Madame de Lafayette - La Princesse de Clèves
Madame de Lafayette - La Princesse de Clèves
Madame de Lafayette - La Princesse de Clèves
L’avènement du classicisme
En réaction à l’art baroque, le classicisme s’impose dans tous les domaines artistiques : il se
caractérise par son attachement à l’ordre, à la mesure et aux règles. En littérature, il touche surtout
le théâtre qu’il codifie de la vraisemblance, de la bienséance, des trois unités. Racine et Molière en
sont les représentants. La première partie du XVIIe siècle voit naître des romans-fleuves comme
Clélie, histoire romaine de Mlle de Scudéry (1654) qui reprend l’esthétique baroque et précieuse.
LPDC reprend les caractéristiques de l’écriture classique avec toutefois la préciosité dans l’approche
des sentiments.
préciosité : se traduit dans les mœurs aristocratiques par un comportement social d'un raffinement
extrême, entre 1650 et 1660.
romans-fleuves : roman en plusieurs tomes (souvent plus d’une dizaine) dont les histoires se
déroulent autour des mêmes personnages (y’en a beaucoup), et qui constitue un commentaire d’une
société ou d’une époque.
La préciosité naît dans la première moitié du XVIIème siècle du raffinement et de l’élégance dans les
mœurs, la langue et la conversation recherchés par les femmes de la haute société. Son courant
littéraire a un sujet quasi unique, l’amour, et a un rôle culturel dans la société qui influence
profondément la poésie et le roman. L’idéal aristocratique de l’amour précieux tente de faire revivre
les codes de l’amour courtois, plaçant la conversation amoureuse au-dessus de la galanterie, c-a-d
des intrigues tournant autour de l’amour physique. La préciosité répond au besoin des femmes
d’imprimer leur marque dans un monde qui leur donne une place juridiquement et politiquement
ingrate : fatiguées de la grossièreté de la cour d’Henri IV, elles changent leurs rapports avec les
hommes avec des conversations se tournant vers le raffinement et la culture et atteignant une élite
intellectuelle, esthétique et sociale. La virtuosité précieuse célèbre moins l’amour vécu que l’amour
idéalisé, épuré, dégagé de sa dimension sexuelle, choix hérité de l’amour courtois, fondateur au
Moyen-Age. La préciosité affirme la prééminence de l’amour platonique sur la passion sensuelle et
choisit le raffinement dans les jeux de la séduction. Dans l’amour précieux, l’amoureux (aimant sans
retour) et l’amant (aimé de très loin) sont les serviteurs de l’amour abstrait et s’engagent dans un
parcours compliqué. On a une méfiance à l’égard de la passion qui traverse l’âge classique : les
contraintes économiques, sociales et politiques qui déterminent le mariage aristocratique ne
satisfont pas les désirs individuels puisque la passion amoureuse ne peut s’épanouir sans
contrevenir à l’ordre social et sans entraîner désordre et souffrance → on se contente de la
galanterie, forme ambigüe du commerce amoureux. La métaphore précieuse se glisse habilement
dans tous les genres et contribue pleinement à l’élaboration du classicisme : le vocabulaire de la
préciosité innerve celui de la tragédie classique : bien que Molière fait rire aux dépens du langage
affecté avec des hyperboles, périphrases et métaphores quasiment intraduisibles, il s’empare des
acquis du phénomène pour participer au débat sur le rôle social des femmes, leur éducation, leur
liberté dans le mariage (L’École des femmes). Le roman précieux surpasse les romans d’aventures
baroques, il exprime les désirs et les aléas du “moi” amoureux dans un monde où l’individu compte
peu.
➔ La structure de l’oeuvre
Première partie - les débuts d’une princesse
Topo de la Cour : tout le monde est beau mais tout le monde est hypocrite et voué à un destin
tragique. Le roman s’ouvre sur une description de la cour du roi Henri II et de ses membres. L’arrivée
de lpdc est remarquée à la cour et lorsque Mr. de C. la rencontre par hasard, il tombe sous son
charme. La chevalier de Guise est également amoureux d’elle. Mme de Chartres consent à marier sa
fille à Mr. de C. qui n’est pas totalement satisfait vu que lpdc n’est pas amoureuse de lui. Elle fait la
connaissance du duc de Nemours lors d’un bal et l’amour est réciproque entre eux. 1er récit
enchâssé : Mme de Chartres retrace le parcours de Diane de Poitiers. Elle devine les sentiments de
sa fille pour le duc de N. et prodigue à sa fille ses derniers conseils avant de mourir.
La découverte de la passion
Mme de L. s’inscrit dans la lignée du roman précieux Clélie, histoire romaine de Mlle de Scudéry
(1654-1660) : elle s’inspire de ce récit pour aborder les différents aspects de la passion et analyser
les sentiments amoureux ainsi que leurs effets, elle lui emprunte le vocabulaire galant pour décrire
les différentes étapes du sentiment amoureux comme avec “inclination”. Mlle de Chartres, 16 ans,
ne connaît que ce que sa mère lui a rapporté de l’amour et le roman retrace son parcours initiatique
qui va lui permettre de découvrir la passion : à son mariage, la femme ignore totalement les effets
de l’amour et il faudra attendre la rencontre avec le duc de Nemours pour qu’elle découvre les affres
de la passion amoureuse. Ce n’est au départ qu’une “grande impression dans son coeur” qui devient
ensuite une inclination dans laquelle lpdc croît reconnaître “le commencement des passions”. C’est
en éprouvant de la jalousie qu’elle comprend qu’elle est amoureuse : l’épisode de la lettre la plonge
dans une souffrance terrible et “elle se trouvait dans une sorte de douleur insupportable, qu’elle ne
connaissait point et qu’elle n’avait jamais sentie”. Malgré qu’elle ait été prévenue par sa mère des
dangers des passions, seule l’expérience lui permet de comprendre ce qu’il en est.
Vice et vertu
Le parcours de lpdc à la cours est marqué par une oscillation constante entre la vertu et le vice : les
figures de la mère et de Mme de Tournon s’opposent puisque la première est décrite comme un
modèle de vertu, ayant éduqué la princesse d’une morale irréprochable à la hauteur de la sienne et
“dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires”, c’est une figure maternelle et protectrice
qui sert également de guide étant donné qu’après sa mort, lpdc ne sait plus comment affronter les
situations délicates qui mettent en péril sa vertu. L’annonce de son décès est suivi d’un récit
enchâssé pris en charge par M. de C. et qui correspond aux intrigues de Mme de Tournon. La
structure du récit met en avant l’effet d’antithèse entre la vertueuse mère et la méprisable Mme de
Tournon qui est la véritable incarnation du vice : après avoir reçu les ultimes conseils de sa mère,
l’esprit de lpdc est frappé par la nouvelle de la mort de Mme de Tournon et la découverte de ses
aventures répréhensibles, de son attitude doublement coupable. Elle est accusée d’avoir feint la
douleur suscitée par la mort de son époux, d’avoir trompé l’homme qu’elle avait promis d’épouser :
lpdc est simultanément confronté à deux femmes opposées, le vice et la vertu. Les hommes
n’échappent pas à cette vision manichéenne du vice et de la vertu puisque leur comportement, loin
de la perfection, est révélateur de l’inconstance masculine, comme pour celui du vidame de Chartres
: l’épisode de la lettre le met dans une position délicate car il est impliqué dans plusieurs liaisons. Au
contraire, M. de C. est un exemple de vertu : son amour pour son épouse est inaltérable ainsi que sa
haute conception de la passion qui font que l’idée que son épouse l’ait trahie le conduit à la mort.
L’attitude des hommes est donc plus ou moins conforme à celle des femmes bien que le poids de la
culpabilité semble moins les affecter.
Récit qui va et vient entre Histoire et fiction, sphère privée et sphère publique, le récit et le discours =
entrelacement permanent, jeu d’intrigues et retraites. Les récits enchâssés enrichissent le débat
moral, intérieur et social des personnages.
Mort de Henri II : caprices royaux (fêtes) + caprices politiques => signes du destin marqués par la
narratrice omnisciente. Elisabeth de France part pour l’Espagne, sur ordre de son père, mais aussi
pour la mort par empoisonnement sous l’ordre de Philippe II son époux ; renvoi brutal de Diane de
Poitiers, disgrâce du Vidame de Chartres, destin de Marie Stuart qui repart en Ecosse où l’attendent
des passions meurtrières.
Un parcours héroïque
Dès la première partie du roman, le destin de lpdc se dessine : son mariage fondé sur un amour non
réciproque annonce une insatisfaction inévitable à laquelle la rencontre avec le duc vient au secours
dans la mesure où elle constitue le coup de foudre réciproque scellant le destin de la princesse. Le
duc de Guise ne se trompe pas lorsqu'il l’a décrit comme “une aventure qui (a) quelque chose de
galant et d’extraordinaire” : elle représente le début de la passion de lpdc mais également la fin de
sa quiétude étant donné que l’héroïne y subit son destin. En effet, l’union qu’elle avait accepté avec
“moins de répugnance” ne reposait que sur son ignorance du sentiment amoureux. Prise dans le
cercle vicieux de la passion, elle est face à un dilemme (cornélien, ici entre la raison et les
passions) : doit-elle écouter son cœur ou sa raison ? Elle se livre à un combat permanent contre ses
propres sentiments : après le plaisir que lui a procuré le moment d’intimité avec le duc lors de la
rédaction de la lettre, elle est attristée par l’attitude qu’elle a eu et se sent cruellement coupable, le
tout lui confère une grandeur d’âme et une dimension héroïque. Ses actes aussi la caractérisent :
l’aveu auquel elle se livre conforte l’exemplarité du personnage puisque cet acte semble
invraisemblable, ce qui a beaucoup été reproché à Mme de L. Le caractère héroïque de l’aveu
demeure quand bien même discutable et elle-même souligne son aspect extraordinaire : “il n’y pas
dans le monde une autre aventure pareille à la mienne ; il n’y point une autre femme capable de la
même chose”. Cette scène confirme son attitude irréprochable, cherchant à se protéger de
sentiments qu’elle ne peut maîtriser.
L’émergence du roman
Au XVIIème siècle, l’aristocratie voit dans le roman une source de divertissement : on retrouve des
romans privilégiant des aventures extraordinaires où l’amour joue un rôle important comme avec
l’Astrée d’Honoré d’Urfé (1607-1627) qui retrace les amours de bergers auxquels s’ajoute un grand
nombre d’intrigues secondaires. Le Grand Cyrus (1649-1653) ou Clélie, histoire romaine (1654-1660)
de Mlle de Scudéry sont des romans héroïques précieux aux multiples péripéties. En réaction à ces
romans qui présentent un univers idéalisé, certains en rédige davantage en prise avec la réalité :
Charles Sorel dans l’Histoire comique de Francion (1623) offre une satire de la société de l’époque ;
Paul Scarron dans Le Roman comique (1697) dénonce les défauts de la société à travers les
aventures d’une troupe de comédiens ; Cyrano de Bergerac offre une nouvelle dimension au roman,
avec Les États et Empires de la Lune (1657) et Les États et Empires du Soleil (1662), il défend une
pensée matérialiste qui remet en question les fondements de l’ordre social et moral de l’époque.
La morale janséniste
En 1640, Jansénius pose les fondements d’un retour à une grande rigueur morale : cette pensée se
développe en France dans la noblesse et les salons et Mme de L. se rapproche de ce mouvement à
la fin de sa vie. Dans LPDC, on perçoit déjà les traces de cette influence puisque les jansénistes ont
une vision pessimiste de la nature humaine, pointant la faiblesse de l’Homme tenté par le péché et
Mme de Chartres peut être considérée comme une représentante de cet esprit, connaissant les
failles de l’être humain. En effet, elle éduque sa fille en lui exposant les dangers que lui réserve
l’existence mais, sur son lit de mort, elle se lamente de laisser sa fille affronter seule les périls de
l’amour comme si elle ne croyait en sa force morale. Ses derniers conseils sont emprunts d’une
grande austérité morale : “ne craignez point de prendre des partis trop rudes et trop difficiles”. La
pensée janséniste préconise de se tenir à l’écart des mondanités : ainsi, la mère préserve lpdc du
péché, lui conseillant de se retirer de la cour puisqu’en effet la retraite permet à l’homme de
s’éloigner des futilités et des dangers de la vie mondaine. Lorsque lpdc ne parvient pas à maîtriser
sa passion, elle demande à son époux de la laisser se retirer : ce lieu censé être celui du repos de
l’âme devient celui du tourment et de l’exaltation des passions et lpdc quitte véritablement la cour
lorsqu’elle décide de se retirer sur des terres éloignées de Paris dans les Pyrénées à la fin de sa vie.
La distance n’atténue pas les sentiments de lpdc qui entre finalement dans une maison religieuse
pour éviter de retomber dans les tourments de la passion. Sa vertu exemplaire lorsqu’elle se livre à
des “occupations plus saintes que celles des couvents les plus austères” rappelle la pensée
janséniste.
Le courant “janséniste”, en référence péjorative à l’évêque Jansénius condamné en 1643 par la
papauté, prône le retour pur et simple à la théologie de la grâce divine définit par saint Augustin qui
place le poids du péché originel au coeur de la vie du chrétien : l’être humain vit médiocrement,
soumis à la corruption dans des sociétés gouvernées de façon chaotique, il ne peut se tourner que
vers son Créateur pour trouver le salut. Il a besoin d’être soutenu par la grâce divine qui n’est pas
attribuée à tous, il ne doit son salut qu’à la volonté de Dieu sans pouvoir le mériter par lui-même, il
est invité à vivre dans la solitude et la retraite spirituelle et ne peut que se détourner de la vie sociale.
Mais, la monarchie absolue ne peut tolérer que l’éclat du Roi-Soleil soit concurrencer par le soleil
noir du jansénisme : les jésuites ont la théorie de la “grâce suffisante” selon laquelle le salut obtenu,
gagné voire acheté par une vie pieuse, charitable et généreuse avec les pauvres, et docilement
soumise au pouvoir absolu, du moins en apparence. L’idéal de mesure de l’honnête homme doit
alors intégrer à son équilibre la sévérité de ce courant moraliste : les moralistes ne préconisent pas
la retraite et délivrent une sagesse compatible avec la vie sociale. Ainsi, Mme de L. élève le
divertissement précieux du roman à la hauteur du débat moral et d’une vision tragique du monde en
le chargeant d’une réflexion s’apparentant à la recherche de la vérité.
L’influence classique
LPDC s’inscrit dans une période où le mouvement classique domine la littérature française, on y voit
donc l’influence des règles du classicisme : excepté les quatre digressions, le roman respecte le
schéma narratif très structuré centré autour de la vie de lpdc, le cadre du récit (la cour de France)
satisfait l’unité du roman, la vraisemblance et la bienséance chères à la tragédie classique s’y
retrouvent hormis les critiques apportées à la scène de l’aveu et lpdc peut être assimilé à une
héroïne tragique confrontée à un destin qui l’accable. La portée morale du roman le rapproche de
l’écriture classique : ce dernier apporte un enseignement moral (éducation des filles) avec un
personnage qui acquiert une vertu exemplaire et devient un véritable modèle. Cette visée didactique
confirme l’influence du classicisme sur l'œuvre.
L’être et le paraître
La cour est un lieu d’influence où il est important de paraître et où l’on est également observé : “Si
vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci, (...), vous serez souvent trompée : ce qui paraît n’est
presque jamais la vérité.”. Les membres de la cour à s’observer, à se jauger et à se juger : le lexique
de la vue est omniprésent dans le récit. Ainsi, l’héroïne craint de manifester ses sentiments en
présence du duc et espère que cela ne se remarquera pas : la dissimulation est sévèrement jugée
comme avec Mme de Tournon condamnée car elle a trompé son amant mais surtout parce qu’elle a
montré le visage du deuil alors même qu’elle avait déjà retrouvé la passion. Lpdc tente de dissimuler
son attirance pour le duc même si elle peine parfois à réfréner les élans de son cœur : lorsqu’il chute
de cheval, elle ne peut contenir son inquiétude et les apparences ont des conséquences tragiques
pour elle. M. de C. pense que son épouse l’a trahi car il se fonde sur ce que son gentilhomme a cru
voir : pourtant, il a eu la preuve la plus éclatante de la vertu de lpdc lorsqu’elle lui avoue les raisons
de son retrait de la cour. Lpdc a beau donné des gages de sa sincérité et de sa vertu, elle n’échappe
pas aux jugements superficiels fondés sur des faux-semblants : elle se trouve prise au piège des
apparences quand elle assiste à des conversations embarrassantes et peine à masquer sa gêne
lorsque la rumeur de l’aveu se répand. Lpdc et le duc sont contraints à plusieurs reprises de jouer un
rôle face à d’autres membres de la cour pour ne pas dévoiler la réalité de leurs sentiments.
Un modèle de vertu
Plusieurs exemples attestent de la grande vertu de lpdc et qui l’érige en modèle de l’honnête femme
et la mère, elle-même très vertueuse, loue les qualités morales de sa fille : “Mme de Chartres
admirait la sincérité de sa fille”. La scène de l’aveu révèle la sincérité d’une épouse qui ne peut
mentir à son mari. Son renoncement à une union avec le duc, après la mort de M. de C., confirme la
droiture de l’héroïne puisqu’aucune contrainte sociale ne s’oppose à cette union et, pourtant, elle ne
peut envisager un tel acte qui est pour elle une trahison vis-à-vis de son époux. La morale de la
princesse dépasse les critiques que la société pourrait lui adresser : le choix d’une vie retirée du
monde confirme l’exemplarité morale de lpdc et son existence est assimilée à un modèle de vertu
inégalable. Lpdc a trouvé en tant qu’individu le chemin d’une morale irréprochable : c’est finalement
en s’éloignant de la société que la jeune femme atteint l’apogée de la vertu.
Individu : être humain, personne à part entière que l’on peut distinguer dans un groupe social.
Morale : ensemble de règles qui définissent les actes que l’on peut faire ou non
→ elles servent de lignes de conduite aux individus qui composent une société.
Passion : signifie “souffrir, endurer” en latin → sentiment irrépressible et
violent contre lequel un individu ne peut lutter sans difficulté. Elle mène à
la maladie et à la mort comme pour M. de C.
Société : mode de vie en collectivité qui permet aux hommes d’établir des relations codifiées par un
ensemble de règles.
Vertu : qualité morale qui permet à une personne de respecter des règles qu’elle impose. Au début
du XVIIème siècle, elle désigne le courage, la force morale et Descartes l’a définie comme “La vertu
ne consiste qu’en la résolution et la vigueur avec laquelle on se porte à faire les choses qu’on croît
être bonnes.”
Galanterie : on distingue la galanterie blanche, pur badinage amoureux, élégant et discret, de la
galanterie noire, l’adultère avec ses ruses, ses compromissions et ses connotations gauloises.
➔ Citations
“Il y avait tant d’intérêts et tant de cabales différentes, et les dames y avaient tant de part que
l’amour était toujours mêlé aux affaires et les affaires à l’amour.” (1ère partie)
“L’inclination qu’elle avait pour ce prince lui donnait un trouble dont elle n’était pas maîtresse.”
(2ème partie)
“Je vais vous faire un aveu que l’on a jamais fait à son mari ; mais l’innocence de ma conduite et de
mes intentions m’en donne la force.” (3ème partie)
“Je n’ai jamais donné nulle marque de faiblesse et je ne craindrais pas d’en laisser paraître si vous
me laissiez la liberté de me retirer de la cour ou si j’avais encore Mme de Chartres pour aider à me
conduire.” (3ème partie)
“La douleur de cette princesse passait les bornes de la raison.” (4ème partie → mort de M. de
C.)
“Elle repassait incessamment tout ce qu’elle lui devait, et elle se faisait un crime de n’avoir pas eu de
la passion pour lui, comme si c’eût été une chose qui eût été en son pouvoir.” (4ème partie)
“Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l’on doit croire que c’était
une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir
de belles personnes.”
“Elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi à lui donner de
la vertu et à la lui rendre aimable.”
“Je vous demande mille pardons, si j’ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous
déplairai jamais par mes actions.”
“LPDC et Zaïde furent les premiers romans où l’on vit les mœurs des honnêtes gens, et des
aventures nouvelles décrites avec grâce.” - Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, 1751
“Mais cette vie intérieure est intégralement déterminée par les habitudes d’une société, par “la
manière dont on y vit”” - Henri Coulet, Le Roman jusqu’à la Révolution, 1967 (la vie des persos
= toutes l’action → ce n’est pas une chronique)
“En créant un ordre tout d’apparence, l’honnêteté risque en effet de substituer le masque à la vérité,
la norme sociale à la norme éthique, la politesse au devoir (...).” - Alain Couprie, Le XVIIe siècle,
Diversité et cohérence, 1992
“Mais les hommes conservent-ils de la passion dans ces engagements éternels ? Dois-je espérer un
miracle en ma faveur et puis-je me mettre en état de voir certainement finir cette passion dont je
ferais toute ma félicité ?”
“un pays où les gens, / Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents, / Sont ce qu’il plaît au Prince, ou,
s’ils ne peuvent l’être, / Tâchent au moins de le paraître, / Peuple caméléon, peuple singe du maître”
-La Fontaine, Fables, “Les obsèques de la lionne”, 1678
“La passion est toute l’humanité. Sans elle, la religion, l’histoire, le roman, l’art seraient inutiles.”
Balzac dans Comédie Humaine
➔ Références du parcours
- Choderlos de Laclos, 1782, Les Liaisons dangereuses : dans ce roman épistolaire,
il offre à travers un ensemble de lettres, le spectacle des moeurs
libertines d’une partie de l’aristocratie du XVIIIème siècle → le vicomte
de Valmont tente de séduire par défi la dévote présidente de Tourvel qui
tombe peu à peu sous son charme et cherche à le fuir pour ne pas
succomber à la tentation même si cela la peine. Dans la “Lettre 90”, elle
le supplie de partir et qu’ils ne se voient plus, qu’ils n’aient plus
leurs entretiens particuliers, elle s’interdit de répondre à son amour,
malgré son absence elle n’oubliera pas ses sentiments, elle veut qu’il la
laisse retrouver sa tranquillité.
- Diderot, 1796, Jacques le Fataliste et son maître : dans ce roman à la structure
atypique, il fait intervenir différents récits enchâssés pris en charge
par les personnages → l’hôtesse raconte ainsi à Jacques et à son maître
l’histoire de Mme de La Pommeraye, femme vertueuse très retirée avec des
moeurs, de la naissance, de la fortune et de la hauteur, qui a fini par
céder aux avances du marquis des Arcis (qualités personnelles, jeunesse,
figure,apprences de la passion la plus vraie), qui lui fit la cour, par
tous les sacrifices jusqu’à lui demander de l’épouser, malgré son malheur
de son premier mariage et donc le danger d’un second mauvais. Au bout de
quelques années, il commence à trouver la vie de Mme de Pommeray trop
unie et il lui propose de recevoir des hommes et des femmes, de se perdre
dans la société.
- Stendhal, 1830, Le Rouge et le Noir : il retrace le parcours de Julien Sorel,
jeune homme issu d’un milieu très modeste mais animé par une ambition
sans limites → engagé par Mr. de Rênal comme précepteur pour ses enfants,
il tombe amoureux de son épouse (sans aucune expérience de la vie) qui
n’est pas insensible à ses charmes et qui revivait presque grâce à lui
jusqu’à ne pas pouvoir dormir mais les idées de commettre l’adultère
tachaient ce bonheur, elle se voyait méprisable : elle oscille entre
bonheur et malheur (elle craignait de ne pas être aimée, culpabilité) et
quand elle pense à avouer le tout à son mari, elle repense aux conseils
de sa tante selon lesquels les confidences à un mari sont un danger
puisque le mari est un maître. Idée horrible qu’il aime une autre femme.
- Honoré de Balzac, 1834, La Duchesse de Langeais : il narre les aventures
d’Antoinette de Langeais, femme très courtisée et éprise du général de
Montriveau (elle en a des remords malgré la mort de son mari) dont elle
se croit abandonner jusqu’à se retirer dans un couvent → il parvient
toutefois à la retrouver. Malgré la mort de son mari, elle s’en veut
d’avoir un jour voulu briser le mariage sans scrupule pour le général de
Montriveau et ne veut pas le suivre malgré toutes les promesses qu’il lui
fait et le fait qu’il la rassure et malgré le fait qu’elle l’aime + que
tout et prie tous les jours pour lui.
- Charlotte Brontë, 1847, Jane Eyre : elle relate la vie de Jane Eyre, embauchée par Mr.
Rochester afin de s’occuper de la petite Adèle mais ils tombent amoureux. Alors qu’ils sont
sur le point de se marier, Jane découvre que Mr. Rochester est marié à une autre femme
mais il lui propose de rester vivre avec lui comme concubine, ce qu’elle refuse, l’indignant
puisqu’il ne veut pas renoncer à l’amour et l’innocence pour le plaisir charnel. Malgré le
sentiment, elle écoute sa raison et sa conscience bien que personne ne serait scandalisé de
cette situation : elle doit se respecter et ne pas agir hâtivement, elle fait preuve d’une
défiance d’elle-même, le seul terrain solide sont les opinions préconçues, les résolutions
passées.
- Gustave Flaubert, 1857, Madame Bovary : riche bourgeoise qui acquitte la religion avec
beaucoup de ferveur mais elle va ruiner son mari, le tromper, s’en vouloir, entrer dans un
couvent pour se punir mais elle s’en veut tellement qu’elle se suiscide → le roman fut brûlé
sur la place publique parce que le suicide est le pire des péchés chrétien. Ce sont les mœurs
de tout un groupe social : les filles qu’on place dans les couvents et qu’on sort pour se marier
sans rien savoir → Flaubert dénonce le romantisme qui élève les personnages banals à des
rangs de ouf (ergo quand on est banal on le reste).
- Émile Zola, 1867, Thérèse Raquin : tombe amoureuse du meilleur ami de son mari,
ils le tuent pour se marier mais quand ils se marient, ils sont pleins de
malheur et se suicident pour se punir → chacun voulait empoisonner
l’autre.
- Molière, 1662, L’École des Femmes : Arnolphe (qui ne veut pas être trompé) paie l’éducation
d’Agnès quand elle a 4 ans pour qu’elle soit élevée dans un couvent et dans l’ignorance
jusqu’à 16 ans (soumise à Dieu et à lui) mais elle apprend la vie et tombe amoureuse
d'Horace et trompe Arnolphe sans le savoir. Les Maximes du mariage dénonce l’éducation
par la peur (du mari) qui est contraire à celle de Mme de Chartres.
- Le réalisme développe des anti-héros comme Shrek et qui n’ont pas de qualités
exceptionnelles etc : Thérèse Desqueyroux (Mauriac, 1927) est tout le contraire d’une
héroïne romanesque, a un prénom banal comme Thérèse Raquin mais donne son nom au
livre : “Notre destin, quand nous voulons l'isoler, ressemble à ces plantes qu'il est impossible
d'arracher avec toutes leurs racines.” & “On ne se demande pas si elle est jolie ou laide, on
subit son charme.” & “Être une femme seule dans Paris, qui gagne sa vie, qui ne dépend de
personne” (souhait)
- “une parfaite imitation du monde de la cour et de la manière dont on y vit” (madame Royale
de Nemours-Savoie en 1678)
- Le comte de Bussy-Rabutin, dans sa Lettre à sa cousine Madame de Sévigné (le 29 juin,
1678) pense que la scène de l’aveu est invraisemblable et que Mme de Lafayette a juste
voulu se démarquer des autres romans : mais, elle n’a pas suivi le bon sens puisqu’une
femme dit rarement à son mari qu’on est amoureux d’elle mais jamais qu’elle est amoureuse
d’un autre homme.
- Fontenelle, dans sa lettre au Mercure galant (mai 1678), trouve l’aveu admirable et héroïque
parce que la princesse cherche du secours chez son mari puisqu’elle doute d’avoir assez de
force pour se battre contre son amour. Ainsi, elle s’impose une conduite plus austère que sa
propre vertu.