Eco - Marches - Terme 2022-2023 (Support de Cours)

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MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT RÉPUBLIQUE TOGOLAISE

SUPERIEUR ET DE LA Travail- Liberté-Patrie


RECHERCHE -------------------

LOME BUSINESS SCHOOL

ECONOMIE DES MARCHES A TERME

Kodjo W. BAOULA

Docteur en sciences économiques

([email protected] // 00228 91926697//98034628)

FEVRIER 2024
Présentation synthétique du module

Les marchés à terme sont des marchés anciens. En effet, depuis plusieurs siècles, ils
offrent une assurance contre les évolutions défavorables des prix de certains produits
et marchandises, notamment agricoles et miniers. Les marchés à terme sont plus
complexes que les marchés au comptant à la fois dans leur fonctionnement et dans
les caractéristiques des instruments financiers qu’ils traitent. Le marché à terme est
un marché financier dérivé où s’organise la confrontation de l’offre et de la demande
d’instruments financiers que sont les contrats à terme.

Objectifs d’enseignement

- Objectif général :

L’objectif général de ce cours est de présenter l'organisation et la structure des


marchés à terme afin de comprendre leur contribution au financement de l'activité
économique.

- Objectifs spécifiques :

Spécifiquement, à l'issu du cours, les étudiants seront capables d’identifier les


caractéristiques des marchés à terme et de décrire les mécanismes de fonctionnement
de ces marchés.

Programmation des chapitres

SEANCE
ACTIVITES / CONTENU OBJECTIFS
(3heures)
Présentation générale du
module Définir les marchés à terme
1 CHAPITRE 1. Identifier les acteurs et leur rôle
GENERALITES SUR LES Relever les principes généraux
MARCHES A TERME
CHAPITRE 2. UTILITES DES Identifier les services susceptibles d'être rendus
2
MARCHÉS À TERME par un marché à terme de marchandise
Décrire sur la base d’un cas, les stratégies par
CHAPITRE 3. UTILISATION lesquelles les gains sur le marché à terme
3
DES MARCHES A TERME compenseront les pertes éventuelles (ou les
manques à gagner) sur le marché physique

1
Décrire les mécanismes de Convergence des prix
à terme et des prix spot à l’approche de
CHAPITRE 4. LE l’échéance des contrats
FONCTIONNEMENT
4 Distinguer le dénouement sans livraison et le
EFFECTIF DES MARCHES A
dénouement avec livraison
TERME
Préciser le rôle de de la chambre de
compensation
Décrire le principe général et Identifier le sous-
jacent de ces contrats
Décrire les procédures de dénouement avec ou
CHAPITRE 5. LES MARCHES sans livraison
5
DES TAUX Identifier les principes généraux de ces contrats
et préciser les conditions pour que le gain sur les
contrats permettra de compenser la perte sur le
marché physique
Exposé des travaux de
recherche sur Résumer l’article Examiner les différentes façons dont les prix à
de Ron Alquist et Elif Arbatli
terme de l’or noir peuvent enrichir la
6 (2010) "Le contrat à terme sur le
compréhension de la conjoncture et des
pétrole brut : une boule de
perspectives de ce marché mondial clé
cristal ?" Revue de la banque du
Canada.
Identifier les caractéristiques d’un marché à
7 Travaux Dirigés (TD) terme et décrire les mécanismes de son
fonctionnement

Quelques documents de références

1. Les marchés financiers internationaux, Cartapanis A., Paris, La Découverte, «


Repères », 2008

2. Économie des marchés financiers. Paul-Jacques Lehmann. 2e édition | juin


2014 | 288

2
TABLE DES MATIERES

CHAPITRE 1. GENERALITES SUR MARCHES A TERME ..................... 4


1.1. Définitions ............................................................................................................... 4
1.2. Fonction d’un marché à terme .............................................................................. 4
1.3. Le contrat à terme est un engagement entre un acheteur et un vendeur. ........ 6
1.4. Place et rôle de la chambre de compensation (ou Clearing House) ................. 6
1.5. Les contrats à terme, principes généraux ............................................................. 7
CHAPITRE 2. UTILITES DES MARCHÉS À TERME .............................. 9
2.1. Les marchés à terme et la protection contre les risques de prix ....................... 9
2.2. Les autres utilités des marchés à terme .............................................................. 10
CHAPITRE 3. UTILISATION DES MARCHES A TERME ..................... 13
3.1. L’attente ................................................................................................................. 13
3.2. La vente à livraison différée................................................................................. 13
3.3. Utilisation ”simple” d’un marché à terme ......................................................... 14
3.4. Utilisation ”standard” mais élémentaire d’un marché à terme ........................ 14
CHAPITRE 4. LE FONCTIONNEMENT EFFECTIF DES MARCHES A
TERME .......................................................................................................... 19
4.1. Convergence des prix à terme et des prix spot à l’approche de l’échéance des
contrats .......................................................................................................................... 19
4.2. La relation entre prix à terme et prix spot ......................................................... 20
4.3. Le dénouement des contrats ............................................................................... 22
4.4. Deposit et appels de marge ................................................................................. 23
CHAPITRE 5. LES MARCHES DES TAUX ............................................... 24
5.1. Les marchés à terme sur taux longs.................................................................... 24
5.1.1. Les contrats à terme sur taux longs : principe général ............................................ 25
5.1.2. Les contrats à terme sur taux longs : la livraison .................................................. 27
5.1.3. Les contrats à terme sur taux longs : dénouement sans livraison ............................ 28
5.2. Les contrats sur taux d’intérêt à moyen terme .................................................. 28
5.3. Les contrats sur taux d’intérêt à court terme..................................................... 28
5.3.1. Principes généraux .............................................................................................. 28
5.3.2. Un exemple d’utilisation de contrats à court terme ......................................... 29

3
CHAPITRE 1. GENERALITES SUR MARCHES A TERME

Nous présentons dans ce chapitre les définitions des concepts, la fonction d’un
marché à terme et les principes généraux contrats à terme.

1.1. Définitions

i. Marché à terme

Un marché à terme, ou marché des contrats à terme, est un marché où l'engagement


pris par le donneur d'ordre (qu'il s'agisse de vendre ou d'acheter) s'exécutera
(produira tous ses effets) à une échéance dont la date, définitivement convenue par
avance, se situe postérieurement à la date de l'engagement pris par le donneur
d'ordre.

ii. Contrat à terme

Un contrat à terme est un contrat financier dérivé donnant à l’acheteur l’obligation


de payer et au vendeur l’obligation de livrer une quantité définie d’un titre (actif sous-
jacent) à un prix convenu et à une date déterminée à la signature du contrat.

Un achat de contrats à terme (ou futures) permet de fixer dès aujourd’hui le prix
d’achat d’un actif à échéance. Il permet de profiter de la hausse des cours : l’opérateur
espère fixer un prix d’achat inférieur au prix au comptant à échéance. À échéance,
l’opérateur acquiert l’actif au prix convenu et le revend immédiatement plus cher sur
le marché au comptant. Une vente de contrats à terme est la position strictement
opposée à la précédente. Elle permet de fixer dès aujourd’hui le prix de vente d’un
actif à échéance…

1.2. Fonction d’un marché à terme

Le marché à terme a trois fonctions : sécurité, transparence, anticipation.

i. La sécurité par le transfert de risque

Le marché à terme permet la couverture des risques de prix existant sur le marché
au comptant. La couverture consiste à prendre une position inverse et équivalente à

4
celle du marché au comptant. La justification économique de ce transfert de risque
apparaît dans l’évolution des cours au comptant et des cours à terme (principe de la
base).

ii. La transparence par la découverte du prix unique

Le marché à terme est un marché centralisé permettant la confrontation générale de


l’offre et de la demande (prix unique à un instant donné). Ce prix synthétise
l’ensemble des intérêts des opérateurs (acheteurs et vendeurs), il reflète un consensus
des opérateurs sur la valeur future du produit dit « prix de référence ». Le marché à
terme donne accès à des cotations sur une gamme d’échéances (12 pour le blé, 10
pour le colza et le maïs) qui couvrent 24 à 36 mois, soit trois campagnes de
production.

iii. L’anticipation

L’anticipation car c’est un marché de dernier recours tant pour les acheteurs que
pour les vendeurs. Ainsi, un acheteur de produits physiques ne trouvant pas de
produits pour satisfaire ses besoins, peut acheter un contrat à terme pour en prendre
livraison à l’échéance. La réciproque est vraie pour un vendeur de produits
physiques.

5
1.3. Le contrat à terme est un engagement entre un acheteur et un vendeur.

En passant un contrat à terme, le vendeur s’engage à livrer un produit à une échéance


donnée et inversement, l’acheteur s’engage à en prendre livraison et à le payer au
prix négocié. En réalité, peu de contrats se dénouent par livraison physique du
produit négocié. Deux raisons peuvent être évoquées :

- Les conditions pratiques d’échange ne conviennent pas réellement aux


professionnels ;
- Les spéculateurs n’ont pas d’intérêt à recevoir des produits physiques ou à en
livrer.

La méthode la plus utilisée pour dénouer sa position de vendeur ou d’acheteur sur


le marché à terme consiste à prendre une position inverse en nombre de contrats sur
une même échéance.

La standardisation des caractéristiques du contrat à terme et sa méthode de


négociation (à la criée puis électroniquement) sur un marché ouvert à tous,
permettent une forte liquidité des transactions (c’est-à-dire l’opportunité à chaque
instant d’entrer ou de sortir du marché avec de faibles coûts de transaction), à la
différence des marchés de gré à gré.

La possibilité de dénouer une position sur le marché à terme par une prise de
position inverse et surtout, la facilité de ces opérations d’entrée et de sortie du
marché, constitue l’intérêt spécifique du marché à terme.

1.4. Place et rôle de la chambre de compensation (ou Clearing House)

La chambre de compensation est une institution essentielle au fonctionnement des


marchés organisés. Sa mission principale est d’éviter le risque de contrepartie, à
savoir :

- Pour le vendeur, risque de ne pas être payé ;


- Pour l’acheteur, risque de ne pas être livré.

6
L’obtention du statut de membre est soumise à des conditions très précisément
définies. Pour intervenir sur le marché, on doit obligatoirement passer par
l’intermédiaire d’un prestataire de services d’investissement (PSI).

En pratique, la chambre de compensation s’interpose entre l’acheteur et le vendeur.


Formellement, en cas de cession de titres, elle achète les titres au vendeur et les
revend à l’acheteur. Si le vendeur est défaillant, elle se chargera de se procurer les
titres et de les livrer à l’acheteur, au prix convenu pour procéder à la transaction. Si
l’acheteur est dans l’incapacité de payer les titres, elle les règlera au vendeur. En fait
la chambre de compensation prévient très largement ces risques en exigeant de
fortes garanties de la part des PSI membres du marché. Les PSI eux-mêmes
prennent des garanties sur les opérateurs qui ont recours à leurs services

Le schéma suivant illustre sommairement le rôle de la chambre de compensation :

Vendeur =⇒ PSI =⇒ Chambre de =⇒ PSI =⇒ Acheteur


← ← Compensation ← ←
=⇒ : flux d’instruments financiers
← : flux de liquidités

Ce dispositif permet de séparer l’acheteur et le vendeur : juridiquement c’est la


chambre de compensation qui vend à l’acheteur et qui achète au vendeur :

– Le vendeur et l’acheteur ne se rencontrent pas directement et ignorent quelle


est leur contrepartie ;

– La relation commerciale est donc entièrement dépersonnalisée : la vente de


titres sur un marché organisé ne fait intervenir que les prix et les quantités, les
autres dimensions d’une relation commerciale ordinaire sont absentes
(confiance, réputation, fidélité, etc.).

1.5. Les contrats à terme, principes généraux

Un contrat à terme est un engagement irrévocable à acheter ou à vendre à un certain


prix, à une date future, une certaine quantité d’une marchandise.

7
Un point essentiel à comprendre est que ces engagements peuvent prendre de la
valeur ou en perdre. Prenons l’exemple suivant : une entreprise minière s’est engagée
en novembre l’année N à vendre du cuivre à un prix p fin mars de l’année N + 1 ;
cela signifie qu’un autre opérateur a pris l’engagement irrévocable d’acheter le cuivre
au prix p fin mars de l’année N +1. Si en février de l’année N +1 le cuivre se négocie
à un prix p’ > p, l’engagement de l’entreprise est devenu moins intéressant pour elle
alors que, réciproquement, l’engagement de l’acheteur a pris de la valeur1.

Le deuxième point très important à comprendre tient au fait que les engagements
sont négociables : on peut vendre son engagement à vendre comme on peut vendre
son engagement à acheter (En revanche, les conditions du contrat sont fermes et
définitives. En ce sens elles ne sont pas négociables). De ce fait les engagements,
c’est-à-dire les contrats, font l’objet de spéculation puisque leur valeur évolue dans
le temps et l’on verra des opérateurs acheter des engagements dans la seule intention
de les revendre ultérieurement à un prix plus élevé ; on verra également des
spéculateurs vendre des engagements dans l’espoir de les racheter moins cher qu’ils
ne les ont vendus (spéculation à la baisse).

1 . Nous laissons au lecteur le soin de raisonner sur la valeur des engagements si en février de l’année N+1 le cuivre se
négocie à un prix p’ <p.

8
CHAPITRE 2. UTILITES DES MARCHÉS À TERME

La suspicion largement entretenue à l'égard des marchés à terme de matières


premières provient du mystère et de l'incompréhension qui entourent leur
contribution à la gestion et au processus d'allocation des ressources.

La volonté de se protéger contre les risques de prix explique l'émergence des


marchés et le développement des transactions à terme mais ce serait une erreur de
réduire les services offerts par ces marchés à une simple fonction d'assurance.

2.1. Les marchés à terme et la protection contre les risques de prix

Il est fréquent pour un négociant, surtout lorsqu'il opère dans le domaine du


commerce international, de vendre à prix ferme et définitif du fuel livrable
ultérieurement (dans trois ou six mois) sans le posséder. Il est bien évidemment
confronté à un risque de prix lorsqu'il achète les produits physiques pour les livrer à
l'importateur. De la même manière un stockiste ayant acheté de l'essence est
confronté à un risque de baisse des cours lors de la revente.

Pour se protéger, l'exportateur et le stockiste, mais ceci est également vrai de toute
entreprise affectée par les variations de cours des marchandises utilisées dans ses
activités courantes, doivent effectuer des opérations de couverture (hedging)

Du fait que les prix du physique et des contrats évoluent de manière sensiblement
parallèle, il suffit pour se couvrir de prendre sur le marché à terme une position
inverse à celle qui est tenue sur le marché des produits physiques. De ce fait, toute
perte sur le marché au comptant est contrebalancée par un gain sur le marché du
papier. La protection est d'autant mieux assurée que l'évolution des cours à terme
est parallèle à celle des prix sur le marché des produits physiques.

Quand l'exportateur se protège contre le risque de hausse il achète des contrats à


terme : on dit qu'il fait une opération de long hedging. Quand l'organisme de
stockage se protège contre le risque de baisse, il vend des contrats : on dit qu'il fait
une opération de short hedging.

9
2.2. Les autres utilités des marchés à terme

La protection contre le risque de prix est une fonction essentielle des marchés à
terme mais ce serait une erreur de restreindre leur utilité à ce point. Les marchés à
terme offrent de nombreux autres services tous fort importants. Nous pouvons,
pour la commodité de l'exposé, les regrouper en cinq rubriques.

2.2.1. Les marchés à terme et la gestion des stocks

Les marchés à terme fournissent une information de première qualité. En la


combinant avec des opérations à terme, il est possible d'améliorer la gestion des
stocks de produits physiques. De nombreuses opérations à terme sont en fait initiées
dans l'anticipation d'un changement dans les relations entre les prix au comptant et
à terme. L'opérateur ne raisonne plus en prix absolus, mais en écart entre les prix au
comptant et à terme. Les opérations de couverture ne doivent plus être considérées
comme une assurance mais comme un instrument de gestion des stocks.

2.2.2 Les marchés à terme et la flexibilité de gestion des entreprises

Les marchés à terme peuvent aider les entreprises en améliorant leur politique
d'achat et d'approvisionnement ainsi que leur politique de vente. Ils facilitent les
décisions commerciales en permettant à l'entreprise d'acheter aujourd'hui, lorsque le
prix est bas, les produits dont elle aura besoin dans l'avenir sans avoir à les stocker
et en immobilisant seulement le montant du déposit exigé pour opérer sur des
marchés à terme et les éventuels appels de marge. Ces marchés à terme permettent
également de vendre des produits, lorsque leur prix est élevé, avant que la production
soit effectivement réalisée. Ils procurent en conséquence une plus grande liberté
d'action dans la gestion de l'entreprise.

2.2.3 Les marchés à terme et le financement des stocks

L'opérateur qui détient des stocks de produits physiques doit les financer. Le crédit
accordé par le banquier est très souvent gagé par la marchandise. Pour que la garantie
porte ses fruits, la valeur de cette marchandise ne doit pas varier. Le risque pour le
banquier, en cas de baisse du prix de la marchandise, est de ne pas retrouver le

10
montant du prêt lors de la commercialisation des marchandises qui servent de gage.
Pour éviter cette éventualité et se garder une marge de sécurité, le banquier limite
ses engagements et accorde un financement représentant 40 à 60% de la valeur de la
garantie.

Quand la marchandise financée fait l'objet d'une opération de couverture, les risques
du banquier disparaissent. La surestimation de la valeur de la marchandise servant
de gage au prêt est impossible car le prix à terme est public et connu de tous. La
baisse du prix n'a pas de conséquence car toute moins-value sur le comptant est
compensée par un gain sur le terme. La présence d'un marché à terme réduit enfin
les problèmes de l'immobilisation des fonds car le banquier peut toujours négocier
des contrats à terme sans subir de moins-value à la condition toutefois que le marché
soit liquide. Dans ces conditions, le banquier accorde un prêt pouvant atteindre 90
à 95% de la valeur de la marchandise à un coût plus faible que celui qui aurait été
imposé en l'absence d'opération de couverture.

2.2.4 Les marchés à terme et la lutte contre les positions dominantes

Les marchés à terme font apparaître des prix publics. Leur présence évite que les
transactions privées effectuées entre opérateurs ne conduisent à une domination de
l'un des co-contractants. Les prix déterminés sur un marché public peuvent servir
de référence aux transactions commerciales. Cette publicité n'implique pas que les
prix découlant des transactions privées doivent être identiques aux prix à terme.
Beaucoup d'autres facteurs, en particulier d'origine commerciale, sont à prendre en
considération et interdisent, en fait, une parfaite identité entre les prix révélés par le
marché public et les cours résultant des transactions privées.

2.2.5 Les marchés à terme et les anticipations des prix comptants futurs

Les marchés à terme ont également pour fonction de révéler les prix. Ce que le
marché révèle aujourd'hui comme devant apparaître dans l'avenir ne sera sans doute
pas vérifié car d'ici l'arrivée du terme d'autres événements se produiront et
modifieront les anticipations des opérateurs. Ceci étant, les prix révélés par le marché
à terme représentent les estimations de ceux qui interviennent sur le marché sinon

11
les opérateurs qui ne seraient pas d'accord avec ces prix achèteraient ou vendraient
des contrats ce qui aurait pour conséquence d'élever ou d'abaisser les cours. Le prix
à terme est, à tout instant, la meilleure estimation possible du prix comptant futur.

12
CHAPITRE 3. UTILISATION DES MARCHES A TERME
Utilités:
Les marchés à terme sont spécifiquement utilisés pour se prévenir contre les risques de perte sur le marché physique
Nous nous appuyons sur l’exemple d’un producteur de blé de meunerie (milling
wheat) et nous nous intéressons à diverses stratégies de commercialisation. Entre le
moment du semis, pendant l’hiver 2011−2012, et celui de la vente, en janvier 2013,
cet agriculteur est soumis à un risque de baisse des cours. Nous décrivons ci-après
quatre stratégies susceptibles d’être mises en œuvre. Le lecteur doit garder en
mémoire que cette présentation est organisée selon une complexité croissante mais
qu’elle ne correspond que partiellement aux pratiques effectives des agriculteurs.
Pour se protéger contre les baisses de cours, les agriculteurs utilisent des
combinaisons de quatre stratégies.

3.1. L’attente

La récolte a lieu fin juillet 2012 et l’agriculteur stocke son blé avant de le livrer. C’est
une position spéculative en ce sens qu’il espère que les prix auront augmenté en janvier
2013 et seront plus élevés qu’en juillet. Comme toute stratégie spéculative, c’est une
attitude de toute évidence risquée puisque soumise à une éventuelle baisse des cours.
L’évaluation économique de cette stratégie doit d’ailleurs intégrer le coût du
stockage : entretien des bâtiments, assurances, pertes physiques, coûts d’opportunité,
etc. Si l’agriculteur veut limiter ses risques il peut utiliser des stratégies de couverture.

3.2. La vente à livraison différée

La vente à livraison différée est possible (de gré à gré) si l’agriculteur parvient à
trouver un acheteur, appelé contrepartie, qui s’engage contractuellement à prendre
la livraison du blé en janvier 2013 à un prix p. Ce mécanisme contractuel est proche
de celui des contrats à terme sauf sur un point très important : a priori, dans ce cas
de figure, les engagements ne peuvent pas être revendus ou, s’ils peuvent l’être, c’est
avec beaucoup moins de simplicité que sur un marché à terme (voir ci-après).

Cette solution permet à l’agriculteur de se protéger contre une baisse des cours, elle
lui interdit cependant de profiter d’une éventuelle hausse entre juillet et janvier. Plus

13
précisément, elle empêche l’agriculteur de bénéficier d’une éventuelle hausse des
cours au-delà du prix p. On appelle contrat forward ce type d’engagement.

3.3. Utilisation ”simple” d’un marché à terme

Il existe un marché à terme organisé pour le blé de meunerie sur Euronext Paris.
Une première solution très simple à mettre en œuvre consiste pour l’agriculteur à
prendre des engagements à vendre en janvier 2013 le blé à un prix p. En termes
techniques on dira que l’agriculteur vend des contrats d’échéance janvier 2013 ; si
l’agriculteur doit vendre 200 tonnes de blé et que chaque contrat porte sur 50 tonnes,
alors il devra vendre 4 contrats2. Ce cas de figure paraît très proche de celui de la
vente différée ; il s’en distingue cependant sur trois points principaux :

– Tout d’abord, l’existence du marché à terme facilite considérablement la


recherche d’une contrepartie : il suffit à l’agriculteur de consulter la cote et, si
les cours lui conviennent, de proposer 4 contrats pour l’échéance janvier 2013 ;

– Ensuite, l’interposition d’une chambre de compensation entre l’acheteur et le


vendeur garantit à l’agriculteur que l’acheteur ne fera pas défaut ;

– Enfin, le marché à terme permet éventuellement de racheter les contrats avant


leur échéance en cas de chute des cours de ceux-ci.

3.4. Utilisation ”standard” mais élémentaire d’un marché à terme

Dans ce cas, on dissocie les opérations sur le marché à terme des opérations sur les
marchés physiques. Le principe fondamental est le suivant : on spécule sur le marché à
terme en sens inverse de la spéculation sur le marché physique. On espère que les gains sur le
marché à terme compenseront les pertes éventuelles (ou les manques à gagner) sur
le marché physique.

On reprend l’exemple de l’agriculteur français produisant du blé. Cependant, pour


rendre l’exemple plus proche de la réalité, on tient compte du fait que l’agriculteur
n’exerce pas à proximité de Rouen (lieu de livraison prévu par le contrat Euronext).

2. Pour éviter toute ambiguïté l’expression suivante serait préférable : l’agriculteur s’engage à livrer quatre fois
cinquante tonnes de blé en janvier

14
Pour l’agriculteur, le risque est celui d’une baisse des prix. Il vend un contrat à terme
d’un montant de 220 euros.

i. On suppose que les cours ont baissé et s’établissent à 160 euro/t


exemples illustrant l'utilisation des marchés à terme
Le résultat de l’opération de couverture est consigné dans le tableau suivant :

Position de Marché physique Marché à terme


l’agriculteur (Brie) (Cyberespace)
Opérations réalisées Semis Vente de contrats
janvier 2012 d’échéance janvier 2013
prix spot = 200 prix = 220
Opérations réalisées Livraison de blé Achat de contrats
en janvier 2013 chez un meunier d’échéance janvier 2013
prix spot = 160 prix = 160
Résultat des opérations Manque à gagner = 40 Gain = 60
Le gain sur le marché financier compense le manque à gagner sur le marché physique

Il est important de comprendre que l’agriculteur a réalisé deux opérations totalement


distinctes :

– En ce qui concerne le vrai blé, il a réalisé une opération de semis en janvier puis
de stockage en juillet avant de le livrer en janvier 2013 (chez un meunier). En le
vendant à 160 euros/t en janvier 2013, il a connu un manque à gagner car le blé
valait 200 euros/t lorsqu’il l’a semé. C’est en ce sens que l’on considère qu’il a
subi une perte de 40 euros/t ;

– Sur le marché à terme, en janvier 2012, il s’est engagé à vendre des contrats à
220 euros/t en janvier 2013. Quelques jours avant l’échéance, il s’est engagé à
acheter les mêmes contrats, mais au prix de 160 euros/t. Il réalise donc un gain
financier effectif de 60euros/t.

La première de ces opérations ne présente aucune difficulté de compréhension.


L’opération sur le marché à terme mérite d’être détaillée :

15
– Lorsque le producteur de blé s’est engagé à vendre des contrats d’échéance
janvier 2013, un autre opérateur s’est engagé à les acheter ; cet engagement
réciproque a été conclu au prix de 220 euros/t;

– Ces contrats sont des instruments financiers (IF). On peut donc considérer que,
en janvier 2012, l’agriculteur s’est engagé à vendre en janvier 2013 un IF au prix
de 220 euros/t ; réciproquement un autre opérateur s’est engagé à acheter cet IF
à 220 euros/t3 ;

– En janvier 2013, l’agriculteur et l’opérateur doivent exécuter leurs engagements.


L’agriculteur s’est engagé à vendre l’IF 220 e/t, l’opérateur à l’acheter à ce même
prix. Or l’IF ne vaut plus que 160 e/t, ce qui implique un gain de 60 e/t pour
l’agriculteur, une perte d’un même montant pour l’opérateur ;

– Euronext va simplifier la clôture des opérations. Fin janvier 2013, l’agriculteur


va s’engager à acheter des IF à 160 euros/t ; il devient simultanément vendeur à
220 euros/t et acheteur à 160 euros/t d’un même IF et réalise donc un gain de
60 euros/t tout en se retirant du marché à terme. Dans le même temps,
l’opérateur s’est engagé à vendre l’IF 160 euros/t alors qu’en janvier 2012 il
s’était engagé à l’acheter 220 euros/t et réalise une perte de 60 euros/t ;

– Euronext transfère les N × 50 × 60 euros perdus par l’opérateur sur le compte


de l’agriculteur, N étant le nombre de contrats sur lesquels s’étaient engagés
l’agriculteur et sa contrepartie ;

– Au terme de cette opération, l’agriculteur et sa contrepartie se sont dégagés de


leurs engagements. On dit qu’ils ont débouclé leurs positions, l’un enregistrant
un gain, l’autre encaissant une perte.

Résultats de l’opération de couverture :

– L’agriculteur vend son blé 160 euros/t sur le marché physique et encaisse un
gain de 60 euros/t sur le marché financier. Il réalise donc un chiffre d’affaires de
220 euro/t ;

3 . On ne se préoccupe pas, à ce stade du raisonnement, de la motivation de l’opérateur en question.

16
– Sachant que, à l’échéance, le cours des contrats est égal au prix sur le marché,
physique 4 on vérifie aisément que l’agriculteur réalise toujours un chiffre
d’affaires égal à 220 euros/t ;

– L’opérateur qui avait contracté avec l’agriculteur a perdu 60 euros/t; en ce qui le


concerne, tout prix à l’échéance inférieur à 220 euros/t se traduit par une perte
mais tout prix supérieur à 220 euros/t lui permet de réaliser un gain.

Le résultat de l’opération de spéculation est consigné dans le tableau suivant :

Position du Marché physique Marché à terme

spéculateur (Brie) (Cyberespace)


Opérations réalisées Néant Achat de contrats

en janvier 2012 d’échéance janvier 2013

prix spot = 200 prix = 220

Opérations réalisées Néant Vente de contrats

en janvier 2013 d’échéance janvier 2013

prix spot = 160 prix = 160

Résultat des opérations Néant Perte = 60


La perte sur le marché financier n’est pas compensée par un gain sur le marché physique

4 . Voir sur ce point la section suivante.

17
ii. On suppose que les cours ont monté et s’établissent à 270 euro/t

Le résultat de l’opération de couverture est consigné dans le tableau suivant :

Position de Marché physique Marché à terme


l’agriculteur (Brie) (Cyberespace)
Opérations réalisées Semis Vente de contrats
en janvier 2012 d’échéance janvier 2013
prix spot = 200 prix = 220
Opérations réalisées Livraison de blé Achat de contrats
en janvier 2013 chez un meunier d’échéance janvier 2013
prix spot = 270 prix = 270
Résultat des opérations Plus-value = 70 Perte = 50
La perte sur le marché financier réduit fortement la plus-value réalisée sur le marché physique

Le résultat de l’opération de spéculation est consigné dans le tableau suivant :

Position du Marché physique Marché à terme


spéculateur (Brie) (Cyberespace)
Opérations réalisées Néant Achat de contrats
en t (janvier 2012 ) d’échéance janvier 2013
prix spot = 200 prix = 220
Opérations réalisées Néant Vente de contrats
en t+12 (janvier 2013) d’échéance janvier 2013
prix spot = 270 prix = 270
Résultat des opérations Néant Gain = 50
Le gain sur le marché financier n’est pas altéré par une perte sur le marché physique

18
CHAPITRE 4. LE FONCTIONNEMENT EFFECTIF DES
MARCHES A TERME

Dans le chapitre précédent, nous avons développé le cœur de la stratégie de


couverture sur les marchés à terme de matières premières ; répétons qu’il s’agit de
spéculer à la baisse si l’on est soumis à un risque de baisse sur le marché physique,
de spéculer à la hausse si l’on est soumis à un risque de hausse sur le marché physique
(cas d’un industriel devant acheter du blé dans notre exemple).

Nous avons délibérément omis de donner diverses précisions ; l’objet de ce chapitre


est maintenant de développer un certain nombre de points indispensables à la
compréhension du fonctionnement effectif des marchés à terme.

4.1. Convergence des prix à terme et des prix spot à l’approche de


l’échéance des contrats

A l’approche de l’échéance les prix à terme et les prix spot convergent sous l’effet
d’opérations d’arbitrage. Stricto sensu un arbitrage consiste à construire une opération
sans risque permettant de tirer profit d’une différence de prix injustifiée, dans
l’espace ou dans le temps.

Dans sa forme la plus simple, l’arbitrage consiste par exemple à acheter des matières
premières sur un marché où elles sont sous cotées pour les revendre sur un autre
marché où leur prix est plus élevé. On voit parfois des opérateurs acheter du soja en
Argentine pour le revendre à Rotterdam si la différence de prix est suffisante pour
couvrir les frais et laisser une marge. En conduisant massivement ce type
d’opérations, on fait augmenter les prix en Argentine et on les fait baisser à
Rotterdam, jusqu’au moment où l’écart s’est suffisamment resserré pour ne plus
offrir d’opportunité d’arbitrage.

Dans le cas des marchés à terme deux situations de marché offrent des opportunités
évidentes d’arbitrage (OA) :

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– Si à l’approche de l’échéance le prix spot, égal à 200, est inférieur au prix du contrat,
égal à 220, un arbitragiste peut réaliser un gain certain. Il suffit pour cela qu’il
achète immédiatement sur le marché physique en s’engageant à revendre sur le
marché à terme quelques jours plus tard. Ce faisant il réalise un gain égal à [(220 -
200) - frais] ;

– Si à l’approche de l’échéance le prix spot, égal à 240, est supérieur au prix du


contrat, égal à 220, un arbitragiste peut également réaliser un gain certain. Le cas
le plus simple est celui d’un opérateur disposant d’un stock de matières premières
: il lui suffit de vendre immédiatement sur le marché spot et de s’engager à racheter
à l’échéance sur le marché à terme, ce qui lui permet de reconstituer son stock. Là
encore, le gain est de [(240 - 220) - frais].

Les opérations d’arbitrage font converger les prix sur les deux marchés. Si l’on
s’intéresse au premier exemple, en achetant sur le marché spot on fait augmenter les
prix, en se mettant en position vendeur sur le marché à terme, on les fait baisser.
L’arbitrage s’arrête quand l’écart entre les prix spots et à terme ne permet plus de
couvrir les frais de montage de l’opération. Au prix d’une légère approximation, on
conclut donc que les prix doivent devenir égaux à l’échéance, sinon demeurent des
opportunités d’arbitrage.

Sur un plan théorique, un marché à l’équilibre suppose une absence d’opportunité


d’arbitrage, une AOA en bref. On dit alors que le marché est complet.

4.2. La relation entre prix à terme et prix spot

Les opportunités d’arbitrage expliquent une part importante de la relation entre prix
à terme et prix spot. La notion de base est couramment utilisée ; elle se définit très
simplement :

Base = (prix du contrat à terme) - (prix spot)

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i. En situation normale de marché, la base est positive

Imaginons une situation où le prix à terme est égal au prix spot ; une telle situation
ouvre automatiquement des opportunités d’arbitrage (OA). Si l’on détient des
matières premières, on peut en effet monter une opération sans risque : il suffit pour
cela de vendre immédiatement sur le marché spot et de s’engager à racheter quelque
temps plus tard sur le marché à terme. On réalise un double gain :

– En plaçant les liquidités disponibles

– En économisant les coûts de stockage.

Ce faisant, on fait remonter le cours sur le marché à terme et baisser le prix spot,
jusqu’au moment où les opportunités d’arbitrage disparaissent.

ii. Théories de la base

La théorie du coût de stockage explique en quoi il est normal que les prix à terme
soient supérieurs aux prix spot. Le coût du stockage comporte principalement deux
aspects :

– Un coût physique : amortissement des silos, dégradation d’une partie des


stocks, etc.

– Un coût financier : coûts d’opportunité, frais d’assurance, etc.

Si l’on note p s le prix spot, cw le coût de stockage et pt le prix à terme, et si la

condition ps + cw = pt est remplie, il est indifférent pour un opérateur


rationnel :
o D’acheter aujourd’hui au prix p s et de supporter le coût de stockage

cw

o D’acheter à terme au prix pt

Si la condition ps + cw = pt n’est pas remplie, des opportunités d’arbitrage


évidentes apparaissent et contribuent à ramener les marchés spot et à terme
dans un rapport cohérent.

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Il arrive cependant que la cohérence entre prix spot et prix à terme ne soit pas
respectée. Diverses explications ont été fournies ; un cas très intéressant de base
négative (ou inférieure aux coûts de stockage) peut surgir lorsque des acteurs ont un
intérêt très fort à détenir un stock physique, immédiatement. C’est notamment le cas
lorsque des opérateurs industriels veulent absolument détenir certaines matières
premières pour assurer la continuité de leur process : dans ce cas, ils sont prêts à
acheter immédiatement sur le marché spot plutôt que d’attendre des prix moindres
mais à une date plus ou moins éloignée.

La théorie de la base occupe une place importante de la littérature économique.

4.3. Le dénouement des contrats

i. Dénouement sans livraison

Dans la plupart des cas, les intervenants sur les marchés à terme liquident leurs
positions avant l’échéance ; ils encaissent leurs gains ou leurs pertes mais ne livrent
pas ou ne prennent pas livraison des marchandises. Le marché à terme est donc pour
l’essentiel un marché financier. Son originalité tient au fait que les instruments
financiers qui sont négociés sont des produits dérivés, dont les cours évoluent en
lien avec les marchés physiques sur lesquels sont négociés les matières premières. La
relation entre les prix des produits dérivés et les prix des matières premières n’est
cependant pas simple ; c’est pourquoi la spéculation est un métier (financièrement)
dangereux.

ii. Dénouement avec livraison

Dans certains cas des opérateurs ont intérêt soit à livrer soit à prendre livraison des
marchandises mentionnées dans les contrats. Les conditions matérielles sont très
précisément détaillées et la bourse veille à ce que les deux parties au contrat
respectent pleinement leurs engagements. Deux remarques :

– La présence de la bourse, plus précisément de la chambre de compensation,


garantit la bonne fin des transactions : le vendeur sera payé, l’acheteur sera livré ;

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– L’éventualité d’une livraison rend possibles des arbitrages et garantit de ce fait la
convergence des prix spot et des prix à terme lorsqu’on approche de l’échéance.

4.4. Deposit et appels de marge

Le deposit est le nom donné au dépôt que l’on doit faire auprès de la chambre de
compensation lorsque l’on ouvre une position sur un marché à terme. Si la position
d’un intervenant évolue défavorablement, il réalise une perte potentielle. La chambre
de compensation lance alors un appel de marge : l’intervenant doit faire un dépôt
(en plus du deposit) afin de couvrir la perte potentielle. Si l’intervenant ne peut pas
répondre à l’appel de marge, la chambre de compensation clôt sa position en puisant
dans le deposit pour couvrir les pertes.

Inversement, si la situation d’un intervenant s’améliore après qu’il a répondu à un


appel de marge débiteur, la chambre de compensation effectue un appel de marge
créditeur.

Ce mécanisme illustre un point essentiel : sur ce type de marché, les gains des uns
sont les pertes des autres. Il s’agit globalement d’un jeu à somme nulle : le seul
gagnant à coup sûr est l’organisateur du jeu, la chambre de compensation, qui
encaisse une commission lors de chacune des transactions. D’où l’expression de
Christian Walter qui parle d’espérance nulle du spéculateur.

23
CHAPITRE 5. LES MARCHES DES TAUX

Les marchés de taux ont été créés pour permettre à des opérateurs soumis à un
risque de taux de réaliser des opérations de couverture. De manière générique, le
risque de taux peut être défini de la manière suivante : c’est le risque pour un prêteur
ou pour un emprunteur de voir sa situation financière se détériorer à la suite de la
variation des taux d’intérêt qui prévalent sur les marchés. Trois exemples permettent
d’illustrer ce risque :

(i) Une entreprise devra effectuer un emprunt dans trois mois ; les taux actuels
(fin novembre) lui paraissent satisfaisants. Pour cette entreprise, le risque financier
est celui d’une hausse des taux entre novembre et janvier puisque cela rendrait son
emprunt plus coûteux ;

(ii) Un négociant recevra une importante somme d’argent dans six mois (mai) ; il
pourra alors la placer durablement sur des obligations. Pour ce négociant, le risque
financier est celui d’une baisse des taux puisque cela diminuerait le rendement de
son placement à venir ;

(iii) Pour le propriétaire d’un portefeuille obligataire, le risque est celui d’une
hausse des taux de marché puisque cela ferait diminuer le cours des obligations
qu’il détient.

5.1. Les marchés à terme sur taux longs

Pour être très précis, il conviendrait de parler de marchés de produits dérivés sur
instruments financiers dont la valeur dépend des taux d’intérêt ; mais l’usage a
consacré l’expression marchés de taux.

24
5.1.1. Les contrats à terme sur taux longs : principe général
i. Pour spéculer ou anticiper sur les taux longs, on spécule ou anticipe
P = R/i avec P =prix; R = taux de rendement; i= taux d'intérêt sur e
sur des obligations marché physique si i augmente Alors le Prix baisse et on
vend vite les contats ; i baisse alors prix augmente. si
Rappel : le cours des obligations évolue en sens inverse de celui des taux de marché
; lorsque les taux de marché augmentent, le cours des obligations diminue (et
inversement).

Vendre un contrat à terme sur obligations revient à prendre l’engagement de livrer


des obligations à un certain cours, à une certaine échéance. Symétriquement, acheter
un contrat à terme sur taux longs équivaut à prendre l’engagement d’acheter une
certaine quantité d’obligations, à un certain cours, à une certaine date.

Le cours des obligations fluctue en fonction des taux d’intérêt ; la valeur des contrats
dépend elle-même de la valeur des obligations qui constituent le sous-jacent. La
dépendance est transitive : in fine, le cours des contrats fluctue en fonction des
évolutions des taux d’intérêt.

Un schéma simple permet d’illustrer cette propriété :

Fluctuations Fluctuations Fluctuations

des taux =⇒ de la valeur =⇒ de la valeur

de marché des obligations des contrats

Les contrats standardisés proposés par les marchés organisés portent sur des
obligations d’Etat. Il faut en effet que le gisement, c’est-à-dire l’ensemble des
obligations susceptibles d’être livrées soit suffisamment important pour éviter des
manipulations de cours 5 ; dans le même ordre d’idée il faut que le marché soit
suffisamment liquide et profond pour que le cours des obligations et donc le taux

5 . On soupçonne cependant certaines institutions financières de se livrer a` des tentatives de manipulation de cours
sur les Treasury Bonds. Voir notamment The Economist, November 2nd, 2006.

25
d’intérêt qui leur est associé soit considéré comme véritablement significatif par les
opérateurs.

ii. Le sous-jacent des contrats de taux est constitué d’obligations fictives

Les obligations souveraines réelles présentent une difficulté pour la couverture : de


nombreuses lignes différentes coexistent à un même moment sur les marchés. De
plus, les caractéristiques des obligations réelles sont assez fréquemment modifiées,
notamment en ce qui concerne les taux nominaux. De ce fait, il existe autant de
cours que de lignes d’obligations. Si le sous-jacent des contrats de taux était constitué
d’obligations réelles on se heurterait à deux écueils potentiels :

– Soit, on devrait créer autant de contrats que de lignes d’obligations, ce qui


poserait à la fois des problèmes de liquidité et des problèmes de gestion du fait
de la multiplicité des lignes ;

– Soit, on ne créerait des contrats que sur quelques lignes, ce qui poserait des
problèmes techniques de couverture pour les lignes sans contrat.

Pour pallier ces difficultés on utilise la propriété suivante : quelles que soient les
caractéristiques d’une obligation, il est possible d’en déterminer le cours théorique si
l’on connaît le taux de marché qui lui est applicable. Or, les taux de marché des
obligations d’Etat sont calculés en permanence, donc le pricing des obligations
d’Etat ne pose aucun problème.

Les sous-jacents des contrats à terme sur taux longs sont donc des obligations
fictives mais dont les caractéristiques sont très précisément spécifiées et rarement
modifiées afin que les opérateurs aient une bonne maîtrise des produits ; le cours
théorique des obligations souveraines fictives est calculé à partir des taux observés
sur le marché des obligations souveraines réelles ; le cours des obligations fictives
est donc fonction des taux de marché.

In fine, le cours des contrats, qui est fonction du cours des obligations fictives, est
donc fonction des taux de marché. On peut donc utiliser les variations des taux des

26
marchés obligataires dans une optique de spéculation ou dans une optique de
couverture.

On obtient un nouveau schéma :

Fluctuations Fluctuations Fluctuations

des taux =⇒ de la valeur =⇒ de la valeur

de marché des obligations fictives des contrats

5.1.2. Les contrats à terme sur taux longs : la livraison


Si des contrats sont conduits à leur terme, le vendeur doit livrer aux acheteurs des
obligations d’Etat appartenant au "gisement du contrat". Le gisement est constitué
d’un nombre restreint de lignes d’obligations pouvant effectivement être livrées Le
facteur de concordance sert à établir une équivalence entre les obligations réelles qui
sont livrées et les obligations fictives de l’emprunt notionnel ; il permet de
déterminer le prix payé par les opérateurs qui prennent livraison des obligations.

Le principe est simple : si l’on appelle Bf (de prix p f ) les obligations fictives et Br les

obligations réelles, lors d’une livraison, le vendeur du contrat doit remettre NBr en

lieu et place des NB f . Mais cette livraison se fera à un prix p qui intègre la différence
de caractéristiques entre les obligations réelles et les obligations fictives. Le prix p est
fonction de p f ; le facteur de concordance est un paramètre essentiel de cette

fonction liant p et p f .

De manière plus générale, les conditions de livraison sont extrêmement détaillées.


Pour de plus amples détails, on se reportera aux documents mis en ligne par les
marchés qui proposent des contrats de taux longs.

27
5.1.3. Les contrats à terme sur taux longs : dénouement sans livraison
La livraison "physique" des obligations est une issue peu fréquente des contrats. La
grande majorité des opérateurs dénouent leurs positions avant l’échéance du contrat
en rachetant ou en revendant, suivant les cas, les contrats sur lesquels ils avaient pris
position. Les opérateurs enregistrent leurs gains ou leurs pertes, après leur sortie du
marché. Un point important à souligner est que les contrats sont librement
négociables. Une forte liquidité est d’ailleurs une condition essentielle à la réussite
de ce type de produit financier.

5.2. Les contrats sur taux d’intérêt à moyen terme

Les contrats de taux à moyen terme sont construits d’une manière analogue à celle
des contrats à long terme. Ils sont également fondés sur des obligations fictives ; la
seule différence notable est que la maturité des obligations à moyen terme est de
l’ordre de 5 ans alors qu’elle est supérieure à 8 ans pour les obligations des contrats
à long terme.

5.3. Les contrats sur taux d’intérêt à court terme

5.3.1. Principes généraux


Les contrats sont fondés sur des taux à court terme observés sur le marché. Le mode
de cotation d’un contrat est très simple : si k est le taux observé sur le marché, alors
le contrat est coté 100 −k.

Exemple : si k = 1,143 % alors le contrat cotera 100 − 1,143 = 98,857. Si k augmente,


le cours du contrat diminue. Si k devient égal à 1,148 % alors le cours du contrat
devient 100 − 1,148 soit 98,852. Comme pour les contrats à long terme, le cours du
contrat à court terme est une fonction décroissante du taux de marché (toutefois, la
relation mathématique n’est pas de la même nature).

En vendant un contrat on est gagnant en cas de hausse des taux à court terme. Cela
permet par exemple de compenser l’augmentation du coût d’un emprunt à court

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terme. En achetant un contrat, on est gagnant en cas de baisse des taux à court terme.
Cela permet par exemple de compenser la baisse de rendement d’un placement à
court terme. Le montant de ce que l’on gagne ou perd lors d’une telle opération est
fixé dans le contrat.

5.3.2. Un exemple d’utilisation de contrats à court terme


02 Novembre 2012 : un trésorier d’entreprise sait qu’il devra emprunter le 02 janvier
2013 un montant de 100 millions d’euros pour une période de trois mois. Pour lui
le risque est celui d’une hausse des taux. Si les taux augmentent il devra effectivement
payer des intérêts plus élevés pendant les 3 mois que durera l’emprunt. Il doit
emprunter donc le risque de hausse est un risque effectif.

Pour se couvrir il peut vendre des contrats mars d’une valeur nominale totale de 100
millions euros. Si les taux augmentent, alors la valeur des contrats diminuera et de
ce fait la position vendeur prise par le trésorier sera une position gagnante. Selon un
principe absolument général, le gain sur les contrats permettra de compenser la perte
sur le marché physique, cela à condition que le ratio de couverture ait été
correctement calculé.

Par exemple, le vendredi 02 novembre 2012 le taux Euribor 3 mois est de 0,197 %
dans la zone euro. Un emprunt de 100 millions e sur 3 mois coûte 49250 euros
d’intérêts. Si les taux montent à 0,500 %, le coût de l’emprunt devient 125 000 e soit
un surcoût de 75750 euros.

Mais si 100 contrats de nominal 1 million euros ont été vendus au cours de 99,803
alors le gain sur les contrats s’élèvera à :

100 millions × [(99,803 − 99,500)/100] × [90/360] = 75750 euros

Ce gain sur les contrats permet de combler le surcoût de l’emprunt engendré par la
hausse des taux entre novembre 2012 et le premier trimestre de l’année 2013.

NB1 : 99,803 = 100 − 0,197

NB2 : 99,500 = 100 − 0,500

NB3 : 90/360 représente la durée d’un placement de 3 mois exprimée en jours.

29
TRAVAUX DIRIGES

Exercice 1. Exemple (fictif) de contrat à terme sur le café, au 15 janvier 2021

Engagement Quantité Prix Date

37 500 2 $ le
Producteur ivoirien Vendre Sept. 2021
kilogrammes kilogramme

37 500 2 $ le
Torréfacteur Acheter Sept. 2021
kilogrammes kilogramme

1. Avec un tel contrat à terme, décrire les engagements des deux parties.

2. Quelles sont les caractéristiques de ce contrat à terme

3. Que peut-on dire de l’évolution du prix en vigueur sur le marché au moment


de l’exécution finale du contrat par rapport à celui préétabli par ce contrat.

4. A quoi sert ce contrat à terme pour chacune des parties

5. Nous sommes maintenant en septembre 2021. Qu’arriverait-il si le prix du


café en vigueur sur le marché était de 2,25$ le kilogramme ? Laquelle de deux
parties serait « pénalisé » par le contrat à terme ?

6. Nous sommes maintenant en septembre 2021. Qu’arriverait-il si le prix du


café en vigueur sur le marché était de 1,75$ le kilogramme ? Laquelle de deux
parties serait « pénalisé » par le contrat à terme ?

7. Peut-on conclure que quel que soit le prix, les deux parties peuvent être
considérées « gagnantes » ?

8. Définir : Prix à terme (ou prix d'exercice) et prix spot (ou prix au comptant)

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Exercice 2 : Operations à terme et au comptant

Une société française recevra dans 1 an, 1 200 000 dollars de son client américain.
Elle veut fixer son revenu en euros et vend à terme à sa banque ces dollars contre
des euros. La banque emprunte immédiatement des dollars au taux de 1,4% par an.

1. Combien la banque doit-elle emprunter de dollars si elle veut rembourser


exactement 1.2 millions de dollars dans un an ?

2. La banque change ses dollars contre des euros au taux de 1.2813 dollars contre
un euro. Puis elle place ces euros au taux de 2.2% par an pour un an. De
combien dispose-t-elle d’euros à l’issue du prêt ?

3. Elle remboursera son premier emprunt en dollars grâce à ceux qu’elle recevra
de son client. Quel cours de change à terme (en dollars pour un euro) la
banque va-t-elle facturer à l’entreprise française pour juste couvrir ses coûts ?

4. Elle facture désormais une marge de 1% de l’opération financière en


appliquant à son client un taux de change moins favorable. Quel va être le
taux de change finalement facturé au client ?

5. Dans cet exemple qui supporte le risque de change ?

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