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Encyclopédie berbère

1 | 1984
1 | Abadir – Acridophagie

'Abd el-Krim
J.-L. Miège

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1231
DOI : 10.4000/encyclopedieberbere.1231
ISSN : 2262-7197

Éditeur
Peeters Publishers

Édition imprimée
Date de publication : 1 novembre 1984
Pagination : 73-77
ISBN : 2-85744-201-7
ISSN : 1015-7344

Référence électronique
J.-L. Miège, « 'Abd el-Krim », Encyclopédie berbère [En ligne], 1 | 1984, document A15, mis en ligne le 01
décembre 2012, consulté le 05 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/
encyclopedieberbere/1231 ; DOI : https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.1231

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'Abd el-Krim 1

'Abd el-Krim
J.-L. Miège

1 Mohamed ben ‘Abd el-Krim naquit vers 1882 chez les Aït Khattab, fraction des Beni
Ouriaghel, une des tribus berbères les plus puissantes, les plus belliqueuses et les plus
indépendantes du Rif central, où sa famille possédait une forte influence. Après de
solides études traditionnelles à Ajdir, Tétouan et Fès, ‘Abd el-Krim s’installe dans le
préside espagnol de Melilla où il est, en 1906, rédacteur du journal Telegrama del Rif.
Secrétaire du Bureau des affaires indigènes en 1907, cadi, puis cadi chef en 1914, sa
collaboration avec les autorités espagnoles et ses différentes fonctions le familiarisent
avec les méthodes administratives. Ses contacts avec des milieux divers lui permettent
de compléter, par une riche information moderne, sa formation de lettré arabe.

La Guerre du Rif (extrait de « Abd el Krim et la République du Rif »).

2 Quittant l’administration espagnole, ‘Abd el-Krim se fixe en 1919 à Ajdir et commence,


à partir de 1920, à soulever les Beni Ouriaghel contre l’Espagne. La politique de

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répression, qui suit l’intervention du général Sylvestre, multiplie les ralliements au


chef rifain. Aidé de son frère M’hamed, son conseiller politique, ‘Abd el-Krim remporte
d’importants succès. La défaite espagnole d’Anoual, le 22 juin 1921, enflamme le Rif.
3 Il renforce dès lors son pouvoir. En peu de temps, il crée un Etat, avec un « makhzen »
(gouvernement central) qui, encore assez rudimentaire, présente un mélange de traits
traditionnels et modernes.
4 Ses ambitions augmentent. Après n’avoir envisagé que l’indépendance de sa propre
tribu des Beni Ouriaghel, il élargit son champ d’action à tout le Rif qu’il proclame
république et dont il devient le président. Le choix du terme république doit, pense-t-il,
attirer la sympathie occidentale et flatter les traditions démocratiques berbères. En
juillet 1923, il adresse au Parlement français un appel en faveur de la « renaissance
nationale » du Rif. Rapidement sa renommée devient internationale : il noue des
relations avec un comité britannique, attiré par la richesse minière du Nord marocain,
cherche l’appui du Komintern et du Parti communiste français, trouve des aides dans le
monde islamique profondément remué par la renaissance arabe.
5 La proclamation d’une république indépendante du Rif, à l’intérieur des frontières
nationales de l’empire chérifien, remet en cause l’autorité absolue du sultan ; mais elle
représente aussi une menace sur la région frontière de la zone du protectorat français.
D’où d’inévitables accrochages avec les forces françaises, protectrices de la monarchie
chérifienne et soucieuses de sauvegarder la libre circulation dans le corridor de Taza.
6 Profitant du repli espagnol sur la côte, en 1924, et délivré de son rival Raïssouli, qu’il
fait prisonnier en 1925, ‘Abd el-Krim prend les devants. Ses violentes attaques, au
printemps de 1925, sont difficilement contenues. Fès est menacée et ‘Abd el-Krim
annonce sa prise pour le mois de mai. Bloqué au sud, il envahit l’Est et l’Ouest où le
ralliement des Jebala le conduit au seuil du Gharb. Il double ses hauts faits d’une vaste
action auprès de l’opinion publique française et internationale.

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Abd el Krim en 1925 (extrait de « Abd el Krim et la République du Rif »).

7 Le gouvernement français riposte en envoyant des renforts considérables, en unifiant


le commandement militaire placé sous l’autorité du maréchal Pétain. Un accord est
conclu avec l’Espagne pour une action commune. Les anciennes positions sont
progressivement réoccupées. Les pourparlers de paix d’Oujda ayant échoué (mars
1926), une offensive générale franco-espagnole, sous l’énorme masse de son armement
et le nombre de ses bataillons, écrase les troupes de l’émir, ‘Abd el-Krim se rend le 27
mai ; le 27 août, il quitte Fès, exilé dans l’île de la Réunion.
8 Là, ‘Abd el-Krim vit au milieu de nombreux enfants, les siens, ceux de son frère et de
son oncle, dans l’atmosphère, recréée, de la civilisation villageoise du Rif. A plusieurs
reprises, en 1932 et en 1936, il est question de son transfert en France. Il ne l’obtient
qu’en mai 1947. Au cours de l’escale en Égypte, il s’échappe du navire qui le transporte
et trouve asile au Caire (31 mai 1947).
9 Avec Bourguiba et les leaders nationalistes marocains ‘Abd el-Khaleq Torres et Allai el-
Fassi, il fonde, au Caire, le 9 décembre 1947, un Comité de libération du Maghreb arabe
dont il est président à vie. Le 5 janvier 1948, l’émir lance un manifeste, contresigné par
les représentants des principaux partis nord-africains, engageant la lutte pour
l’indépendance de l’Afrique du Nord.
10 Mais ‘Abd el-Krim, vieilli, aigri, hostile à la monarchie marocaine, ne peut maintenir
autour de lui l’union des chefs nationalistes maghrébins. Au cours de la crise marocaine
de 1953, il refuse de choisir entre les partisans du sultan déchu, Moulay Youssef, et ceux
de Moulay Arafa. Il garde, les années suivantes, une intransigeance absolue. Le 4 mai
1956, il affirme encore : « Nous n’acceptons pas de solution de compromis en Algérie, au
Maroc ou en Tunisie. Nous voulons l’indépendance totale. » Il refuse de revenir au
Maroc « avant que le dernier militaire étranger ait quitté le sol maghrébin » et dénonce

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avec violence la « trahison » des accords d’Evian. C’est au Caire qu’il meurt en février
1963, à l’âge de quatre-vingt-un ans, des suites d’une crise cardiaque.
11 Quel est le rôle historique d’‘Abd el-Krim et son exacte personnalité ? La propagande
des autorités du protectorat s’attachait à le dépeindre comme un de ces nombreux
roguis (prétendants) surgis au Maroc, à l’image de Bou Hamara, qui, dans ce même Rif,
quelques années auparavant, s’était dressé contre le maghzen. S’il ne fut pas le simple
rebelle fanatique et ignorant, xénophobe et ne représentant que des aspirations
tribales parées d’oripeaux démocratiques, fut-il, comme l’affirmaient ses partisans, le
Mustapha Kemal du Maghreb qui aurait pu faire d’Ajdir l’Ankara de l’Ouest ? Pour
certains, par exemple Montagne, il « représente authentiquement le vieux Maroc des
tribus », et « les résistances acharnées qu’oppose l’Islam traditionnel à l’influence de
l’Occident ». Il est avant tout un homme du passé, un « primitif » de la révolte. D’autres,
tel Pessah Shinar sont sensibles à son modernisme, à ce qu’il apporte « de neuf dans les
annales politico-religieuses du Maghreb : la première manifestation d’un nationalisme
arabo-berbère militant et d’un modernisme islamique dans un environnement
purement berbère ».
12 Le retentissement de son action s’étendit du Maroc à la Tunisie et atteignit l’Orient,
traversé par la crise de l’après-guerre, ébranlé par la chute du califat et la montée du
nationalisme. ‘Abd el-Krim personnifia en quelque sorte le refus fondamental qui
marque encore profondément tout un courant de ce nationalisme.
13 Il ne deviendra pas seulement un des apôtres du Maghreb arabe et de son unité. La
guerre du Rif servira de modèle aux mouvements d’indépendance d’autres pays
colonisés. Hô Chi Minh, glorifiant en ‘Abd el-Krim « le précurseur », reconnaît tout ce
que les révoltes armées doivent à ce modèle de résistance militaire : action étendue et
simultanée pour empêcher la concentration ennemie, mise en condition de la
population, recours aux initiatives diplomatiques diverses, appel à l’opinion publique
nationale et internationale, formation de comités de soutien... ‘Abd el-Krim, sans
conteste un des promoteurs du nationalisme maghrébin, a été également l’un des
théoriciens de la lutte armée pour la libération.

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INDEX
Mots-clés : Biographie, Histoire contemporaine, Espagne, France

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