’est-ce pas un peu
paradoxal de révéler qu’on s’est gavé tout en voulant garder
le secret ? « C’est vrai que c’est un peu schizo », avoue-t-il. La claque de ces dernières années
« Mais sur le forum que je fréquente on est peu nombreux et par Mick Fanning et The Search.
Un serpent qu’on ne toujours pas où trouver...
très attentif à ce que l’on dit. Personnellement, je ne dis que
Gironde et je suis capable de mentir sur l’emplacement du
spot, de photoshoper un élément caractéristique, de retourner
la photo pour transformer une droite en gauche, ou de shooter surtout quand on parle la langue. Ici c’est une grande famille
en noir et blanc pour qu’on ne reconnaisse pas la couleur de qui m’a adopté ».
l’eau ». Mais plus que les techniques de dissimulation, il a
confiance dans sa technique pour trouver les bancs avant Sauvons les spots, aidons les locaux !
les autres. Et là, il n’en dira pas plus… À force de dérouler sans personne dessus, les vagues
risquent de ne plus dérouler du tout... Et nommer les
Le tourisme des surfcamps spots permet parfois de les protéger. On peut penser que
Et quand certains trouvent le spot de leur rêve, ils peuvent le barrage hydroélectrique qui a fait disparaitre Petacalco
être tenté de s’y installer. En caricaturant, il suffit de au Mexique ou la jetée qui a tué Jadim Do Mar à Madeire
démissionner, d’investir son solde de tout compte dans un auraient pu être combattus si ces spots avaient été mieux
terrain pas cher puis d’y monter un surfcamp. Originaire connus. L’association Save The Waves se bat aujourd’hui
de Saint-Jean-de-Luz, Laurent Dutuilh n’a pas beaucoup un projet de centrale nucléaire à J-Bay, des surfeurs se sont
hésité quand, en 2007, il découvre Guanico lors d’un surf- mobilisés contre le dragage de Mundaka ou des projets à
trip au Panama : « À l’époque, il n’y avait personne à l’eau : Taghazoute… Mais qui va se battre pour des spots inconnus
un local, un Anglais et des jeunes qui regardaient. Mais je en Angola, en Haïti et en Mauritanie ? Peu de monde, si ce
surfais souvent seul. Le surf a commencé à se développer aux n’est l’équipe de surfEXPLORE qui a découvert ces spots
alentours mais il n’y avait rien pour les surfeurs. Alors j’ai et alerté l’opinion sur ce qui les menace. Cette logique de
acheté un terrain puis construit mon surfcamp El Ranchito protection a motivé le frenchie de l’équipe, Erwan Simon,
». Quand on lui demande s’il a rencontré des résistances à révéler ses clichés de Saint Brandon (dont il nous a fait
locales Laurent explique que « c’est facile de s’intégrer, partager la découverte dans un récit publié dans le Surf
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© Rip Curl
Session #350), dix ans après les avoir réalisé. Car il estime Entre intérêts personnels et responsabilité collective, les
que les spots de cet atoll situé au nord de l’île Maurice torts et les mérites semblent donc partagés entre pros et
sont aujourd’hui menacés par des projets touristiques. antis-secrets. À défaut de trancher, peut-être pourrait-on
SurfEXPLORE revendique aussi le développement écono- déjà profiter de nos prochaines sessions pour s’interroger
mique par l’intermédiaire du surf. Dans un pays sous-déve- sur l’avenir de nos spots préférés et réfléchir deux minutes
loppé, on peut imaginer que l’essor d’un tourisme durable avant de balancer un spot dans son prochain post !
et équitable puisse apporter des bienfaits à la population.
Le goût du secret peut-il s’opposer à l’arrivée de l’eau et
de l’électricité dans un village, à l’installation d’une école Les 10 commandements du secret spot
ou d’un centre de santé ? Dans une interview à Swellnet,
le photographe John Callahan explique qu’en Chine et en - Ne jamais y retourner.
Algérie par exemple, on leur a spécifiquement demandé de - Ne pas faire de photo.
faire la promotion des spots pour attirer plus de visiteurs. Il - Ne pas inviter n’importe qui.
explique que leur attitude dépend des surfeurs locaux, s’il - Ne pas sous-estimer la technologie.
y en a : « S’il veulent qu’on donne des noms pour en faire la - Ne pas dire ce qu’on fait, brouiller les pistes.
promo, nous le faisons avec plaisir, sinon on ne donne aucun - Ne pas avoir l’air d’un surfeur.
endroit exact. On comprend que les gens soient dégoutés par - Ne pas nommer, donner des pseudos aux spots.
la profanation de zones vierges comme Kuta à Bali, Tama- - Ne pas insister auprès des autres.
rindo au Costa Rica ou Taghazoute au Maroc, mais leur - Ne pas trop se vanter, attendre pour raconter.
rejet est généralement basé sur des sentiments assez égoïstes ». - Ne pas désespérer : un spot grillé peut retomber dans l’oubli.
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Interview
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JORDY SMITH
« FAIS CONFIANCE
EN TON INSTINCT »
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Avant le barbecue, Jordy s’est ouvert l’appétit en lacérant J-Bay
de ses carves appuyés. On l’y retrouvera en juillet pour l’étape
du Tour, forcément un gros objectif pour lui.
Comment se sont passés tes débuts de surfeur ? Quel était ton home-spot ?
Mes parents m’ont amené à la plage dès mes deux ou trois J’ai commencé à Addington Beach, juste au sud des jetées
ans. Je pense que j’avais encore mes brassards quand je me de Durban. C’est seulement une fois que j’avais un certain
suis levé sur planche pour la première fois. Mon père et ma niveau que mon père m’a autorisé à aller à New Pier. Il voulait
mère adoraient passer du temps à la plage donc je barbotais que je possède les bases avant de passer à l’étape supérieure.
en permanence, d’autant plus que mon père shapait et Aujourd’hui, beaucoup de kids brûlent les étapes, veulent
surfait. Beaucoup de kids qui surfaient, faisaient aussi du surfer des vagues parfaites et mettre des airs avant de savoir
sauvetage. Pas moi, je préférais le foot, et c’est toujours faire un turn. Je suis content d’avoir commencé doucement.
le cas. C’est tellement l’opposé du surf. Du coup, on me Avec le temps, je suis passé de l’inside de New Pier, aux
63
Interview
bowls puis à l’outside. Une autre chose que mes parents Avec qui passes-tu du temps à l’eau ?
m’ont inculqué, c’est de toujours respecter mes aînés et de Mon groupe de pote est resté le même depuis ma jeunesse.
bien me comporter à l’eau. Quand je suis chez moi, j’appelle Chad du Toit, Damien
Fahrenfort ou Travis Logie. J’ai toujours surfé avec eux et je
C’était un bon endroit pour apprendre ? continue à le faire. De temps à autre, je surfais avec Ricky
Carrément. Certains ne réalisent pas à quel point New (Bassnet) qui était pour moi le meilleur surfeur d’Afrique
Pier est un bon spot pour progresser, surtout quand on est du Sud. Mon père me répétait souvent : « Tout ce que tu dois
jeune. Il fait chaud, tu peux aller au pic en sautant de la faire, c’est battre Ricky, ne te préoccupe de personne d’autre ».
jetée, prendre des jolies petites vagues, mettre quatre ou
cinq turns et recommencer. En trois heures de surf, tu peux Quel est le meilleur souvenir de ton enfance ?
prendre quarante vagues ! Donc tu peux vraiment répéter Dur à dire, j’en ai beaucoup de très bons. Probablement le
tes tricks, travailler tes virages. Et quand le vent tourne moment où j’ai compris que je pouvais faire carrière dans
onshore, tu peux bosser ton répertoire aérien. Quand j’étais le surf. C’était pendant les championnats du monde ISA, à
petit, il y avait beaucoup de jeunes surfeurs talentueux Durban en 2003. Travis Logie avait gagné en Open et moi
à l’eau : Warwick Wright, Travis Logie, Davey Weare, dans ma catégorie d’âge. Ça a boosté ma confiance ! Je me
Damien Farhenfort, Paul Canning, Ricky Bassnet... Ça m’a souviens de ramer le long du pier et de voir cette vague surgir
beaucoup aidé de les côtoyer. Le surf était en plein boom en devant moi, me retourner, placer quatre turns et empocher
Afrique du Sud à ce moment-là et nous étions pile là où il un 8,3 pts. J’ai percuté que c’était ce que je voulais faire dans
fallait être. On avait le shop Surf Zone juste à côté, le café, ma vie et qu’il fallait que je donne tout pour y arriver.
le spot, pas besoin de bouger. On surfait là, on mangeait là,
on vivait là. J’ai vécu une époque merveilleuse. Ensuite, tu te retrouves vite sur le QS, ça se passe
comment ?
Avais-tu déjà des objectifs en tête ? C’était une expérience assez étrange pour moi. Je sortais
Entre sept et douze ans, je ne pensais à rien de sérieux. d’une bonne année chez les juniors et j’avais entendu à quel
Je n’imaginais pas devenir surfeur professionnel. Tout point le QS pouvait être différent et compliqué. À l’époque,
ce que je voulais, c’était m’amuser. Je voulais toujours il y avait beaucoup, beaucoup de monde sur chaque contest
surfer plus. Je respirais surf, c’était une obsession. Ça l’est et il fallait passer énormément de séries pour obtenir un
toujours d’ailleurs. Je suis persuadé que nos passions nous résultat correct. J’ai beaucoup appris de cette période, c’est là
permettent d’atteindre nos objectifs. À partir d’un certain que tout s’est mis en place. J’ai eu cette wild-card pour le CT
moment, quand tu prends conscience de ton potentiel et à J-Bay (en 2006, ndlr) et j’ai atteint les demi-finales. J’ai
que tu vois où ça peut te mener, alors tu commences à te su alors que je pouvais me mesurer aux meilleurs. Dans ma
fixer des objectifs. tête, ça a fait tilt et j’ai tout fait pour passer des tours sur le
QS et rentrer au plus vite sur le Tour. J’ai enchaîné quelques
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Quand les conditions l’y amènent, Jordy s’éloigne
de Durban et s’en va scorer plus au nord,
© Binet
bons résultats et j’ai failli me qualifier dès cette année-là. débutant alors que les surfeurs engagés sur le Tour depuis
Mais, heureusement que ça n’est pas arrivé car je n’aurais plusieurs années connaissent parfaitement tous les rouages.
pas su gérer. Du coup, l’année suivante, j’ai fait toutes les
compètes que je pouvais et j’ai vite eu suffisamment de Qui t’a aidé à gérer cette pression ?
points pour me qualifier (il a donc intégrer le CT en 2008). Mon père en premier lieu. Il me remettait tout le temps à ma
J’ai même remporté le circuit QS avec un record de points à place : « Ne te crois pas trop fort, il y aura toujours un meilleur
la clé. Je me suis surpris moi-même ! Tout est allé si vite, je surfeur que toi, quelqu’un qui bosse plus dur et qui en veut plus.
ne savais pas à quoi m’attendre. Si tu ne travailles pas assez, tout va t’échapper ». J’ai toujours
fonctionné ainsi : bosser aussi dur que possible et voir ce que
Tu avais beaucoup de pression au début ? ça pouvait me rapporter à la fin de la journée. Au moins, ça
Oui, franchement, c’était dur, j’étais jeune. Je suis passé du ne laisse pas de place aux regrets.
statut de surfeur anonyme à surfeur de l’élite en un rien de
temps... Tous les médias voulaient un bout de moi et avait Et puis tu as rencontré Lyndall, ta future femme.
quelque chose à dire sur mon surf. Si bien que tu finis par Ce qui a surpris beaucoup de gens...
écouter ce qui se dit sur toi et à y croire. J’étais jeune et J’étais à une course hippique pendant l’intersaison. J’ai vu
influençable ! Du coup, je me suis laissé avoir et j’ai dit des cette femme magnifique arriver et on a commencé à discuter.
choses que j’aurais dû garder pour moi, à propos de mes On a tout de suite eu un bon feeling. C’est vrai que pas mal
intentions et des autres compétiteurs. C’était une erreur de gens étaient intrigués par notre histoire et étaient assez
mais ça m’a permis de gagner en maturité. Ma première sceptiques. Ça m’a déçu de voir cette négativité. Mais j’y suis
saison a été compliquée, j’ai fait de bonnes performances allé avec le cœur et, trois ou quatre ans plus tard, nous nous
mais les autres étaient juste de meilleurs compétiteurs. Je me sommes mariés. Ça me rend heureux d’avoir une personne
suis rendu compte que l’aspect stratégique comptait autant à mes côtés qui me comprenne et me soutienne. Elle m’aide
que le niveau de surf. J’ai fait beaucoup de petites erreurs de pour plein de chose et c’est génial de pouvoir partager tout
65
Interview
66
ces moments avec quelqu’un que j’aime.
Quelles sont les qualités requises pour être parmi les meilleurs ?
C’est assez personnel. Il faut une grande volonté et savoir rester concentré
sur le long terme. Certains travaillent plus sur leur équipement, d’autres
sur le mental, d’autres encore s’entraînent très dur ou font très attention
à leur entourage. Ce qui marche pour l’un ne vaut pas pour tous. Il faut
trouver ce qui fonctionne pour soi, ce qui te motive à aller surfer tous
les jours, à t’entraîner dur. Ça a beaucoup compté dans ma progression,
parvenir à trouver ce qui me motivait. Gagner me motive, faire ce que
j’aime me motive et pouvoir le faire aussi longtemps que possible me
donne envie. C’est motivant de bien manger, de surfer pendant des
heures, d’être le meilleur possible, de tester de nouvelles planches, de
construire des relations avec des gens tout autour du monde. Toutes ces
choses m’ont permis de devenir le surfeur complet que je suis aujourd’hui.
Ce ne sont que détails mais, bout à bout, ça fait une grosse différence.
Sessions
PLUTÔT QUE DE PARLER DE CE QUE VOUS ALLER VOIR
DANS LES PAGES QUI SUIVENT, VOICI CE QUE VOUS N’Y
VERREZ PAS : UN CHIEN SUR LA PLAGE, UN FRISBEE DANS
LE TUBE, UNE MOUETTE EN HAUT D’UN PHARE,
UNE PLANCHE EN MOUSSEDANS UN SHOREBREAK.
ET VOICI DONC CE QUE VOUS VERREZ...
Parlementia, superbe spot pour qui veut se tester, vaut heureusement à toutes les
saisons. Du déi de la taille en hiver, on passe à la précision, celle d’un slalom
entre les innombrables surfeurs venus proiter des lieux.
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© Arrieta
Portfolio
© Poullenot
Marc Lacomare déploie son ample carve frontside sur l’épaule de La Gravière.
Un surf appliqué que le Landais continue de travailler pour en récolter la juste récompense.
Si Maxime Huscenot n’est pas le plus épais des surfeurs, une bonne technique
© Poullenot
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Portfolio
© Chauché
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© Arrieta
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TRIP
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Mission quatre-quarts
en 4x4
LE SURF AU CAP-VERT SEMBLE PARFOIS SE RÉSUMER À LA SEULE ÎLE DE SAL ET SON SPOT PHARE, PONTA PRETA.
JUSTINE DUPONT ET VINCENT DUVIGNAC ONT EUX DÉCIDÉ D’ALLER VOIR AILLEURS POUR VOUS FAIRE DÉCOUVRIR,
LE TEMPS D’UN SWELL, D’AUTRES COINS DE L’ARCHIPEL. ILS ONT Y ONT DÉNICHÉS DE SUPERBES PAYSAGES SAUVAGES
ET DES VAGUES QUI LE SONT TOUT AUTANT POUR INCITER À PARTIR À L’AVENTURE.
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TRIP
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L’archipel du Cap-Vert révèle à Justine Dupont et Vincent Duvignac tout son potentiel :
pas évident d’être au bon endroit au bon moment mais l’exploration est une récompense en elle-même.
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TRIP
A
vec Justine Dupont et Vincent Duvignac, spécificités des swells. Seuls les spots de Sal sont réperto-
nous avons décidé de ne pas nous faciliter riés précisément et même les fameux Stormrider Guides se
la tâche et de relever un défi : surfer quatre sont contentés de cette seule île. Or, la précision des infos
îles en quatre jours et profiter de toute la est particulièrement importante : une erreur d’une dizaine
durée du swell. Une prouesse qu’on ne vous de degrés sur la direction d'un swell et celui-ci vous passe à
incite pas à réitérer... Car au Cap-Vert, mieux vaut prendre côté ou se retrouve bloqué par une autre île. Une houle pas
son temps. Quant à nous, on s’était mis la pression avec cette assez puissante et c’est toute son énergie qui n’arrive pas à
mission et, pour tout vous dire, nous n’avons surfé que trois contourner un cap. Même les données sur le vent doivent
îles et fait que dormir sur la quatrième. Et encore, à l’aéro- être relativisées. Certes, les alizés de nord-est sont très prévi-
port, juste le temps pour moi de perdre mon bagage, de me sibles mais ils sont parfois bien plus forts que prévu ou
faire avaler ma carte bleue dans une machine en perpétuelle renforcés par des conditions locales (effet venturi, change-
réinitialisation et de constater que Justine avait loupé son ment de direction à cause du relief ). Il faut donc s’attendre
vol ! Notre défi était aussi de montrer, qu’en s’en donnant à des surprises et savoir rebondir pour ne pas que le trip se
les moyens, on n’est pas obligé de se cantonner à un seul résume à une série de déconvenues...
spot, certes worldclass, quand on vient surfer au Cap-Vert.
C’est vrai que Ponta Preta, cette longue droite tout près du Spots isolés
bord capte très bien la houle et bénéficie d’une facilité d’ac- Pour scorer sur l’archipel du Cap-Vert, on pourrait aussi se
cès imbattable (30 min de l’aéroport international). Mais faire aider par les riders locaux et suivre leurs déplacements.
d’autres pépites existent pour peu d’en prévoir et devi- Seul problème, il n’y en a pas ! Les uniques surfeurs capver-
ner les humeurs : pointbreaks, slabs, pics droite-gauche, diens sont ceux de Sal et ils ne bougent pratiquement pas de
beachbreaks… Lors de ce trip, les récompenses seront à la chez eux. D’où l’importance pour nous d’avoir rencontré
hauteur des difficultés ! Pas évident de collecter des infos Carlos Elias, notre guide, et son ami grec, Stefano, prof de
sur les spots, sur les (longs) temps de déplacement ou les windsurf et de surf. Sans lui et son équipe, autant dire qu’on
78
D’une île à l’autre, Justine fait des kilomètres et se dégourdit les jambes
dès que l’occasion se présente. Frontside snap dans le désert.
aurait fait les mauvais choix et que nous n’aurions jamais été
dans le bon timing. Comment deviner que, sur telle île, il Il faut donc s’attendre
faut se trouver sur la côte sud-ouest pour capter une houle de à des surprises
nord-ouest ! D’autant que le droit à l’erreur est limité vu que
les trajets sont longs pour aller d’un spot à l’autre, d’un côté et savoir rebondir
de l’île à l’autre ou même d’une île à l’autre. Plus qu’ailleurs, pour ne pas que votre trip
je me suis bien planté sur les temps de déplacement. Contrai-
rement à Sal, désespérément plate, la plupart des autres îles se résume à une série
sont montagneuses. Les routes y sont défoncées ou ne sont de déconvenues...
que des chemins minés de trous et de pierres volcaniques.
En débarquant d’un ferry, il nous a par exemple fallu près de ment », dixit Vincent. Pour ensuite revenir au camp de base,
trois heures de route pour faire les quarante kilomètres qui en pleine nature, et boire quelques bières ou jus de fruits
nous séparaient d’un spot, passant par un col à plus de 1500 tropicaux, et participer un peu plus loin à une fête locale.
m d’altitude et slalomant entre les biquettes ! Grandiose. Le C’est un luxe d’être pratiquement le seul touriste, d’essayer
4x4 est ici obligatoire, si possible avec chauffeur. Les spots en de comprendre l’écosystème local et de se transformer (un
eux-mêmes sont souvent en dehors des pistes et vous devez peu) en socio-ethnologue. Certes, vous aviez prévu de surfer
marcher en plein désert pour les atteindre. C’est très bien de 3 m super creux sur 300 m mais, au lieu d’être frustré, vous
vouloir surfer des spots surprenants et seuls au monde mais avez une nouvelle motivation pour revenir. Et puis, c’est le
cela se mérite ! Atteindre le spot est en soi une récompense désir de surfer de nouvelles vagues qui nous permet d’explo-
et une expérience inoubliable. Finalement, si la session n’est rer ces zones si peu touristiques, si authentiques et isolées.
pas si inoubliable que cela, vous profitez quand même de La passion du surf vous fait découvrir localement le monde,
tout le reste : être seul avec tes potes dans un décor de rêve, loin des lieux touristiques convenus.
« à prendre le nombre de vagues que tu veux jusqu’à épuise-
79
TRIP
Le Cap-Vert pratique
80
81 81
Si Duvi connaît parfaitement la droite de Ponta Preta, il ne met pas bien longtemps
à s’adapter aux nouveaux spots découverts.
LOCAL
TRIP
déi du transport,
trois jours, heureusement avec de longues périodes. Il est
rare de voir les houles s’enchaîner car, celles qui ont touchés
déi du timing. les Canaries ou les Açores avant, se dissipent en chemin.
Compétiteurs acharnés pendant de nombreuses années,
Justine et Vincent figurent parmi les freesurfeurs euro-
péens les plus en vue. Ils auraient pu se contenter de lieux
“machines à vagues et à images” (Nazaré pour Justine,
82
Un nouveau spot à conquérir ? Au il des chemins, certaines options
auront été payantes, d’autres moins. De quoi fantasmer avant de revenir.
Indo pour Vincent par exemple) mais ils ont envie de vivre confort qu’une session à Nazaré », confie Justine, qui envisage
des histoires originales pour les partager. C’est cela aussi leur de revenir camper sur certains spots avec son compagnon
métier : se mettre en quatre pour vous donner envie de bouger, Fred David. L’effort physique n’est plus seulement dans la
de découvrir. Ces quatre jours ont été pour eux particulière- session mais dans la maîtrise d’un ensemble de paramètres.
ment denses et intenses. Déjouer les difficultés et déceler les C’est une gymnastique de l’esprit, une façon d’appréhender le
humeurs de ces spots capricieux fait partie de leur motivation et monde et les autres. C’est lors de ce genre de trip que le surf se
de leur démarche. Ils ont envie de se remplir de ces expériences révèle être vraiment plus qu’un sport ! Il vous montre le chemin,
là. Leur âme de freesurfeur se réalise dans ce genre de trip : défi vous n’avez plus qu’à l’emprunter et le partager à votre tour avec
des prévisions, défi du transport, défi du timing. L’effort et la vos meilleurs potes… D’ailleurs, n’ayez vraiment pas peur de le
satisfaction ne sont plus seulement dans l’acte sportif mais dans partager car ces spots se méritent tellement qu’ils ne sature-
l’action d’y arriver. « Une autre façon de sortir de sa zone de ront jamais de monde.
83
LOCAL
TRIP
Coup de coeur mériterait de s’y poser un moment car d’autres spots existent
Sur cette île dont on garde le nom pour nous, nous avons dans la zone. Il faut juste avoir du temps pour les marches
eu le ocup de foudre pour ce spot. Loin de tout, on devait d’approche et penser à apporter de l’eau et des fruits en
marcher trois quarts d’heure pour l’atteindre et trouver ce abondance. Point positif, les villageois, quelques centaines
pointbreak en droite qui peut dérouler sur 400 m. Nous d’habitants, ont pris conscience de l’intérêt de protéger les
l’avons eu autour de 2 m avec des rides de plus de 150 m. lieux et notamment la ponte des grandes tortues. Petit à
L’eau de mer y est pure et transparente, à température idéale. petit, les habitants délaissent leur habitude de les manger et,
Justine et Vincent n’ont gardé leur combis que pour se proté- comme un symbole, notre camp de base sur le spot était un
ger des rochers, des oursins et du soleil. Après la session, ancien four de cuisson des tortues. On s’est promis d’y reve-
nous retournions à notre petit village, posé au sein d’une nir en prenant ce coup-ci plus notre temps pour repérer et
sorte d’oasis. Un endroit unique arrosé d’un cours d’eau surfer d’autres spots.
semi-temporaire et de quelques résurgences provenant des
sommets de l’île. Il y pousse des manguiers, papayers, bana-
niers, amandiers, de rares cocotiers, des baobabs et même
de rares dragonniers, l’arbre mythique du Cap Vert. Cela
84
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96 102
PORTRAIT THE COUPLES
La symphonie colorée de Wolfang. Lasset x Manipura.
100 112
SHAPE
Sur les rails.
DUKE
Magic Rebrix.
©Crétinon
95
PORTRAIT
Le langage universel
de Wolfgang Bloch
FORTEMENT CONVOITÉES, LES COMPOSITIONS DE BLOCH SE SITUENT À MI-CHEMIN ENTRE L’ART
CONTEMPORAIN ET LES ŒUVRES FLAMANDES DU XVIE SIÈCLE. UN SUCCÈS QUI SURPREND MÊME L’ARTISTE
ÉQUATORIEN, QUI N’ENVISAGEAIT PAS CE SUCCÈS NI MÊME CETTE CARRIÈRE.
Texte et photos Olivier Dezèque
M
on ambition de jeunesse : un cursus en biologie marine à l’université de ment avec l’industrie du surf : « J’ai fait mes
habiter dans une cabane Floride. L’étudiant ne maîtrise pas l’anglais et premières armes chez Gotcha. Nous n’utilisions
face à l’océan et vivre de se sent plus à l’aise lors des cours d’art plas- pas d’ordinateur à cette époque. Nous réalisions
ma pêche pour profi- tique. Cette option de second choix est un les logos, all-overs ou travaux de mise en page
ter des vagues », confie langage esthétique qui nécessite moins de vo- avec nos mains et des crayons, des feutres ou des
Wolfgang, assurant qu’il a passé l’année de ses cabulaire. Dès lors, déterminé, l’aspirant créa- pinceaux », se souvient-il.
18 ans à subsister de cette manière. Stimulé tif passe le concours de l’Art Center College
par un paternel en panique, Bloch capitule, of Design de San Francisco. Il en sort avec Nouveau départ
abandonne la robinsonnade et s’inscrit dans les honneurs et collabore presque instantané- Quand la marque au requin fait faillite, d’an-
96
ciens collègues, conscients de son talent, l’in- orienté mon travail vers un cadre océanique et la structure par des éléments de récupération.
vitent à se joindre à leur labeur, en freelance. me suis focalisé sur la peinture à l’huile, oubliant Son travail, devenu presque obsessionnel,
Ces derniers occupent de nouveaux postes au petit à petit mon activité de graphiste». engage Bloch à considérer son atelier comme
sein des compagnies du cartel de la glisse : un ring au milieu duquel il ne cesse de se
Quiksilver, Surfer Mag, O’Neill… De 1994 Sur le ring confronter aux objets, à ses inspirations, à ses
à 2003, le surfeur devient l’incontournable Fondu du bottom-turn, le créateur refuse de souvenirs. « Certains critiques d’art pensent
esthète de l’univers de la presse, des produits, se cloîtrer dans le surf-art et vise plus loin. que je suis un peintre hyperréaliste. Je ne me
des collections textiles liées aux activités de va- reconnais pas dans cette démarche. D’autres
gues. « Un jour je me suis acheté deux ou trois avancent que mes travaux et ceux de Mark
supports et je me suis remis à peindre pour respi- « J’essaie juste de Rothko sont similaires. Je pense que nos pers-
rer un peu. J’ai rejoint une exposition de groupe peindre avec mon feeling pectives sont très éloignées. Je suis fan de Paul
à Laguna Beach. Mon travail a dû séduire ! », Klee ou de Rosenberg mais je ne crois pas que ces
et mon environnement.
reprend Wolfgang, écumant son large studio artistes aient eu un travail en corrélation avec
de Newport Beach à la recherche de ses plus Le calme de l’océan est le mien. J’essaie juste de peindre avec mon fee-
anciens travaux. Paul Naude, le président de ce qui se rapproche le ling et mon environnement. Le calme de l’océan
Billabong fait acquisition de quelques toiles. plus de ma personnalité. » est ce qui se rapproche le plus de ma personna-
Les œuvres sont accrochées sur les murs de la lité », conclut l’artiste accompli. C’est dans
société et les visiteurs sont profondément tou- cet état de plénitude que se capte l’expres-
chés. Wolfgang remonte ses lunettes, se saisit Il travaille sur un plan horizontal avec des sion de l’artiste, avant de retrouver le trafic
d’un pinceau et commente d’un grand geste : brosses épaisses, dégrade au couteau ou au pa- de l’existence. Dur parfois de discerner le réel
« À partir de 2002, j’ai beaucoup vendu. J’ai pier de verre certaines parties pour remplacer du rêve.
Surfed-out
L
a tête au ras de l’eau, la refont surface, retiennent leur souffle, récu- piscines. Mais, très vite, les bénéfices de cet
respiration appliquée, pèrent et repartent. Les exercices, dans la entraînement se font sentir : « Maintenant, je
le regard concentré : le piscine de Biarritz, consistent en une succes- sais que je suis capable de passer du temps sous
décompte est lancé avant sion de longueurs de 25 m effectuées tantôt l’eau et je suis beaucoup plus à l’aise. Ça m’est
que le petit groupe d’ap- en apnée, tantôt en récupération, et avec déjà arrivé deux fois de passer deux vagues sous
néistes ne s’élance pour une diverses contraintes. « La première fois, je me l’eau... Ça fait long quand même, il faut être
nouvelle série de longueurs. Parmi eux, les suis vraiment demandé ce que je faisais là ! », préparé à ça. Quand je suis allé à Nazaré et que
surfeurs de grosses vagues Gauthier Garanx et avoue Pilou, plus habitué à tremper dans l’eau j’ai bouffé, je n’ai pas eu peur, je savais que je
Pilou Ducalme suivent le rythme, plongent, salé des spots basques que dans le chlore des pouvais surmonter ça. Après, tous les surfeurs de
98
grosses vagues aiment bouffer ! ». Mais ils aiment dispersée en encaissant les impacts de ces vagues
encore plus remonter à la surface... Et si les gilets énormes. Sans oublier qu’avant la chute, pas de
Quel surfeur, quel que
gonflables permettent de réduire le temps passé temps pour bien prendre son souffle...
sous l’eau, le système n’est pas infaillible. Le soit son niveau, n’a pas
surfeur peut se trouver dans l’incapacité d’ac- eu son petit instant À bout de soufle
tiver son gilet ou un problème technique peut de panique, remontant Justine Dupont, Fred David ou Yann Kazan-
surgir... Si bien qu’il vaut mieux être prêt à s’en un poil trop tard djian font partie des habitués des séances du
sortir par ses propres moyens. à la surface, juste après mardi et jeudi soirs organisés par le Biarritz
Chasse Océan. Autre surfeur réputé à sérieu-
avoir eu l’impression de
Contrôle et coniance sement bosser son apnée, l’Hawaïen Ian
Alors que de bonnes vagues cassent sur le rester au fond. Walsh, local de Jaws et toujours au rendez-
spot de la Grande Plage à un jet de pierre vous dès que le swell gonfle sur les spots de
du bassin, les apnées se multiplient. Depuis gros de la planète. Il confiait récemment
plusieurs années maintenant, les surfeurs XXL Awards dans la catégorie Biggest Wave ses progrès : « Un jour de grosses vagues, j’ai
engagés dans cette quête sans fin du “toujours en 2014 pour un monstre surfé à Belharra, été happé et suis resté sous l’eau pendant vrai-
plus gros” ont mis l’accent sur la prépara- confirme : « Ça fait trois ans que je pratique assi- ment longtemps. Je me souviens être remonté à
tion : natation, cross-fit, matériel, sécurité... dûment. Sous l’eau, j’ai appris à me détendre, à la surface et avoir eu moins de deux secondes
Rien n’est laissé au hasard. Prendre la vague savoir laisser passer le temps ». Si la plupart des avant d’être frappé par une autre vague énorme.
la plus grosse possible, ça se joue désormais exercices se font en apnée dynamique, plus J’ai appliqué instinctivement ce que j’avais
autant hors de l’eau que dans l’eau. Et parmi proche des conditions rencontrées, Gauthier appris. Je suis passé immédiatement en respi-
les points d’amélioration, l’apnée s’impose travaille régulièrement en apnée statique : « Je ration diaphragmatique, j’ai pu contrôler ma
comme une évidence. Quel surfeur, quel que suis capable de tenir 3’ avec les poumons vides, fréquence cardiaque et, sous l’eau, ça s’est bien
soit son niveau, n’a pas eu son petit instant c’est-à-dire en expirant avant de m’immerger, et mieux passé ». Après une heure et demie d’en-
de panique, remontant un poil trop tard 4’30 à 5’ poumons pleins. En surf, on ne passe traînement, le dernier exercice de la séance
à la surface, juste après avoir eu l’impres- pas beaucoup de temps sous l’eau. Par exemple, consiste à marcher au fond de la piscine lesté
sion de rester au fond. C’est sur cette phase à Belharra, sur la vague pour laquelle j’ai gagné par des poids. Un classique dont l’efficacité
que le travail en apnée entend faire progres- les XXL (estimé à 19 m, ndlr), je tombe et passe demeure et qui, alors que la saison des grosses
ser les surfeurs : être à l’aise sous l’eau, ne 25 secondes sous l’eau. Je remonte, respire 8 houles s’est refermée, permet aux chargeurs
pas avoir peur de ramasser, de partir au fond secondes puis une deuxième vague m’emporte de maintenir leur niveau d’exigence au plus
avec seulement une bouffée d’oxygène avalée pour 25 secondes ». Pas insurmontable sur le haut. Pour mieux repartir dès que l’occasion
avant la chute. Et savoir gérer ses émotions papier mais il faut tenir compte de l’énergie se présentera.
sous l’eau. Gauthier Garanx, vainqueur d’un déployée en surfant avant de tomber ou de celle
99
shape
Je shape ma planche
É p is od e 3 / 5
Rails et inition du shape
ÉTAPE DÉLICATE QUE LE SHAPE DES RAILS... MAIS AVEC LA BONNE MÉTHODE ET BIEN GUIDÉ, ÇA ROULE
FINALEMENT SANS TROP DE DIFFICULTÉS. SURTOUT, C’EST LE MOMENT OÙ LE PAIN DE MOUSSE SUR
LEQUEL JE M’ACHARNE DEPUIS DE NOMBREUSES HEURES DEVIENT VRAIMENT UNE PLANCHE ! UNE VRAIE
RÉCOMPENSE.
par baptiste levrier 1 2
photos bastien bonnarme
1. SAVOIR OÙ ON VA
Pour cette planche dont l’usage est destiné aux vagues estivales,
j’ai opté pour des rails 60/40, c’est-à-dire assez rond, pas trop
“pincés”, pour rester sur l’eau et avoir une bonne glisse sur des
vagues un peu molles. Il y a du boulot, en partant du rail brut (1). 3 4
3. CALE 45 °
Je m’occupe ensuite de casser l’angle du rail côté bottom. Armé de
la cale à 45 ° (encore un nouvel outil), j’effectue des passes larges
et régulières pour manger toute la mousse jusqu’à mon repère (5). 7
Quand j’ai bien avancé, pour un travail plus fin, je prends la cale
dure. Mon trait de crayon ne doit plus être visible (6).
4. RAIL DU HAUT
Pour casser l’angle côté deck, Franck me conseille d’utiliser le rabot
électrique (7). J’avoue que je ne le sens pas trop, je ne maîtrise pas
8 9
encore assez l’engin. J’ai un peu peur de mettre un grand coup
dans le pain et de ruiner tout mon travail... Je préfère y passer plus
de temps mais travailler proprement. Du coup, je multiplie les
passages avec la cale dure (8), jusqu’à mon repère.
100
10 11
5. VÉRIFIER LA SYMÉTRIE
On tâte, on palpe, on zieute, on se penche (9, 10)... C’est là que
l’éclairage si particulier de la shaping room est utile. On distingue
bien les reliefs. C’est vraiment une affaire de feeling pour savoir
si on est symétrique ou pas. Par petites retouches, on en enlève
un peu ici ou là. Attention, le plus dur est de savoir s’arrêter. Ce
que je n’ai pas su faire au niveau du nose, pas parfaitement symé- 12 13
trique ! Heureusement, ce n’est pas la partie la plus fonctionnelle
de la planche.
9. SCREEN
C’est l’heure de finaliser les rails ! J’utilise un screen, c’est une grille
à poncer : au fil des passes, la mousse s’évacue à travers l’outil.
Franck me montre comment donner le bon angle pour respec-
ter le shape et la forme des rails (15). Il me recommande de faire 18
des passes complètes, du nose vers le tail, pour éviter de faire des
vagues. C’est le moment le plus délicat, on donne pour de bon
leur shape définitif aux rails (16). On a tendance a toujours vouloir
fignoler un peu plus, reprendre ici et là. Il faut savoir s’arrêter !
10. CLEANER
Il ne reste plus qu’à lisser tout ça en utilisant un pad mou sous
lequel on place un screen de différents grains, du plus épais au plus
fin. On élimine toutes les imperfections du pain (17). > Vous aussi tentez l’expérience du shape
à la Shaper House.
Rendez-vous du mardi au samedi, de 9h à 19h
au 61 avenue du Maréchal Juin, à Biarritz.
11. SIGNER
Le shape de la planche est désormais terminé ! Il est temps d’appo-
> Le mois prochain
ser sa signature (18) sur la planche, on se prend vraiment pour un Après le shape, le glassage. Un univers encore différent, avec
shaper ! Un geste symbolique qui clôt une étape majeure. d’autres outils et un savoir-faire à apprivoiser. On quitte la pous-
sière pour la résine !
101
THE COUPLES
J
ai fait la première board sur de me faire ma première planche custom, sans s’amuser, rigoler, pas de pression, pas de loca-
mesure à Tom en 2007, il brûler les étapes. » Entre le shaper de 48 ans, lisme. On est tout une bande de la même géné-
avait 13 ans, c’était un peu également à l’origine de la création du club, ration qui surfe toujours ensemble ». Le Varois
après qu’il ait intégré le Gas et le jeune affamé de vagues, le courant passe passe vite au niveau supérieur et traverse la
Surf Club à la Ciotat », se vite et bien. « Tom est un jeune qui a toujours France pour intégrer le pôle Espoir Aqui-
rappelle Nicolas Hervo, eu un gros mental et l’évolution de son surf a taine à Saint-Vincent-de-Tyrosse (Landes). Et
maître-shaper méditerranéen connu sous le donc été très rapide. Nous avons travaillé en même au pays de l’industrie du surf, le surfeur
nom de Manipura. « J’ai commencé sur le tard, binôme avec Jo (le prof du Gas) pour adapter au de Méd’ reste fidèle à ses racines et garde son
à 12 ans, mais avec une grosse motivation », mieux ses planches et faire progresser son surf », shaper attitré : « J’ai continué à travailler avec
explique de son côté Tom Lasset, jeune surfeur explique Nico, qui tâte du rabot depuis l’âge Manipura. J’ai toujours aimé son travail et je
varois de La Londe-Les-Maures venu cher- de treize et ses premières expérimentations voulais, à mon niveau, promouvoir une marque
cher une structure pour progresser et s’amu- dans le garage familial entouré de ses frères. de Méditerranée ».
ser du côté des Bouches-du-Rhône. « J’avais De son côté, Tom s’épanouit pleinement au
un shortboard basique, un truc industriel. Nico sein du Gas Surf Club : « C’est une belle struc- Technique et performance
a vraiment attendu que je progresse avec avant ture avec un super état d’esprit : on est là pour Du coup, la collaboration s’organise à
102
Dans son Var natal, Tom pousse les vagues
et ses planches au max de leur potentiel.
de son langage, même sur une vague molle. Il avec Manipura en 1992, au retour d’un
est toujours à la recherche de la performance. Il voyage à Tahiti. Avec également le club à s’oc-
« Même basé ailleurs, j’ai m’envoie régulièrement des photos et des vidéos cuper et un surf-shop à tenir, les créneaux surf
continué à travailler avec qui me permettent de voir l’évolution de son surf sont parfois rares... « Quand on le voit à l’eau,
Manipura. J’ai toujours et de ses appuis ». Et que ce soit dans les vagues on applaudit ! », s’amuse Tom. « Il a un sourire
aimé son travail et je le plus souvent mollassonnes de la Grande communicatif et on passe toujours du bon temps.
Bleue ou sur les spots pêchus des Landes, Il faudrait juste qu’il s’achète des bras ! » Ces
voulais, à mon niveau,
Tom surfe des « shortboards techniques destinés sessions sont également l’occasion pour Tom
promouvoir une marque à la compétition. Il aime les planches agressives de donner l’exemple aux jeunes du club : « Si
de Méditerranée. » et très réactives », décrit Nico. « Ma planche de mon parcours peut inspirer certains jeunes du
Tom Lasset base, c’est une 5’8 x 18 1/8 x 2 1/8. Mais j’aime Gas Surf Club, j’en suis ravi ! ». Pour Nico, « les
bien tester d’autres choses », avoue Tom. « Et le minots du Gas prennent un peu Tom comme un
fait d’avoir passé du temps dans le Sud-Ouest a modèle. Il a commencé ici et a eu un parcours
distance et les échanges se font surtout par aussi permis à Nico de faire progresser ses shapes exemplaire en intégrant le pôle Espoir puis le
téléphone. « Je ne regarde pas vraiment les et de les adapter à ce type de vagues. » pôle France ». Une bonne motivation à l’eau
planches en détail, je lui décris ce que je ressens, et dans la salle de shape : « Comme avec tous les
genre “Je plante le rail” ou “Ça manque de Un exemple pour les jeunes bons surfeurs, le travail fait avec Tom permet de
volume”. » De l’autre côté du fil, Nico inter- Après cette période dans le Sud-Ouest, Tom faire progresser le shape des planches que je fais
prète : « Je shape en fonction des discussions que revient à la base et entame ses études de kiné pour d’autres ». En attendant de voir éclore le
j’ai avec lui. Je fais évoluer ses shapes petit à petit à Marseille. L’occasion de profiter des houles prochain talent méditerranéen, Tom, désor-
en essayant de traduire ses ressentis pour mieux hivernales du coin et de retrouver son shaper mais kiné, partage son temps entre le Sud-Est
les matérialiser. Et j’essaye de le canaliser, ce qui à l’eau. « Nous surfons ensemble mais, surtout, et Mimizan, au gré des remplacements. Avec
n’est pas une mince affaire ! Je trouve que Tom on se marre bien ! On aime surfer les spots locaux bien sûr quelques trips, comme le Sri Lanka
a un surf agressif et efficace. Son take-off effec- encore un peu préservés… », avoue Nico, qui et la Norvège l’hiver dernier, pour agrémenter
tué, les mots “tranquille” et “cool” sont bannis poursuit aujourd’hui encore le travail entamé le quotidien et tester de nouvelles planches.
103
UUne
N E V A Gvague,
U E , U N E H I Sune
TOIRE histoire
L
es vagues venaient à moi, j’ex- (légende hawaïenne du surf ) m’avait chambré en 1996 à Kirra, mais avec un 30/30. Une
ploitais tout leur potentiel et en me demandant depuis combien temps je prouesse qu’il rééditera à Cloudbreak en 2013
tout mon potentiel. » Quand n’avais pas gagné un contest. Ça m’avait énervé puis, de nouveau, à Teahupo’o en 2016. Mais
Kelly Slater repense à cet et ravivé le feu en moi ». Si bien que Slater ce qui marqua d’autant plus les esprits, c’est
instant d’extase vécu lors de est fermement décidé à soulever un nouveau la façon qu’eut KS de célébrer ce moment
la finale du Billabong Pro trophée, lui qui attend depuis celui rempor- historique. Après un énième tube en solo, en
Tahiti 2005, celui qui n’est encore que sex- té à Mundaka à l’automne 2003.... Dès les remontant dans le channel, il quémande une
tuple champion du monde semble décrire ce premières minutes de son face-à-face avec cannette de bière à un spectateur présent dans
que les sportifs ou artistes appellent la zone, Damien Hobgood, le King tue tout enjeu en la passe de Hava’e, la coince dans son lycra et
cet état second dans lequel, lorsqu’ils y sont sortant un premier dix combinée à une vague regagne le large. Quand une dernière vague
plongés, certains athlètes semblent pouvoir notée 9,8 pts... Acculé, Damo pose le cerveau gonfle sur le reef tahitien, le Floridien s’en-
exécuter tous leurs gestes à la perfection. En et tente tout, comme à son habitude. Quitte gouffre dans le tube, décapsule son Hinano
ce 17 mai, rien ne résiste à Slater. Pas même à mal finir... À la mi-série, alors qu’il ne par- et ressort triomphant, savourant une mousse
un Bruce Irons chaud bouillant qui, en début vient pas à s’extraire d’un tube, Damien fait bien méritée. Il remportait là son troisième
de journée, lors du round 4, le met rapide- surface en grimaçant, portant sa main sur succès à Tahiti (après 2000, 2003 et en atten-
ment en situation de combinaison. Mais KS son épaule gauche. Verdict : luxation de
enclenche alors le mode extraterrestre, se jette l’épaule et finale avortée... Déjà assuré de
sous la lèvre tahitienne, atterrit sur le dos, se la victoire, Kelly Slater profite alors, seul, Après un énième tube en
rattrape, se loge dans le tube et s’en extirpe d’un Teahupo’o limpide pendant un gros solo, en remontant dans
avec le souffle... Voilà le premier dix parfait quart d’heure. Et en profite pour ajouter à le channel, il quémande
de sa journée, vite suivit d’une note suffisante son compteur un deuxième dix, et atteindre une cannette de bière,
qui le propulsera en quarts de finale. Là, il ex- le score parfait de vingt sur vingt, une pre- la coince dans son lycra
pédie le tenant du titre CJ Hobgood puis se mière dans l’histoire, battant son propre re-
et regagne le large.
débarrasse de Nathan Hedge pour rallier la fi- cord établi l’an passé (19,93 pts face à Alain
nale. De l’autre côté du tableau, le redoutable Riou). « Je ne m’attendais pas à ça », confie-
tuberider et compatriote floridien Damien t-il, « même si je savais que c’était possible
Hobgood l’attend au bout de la route pour sur ce genre de vague. Tout s’est parfaitement dant 2011 et 2016) et égalait à cette occasion
l’épilogue d’une journée épique. passé, c’est une de ces journées impossibles à Andy Irons, une autre légende du spot. Cette
expliquer ». bière et ce vingt mettaient aussi Kelly Slater
Finale en solo sur les rails pour aller conquérir un septième
Car après un début de compétition compli- Une première, pas la dernière sacre mondial et mettre fin au règne de son
qué et plusieurs jours d’attente sous les pluies Si les sensations sont dures à décrire, les meilleur ennemi hawaïen, triple tenant du
tropicales, Teahupo’o est enfin au diapason et chiffres, eux, parlent. Depuis l’instauration titre. Cette année-là, les esprits polynésiens
délivre des tubes parfaits d’un bon 2 m. La du système de notation sur deux vagues, Sla- offraient une véritable cure de jouvence au roi
finale est lancée, longue de 35 minutes. Slater ter est donc le premier à réaliser un heat par- Slater, déjà âgé de 32 ans ! Et le plus fou, c’est
se souvient : « Un peu plus tôt, Brock Little fait, comme avait pu le faire Shane Beschen qu’elle dure encore !
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© WSL/Tostee
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story
V
oilà bien cinq ans que dés à se refaire la cerise ! Logement avec vue étrange cocktail explosif d’une houle de 3
je n’avais pas voyagé. sur le spot d’Ujung Bocur impérial. La vague pieds et d’une période de 22 secondes.
Direction le sud-ouest est une longue gauche qui tombe par sections
de Sumatra, avec mon plus ou moins tubulaires en fonction du vent Retour à l’eau
fils, Paul-César. Retrou- et de l’orientation de la houle. La mise à l’eau Mon challenge est de prendre des vagues sans
vailles père-fils, cela fai- est assez délicate à marée basse. Pas de grosses me faire démolir par la patrouille de séries
sait longtemps que l’on n’avait pas fait un surf patates de corail qui pointent leurs dards mais qui arrivaient sans crier gare. Mon corps ne
trip ensemble, juste pour être ensemble. une dalle relativement plate comme une râpe m’appartient plus, la fatigue peut me trahir à
Paul-César avait besoin de se ressourcer à à gruyère. tout moment. Donc, méfiance ! Le problème
l’essence du surf et du voyage. Trop perfec- La plupart du temps, la hauteur de la houle est que je n’arrive pas à me faire à l’idée que
tionniste, trop centré sur l’entraînement, la oscillait entre 80 cm et 2 mètres. Les diffé- ce n’est plus comme avant. J’ai donc du mal
compétition use si l’on en abuse. Ses résultats rences majeures venaient de la variabilité de à m’écouter. Quatre côtes fracturées, une jo-
n’ont pas été bons ces deux dernières années la période. Le plus gros swell qui a pété sur lie journée ensoleillée de novembre à la plage
alors que, paradoxalement, son surf s’est lar- Ujung Bocur et sur nos tronches pendant des Estagnots. Ecrasé par la mousse sur ma
gement étoffé. Bref, père-fils sont bien déci- notre séjour a culminé à plus de 3 mètres, planche par un steak d’un bon 2 m 50 qui
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crachait la fumée. Vincent Duvignac m’a aidé incompatibles. Un de ceux qui ont fait des hardcore. Bref un lieu où d’authentiques spé-
à me traîner hors de l’eau. Mon corps, encore pèlerinages en Inde, se lèvent à 5 heures du cimens viennent taquiner les vagues. La vie est
fragile et éprouvé par le temps et les épreuves mat’ pour les prières et la salutation au soleil ici rythmée par le soleil et les appels à la prière
pleurait misère. À peine recollées, une d’entre avant d’aller à l’eau. L’oiseau est un authen- de ce pays musulman. Ici, pas d’intégrisme
elles s’est dessoudée à l’impact ce gros jour tique rebelle. Il porte ce que certains appel- apparent. Les filles rivalisent d’élégance et de
d’Ujung Bocur, tel un piquet de tente qui leraient vulgairement des moules-couilles. pudeur dans le port de l’hidjab (foulard sur
se décroche au vent... Pour Paul-César, le Pourquoi, en effet, mettre des shorts de surf, si la tête). Rizières, plantation de caféiers, man-
challenge était tout autre. ce n’est pour affirmer le fait que l’on est sur- guiers, bananiers, palmiers plein de délicieux
Il s’agissait d’arriver à bien surfer cette vague feur ? Les surfeurs locaux rigolent à pleines salak (surnommé fruit du serpent à cause de
séduisante qui se refusait au tango et à la sail- dents, persuadés qu’il surfe en slip. J’aurais sa peau en forme d’écaille) jalonnent le front
lie. La plupart des surfeurs du cru ne bou- voulu l’interviewer mais le silence est son jar- de mer. À quelques pas, la jungle reprend ses
daient pas leurs plaisirs en chevauchant ces din, j’aurai voulu le prendre en photo comme droits. C’est le territoire du tigre de Sumatra,
murs d’eau, parfois sur plus de 400 mètres. les reliques dans les églises mais je craignais espèce aujourd’hui protégée.
Mais pénétrer les entrailles de la vague ou de lui voler son âme. Je voulais également lui
enchaîner des solides carves était une autre piquer des vagues pour le voir s’énerver mais De quoi savourer
histoire. La vague s’enroule sur le plateau co- La vague d’Ujung Bocur est la plus consistante
rallien en modifiant en permanence sa vitesse, et certainement un de meilleurs endroits pour
sa forme et sa taille.
La vie est ici rythmée
rayonner sur les nombreux spots alentours. La
par le soleil et les appels plupart des spots sont différents et varient en
Surf-zone à la prière de ce pays fonction du vent, de la taille et de l’orientation
Une cinquantaine de surfeurs traîne dans les musulman. Ici, pas de la houle. À quinze minutes de scooter au
parages à cette période de l’année. La déléga- d’intégrisme apparent. sud d’Ujung Bocur se niche une exception-
tion australienne est la plus importante mais Les illes rivalisent nelle gauche. Way Jambou, planquée dans un
les Européens sont également bien présents. village de carte postale. Surnommée le Suma-
d’élégance et de pudeur.
Je retrouve quelques connaissances que nos tran Pipeline, la vague capricieuse et redoutée
vies respectives trépidantes avaient éloignées. nécessite une solide houle de sud-ouest. Trop
Notamment, un surfeur du Porge, Éric Bacle, mon karma est déjà assez lourd comme ça. Il shallow à marée basse, elle se surfe générale-
qui doit en être à sa dixième vie. Je l’avais était également accompagné d’un pote fran- ment à marée haute. Nous ne l’avons pas vu
connu surfeur jouisseur et je le retrouve sur- co-russe, Alexis Cheviakine, issu de l’under- cracher le feu pendant notre séjour. Lorsque le
feur bouddhiste. Bon, les deux ne sont pas ground moscovite des années 80 et 90, bien swell est trop petit pour Ujung Bocur et que le
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STORY
vent et crossshore, il faut longer la longue baie tis ; plus protégé dans l’anse de la baie, Krui
de sable blanc qui se prolonge au nord. De Right et Left, vagues faciles et sympas sur des À la pointe nord de la
solides beachbreaks, dignes de nos plages lan- petites houles.
baie, se dessine la petite
daises, offrent leurs cambrures excitantes mais
souvent trompeuses. Les vagues sont rapides, Le ciel et les étoiles ville de Krui, qui égraine
puissantes, difficiles à bien surfer car elles ac- Lorsque les vagues sont solides et ventées, la de nombreux spots de
célèrent au contact d’un backwash insidieux. seule option est alors de remonter au nord reef sur sa face nord.
Le sable blanc, très fin, collant et compact est pour trouver des spots plus propices. La droite
dur à la réception en comparaison de notre de Jannys à 1 heure 30 de route est la plus
sable plus léger et plus smooth. À la pointe réputée. Une longue droite, avec un départ mandent qu’à être déflorées. Bref, cette zone
nord de la baie, se dessine la petite ville de en slab orienté sud mérite le détour. Un peu de Sumatra est un petit paradis pour surfeurs
Krui, qui égraine de nombreux spots de reef plus au nord, la vague d’HoneySmack porte baroudeurs qui aspirent au silence, au calme
sur sa face nord. Pour que la majorité des spots bien son nom. À une dizaine de minutes plus et à la volupté. Pas de bars branchés, pas de
fonctionne, il faut des houles relativement au nord, Jimmys, une droite et une gauche boîtes de nuit, pas de restaurants, ni de prosti-
consistantes orientées ouest. Chacun trouvera particulièrement tubulaires s’esclaffent sur tuées. Juste quelques Bintang pour mieux voir
alors chaussure à son pied. Des slabs droites et le corail. Plus au nord encore se cachent de les étoiles.
gauches pour bodyboardeurs ou surfeurs aver- nombreuses perles aphrodisiaques qui ne de-
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Gymnastique aquatique sur les beachbreaks du secteur de Krui pour PC,
dont le surf retrouve de l’allant au il des sessions.
109
Le jour où...
M
adagascar, Mexique,
Bali, Hawai’i : au
fil des trips, le trio,
formé par le vieillis-
sant chargeur Mickey,
le jeune pro Shane et
leur acolyte Keoni, rame sur les meilleures
vagues de la planète. C’est beau, scénique,
mais le scénario sonne un peu creux... Ce
que concède d’ailleurs volontiers Darrick
Doerner, pourtant membre du casting de
ce film, dans cet article paru dans le Surf
Session n°133 d’août 1998 : « J’aurais fait
le film un peu différemment, avec peut-être
moins de choses soi-disant distrayantes et un
peu plus de profondeur, mais bon... ».
Finalement, et comme dans d’autres films
depuis, l’intérêt majeur des productions
hollywoodiennes qui s’intéressent au surf
ne réside pas tant dans les scénarios propo-
sés que dans les moyens mis en œuvre
pour filmer le surf. Et à l’époque, In God’s
Hands met le paquet pour immortaliser des
sessions en tow-in à Jaws, spot dont Darrick
est l’un des pionniers. Si ce long-métrage
ne restera qu’une semaine à l’affiche (et
presque uniquement en Californie), il aura
droit de cité en France. Où le succès sera
aussi bien mitigé.
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SHAPE DESIGN
Prix : 660 €
Éric Rebière
LE PREMIER SURFEUR FRANÇAIS QUALIFIÉ SUR LE CT (C’ÉTAIT EN 2004) POURSUIT SA VIE DE SURFEUR.
GROSSES VAGUES, TUBES, PETIT SURF, IL TIENT AUSSI DÉSORMAIS SA PROPRE ACADÉMIE À CÔTÉ DE LA
COROGNE, EN GALICE, POUR TRANSMETTRE SA PASSION. TOUT EN PROFITANT DE SA FAMILLE.
Illustration Agathe Toman / agathetoman.com
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