Defis Et Besoins Des Intervenantsl Face A La Thematique de L'homoparentalite
Defis Et Besoins Des Intervenantsl Face A La Thematique de L'homoparentalite
Defis Et Besoins Des Intervenantsl Face A La Thematique de L'homoparentalite
Résumé
Défis et besoins des intervenants psychosociaux en planning familial face à la thématique de
l’homoparentalité. – Depuis 2006, en Belgique, le cadre législatif permet aux couples homo-
© Médecine & Hygiène | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 78.199.14.59)
Introduction
Les intervenants psychosociaux sont confrontés à une société changeante qui
leur pose de nouveaux défis tant dans leur clinique que vis-à-vis des concepts
théoriques auxquels ils se réfèrent.
187
même sexe adoptent des enfants ou ont recours à l’insémination artificielle.
Ainsi, relativement au nombre total d’enfants adoptés en Belgique, la proportion
d’adoptions octroyées aux couples de même sexe est en constante progression,
passant de 0,1 % des adoptions totales en 2009 à 1,5 % en 2013 – c’est-à-dire que
sur les 714 adoptions effectuées en Belgique en 2013, 11 étaient destinées à des
parents homosexuels (Dir. Gén. Stat., 2015). Une nouvelle réalité se dessine donc
depuis plus d’une décennie : celle des familles homoparentales. Or, nonobstant
les droits civils qui sont octroyés aux gays et aux lesbiennes, la question de l’ac-
ceptation sociale des couples de même sexe et de leurs enfants reste posée.
Ainsi, les psychologues et les intervenants de la santé publique sont
aujourd’hui face à une réalité qui les interpelle et qui leur demande d’intervenir.
Ils sont de plus en plus sollicités en tant qu’experts et thérapeutes dans des situa-
tions familiales ou scolaires inédites. Leurs interventions sont nombreuses : tra-
vail clinique, psychoéducation, sensibilisation dans les écoles, conférences…
188
Dès lors, le gouvernement belge a mis en place un Plan d’action interfédéral de
lutte contre l’homophobie et la transphobie (PAICVHT, 2013), qui a pour but de
créer un cadre général d’action avec un comité de pilotage et comporte différentes
priorités, parmi lesquelles l’éducation. Ainsi, afin de lutter contre l’homophobie en
milieu scolaire, différents dispositifs sont mis en place : l’organisation de pro-
grammes d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS), l’intro-
duction des thématiques de la diversité des sexualités et des genres dans les
programmes de cours, la promotion d’une culture d’ouverture autour de l’orienta-
tion sexuelle et l’identité de genre, la communication explicite autour de la lutte
contre l’homophobie, la mise en place de groupes de soutien pour les élèves
LGBT, etc. C’est dans ce contexte que les plannings familiaux interviennent comme
professionnels mandatés afin d’organiser d’une part un espace d’accueil et de
consultations pour les personnes gays et lesbiennes, et d’autre part organiser des
animations autour des thématiques du genre et de la sexualité dans les écoles.
Car en effet, les spécialistes et les intervenants du champ médico-psychoso-
cial occupent une place spécifique en tant que producteurs de données et d’avis
publics au regard de leurs compétences particulières. Ainsi, ils interviennent dans
des dispositifs d’accompagnement et de soins, où ils sont amenés à rencontrer
des individus, des couples et des familles d’homosexuels, ou les familles d’origine
de ces personnes. Ces spécialistes sont donc à la fois porteurs de l’éclairage
théorique et de l’expérience clinique qu’ils mettent en œuvre dans leur expres-
sion publique et dans leurs pratiques d’intervention, mais sont tout autant sujets
sociaux imprégnés des valeurs de leur époque (Vecho et Schneider, 2012). L’ana-
lyse des représentations de ces spécialistes, au cœur des dynamiques de l’évo-
lution de ces représentations, présente donc un intérêt particulier.
Ainsi, le présent travail vise à comprendre quel est le vécu des intervenants
psycho-sociaux, quels sont leurs questionnements, leurs doutes et leurs besoins,
afin de pouvoir donner un sens au contenu de leurs interventions.
La présente recherche
Objectifs et questions de recherche
L’objectif général de la présente étude est l’analyse des pratiques des interve-
nants psychosociaux qui travaillent en planning familial. Pour ce faire, trois
objectifs ont été poursuivis : 1) comprendre la réalité de terrain à laquelle sont
189
confrontés les intervenants psychosociaux dans le cadre de leur pratique en
planning familial ; 2) investiguer leurs procédures d’intervention et 3) identifier
leurs questionnements et leurs besoins.
Recrutement
Différents planning familiaux ont été contactés via la Direction de l’établisse-
ment, afin de proposer la recherche. Tous les membres de l’équipe du planning
ont été invités à participer à la recherche.
Population
Les entretiens se sont déroulés entre fin novembre 2013 et début février 2014.
Nous avons rencontré 38 travailleurs (35 femmes et 3 hommes) engagés dans
six plannings familiaux situés en région liégeoise (Belgique). La plupart
exercent comme assistants sociaux (16) ou comme psychologue (14) ; une sexo-
logue, un médecin et une conseillère conjugale ont également participé à la
recherche. Certains sont engagés à temps plein (15), d’autres à temps partiel
(20) ou en tant qu’indépendant (3). Leur âge se situe entre 22 et 71 ans (moyenne
d’âge 38 ans). Au niveau de leur situation familiale, 6 sont célibataires, 5
divorcés ou séparés, 12 en couple et 15 mariés. 22 d’entre eux ont des enfants,
et 16 n’en ont pas. La majorité est de culture belge (30) et 8 appartiennent à une
autre culture. Au niveau de la religion, 18 affirment n’en avoir aucune (athée ou
agnostique), 17 sont catholiques, 1 protestant et 2 ont préféré ne pas répondre.
Relativement à leur degré de contact avec la communauté homosexuelle, 4 par-
© Médecine & Hygiène | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 78.199.14.59)
Méthodologie
Nous avons utilisé la méthode des focus groupes (Kitzinger, Markova et Kalampa-
likis, 2004). Un focus groupe est un groupe de discussion formé de 6 à 10 per-
sonnes, animé par un modérateur compétent et organisé dans le but de cerner
un sujet ou une série de questions pertinents pour une recherche. Le « focus »,
c’est-à-dire le point de focalisation, est explicite pour les participants, et le
chercheur guide la discussion vers les questions thématiques.
190
Analyse1 : approche systémique des réalités
de terrain en planning familial
Le contexte
Le cadre de travail
Le planning familial est un organisme subsidié dont les missions sont définies par
un décret. Un planning a comme fonction l’accueil et les consultations, ainsi que
les animations. « D’une part je trouve aussi qu’en travaillant dans ce secteur-ci, il
y a des questions qui font partie de tout ce sur quoi on doit avoir l’oreille ouverte
et c’est des questions de société actuellement, enfin bon voilà d’une part. » Les
travailleurs du planning familial savent que l’ouverture à la diversité est l’une de
leurs missions. Lorsqu’il s’agit de parler d’homosexualité, ils se réfèrent alors à
leur cadre de travail : « Le cadre du planning a bien choisi de ne pas être contre, et
même au contraire d’accueillir, de répondre, de soutenir chacun dans sa sexualité
quelle qu’elle soit. Ce ne serait pas possible de travailler en planning et de dire moi
je ne veux pas recevoir des homosexuels parce que je ne les supporte pas. »
L’implantation géographique
Par ailleurs, l’environnement géographique dans lequel se trouve le planning a
un effet tant sur la population qui s’y présente (et sur le type de demandes), que
sur le contenu de ce qui peut être dit en animation. Par exemple, le fait que le
planning soit situé dans une grande ville, avec une population hétérogène et
multiculturelle, sera très différent que s’il se situe dans une petite banlieue.
Dans l’extrait qui suit, les participants soulignent comment le degré d’ouverture
à la diversité peut être différent d’une ville à l’autre : « F : Ben ce qu’on voit
1
Le discours des participants a été anonymisé et sera relaté dans la présente analyse
entre guillemets et en italique.
191
beaucoup ici, c’est les hommes aux robes longues avec la barbe et vraiment on a
l’impression d’être dans… (…) Enfin… F : Ici, c’est plus fermé.» Par ailleurs, il sem-
blerait qu’il n’est pas toujours facile d’oser franchir la porte du planning familial :
« Il y a plein de gens qui sont gênés d’entrer ici. On entre ici, on sort, on est catalogué.
Il y a des femmes qui se cachent pour venir. »
Homosexualité et homoparentalité :
réalités de terrain des plannings familiaux
Tout d’abord, comme le relate une psychologue, l’homosexualité est encore une
réalité marginale en consultations : « Il y a de temps en temps des personnes qui
viennent et qui sont homosexuelles, mais dans ma pratique j’ai l’impression que
c’est quand même très marginal encore. » Toutefois, les demandes d’interven-
tions posées par les personnes homosexuelles qui se présentent au planning
sont très variées. En effet, lorsque des personnes homosexuelles viennent
consulter un psychologue au planning familial, leurs demandes sont variées et
ne touchent pas uniquement à la thématique de leur orientation sexuelle. Par
ailleurs, il semblerait que les demandes de suivi psychologique proviennent
surtout des femmes lesbiennes plutôt que des hommes gays. Parmi les théma-
tiques abordées en consultation, nous retrouvons : la difficulté lorsque la famille
se recompose, des couples de femmes qui veulent un enfant et se questionnent
notamment sur qui va le porter, des cas de violence conjugale, la souffrance
face au coming out (est-ce que je le dis, est-ce que je ne le dis pas ? Comment
faire le pas?) ou au manque de soutien de l’entourage, les troubles de la sexua-
lité,… « C’est pas simple de faire des choses toutes simples comme prendre la main
© Médecine & Hygiène | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 78.199.14.59)
192
En animations scolaires, le principal constat est qu’il n’y a pas d’anima-
tion exclusivement sur l’homosexualité. C’est une thématique parmi tant
d’autres, qui est abordée au compte-gouttes pendant une animation plus tradi-
tionnelle sur la vie affective et sexuelle. Un planning a partagé les outils qui
sont parfois utilisés en animation : 1) D’accord pas d’accord : l’animateur
donne dix phrases et les élèves doivent se positionner et dire s’ils sont d’ac-
cord ou pas d’accord avec ces phrases ; 2) Un sac à onglets dans lequel il y a
plusieurs photos, dont une photo de deux personnes homosexuelles, ou qu’on
imagine homosexuelles, et on leur demande ce qu’ils pensent des photos ; 3) Il
est demandé aux jeunes de réfléchir à partir d’exemples concrets. Par exemple :
« si un enfant est à un arrêt de bus où il y a deux personnes homosexuelles qui
s’embrassent tout simplement, et deux personnes hétérosexuelles qui se touchent
dans le pantalon en plein public. Est-ce que vous arrêtez un des couples ? Et si
oui, lequel ? »
193
une attitude plutôt négative puisque 34,52 % refuseraient de faire une sortie,
26,61 % refuseraient de faire du sport et 28,55 % refuseraient d’avoir un-e meil-
leur-e ami-e homosexuel-le. Ainsi, ces résultats montrent que l’acceptation de
l’homosexualité reste encore mitigée dans les établissements scolaires de
Belgique.
Par ailleurs, plusieurs animateurs rapportent que les élèves ne disent pas tou-
jours ce qu’ils pensent vraiment : « Il y a le politiquement correct : on accepte
l’homosexualité, on accepte l’homoparentalité, c’est dans la loi, c’est normal. Et
quand on arrive vraiment à se connecter à leurs émotions, là c’est plus du tout leur
réalité. C’est « non », c’est une répulsion. Donc il y a une différence entre le dis-
cours et vraiment ce qu’ils ressentent. ».
Enfin, les attitudes sont souvent différentes envers les gays ou les lesbiennes ;
les élèves semblent beaucoup mieux accepter les couples de lesbiennes que de
gays – notamment car les premiers renvoient à un certain fantasme : « Souvent,
les femmes homosexuelles c’est très bien perçu. Les homosexuels hommes, c’est très
différent. Là, c’est dégueulasse, ça se fait pas. C’est écœurant. Deux femmes, pourquoi
pas. Et je peux même m’immiscer dedans. Pas de problème ! » Ainsi, les résultats
du rapport de la Fédération des Centres de Planning Familial (2007) soulignent
que 31,94 % disent être choqués de voir un couple de gays, contre 12,9 % devant
un couple de lesbiennes.
194
les plus encadrés par une religion et pratiquant régulièrement sont moins tolé-
rants (« Idée de pêché, choses graves qui allaient mettre en danger leur accès au
paradis » ; « “ Ah non, nous, on n’a pas ça. Il n’y a que les Belges ! ” Et ils le disent
d’une violence… »).
A nouveau, ces résultats reflètent tout à fait les données publiées dans le
rapport de la Fédération des Centres de Planning Familial en 2007, qui souligne
également qu’à différents niveaux d’analyse – les sentiments et comportements
vis-à-vis de l’homosexualité, du mariage et de la parentalité pour les gays et les
lesbiennes, les représentations et les stéréotypes de genre – plusieurs variables
modulent les attitudes : le sexe des élèves (les garçons étant en général moins
tolérants), le type d’enseignement (par exemple, 70,25 % des jeunes de l’enseigne-
ment technique seraient d’accord de faire une sortie avec une personne homo-
sexuelle, pour seulement 60,43 % des jeunes du professionnel ; et ce sont les jeunes
du général qui accepteraient le plus facilement d’avoir un-e meilleur-e ami-e homo-
sexuel avec 77,3 % comparés à 64,98 % des jeunes du professionnel) et le cours
de religion suivi (pour les sorties (73,20 %) et le sport (78,43 %), ce sont les
élèves suivant le cours de morale laïque les plus tolérants ; pour avoir un-e meil-
leur-e ami-e homosexuel-le, ce sont les jeunes suivant le cours de religion catho-
lique les plus positifs (78,4 %). Les jeunes suivant les cours de religion islamique
sont ceux qui ont le plus de difficultés avec l’homosexualité puisque seulement
39,02 % accepteraient une sortie, 43,90 % de faire du sport et 41,46 % d’avoir un-e
meilleur-e ami-e homosexuel-le.
Ainsi, le défi des professionnels est donc de faire une animation qui tiendra
compte du système de croyances de chaque élève – qu’il soit véhiculé par l’édu-
cation, la religion, le groupe de pairs ou les valeurs sociétales sexistes et hétéro-
© Médecine & Hygiène | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 78.199.14.59)
195
Défi n° 4 : trouver des réponses à ses questions
Il est apparu que le sujet soulève de nombreuses questions, qui pourraient se caté-
goriser en six types : juridiques, factuelles, morales, ontologiques et relatives au
vécu des familles ainsi qu’au bien-être des enfants.
196
Origine Verbatim des participants
Génétique « Est-ce qu’on naît homosexuel ? Est-ce qu’on est comme ça
à la naissance ? »
« Les homosexuels sont génétiquement différents, y aurait
une différence de chromosome, y aurait cinquante pour cent
de déterminisme génétique »
Choix « C’est un choix inconscient »
« On ne peut pas dire que c’est un choix parce qu’on ne peut
pas le corriger. Même dans les pires souffrances, un homo-
sexuel va rester homosexuel »
Appris « ça dépend de l’environnement, il y a un effet de mode (des
copines qui s’essayent à être bisexuelles. c’est pour le fun).
C’est contagieux »
« Des jeux sexuels où on s’essaye »
« Attends, si tu t’essayes, arrête-toi maintenant »
Le rôle des parents « Il y en a qui s’essayent et il y en a qui sont construits »
« Il y a quelque chose de l’homosexualité qui s’inscrit et qui se
construit déjà dès l’enfance », « On se construit une identité
sexuelle »
« Qu’est-ce que les parents avaient bien pu faire, ou ne pas
faire, pour que les enfants deviennent des homosexuels ? »
« Ça joue sur la construction de l’identité sexuelle d’avoir deux
parents de même sexe. Si on a des parents homosexuels
© Médecine & Hygiène | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 78.199.14.59)
197
Les questions relatives au bien-être des enfants
« Et les enfants, comment ils le vivent ? Est-ce que l’enfant d’un couple homoparental
se développe comme les autres enfants ? Pourquoi un couple homosexuel serait moins
bon en tant que parents ? Comment l’enfant issu d’une insémination artificielle peut
s’y retrouver ? »
Par ailleurs, certains font remarquer qu’il n’est pas aisé de trouver des réponses
à leurs questions, car l’accès à l’information semble limité. D’une part, certains
ressentent que la communauté homosexuelle est parfois fermée sur elle-même,
ce qui la rendrait difficilement accessible : « Parfois ils bloquent la discussion avec
des hétérosexuels, du style “ vous ne savez rien, vous ne connaissez pas : vous êtes
hétéro !’’ » ; « Des clubs qui sont spécifiquement homos, les hétéros ne peuvent pas
rentrer ». D’autre part, il semblerait que certaines personnes ont une représenta-
tion erronée quant au pourcentage de personnes homosexuelles, et la définissent
comme une minorité plutôt invisible : « Tu vas regarder les gens passer et je vais
te montrer tous les couples homosexuels. Et réellement, il y en avait énormément.
Et j’avais jamais remarqué qu’il y en avait autant. En plus, ça se voit. Ils sont en
train de s’embrasser. J’avais jamais vu… Enfin, je me suis dit “ ils sont juste à côté
de moi ” ! (rires) J’avais jamais remarqué à ce point-là. C’est même pas qu’on ne
veut pas les voir, on les voit pas ».
198
Dès lors, les interventions semblent précautionneuses. En animation, « on
effleure ce sujet-là. Et on est bien en difficulté ». En consultation, les psychologues
semblent faire une thérapie de soutien générale, en accueillant les personnes
homosexuelles dans leurs individualités et particularités, mais sans leur apporter
une aide spécifique : « Ecouter, accueillir et voir comment on peut accompagner
cette personne dans ce qu’on entend tout simplement ».
Les raisons de ces interventions précautionneuses sont que les professionnels
ont peur de mal faire (« On avait peur que ce soit dangereux, qu’on fasse plus de mal
que de bien », « Je ne me sens pas spécialiste et j’ai pas envie de faire des boulettes »).
La plupart dit avoir du mal à en parler, soit par pudeur face à la sexualité (« C’est
possible, maman, un couple de deux hommes ou de deux femmes ? » « Ben oui, c’est
possible. Maintenant, je ne suis pas rentrée dans les détails, je ne lui ai pas expliqué
la sexualité », « On confond souvent le choix sexuel et la question de la pudeur, de
limite, de respect de l’autre, de comment on vit sa sexualité »), soit à cause du poli-
tiquement correct : « C’est compliqué de parler de ça parce qu’on est très très vite
dans le politiquement correct ». Par ailleurs, certains sont eux-mêmes encore dans
le doute face aux questions d’homoparentalité (« Je reste avec des grosses ques-
tions », « Je n’ai pas vraiment tous les éléments pour savoir si j’ai raison », « Je ne sais
pas bien où mettre les limites », « Je ne suis pas sûre d’avoir mon avis d’ailleurs
complètement tranché »). Et quelques-uns disent toucher à leurs propres limites
(« Parfois il y a des choses qui touchent aussi à nos limites ») ou ne pas pouvoir
soutenir certains types de parentalité (« Moi où j’ai vraiment un problème c’est
par rapport aux mères porteuses. Et ça c’est une de mes limites pour le moment »).
199
• Inconnu
L’homoparentalité • Pas encore de règles (législatif)
• Pas armés (outils)
• Précautionneuses
Interventions
• Accueil général
• Doute
• Peur de mal faire
Raisons
• Difficile d’en parler (pudeur/politiquement correct)
• Limites personnelles
200
Défi no 6 : penser le contenu des animations
Chaque intervention transmet un message à l’auditeur, que ce message soit émis
de manière consciente ou non. Lorsqu’il s’agit de parler de questions sensibles
comme l’orientation sexuelle, quel est le contenu que les intervenants transmettent
aux élèves ou aux patients ?
201
Les besoins des professionnels
Suite aux entretiens que nous avons menés, les professionnels ont décrit leurs
différents besoins : 1) le besoin de parler de la thématique : « On a besoin
d’avoir ce genre d’échange ici au sein de l’équipe. Et on ne se donne pas assez le
temps. » ; 2) le besoin de collaborations : « Avoir différents points de vue et diffé-
rentes pistes, ça m’aide beaucoup en tant que professionnelle », « Une co-anima-
tion avec quelqu’un qui est spécialiste », « L’avantage c’est que si on sent que ça
coince on peut renvoyer vers un collègue » ; 3) le besoin d’informations et de
formations : « Il faudrait aussi être formé, avoir une formation sur les manières
d’aborder ces sujets-là », « C’est difficile d’en parler parce qu’on sait pas, on n’a pas
d’information, on n’a pas des solutions, d’études… » ; 4) le besoin de témoignages :
« Avoir des témoignages, avoir des informations de vécu réel, de personnes, ça
nous aiderait nous aussi à diffuser des choses pertinentes » ; 5) le besoin d’outils
concrets ; 6) le besoin d’un temps d’adaptation : « J’ai besoin de prendre du
recul… », « On a besoin d’une période d’adaptation, pour voir l’autre dans son
orientation différente de la nôtre ; au même titre qu’on a besoin d’une période d’adap-
tation pour un nouveau boulot, ou pour autre chose… », « C’est au-delà d’un juge-
ment négatif ou positif, la différence interpelle tout le monde… ».
Conclusion et perspectives
La question de l’homosexualité – et qui plus est, de l’homoparentalité – n’est pas
une question simple pour les professionnels de la santé. Elle est relativement
nouvelle, et de plus en plus présente dans les consultations cliniques et dans les
animations scolaires. Les travailleurs des plannings familiaux sont aujourd’hui
202
confrontés à une triple urgence : d’une part, l’urgence de se conformer au cadre
et aux missions du planning familial qui leur demande d’intervenir de manière pro-
fessionnelle ; d’autre part, le contexte général de lutte contre l’homophobie mis
en place par le gouvernement belge qui rend obligatoire l’EVRAS (éducation à la
vie relationnelle affective et sexuelle) dans les établissements scolaires et leur
demande ainsi de créer des animations pour les élèves et de savoir gérer les
réalités de terrain ; et enfin, une urgence plus personnelle, celle de se poser les
questions à soi-même afin de pouvoir passer d’un positionnement égocentrique
(ethnocentré) à un positionnement altéro-centrique (plus empathique et inclusif
des diversités).
Correspondance :
Thérèse Scali
Département de Psychologie,
Université de Liège
Quartier Agora, Place des Orateurs 2
4000 Liège, Belgique
[email protected]
203
Bibliographie
1. D’Amore S., Miscioscia M., Scali T., Haxhe S., Bullens Q., 2013. Couples homosexuels et
familles homoparentales. Défis, ressources et perspectives pour la thérapie systé-
mique, Thérapie familiale, 34, 1, 69-84.
2. Fédération des Centres de Planning Familial (2007). La perception de l’homosexualité
chez les jeunes de 13 à 21 ans.
En ligne : https://cavaria.be/sites/default/files/fps_-_enquetehomo2007.pdf
3. Gamson J., 2000. Sexualities, queer theory, and qualitative research. In N. Denzin &
Y. Lincoln (Eds.), Handbook of qualitative research (2nd ed., pp. 347-365). Sage,
Thousand Oaks, CA.
4. Haider-Markel D.P., Joslyn M.R., 2008. Beliefs about the origins of homosexuality and
support for gay rights : An empirical test of attributiontheory. Public opinion quarterly,
72, 2, 291-310.
5. Hudak J., Giammattei S.V., 2010. Doing family : Decentering heteronormativity in « mar-
riage » and « family » therapy. American Family Therapy Academy : Monograph Series,
Expanding our social justice practices : Advances in Theory and Training (Winter), 49-55.
6. Rye B. J., Meaney G. J., 2010. Self-Defense, sexism, and etiological beliefs : Predictors of
attitudes toward gay and lesbian adoption. Journal of GLBT Family Studies, 6, 1, 1-24.
7. Vecho O., Schneider B., 2012. Attitudes des psychologues français à l’égard de l’homo-
parentalité. Psychiatrie de l’enfant, 15, 1, 269-92.
Abstract
Challenges and needs of psychologists and public health workers confronted to same-sex par-
enting issues in family planning centres. – Since 2006 in Belgium, the law allows same-sex
couples to have children. Thus, the psycho-social workers are now facing a reality that
challenges them and asks them to intervene: counselling, psycho-education, school pre-
© Médecine & Hygiène | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 78.199.14.59)
Resumen
Desafíos y necesidades de los trabajadores psicosociales en los centros de planificación fami-
liar frente a la temática de la homoparentalidad. – Desde el año 2006 en Bélgica, el marco
legislativo permite que las parejas del mismo sexo tengan hijos. Por lo tanto, los trabaja-
dores psicosociales se enfrentan ahora a una realidad que los interpela y les pide que inter-
vengan: trabajo clinico, psico-educación, sensibilización en las escuelas, conferencias,
capacitación… Utilizando el método de grupo de enfoque, este estudio ha investigado las
actitudes de los trabajadores psicosociales en los centros de planificación familair frente
al tema de la paternidad homosexual. Los resultados mostraron tres dimensiones: la rea-
lidad práctica de los trabajadores y los desafíos con los que se enfrentan, sus experiencias
y sus sentimientos, sus preguntas y sus necesidades. Estos resultados pueden ayudar a
promover la salud y la calidad de vida de los homosexuales favorizando la comprensión de
las reacciones de los profesionales heterosexuales con los que se enfrentan.
204