ISE - Chapitres 2 & 3
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Driss EL GHOUFI
Chapitre 2
L’analyse du comportement des agents économiques
Chaque individu et chaque organisation composant une société est donc un agent économique.
Toutefois, l’analyse économique regroupe tous ces centres de décision en quelques catégories
seulement, selon les activités économiques principales. Cette attitude correspond d’abord à une
simplification abstraite mais nécessaire. Le discours théorique ne peut considérer simultanément
des millions de centres de décision autonomes. Il doit faire comme s’il n’existait que quatre ou cinq
types d’agents différents, et considérer que tous les individus composant chacune de ces grandes
catégories ont un comportement identique. Mais cette simplification nécessaire du discours
théorique ne constitue pas une pure abstraction. Dans la réalité en effet, tout le monde ne fait pas
tout. Il existe une certaine division du travail entre les agents.
Dans une économie, la plupart des agents ne produisent pas eux-mêmes les biens ou les services
nécessaires à la satisfaction de leurs besoins. Ils ont tendance à se spécialiser dans les productions
pour lesquelles ils sont les plus compétents. Grâce aux revenus acquis dans leurs activités
respectives, ils obtiennent ensuite les autres biens. Dans leur activité productive, certains agents
louent leur force de travail, d’autres apportent leur fortune, certains jouent le rôle d’entrepreneur.
Il existe aussi une division du travail assez marquée entre certains secteurs d’activité. Il en va ainsi
en particulier entre les services financiers et les autres productions. De même, certains services
sont fournis gratuitement et d’autres sont vendus. Ainsi, dans le monde réel, la plupart des individus
appartiennent à des groupes relativement distincts quant à leur nature d’activité. Il est donc possible
de regrouper les différents agents selon leurs fonctions économiques principales.
Dans ce chapitre, nous aborderons deux types d’agents économiques : les ménages (i.e., les
consommateurs) et les firmes (i.e., les producteurs).
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I. Les ménages
Un ménage est constitué par tout individu ou tout groupe d’individus vivant sous un même toit.
Ainsi, un célibataire vivant seul est un ménage au même titre qu’un couple marié ou une famille
nombreuse. On peut aussi considérer une caserne de pompiers ou un monastère comme des
ménages. Ce qui importe, en effet, n’est pas le nombre de personnes composant un ménage, mais
l’unité du centre de décision économique (le chef de famille, le supérieur du monastère, le
commandant de la caserne). Les fonctions économiques principales des ménages consistent à
fournir des facteurs de production (force de travail et capitaux) aux autres agents, et à utiliser les
revenus de ces facteurs pour la consommation ou l’épargne. Notons que cette catégorie est la seule
qui concerne tous les membres d’une société. Toute personne constitue ou appartient à un ménage,
quelles que soient par ailleurs ses autres fonctions (banquier, entrepreneur, chef d’Etat…).
− Les ménages offrent leur force de travail aux entreprises en vue d’acquérir un revenu. Ils
sont alors confrontés à un premier arbitrage, entre les satisfactions qu’ils retirent de la libre
disposition de leur temps et les satisfactions qu’ils espèrent obtenir grâce aux revenus du
travail.
− Ils utilisent ensuite leur revenu pour satisfaire leurs besoins. Les ménages doivent alors
procéder à deux autres types d’arbitrage. D’une part, ils doivent choisir entre les différents
biens de consommation offerts par les producteurs : il s’agit de déterminer la structure de
la consommation. D’autre part, ils doivent choisir le niveau global de leur consommation,
et donc arbitrer entre la consommation immédiate et les consommations futures que permet
éventuellement l’épargne.
1. L’offre de travail
Les ménages répartissent leur temps total disponible entre le loisir et le travail rémunéré. Ici, nous
entendons par loisir la totalité du temps qui n’est pas consacré au travail rémunéré. Il inclut donc
le temps consacré au travail domestique (cuisine, bricolage, courses…) et celui réservé au sommeil,
aux activités de détente et aux relations familiales ou sociales.
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Le loisir procure des satisfactions aux individus, mais il a un coût d’opportunité : les revenus que
les individus pourraient obtenir en consacrant ce temps à un travail rémunéré. Plus les
rémunérations offertes par les employeurs sont élevées, plus le coût d’opportunité du loisir est élevé
et plus les ménages sont incités à consacrer une part importante de leur temps au travail rémunéré.
On peut donc faire l’hypothèse que la quantité de travail offerte par les ménages est une fonction
croissante de la rémunération du travail. Par la suite, pour simplifier, nous désignerons toutes les
rémunérations du travail par le terme de « salaires ».
A ce stade, une distinction doit être faite entre le salaire nominal et le salaire réel : le salaire nominal
(ou encore monétaire) est le montant (en dirhams) inscrit sur la fiche de paye. Le salaire réel est le
pouvoir d’achat du salaire, c’est-à-dire la quantité de biens et services que le salaire nominal permet
d’acheter ; on le mesure en divisant le salaire nominal par le prix moyen des biens et services dans
l’économie nationale, c’est-à-dire par un indice du niveau général des prix (ou encore indice des
prix à la consommation). Les travailleurs rationnels ne sont intéressés par les salaires offerts que
dans la mesure où ils leur permettent d’acheter des biens et services; ils ne tiennent donc pas compte
du salaire nominal mais du salaire réel, et notre hypothèse devient : l’offre de travail est une
fonction croissante du salaire réel.
2. La structure de la consommation
Les individus consomment en vue d’obtenir le maximum de satisfaction, mais ils ne peuvent pas
demander n’importe quelle quantité des différents biens : ils sont contraints par les revenus dont
ils disposent et par les prix des biens. La demande de chaque bien dépend donc à la fois de son
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prix relatif (prix comparé à ceux des autres biens) et du revenu des consommateurs. Rappelons que
sur le plan du vocabulaire, que le terme de « biens », employé sans autre précision recouvre en fait
toujours, dans le langage de l’économiste contemporain, l’ensemble des biens et services.
Pour satisfaire un besoin donné, les consommateurs peuvent généralement utiliser différents biens.
Ainsi, peut-on se déplacer à pied, à bicyclette, en voiture, etc. De même, la variété des moyens
disponibles pour satisfaire le besoin d’alimentation ou d’habillement paraît infinie. Le plus souvent,
il existe des biens substituables entre eux, c’est-à-dire susceptibles d’être remplacés les uns par les
autres pour satisfaire un même besoin. Dès lors, la contrainte budgétaire amène les agents à
comparer les prix des biens substituables. On peut faire l’hypothèse que, toutes choses étant égales
par ailleurs, si le prix d’un bien augmente, les consommateurs rationnels seront incités à utiliser
moins de ce bien et à le remplacer en partie par les biens substituables devenus relativement moins
chers (effet de substitution). Nous venons de d’énoncer la loi de la demande : la demande d’un bien
est une fonction décroissante de son prix. Autrement dit, la quantité demandée varie en sens inverse
du prix.
• L’élasticité de la demande
L’intensité de réaction de la demande d’un bien aux fluctuations de prix est bien entendu variable.
Pour mesurer cette intensité on utilise le concept d’élasticité. L’élasticité est tout simplement le
rapport entre le pourcentage de variation de la demande d’un bien et le pourcentage de variation de
son prix :
L’effet du prix étant normalement négatif, ce rapport est également négatif. Une élasticité égale à
- 2 signifie qu’une augmentation du prix de 1 % entraîne une diminution de la quantité demandée
de 2 %. Plus un bien a de substituts disponibles sur le marché, plus sa demande est élastique. En
revanche, certains biens pour lesquels il existe peu de de biens substituables ont une demande
inélastique (on dit aussi « rigide »).
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Ainsi, par exemple, les augmentations successives du prix du tabac ont peu d’effet sur sa
consommation à court terme, parce que la suppression du tabac crée une sensation de manque que
peu d’autres substances peuvent soulager. De même, les chocs pétroliers des années 1970 ont
montré que les grands pays industriels ne réduisent pas rapidement leur consommation de pétrole
alors même que le prix de ce dernier enregistrait des hausses considérables. Cela tient à ce que, à
court terme, on ne peut que très partiellement remplacer le pétrole dans des industries qui ont été
conçues pour fonctionner avec du pétrole ou avec des produits dérivés. A long terme, cependant,
les hausses de prix incitent à trouver de nouvelles sources d’énergie ou exploiter plus intensivement
d’anciennes sources d’énergies, et la demande de pétrole redevient élastique par rapport au prix.
La demande d’un bien est toujours plus élastique à long terme qu’à court terme parce que le temps
permet de rechercher et de développer les substituts qui peuvent faire défaut à court terme.
Tous les biens ne sont pas substituables entre eux. Certains biens sont complémentaires, c’est-à-
dire que leur consommation va de pair ; ils sont simultanément nécessaires à la satisfaction d’un
même bien (par exemple : l’essence et les automobiles). Certains biens sont indépendants les uns
par rapports aux autres ; ils concourent à la satisfaction de besoins totalement étrangers (par
exemple : les balles de ping-pong et la viande de bœuf).
Pour savoir si deux biens sont substituables, complémentaires ou indépendants, on peut calculer
l’élasticité-prix croisée. L’élasticité-prix croisée mesure comment la demande d’un bien réagit aux
variations du prix d’un autre bien.
Si deux biens sont substituables, la hausse du prix de l’un doit inciter à augmenter la consommation
de l’autre ; le renchérissement du beurre doit stimuler la consommation de margarine; l’élasticité
croisée est donc positive. Inversement, si deux biens sont complémentaires, la hausse du prix de
l’un pénalisera la consommation de l’autre ; une hausse des prix des voitures devrait freiner la
consommation des voitures et celle des carburants (essence, diesel) ; l’élasticité croisée est donc
négative. Enfin, si deux biens sont indépendants, leur élasticité croisée doit être nulle.
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On peut mesurer la réaction des consommations aux variations du revenu par l’élasticité de la
demande par rapport au revenu :
Si tous les biens avaient la même élasticité-revenu, la structure de la consommation ne serait pas
modifiée par l’élévation ou la diminution du niveau de vie des ménages ; elle ne dépendrait que de
l’évolution des prix relatifs de différents biens. Mais il n’en va pas ainsi. L’expérience montre que
l’amélioration de leur pouvoir d’achat conduit les individus à privilégier certaines consommations
au détriment des autres.
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d’autres biens correspondants au même besoin, si leur utilisation est maintenue dans les
situations de pauvreté ou de pénurie, elle est rapidement abandonnée dès que le revenu
s’améliore.
L’explication de certains choix individuels par les seules variations de prix ou de revenu est parfois
insuffisante. Des individus disposant de revenus identiques et confrontés aux mêmes prix n’ont pas
les mêmes consommations. Et comment expliquer des choix non marchands comme la baisse de la
natalité ou celle de la pratique religieuse ? Face à ces phénomènes qui semblent échapper à la
logique économique traditionnelle, l’observateur est conduit à émettre des hypothèses ad hoc (sur
mesure !) sur l’évolution des goûts et des besoins : les femmes ont moins d’enfants parce qu’elles
aiment moins les enfants qu’autrefois, les femmes ont moins envie de rester au foyer et éprouvent
davantage le besoin de travailler, la pratique religieuse régresse parce que la société industrielle
rend les hommes plus égoïstes et plus matérialistes, etc.
Ces hypothèses sont intéressantes et méritent certainement d’être envisagées dans un discours
d’ordre moral ou philosophique ; mais dans une analyse scientifique, elles sont inutilisables parce
qu’il est totalement impossible de les confronter aux faits. Aussi, l’analyse économique renonce à
une spéculation subjective sur l’évolution des préférences individuelles, et tente de proposer des
explications compatibles avec la stabilité des goûts et des besoins.
Tout d’abord, l’économiste estime que les biens et services ne sont pas directement l’objet du désir
des consommateurs. Les individus n’ont pas besoin de tomates, mais besoin de se nourrir; ils n’ont
pas besoin de télévision, mais de distraction et d’évasion ; ils n’ont pas besoin d’autobus, mais ils
ont besoin de se déplacer, etc. En fait, les ménages peuvent produire une même satisfaction en
utilisant des biens différents. Par conséquent, la variabilité des consommations d’un individu dans
le temps ou d’individus différents à un moment donné n’indique en rien une variation des goûts
ou des préférences ; elle peut très bien refléter une simple modification dans les techniques utilisées
pour satisfaire des besoins identiques. Il est normal que ces techniques évoluent dès l’instant où le
coût des différents moyens disponibles change dans le temps ou dans l’espace.
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Les individus produisent leurs satisfactions en utilisant des biens, des services, et du temps. Le
temps a un coût d’opportunité : toute heure passée à une activité domestique pourrait être consacrée
à un travail rémunéré. Plus les emplois disponibles sont nombreux et les salaires offerts élevés,
plus le coût du temp est important.
Même si leurs besoins sont stables, les individus rationnels cherchent à les satisfaire en utilisant de
moins en moins de temps (qui devient de plus en plus cher) et de plus en plus de biens (dont les
prix de cessent de baisser). Il n’est donc pas nécessaire de supposer que les individus sont devenus
plus égoïstes ou plus matérialistes pour comprendre que leur mode de vie a évolué au profit des
consommations marchandes, et si possible économisant du temps, et au détriment des activités
coûteuses en temps (éducation des enfants, travail domestique, pratique religieuse, etc.). Ainsi, par
exemple, la chute du taux de natalité dans le monde entier s’explique sans difficulté même si les
ménages aiment autant les enfants que par le passé. Les ménages recherchent un certain nombre de
satisfactions à travers les enfants. Ils ont simplement adapté les moyens qu’ils utilisaient pour
produire ces satisfactions à l’évolution du coût du temps et du prix des biens : ils satisfont un même
goût pour les enfants en leur consacrant moins de temps mais plus de dépenses en biens et services
(habillement, éducation, loisir).
Il est raisonnable de penser que la consommation globale d’un pays est une fonction croissante du
revenu et de la richesse des ménages. Précisons tout d’abord ces deux concepts, dont la
signification est souvent source de confusion.
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• Le revenu est constitué par tout ce qui peut augmenter la richesse au cours d’une période
donnée : salaires, bénéfices commerciaux, intérêts perçus sur les dépôts d’épargne,
dividendes, coupons, loyers, etc. Il ne faut pas confondre la vente d’un élément du
patrimoine avec le revenu. Si un ménage revend 1 000 000 DH un logement qu’il a acheté
1 000 000 DH, cela ne lui procure pas un revenu ; la richesse du ménage est la même avant
et après la vente ; ce ménage a seulement transformé la structure de sa richesse, la façon de
la détenir. Le revenu est une augmentation de la richesse. Si notre ménage revend son
logement 1 200 000 DH, il réalise une plus-value de 200 000 DH qui constitue un revenu.
Le patrimoine est un stock (un état des choses à un moment donné) ; le revenu est un flux
(une variation au cours d’une période donnée).
a) L’influence de l’inflation
L’inflation est une hausse du niveau général des prix, c’est-à-dire du prix moyen de tous les biens;
elle exerce sur la consommation deux influences de sens opposé selon qu’elle est constatée ou
prévue. L’inflation constatée a trois effets :
− Effet de pouvoir d’achat (la hausse des prix réduit le pouvoir d’achat procuré par les
différents revenus des ménages) ;
− Effet de richesse (la hausse des prix réduit la valeur réelle du patrimoine, la richesse réelle
des ménages) ;
− Effet d’encaisses réelles (l’inflation réduit la valeur réelle des encaisses monétaires
détenues par les ménages ; si, pour des raisons de commodité et de sécurité, les agents
souhaitent détenir en permanence une certaine quantité de monnaie en réserve, l’inflation
les conduira à accroître la valeur nominale de leurs encaisses pour maintenir leur valeur
réelle).
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Pour toutes ces raisons, l’inflation, une fois qu’elle est constatée par les ménages, tend à freiner la
consommation. Mais l’inflation peut aussi être anticipée (prévue) par les ménages. Ces derniers
peuvent alors être incités à accroître leurs dépenses aujourd’hui, pour éviter de payer plus cher
demain. Notons qu’il s’agit là d’un effet à court terme. A long terme, le recul du pouvoir d’achat
ne peut que freiner les dépenses.
Les individus peuvent répartir leur consommation dans le temps. Dans une certaine mesure, une
fois les besoins vitaux satisfaits, les ménages peuvent renoncer à certaines consommations
présentes en vue d’améliorer leur consommation future. Telle est la fonction de l’épargne. Elle
permet d’accumuler le minimum de capitaux nécessaires à certains achats (logement, voiture, etc.).
Elle permet aussi de détenir des actifs financiers rémunérés (livret d’épargne, obligations).
Ainsi, le niveau de la consommation et donc de l’épargne résulte d’un arbitrage des ménages entre
les satisfactions présentes associées à la consommation courante (cette année) et des satisfactions
futures. Plus les taux d’intérêt rémunérant les différentes formes de placement sont élevés, plus
les ménages sont incités à épargner et à déplacer leur consommation vers le futur. La hausse des
taux d’intérêt tend ainsi à réduire la consommation courante et favorise l’épargne; inversement, la
baisse des taux stimule la consommation et freine l’épargne. Bien entendu, une hausse du taux
d’intérêt ne favorise l’épargne que si l’inflation n’absorbe pas l’augmentation du revenu futur
associé à l’épargne. Ainsi, 100 DH placés à 6 % pendant un an valent réellement 106 DH dans un
an si le niveau général des prix reste inchangé. Si le niveau général des prix monte également de 6
% durant l’année, 106 DH dans un an ont une valeur réelle (un pouvoir d’achat) identique à 100
DH aujourd’hui.
Les agents économiques ne tiennent donc pas compte du taux d’intérêt nominal (le montant en DH
des intérêts perçus pour 100 DH) mais du taux d’intérêt réel, c’est-à-dire la différence entre le taux
d’intérêt nominal et le taux d’inflation. Nous devons donc préciser notre précèdent résultat : une
hausse du taux d’intérêt réel freine la consommation courante et stimule l’épargne; autrement dit,
elle incite à substituer des satisfactions futures aux plaisirs immédiats.
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c) L’influence du revenu
À la suite de l'hypothèse proposée par Keynes (1936), de nombreux économistes considèrent qu' à
court et moyen terme, la consommation globale dépend surtout du revenu courant dont peuvent dis
poser les ménages. Il existerait une loi psychologique selon laquelle tout individu, lorsque son
revenu réel augmente, consacre une fraction de ce revenu supplémentaire à la consommation. On
appelle cette fraction la propension marginale à consommer. Si cette propension est stable, on peut
prévoir l'effet stimulant d'une politique de relance par la consommation. Par exemple, la propension
à consommer est égale à 80 % et le gouvernement décide une augmentation des prestations sociales
aux ménages à concurrence de 100 millions. Le revenu des ménages s'élève donc de 100 millions
et, compte tenu de la propension à consommer, ils consacrent 80 millions de ce revenu
supplémentaire à la consommation et 20 millions à l'épargne.
L'hypothèse keynésienne souffre d'au moins une lacune. Des individus rationnels déterminent leur
mode de vie à un moment donné non seulement en fonction du revenu disponible durant l'année
courante, mais aussi en tenant compte des revenus futurs auxquels ils s'attendent. L'existence de ce
type de comportement est suffisamment démontrée par le développement du crédit. La plupart des
achats de biens d'équipement ou de logement des ménages mettent en jeu des crédits par lesquels
les individus anticipent sur leurs revenus futurs. Les ménages cherchent le plus souvent à répartir
les satisfactions tirées de la consommation tout au long de leur vie plutôt qu'à les lier strictement
au revenu disponible à un moment donné.
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Take-Away points
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Les producteurs sont des agents rationnels et cherchent donc le maximum de satisfaction. L'analyse
économique fait une hypothèse supplémentaire : dans le cas des producteurs, les satisfactions
viennent du profit et du profit uniquement ; maximiser la satisfaction des entrepreneurs revient
donc à maximiser le profit.
Cette hypothèse a, certes, le mérite de la simplicité, mais son irréalisme est manifeste. Le profit est
sans doute l'un des objectifs des entrepreneurs ; il n'est pas le seul. Les producteurs sont des
hommes comme les autres et il n'y a aucune raison d'éliminer à leur sujet certaines des motivations
habituellement reconnues chez les autres agents : le prestige, le pouvoir, l'amour, la réputation,
l'altruisme, etc. Or, ces motivations peuvent orienter les objectifs de l'entreprise dans un sens
parfois incompatible avec la maximisation du profit. Par exemple, le goût du pouvoir et du prestige
peut conduire à maximiser la taille de l'entreprise, mais, au-delà d'un certain seuil, l'extension de la
taille engendre des coûts qui limitent les profits.
Le souci d'être aimé, la peur des conflits, l'altruisme peuvent entraîner le chef d'entreprise dans une
politique sociale et salariale généreuse qui se fait éventuellement au détriment des profits. Enfin,
les grandes entreprises sont souvent dirigées, au jour le jour, par des managers salariés et non par
les propriétaires du capital. Or, seuls les propriétaires sont a priori directement motivés par les
profits. Les dirigeants salariés peuvent avoir des objectifs propres (pouvoir, prestige, conditions de
travail, etc.) qui entrent parfois en contradiction avec les intérêts des propriétaires. On pourrait
multiplier les exemples. En fait, aucun économiste n'estimerait vraiment réaliste l'idée selon
laquelle l'objectif unique des entreprises est la maximisation du profit. Pourtant, les trois quarts
d'entre eux estiment cette hypothèse justifiée et raisonnent le plus souvent comme si les entreprises
maximisaient le profit.
Une hypothèse scientifique est toujours irréaliste, nous l'avons déjà souligné dans le premier
chapitre. L'hypothèse de maximisation du profit n'est pas retenue pour son réalisme, mais tout
simplement parce qu'elle est performante. La quasi-totalité des résultats de l'analyse économique
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présentés dans cet ouvrage sont déduits d'un modèle théorique dans lequel les producteurs
cherchent le maximum de profit. A quoi bon compliquer le modèle si, en fait, dans la plupart des
situations analysées par l'économiste, tout se passe comme si les entreprises recherchaient le profit
le plus élevé possible ? Dans certains cas — par exemple quand on veut comprendre plus
précisément le fonctionnement et les processus de décision internes aux entreprises — il convient
d'adopter une vision plus développée des motivations des entrepreneurs. Mais au niveau de
l'économie nationale, une bonne compréhension de la plupart des phénomènes s'accommode de
l'hypothèse simple de la maximisation du profit.
A cette justification méthodologique, on peut ajouter qu'en fait cette hypothèse n'est pas si irréaliste
qu'elle le paraît à première vue. A long terme, les entreprises privées qui réalisent des pertes
disparaissent; celles qui réalisent les profits les plus élevés s'imposent au détriment de leurs
concurrentes parce qu'elles peuvent pratiquer des prix plus bas, investir davantage, consacrer plus
de fonds à la mise au point d'innovations destinées à abaisser les coûts ou à améliorer la qualité des
produits.
Lorsque les dirigeants ont des objectifs autres que le profit, ce dernier n'en reste pas moins la
condition préalable sans laquelle la poursuite d'autres objectifs est souvent illusoire. Le prestige, le
pouvoir, la qualité des relations avec le personnel, etc., seront plus facilement obtenus par les
dirigeants à l'aide d'une entreprise qui dégage des profits élevés. La maximisation du profit n'est
pas forcément l'objectif ultime de l'entrepreneur ; pour l'analyse économique, il suffit qu'il soit
l'objectif intermédiaire mais nécessaire. Enfin, le problème de la divergence d'intérêts entre les
propriétaires de l'entreprise et les dirigeants salariés ne doit pas être exagéré. Il ne se pose pas dans
les petites et moyennes entreprises.
Dans les grandes entreprises, cette divergence est atténuée dans la mesure où les cadres dirigeants
sont souvent intéressés financièrement aux résultats de l'entreprise ; la plupart des grandes
entreprises étendent les mécanismes d'intéressement financier à une partie importante des cadres
non dirigeants. De plus, les cadres dirigeants sont nommés par les actionnaires, révocables par eux
et soumis à leur contrôle ; ils peuvent donc difficilement mener des actions contraires aux intérêts
des propriétaires.
Quand l'entreprise est cotée en Bourse, chaque actionnaire peut contrôler la gestion de l'entreprise
en lisant simplement le journal. En effet, une des rares lois vérifiées en Bourse est que le cours des
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actions à long terme suit l'évolution des profits de l'entreprise. Si les professionnels qui gèrent des
portefeuilles d'actions estiment que la gestion d'une entreprise va réduire ses profits à terme, ils
anticipent une baisse du cours des actions de cette entreprise ; pour éviter des pertes, ils vendent
ces actions, ce qui entraîne tout de suite la chute effective de leur cours. Ainsi, même un petit
actionnaire ignorant les règles de la gestion peut savoir si la direction de son entreprise tend à
améliorer ou à détériorer les profits. Un dirigeant salarié qui laisse chuter durablement le cours des
actions de son entreprise s'expose bien entendu à la vindicte de ses actionnaires. Il court aussi le
risque de voir un concurrent racheter massivement les actions de l'entreprise pour en prendre le
contrôle. Une action représente en effet une part dans la propriété de l'entreprise. Celui qui acquiert
la majorité des parts exerce un pouvoir sans partage dans le conseil d'administration. Et la première
décision d'un nouveau patron consiste généralement à renvoyer l'équipe dirigeante qui a provoqué
la baisse des profits et des actions pour mettre en place sa propre équipe.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, il paraît raisonnable de considérer que dans la plupart
des cas, même quand ils sont des salariés, et même s'ils ont d'autres motivations, les dirigeants
d'une entreprise sont contraints de rechercher le profit.
Les entreprises ne produisent pas à partir de rien. Elles utilisent des biens et des services produits
par d'autres entreprises, des machines, des outils, des bâtiments, et du travail.
• La valeur ajoutée
Le fait de combiner du travail et différents biens permet aux entreprises de produire de nouveaux
biens. Ici, une distinction importante doit être faite entre la production au sens comptable et la
production au sens économique.
D'un point de vue comptable, le produit annuel d'une entreprise est la valeur des produits finis
qu'elle a vendus (son chiffre d'affaires) ou bien stockés durant l'année. Mais au sens économique
du terme, la production est une création de biens et services nouveaux. Or, pour produire les biens
qu'elles vendent ou qu'elles stockent, les entreprises utilisent des biens et services qui sont détruits
dans le processus de production et cessent d'être disponibles : il s'agit des consommations
intermédiaires. Les producteurs consomment des matières premières, de l'énergie, des biens
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intermédiaires produits par d'autres entreprises, des services d'étude, de gestion, de transport, etc.
Au sens économique, ce processus n'est véritablement productif que dans la mesure où la valeur
des produits finis de l'entreprise est supérieure à celle des biens et services qu'elle a détruits.
L'entreprise ne contribue donc à la production nationale que si elle crée une valeur ajoutée. La
valeur ajoutée (VA) est simplement la différence entre la valeur de la production au sens comptable
et la valeur des consommations intermédiaires :
La valeur ajoutée est en outre le concept pertinent quand on veut mesurer la production à l'échelle
nationale. En effet, si l'on additionne simplement la valeur comptable de la production des
différents agents, on compte plusieurs fois les consommations intermédiaires. Ces dernières sont
en effet comprises à la fois dans la valeur de la production des entreprises qui les consomment et
dans celle des entreprises qui les produisent. Chaque producteur n'augmente le produit intérieur du
pays que du montant de sa valeur ajoutée. On doit donc, à l'échelle nationale, effectuer la somme
des valeurs ajoutées et non la somme des productions individuelles ; on obtient ainsi le « Produit
intérieur brut » ou PIB :
Les facteurs de production sont les facteurs qui contribuent à l'apparition de la valeur ajoutée.
Comment une entreprise ajoute-t-elle de la valeur aux biens et services transformés par elle en
d'autres biens ? En les combinant avec du travail et du capital.
→ Le facteur travail est constitué par le temps que consacrent à l'entreprise l'ensemble des
individus qui travaillent dans cette entreprise ; cela inclut donc non seulement le temps de travail
des salariés mais aussi celui des propriétaires participant effectivement à la direction de l'entreprise.
A cette dimension quantitative s'ajoute une dimension qualitative. La contribution des individus à
la production ne dépend pas seulement du nombre d'heures qu'ils y consacrent, mais aussi de leur
qualification professionnelle, de leur expérience, de leur motivation et de leurs efforts.
→ Le facteur capital comprend l'ensemble des biens qui sont utilisés durablement, c'est-à-dire plus
d'un an (outils, machines, terrains, bâtiments, stocks, etc.), en vue de produire d'autres biens. Ici,
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l'introduction des stocks surprend souvent le profane. En effet, les matières premières ou les
produits stockés par l'entreprise ne sont pas normalement destinés à rester en stock mais à être
rapidement consommés ou vendus. Cependant, pour éviter toute rupture des approvisionnements
nécessaires au processus de production, les entreprises maintiennent en permanence une réserve
minimum de matières premières et de produits intermédiaires.
Par exemple, si un producteur estime avoir besoin d'une réserve permanente de 10 000 litres de
fuel, il réapprovisionne cette réserve au fur et à mesure qu'il la consomme. Certes, chaque litre de
fuel reste peu de temps en réserve et sera rapidement consommé, mais dans la mesure où il est
immédiatement remplacé par un autre litre, l'entreprise immobilise bien en permanence une valeur
équivalente à 10 000 litres et qui n'est jamais consommée.
De même, un constructeur automobile qui stocke en permanence 10 000 voitures pour limiter les
délais de livraison à sa clientèle vend assez rapidement chacune des automobiles disponibles mais
il la remplace aussitôt par une autre dans son stock ; il se retrouve bien en permanence avec 10 000
véhicules qui ne sont jamais vendus. Les stocks constituent donc vraiment des biens immobilisés
durablement pour mener à bien le processus de production de l'entreprise. La seule différence entre
les stocks et les biens d'équipement est que, dans le premier cas, ce ne sont pas les mêmes biens
qui restent immobilisés ; aussi désigne-t-on le stockage par le terme de capital variable, par
opposition au capital fixe constitué par les biens d'équipement, qui restent eux-mêmes immobilisés
sans être relayés par d'autres biens équivalents.
L'essentiel du capital fixe, tout comme les consommations intermédiaires, est consommé (détruit)
dans le processus de production. En effet, les biens d'équipement subissent une usure matérielle et
ont donc une durée de vie limitée. Ils subissent également un vieillissement technologique,
l'obsolescence, qui rend nécessaire leur remplacement par des équipements intégrant une
technologie plus moderne : leur durée de vie économique est souvent plus courte que leur durée de
vie matérielle. On consomme donc le capital fixe. Mais, alors que les consommations
intermédiaires disparaissent rapidement dans le processus de production, la consommation du
capital est étalée dans le temps. Dans les comptes des entreprises, cette consommation progressive
du capital s'appelle l'amortissement.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Imaginons une machine d'une valeur de 1 000 000 DH et dont la durée de vie est de 10 ans. On
peut considérer que chaque année, l'entreprise en consomme un dixième ; chaque année, l'entreprise
inscrira dans ses charges, au poste amortissement, une somme de 100 000 DH pour constater la
consommation annuelle de ce capital. Cette méthode est celle de l'amortissement linéaire, qui
consiste à appliquer un taux d'amortissement constant chaque année (10 % dans notre exemple).
Le montant de l'amortissement est comptabilisé dans les charges annuelles de l'entreprise, mais les
sommes correspondantes ne sortent pas réellement de la trésorerie puisque les équipements ont
déjà été réglés en totalité au moment de leur achat.
Confrontée à des augmentations ou des diminutions de son activité, l'entreprise cherche à adapter
le volume des facteurs à ses besoins. Toutefois, à court terme, on considère le plus souvent que
seul le facteur travail est variable. En effet, l'entreprise peut rarement modifier du jour au lendemain
les équipements, les techniques et les méthodes de production.
En revanche, elle peut adapter la quantité de travail en jouant sur la durée journalière ou
hebdomadaire du travail ou sur le nombre d'employés : embauche, contrats à durée déterminée,
travailleurs intérimaires, chômage technique, licenciement, etc. En outre, les décisions sur le
facteur capital sont moins réversibles que celles portant sur la quantité de travail. Imaginons une
entreprise dont les débouchés augmentent, et qui envisage d'investir dans de nouveaux équipements
pour développer ses capacités de production. Avant cela, elle doit s'assurer que le mouvement de
la demande est durable. Elle risque en effet de se retrouver avec des équipements inutilisés si les
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
débouchés régressent rapidement vers leur niveau initial. Pour toutes ces raisons, on estime que
dans la plupart des cas, les producteurs commencent par ajuster la quantité de travail.
b) La productivité
Les facteurs peuvent contribuer plus ou moins intensément à la production. On désigne l'intensité
de leur contribution par le concept de productivité (on emploie aussi le terme équivalent de
rendement).
→ La productivité moyenne est obtenue en divisant la production totale par la quantité de facteur
utilisé. La productivité du travail est ainsi un produit moyen par heure de travail et la productivité
du capital un produit moyen par franc investi dans le capital. Bien entendu, les facteurs contribuent
conjointement à la production. Aussi, quand on calcule la productivité du travail, par exemple, il
ne s'agit que d'une productivité apparente du travail, car on attribue au facteur travail la totalité
d'une production qu'il n'a pu engendrer qu'en combinaison avec une certaine quantité de capital.
A court terme, l'entreprise augmente la production en utilisant plus de travail avec une quantité de
capital et des techniques inchangées. Or, il existe nécessairement un volume idéal de travail pour
lequel les équipements ont été conçus et assurent la productivité maximale. Si l'entreprise utilise
une quantité de travail inférieure à ce volume optimal, elle ne tire pas le meilleur parti des
équipements disponibles et la productivité augmente à chaque fois qu'elle utilise plus de travail.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Mais une fois atteint et dépassé le rapport capital/travail idéal, le développement de la force de
travail ne peut que réduire la productivité : les équipements ont une durée d'utilisation journalière
ou hebdomadaire idéale au-delà de laquelle leur rendement diminue et les incidents de
fonctionnement se multiplient.
En outre, chaque travailleur se retrouve avec un volume moyen d'équipement de plus en plus faible,
ce qui finit inéluctablement par réduire sa productivité. En théorie, on peut même atteindre un stade
où il y a vraiment trop de travail par rapport au volume de capital disponible et où les travailleurs
supplémentaires gênent les autres plus qu'ils ne les aident : leur productivité est négative (ils font
baisser la production) !
A long terme, en revanche, les producteurs peuvent échapper à la fatalité des rendements
décroissants en modifiant les deux facteurs de production.
L'entreprise peut tout d'abord augmenter le capital et le travail dans les mêmes proportions : on
multiplie par un même coefficient la quantité de travail et le volume d'équipements mis à la
disposition des travailleurs ; on augmente ainsi l'échelle de production, mais le modèle technique
est fondamentalement inchangé. Si la production progresse alors plus vite que le volume des
facteurs, la productivité globale des facteurs est améliorée : on dit que les rendements sont
croissants à l' échelle ou encore que l'entreprise réalise des économies d'échelle. Si la production
augmente dans les mêmes proportions que les facteurs, les rendements sont constants à l' échelle.
Enfin, si la production se développe plus lentement que la quantité de facteurs utilisée, les
rendements sont décroissants à l' échelle (la productivité globale des facteurs diminue) ; il se
produit donc des déséconomies d'échelle.
Les économies d'échelle tiennent pour l'essentiel à trois facteurs. Premièrement, une taille et un
nombre de travailleurs plus importants permettent une meilleure division du travail : on peut plus
aisément spécialiser les individus et les différents départements de l'entreprise dans les tâches pour
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
lesquelles ils sont les plus performants. Deuxièmement, on peut répartir les coûts fixes de direction,
de gestion et d'administration de l'entreprise sur un volume de production plus élevé : quand on
double le personnel et les équipements d'une société, il ne sera pas le plus souvent nécessaire de
doubler le nombre de directeurs dans les différents départements (commercial, financier,
administratif, technique). Troisièmement, le développement de l'échelle de production permet de
mettre en place des techniques et des équipements plus performants, qui étaient inadaptés pour des
volumes de production restreints.
Toutefois, les économies d'échelle ne sont pas éternelles. Le gigantisme présente aussi des
inconvénients. Au-delà d'une certaine taille, l'entreprise s'expose à des déséconomies d'échelle liées
à la complexité croissante de la gestion, à la lenteur des processus de décision, aux difficultés de
communication entre les différents services, aux coûts de transport provoqués par la multiplication
des établissements séparés géographiquement, etc.
Entre les économies et les déséconomies d'échelle, il existe en théorie une échelle minimum efficace
vers laquelle tend l'entreprise rationnelle : la taille qui assure la productivité moyenne la plus forte
à long terme pour une technique donnée. Au-delà de ce point, les rendements d'échelle sont
décroissants et l'entreprise ne peut plus améliorer la productivité dans le cadre du modèle technique
qui est le sien. Les producteurs sont alors incités à innover, c'est-à-dire à mettre en place de
nouvelles techniques et/ou une nouvelle organisation de la production pour échapper une fois
encore à la fatalité des rendements décroissants. Le progrès technique permet d'élever la
productivité globale en améliorant la qualité (et non la quantité) des facteurs et/ou l'efficacité des
méthodes de combinaison des facteurs.
Les entreprises demandent du travail et du capital en raison de leur productivité. Mais les facteurs
ne sont pas gratuits et les producteurs comparent bien entendu ce que les facteurs rapportent (la
productivité) et ce qu'ils coûtent. Ils recherchent donc un certain équilibre entre coûts des facteurs
et productivité, équilibre dont nous allons décrire le principe général avant d'en discuter
l'application au travail, puis au capital.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
• L'équilibre coût-productivité
L'utilisation d'une unité de facteur de production entraîne pour l'entreprise un flux de revenu
équivalent à sa productivité en valeur, c'est-à-dire à la quantité de biens produite par cette unité de
facteur, multipliée par le prix de vente des biens. L'entreprise cherche à maximiser le profit. Tant
que la productivité en valeur d'un facteur progresse plus vite que son coût, le profit augmente
lorsqu'on utilise plus intensément ce facteur : la demande de ce facteur est donc stimulée.
Inversement, si la productivité d'un facteur augmente moins vite que son coût, le profit diminue et
la demande de ce facteur est découragée. Le profit est donc maximum quand la productivité
progresse juste au même rythme que le coût du facteur.
Partant d'une position d'équilibre de l'entreprise (où son profit est maximum), si, toutes choses étant
égales par ailleurs, le coût du facteur augmente, l'équilibre entre coût et productivité est rompu et
l'entreprise utilise moins de ce facteur, devenu moins profitable. Inversement, une diminution du
coût du facteur de production pour une productivité inchangée incite à utiliser davantage de ce
facteur. La demande d'un facteur est donc une fonction décroissante de son coût, toutes choses
étant égales par ailleurs.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
→ Le coût du travail comprend l'ensemble des rémunérations versées aux travailleurs sous diverses
formes (salaires, primes, honoraires) et des cotisations aux différents régimes de sécurité sociale.
Dans le discours théorique et dans ce qui suit, on regroupe la totalité du coût du travail sous le
terme de « salaire ». Rappelons que le salaire nominal est pour l'entreprise le montant monétaire
qu'elle verse effectivement aux travailleurs et à la sécurité sociale. Le salaire réel est équivalent au
salaire nominal divisé par le prix de vente des biens et services.
→ Le coût du capital est habituellement mesuré par le taux d'intérêt. En effet, certaines entreprises
doivent emprunter des fonds auprès des banques ou sur le marché financier pour investir dans des
biens d'équipement ou des stocks. Le coût d'utilisation du capital est alors équivalent au taux
d'intérêt, c'est-à-dire au loyer de l'argent que les investisseurs doivent payer aux agents qui leur
prêtent les fonds nécessaires. Le taux d'intérêt constitue également le coût du capital pour les
entreprises qui autofinancent leurs investissements, c'est-à-dire qui les financent avec leurs propres
ressources (les profits) et non à l'aide de ressources empruntées. En effet, l'entreprise qui investit
ses revenus dans la constitution de capital fixe ou variable immobilise des fonds qu'elle pourrait
utiliser autrement. Le coût d'opportunité d'un investissement est donc représenté par le meilleur
taux d'intérêt qu'elle pourrait obtenir en plaçant une somme équivalente sur le marché financier.
Comme pour le facteur travail, on peut définir un coût nominal du capital par le taux d'intérêt et un
coût réel du capital par le taux d'intérêt réel.
d) La demande de travail
Pour déterminer la demande d'un facteur, nous avons expliqué qu'il fallait comparer la productivité
en valeur et le coût du facteur. En règle générale, les économistes effectuent cette comparaison en
termes réels, c'est-à-dire que l'on rapproche l'évolution de la productivité physique et du coût réel
du facteur. Autrement dit, on divise par le prix du bien les deux termes de l'équilibre (productivité
en valeur coût nominal du facteur). Cela revient à comparer la quantité de biens produite par une
unité de facteur supplémentaire et la quantité de biens qu'il faut vendre pour payer la rémunération
de ce facteur. Appliquons cette démarche au facteur travail.
La condition de profit maximum pour l'entreprise est que la productivité physique du travail
progresse au même rythme que le salaire réel. En effet, si le salaire réel payé pour une heure dépasse
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
la productivité réelle de cette heure de travail, l'entreprise perd de l'argent et renonce à utiliser cette
heure de travail. En revanche, si la productivité horaire est supérieure au salaire réel horaire, le
profit s'améliore et l'employeur est incité à utiliser davantage de travail. La quantité de travail
demandée varie donc en sens inverse du salaire réel : la demande de travail est une fonction
décroissante du salaire réel.
Cette loi est renforcée à long terme dans la mesure où les producteurs peuvent modifier le volume
de capital et sont donc moins dépendants du seul facteur travail pour s'adapter aux variations de
leur volume d'activité. Si le coût du travail progresse moins vite que le coût du capital (le coût
relatif travail/capital diminue), les entreprises sont incitées à utiliser des méthodes de production
utilisant plus intensivement le travail. Inversement, si le coût du travail progresse plus vite que
celui du capital, les employeurs seront attirés par des méthodes plus intensives en capital et ils
substitueront du capital au travail.
Plus les taux d'intérêt réels sont élevés, plus le coût des fonds empruntés pour financer
l'investissement est important. Pour les entreprises qui financent l'investissement sur leurs fonds
propres, il faut comparer le taux de rendement interne des capitaux, c'est-à-dire ce qu'ils vont
effectivement rapporter s'ils sont investis dans l'entreprise, avec le taux d'intérêt réel, qui mesure
ce que les capitaux rapporteront s'ils sont placés sur les marchés financiers.
Plus les taux d'intérêt sont élevés, plus l'entreprise est incitée à investir sur les marchés financiers
et plus les projets d'investissement doivent présenter un taux de rendement interne élevé pour être
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
retenus. Inversement, un taux d'intérêt peu élevé favorise des investissements dont le taux de
rendement est relativement faible. Ce raisonnement est valable aussi bien pour les achats de biens
d'équipement que pour la constitution de stocks. Les stocks représentent des fonds immobilisés qui
pourraient être placés au taux d'intérêt disponible sur le marché. Plus les taux sont élevés, plus les
entreprises sont incitées à réduire leurs stocks, et inversement.
Ainsi, on peut faire l'hypothèse que, toutes choses étant égales par ailleurs, l' investissement est
une fonction décroissante des taux d'intérêt réels. Une hausse des taux freine l'investissement
tandis qu'une baisse des taux le stimule.
Il ne suffit pas d'un taux d'intérêt réel peu élevé pour que les entreprises développent leur capacité
de production et gonflent leurs stocks. La demande de capital dépend aussi de la façon dont les
entreprises anticipent la demande pour les biens supplémentaires qu'elles vont produire grâce aux
investissements : cela vaut pour les stocks comme pour les biens d'équipement.
En effet, le stock idéal de matières premières et de produits intermédiaires nécessaires pour garantir
un approvisionnement régulier du processus de production est déterminé pour un volume d'activité
donné. De même, le niveau des stocks de produits finis est adapté à un rythme donné des ventes.
Certes, les stocks peuvent être maintenus au même niveau face à des variations modérées de
l'activité de l'entreprise. Mais une accélération significative de cette activité nécessitera souvent un
gonflement des stocks, tandis qu'un ralentissement marqué de l'activité incitera l'entreprise à
liquider une partie de ses stocks. De même, l'achat de biens d'équipement dépend du volume
d'activité anticipé par les producteurs. Si la demande régresse et si les anticipations des entreprises
sur le volume d'activité sont pessimistes, certaines opérations de renouvellement du matériel usagé
peuvent être retardées et certains projets de développement des capacités de production, annulés.
Au total, nous retiendrons que, toutes choses étant égales par ailleurs, la demande d'investissement
est une fonction décroissante du taux d'intérêt réel et une fonction croissante du volume d’activité.
Les entreprises utilisent des facteurs de production et produisent en vue d'offrir des biens et des
services sur les différents marchés. Nous étudierons d'abord le comportement d'offre des
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
entreprises sur un marché particulier, avant d'examiner les conséquences de ces comportements
pour l'offre globale au niveau de l'économie nationale.
On peut distinguer deux situations selon le degré de concurrence auquel les entreprises sont
confrontées. Si elles interviennent dans un secteur où la concurrence est extrême, leur marge de
manœuvre en matière de prix est inexistante ; elles sont obligées de pratiquer le même prix que les
concurrents ; le prix est une donnée imposée par le marché, et l'entreprise peut seulement choisir
le volume de sa production (cf. chapitre suivant pour les mécanismes du marché). En revanche,
moins la concurrence est vive sur le marché, plus l'entreprise retrouve une certaine liberté dans la
fixation de son prix ; elle choisit à la fois le volume de production et le prix. Nous examinerons
successivement ces deux situations.
Si l'entreprise n'a aucun pouvoir sur le prix de vente, elle doit simplement déterminer le volume de
production qui lui procure le profit maximum. Intuitivement, tout le monde se doute que plus le
prix de vente est élevé, plus l'entreprise est incitée à produire. Mais cela n'est vrai que si les coûts
n'augmentent pas plus vite que le prix de vente. L’étudiant peut éventuellement se contenter de
retenir que l'offre est une fonction croissante du prix, et passer à la section suivante. Mais, au prix
d'un petit effort d'abstraction, on peut montrer pourquoi ce résultat intuitif est une conséquence
logique et inéluctable de la maximisation du profit.
Le profit est la différence entre les recettes et les coûts de production. Chaque unité produite
entraîne une recette supplémentaire, la recette marginale, et un coût de production supplémentaire,
le coût marginal. Tant que la recette marginale est supérieure au coût marginal, l'entreprise a intérêt
à produire une unité supplémentaire. La question est donc de savoir comment évoluent les recettes
et les coûts quand l'entreprise développe sa production. Pour les recettes, la réponse est simple :
chaque unité supplémentaire que le producteur vend sur le marché lui rapporte le prix de marché.
La recette marginale est donc toujours la même, quelle que soit la quantité vendue : elle est égale
au prix.
Qu'en est-il des coûts de production ? Pour développer sa production, l'entreprise doit utiliser
davantage de travail, qu'elle va payer au taux de salaire actuellement pratiqué sur le marché du
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
travail. Admettons que la variation minimum de la force de travail totale employée soit d'un
travailleur salarié. Le coût de production d'une unité de bien supplémentaire (le coût marginal) est
alors égal au salaire de ce travailleur divisé par la quantité de biens supplémentaires qu'il permet
de produire. Plus la productivité de ce travailleur est forte, plus on répartit le coût du travail sur un
grand nombre d'unités produites et plus le coût unitaire de production est faible. Inversement, une
productivité médiocre contraint à répartir le coût du travail sur une quantité réduite de biens, et le
coût unitaire est élevé. Ainsi, les coûts de production évoluent en sens inverse de la productivité.
Nous avons montré plus haut que, à court terme, la productivité du travail est normalement
décroissante (loi des rendements décroissants) ; en conséquence, le coût marginal est normalement
croissant. Tant que le coût marginal est inférieur au prix de vente, la recette de l'entreprise augmente
plus vite que ses coûts, le profit s'améliore et l'entreprise a intérêt à développer sa production.
L'entreprise qui cherche le profit maximum continue donc à produire jusqu'au moment où le coût
d'une unité supplémentaire de production est égal au prix de vente. Le coût marginal doit être égal
au prix. L'entreprise s'arrête là car, au-delà, les coûts progressent plus vite que les recettes, et le
profit diminue.
Une fois cette production atteinte, on dit que l'entreprise est en situation d'équilibre : il n'existe
plus aucune incitation à modifier le volume de production, pour un prix de marché donné. Mais le
prix de vente sur le marché peut varier. Si, alors qu'on part d'une situation d'équilibre, le prix de
vente augmente, les recettes progressent à nouveau plus vite que les coûts et le producteur relève
sa production jusqu'à un nouvel équilibre. Inversement, si le prix de vente diminue, les recettes
progressent moins vite que les coûts et le profit diminue. Les dernières unités produites le sont
désormais à un coût qui dépasse le prix de vente et cessent d'être rentables ; leur production doit
donc être abandonnée. On démontre ainsi formellement que l'offre de biens est une fonction
croissante du prix.
Comme nous l'expliquerons davantage au chapitre suivant, sur bon nombre de marchés, le degré
de concurrence est loin d'atteindre le stade où l'entreprise ne dispose d'aucune autonomie dans la
fixation de son prix de vente. Par ailleurs, la concurrence ne s'exerce pas qu'au travers du prix mais
aussi par le biais des caractéristiques du produit, des services à la clientèle et de la communication.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Dans bien des cas, le producteur dispose donc d'une certaine marge de manœuvre pour fixer son
prix de vente.
Concrètement, l'objectif étant de réaliser un profit, l'entrepreneur fixe un prix qui couvre le coût
moyen de production plus une marge. Le problème de l'entrepreneur est donc de fixer correctement
son taux de marge; ce choix reflète un arbitrage entre la profitabilité à court terme et la compétitivité
à long terme. Une hausse du taux de marge peut éventuellement améliorer la profitabilité à court
terme.
Imaginons un producteur qui vend habituellement 100 unités d'un bien pour un prix de 10 DH qui
se décompose en 8 DH de coût moyen et 2 DH de marge ; il réalise donc un profit de 200 DH. Si
l'élasticité de la demande est égale à -2, une hausse de prix de 10 % entraîne une diminution de la
demande de 20 %. Si le producteur élève son prix à 11 DH (10 % de hausse), ses ventes tombent à
80 unités (20 % de baisse), mais sa marge unitaire est passée de 2 à 3 DH et son profit total de 200
à 240 DH (80 x 3 DH).
Ainsi, moins la demande est élastique et plus le producteur a intérêt à rechercher le prix le plus
élevé qui maximise son profit. Mais la demande est toujours plus élastique à long terme qu'à court
terme : un prix élevé peut, à la longue, inciter les acheteurs à chercher d'autres fournisseurs, ou
inciter de nouveaux producteurs à prendre une part de ce marché rentable en offrant des prix plus
bas. En un mot, l'accroissement de la profitabilité à court terme se paie à long terme en perte de
compétitivité vis-à-vis de la concurrence nationale ou internationale, et peut induire une réduction
de la part de marché et, finalement, des profits. Quand la demande est fortement élastique et que la
concurrence potentielle est assez vive, les producteurs sont plus préoccupés par leur part de marché
et leur profit à long terme. En revanche, une demande peu élastique et un relâchement de la pression
concurrentielle peuvent inciter à privilégier la profitabilité à court terme.
b) L'offre globale
Nous avons vu que l'offre d'un bien sur un marché particulier est une fonction croissante du prix
de vente de ce bien. Nous nous demandons à présent comment évolue l'offre globale (de tous les
biens et services confondus) dans l'économie nationale lorsque le niveau général des prix varie.
Intuitivement, on est tenté de dire que la hausse du niveau général des prix stimule l'offre globale,
mais on ne peut transposer aussi simplement à l'ensemble de l'économie le résultat obtenu sur un
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
seul marché. Revenons un instant sur l'offre d'un bien particulier. Pourquoi augmente-t-elle quand
le prix s'élève ? Parce qu'alors le prix passe au-dessus du coût unitaire de production et que le
développement de la production améliore le profit. Mais cela suppose, d'une part, que les
entreprises puissent trouver du travail disponible pour produire davantage et, d'autre part, que le
recrutement de ces travailleurs supplémentaires ne nécessite pas des hausses de salaires
proportionnelles à la hausse du prix. Ces deux conditions sont plus faciles à remplir au niveau
microéconomique (une entreprise ou un marché particulier) qu'au niveau de l'économie nationale.
En effet, il y a toujours des travailleurs qui cherchent à changer d'entreprise, de région, de poste ou
de secteur d'activité, et qui sont disponibles pour d'autres entreprises ou d'autres secteurs, au taux
de salaire courant habituellement payé pour leur niveau de qualification et d'expérience. Il existe
des entreprises ou des secteurs dont le volume d'activité régresse et qui libèrent de la main-d'œuvre
pour les producteurs qui souhaitent développer leur production. Une entreprise ou un secteur
particuliers peuvent donc attirer plus de travail sans exercer de fortes pressions sur la demande
globale de travail et les salaires : leur demande de travail supplémentaire est en partie compensée
par la réduction de la demande de travail dans d'autres entreprises ou secteurs.
En revanche, il est bien plus difficile de trouver à un salaire inchangé plus de travail pour toutes
les entreprises et tous les secteurs de production à la fois. Un développement de l'offre globale
implique une demande de travail plus importante dans l'ensemble de l'économie. Cette pression de
la demande globale de travail doit logiquement pousser le prix du travail (le salaire) à la hausse.
Un autre facteur peut entraîner les salaires nominaux à la hausse. Si le niveau général des prix
s'élève, le pouvoir d'achat des travailleurs diminue. Si ces derniers anticipent correctement
l'inflation en cours, ils exigeront des hausses de salaires compensatrices. Ce problème n'existe pas
au niveau microéconomique : la hausse du prix des composants électroniques abaisse le coût réel
du travail pour l'entreprise et l'incite à développer l'emploi, mais elle ne change pas vraiment le
pouvoir d'achat des salariés, qui continueront d'offrir leur travail pour un même salaire nominal.
En revanche, au niveau macroéconomique, l'amélioration des profits autorisée par la hausse des
prix de vente se trouve en partie compromise par l'élévation du coût du travail, ce qui réduit
l'incitation à accroître l'offre de biens. La réaction de l'offre globale à une hausse du niveau général
des prix dépend donc de la réaction des salaires au développement de la demande de travail qui, à
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
son tour, dépend de l'état du marché du travail ; elle dépend aussi de la façon dont les travailleurs
anticipent et réagissent à la hausse du niveau général des prix. On peut alors distinguer trois cas de
figure : deux cas extrêmes et un cas « normal ».
→ Premier cas extrême : l' offre globale parfaitement élastique. Il existe un chômage massif et
des équipements largement inutilisés. Les travailleurs qui ont perdu leur emploi sont disposés à
reprendre un travail sans exiger de hausse des salaires. Les producteurs peuvent donc à tout moment
augmenter la production sans investissements supplémentaires et en utilisant la main-d’œuvre
sous-employée à un taux de salaire inchangé. Elles peuvent offrir plus de biens et services en
maintenant un coût unitaire de production constant. Dans ces conditions, toute augmentation de la
production élève les profits même si les entreprises ne relèvent pas leurs prix. Dans une situation
de ralentissement dramatique du volume d'activité, on peut donc s'attendre à ce que les entreprises
saisissent toute occasion de produire davantage à un prix inchangé. Si la demande repart, l'offre
globale peut donc progresser instantanément sans élévation du niveau général des prix.
→ Cas normal : l' offre globale croissante. Il n'y a pas assez de chômeurs disposés à travailler
sans hausse de salaires pour qu'il soit possible de développer la production sans augmenter les coûts
unitaires de production. Une progression de la production globale entraîne une augmentation de la
demande de travail qui pousse les salaires nominaux à la hausse : il faut relever les salaires pour
attirer de nouveaux individus sur le marché du travail, inciter ceux qui ont un emploi à allonger la
durée du travail ou convaincre les individus à la recherche d'un travail d'accepter plus rapidement
les emplois proposés. Pour produire plus, les entreprises devront donc payer le travail plus cher et
pratiquer des prix plus élevés. L'offre globale augmente donc si et seulement si le niveau général
des prix augmente. Dans ce cas, l'offre globale est, comme l'offre sur un marché particulier, une
fonction croissante des prix.
Toutefois, la hausse des prix réduit le pouvoir d'achat des salaires nominaux et conduit les
travailleurs à revendiquer des hausses de salaire. S'ils mesurent correctement l'inflation et
parviennent à obtenir des hausses de rémunération équivalentes à la hausse des prix, l'incitation
initiale à produire davantage peut disparaître. L'offre reste donc croissante si les travailleurs
n'anticipent pas parfaitement l'inflation ou ne sont pas en mesure de défendre complètement leur
pouvoir d'achat.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
→ Second cas extrême : l'offre globale rigide. Tous les facteurs disponibles dans l'économie sont
déjà pleinement employés. Il n'y a pas d'individus disposés à travailler au salaire courant et sans
emploi ; les équipements sont utilisés jusqu'à la limite supérieure de leur capacité de production.
On ne peut pas vraiment produire davantage de biens et services : l'offre est rigide. Toute
augmentation de la demande conduit alors les entreprises à relever leurs prix sans développer la
production. La hausse de prix ne stimule pas la production, parce que toute production
supplémentaire exercerait une pression telle sur la demande de travail et les salaires que les coûts
augmenteraient toujours plus vite que les prix. De toute façon, si les salariés anticipent
correctement l'inflation, toute hausse du niveau général des prix entraîne une hausse
proportionnelle des salaires nominaux si les producteurs veulent seulement maintenir le volume
d'emploi à son niveau courant ; le coût réel du travail n'est donc pas réduit par la hausse des prix et
il n'existe aucune incitation à produire davantage.
Elles assurent l'émission, la collecte, la circulation et les échanges des différents instruments de
paiement, de placement et de financement. Du point de vue de l'analyse économique, elles se
divisent en deux grandes catégories :
− Les banques au sens large, qui peuvent recevoir des dépôts à vue d'agents non financiers et
ont le pouvoir de créer de la monnaie en créditant le compte de ces derniers ; pour le Maroc,
cela inclut les banques au sens légal du terme, Bank Al-Maghrib et le Trésor public ; Bank
Al-Maghrib joue le rôle de banque centrale (cf. ci-dessous) mais elle est aussi une banque
ordinaire dans la mesure où elle a des clients (particuliers, entreprises, État) ; le Trésor
public est aussi une banque ordinaire dans la mesure où il gère les comptes courants postaux
(CCP) ;
− Les autres établissements financiers, qui ne peuvent recevoir que des dépôts d'épargne,
empruntent des ressources sur les marchés de capitaux et prêtent à d'autres agents l'épargne
qu'ils se sont ainsi procurée.
Ci-dessous, nous dressons d'abord un panorama général des opérations financières. En raison de
son rôle déterminant dans le fonctionnement de l'économie nationale, nous réservons ensuite une
place particulière au processus de création monétaire.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
On peut classer les différents instruments (ou actifs) financiers en trois grandes catégories : moyens
de paiement, instruments de placement et de financement direct, et instruments de crédit (ou de
financement indirect). Du point de vue de l'analyse économique, on distingue chaque instrument
financier par une caractéristique fondamentale : sa liquidité. La liquidité est la faculté qu'a un actif
financier d'être rapidement transformé en un moyen de paiement immédiatement utilisable pour
effectuer des règlements.
Dans le cas des opérations d'emprunt, la liquidité de l'instrument utilisé dépend de l'échéance (la
date à laquelle l'emprunt doit être remboursé) et de la faculté de négocier l'instrument avant
l'échéance, c'est-à-dire de le céder à un autre agent économique. En matière d'échéance, on
distingue habituellement des instruments à court terme (de 1 jour à 2 ans), à moyen terme (de 2 à
7 ans) et à long terme (plus de 7 ans). Les instruments négociables à court ou moyen terme sont
échangés sur le marché monétaire, et les instruments négociables à long terme, sur le marché
financier. La classification des différents instruments financiers repose sur ces trois notions
fondamentales : liquidité, échéance, négociabilité.
→ Les moyens de paiement internationaux sont l'or, les devises (Dollar américain, Euro, Live
Sterling, Yen, Franc Suisse, etc.), les instruments émis par les organisations internationales comme
les droits de tirages spéciaux du FMI (DTS) ou les écus du Système monétaire européen.
− les billets (monnaie fiduciaire) détenus par les agents non financiers ;
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Dans les pays industrialisés, la monnaie circule essentiellement par le biais de virements entre des
dépôts à vue. En effet, les billets et les pièces ne représentent qu'un dixième environ de la monnaie
en circulation.
→ La monnaie banque centrale comprend les billets détenus par les agents financiers, et les dépôts
à vue des agents financiers auprès de la banque centrale. La banque centrale a le monopole
d'émission des billets. Elle joue en outre le rôle de banque des banques : les institutions financières
détiennent un compte auprès de la banque centrale, et les règlements entre elles se font par virement
entre leurs comptes à la banque centrale.
Ces instruments recouvrent l'ensemble des moyens mis à la disposition des agents pour placer leur
épargne ou, au contraire, pour emprunter des fonds directement auprès des agents disposant d'une
épargne, sans passer par l'intermédiaire des institutions financières. On peut les regrouper en quatre
catégories essentielles : dépôts non monétaires, bons non négociables, titres à court terme
négociables, titres à long terme négociables.
→ Les dépôts non monétaires (rémunérés par un taux d'intérêt ) sont de deux types :
− Les comptes sur carnet, où les sommes peuvent être retirées à tout moment (à vue) sans
pénalité ;
− Les dépôts à terme, où les sommes restent bloquées durant une certaine durée (le plus
souvent, d'un mois à un an, rarement davantage).
→ Les bons non négociables sont les bons de caisse émis par les entreprises pour emprunter de
l'argent de 1 an à 5 ans, les bons d'épargne émis par les banques (bons à 5 ans), et les bons du
Trésor sur formule (matérialisés par une formule papier) émis par le Trésor public pour effectuer
des emprunts auprès des épargnants pour une durée maximale de 5 ans. Tous ces bons sont des
formules d'emprunt que les acheteurs (souscripteurs) doivent normalement conserver jusqu'à
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
l'échéance : ils ne peuvent être revendus à des tiers (négociés), comme c'est par exemple possible
pour une action.
→ Les titres à court terme négociables. Il s'agit de titres représentatifs d'emprunts des entreprises,
des banques ou des pouvoirs publics, négociables sur le marché monétaire, qui est un marché de
l'argent à court terme (de 1 jour à 7 ans). Ils comprennent essentiellement :
− les certificats de dépôts, qui sont des titres représentatifs de dépôts à terme dans une banque
(de 6 mois à 7 ans), non remboursables avant terme mais qui peuvent être cédés à un tiers ;
− les billets de trésorerie, qui sont émis par les entreprises pour emprunter de l'argent à court
et moyen terme (de 10 jours à 7 ans) ; ils permettent le développement d'un véritable marché
de prêts directs entre entreprises ;
− les bons du Trésor négociables sont des bons en compte courant, c'est-à-dire représentés
par une simple écriture en compte et non matérialisés par une formule papier. Ils permettent
à l'État d'emprunter de l'argent à court et moyen terme (de 10 jours à 7 ans).
→ Les titres à long terme négociables (ou valeurs mobilières). Jusqu'aux années 1980, il existait
deux types bien distincts de valeurs mobilières : l'action et l'obligation.
− L' action ordinaire représente un droit de propriété sur l'entreprise émettrice et donc sur ses
bénéfices. L'action est un titre à très long terme : l'actionnaire ne peut jamais exiger le
remboursement de son capital, sauf dans le cas de faillite et de liquidation de tous les biens
de l'entreprise et à condition qu'il reste quelque chose à partager entre les actionnaires, une
fois payées toutes les dettes de la société. Le droit de propriété implique une participation
à la direction et la gestion de l'entreprise. Cette participation est soit directe, pour les gros
actionnaires qui sont présents au conseil d'administration, soit indirecte, par l'intermédiaire
du droit de vote à l'assemblée générale des actionnaires. La rémunération de l'actionnaire
pour son apport au capital de l'entreprise prend la forme des dividendes, qui représentent
une part des bénéfices distribués. Le placement en action est risqué : la rémunération
annuelle est incertaine, le remboursement intégral du capital investi en cas de faillite est
improbable, la valeur de cession de l'action en Bourse est très variable.
− L'obligation ordinaire est un titre émis par une entreprise privée ou une administration
(emprunts d'État ou des grandes entreprises nationales) pour emprunter des sommes à long
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terme (7 ans et plus). L'agent émetteur s'engage à rembourser la valeur nominale du titre à
une date donnée ; en contrepartie du service rendu par le prêteur, il lui verse chaque année
une rémunération fixe (le coupon annuel). Le taux de rendement de l'obligation est le
rapport de la rémunération annuelle et de la valeur d'achat de l'obligation, exprimé en
pourcentage. Le risque encouru par le souscripteur de l'obligation ne porte que sur la valeur
du titre en Bourse s'il souhaite le revendre avant l'échéance normale : si le cours du titre est
supérieur au prix d'achat, l'agent réalise un gain en capital ; dans le cas inverse, il subit une
perte en capital.
La vague d' innovations financières des années 1980 a engendré de nouveaux instruments
financiers atténuant la distinction entre l'action et l'obligation. Citons notamment :
− les actions à dividende prioritaire mais sans droit de vote, créées pour permettre aux
entreprises nationales ou à des sociétés familiales d'augmenter leur capital sans céder un
droit de regard sur leur gestion ;
− les certificats d' investissement, émis par des entreprises nationalisées et offrant au
souscripteur une rémunération variable en fonction des résultats de l'entreprise (comme un
dividende), mais sans droit de propriété ni droit de vote ;
− les obligations à taux variable (dont la rémunération varie selon l'évolution des taux
d'intérêt), créées pour prémunir les agents contre la forte variabilité des taux d'intérêt
observée au début des armées 1980 ; le souscripteur sait qu'il aura à chaque période le taux
de rémunération normal du moment : il renonce ainsi à obtenir mieux que la moyenne
durant certaines périodes, mais en contrepartie il est sûr de n'avoir jamais moins.
Au lieu d'intervenir directement sur les marchés de capitaux pour emprunter des sommes aux autres
agents présents sur ces marchés, les agents ayant des besoins de financement peuvent passer par
l'intermédiaire des institutions financières, qui se chargent de trouver les ressources nécessaires.
On trouve ici les différents instruments de crédit proposés par les banques et autres établissements
financiers :
→ Les crédits à court terme (moins de 2 ans) : escompte des effets de commerce, autorisations de
découvert sur les comptes bancaires, avances de trésorerie, crédits à court terme à la consommation.
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Arrêtons-nous un instant sur la technique de l'escompte. Elle consiste à accorder des liquidités à un
agent en échange d'un effet (un papier) représentatif d'une créance qu'il détient sur un autre agent.
Par exemple, une entreprise accorde des délais de paiement à ses clients. Elle leur fait signer un
effet de commerce (ou lettre de change normalisée) par lequel ils sont contraints de payer leur dette
dans 30, 60 ou 90 jours. Si l'entreprise a besoin de liquidités avant l'échéance de l'effet de
commerce, elle peut faire escompter l'effet par sa banque. La banque reprend à son compte la
créance et se charge elle-même d'en récupérer la valeur à l'échéance. En échange, la banque verse
à l'entreprise une somme équivalente à la valeur de l'effet, diminuée d'un certain pourcentage (le
taux d'escompte) qui rémunère le service rendu par la banque.
→ Les crédits à moyen terme (de 2 à 7 ans). On trouve là les prêts des banques et des établissements
financiers spécialisés dans le crédit. Ils financent essentiellement les dépenses d'équipement des
ménages, la construction, la plupart des achats de biens d'équipement par les entreprises. Les
établissements non bancaires empruntent des ressources sur le marché monétaire et les prêtent à
leur tour à leur clientèle. Les dépôts d'épargne et les dépôts à vue peuvent aussi être prêtés à moyen
terme alors que, pour chaque déposant particulier, les fonds ne restent parfois immobilisés que
durant quelques mois ou quelques semaines.
→ Les prêts à long terme servent à financer des investissements lourds sur plus de 7 ans : achats
de logements des ménages, installations industrielles, etc. Il ne faut pas les confondre avec les
obligations, qui constituent aussi un prêt à long terme. Les obligations sont négociables : le
souscripteur peut revendre son titre en Bourse le lendemain de la souscription ! Les prêts à long
terme des banques ou des établissements non bancaires ne sont pas représentés par un titre
négociable ; du point de vue du prêteur, ils constituent donc une immobilisation durable et très
longue des fonds.
La quantité de monnaie disponible joue un rôle déterminant dans la vie économique. Comme nous
le verrons plus loin, elle peut influencer les variables essentielles pour l'économie nationale : la
croissance économique, l'emploi, l'inflation et les échanges extérieurs. Aussi les pouvoirs publics
et les économistes ont-ils besoin de suivre l'évolution concrète de la monnaie et des instruments
susceptibles d'être assez rapidement convertis en monnaie.
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Dans ce but, les statistiques officielles regroupent différents instruments financiers en quatre
agrégats monétaires (un « agrégat » est tout simplement la somme de plusieurs variables dont le
regroupement est jugé économiquement significatif) : M1, M2, M3 et M4.
→ M1 comprend :
− les billets et les pièces détenus par les agents non financiers,
− les dépôts à vue en dirhams transférables par chèque, gérés par les banques, les
établissements de crédit, le Trésor ou la Poste.
M1 correspond à la monnaie en circulation au sens strict.
→ M2 comprend :
− M1,
− les comptes d'épargne sur livrets (carnets) et les comptes d'épargne logement. On ajoute
donc à Ml tous les comptes où l'épargne reste disponible en permanence et peut être
convertie en monnaie très rapidement (à vue) sans pénalité ou autre risque de perte.
L'analyse économique considère ces dépôts comme de la quasi-monnaie. Il s'agit en effet
de ressources presque aussi liquides que la monnaie et que les agents peuvent utiliser
presque immédiatement pour effectuer des règlements. Aussi, M2 s'approche du concept
théorique de masse monétaire au sens strict.
→ M3 comprend :
− M2, l
− les dépôts et titres négociables en devises,
− les dépôts à terme, les bons non négociables,
− les titres et bons négociables émis par les établissements de crédit,
− les titres et parts d'OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières).
M3 est un indicateur de masse monétaire au sens large.
→ M4 comprend :
− M3,
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Les opérations financières se développent spontanément en raison d'un triple besoin des agents : le
besoin d'un instrument de paiement efficace pour développer les échanges ; la recherche d'une
utilisation rentable de leur épargne ; la nécessité de combler leurs besoins de financement. La
monnaie répond au premier besoin et les autres instruments financiers aux deux suivants.
• Le rôle de la monnaie
En l'absence de monnaie, les échanges se font directement entre les différents biens et services.
Mais le troc limite le développement des échanges. En effet, il suppose la rencontre hasardeuse de
deux échangistes disposant précisément du bien désiré par l'autre et dans les bonnes quantités. De
plus, beaucoup de biens sont imparfaitement divisibles. Par exemple, si la négociation sur le
marché fixe le taux d'échange entre les bœufs et les moutons à 1 bœuf vivant pour 3,5 moutons
vivants, l'échange ne peut avoir lieu (c'est en tous cas l'avis du mouton coupé en deux !). La
monnaie évite ces difficultés et favorise l'essor du commerce en servant d'intermédiaire universel
dans les échanges.
En outre, la monnaie constitue un étalon de mesure de toutes les valeurs. Chaque bien a un prix
exprimé dans un seul bien, la monnaie, et non dans tous les autres biens comme cela est nécessaire
dans une économie de troc. Enfin, la monnaie constitue une réserve de valeur. Les individus
peuvent la conserver pour des échanges futurs, pour faire face à des dépenses imprévues, pour
profiter d'une opportunité à laquelle ils s'attendent, ou tout simplement pour combler les
inéluctables décalages entre leurs recettes et leurs dépenses. La monnaie permet ainsi aux agents
d'effectuer les dépenses au moment qui leur paraît le plus opportun.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Certains agents ont des dépenses totales inférieures à leurs revenus. Ils disposent donc d'une
épargne, ou encore d'une capacité de financement. Ils peuvent conserver une partie de cette épargne
sous la forme de monnaie. Mais, au-delà d'une encaisse monétaire jugée nécessaire par précaution
ou par spéculation (dans l'attente d'une opportunité), les agents rationnels cherchent un emploi
rentable à leur épargne. Cet emploi rentable n'est possible que parce qu'il existe d'autres agents qui
ont, eux, des dépenses supérieures à leurs revenus : ils ont donc un besoin de financement et sont
disposés à payer un intérêt pour rémunérer le service rendu par un éventuel prêteur. Les institutions
financières assurent la collecte de l'épargne en mettant à la disposition des agents excédentaires un
certain nombre d'instruments de placement.
Les banques gèrent également la monnaie détenue par les agents sur leurs comptes. L'ensemble des
disponibilités financières ainsi collectées peut être utilisé pour répondre à la demande de fonds des
agents déficitaires. Nous avons vu qu'il existe une rencontre directe entre les épargnants et les
emprunteurs sur les marchés de capitaux ; mais le contrat minimum sur le marché monétaire est
d'un million de francs, et l'accès aux autres marchés (marché financier et marché des changes) passe
obligatoirement par des intermédiaires financiers spécialisés. En outre, la rencontre directe entre
emprunteurs et prêteurs, sans intermédiation des institutions financières, ne suffirait pas à régler le
problème du financement de l'économie. En effet, la majeure partie de l'épargne nationale provient
des ménages, qui placent une bonne partie de celle-ci à court terme, tandis que l'essentiel des
demandes de fonds prêtables émane des entreprises, qui recherchent des financements à moyen et
long terme pour assurer leurs investissements. Les institutions financières assurent ainsi la
nécessaire transformation de ressources courtes en emplois longs, transformation sans laquelle une
part essentielle des investissements ne pourrait être réalisée.
B. La création de monnaie
La monnaie est créée par les banques au sens économique du terme, c'est-à-dire par toute institution
qui gère des dépôts à vue d'agents non financiers et a le pouvoir de créditer le compte de ces derniers
(soit, au Maroc, les banques au sens légal du terme, Bank Al-Maghrib et le Trésor public).
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Les banques créent de la monnaie scripturale pour répondre à la demande des agents non financiers.
Elles le font très simplement, en inscrivant des sommes au crédit des comptes de leurs clients en
échange (on dit plus souvent « en contrepartie ») de créances remises par ces derniers : créances
sur l'étranger (devises), créances sur l'économie (effets de commerce, contrats de crédit) ou
créances sur le Trésor public (bons du Trésor). Nous allons illustrer ces trois sources de création
monétaire.
Les explorateurs marocains payés en devises étrangères cèdent l'essentiel de leurs avoirs en devises
à des banques. Les banques reprennent à leur compte les devises, qui constituent une créance sur
les différents pays émetteurs, et, en contrepartie, créditent le compte de leurs clients d'un montant
en dirhams : elles mettent ainsi en circulation une quantité de monnaie nationale supplémentaire.
En revanche, des importateurs marocains qui doivent régler leurs achats à l'étranger en devises
demandent ces devises aux banques contre de la monnaie nationale. Dans ce cas, les banques
réduisent la masse monétaire en circulation en débitant le compte de leurs clients et en leur cédant
des créances sur l'étranger.
Globalement, donc, lorsque l'ensemble des opérations des agents résidents avec l'extérieur est
excédentaire, il se produit une entrée nette de devises converties en monnaie nationale, et donc un
développement de la masse monétaire. Inversement, un déficit extérieur implique une sortie nette
de devises et une réduction de la masse monétaire.
Les producteurs qui ont besoin de liquidités peuvent faire refinancer par leur banque les crédits
commerciaux qu'ils ont eux-mêmes accordés à leurs clients. En contrepartie des effets de
commerce, la banque crédite le compte de l'entreprise pour une valeur équivalente, diminuée d'un
certain pourcentage, le taux d'escompte. Là encore, la banque met en circulation de nouveaux
moyens de paiement. Notons qu'à l'échéance des effets de commerce, la banque détruit de la
monnaie en exigeant le remboursement des effets en sa possession.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
La banque peut aussi créer simultanément la monnaie et la créance qui en constitue la contrepartie.
En effet, elle peut, par exemple, accorder une avance de trésorerie ou une autorisation de découvert
à un agent en contrepartie d'un simple engagement de rembourser pris par cet agent. Elle détient
alors une créance sur l'agent, en échange de laquelle elle crédite son compte en banque. Lorsque le
client rembourse sa dette à la banque, la monnaie créée par l'opération initiale de crédit est détruite.
Ainsi, il apparaît que toute création de monnaie par acquisition de créances sur l'économie est suivie
par une opération inverse de destruction de monnaie au moment du remboursement de ces créances.
En période de croissance de l'activité et des échanges, les opérations de création monétaire tendent
à dépasser les opérations de destruction et contribuent donc à un accroissement de la masse
monétaire.
Les opérations avec le Trésor public peuvent entraîner une création de monnaie par les banques,
par la banque centrale (Bank Al-Maghrib) ou par le Trésor lui-même. Quand l'État a un besoin de
financement, les banques peuvent lui apporter leur concours en souscrivant des bons du Trésor en
compte courant, ou en lui consentant des avances en compte comme pour une entreprise. Les
banques peuvent financer ces apports en puisant dans les dépôts, mais aussi en créant une monnaie
supplémentaire par un simple jeu d'écriture créditant le compte du Trésor. L'État peut également
demander des avances en compte à la banque centrale, qui crée alors de la monnaie comme une
banque ordinaire pour l'un de ses clients. Enfin, le Trésor peut transformer lui-même des créances
sur le Trésor public en monnaie, par l'intermédiaire des comptes courants postaux (CCP). En effet,
l'État règle les fournisseurs et les fonctionnaires qui détiennent un compte courant postal
simplement en créditant ce compte.
Si un banquier n'a besoin que de son stylo pour créer de la monnaie, on peut se demander ce qui
empêche une création infinie de monnaie. En fait, la création monétaire est limitée par la demande
de monnaie, par les besoins des banques en billets et par les interventions de la banque centrale.
Les banques ne créent pas de la monnaie pour le plaisir, mais en réponse à une demande de
monnaie. La création monétaire est donc bornée par les besoins de liquidités des agents non
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
financiers, et ces besoins eux-mêmes sont élevés durant les périodes de forte activité, mais réduits
dans les périodes de ralentissement de l'activité. La contrepartie créances sur l'étranger n'est une
source de création monétaire que si l'économie connaît un excédent de ses paiements extérieurs ;
aux années d'excédent peuvent succéder des années de déficit qui réduisent la masse monétaire. La
contrepartie créances sur le Trésor public peut aussi être une source de destruction de monnaie
quand le budget de l'État est excédentaire et que le Trésor public rembourse les avances consenties
par les banques. En outre, il existe souvent des contraintes légales limitant les concours directs de
la banque centrale au Trésor public.
Les clients des banques font circuler une partie de la monnaie créée par les banques, non sous sa
forme initiale de monnaie scripturale, mais sous forme de billets. Or, les banques ordinaires ne
peuvent pas émettre de billets ; elles doivent se les procurer en effectuant des retraits sur leur
compte à la banque centrale. Comment une banque peut-elle alimenter son compte à la banque
centrale ? Elle peut virer sur ce compte une partie des dépôts effectués par ses clients. Elle peut
recevoir sur ce compte des virements d'autres banques qui lui doivent de l'argent en règlement des
chèques émis au profit de ses clients. Enfin, elle peut emprunter de la monnaie banque centrale sur
le marché monétaire.
Si le pourcentage moyen de retrait en billets représente 10 % des dépôts, à chaque fois qu'une
banque crée 1 000 DH de monnaie scripturale, elle sait qu'elle sera confrontée à un retrait en billets
pour une somme de 100 DH ; elle doit donc disposer de cette somme en monnaie banque centrale,
c'est-à-dire soit en billets détenus dans ses caisses, soit en compte créditeur à la banque centrale où
elle pourra retirer les billets correspondants. Si elle n' est pas assurée de disposer de ces billets en
cas de besoin, elle ne peut créer davantage de monnaie. Les avoirs en monnaie banque centrale
constituent la base monétaire indispensable à toute création de monnaie en circulation. Quand une
banque ne dispose pas d'un crédit suffisant à la banque centrale pour satisfaire ses besoins en
monnaie banque centrale, elle peut emprunter sur le marché monétaire auprès des banques qui
disposent d'un compte créditeur à la banque centrale. On dit qu'elle va se refinancer sur le marché
monétaire.
Une banque particulière peut donc créer de la monnaie sans disposer momentanément de la
monnaie banque centrale nécessaire pour faire face aux retraits en billets en l'empruntant à une
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
autre banque ; mais cette autre banque diminue alors de façon équivalente sa propre base monétaire
et donc sa capacité à créer de la monnaie scripturale. Le système bancaire pris dans son ensemble
ne peut donc pas créer de monnaie s'il ne dispose pas des avoirs en compte à la banque centrale lui
permettant de retirer les billets qui lui seront demandés ensuite par la clientèle. Or, cela ne dépend
pas simplement du bon vouloir des banques, mais aussi de la volonté qu'a la banque centrale de
refinancer le système bancaire sur le marché monétaire en lui procurant la monnaie banque centrale
dont il a besoin pour fonctionner.
La banque centrale contrôle donc indirectement la création monétaire des banques en contrôlant la
mesure dans laquelle elles pourront satisfaire les besoins en monnaie banque centrale engendrés
par cette création monétaire. La banque centrale intervient sur le marché monétaire pour prêter de
la monnaie banque centrale aux banques, moyennant paiement d'un intérêt et presque toujours en
contrepartie d'une créance détenue par les banques (bons du Trésor, effets de commerce, etc.). Elle
peut déjà moduler ses concours en définissant la liste des créances qu'elle accepte de refinancer sur
le marché monétaire ; elle étend la liste si elle veut faciliter la création monétaire, elle restreint cette
liste dans le cas contraire. Elle détermine ensuite le taux d'intérêt auquel elle prête la monnaie
banque centrale, et, ce faisant, elle joue un rôle directeur pour les taux d'intérêt pratiqués entre
banques.
Par exemple, rien n'empêche la banque centrale de prêter sa monnaie à un taux d'intérêt nul ; alors,
le taux d'intérêt du marché monétaire est également nul, aucune banque ne trouvant d'emprunteur
pour un taux positif quand la banque centrale distribue l'argent gratuitement. A l'opposé de ce
comportement, en théorie, rien n'empêche la banque centrale d'emprunter la monnaie offerte par
les banques qui disposent d'excédents en monnaie banque centrale à un taux d'intérêt toujours
supérieur à celui offert par les banques emprunteuses. Dans ce cas, tout le monde préfère toujours
prêter à la banque centrale, et c'est encore elle qui fixe le taux d'intérêt du marché. Entre ces deux
extrêmes, la banque centrale peut faciliter le refinancement des banques et donc la création
monétaire en offrant beaucoup de liquidités et en faisant baisser les taux d'intérêt, ou au contraire
freiner la création monétaire en réduisant son offre de monnaie et en relevant les taux d'intérêt.
Pour renforcer la dépendance des banques à l'égard de leur refinancement par la banque centrale,
les autorités monétaires agissent sur les réserves obligatoires. A chaque fois qu'une banque accorde
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
un crédit ou reçoit un dépôt, elle doit constituer une réserve obligatoire bloquée à la banque
centrale. Cela crée un besoin en monnaie banque centrale qui vient s'ajouter à celui associé aux
retraits de billets. La banque centrale peut donc faciliter la création monétaire en diminuant le taux
des réserves obligatoires, ou au contraire la décourager en relevant ce taux. Bien entendu, la
politique monétaire connaît aussi des limites, mais l'expérience des pays industrialisés a montré
que, lorsqu'existe une véritable volonté politique, les autorités monétaires sont en mesure de
maîtriser le processus de création de monnaie.
IV. L’Etat
De façon plus abstraite, l'État2 peut être défini comme l'institution qui a le pouvoir de contraindre
par la force l'ensemble des agents présents sur un territoire à exécuter des actes sans leur accord
préalable. Il peut s'agir d'un État de droit si ce pouvoir de contrainte s'exerce dans un cadre législatif
reconnu par la communauté, ou d'un État de fait si ce pouvoir s'impose en dehors d'un tel cadre.
Pour l'analyse économique, la différence essentielle entre l'État et les autres agents est que l'État
agit normalement par voie de contrainte tandis qu'un agent privé agit normalement par voie de
négociation et d'entente avec les autres.
L'existence de l'État apparaît comme la solution qui s'impose naturellement dans toute situation où
la libre entente entre les agents est impossible ou incapable de produire un certain nombre de
services indispensables à la survie et au développement de la communauté. Les économistes ont
ainsi d'abord justifié l'intervention de l'État par les défaillances d'un système d'échanges privés :
l'État intervient directement dans la production de biens et services pour suppléer aux défaillances
des agents privés et du marché (cf. A. ci-dessous).
A ce titre, l'État constitue d'une certaine façon un agent économique comme un autre, spécialisé
dans la production des biens pour lesquels il est le plus adapté. Mais, à la différence des autres
agents, la plupart de ses actions affectent l'ensemble de l'économie nationale. Le pouvoir
économique considérable que lui donnent, d'une part, l'ampleur de ses dépenses et de ses recettes,
et d'autre part, la possibilité d'intervenir par voie réglementaire et législative, conduisent
naturellement l'État à étendre son domaine d'influence.
2
Rappelons tout d'abord que pour la commodité de l'exposé, nous avons regroupé sous le terme d'« État» toutes les
administrations publiques, centrales et locales.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
L'État-gendarme du XIXe siècle concentrait son action sur la sécurité intérieure et extérieure de la
nation, la police, la justice, les infrastructures routières et portuaires. Son intervention dans le reste
de la vie économique se limitait le plus souvent à un rôle de police des échanges et des marchés :
définition des droits et obligations des agents, des règles de la concurrence, etc. Durant les trois
premiers quarts du XXe siècle, l'État n'a cessé d'étendre ses fonctions économiques, en particulier
dans deux directions : la redistribution du revenu national et les politiques de stabilisation de
l'économie nationale (cf. B. ci-dessous).
On peut distinguer trois types d'intervention de l'État dans la production nationale. L'Etat produit
tout d'abord des services collectifs qui, autrement, ne seraient pas produits par les agents privés (les
biens publics). L'État intervient dans la production des biens et services dont l'utilisation par un
individu a des effets positifs ou négatifs sur le bien-être de la collectivité (les externalités). Enfin,
l'État prend parfois directement le contrôle de certaines productions alors qu'elles appartiennent
normalement au secteur privé (entreprises publiques et nationalisations).
Certains services collectifs ne peuvent être produits par des entreprises privées parce qu'il est
impossible d'exclure les utilisateurs qui ne seraient pas disposés à payer le service rendu.
Les services collectifs sont des services consommés en même temps et dans leur totalité par un
ensemble d'utilisateurs. Il existe des services collectifs privés à chaque fois qu'il est facile de
contraindre les consommateurs à payer. Par exemple, une projection dans une salle de cinéma ou
un cours d'économie sont des services collectifs privés : plusieurs individus consomment en même
temps le même service mais il est aisé d'exiger un droit d'entrée ou d'inscription et de vérifier que
chaque individu l'a bien acquitté. Des agents privés ne rencontrent donc aucune difficulté à produire
et à financer ce type de service.
Mais il existe aussi des services collectifs publics dans leur nature parce qu'il est impossible ou trop
coûteux d'en faire payer le prix aux utilisateurs. Tel est le cas pour la défense nationale, l'ordre
public, la justice, les routes (mais pas les autoroutes), l'éclairage public, les phares qui signalent les
récifs dans l'océan, etc. Une entreprise privée qui produirait ce type de service serait incapable de
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le financer, parce que chaque agent présent sur le territoire national (ou naviguant dans l'océan)
sait bien qu'il bénéficiera du service de toute façon, qu'il paie ou non.
Une entreprise privée de défense nationale peut envoyer des démarcheurs auprès de chaque ménage
résident pour réclamer le prix du service rendu. Mais chaque ménage, sachant qu'il bénéficie de la
défense nationale du seul fait de sa présence sur le territoire, a intérêt à se déclarer pacifiste et à
refuser de payer le service proposé par l'entreprise privée. Une majorité d'individus se comportant
ainsi et laissant aux autres le soin de payer les services collectifs, ces derniers ne seront tout
simplement pas produits. Par conséquent, seule une institution investie du pouvoir de faire payer
les utilisateurs par la force peut assurer la production de tels services. L'État est précisément cette
institution qui a le monopole de la force légitime, et qui peut effectuer des prélèvements
obligatoires sur tous les revenus pour produire les services dont la plupart des agents souhaitent
bénéficier sans être incités à en payer spontanément le prix.
b) Les externalités
On parle d'externalité (ou d'effet externe) à chaque fois que les décisions d'un agent économique
ont des effets sur les autres agents. Ainsi, il existe des effets externes positifs. Par exemple, les
dépenses d'éducation et de formation effectuées par les individus contribuent à leur bien-être
personnel mais permettent également une productivité du travail et une croissance économique
plus fortes, dont bénéficie l'ensemble de la société. De même, l'hygiène et les dépenses de santé
individuelles sont bénéfiques aux individus et à l'ensemble de la collectivité. La recherche et
l'innovation technologique combinent également un bénéfice pour les initiateurs de découvertes
importantes et des effets positifs souvent considérables sur le reste de la communauté. Il existe
aussi des effets externes négatifs. La pollution est ici l'exemple le plus étudié par les économistes.
Toute production qui dégrade l'environnement associe des effets bénéfiques pour les producteurs
à des nuisances pour d'autres agents.
D'un point de vue économique, l'existence d'externalités fausse les mécanismes d'allocation des
ressources par le marché. En effet, dans une économie de marché libre, les agents rationnels sont
supposés comparer les coûts et les avantages associés à chaque décision en vue de satisfaire au
mieux leurs besoins. En conséquence, ils doivent minimiser les coûts et maximiser les avantages,
et contribuer ainsi à l'efficacité collective. En l'absence d'effet externe négatif, ce qui est bon pour
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
un individu est bon pour la société à laquelle il appartient. Mais bien-être individuel et collectif ne
coïncident plus forcément si les décisions individuelles ont des effets sur les autres agents.
Dans ce cas en effet, les coûts et avantages privés sur lesquels se fondent les individus pour prendre
leurs décisions ne sont plus équivalents aux coûts et avantages sociaux (pour la collectivité). Si la
consommation d'un bien a des effets externes positifs, le bien-être collectif3 procuré par sa
consommation est supérieur au bien-être individuel. Mais l'individu ne tient pas compte du bien-
être collectif en déterminant sa consommation ; il maximise l'avantage privé et non l'avantage
social. En conséquence, du point de vue de la collectivité, la production décidée par les seuls
individus sera insuffisante. Inversement, on constatera une surproduction dans les secteurs qui
engendrent des nuisances pour la collectivité parce que les producteurs ne tiennent compte que des
coûts et bénéfices privés et non des coûts qu'ils font supporter à la collectivité.
La recherche d'une allocation efficace des ressources justifie donc une intervention des pouvoirs
publics pour corriger les inefficiences liées à la présence d'effets externes. Le mode principal
d'intervention consiste à internaliser les externalités : il s'agit d'amener les agents à réintégrer dans
leur calcul économique les coûts et avantages sociaux qu'ils négligeraient autrement. Ainsi, l'État
prend en charge une partie des dépenses de santé, d'éducation et de recherche pour en abaisser le
coût privé et inciter les individus à investir dans ces domaines plus de temps et de ressources qu'ils
n'investiraient spontanément. Cette intervention peut passer par une production directe des services
concernés : développement des hôpitaux, de l'enseignement, et des centres de recherche publics ;
elle peut aussi prendre la forme de subventions aux organismes privés chargés de leur production,
de prestations familiales, ou encore du remboursement d'une partie des dépenses de santé.
En ce qui concerne la pollution, l'internalisation des externalités passe, pour l'essentiel, par un
système de taxes sur les productions polluantes et de subventions pour la mise en place de moyens
de production moins polluants. Mais une politique d'internalisation des externalités ne va pas sans
difficultés. La mesure des coûts et avantages sociaux associés à la pollution est envisageable,
quoique délicate, lorsque cette dernière est bien circonscrite localement (par exemple, usine qui
rejette des déchets dans un cours d'eau), mais elle devient impossible pour les problèmes de
3
Bien-être collectif : Etat de satisfaction des besoins de l’ensemble de la société, correspondant à la somme des bien-
être individuels. N.B : le bien-être collectif est un état difficilement mesurable. De nombreux indicateurs sont
utilisés pour tenter de l’évaluer : revenu national, PIB, consommation, etc.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Beaucoup d'économistes, y compris des libéraux, ont admis que la nationalisation de certaines
activités se justifiait dans le cas où celles-ci tendaient naturellement vers une situation de
monopole. Mais cette justification économique ne suffit pas à rendre compte de nombreuses
nationalisations qui répondent davantage à des motifs politiques.
Ainsi, par exemple, dans les transports ferroviaires, les télécommunications ou la production et la
distribution de certaines sources d'énergie (gaz, électricité), l'ampleur des infrastructures et des
équipements nécessaires avant même toute production, implique que l'on ne peut en tirer le meilleur
parti qu'à partir d'un volume de production considérable : la phase des rendements croissants est
très longue. De petites entreprises privées sont condamnées à fusionner ou à disparaître — et c'est
bien ce que l'on observe dans la réalité. Ces secteurs évoluent naturellement vers une situation où
il n'existe plus qu'un ou quelques producteurs dominant totalement le marché.
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Il peut arriver qu'une nationalisation constitue tout simplement une sanction infligée à un
entrepreneur. Tel fut le cas, par exemple, de la nationalisation de Renault après la Seconde Guerre
mondiale. Mais cela est rare, du moins dans les grands pays industriels. Le gouvernement peut
aussi considérer que certains domaines d'activité ont une importance stratégique pour la sécurité et
la défense de la nation ; à ce titre, elles gagneraient à être sous le contrôle direct de l'État plutôt
qu'aux mains d'intérêts privés, qui ne concordent pas nécessairement avec les intérêts de la
collectivité : c'est parfois le cas dans les secteurs de l'armement, de l'énergie nucléaire, de la
recherche.
Enfin, dans les pays industrialisés, le contrôle d'entreprises publiques est parfois présenté comme
un moyen de renforcer l'efficacité de la politique économique. La fixation des prix et des salaires
dans un secteur public élargi peut influencer le niveau général des prix et la négociation des salaires
dans le reste de l'économie. L'État peut aussi utiliser directement les entreprises nationales pour
agir sur le niveau et l'orientation des investissements dans les grands secteurs industriels. Enfin, la
nationalisation des grandes banques permettrait de mieux maîtriser la création monétaire et
l'orientation des crédits vers les secteurs prioritaires. Ces justifications économiques masquent le
plus souvent une motivation essentiellement politique. En effet, d'un strict point de vue
économique, il existe toujours des moyens aussi efficaces et moins coûteux que la nationalisation
pour orienter les choix des grandes entreprises et maîtriser la monnaie et le crédit : la fiscalité, les
réglementations, la politique monétaire.
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Dès l'instant où il existe, l'État génère des dépenses pour produire les services publics et doit lever
des ressources par des prélèvements obligatoires. Par ces dépenses et ces recettes, il transforme
aussi la distribution du revenu national entre les agents privés. Jusqu'au début du XXe siècle, l'État
avait, pour l'essentiel, limité ses interventions à la production des services publics et à la
redistribution du revenu. Mais les crises économiques récurrentes qui ont touché les pays
industrialisés au XIXe siècle et jusqu'à la Grande Dépression des années 1930, entraînent des
interventions croissantes des pouvoirs publics pour stabiliser l'évolution de l'activité, de l'emploi,
des revenus et des prix. A partir des années 1930, ces politiques de stabilisation se développent
réellement et vont constituer peu à peu une fonction économique incontournable de l'État moderne.
Quand on évoque le rôle redistributeur de l'État, on songe tout de suite aux impôts prélevés par le
Trésor et aux subventions ou prestations versées par les différentes administrations. Mais, à côté
de ces interventions qui modifient directement la distribution du revenu national entre les agents
économiques, on oublie trop souvent que la plupart des politiques publiques ont des effets
redistributifs au moins indirects.
Il existe trois grandes catégories de prélèvements obligatoires : les impôts liés à la production et
l'importation, les impôts sur le revenu et le patrimoine, les cotisations sociales.
→ Impôts liés à la production et à l'importation. Ils comprennent : la TVA, les droits de douane et
les taxes spécifiques sur quelques produits : essence, tabacs, alcools, vignette automobile, taxe
professionnelle (impôt local sur toute entreprise). La TVA constitue le principal impôt sur la
production. Il s'agit d'une taxe sur la valeur ajoutée, perçue par les producteurs et reversée par eux
à l'Etat. Elle est calculée sur la valeur de toute production vendue (le chiffre d'affaires), mais chaque
agent peut déduire de la TVA qu'il doit reverser à l'État celle qu'il a payée sur ses propres
consommations intermédiaires. On ne taxe donc que la valeur ajoutée.
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→ Impôts sur le revenu et le patrimoine. Ils comprennent : impôt sur le revenu des personnes
physiques, impôt sur les bénéfices des sociétés, les impôts sur la fortune, la taxe d'habitation,
payable par tout occupant d'un local, la taxe foncière, payable par les propriétaires d'un local.
→ Les cotisations sociales. Les cotisations sociales sont versées aux organismes de sécurité sociale
et affectées au financement des prestations sociales (cf. ci-dessous). Elles représentent à peu près
40 % des prélèvements obligatoires. Leur charge est répartie entre les travailleurs salariés (moins
de 30 % du total), les travailleurs non-salariés (moins de 10 % du total) et les employeurs (plus de
60 % du total ).
Elles constituent un élément important du coût du travail et introduisent une dissociation entre le
salaire payé par l'employeur et celui qui est perçu par l'employé. Pour l'employeur, le salaire
effectivement payé inclut la somme versée à l'employé et les cotisations versées à la sécurité
sociale, tandis que l'employé ne s'intéresse naturellement qu'à la somme dont il peut finalement
disposer. Cette dissociation peut fausser le débat sur le partage de la valeur ajoutée entre
employeurs et salariés. En effet, lorsque le poids des charges sociales s'élève, l'une et l'autre partie
peuvent légitimement invoquer une réduction de leur « part du gâteau » et réclamer un ajustement
; il est bien sûr impossible de contenter les deux parties ; le développement des charges sociales
constitue ainsi une source potentielle d'affrontement entre employeurs et employés.
L'État redistribue directement des revenus par des subventions aux producteurs et, surtout, grâce
aux prestations sociales aux ménages.
→ Les subventions sont des aides financières versées directement aux producteurs par les
administrations. Les subventions d' exploitation constituent une aide à la production courante ou
au soutien à court terme d'entreprises en difficulté ; les subventions d'équipement sont accordées
pour prendre en charge une partie des charges d'investissement dans les secteurs jugés prioritaires
par les pouvoirs publics.
→ Les prestations sociales contribuent à protéger le revenu des ménages contre les fluctuations
liées à certains risques (maladie, accident, chômage) ou à la vieillesse (pensions de retraite), ou
encore à prendre en charge une fraction des frais d'éducation des enfants (prestations familiales).
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Elles relèvent en partie d'une logique d'assurance : les travailleurs et les employeurs versent des
cotisations (comme des primes d'assurance), et en contrepartie, les individus perçoivent des
indemnités lorsque la réalisation de l'un des risques couverts ampute leurs revenus. Mais les
prestations sociales perçues par un individu peuvent aussi suivre une logique d'assistance ou de
solidarité. En effet, leur ampleur ne dépend pas toujours de celle des cotisations, et parfois elles ne
supposent même pas le versement préalable de cotisations (certaines allocations de chômage, les
prestations familiales, le revenu minimum garanti, les dépenses de santé). Cette logique a tous les
mérites propres au développement de la solidarité au sein d'une communauté. Dans certains cas,
notamment pour les dépenses de santé, elle engendre aussi des gaspillages, comme tout avantage
octroyé indépendamment d'un coût ou d'un effort quelconque.
Dans une logique d'assurance, l'équilibre financier du système de sécurité sociale vient de ce que
tout le monde est disposé à payer quelque chose pour se couvrir contre un risque alors que le risque
ne se réalise que pour une partie seulement de la population concernée ; il suppose un certain
rapport entre la population cotisante et la population indemnisée. Certains phénomènes menacent
régulièrement cet équilibre financier dans les pays industrialisés :
− une forte poussée du chômage réduit le nombre de salariés cotisants et accroît le nombre de
chômeurs à indemniser ;
− la santé étant un bien supérieur, les dépenses de santé ont tendance à augmenter plus vite
que le revenu ; autrement dit, les remboursements de la sécurité sociale peuvent progresser
plus vite que la base de prélèvement des cotisations ;
− l'amélioration de l'espérance de vie, le recul de la natalité, l'allongement des études
secondaires et universitaires, et l'abaissement de l'âge de départ à la retraite ont deux effets
: vieillissement de la population et réduction de la durée de la vie active. En conséquence,
le rapport entre le nombre de retraités touchant leur pension et celui des actifs versant les
cotisations aux régimes de retraite ne cesse de croître ; si les retraites du moment sont
payées à l'aide des cotisations du moment (système dit « de répartition »), l'évolution
démographique provoque un jour ou l'autre un déséquilibre financier entre la masse des
cotisations et celle des prestations.
Cela dit, un régime de sécurité sociale n'est jamais en cessation de paiement. Tout déséquilibre
financier entre cotisations et prestations est d'une manière ou d'une autre comblé par les autres
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
ressources financières de l'État (l'impôt ou l'emprunt). Dans ce cas, la logique d'assistance l'emporte
seulement un peu plus sur la logique d'assurance.
• La redistribution indirecte
La plupart des réglementations et des mesures de politique économique du gouvernement ont des
effets plus ou moins apparents sur la distribution du revenu. Nous prendrons quelques exemples
significatifs de cette redistribution indirecte.
L'institution d'une réglementation sur le salaire minimum opère une redistribution complexe du
revenu. Apparemment, cela revient à prélever des ressources sur les employeurs pour les transférer
aux travailleurs les plus défavorisés (les jeunes et les travailleurs sans qualification). Mais si les
employeurs ont la possibilité de transférer à leur tour le surcoût du travail sur les prix de vente, ce
sont en fin de compte les consommateurs (et parmi eux les « smigards4 ») qui paient. Par ailleurs,
dans tous les pays industrialisés, il est généralement établi que l'élévation des salaires minimum
par la réglementation réduit l'emploi des travailleurs les plus défavorisés. De ce point de vue, le
SMIG redistribue le revenu au profit des individus qui conservent leur emploi, mais au détriment
de ceux qui perdent ou rencontrent plus de difficultés à trouver un emploi.
Une relance de la demande peut, selon les cas, se faire principalement par stimulation de la
consommation des ménages ou bien par stimulation de l'investissement des entreprises. Le même
résultat en termes de croissance peut donc masquer une distribution différente des avantages entre
travailleurs et propriétaires du capital.
4
Smigard : personne payée au SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti).
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
économique, il convient de s'interroger sur ses effets redistributifs. Ces derniers révèlent parfois
les objectifs réels mais pas toujours affichés des politiques économiques.
Depuis la Grande Dépression des années 1930, l'État n'a cessé d'intervenir pour rectifier l'évolution
spontanée de la conjoncture économique. Ces interventions constituent ce que l'on appelle les
politiques de stabilisation ou encore la politique conjoncturelle. Nous nous contenterons ici
d'énumérer les principaux objectifs et instruments de la politique économique.
→ Le plein emploi : pour l'économiste, il s'agit d'utiliser au mieux tous les facteurs de production
disponibles, c'est-à-dire de les affecter à l'emploi pour lequel ils ont la productivité la plus forte.
Pour le politique, cela se ramène le plus souvent au plein emploi du seul facteur travail. Il s'agit
alors de réduire le chômage au niveau minimum.
→ La stabilité des prix : il s'agit de limiter le développement de l'inflation. Selon les époques et les
pays, la stabilité des prix n'est pas toujours un objectif en soi. En particulier, lorsque la plupart des
revenus nominaux (salaires, intérêts, loyers) ont tendance à évoluer parallèlement aux prix (on dit
qu'ils sont indexés sur les prix), la majorité des individus tolèrent assez bien une inflation modérée.
La lutte contre l'inflation n'apparaît alors comme un objectif que dans la mesure où elle conditionne
aussi l'équilibre des échanges extérieurs.
→ L' équilibre extérieur : il s'agit d'équilibrer les entrées et les sorties de biens, de services, de
revenus et de capitaux avec le reste du monde.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
d'abord à satisfaire leurs besoins, il n'y a pas de raison de faire une exception méthodologique pour
les décideurs politiques. Si les entrepreneurs, les travailleurs, les consommateurs, etc., cherchent
le maximum de satisfaction, il est en effet curieux de considérer que les politiques, eux, cherchent
le plein emploi, la croissance, la stabilité des prix et le bonheur de l'humanité ! Bien des choix de
politiques économiques demeurent incompréhensibles si l'on oublie que les décideurs politiques
peuvent être tout simplement motivés par la conquête ou la conservation du pouvoir ou par leur
prestige personnel dans l'opinion publique. L'intégration des finalités politiques conduit alors à
considérer les objectifs traditionnels des politiques de stabilisation comme des objectifs
intermédiaires qui sont poursuivis ou non, selon qu'ils servent le but politique fondamental.
Nous dresserons rapidement une liste des principaux instruments disponibles, avant de décrire les
grandes phases d'évolution des politiques économiques.
− La politique monétaire agit sur la quantité de monnaie en circulation dans l'économie et sur
le niveau des taux d'intérêt.
− La politique budgétaire agit sur les prélèvements obligatoires (politique fiscale) et sur les
dépenses publiques.
− La politique de change agit sur la valeur internationale de la monnaie nationale (le taux de
change), par l'intermédiaire des interventions de la banque centrale sur le marché des
changes.
− La politique des revenus tente d'influencer le mode de négociation et le niveau des salaires,
et le partage de la valeur ajoutée entre employeurs et travailleurs. Elle vise le plus souvent
à limiter l'inflation.
− La politique commerciale agit sur les conditions d'importation et d'exportation des biens et
services (droits de douane, quotas d'importation, aides à l'exportation, normes requises pour
l'entrée des produits étrangers, etc.).
− La politique de la concurrence et des prix agit sur le mode de formation des prix en
définissant les tarifs publics et le cadre légal de fonctionnement des marchés (liberté ou
blocage des prix, règles protégeant la concurrence contre les ententes et les monopoles,
droit des affaires, etc.).
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Chapitre 3
Le fonctionnement des marchés
Nous venons de décrire les opérations économiques de chaque groupe d'agents. Une question
essentielle se pose à présent :
Comment toutes ces opérations, mises en œuvre de façon indépendante par les
différents agents, sont-elles finalement compatibles entre elles ?
Les ménages offrent leur travail et leurs capitaux disponibles en vue d'obtenir un revenu. Une partie
de ce revenu se transforme en demande de biens de consommation et le reste en épargne. Cette
épargne alimente une offre de fonds prêtables que les ménages mettent à la disposition des autres
agents, soit directement, en achetant des titres (obligations, actions, bons du Trésor), soit
indirectement, en déposant ces fonds dans des établissements financiers.
Tous les autres agents (firmes, institutions financières et administrations) demandent du travail et
des biens d'investissement en vue de produire des biens et des services. Ils offrent des biens de
consommation et d'investissement. En contrepartie, ils obtiennent un revenu, soit par la vente de
leurs biens et services, soit par des contributions volontaires, soit par des prélèvements obligatoires.
Ces revenus tirés de la production sont répartis entre les agents sous différentes formes
(rémunération du travail, intérêts, dividendes, loyers, bénéfices, etc.). A l'issue de cette répartition,
certains agents disposent d'une capacité de financement et alimentent l'offre de fonds prêtables.
D'autres agents ont, au contraire, un besoin de financement qui va constituer la demande de fonds
prêtables.
Enfin, dans une économie ouverte, les agents résidents réalisent avec les agents étrangers de
nombreux échanges de biens, de services, de revenus et de capitaux. Toutes ces opérations ne sont
pas nécessairement équilibrées : le solde des versements effectués à l'étranger et des paiements
reçus de l'étranger peut être excédentaire ou déficitaire. L'examen du problème de l'équilibre
extérieur ne sera pas abordé dans ce chapitre.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Si on se concentre sur la seule économie nationale, celle-ci ne peut fonctionner que si, d'une
manière ou d'une autre, les offres et les demandes se rencontrent et s'équilibrent sur les différents
marchés : la demande de travail doit rencontrer une offre équivalente ; l'offre de biens et services
suppose des débouchés, c'est-à-dire une demande de biens et services équivalente ; les demandes
de fonds (de capitaux) ne sont satisfaites que si elles correspondent à une offre de fonds (de
capitaux). En termes économiques, l'ensemble des opérations économiques des agents résidents
dans l'économie nationale ne sont compatibles entre elles que s'il existe des mécanismes qui
assurent l'équilibre du marché du travail, du marché des biens et des marchés de capitaux.
Un marché est le lieu de rencontre entre une offre et une demande. Cette rencontre détermine une
quantité échangée (de travail, de production, de monnaie, de titres) et un prix de vente (salaire, prix
des biens, taux d'intérêt, cours boursier). En théorie, les mêmes lois de l'offre et de la demande
peuvent gouverner le fonctionnement de tous les marchés. Mais dans l'économie réelle, les
différents domaines d'échanges économiques correspondent plus ou moins à la théorie pure de
l'offre et de la demande.
Nous commencerons donc par comparer la définition théorique du marché aux caractéristiques des
marchés réels.
Les lois de l'offre et de la demande ne peuvent vraiment fonctionner que sur un marché
parfaitement concurrentiel. Un tel marché se caractérise par le fait qu'aucun agent particulier ne
peut influencer la fixation des prix. Le prix est le résultat d'un processus de libre négociation entre
offreurs et demandeurs qui se poursuit jusqu'à la découverte du prix qui assure l'équilibre entre
l'offre et la demande. Toutefois, le modèle du marché concurrentiel ne peut fonctionner que si un
certain nombre de conditions très strictes sont remplies.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Il est commode de donner une représentation graphique de ces deux lois. Sur la figure 2, nous
portons la quantité d'un bien quelconque sur l'axe horizontal et le prix de vente de ce bien sur l'axe
vertical. On peut imaginer les quantités qui seraient offertes par les producteurs pour différents prix
et représenter par un point chaque combinaison prix-quantité. Il existe en fait une infinité de
combinaisons de ce type : autant qu'il existe de prix possibles. Si l'on joint tous les points ainsi
obtenus, on doit découvrir un tracé du type de la courbe O. Cette courbe est forcément croissante
puisque les quantités offertes augmentent quand le prix augmente. En procédant de la même façon
pour les quantités demandées à différents prix, on obtient un tracé décroissant, du type de la courbe
D.
Sur un marché concurrentiel, le prix est librement négocié entre les offreurs et les demandeurs
jusqu'au moment où l'offre est égale à la demande. On voit qu'il n'existe qu'un seul prix (ici, P1)
pour lequel l'offre et la demande sont équivalentes : on l'appelle le prix d'équilibre, ou encore le
prix de marché.
70
Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Il s'agit d'un prix d'équilibre parce que la fixation de tout prix plus faible ou plus élevé enclenche
un mécanisme d'ajustement automatique qui ramène en P1. Par exemple, un prix fixé en P2 entraîne
une offre excédentaire (offre supérieure à la demande). Les producteurs ne parviennent pas à
écouler tous leurs produits à ce prix. La concurrence entre les producteurs entraîne alors une baisse
des prix jusqu'en P1. Si, au contraire, le prix est fixé en P3, il y a une demande excédentaire
(demande supérieure à l'offre) et la concurrence entre les acheteurs pour obtenir les biens fait
monter le prix jusqu'en P1.
La figure 2-a illustre ce qui se produit sur un marché à la suite d'une variation de la demande.
Plusieurs facteurs peuvent pousser la courbe de demande vers le haut et notamment : une élévation
des salaires réels, ou des prestations sociales, ou de la demande étrangère, ou bien encore une
augmentation du prix des autres biens substituables. Si, pour une raison quelconque, la demande
augmente de D1 en D2, le prix P1 n'est plus un prix d'équilibre : il existe désormais une demande
excédentaire par rapport à l'offre, qui peut se mesurer par la distance entre Q1 et Q3.
Dans une économie planifiée, où les prix sont fixés par l'administration et non par la libre
négociation sur les marchés, le prix reste momentanément en P1 et la demande excédentaire ne peut
être satisfaite ; on observe alors la formation d'une file d'attente, les demandeurs étant servis par
ordre d'arrivée jusqu'à épuisement de l'offre, à moins que l'on ne mette en place des critères
réglementaires d'attribution prioritaire des biens disponibles (âge, sexe, nationalité, appartenance à
un groupe politique, etc.). Dans une économie de marché, la libre négociation est censée résorber
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
On pourrait raisonner dans l'autre sens : quand la demande passe de D2 en D1, le prix baisse de P2
en P1 et la quantité de Q2 en Q1.
La figure 2-b illustre les effets d'une augmentation de l'offre de O1 en O2. Au prix initial P1, il y a
désormais une offre excédentaire. La concurrence entre les producteurs pour développer les ventes
entraîne une baisse du prix d'équilibre en P2. Inversement, un recul de l'offre de O2 en O1 réduit la
quantité en Q1 et élève le prix de P2 en P1.
A l'opposé, un système de prix et de production planifiés laisse subsister des pénuries majeures
pour les produits les plus demandés et des surproductions inutiles dans d'autres secteurs. Même si
les planificateurs ont le souhait de satisfaire la demande, il leur faut du temps pour acquérir
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
l'information sur les pénuries et les surproductions, mesurer leur ampleur et modifier leurs plans ;
ensuite, ils ne savent pas dans quelle mesure ils doivent rectifier les prix et les productions pour
atteindre l'équilibre; ils doivent donc procéder à des changements de prix et de production
hasardeux, attendre le résultat au cours de l'année suivante, mesurer à nouveau les pénuries et les
surproductions éventuelles, et ainsi de suite.
Enfin, la concurrence et la flexibilité des prix tendent à abaisser les coûts moyens de production à
long terme. En effet, quand les entreprises réalisent des profits sur un marché, elles sont incitées à
développer leurs capacités de production (leur échelle). De nouveaux producteurs sont également
attirés sur le marché. A long terme, donc, l'offre se déplace spontanément vers la droite, tant qu'il
subsiste des profits. En conséquence, pour une demande donnée, le prix tend à baisser
régulièrement jusqu'à la disparition des profits. Cette tendance systématique à la baisse des profits
incite les entreprises à rechercher en permanence comment abaisser les coûts de production pour
rétablir les profits. La collectivité peut ainsi accéder à des quantités croissantes des biens dont elle
a besoin, avec des coûts de production et à des prix réels de plus en plus bas.
Tous les mécanismes décrits ci-dessus peuvent en théorie s'appliquer à n'importe quel marché :
pour décrire le marché du travail, on peut reprendre les figures 1 et 2 en remplaçant la quantité de
bien par la quantité de travail et le prix par le salaire réel ; pour décrire le marché monétaire, on
porte sur l'axe horizontal la quantité de monnaie et sur l'axe vertical le taux d'intérêt ; et ainsi de
suite pour tout autre marché. La question est de savoir si tous les marchés peuvent fonctionner
selon les lois pures de l'offre et de la demande. Les mécanismes d'ajustement automatique d'un
marché parfaitement concurrentiel supposent en effet que soient réunies plusieurs conditions très
strictes.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
atomicité des agents, liberté d'entrée sur le marché, homogénéité des produits, information
parfaite, parfaite mobilité des facteurs. Depuis les années 1980, la théorie des marchés
contestables a mis l'accent sur une condition nouvelle et souvent plus proche de la vraie nature du
processus concurrentiel : la contestabilité.
→ L'atomicité implique la présence d'un grand nombre d'offreurs et de demandeurs, tous de taille
réduite (des « atomes ») par rapport à celle du marché. Ainsi, aucun vendeur ou acheteur ne
représente un poids suffisant pour influencer les conditions du marché et notamment le prix
d'équilibre. Sur le marché des biens, chaque producteur représente une part tellement infime de la
production totale que ses décisions sur le volume de production, quelle que soit leur ampleur,
n'affectent pas vraiment l'offre totale et donc le prix de marché. Il n'y a ni monopole, ni entente
entre des groupes d'entreprises, ni entreprise dominante, ni monopsone (un seul acheteur). Personne
ne fixe donc le prix d'équilibre ; il est déterminé par le marché et s'impose à tous les agents. Sur le
marché du travail, aucun travailleur ou groupe de travailleurs ne peut prendre de décisions
susceptibles de modifier sensiblement la quantité globale de travail disponible et donc le salaire
d'équilibre. Il n'y a pas de syndicats regroupant les individus en groupes de pression.
→ La libre entrée suppose l'absence de toute entrave à l'accès des offreurs ou des demandeurs sur
le marché. Cela exclut tout droit d'entrée et toute réglementation imposant des conditions préalables
à l'exercice d'une activité.
→ Les produits ou les services échangés sur un marché donné sont parfaitement homogènes, c'est-
à-dire que leurs utilisateurs considèrent chacune des unités proposées par les différents offreurs
comme totalement interchangeables. Concrètement, sur le marché des biens, les acheteurs sont
complètement indifférents à l'identité du producteur (marque, nationalité, ancienneté de la relation
d'échange, etc.). Sur le marché du travail, les employeurs sont indifférents à la personnalité des
travailleurs ; ils n'établissent pas une relation « avec quelqu'un » ; ils n'achètent que des heures
d'électricien, des heures de soudeur, des heures de représentant de commerce, etc., et sont
indifférents au fait que ces heures soient assurées par tel ou tel. L'homogénéité garantit que les
offreurs et les demandeurs ne discutent que des quantités et des prix des produits. Si le produit n'est
pas parfaitement homogène, la loi du marché concurrentiel est remise en question parce que l'offre
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
et la demande ne sont plus seulement fonction du prix mais de toutes les caractéristiques qui sont
susceptibles de différencier chaque unité échangée sur le marché.
→ L'information est parfaite (on parle alors de « transparence » du marché). Tous les offreurs et
tous les demandeurs connaissent en même temps, instantanément et sans coûts, toutes les
informations utiles concernant les échanges sur le marché. En effet, la concurrence ne joue que si,
à chaque instant, tout le monde connaît les prix proposés et les quantités offertes ou demandées par
tous les autres agents. Tout événement susceptible de modifier les conditions d'échange est connu
aussitôt par tout le monde.
→ La mobilité des facteurs est parfaite. Il n'existe aucun obstacle au déplacement des travailleurs
et des capitaux entre les différents producteurs ou secteurs d'activité. Le processus concurrentiel
suppose en effet que les entreprises puissent déplacer continuellement les facteurs d'un produit à
un autre pour s'adapter aux variations de la demande. A court terme, où le facteur travail assure
l'ajustement du volume de production, les employeurs doivent être en mesure de déplacer d'une
activité à une autre n' importe quel volume d'heures de travail ou de salariés, et cela,
instantanément!
Développée dans les années 1980, cette théorie remet partiellement en cause la condition
d'atomicité. Elle montre que le degré de concurrence sur un marché ne dépend pas toujours du
nombre et de la taille des entreprises, mais de la possibilité pour des concurrents potentiels de
contester la position acquise par les producteurs en place.
l'entrée y est totalement libre ; les coûts de sortie du marché sont très faibles, c'est-à-dire que les «
contestataires » qui tentent une percée sur le marché peuvent toujours, en cas d'échec, se retirer
sans grandes pertes ; les coûts engagés pour entrer sur le marché (frais d'étude, investissements,
publicité) sont donc ou très faibles, ou facilement récupérables (on peut revendre ou utiliser
autrement les équipements et les études réalisées).
Le secteur des services aux particuliers offre de nombreux exemples de marchés parfaitement
contestables : cours particuliers, gardes d'enfants, agences matrimoniales, séminaires de formation
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
professionnelle, agences de voyages, etc. Toutes ces activités se caractérisent par l'absence ou la
faiblesse des investissements de départ. Les équipements éventuellement nécessaires (bureaux,
machines à écrire, etc.) sont très facilement réutilisables dans d'autres activités ou peuvent être
cédés à d'autres agents. Des individus ou des entreprises entrant sur ces marchés ne prennent donc
pratiquement aucun risque en cas d'échec. Ils pourront se retirer sans subir de coûts vraiment
significatifs.
Si un marché est vraiment contestable, peu importe le nombre et la taille des entreprises. Pour éviter
les entrées potentielles sur le marché, un petit nombre de producteurs dominant le marché, et même
un monopole, peuvent être contraints de se comporter exactement comme s'ils étaient directement
confrontés à la rivalité d'un très grand nombre de concurrents. En effet, si des producteurs se
mettent à exploiter leur position dominante pour réaliser des superprofits en pratiquant des prix
élevés, ils attireront inéluctablement d'autres producteurs. Rien n'empêche d'autres entreprises
d'entrer sur ce marché devenu très profitable, d'empocher leur part des superprofits et de se retirer
dès que les firmes en place réagissent en abaissant leurs prix. La seule façon d'éviter des « raids »
de ce genre est d'agir comme une firme en situation de concurrence traditionnelle. Autrement dit,
sur un marché contestable, les entrées potentielles de nouveaux concurrents exercent la même
pression concurrentielle que leur présence effective.
Dans la réalité, on peut distinguer deux grandes catégories de marchés. Certains peuvent remplir à
peu près la plupart des conditions énumérées ci-dessus, à condition que les pouvoirs publics ne s'y
opposent pas par des réglementations : il s'agit des marchés de capitaux. En revanche, et quand
bien même les pouvoirs publics le souhaiteraient, la plupart des marchés de biens et le marché du
travail ne peuvent remplir pratiquement aucune des conditions de la concurrence parfaite.
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limite pas aux agents résidents : les marchés de capitaux sont aisément accessibles à n'importe quel
intervenant dans le monde parce qu'un coup de téléphone à un intermédiaire financier suffit pour
passer un ordre d'achat ou de vente sur n'importe quelle Bourse.
Les produits financiers (monnaies, titres, crédits) sont parfaitement homogènes; les agents ne
s'intéressent donc à aucune autre caractéristique du produit que son prix. En effet, sur le marché
monétaire, par exemple, un dirham prêté pendant un jour est équivalent à n'importe quel autre
dirham prêté pendant un jour. Aucune banque ne peut pratiquer un taux d'intérêt supérieur au taux
du marché en prétextant que les dirhams qu'elle prête sont de meilleure qualité que ceux offerts par
les autres banques ! Et sur la Bourse des valeurs mobilières, rien ne ressemble plus à une action de
l'entreprise Dupont qu'une autre action de l'entreprise Dupont !
Cela paraît une évidence ; mais quand on regarde du côté des marchés non financiers, l'homogénéité
du produit disparaît presque toujours.
Sur les marchés de capitaux, l'information circule vite et bien parce que toutes les offres et les
demandes pour un même produit homogène peuvent être confrontées pratiquement en permanence
en un même endroit (Bourse) ou sur un même réseau de télécommunications (marché monétaire et
marché des changes). De ce fait, tout le monde connaît en même temps les conditions du marché à
un moment donné. Les prix d'équilibre peuvent être fixés et ajustés très rapidement. Toute
information nouvelle affectant la façon dont les agents prévoient l'évolution d'un cours boursier,
d'un taux d'intérêt ou d'un taux de change se traduit presque instantanément par une modification
de leurs offres et de leurs demandes et donc des prix d'équilibre. Lorsqu'un agent particulier dispose
seul d'une information privilégiée (on dit qu'il est « initié »), d'une certaine façon il communique
son information aux autres agents en passant des ordres de vente ou d'achat dont les effets sont
immédiatement visibles par tous sur le marché.
En l'absence de réglementations, la mobilité des capitaux est forte, et parfois presque parfaite, parce
que les capitaux circulent sous la forme d'ordres de virement entre comptes bancaires donnés par
téléphone, télex et terminaux d'ordinateurs. Si les taux d'intérêt deviennent plus rémunérateurs à
Francfort qu'à Paris, il ne faut guère plus de quelques minutes pour passer des ordres de virement
et déplacer des capitaux entre la France et l'Allemagne par un simple jeu d'écriture électronique.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Sur la plupart des marchés de produits industriels, l'atomicité est un phénomène rare : il existe en
général quelques grandes entreprises qui assurent l'essentiel de la production et fixent les prix de
vente. C'est particulièrement le cas pour les produits industriels parce que la croissance pousse
naturellement à la concentration des entreprises en vue de tirer le meilleur parti des économies
d'échelle.
L'atomicité existe plus souvent dans le secteur des services, en particulier dans le commerce de
détail et les services aux ménages où coexistent en général un grand nombre de points de vente
concurrents. Toutefois, même dans ce dernier cas, la concurrence peut se trouver réduite par la
distance qui sépare les différents points de vente. Dès l'instant où il faut parcourir plusieurs
kilomètres pour trouver une autre entreprise offrant les mêmes services, chaque producteur
retrouve un certain pouvoir de monopole sur son territoire. Les marchés de capitaux ignorent cet
obstacle à la concurrence car les échanges se font tous en un même lieu physique (la Bourse) ou
sur un même réseau de télécommunications transformant la planète entière en un lieu unique.
Sur le marché du travail, l'atomicité n'est pas davantage préservée. Dans certains secteurs, le
nombre d'employeurs est restreint aux quelques grandes entreprises qui dominent une profession ;
l'État, dans de nombreux pays, emploie une proportion importante de la population active ; certains
agents peuvent donc exercer un effet sensible sur la demande de travail globale et les salaires du
marché. Il existe également des syndicats, qui limitent en fait le nombre d'offreurs de travail et la
concurrence entre travailleurs en centralisant les négociations avec les employeurs.
Indépendamment de toute réglementation, les coûts d'entrée dans bon nombre de secteurs
industriels sont élevés en raison de l'ampleur des investissements nécessaires. En conséquence, la
contestabilité de ces marchés se trouve réduite. Prenons un exemple : pour contester la position
d'un grand constructeur automobile, il faut mettre au point des modèles de véhicules, construire
des usines, lancer une production à grande échelle, et réaliser une campagne de communication et
de publicité extrêmement onéreuse. En cas d'échec, la plupart des frais d'études et les frais de
communication seront définitivement perdus, et les chaînes de montage seront en grande partie
impropres à un autre usage. Le coût de sortie éventuelle est donc considérable et assez dissuasif
pour d'éventuels concurrents.
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Au lieu de risquer un raid sur un marché difficilement contestable, il serait souvent moins long et
moins risqué de tenter un raid sur les actions d'un producteur déjà présent sur ce marché : on lance
une offre publique d'achat aux actionnaires de l'entreprise convoitée en vue d'acheter un volume
suffisant d'actions pour en prendre le contrôle. Si cette tentative échoue, on peut toujours se retirer,
en ne perdant essentiellement que les frais de communication engagés pour séduire les actionnaires.
L'homogénéité des biens et services est pratiquement impossible. En effet, les producteurs de biens
et services peuvent différencier leur produit en jouant sur d'autres caractéristiques que le prix de
vente. Ainsi, des baguettes de pain de même taille, de même poids, de même composition, de même
goût et de même cuisson, vendues dans des boulangeries concurrentes, ne sont pas des produits
parfaitement homogènes. Pourquoi ? Parce qu'il y a des baguettes avec sourire de la boulangère,
dans une boulangerie flambant neuve et ouverte à toute heure, et d'autres sans tous ces attributs !
Si l'on pouvait centraliser toutes les offres et toutes les demandes de baguettes avec sourire, dans
une boulangerie neuve ouverte à toute heure, alors l'homogénéité du produit mettrait les vendeurs
présents sur ce marché en concurrence parfaite.
De façon plus générale, les producteurs de biens et services peuvent le plus souvent différencier
leur produit de celui des concurrents en jouant sur des services associés à la vente (service après-
vente, livraison, délais), sur les caractéristiques objectives du produit (qualité, solidité, couleur) ou
encore sur des caractéristiques subjectives (le prestige de la marque, la mode, etc.). L'une des
raisons du développement considérable de la publicité dans les pays industrialisés tient à ce souci
constant qu'ont les producteurs de persuader les acheteurs que leur produit, contrairement aux
apparences, n'est pas identique à celui des concurrents. Lorsque cette différenciation est réussie,
les producteurs se retrouvent avec une sorte de monopole : ils sont les seuls à produire un bien ou
un service ayant telle ou telle caractéristique.
Peugeot SA est bien la seule entreprise à produire des automobiles « Peugeot », et ni Renault ni
Volkswagen, ni aucune autre entreprise, ne peuvent lui faire de concurrence sur ce terrain ! Comme
un monopole, le producteur retrouve alors le pouvoir de fixer son prix de vente et la pression de la
concurrence ne s'exerce plus uniquement sur le prix, mais aussi sur les caractéristiques du produit.
Les économistes qualifient ce mélange de concurrence et de monopole de « concurrence
monopolistique ».
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Sur le marché du travail, la différenciation est également la règle. Bien souvent, pour l'employeur,
le travail n' est pas une simple marchandise homogène dont on ne considère que la quantité et le
prix. La même quantité de travail offerte pour le même poste, au même prix, par deux personnes
différentes possédant les mêmes diplômes, ne sera pas toujours considérée comme un facteur de
production identique. En effet, la qualité et la productivité du travail dépendent de la quantité de
travail mais aussi de la motivation et du capital humain des salariés.
L'employeur s'intéresse donc également aux talents, aux défauts, à la capacité d'adaptation, aux
motivations, à la sociabilité, à la stabilité professionnelle, à l'honnêteté, à l'ancienneté, etc., de ses
employés : chaque individu correspond à une combinaison unique des différentes caractéristiques
susceptibles de l'intéresser. Le travail n'est donc pas une marchandise homogène. En conséquence,
la concurrence entre les travailleurs pour obtenir des emplois ne joue pas uniquement sur la quantité
de travail et le salaire.
De même, les individus à la recherche d'un emploi ne s'intéressent pas qu'à la quantité de travail
demandée et au salaire offert par les employeurs. Ils tiennent également compte de la réputation de
l'entreprise, de sa localisation, des données relatives aux autres salariés, de la taille de leur bureau,
de l'intitulé du poste, des perspectives d'évolution, etc. La concurrence entre les employeurs pour
attirer les travailleurs ne joue donc pas non plus uniquement sur le prix du travail.
Sur les marchés non financiers, l'information n'est jamais parfaite. A court terme, la difficulté à
disposer des informations pertinentes peut plonger les agents dans une situation de grande
incertitude. Il n'existe aucune bourse, aucun réseau de télécommunications qui permettent aux
travailleurs et aux employeurs de savoir, en même temps, quelles sont toutes les offres et les
demandes d'emplois disponibles sur le marché du travail, avec toutes leurs caractéristiques (salaire,
définition des postes, caractéristiques des travailleurs, etc.).
De même, les commerçants et les consommateurs d'une ville ne peuvent pas savoir à tout moment
comment évolue le prix d'un produit particulier dans tous les points de vente. Les producteurs ne
savent pas à chaque instant comment évolue l'offre de tous leurs concurrents et la demande de tous
leurs clients potentiels ; ils ne le découvrent qu'après coup, progressivement. En outre, le problème
de l'information est compliqué par l'hétérogénéité des produits, qui multiplie les caractéristiques à
connaître, tandis que pour des produits financiers homogènes, les agents se contentent d'une
information sur les quantités et les prix.
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Enfin, la mobilité des facteurs de production est bien plus réduite que celle des capitaux, parce que
les premiers ne peuvent circuler par téléphone. Pour un industriel français, il est plus simple de
racheter un concurrent allemand sur la Bourse de Francfort que d'installer une usine outre-Rhin.
Dans une certaine mesure, la mobilité des capitaux financiers sert de substitut à la mobilité du
capital physique (les équipements). La mobilité du travail est encore plus limitée que celle des
biens d'équipement. Il n'est pas nécessaire de demander leur avis aux machines pour les expédier
n'importe où. En revanche, les travailleurs ne sont pas généralement disposés, comme l'exigerait la
condition de mobilité des facteurs, à changer du jour au lendemain de ville, d'entreprise, de métier,
de poste, ou même parfois de bureau ou d'atelier.
Au total, il apparaît que si les marchés de capitaux peuvent éventuellement remplir les conditions
d'une concurrence presque parfaite, en revanche cela est impossible pour la plupart des marchés de
biens et pour le marché du travail. Le fonctionnement concret de ces deux types de marchés sera
donc très différent.
Sur les marchés de capitaux, les conditions de la concurrence entre les offres et les demandes étant
habituellement remplies, les lois de l'offre et de la demande peuvent fonctionner : la libre et
permanente fluctuation des prix assure, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, un équilibre
automatique des offres et des demandes. En un mot, la loi de l'offre et de la demande fonctionne
tout simplement parce que les marchés existent concrètement.
Inversement, dans la plupart des autres secteurs, le marché reste un concept abstrait. Concrètement,
les offres et les demandes ne peuvent pas se rencontrer en permanence sur un marché effectif. En
conséquence, face aux mouvements de l'offre et de la demande, les nouveaux prix d'équilibre ne
peuvent pas être rapidement déterminés et les agents commencent le plus souvent par ajuster les
quantités aux anciens prix.
Après la revue des principaux marchés, nous illustrerons les mécanismes d'ajustement par les prix
sur le marché le plus proche du modèle de la concurrence parfaite : la Bourse des valeurs
mobilières.
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→ Le marché monétaire est le marché des fonds à court ou moyen terme (1 jour à 7 ans). Il
comprend un marché interbancaire et un marché des titres du marché monétaire.
− Le marché monétaire interbancaire est réservé aux banques, qui s'échangent leurs avoirs
en compte à la banque centrale (par téléphone, par exemple). Les offres et les demandes de
prêts sont centralisées et confrontées par des intermédiaires spécialisés. L'essentiel des
échanges porte sur les prêts d'argent au jour le jour ou pour des durées assez courtes.
L'équilibre entre l'offre et la demande sur ce marché détermine le loyer de l'argent pour les
banques qui ont besoin de monnaie banque centrale pour accorder des crédits à leurs clients
et satisfaire à leurs obligations en matière de réserves obligatoires. Les conditions du
marché monétaire déterminent ainsi le taux de base bancaire, taux d'intérêt à partir duquel
les banques vont fixer les taux des différents crédits qu'elles consentent, en y ajoutant une
marge de profit variable selon la nature des prêts, leur durée et les risques qui y sont
associés.
− Le marché des titres du marché monétaire (billets de trésorerie, certificats de dépôts, bons
du Trésor négociables) est ouvert à tous les agents, mais les prêts et emprunts portent sur
un montant minimum élevé (Au Maroc, 1 million de dirhams). Les échanges se font par
téléphone, de gré à gré, c'est-à-dire par libre négociation directe entre le prêteur et
l'emprunteur, sans centralisation par des intermédiaires financiers. Cependant, la
concurrence joue entre les différents participants dans la mesure où les principales
institutions financières intervenant sur ce marché affichent en permanence les différents
taux d'intérêt offerts ou demandés.
→ Le marché financier est le marché des fonds prêtables à long terme (7 à 15 ans). On peut
distinguer le marché primaire et le marché secondaire.
− Le marché primaire porte sur la première mise en vente des titres nouvellement émis
(obligations, actions, etc.).
− Le marché secondaire, qu'on appelle plus communément la Bourse, est un marché de
l'occasion où l'on peut renégocier les titres déjà émis. Les Bourses des valeurs mobilières
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sont des lieux concrets où les offreurs et les demandeurs, ou leurs représentants, sont
présents physiquement.
→ Le marché des changes assure les échanges entre les différentes monnaies nationales. Seuls les
cambistes (spécialistes du change dans les banques), des intermédiaires spécialisés (courtiers) ou
des banques centrales interviennent sur ce marché. Les agents non financiers, pour leur part,
adressent leurs ordres d'achat ou de vente de devises aux banques. Le marché des changes est un
marché mondial constitué par des réseaux de télécommunications spécialisés. Chaque intervenant
sur ce marché a en permanence sous les yeux des écrans indiquant les cours auxquels sont en train
de se négocier toutes les monnaies en différents points de la planète.
Ces cours évoluent vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans la mesure où, à toute heure, il y a au
moins un marché ouvert quelque part dans le monde. Le taux de change d'une monnaie par rapport
à une autre fluctue donc continuellement au gré de l'offre et de la demande. Si la demande de dollars
contre euros augmente, le dollar s'apprécie par rapport à l’euro (l’euro se déprécie par rapport au
dollar) ; inversement, si la demande d’euros contre dollars augmente, le dollar se déprécie par
rapport à l’euro (l’euro s'apprécie par rapport au dollar). Et il en va ainsi pour le taux de change de
chaque monnaie dans chacune des autres monnaies. Les banques centrales interviennent pour
demander (acheter) la monnaie de leur pays quand elles veulent empêcher sa dépréciation, ou bien
pour offrir (vendre) cette monnaie si elles souhaitent éviter son appréciation.
− Les eurodevises sont des devises détenues en dépôt dans des comptes bancaires par des
agents non-résidents dans le pays émetteur de ces devises. Par exemple, les eurodollars
sont des dollars détenus par des agents non-résidents aux États-Unis, etc. A la différence
du marché des changes, où l'on achète et vend des devises, le marché des eurodevises
permet d'emprunter ou de prêter des devises à court terme ou moyen terme (de 1 jour à 1
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
an, le plus souvent). Le marché étant international, son fonctionnement échappe à toute
réglementation ; un gouvernement ne peut que définir les conditions d'accès de ses
ressortissants à ce marché.
− Le marché des euro-émissions est le marché des titres (obligations, bons) émis sur le
marché international pour lever des capitaux à long terme (de 7 à 20 ans).
En conclusion de cette revue des marchés, soulignons le fait que la loi de l'offre et de la demande
peut jouer, quel que soit le produit financier concerné, parce qu'il existe toujours un moyen de
confronter rapidement l'ensemble des offres et des demandes. Les agents intéressés ont accès
rapidement et en permanence à l'information sur l'ensemble des conditions d'échange pratiquées
dans le monde entier. La concurrence peut donc jouer pleinement, sous la seule réserve que les
pouvoirs publics veuillent laisser jouer cette concurrence sur les marchés nationaux, et laisser à
leurs ressortissants un libre accès aux marchés internationaux.
La Bourse est un marché de l'occasion des titres à long terme négociables (actions, obligations,
etc.). Chaque jour, l'ensemble des agents économiques peuvent transmettre leurs ordres d'achat et
de vente de titres à leur banque ou à des intermédiaires spécialisés qui négocient en Bourse. Le
cours (ou prix) d'un titre, à un moment donné, est fixé au niveau qui permet d'équilibrer au mieux
les quantités offertes et demandées.
La méthode de fixation des cours (de cotation) prenait à l'origine deux formes, l'une orale, l'autre
écrite, progressivement supplantées par le calcul informatique.
→ La cotation à la criée rassemble tous les agents présents autour d'un agent de change qui joue à
peu près le rôle d'un commissaire-priseur dans une vente aux enchères. Il crie le cours du titre
enregistré la veille. En réponse, les différents intervenants crient ce qu'ils sont disposés à offrir ou
à demander à ce cours. Si l'offre paraît supérieure à la demande, le cours est trop élevé pour écouler
tous les titres offerts. Le commissaire-priseur crie alors un autre prix plus faible pour freiner l'offre
et stimuler la demande, et ainsi de suite jusqu'à l'équilibre. Si la demande est supérieure à l'offre,
l'agent de change crie un prix plus élevé autant de fois que nécessaire pour atteindre l'équilibre. On
passe ensuite à la cotation d'un autre titre.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
→ Une cotation écrite est également possible. Un agent de change rassemble tous les ordres écrits
d'achat et de vente présentés pour un titre particulier par tous les intermédiaires présents sur le
marché ; il dresse le tableau des quantités offertes et demandées à différents prix et détermine le
cours qui permet d'équilibrer l'offre et la demande.
Depuis les années 1980, le traitement informatique des ordres d'achat et de vente s'est généralisé et
permet une cotation en continu. Dans ce cas, le cours n'est pas fixé une fois par jour à un moment
donné, mais connaît une succession de cotations tout au long de la période d'ouverture de la Bourse,
au fur et à mesure que de nouveaux ordres d'achat ou de vente sont présentés. On s'approche là au
mieux du concept théorique de marché concurrentiel où le prix d'équilibre est susceptible de
fluctuer en permanence pour adapter continuellement l'offre et la demande.
Le cours des titres en Bourse suit purement et simplement la loi de l'offre et de la demande. Si un
titre est plus demandé qu'offert, son cours s'élève ; s'il est plus offert que demandé, son cours
régresse. Parmi les facteurs susceptibles d'influencer les cours, il y a tout d'abord des facteurs
généraux, qui affectent l'ensemble des titres dans le même sens. Ainsi, un développement de
l'épargne disponible ou une confiance accrue dans la prospérité économique du pays stimulent la
demande de titres et orientent les cours à la hausse.
La confiance dans la prospérité d'un pays dépend elle-même d'un certain nombre d'indicateurs
économiques (croissance, chômage, inflation, balance des paiements) ; elle peut aussi être affectée
par des événements politiques (élections, mesures de politique économique effectives ou attendues,
conflits sociaux, etc.). Pour modifier leurs offres et leurs demandes de titres, les agents n'attendent
pas que les différents facteurs aient effectivement agi sur l'économie. Ils cherchent à éviter toute
perte en vendant des titres dont la valeur recule, ou à saisir toute opportunité de gain en achetant
des titres dont le cours va monter. Ils doivent donc prévoir (anticiper) l'évolution des cours pour
prendre leurs décisions.
A côté des facteurs généraux, il existe des facteurs spécifiques à tel ou tel titre ou catégorie de
titres. Ainsi, le cours des obligations à revenu fixe est directement influencé par le niveau des taux
d'intérêt. En effet, si les taux d'intérêt augmentent, personne ne veut plus détenir les anciennes
obligations, dont le taux de rémunération annuelle est inférieur à celui des obligations nouvellement
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
émises. Il s'ensuit une offre importante d'obligations anciennes en Bourse, et leur cours recule
jusqu'à ce que la rémunération fixe annuelle, divisée par le prix d'achat de l'obligation, représente
un taux de rémunération (en pourcentage) équivalent au nouveau taux d'intérêt. Inversement, si les
taux d'intérêt reculent, tout le monde veut détenir les obligations anciennes, dont le taux de
rémunération est plus avantageux. Il s'ensuit une forte demande d'obligations en Bourse, et leur
cours monte.
Le cours des obligations à rémunération fixe varie donc en sens inverse des taux d'intérêt. Les taux
d'intérêt peuvent également influencer le marché des actions dans la mesure où les investisseurs
rationnels comparent le taux de rendement des différentes formes de placement. Toutes choses
étant égales par ailleurs, une meilleure rémunération des nouvelles obligations peut détourner une
partie des fonds placés en actions vers les obligations, et faire reculer le cours des actions délaissées
jusqu'à un nouveau prix d'équilibre.
En ce qui concerne le cours d'une action particulière, les informations susceptibles de modifier les
anticipations des agents sur la santé de l'entreprise et en particulier sur ses profits, jouent un rôle
essentiel en Bourse (signature de gros contrats, fusion avec d'autres entreprises, conflit social,
changement de direction, nouvelle réglementation dans le secteur d'activité, etc.). En effet, la
rémunération des investisseurs vient des dividendes, dont le niveau est directement lié à celui des
profits.
Nous avons déjà souligné que les agents ne doivent pas attendre de constater l'évolution des cours
en Bourse pour modifier leurs ordres d'achat et de vente. Ils sont contraints de spéculer, c'est-à-dire
de procéder à des opérations à partir d'hypothèses sur l'évolution des cours. Si l'on s'attend à la
hausse d'un titre, il faut l'acheter avant que la hausse n'ait vraiment lieu. Inversement, si l'on spécule
à la baisse d'un titre, on le vend avant que la baisse ne se produise. Ce type de comportement a une
conséquence essentielle pour le fonctionnement de la Bourse et de la plupart des marchés de
capitaux : les anticipations des agents peuvent être autoréalisatrices. En effet, si tout le monde
s'attend à la hausse d'un cours, tout le monde achète le titre concerné et son cours augmente
effectivement. Notons que, dans un tel processus, il suffit que les individus pensent que le cours va
monter pour qu'il monte effectivement.
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Intro. aux sciences économiques Sem. 1 / Groupe : Eco.-C Pr. Driss EL GHOUFI
Dès lors, des phénomènes purement psychologiques et d'imitation des uns par les autres, peuvent
entraîner des fluctuations bien au-delà de ce qui paraîtrait justifié au vu des facteurs objectifs
susceptibles d'affecter le cours d'un titre (taux d'intérêt, profits, etc.). L'écart entre le cours observé
et le niveau qui serait justifié par des facteurs objectifs constitue ce que les économistes appellent
une bulle spéculative. Cette dernière peut continuer à gonfler uniquement parce que les agents se
comportent en moutons de Panurge.
Par exemple, tant qu'un individu pense que les autres vont continuer de spéculer à la hausse des
cours, il spécule à la hausse ; en effet, s'il vend ses titres alors que ceux-ci continuent à monter, il
est perdant. Si tout le monde raisonne ainsi, tout le monde continue à spéculer à la hausse même si
la hausse a déjà atteint depuis longtemps le niveau qui était justifié par la cause initiale de la
spéculation. Il arrive un moment où l'on achète des titres, non parce qu'il existe une raison objective
de penser que la valeur de ces titres doit monter, mais parce que l'on pense que les autres vont
continuer à acheter des titres dont les cours montent pour les revendre ensuite au cours maximum.
Chemin faisant, il arrive forcément un moment où les titres ont tellement monté sans raisons
objectives que chacun finit par penser que les autres vont se mettre à vendre pour prendre leurs
bénéfices avant que le cours ne redescende. Il ne faut alors pas grand-chose pour que les
anticipations se retournent brutalement et qu'un grand nombre d'investisseurs veuillent se
débarrasser au plus vite des titres encore très demandés la veille ; la demande reculant
soudainement, les cours diminuent, confirmant ainsi aux indécis que le mouvement de hausse est
terminé et qu'il convient de vendre au plus vite ; les phénomènes d'imitation qui avaient gonflé la
bulle peuvent alors jouer en sens inverse et la faire éclater brusquement. Il en va des bulles
spéculatives comme des bulles de chewing-gum : plus la bulle est grosse, plus elle a de chances
d'éclater. Quand le phénomène ne concerne pas quelques titres, mais une part importante du
marché, cela peut provoquer un krach boursier.
Nous avons souligné que la plupart des marchés non financiers ne peuvent remplir les conditions
de la concurrence parfaite. Dès lors, leur fonctionnement concret doit logiquement s'écarter de la
théorie pure de l'offre et de la demande. Et, de fait, en l'absence d'un marché concrètement organisé
comme l'est un marché financier, les échanges de biens ou de facteurs de production ne sont pas
équilibrés au jour le jour par des fluctuations de prix. A court et moyen terme, les producteurs et
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les employeurs préfèrent adapter la quantité de biens et de travail plutôt que de modifier les prix et
les salaires. L'interprétation de ce phénomène, et surtout de ses conséquences, est la principale
source de divergence entre les principales visions théoriques du fonctionnement d'une économie
de marché.
Habituellement, les entreprises ne modifient pas leurs prix de vente chaque matin, ni même chaque
mois, selon l'état de l'offre et de la demande sur leur marché. Confrontés à une augmentation
sensible de leur carnet de commande, les producteurs commencent le plus souvent par puiser dans
leurs stocks pour faire face à la demande ; si le mouvement perdure, ils augmentent leur production.
En règle générale, les entreprises fixent leurs prix une ou deux fois par an et ne les ajustent pas
dans l'intervalle, alors que le rythme des ventes peut varier souvent durant l'aimée. De même, les
employeurs n'ont pas coutume de renégocier les salaires plus d'une fois par an. En revanche, ils ont
souvent recours aux heures supplémentaires, aux travailleurs temporaires ou intérimaires, au
chômage partiel. Lorsqu'ils subissent un recul de leur activité, la plupart des employeurs ajustent
d'abord l'emploi (licenciements, départs à la retraite non remplacés, réduction des horaires, etc.)
avant de renégocier les salaires.
Pourquoi le mécanisme d'ajustement automatique et quasi instantané des prix constaté sur les
marchés de capitaux ne peut-il pas fonctionner aussi bien sur la plupart des autres marchés ?
Parce que, pour ajuster un prix à la suite d'un mouvement de l'offre ou de la demande, on doit
connaître le nouveau prix d' équilibre, et il faut que l'ajustement systématique du prix ne soit pas
trop coûteux. Or, les marchés non financiers se heurtent précisément à deux problèmes : celui de
l'information et celui des coûts d'ajustement des prix.
• Le problème de l'information
L'agent de change ou l'ordinateur qui doit fixer le nouveau prix d'équilibre à chaque fois que l'offre
ou la demande d'un titre se modifie, n'a pas de difficulté à le faire parce qu'il centralise en
permanence la totalité de l'information nécessaire pour trouver le prix d'équilibre. Sur les marchés
de biens ou sur le marché du travail, en revanche, il n'existe aucun lieu, aucune institution, aucune
procédure qui permette de rassembler les informations pertinentes. Si une entreprise voit son carnet
de commandes augmenter, elle ne sait pas si ce mouvement est éphémère ou durable, s'il agit aussi
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en faveur de ses concurrents ou non ; à court terme, il est toujours plus sage d'attendre, afin de
découvrir ce qui se passe réellement sur le marché. Ensuite, si l'entreprise décide de relever son
prix de vente, elle ignore quelle doit être l'ampleur de cette hausse, qu'elle doit chercher à adapter
à la réaction anticipée de la demande (à son élasticité) et des concurrents. En comparaison, un
ajustement de la quantité produite pour un prix inchangé donne toujours un résultat certain pour
l'entreprise : elle connaît ses recettes, ses coûts, et donc son profit.
Il en va de même sur le marché du travail. Admettons que toutes les raisons de maintenir un salaire
stable présentées au chapitre 2 ne soient pas pertinentes pour un employeur. Dans ce cas, un recul
des débouchés amène l'entreprise à réduire sa demande de travail. Selon la loi de l'offre et de la
demande, cela implique un nouvel équilibre, avec un salaire et un volume de travail plus faibles.
L'employeur devrait donc réduire les salaires jusqu'à leur nouveau point d'équilibre, laissant aux
travailleurs le soin de réduire le volume de travail offert.
Néanmoins, à court terme, l'employeur peut préférer adapter l'emploi sans toucher aux
rémunérations. En effet, il ne dispose pas d'une Bourse du travail qui lui indique chaque matin le
nouveau salaire d'équilibre d'un électricien, d'un soudeur, d'un contrôleur de gestion, etc. Il ignore
l'ampleur de la baisse des salaires qui serait souhaitable pour atteindre le nouvel équilibre. En
particulier, il mesure mal les effets précis de cette baisse des salaires sur le volume de travail – et
donc de production – dont il pourra disposer. Il se doute bien qu'une baisse des salaires va réduire
l'offre de travail de ses employés : certains travailleront moins longtemps, d'autres
démissionneront, d'autres accepteront les baisses de salaire mais limiteront leur effort.
Mais l'employeur ne connaît pas exactement l'ampleur de ces réactions ni la liste correspondante
des salariés concernés. S'il décide d'une baisse des salaires insuffisante, il va se retrouver avec un
niveau d'emploi trop important et devra procéder à de nouvelles réductions de salaires, et ainsi de
suite. Inversement, si la baisse des salaires est trop forte, l'entreprise est confrontée à des démissions
plus nombreuses que prévu, et, comme dit l'adage, ce sont souvent les meilleurs qui partent en
premier; le volume de travail est alors insuffisant et l'employeur doit relever les salaires pour attirer
à nouveau des travailleurs, et ainsi de suite.
On imagine mal les employeurs tâtonner ainsi jusqu'à trouver enfin le salaire d'équilibre, comme
un agent de change tâtonne pour trouver le nouveau cours d'équilibre d'une action. A court terme,
l'entreprise peut préférer réduire l'emploi en choisissant les salariés qui vont subir cet ajustement
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et en laissant inchangé le salaire des autres. Cela présente au moins l'avantage de la certitude quant
au résultat : l'entreprise sait de quelle quantité et de quelle qualité de travail elle dispose, et à quel
coût. Elle sait bien qu'elle paie désormais ses employés trop cher et que, en théorie, il existe un
niveau des salaires, plus bas, qui équilibrerait l'offre et la demande et lui permettrait un profit plus
élevé. Mais elle ne sait pas comment trouver rapidement ce nouveau prix d'équilibre du travail sans
risquer une succession d'ajustements inadéquats des salaires désorganisant la composition de sa
force de travail et sa production.
Nous arrivons là au second aspect du problème posé par l'ajustement des prix : il s'agit d'un
processus coûteux.
Cela ne coûte pas grand-chose à un agent de change de crier un, deux, ou trois prix de plus pour
voir comment réagissent les offreurs et les demandeurs rassemblés sur un même marché. En
revanche, les modifications de prix des biens ou du travail engendrent des coûts non négligeables.
Il y a tout d'abord les opérations matérielles entraînées par une variation des prix de vente: réédition
des étiquettes, des bons de commande, des catalogues, des documents promotionnels, etc.
En matière de salaires, il existe assurément des coûts de négociation. Toute modification des
salaires est l'occasion de négociations plus ou moins longues et coûteuses avec les salariés et les
syndicats qui, en général, estimeront trop forte une baisse, et trop faible une hausse des
rémunérations. La multiplication des négociations développe les occasions de conflit, de grève, qui
freinent la production. A cela viennent s'ajouter toutes les raisons que l'employeur peut avoir de
préserver une bonne relation à long terme avec une partie de sa force de travail en évitant de lier
l'évolution des salaires à celle de la conjoncture.
Par ailleurs, les producteurs ont le plus souvent intérêt à établir avec leurs clients des relations
stables. Une entreprise qui modifie constamment ses prix de vente met ses clients dans une situation
d'incertitude permanente sur leurs coûts d'approvisionnement ; elle les incite donc à rechercher en
permanence les meilleures conditions du marché. La stabilité des prix, au contraire, incite les
clients à revenir chez le même fournisseur, ne serait-ce que parce qu'elle limite leur incertitude sur
les coûts et évite les charges supplémentaires associées à la recherche de nouveaux fournisseurs.
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Un restaurant qui changerait le prix des plats tous les soirs, voire entre l'entrée et le dessert, pour
adapter les prix à l'état de la demande à chaque instant, aurait sans doute du mal à fidéliser sa
clientèle ! Dans ce contexte, les producteurs ont plutôt coutume de changer leurs prix à intervalles
réguliers (une ou deux fois par an), à un moment où leurs clients s'attendent à un tel changement.
Enfin, les décisions sur les prix sont parfois peu réversibles à court terme, ce qui engendre des
pertes en cas d'erreur. Imaginons une entreprise qui baisse ses prix pour s'adapter à un recul de la
demande ; si la demande repart très rapidement, elle pourra difficilement, vis-à-vis de sa clientèle
stable, relever aussitôt ses prix. Si un employeur accorde des hausses de salaires pour stimuler ses
travailleurs durant une période de surchauffe de l'activité, il lui sera difficile de baisser ensuite les
salaires si la surchauffe se révèle n'être qu'un feu de paille ; il est moins risqué d'embaucher des
travailleurs temporaires ou de recourir aux heures supplémentaires.
Cela dit, les délais d'information et les coûts d'ajustement ne disqualifient pas complètement le
modèle du marché concurrentiel en tant qu'outil d'analyse économique. En effet, sur les marchés
de biens et le marché du travail, la loi de l'offre et de la demande finit toujours par jouer dans le
sens prédit par la théorie pure. En règle générale, les entreprises modifient leur politique de prix ou
de salaires pour s'adapter à des transformations durables de leur environnement, parce qu'alors les
gains associés à ces modifications peuvent l'emporter sur les coûts d'ajustement. Mais, à court
terme, quand on manque d'information sur l'ampleur et la durabilité des transformations en cours,
l'ajustement des prix est souvent plus risqué et plus coûteux que celui des quantités.
Une part essentielle du débat entre les économistes porte précisément sur cette différence entre le
long terme et le court terme, négligeable dans la vision libérale inspirée des économistes classiques
du XIXe, fondamentale dans la vision interventionniste inspirée de la théorie keynésienne.
Dans un premier temps, de façon assez simpliste mais néanmoins éclairante, on peut distinguer
deux logiques fondamentales selon le degré de confiance qu'elles accordent à l'efficacité des
mécanismes d'ajustement par les prix : les logiques classique (ou libérale) et keynésienne (ou
interventionniste). Mais cette opposition, commode sur le plan pédagogique, ne recouvre pas un
clivage aussi marqué chez les économistes. On pourrait davantage parler d'une sensibilité classique
(ou libérale) et d'une sensibilité keynésienne. Entre ces deux visions, il existe en effet deux ponts
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qui autorisent une infinité de nuances intermédiaires : le rôle du temps et le rôle de l'information
dans les mécanismes du marché.
La vision libérale part du postulat de parfaite flexibilité des prix. Si tous les prix sont parfaitement
flexibles sur tous les marchés, il ne peut y avoir de déséquilibre durable dans l'économie. Toute
divergence entre l'offre et la demande de biens est corrigée rapidement par une variation des prix ;
tout écart entre l'offre et la demande de travail (et donc tout chômage) est éliminé par un ajustement
des salaires ; tout déséquilibre entre les capacités et les besoins de financement est résorbé par des
mouvements des taux d'intérêt. Seules des réglementations ou des interventions de politique
économique venant gêner ou bloquer la libre négociation des prix et des salaires peuvent engendrer
des déséquilibres durables dans l'économie nationale.
Historiquement, cette logique libérale recouvre une grande partie des économistes dits « classiques
» des XVIIIe et XIXe siècles (en particulier A. Smith, J.-B. Say, D. Ricardo, J. S. Mill), les
néoclassiques qui, de 1870 à nos jours, ont tenté de démontrer mathématiquement les vertus prêtées
aux mécanismes du marché par les classiques (L. Walras, V. Pareto, A. Marshall, A. C. Pigou, M.
Allais, K. J. Arrow, G. Debreu, etc.), les monétaristes, ainsi dénommés pour le rôle déterminant
qu'ils accordent à la monnaie dans l'explication des fluctuations et des problèmes économiques (M.
Friedman est leur chef de file), les nouveaux classiques qui, dans les années 1970, ont développé
la théorie des anticipations rationnelles pour démontrer la validité de la théorie classique des
marchés dans le très court terme comme dans le long terme (R. Barro, R. Lucas, T. Sargent).
La vision keynésienne, ou interventionniste, initiée par les travaux de John Maynard Keynes (1883-
1946), part d'un postulat inverse à celui des classiques : à court terme les prix et les salaires sont
fixes, et ils s'adaptent ensuite moins vite que les quantités. Mais cela ne résulte pas des interventions
de l'État dans les processus économiques. Il en va ainsi parce que les agents préfèrent adapter les
quantités (emploi, stocks, production, investissement) plutôt que les prix et salaires. De plus,
comme nous l'expliquerons au chapitre suivant, même si les prix et les salaires étaient parfaitement
flexibles à court terme, cela ne suffirait pas à rétablir l'équilibre sur la plupart des marchés non
financiers. Dès lors, un déséquilibre sur le marché des biens ou sur le marché du travail peut se
maintenir au-delà du très court terme. Récession et chômage sont alors des phénomènes durables
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qui justifient la mise en œuvre de politiques économiques pour suppléer aux carences des
mécanismes automatiques du marché.
Dans l'analyse économique moderne, les différentes sensibilités doctrinales sont au moins
convergentes quant à l'identification des vrais problèmes. Tout le monde reconnaît qu'à très long
terme, la loi de l'offre et de la demande tend le plus souvent à exercer les ajustements décrits par le
modèle du marché concurrentiel. Cela reste exact même en présence de régimes politiques hostiles
aux mécanismes du marché : à long terme, les économies planifiées débouchent sur des
inefficiences croissantes dans l'utilisation des ressources et sur une insatisfaction croissante des
besoins des populations, qui les conduisent à leur perte. A cet égard, l'histoire du XXe siècle est
bien celle de la progression, parfois lente, parfois stoppée, mais inéluctable, de la plupart des
sociétés vers l'économie de marché.
A l'opposé, tout le monde reconnaît qu'à très court terme, la loi de l'offre et de la demande ne joue
pas comme prévu par la théorie pure sur la plupart des marchés non financiers. A très court terme,
presque tous les marchés non financiers sont en déséquilibre, parce que l'offre et la demande varient
tous les jours et qu'il est impossible d'ajuster les prix d'équilibre tous les jours.
Le vrai débat entre économistes ne porte finalement pas sur les mécanismes d'ajustement en œuvre
dans l'économie, mais sur la durée des ajustements. La question est de savoir si les mécanismes de
retour automatique d'un marché vers l'équilibre sont suffisamment rapides pour qu'il soit préférable
d'attendre que « cela se passe ». La durée des processus d'ajustement dépend elle-même de la
qualité de l'information disponible sur les marchés. Tous les marchés où l'information peut être
centralisée et traitée rapidement fonctionnent presque comme des marchés théoriques de
concurrence parfaite. Et pour un niveau d'information donné, la rapidité des ajustements dépend
des anticipations des agents, c'est-à-dire de la façon dont ils traitent les informations disponibles.
Plus les anticipations s'appuient sur l'expérience passée, plus lente sera l'adaptation à des
phénomènes nouveaux.
Information, anticipations, délais d'ajustement, voilà donc les objets fondamentaux du débat entre
les visions classique et keynésienne.
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