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Aimer Qu'est-Ce Que C'est ?: Amour Pour Toujours

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AMOUR POUR TOUJOURS

Aimer qu'est-ce que c'est ?

C’est génial ! Comment vivre sans être aimé ? Et sans aimer ? Mais gare au toc. Le reflet
n’est pas la lumière, le miroir n’est pas le visage. La femme de ma vie n’est pas la femme
d’un instant. Se contenter de peu en amour, ce n’est pas connaître l’amour.

Parmi beaucoup de façons d’aimer, il y a l’amitié, l’amour des parents pour leurs enfants,
l’amour de dévouement. L’amour exclusif d’une femme et d’un homme qui s’unissent par le
mariage. L’amour qui nous saisit pour le bien ultime.

Pour trouver la vérité de l’amour entre un homme et une femme, première question : qu’est-
ce qui en lui, en elle, exerce sur moi cette attraction ?

• Est-ce l’utilité ou les services qu’il peut me rendre ?


• Est-ce le plaisir (quel qu’il soit) que j’éprouve auprès de lui ou que nous pouvons partager
ensemble ?
• Est-ce les sentiments que j’éprouve à son égard ?

Une relation ainsi fondée, on le sent bien, serait imparfaite : l’autre tend à y être réduit à un
objet. Il est un moyen pour moi. Paradoxalement, c’est en fait vers moi que je suis tourné…

Aimer vraiment, c’est aimer l’autre pour lui-même. Un amour profond, c’est d’abord être
attiré par l’autre de telle manière que je désire son bonheur. Je ne l’aime pas seulement pour
ce qu’il peut m’apporter, mais je l’aime en premier lieu parce que c’est lui (ou elle). A plus
forte raison, dans une telle relation, les deux personnes seront susceptibles d’éprouver des
sentiments, du plaisir ou de se rendre mutuellement service. Mais ce qui fonde la relation,
c’est la personne elle-même, au-delà de ses qualités ou défauts apparents.

Aimer, cela implique donc de ma part un choix libre : c’est décider d’aimer l’autre, de me
tourner librement et résolument vers lui. On ne peut véritablement aimer sans un certain don
de notre liberté à l’autre. Cette décision suppose d’être réciproque, car c’est la condition de la
relation. Ainsi chercher le bonheur de celui ou celle qui m’aime, c’est contribuer à mon
propre bonheur. Tel est l’amour, don mutuel et libre.

Bien sûr, cela n’est pas toujours facile pour autant. Nous sommes tous soumis aux
changements d’humeur, à la routine de la vie quotidienne, aux épreuves qui peuvent subvenir,
à notre égoïsme aussi. L’amour est fragile… Est-ce que je l’aimerai encore dans vingt ans ?
Suis-je capable de supporter tel ou tel de ses défauts ? L’amour est-il possible pour la vie ?
Dans l’épreuve, la maladie ?

En réalité, si notre relation s’enracine dans une décision libre et réciproque, elle peut grandir.
Car l’amour, cela n’est pas donné une fois pour toutes. Méfions-nous du “coup de foudre”
qui, même s’il est exaltant, n’est en définitive qu’une émotion très forte qui ne manifeste pas
forcément un amour profond.
Si l’amour est une relation personnelle, alors il se construit et s’approfondit avec le temps et
dans une confiance de plus en plus grande l’un pour l’autre. Cela s’entretient, se renouvelle au
jour le jour à travers des gestes et des attitudes qui manifestent à l’autre la place privilégiée
qu’il occupe dans notre vie. Et les événements, les épreuves ou les joies partagées peuvent
ainsi contribuer à une intimité de plus en plus grande, dans la mesure où, par-delà les
difficultés, nous nous tournons l’un vers l’autre.

L’amour n’est donc pas simple fusion de deux personnes, mais don mutuel de deux êtres
libres avec tout ce qu’ils sont : corps, cœur et esprit, ainsi que ce bien très précieux qu’est
notre vie. La logique de l’amour, c’est d’aspirer à un don définitif. Seule une décision
réciproque et pour la vie permet à l’amour humain d’atteindre un certain absolu et est
susceptible de combler notre cœur.

Pour le chrétien, la source et le modèle de tout amour, c’est Dieu. Il est l'amour au-delà de
tout amour, réussi ou malheureux. Il nous aime avant que nous n’aimions et il nous aime
encore quand nous ne sommes plus aimés. N'est-il pas ce bien ultime que nous cherchons ?

Témoignage

A douze ans, l’adolescence a été pour moi comme un raz de marée.


Bouleversée intérieurement par des tensions nouvelles très fortes — désir sexuel,
recherche de moi-même dans le regard des autres, besoin de paraître adulte, etc.
— j’ai été aussi confrontée en camp de jeunes à une conception de l’amour
(relations garçons-filles, pornographie…) que je ne connaissais pas dans ma
famille, très sobre sur le sujet. Ce cocktail m’a complètement destructurée. J’ai
commencé à appeler BIEN ce qui auparavant me semblait MAL. Inversion des
valeurs qui m’a permis, en vrac, de vivre des expériences sexuelles diverses et
variées, d’abandonner mes projets d’études, de trahir la confiance de mes parents,
de faire l’expérience de la drogue et de l’alcool, etc. Je vivais alors selon deux
principes :

— plus je vivrai d’expériences, plus ma vie sera intéressante,

— tout, tout de suite.

J’ai été stoppée dans ma course étourdissante par une aventure qui a très mal
tourné, quand, partie pour m’amuser, je me suis trouvée en face d’une bande de
gars qui eux ne rigolaient pas et qui voulaient régler son compte à une petite
minette inconséquente.

Première traversée du désert, fracture, dégoût de moi et des autres.

La phase suivante, à partir de 16 ans, a consisté en une recherche de l’amour de


plus en plus profonde, mais aussi biaisée. Etre aimée, tout faire pour cela. Aimer
aussi, mais en me faisant piéger très vite par le mélange des sentiments
(amitié/attirance), et toujours le “tout tout de suite” et “rien demain”. Au total, un
champ de ruines, souvenir d’amitiés désagrégées, de grand amour tournant en eau
de boudin, de beaux principes qui ne tiennent pas la route…

Deuxième rupture intérieure, deuxième traversée du désert. Un désert sans Dieu,


car je ne me sentais concernée en rien par la question de Dieu, la spiritualité, ou
une quelconque inquiétude métaphysique. Un dossier classé avant d’avoir été
ouvert.

Pourtant, j’avais au fond de moi, depuis toujours, un grand désir d’aimer et de


vivre un grand amour, définitif et radical. Mais qu’est-ce que j’en faisais ? Et
comment faire ?

Christine

Comment peut-on être sûr que l’on aime vraiment


quelqu’un ?

L’expérience montre (parfois douloureusement) qu’en ces domaines, il arrive qu’on ne voit
pas toujours très clair. Il n’est en tout cas pas facile d’être sûr de soi ou de ses sentiments et de
s’appuyer sur des preuves ou des signes très tangibles.

Cela s’explique du fait que l’amour n’est pas comme une idée (définissable) ou un
phénomène matériel (mesurable) : il est de l’ordre du choix. Et donc, pour reprendre un mot
de saint Bonaventure : « La mesure de l’amour — et son critère — c’est l’amour ».

Cependant, il existe quelques repères “pratiques” (mais non exhaustifs) :

Est-ce mon ami(e) que j’aime, ou l’amour que j’éprouve pour lui (elle) ? On est parfois
tellement saisi par le sentiment extraordinaire que revêt l’amour que l’on peut perdre
l’attention à l’autre…

Ainsi, une bonne question serait, non pas : « est-ce que je l’aime ? », mais : « est-ce que j’ai
le désir de l’aimer ? » (puisque l’amour n’est pas tant un sentiment qu’une décision, un choix,
un “vouloir aimer”).

Enfin, n’oublions pas que l’amour est une relation entre deux personnes ! On ne peut donc
parler d’amour que s’il y a réciprocité. Le meilleur moyen de le vérifier est donc de poser la
question (au bon moment et avec tact !) à celui ou celle qui est l’objet de mes tendres
affections !…

Témoignage
Lorsque j’ai rencontré François, j’ai d’abord appris à le découvrir en tant
qu’ami sans imaginer une seule fois qu’il deviendrait mon mari. Ce dont je me
souviens, c’est que j’avais trouvé qu’il était différent des autres : plus gentil, plus
ouvert, c’est-à-dire mieux que les autres, sans vraiment que je sache pourquoi.

Puis, au fur et à mesure de nos rencontres, j’ai eu la certitude intérieure que


c’était “lui”. Progressivement, je sentais une grande libération intérieure : je
pouvais être totalement moi-même, me montrer telle que j’étais sans avoir
l’impression d’être jugée. Il me semble qu’il y a une dimension de vérité dans
l’amour. On ne cherche pas à paraître devant l’autre, on ne multiplie pas les
efforts pour lui plaire et s’adapter coûte que coûte à sa personnalité, au mépris de
la sienne.

Quand on a trouvé sa “moitié”, on a également une impression de sécurité qui


découle de cette certitude intérieure. Avec François, je me sentais capable de
fonder une famille. Malgré certaines difficultés d’adaptation dues à un
tempérament différent du mien, j’éprouvais une paix profonde. Nos fiançailles ne
furent pas un moment facile (ce qui prouve d’ailleurs, combien cette période nous
fut nécessaire), mais cette certitude intérieure ne nous a jamais quittés et après
cinq ans de mariage, elle nous habite toujours.

Et les disputes… les conflits ?

Que diriez-vous d’un couple où n’existerait la moindre discussion ? Ne vous demanderiez-


vous pas lequel des deux a avalé l’autre ?

La différence entre l’homme et la femme a ceci d’extraordinaire qu’elle permet, par un abord
différent des choses, un enrichissement mutuel, si tant est qu’on prenne la peine de s’écouter
et d’essayer de se comprendre : échanges des vues, discussions, parfois vives, mais qui aident
l’amour à grandir par une meilleure connaissance.

Bien sûr — et on connaît cela même si l’on n’est pas marié — il peut arriver qu’on tienne
tellement à ses idées et à les imposer, qu’on n’est pas prêt du tout à écouter l’autre. Alors,
c’est le clash… Pas de gravité profonde si l’on n’y ajoute pas de petites sentences ironiques
ou de condamnation… Car toutes ces remarques apparemment anodines blessent l’autre parce
qu’elles ne le respectent pas. Et nous allons réagir avec nos tempéraments différents : en
explosant, en s’enfermant dans le mutisme et l’amertume, en contre-attaquant. L’amour part
en guerre… La peur, la méfiance tentent de prendre sa place.

Entretenir dans son cœur une amertume ou des rancunes, ruminer son désaccord, voilà le
poison de l’amour. La maladie est grave mais elle n’est pas mortelle…
Le traitement ? Décider de stopper mes mauvais sentiments et d’arrêter parfois les
interprétations de l’imagination. « Je veux bien essayer de t’aimer encore », disait une petite
fille à sa sœur un peu chipie. Cette décision d’aimer de nouveau, de ré-ouvrir son cœur à
l’autre, de l’accueillir et de l’accepter tel qu’il est, de le regarder avec un regard neuf, c’est ce
qu’on appelle le pardon. Ce n’est pas rayer le passé comme s’il n’avait pas existé mais,
malgré lui, repartir avec une espérance et une force nouvelles. « Je te demande pardon pour
toutes les fois où je ne l’ai pas fait depuis que nous sommes mariés (c’est-à-dire jamais en
vingt ans) » : « Ce fut comme si nous étions mariés de nouveau, racontait la femme, notre
couple a retrouvé la vie. »

Dans toute vie, il y a des conflits. Par le pardon, ils peuvent, au lieu de tuer l’amour,
contribuer à le faire grandir.

Témoignage

C’était un jour de Noël. Nous de vions rejoindre la famille de Jacques, mon


mari à 150 km de chez nous. Nous y étions attendus pour le repas de midi et il
était prévu que nous logions là avant de partir le lendemain pour un voyage de
quelques jours en couple. Nos enfants, quant à eux, seraient répartis entre nos
différents frères et sœurs, présents pour la fête de Noël.

Comme nous étions en retard, mon mari précipita un peu notre départ : valises,
manteaux, tout fut chargé en un clin d’œil et j’ai dû suivre le mouvement sans
avoir le temps de vérifier que rien n’était oublié !

L’après-midi, les enfants voulurent aller jouer dehors. Il avait neigé et il faisait
froid : je voulus leur donner leurs gants et leurs bonnets, mais impossible de les
trouver. Je renvoyai aussitôt les enfants vers leur père. Il m’affirma n’avoir vu ni
gants, ni bonnets dans le vestiaire lors du chargement de la voiture. Je ne le crus
pas et aussitôt je vis rouge : bien sûr, distrait comme il est, ce ne pouvait être que
lui qui, dans la précipitation du départ, les avait oubliés ! Une scène éclata devant
toute la famille et mon mari quitta la maison en claquant la porte !

Je ruminai en moi-même : c’est toujours pareil, il ne fait attention à rien, n’a pas
le sens des autres, et ces pauvres enfants qui vont avoir les mains gelées ! Mais
c’est quand même bizarre qu’il n’ait rien vu… Et si par hasard gants et bonnets
ne se trouvaient pas là ?… Et si par hasard… Les aurais-je mis dans les valises ?
Je me précipite, j’ouvre une valise, une deuxième… et je finis par trouver gants et
bonnets bien rangés… Je les avais moi-même mis dans l’une d’elles !

Impossible de le nier : j’étais en tort ! Le remords commenca à me tenailler.


J’avais envie de demander pardon mais j’avais peur. Et si Jacques continuait à
m’en vouloir ?

Je guettai son retour, un peu anxieuse. Quand il rentra, je m’avancai vers lui : «
Tu sais, je te demande pardon… »
Je n’ai rien dit de plus. Jacques m’a regardée et m’a dit : « Je te pardonne ».

Une bouffée de joie nous a envahis tous les deux. Nous étions comme deux
amoureux. La famille n’y comprenait plus rien. Nous venions de revivre cette
émotion intense du “oui” prononcé le jour de notre mariage.

Bénédicte

Peut-on s’aimer encore quand on a 90 ans ?

Marcel : Nous avons 89 et 90 ans et nous nous sommes mariés en 1925. Et nous nous aimons
toujours ! Comment cela est-il possible ? Je vais vous dire, cela est beaucoup plus simple
qu’on ne le croit : tout dépend de notre conception de l’amour. Aimer, c’est être heureux de
rendre l’autre heureux. C’en est presque égoïste ! A ce moment-là, nos propres désirs, qui
pourraient venir contrecarrer le bonheur de l’autre, ne paraissent plus prioritaires. Et si vous
misez tout sur le bonheur de l’autre, il n’y a pas de raison que cela ne dure pas.

Georgette : Bien sûr, cela demande un certain oubli de soi qui n’est pas toujours facile.
Certaines questions peuvent même être source de conflits graves. Pour ce qui nous concerne,
nous savions, en nous mariant, que nous étions d’accord sur l’essentiel : la religion, la
conception de la famille, l’éducation des enfants, les amis, etc. Ceci posé, un grand nombre de
discussions sont automatiquement évitées. Il reste les petites difficultés de la vie quotidienne,
que l’on peut toujours régler si l’on en a véritablement le désir.

Dans ce domaine, la franchise est quelque chose d’essentiel: il est très nécessaire de pouvoir
tout se dire, de mettre sans attendre ce qui ne va pas en commun, avec le désir de trouver
ensemble une vérité qui nous satisfera tous les deux. Le silence n’est jamais une solution.

Marcel : Mais comment concrètement, me direz-vous, rendre l’autre heureux ? Là-aussi, c’est
très simple. Il faut être aux petits soins. Trouver toutes les occasions de manifester son
attention à l’autre. Et le respecter profondément, car la politesse est une règle de base. Et si
vous y ajoutez une bonne dose d’humour, vous avez là une recette infaillible !

Nous avons, comme tout le monde, connu des épreuves. Non pas au sein de notre couple mais
dans le déroulement même de la vie : une première séparation pour des raisons
professionnelles — pendant laquelle nous nous sommes écrit tous les jours — un problème de
santé qui a immobilisé ma femme pendant quatre mois après la naissance de notre troisième
enfant, la guerre qui nous a séparés deux fois de suite — et là, pas de correspondance
possible, en dehors de deux malheureuses cartes postales par mois — la liquidation judiciaire
de mon entreprise, etc. Mais dans notre cas, les épreuves n’ont pas menacé notre unité. Au
contraire, elles nous ont soudés davantage.

Georgette : Pour nous l’une des plus grandes sources d’unité, ce sont nos enfants. Avec
maintenant nos petits et arrières-petits-enfants. Parce qu’ils constituent le même objet de
préoccupation et d’amour.

Marcel : En 67 ans, notre amour a évolué, bien sûr. Ce que nous éprouvons l’un pour l’autre
est différent de l’éblouissement de notre rencontre, ou de l’amour passionné des premiers
temps du mariage. Mais il ne s’est pas amoindri pour autant. Au contraire, je dirais même
qu’il s’est enrichi jour après jour de tout ce que nous avons vécu, de tous les souvenirs
communs et de cette connaissance très profonde que nous avons l’un de l’autre.

Georgette : Etions-nous faits l’un pour l’autre ? Je ne sais pas si l’expression est très juste. Je
crois plutôt que nous nous sommes faits l’un l’autre. Nous avons évolué ensemble, l’un par
l’autre.

Nous avons la grande chance d’être encore en vie tous les deux et de ne pas souffrir
d’infirmités trop graves. Je n’y vois plus beaucoup, mon mari n’entend pas très bien, mais
comme nous disait une amie encore récemment : « Vous êtes tellement liés que vous n’avez
pas besoin, à vous deux, de plus de deux yeux et de deux oreilles ! »

POUR VIVRE ENSEMBLE

L’amour ne s'use-t-il pas avec le temps ?


« L’amour est plus fort que la mort, ses traits sont des traits
de feu, une flamme de Dieu.
Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour… »
Poème d’amour dans la Bible : Ct 8, 6

Beaucoup de jeunes se posent la question : « Pourquoi rester ensemble quand on ne s’aime


plus ? » Est-ce la bonne question. N’est-il pas possible plutôt de chercher comment faire pour
que les épreuves de la vie n’éteignent pas la flamme de notre amour ?

Il est vrai que poser d’emblée les gestes du couple — relations sexuelles, vie ensemble, etc.
— a pour effet souvent d’empêcher l’approfondissement de l’amour, d’interrompre sa
construction, de biaiser sa vérification.

Qui est l’autre, celui ou celle que j’aime ? Qui suis-je moi-même aujourd’hui, et quel don
profond suis-je prêt à faire ? Se découvrir, se connaître avant de décider une alliance et de
s’unir. L’amour, ce n’est pas seulement le feu follet du sentiment, pas seulement le flash d’un
coup de foudre. L’amour, c’est un feu qui doit résister aux caprices des vents et aux tornades
des orages.

Cet amour-là est possible : nous pouvons le décider et le réaliser. Comment ?

L’amour ne se réduit pas à l’impression que j’ai d’aimer ou de ne plus aimer. C’est cette
décision réciproque qui fonde le lien d’amour.

Est-ce que l’amour ne s’use pas quand même ?


Il s’use, et il peut ne pas s’user. Cela dépend beaucoup de comment nous aimons et
continuons à aimer. Il n’y a pas de fatalité. Un fils de divorcé n’est pas condamné à divorcer :
il est, comme tout homme, une personne unique, capable d’aimer et d’être aimée. Il peut
construire une relation, approfondir un amour, pardonner et être pardonné.

Comment l’amour peut-il ne pas s’user ?

• En le faisant grandir.
Aimer, ce n’est pas seulement avoir des relations physiques ou sourire quand on trouve l’autre
aimable. Faire grandir l’amour, c’est aimer : vouloir le bien de l’autre, voir tout ce qu’il fait
de bien et non pas additionner tout ce qu’il fait de mal. C’est chercher à faire plaisir à l’autre.
Donner gratuitement…

• Pour le faire grandir, brancher l’amour sur l’amour.


Je ne fais pas toujours le bien que je voudrais faire. Et je fais le mal que je ne voudrais pas
faire (cf. Rom, 7, 19). C’est le péché. Le mariage et l’amour, lors de la création par Dieu de
l’homme et de la femme, ça marchait ensemble. Force est de constater que depuis, ça ne
marche pas tout seul. Si l’on veut bien écouter les explications que Dieu nous propose, on
comprend que ça ne marche pas à cause du péché originel (voir Q 31) c’est-à-dire notre
tendance à faire le mal, à pécher. Et ça, ça use l’amour. Disputes, colères, manques d’attention
à l’autre, égoïsmes, … Mais Dieu ne nous condamne pas à rester dans l’échec du péché
originel. Il nous propose — tout en respectant notre liberté — de nous brancher à nouveau sur
l’amour, de reconnaître nos fautes, et d’accepter d’être recréés tout neufs. De recevoir à
nouveau cette flamme de Dieu qu’est l’amour.

• Le sacrement de mariage donne cette capacité de renouveler l’amour en puisant à l’amour


(voir Q 15).

Comment être sûr que l’on va réussir


à être fidèle toute sa vie ?

La question n’est pas de savoir si le jour de mon mariage, je suis sûr(e) que je serai fidèle
toute ma vie, mais plutôt de me demander si je suis décidé(e) à ce que l’homme ou la femme
de ma vie soit celui ou celle que j’ai choisi. Chaque jour, nous sommes appelés à renouveler
l’engagement pris à l’Eglise le jour de notre mariage, dans le “oui” que nous lui donnons
librement dans tous les actes de la vie quotidienne : « Je me donne à toi, et je te reçois. » Etre
fidèle, c’est grandir ensemble dans ce don mutuel qui a commencé le jour de notre mariage et
qui s’épanouira sans cesse davantage au cours des années passées ensemble. Il a besoin de
temps pour grandir, pour se construire. C’est un projet à inventer ensemble. C’est pouvoir dire
à l’autre : « Quoi qu’il arrive je serai avec toi, dans tes moments heureux, malheureux. »

La fidélité, c’est le témoignage de cette femme perdant son mari après 50 ans de vie
commune et nous disant : « Nous avions encore tant de choses à nous dire ! » Croire en
l’autre, espérer en l’autre, être attentif à l’autre, l’accueillir chaque jour, tel est le chemin de la
fidélité. Chemin quelquefois difficile, exigeant, mais source de bonheur et d’épanouissement.

Cependant cet état de fidélité n’est pas à l’abri des tentations et si c’est un chemin, une
construction, il demande que je garde certaines balises qui vont me garder dans la fidélité.
L’indifférence à l’autre va tuer la fidélité : pas de temps pour l’autre, ma carrière avant tout,
mon épanouissement, mes activités sportives, musicales… mes amis et mes relations
d’abord… je suis libre, je veux me réserver ma liberté, etc. Petit à petit, la communication
n’existe plus, chacun vit pour lui-même au lieu de vivre pour l’autre, et c’est alors
qu’insatisfait et confronté aux multiples tentations de la vie, on est tenté de briser cette fidélité
promise.

Il faut mettre cette “garde”, cette attitude de vigilance, à notre cœur, à nos yeux, à notre
corps, à notre langage, pour préserver notre fidélité comme on préserve un trésor précieux.
Les tentations de notre monde sont fortes : pornographie étalée, banalisation de l’acte sexuel,
recherche du plaisir pour soi-même, provocation de la mode, films mettant en valeur
l’infidélité sexuelle etc. Autant de désordres qui peuvent nous blesser dans notre fidélité. La
promesse de fidélité nous apparaît comme une audace, un risque où seul le Dieu éternellement
fidèle peut garantir notre fidélité. Plus notre accueil puisera dans l’amour de Dieu, plus notre
fidélité grandira.

Le sacrement de mariage est la source inépuisable dans laquelle, chaque jour, nous pourrons
venir puiser pour alimenter notre fidélité quotidienne. L’amour qui prend sa source en Dieu
peut réussir ce pari de fidélité en n’oubliant jamais cette parole que Jésus adresse à chacun de
nous : « N’ayez pas peur, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,
20)

Témoignages

Assis côte à côte sur un sommet de la Vanoise nous contemplons en silence la


vallée et le magnifique panorama qui nous entoure. Ces heures de marche que
nous venons de faire ensemble sont une image de notre itinéraire de couple. Il est
vrai que la montagne reste pour nous une école de vie depuis notre voyage de
noces où tu m’as entraînée sur les pentes. Et ces échappées à deux vers les cols et
les glaciers sont l’occasion de faire le point quand il s’agit de repartir pour une
autre étape.

Je revois toute notre vie à la lumière d’aujourd’hui : que de chemin parcouru


depuis les premiers temps de rêves et de projets à deux !

J’ai d’abord voulu te posséder, te transformer, te façonner à mon goût pour ne


faire qu’un avec toi. Il en a fallu des années de disputes, de révolte et de
malentendus pour que je comprenne que tu n’étais pas moi. Et j’ai commencé à
t’accepter différent, à aimer ta différence.

Je me suis butée contre ton intelligence. Je ne comprenais pas pourquoi nous ne


pensions pas de la même façon, et dans les discussions avec nos amis je n’étais
jamais d’accord avec toi. Puis petit à petit je me suis mise à t’écouter et j’ai
découvert combien nous pouvions être complémentaires : ensemble, nous
exprimons une vérité bien plus riche.

Je me fermais souvent, au début de notre mariage, quand tu ne comprenais pas ce


que je ressentais. Je manquais totalement d’humour et je t’en voulais de ta
maladresse. Il a fallu que j’apprenne à exprimer plus clairement ce que je
désire… Maintenant nous ne passons pas une semaine sans prendre un moment
pour parler et partager à deux.

En nous mariant, nous avions spécialement demandé à Dieu la grâce de rester


fidèles l’un à l’autre. Et un jour, parce que je ne sentais plus l’élan des premiers
temps j’ai cru que je ne t’aimais plus. Mon cœur s’est mis à battre pour un autre
et j’ai été tentée par l’aventure. Mais au fond de moi était gravée notre certitude
du début. Déchirée, j’ai sombré dans la dépression. Après un an d’enfer, nous
avons découvert les groupes de prière du Renouveau et une folle espérance s’est
levée en nous. J’ai crié vers le Seigneur et il m’a tirée de l’abîme. Nous étions
sauvés. Tu m’as pardonné, notre amour a été totalement renouvelé, et maintenant
c’est chaque jour que je te rechoisis.

Tu ne m’offres pas souvent de fleurs et je l’ai regretté. Cependant j’ai commencé


à ouvrir les yeux sur tous les petits gestes d’amour que tu as pour moi et j’ai
décidé de cueillir ces fleurs là. Aujourd’hui c’est tout un parterre que j’ai devant
les yeux.

Nous avons appris à faire une seule chair. La fougue parfois maladroite des
premières années s’est transformée en une amoureuse tendresse où chacun
cherche à faire la joie de l’autre.

Ayant recu une éducation très différente nous nous sommes affrontés, quand nos
enfants sont venus, sur la manière de les élever. J’étais possessive et parfois
aveugle dès qu’il était question d’eux. Je me suis rendu compte combien il était
important que je m’appuie sur toi et que nous nous en remettions ensemble au
Seigneur pour bien faire. Maintenant que nos aînés sont adultes je mesure
combien Dieu nous a aidés.

Laure

Il y a deux ans, mon mari nous quit tait, moi et mes trois enfants, pour aller jouir
au ciel de la gloire du Seigneur qu’il avait tant cherchée en cette vie. Son absence
physique ne rend pas moins réelle son existence, “autre” et ailleurs, sous une
forme que seuls les yeux de la foi peuvent percevoir. Bien que j’ai vécu cette
séparation, après huit ans de mariage, comme un déchirement, il me semble
aujourd’hui que les grâces que le Seigneur nous a données pendant notre vie
commune constituent un héritage impérissable et continuent de donner des fruits.
Je crois que ces grâces découlent du sacrement de mariage, par lequel Dieu a
pénétré notre amour conjugal de son amour trinitaire, faisant participer notre
couple à l’alliance éternelle qu’il a établie avec l’humanité dans le Christ.

Elisabeth

Alors hasard ou création ?

L'homme peut mesurer ses limites, sa finitude. Il en est insatisfait, comme s’il était fait
pour plus. Alors « qui t’a fait homme ? » Il est plus difficile qu’on ne croit de rejeter
l’hypothèse Dieu. Parler de “hasard” comme l’ont fait certains savants ne revient-il pas à
déifier le hasard ? D’autres savants ont fait remarquer que si le hasard a réussi à faire
l’homme en partant du Big Bang, en passant par les étoiles et les premières cellules de la vie,
ce hasard-là a dû gagner le gros lot à la loterie des millions de fois !
D’autres qui croient se cantonner dans un scientisme athée se laissent aller à mettre un N
majuscule à la Nature ou un E à l’Evolution, un M à la Matière… difficile d’y échapper…

Alors pourquoi ne pas accepter un Dieu intelligent plutôt qu’un hasard imbécile ?
Et si nous avons une liberté, pourquoi ne pas chercher ce Dieu qui nous laisse libres de le
reconnaître ? Et l’écouter nous dire « Je t’aime, et si tu veux, je te promets dès maintenant une
éternité d’amour. »

L’homme, animal doué d’intelligence et de raison, désireux de faire le bien, capable d’aimer
et d’être aimé, est plus que l’animal. Cet être unique jaillit de la terre et de l’évolution. Mais il
jaillit plus haut parce qu’il est appelé. A l’image de Dieu, il est fait, appelé pour le rencontrer
et trouver son bonheur, en toute liberté. C’est ce qu’on veut dire en disant qu’il a une âme
spirituelle.

Voir aussi le dossier : Science et Foi

De l’instinct à la liberté et à l’amour

Face à l’instinct de l’animal, l’homme dispose d’intelligence et de liberté. Cela


lui donne la capacité de faire sa vie, de créer, d’innover (les progrès
technologiques), de produire des œuvres d’art. Il peut s’adapter à des situations
inédites et multiples.

Etre libre, c’est pouvoir ne pas être esclave de l’instinct, des pulsions. C’est la
capacité de ne pas subir les événements. Etre libre, c’est décider ce que je fais en
vue d’un objectif, d’un but.

La liberté n’est pas donnée une fois pour toutes. L’homme, “être de culture”, par
ses choix peut grandir : il a un devenir. L’homme devient ce que ses choix font
de lui : il est capable de répondre de ce qu’il est. C’est la responsabilité.
L’homme ainsi a un sens à donner à sa liberté. Grâce à cette liberté, il peut aimer
et c'est cela qui le comble.

La pilule,
ou les saisons de l’Amour ?

« La pilule n’est pas un “produit vert”. Au taux d’hormones qu’elle délivre, elle devrait
être proscrite du marché par les écologistes…»
Il est vrai en tout cas que la pilule contraceptive a pour objectif par des produits chimiques de
bloquer le processus physiologique de la femme pour la rendre infertile.

La différence avec les méthodes naturelles de régulation des naissances, c’est que ces
dernières permettent, sans supprimer le rythme physiologique, de connaître avec précision son
évolution : l’alternance des temps où la femme est non-fertile et des temps où elle est capable
de donner la vie.
Dans un couple, pour l’homme, aimer vraiment sa femme, ce ne peut être la réduire en
permanence, par la pilule, à un état qui n’est qu’une partie d’elle-même. Qui a d’ailleurs des
conséquences psychologiques — et parfois médicales.

Aimer, c’est reconnaître et accueillir l’autre dans toutes ses dimensions : son regard, et son
corps. Ses sentiments, ses goûts, toute sa personnalité. Son âme et ses aspirations au beau, au
bon, au vrai. Sa dimension d’éternité.
Et son ouverture à la vie, avec cette capacité de donner la vie à certains moments. Cette
alternance féminine n’est pas une erreur de la nature !

Dans le couple qui accueille les saisons du rythme féminin comme une richesse faisant partie
de l’être de la femme, l’homme permet à son épouse d’être une vraie femme. Et du coup,
l’homme aussi prend sa vraie dimension. Ils peuvent choisir de donner la vie, de façon
responsable. Ils peuvent aussi espacer la naissance de leurs enfants. Connaître les
renouvellements du désir et tous les temps différents de l’affection qui écrivent l’histoire de
leur amour.

Témoignage
Catherine : Au début de notre mariage, ne voulant pas avoir d’enfant tout de
suite, j’ai pris la pilule. C’était ce dont j’avais le plus entendu parler autour de
moi. Le médecin que j’avais consulté ne m’avait pas proposé d’autre méthode
puisque, après examen, la pilule n’était pas contre-indiquée.

Marc : Quel que soit le choix de ma femme, c’était “son affaire”. Je n’imaginais
pas que cela puisse me concerner en quoi que ce soit. Les mois passant, nous
avons commencer à désirer un enfant.

Catherine : Aussi, j’arrêtais la pilule. Mais j’ai dû attendre un an et demi avant


de pouvoir concevoir. Le temps paraît long quand le désir grandit…

Marc : Enfin, nous avons eu une petite fille. Cette naissance si attendue et notre
conversion nous avaient profondément rapprochés et c’est ensemble, cette fois-ci,
que nous avons voulu rechercher une nouvelle méthode de régulation des
naissances car nous ne voulions plus utiliser la pilule.

Catherine : Le médecin nous proposa le stérilet. Mal informés, nous avons opté
pour cette solution. Or, deux jours avant sa pose, une amie m’expliqua qu’il
s’agissait en fait d‘un micro-abortif. Nous y avons donc renoncé.

Marc : Des amis nous parlèrent alors des méthodes naturelles de régulation des
naissances. Nous nous sommes documenté et avons essayé de nous y mettre avec
bonne volonté.

Catherine : Pour ma part, j’abordais cette méthode avec une certaine


appréhension : prendre ma température chaque matin, observer la glaire
cervicale, inscrire tout cela dans un cahier me paraissait très contraignant…
Comme nous désirions un second enfant, nous n’étions pas très rigoureux. Et en
effet, six mois plus tard, j’étais enceinte et nous avons eu un petit garçon. Mais
après cette naissance, il devenait important d’être plus vigilant. J’ai donc décidé
de reprendre sérieusement cette méthode. Jusqu’à présent, je n’y avais pas encore
engagé toute ma volonté. Du coup, j’avais plutôt l’impression de subir une
situation un peu pénible au lieu d’en être maître et responsable.

Marc : De mon côté, j’ai pris conscience que je devais apporter à Catherine mon
attention et mon soutien. J’ai peu à peu découvert ce qu’était le cycle de la
femme, ce travail si merveilleux qui se fait dans le corps humain pour accueillir
la vie et progressivement, j’acceptais plus librement les nécessaires périodes de
continence. Peu à peu, nous avons réalisé toute la richesse humaine et spirituelle
de l’amour conjugal plongé dans le dialogue vrai, la transparence, la
reconnaissance de l’autre dans tout ce qu’il est et est appelé à être. Cette
abstinence devint source de joie, de tendresse, de charité.

Catherine : Pour moi, à partir du moment où je le décidais vraiment, prendre ma


température, observer la glaire, noter, devint beaucoup plus facile. Je découvrais
par ailleurs tout un ensemble de signes que je n’avais jamais perçus auparavant.
Au bout de quelques mois, je savais repérer chaque période de mon cycle. Les
efforts de Marc pour m’aider, son attention et son écoute m’encourageaient à la
persévérance. J’ai découvert, de mon côté, que j’avais moi aussi à le respecter :
dans les périodes de rencontre possible, je veillais à ne pas être trop fatiguée en
organisant mieux mon travail pour être disponible, être tout accueil et toute
offrande.

Marc : Trois ans se sont ensuite écoulés jusqu’à la naissance de notre troisième
enfant. Cela fut pour nous une grande joie de savoir qu’au moment de la période
fertile, notre union allait permettre la vie. C’est d’un commun accord que nous
avons offert notre amour à Dieu pour qu’Il le rende une troisième fois fécond.
L’amour plus fort
que la mort !

Témoignage

Je suis née dans une famille de catholiques pratiquants, où l’on m’enseignait,


dès le plus jeune âge, ce qu’il convient à “une fille respectable”. A 15 ans, la
morale ne m’effrayait guère et me paraissait justifiée. La pudeur, l’abstention de
relations sexuelles avant le mariage représentaient l’autoprotection qui ouvrait la
voie à la stabilité affective, à une famille équilibrée : une vie normale, en somme.

La spirale de l’union libre

Plus tard, hors du cocon familial, la réalité sociale rendait inapplicables ces
principes. Autour de moi, la plupart des jeunes vivaient en union libre. A part
quelques exceptions, les grandes questions des filles étaient : Comment ne
s’attacher à personne ? ou : Comment échapper à la solitude et connaître une
relation durable ? J’avais le choix entre deux solutions : accepter d’être une
laissée-pour-compte ou entrer dans la spirale de l’union libre. Alors, incapable de
concilier mes sentiments et mes valeurs morales, je me suis laissée entraîner par
les circonstances. Il fallait vivre avec son temps.

Aussi, mon petit ami et moi nous nous installions maritalement. Il était juste
baptisé et ne comprenait pas les “chichis” de mon éducation. Psychologiquement
et affectivement, il m’était inconcevable de renoncer à lui et au mode de vie qu’il
me proposait. Je devenais une fille comme les autres, tout en espérant : « le
concubinage, c’est provisoire ; cela ne durera que le temps de nos études, ensuite
nous nous marierons ». Je vivais un catholicisme “de la demi-mesure”,
continuant d’aller à la messe et de prier pour que notre situation évolue.

Que faire de cet enfant ?

Notre relation se détériora. Il lui arrivait de commettre des infidélités et puis, me


disait-il : « Je ne te trompe pas parce que je ne suis pas marié. » Ou encore : « Je
ne suis pas pire qu’un autre, je suis comme tous les garçons. » Ma faiblesse me
donna le moyen de pardonner, de considérer normales ces incartades : il est
jeune, il finira par mûrir et comprendre. Tous les garçons sont des libertins qui se
stabilisent un jour. J’avais alors la naïveté de prier pour sa conversion.

Mais mon insatisfaction grandissait, la déception et l’amertume me rongeaient le


cœur. Puis, l’imprévu arriva : ce que le médecin avait diagnostiqué comme une
gastro-entérite se révéla être une grossesse. Ce fut le plus beau jour de ma vie,
qui, hélas, tourna vite en cauchemar. Mon état fut l’occasion de découvrir mon
compagnon sous un nouvel aspect. Quelques années auparavant, il m’avait
certifié qu’il était contre l’avortement mais, au pied du mur, il m’avoua son
incapacité à assumer une paternité et m’exhortait à avorter.

Mon dégoût tourna à la panique et à la haine, et son endurcissement n’eut d’égal


que le mien. J’avais une semaine pour me décider : je devais rompre “ces
fiançailles à rallonge” qui m’avaient engloutie comme un bourbier. Dès lors, je
ne trouvais aucune raison de garder mon enfant, que j’aimais et dont je rêvais
depuis tant d’années : il était voué à la souffrance d’un père absent, au mépris de
ma famille, aux privations matérielles. En outre, je détestais son père et,
égoïstement, je ne voyais pas comment refaire ma vie avec un enfant illégitime.
Quant à mes sentiments, ils avaient été le moteur de ma perte, je n’avais plus
aucune raison d’en tenir compte. La mort dans l’âme, je décidais donc de “me”
sauver à tout prix.

Ce piège semblait insoluble humainement ; il ne me restait plus que la bestialité,


asseptisée par le contact médical et remboursée par la Sécurité Sociale… Et mes
prières n’avaient porté aucun fruit.

Dieu ne me condamne pas

Après l’intervention, je restais morte, intérieurement, pendant plus d’une année.


Mais des interrogations me hantaient : Comment avais-je fait pour en arriver là ?
Quand avait commencé cette pente glissante ? Où était le Dieu que je m’étais
acharnée à prier ? Qui m’a “sauvée” pendant le malheur ? Pourquoi tant de
mensonges sur la Providence et tant de promesses dans l’enseignement
religieux ? Où était l’enfant que j’aimais toujours et dont l’absence me torturait ?

A ma révolte faisait écho la peur : maintenant que je me suis condamnée par un


crime plus grand que l’adultère, quel châtiment Dieu allait-Il encore m’envoyer ?
J’étais la prisonnière d’un cercle infernal. Même la confession ne m’enlevait pas
le sentiment d’être poursuivie par la fatalité. Alors à quoi bon vivre ?

Un jour, en regardant un crucifix, je réalisais en un éclair que ce Dieu, qui avait


connu une mort innocente et abominable à cause des péchés du monde, et des
miens précisément, ne pouvait pas me condamner. Cette découverte me troubla
beaucoup. Je fis aussi la connaissance de jeunes qui m’introduisirent dans un
groupe de prière. Et là, malgré mes tentations morbides, le Seigneur me donna
une joie incomparable. Il me reconstruisait imperceptiblement…

Des amis me conseillèrent un pèlerinage à Paray-le-Monial. J’acceptais, dans


l’espoir fou de rencontrer Dieu. Au cours d’un groupe de partage, pendant que
des personnes priaient, je fis effectivement une rencontre : Jésus-Miséricorde,
brûlant d’amour. Je pris alors conscience, avec étonnement, qu’Il est une
personne et qu’Il m’aimait ; qu’Il n’avait jamais cessé de le faire, même aux
moments des pires désolations qui m’avaient éloignée de Lui ; que c’était Lui,
l’Amour, que je cherchais depuis tant d’années… La mesure de mes péchés et
l’infini de sa Miséricorde me bouleversèrent.

Il est le Berger

Cette rencontre fut décisive, car ma vie bascula sur une nouvelle trajectoire. La
fatalité laissa la place à la Providence. Il m’apparaît maintenant, avec plus de
clarté, que mes désirs de fonder un foyer étaient légitimes, malgré les pressions
sociales contraires. Mais j’aurais dû faire passer le choix de Dieu, de la vie
conforme à mon baptême, avant le choix d’un conjoint ; le but de mon existence
étant de servir Dieu, plutôt que de vouloir L’inclure de force dans mes projets.
C’est Lui le Berger et moi la brebis, et non l’inverse.

Mais le plus difficile reste à conquérir chaque jour : pardonner à ceux qui nous
ont offensé ; se pardonner à soi-même ses erreurs ; se laisser pardonner et aimer
par Dieu, tels que nous sommes, là où nous en sommes.

Sophie

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