Hutin Serge - Commentaires Sur Le Mutus Liber
Hutin Serge - Commentaires Sur Le Mutus Liber
Hutin Serge - Commentaires Sur Le Mutus Liber
Pour introduire l’Alchimie il m’a semblé tout indiqué de reproduire ici un texte écrit par mon ami Serge
Hutin († 1/11/97) pour le volume 506 « L’ALCHIMIE » de la collection « Que Sais-je » :
« Rien de plus aisé, en apparence, que de définir l’Alchimie : c’est, dit-on couramment, l’art de la
transmutation des métaux, cette pseudo-science du Moyen Age, dont le but était la fabrication de l’or.
Et beaucoup complètent cette définition par une condamnation dédaigneuse et catégorique, s’écriant
avec le chimiste Fourcroy : « L’alchimie a occupé beaucoup de fous, ruiné une foule d’hommes cupides
ou insensés, et dupé une foule encore plus grande d’hommes crédules. *
» Cependant, si on étudie un peu moins légèrement la question, on s’aperçoit que, sous le terme
Alchimie, se cache une réalité historique extrêmement complexe. « L’histoire de l’Alchimie, écrit Ber-
thelot, est fort obscure. C’est une science sans racine apparente, qui se manifeste tout à coup au moment
de la chute de l’Empire Romain et qui se développe pendant tout le Moyen Age, au milieu des mystères
et des symboles, sans sortir de l’état de doctrine occulte et persécutée; les savants et les philosophes
s’y mêlent et s’y confondent avec les hallucinés, les magiciens, les charlatans et parfois même avec les
scélérats, escrocs, empoisonneurs et falsificateurs de monnaie. » Le problème est loin d’être clair et, si
de nombreux travaux érudits ont été consacrés à l’Alchimie, cette dernière n’en continue pas moins à
être profondément discréditée aux yeux de la majorité du grand public, qui, d’ordinaire, ne fait
guère de différence entre « alchimiste », « sorcier » et « charlatan »: l’Alchimie aurait été une sorte
d’art plus ou moins magique, consistant à combiner avec ingéniosité tours de passe-passe, cornues et
invocations au Diable, dans le but d’obtenir de l’or, ou de passer pour en obtenir aux yeux des badauds
émerveillés... Si l’Alchimie n’avait été que cela durant toute la longue période où elle a été cultivée,
elle ne mériterait certes pas d’avoir été étudiée par tant d’historiens et de savants modernes, à commen-
cer par le grand chimiste Berthelot. Mais, lorsque l’on sait différencier les véritables alchimistes des
escrocs et des charlatans qui prétendaient être des adeptes de l’art sacré, on s’aperçoit que l’Alchimie,
loin de se réduire à la simple fabrication de l’or, était en réalité quelque chose de beaucoup plus noble,
et aussi de beaucoup plus complexe. Aussi une étude impartiale, même rapide, de cette antique «
Science d’Hermès » est-elle du plus haut intérêt. C’est à une exploration véritablement passionnante
des temps passés que nous convions le lecteur...
» Reprenons la définition courante de l’Alchimie « l’art de faire de l’or ». L’alchimiste, c’était donc
un «faiseur d’or «, quelqu’un qui cherchait à s’enrichir aux moindres frais possibles et, le plus souvent,
aux dépens d’autrui... Or ce préjugé est une grave erreur : les tentatives expérimentales des vrais
alchimistes pour transmuter les métaux étaient entreprises, non pour s’enrichir, mais dans le but d’ad-
joindre une preuve matérielle à leur système, « dans l’intérêt de la science », comme on dirait aujourd’hui.
D’où les multiples précautions employées par les adeptes pour cacher leurs secrets aux yeux des
profanes; d’où leur dédain pour ceux qu’ils appelaient «souffleurs », c’est-à-dire les simples faiseurs
d’or, ceux qui cherchaient empiriquement la Pierre philosophale et, ignorant les théories initiales,
essayaient au hasard les procédés les plus hétéroclites, et finissaient parfois leur carrière comme
escrocs ou faux monnayeurs.
» Etymologie. - Mais qu’était-ce donc que l’Alchimie proprement dite ? Interrogeons d’abord
l’étymologie du mot : celui-ci est arabe dans sa forme (el-himyâ), mais grec dans sa racine. Kimyâ
dérive sans doute de Khem (« le pays noir »), nom qui désignait l’Égypte dans l’Antiquité. Le mot
même nous apporte donc d’utiles renseignements quant à la patrie d’origine, réelle ou symbolique, de
l’art sacré
» Les théories alchimiques. - L’Alchimie, au sens strict du terme, était donc un art pratique, une
technique. Mais, en tant que telle, elle reposait sur tout un ensemble de théories relatives à la consti-
tution de la mati¬re, à la formation des substances inanimées et vivantes, etc., théories qui constituaient
comme les postulats d’où partait l’alchimiste.
» L’Alchimie pratique; ses buts. - L’Alchimie pratique, application directe de l’Alchimie théorique,
était la recherche de la Pierre philosophale. Elle revêtait deux aspects principaux, complémentaires:
la transmutation des métaux, qui était le Grand Œuvre au sens restreint du terme, et la Médecine
universelle. C’étaient là les deux pouvoirs essentiels de la Pierre.
» Les alchimistes supposaient que les métaux étaient vivants, et qu’à l’état de santé ils devaient
apparaître sous la forme de l’or, métal parfait. D’où la définition la plus courante de l’Alchimie :
« L’Alchimie est la science qui enseigne à préparer une certaine médecine ou élixir, lequel, étant
projeté sur les métaux imparfaits, leur communique la perfection dans le moment même de l’obtention
(1) »
» Mais, en liquéfiant la Pierre, on obtenait l’Elixir de longue vie, qui devait assurer à son possesseur
la prolongation de la vie, voire même la quasi-perpétuité de l’existence; et du même coup la Panacée,
remède miraculeux qui restaurait la force et la santé de l’organisme. Telle était la Médecine univer-
selle : il s’agissait de trouver ce qu’on appellerait aujourd’hui un « régénérateur cellulaire ».
» La Pierre philosophale devait également communiquer à son détenteur toutes sortes de pouvoirs
merveilleux : se rendre invisible, commander aux puissances célestes, se déplacer à son gré dans
l’espace, etc. Mais ces pouvoirs magiques sont surtout mentionnés à la fin du Moyen Age, de même que
les autres problèmes qui, jusqu’à la Renaissance, sont venus se greffer sur celui de la Pierre : l’Alkaest
(découvrir un « dissolvant universel », capable de dissoudre tous les corps), l’Homunculus (fabriquer
artificiellement un homme), etc.
» L’Alchimie mystique. - Il est une toute autre conception de l’Alchimie : selon certains auteurs
et, en particulier, les penseurs de la Franc-Maçonnerie, l’Alchimie était une mystique. La terminologie
alchimique en réalité, un sens figuré, et désignait « l’or spirituel ». Le but de l’alchimiste, ce n’était pas
la recherche de l’or matériel : c’était l’épuration de l’âme, les métamorphoses progressives de l’esprit.
Les « métaux vils », c’étaient les désirs et les passions terrestres, tout ce qui entrave le développement
de l’être humain authentique. La Pierre philosophale, c’était l’homme transformé par la transmutation
mystique. La transmutation du plomb en or, c’était l’élévation de l’individu vers le Beau, le Vrai, le
Bien, l’accomplissement de l’archétype que chaque homme porte en lui. L’homme était la matière
même du grand Œuvre, et ainsi s’explique ce passage des Sept chapitres d’Hermès : « L’Œuvre est
avec vous et chez nous, de telle sorte que, le trouvant en vous-même, où il est continuellement, vous
l’avez aussi toujours quelque part que vous soyez, sur terre et sur mer ; »
» L’ « Ars Magna ». - Mais la conception la plus grandiose de ]’Alchimie est l’Ars Magna («
grand Art »), appelée quelquefois Art royal : en Europe, on la trouve développée surtout chez les
auteurs du xve et postérieurs. Voici la définition qu’en donne un de ses interprètes modernes, A. Savoret
: « L’Alchimie vraie, l’Alchimie traditionnelle, est la connaissance des lois de la vie dans l’homme et
dans la nature, et la reconstitution du processus par lequel cette vie, adultérée ici-bas par la chute
adamique, a perdu et peut recouvrer sa pureté, sa splendeur, sa plénitude et ses prérogatives primordia-
les : ce qui, dans l’homme moral, n’appelle rédemption ou régénération ; réincrudation dans l’homme
physique - purification et perfection dans la nature ; enfin, dans le règne minéral proprement dit, quin-
tessenciation [le problème de la quintessence consistait à extraire de chaque corps ses propriétés les
plus actives] et transmutation. Le but de l’Alchimie reposait ainsi sur la constatation d’une chute, d’une
déchéance, d’une dégradation des êtres de la nature. Le suprême Grand Œuvre (Œuvre mystique, Voie
de l’Absolu, Œuvre du Phénix) était la réintégration de l’homme dans sa dignité primordiale. La
Pierre philosophale donnait à l’adepte l’excellence illuminative, physique et morale, le bonheur par-
fait, l’influence sans limites sur l’Univers, la communion avec la cause première. Trouver la Pierre
philosophale, c’était découvrir l’Absolu, la véritable raison d’être de toutes les existences, posséder la
Connaissance parfaite (Gnose). L’ascèse et la pratique s’allient étroitement dans cette Alchimie trans-
cendante : « Habile à inventer entre les ordres divers de l’être des correspondances fantasques, écrit
A.-M. Schmidt, elle impose à ses sectateurs une ascèse bien réglée. Tandis que, dans I’Œuf philoso-
phique, globe de cristal soigneusement clos, ils surveillent la coction et la métamorphose du compost,
mélange secret d’où, comme d’un embryon, prisonnier de l’utérus, naîtra la Pierre philosophale, ils
doivent passer par les exercices gradués d’une lente purification. Ils professent la croyance que, pour
parfaire le Grand Œuvre, régénération de la mati¬re, ils doivent poursuivre la régénération de leur
âme... De même que, dans leur vase scellé, la mati¬re meurt et ressuscite, parfaite; de même, ils
souhaitent que leur âme, succombant au trépas mystique, renaisse pour mener en Dieu une existence
extasiée. Ils se targuent en toutes choses de se conformer à l’exemple du Christ, qui dut, pour la
vaincre, subir, ou plutôt accepter, l’atteinte de la mort. Ainsi pour eux l’imitation du Christ est non
seulement une méthode de vie spirituelle, mais encore un moyen de régler le cours des opérations
matérielles d’où proviendra le magistère. » L’adepte devient ainsi capable d’accomplir I’Œuvre phy-
sique, la régénération du cosmos. La transmutation, après s’être opérée dans le secret de l’âme hu-
maine, doit se manifester dans le monde matériel. La Pierre philosophale, matière animée plus parfaite
que tous les êtres, semblable à la matière première de la Création lorsque le Chaos eut été animé par le
Feu divin , étend son action à tous les règnes . animal, végétal, minéral. L’alchimiste, connaissant les
lois qui, selon lui, ont présidé à la formation des êtres, peut reproduire les corps que nous avons sous
les yeux : « Ce que la Nature a fait dans le commencement, disaient les alchimistes, nous pouvons le
faire également en remontant au procédé qu’elle a suivi ; ce qu’elle fait peut-être encore, à l’aide des
siècles, dans ses solitudes souterraines, nous pouvons le lui faire achever en un instant, en l’aidant et en
la mettant dans des circonstances meilleures » (Hoefer). Mais l’adepte recherche aussi la découverte
et la fixation d’un ferment mystérieux, qui n’est autre que la Pierre elle-même, et qui permet non
seulement de retarder presque indéfiniment la désagrégation des corps, mais encore assure la progres-
sion rapide des êtres vers l’état supérieur, régénérant tous les êtres imparfaits, changeant les métaux «
lépreux » en or et rendant la santé aux malades. L’alchimiste devient un véritable Surhomme, régénéra-
teur du Monde.
» Il est ainsi beaucoup plus difficile qu’on ne le pense de donner une réponse précise à la question :
qu’est-ce que l’Alchimie ? Ce mot recouvre différents domaines, qui peuvent être groupés en cinq
aspects .principaux :
- 1. Une doctrine secrète, la Philosophie hermétique.
- 2. Des théories que l’on pourrait qualifier de «scientifiques » sur la constitution de la matière.
- 3. Un art pratique, dont les buts principaux sont la transmutation des métaux et la médecine univer-
selle.
- 4. Une mystique.
- 5. L’Ars magna, alliance curieuse de mysticisme, d’aspirations religieuses, de théosophie et de
procédés pratiques, sorte de synthèse des aspects précédents.
» Il a été autant d’alchimistes que de catégories précédemment distinguées : les une s’intéressant
PLANCHE 1
On y voit l’alchimiste paisiblement endormi sur une grève
De quel sommeil s’agit - il ? Pas du sommeil ordinaire mais d’un état qui en diffère
profondément ce n’est nullement par désir de, donner à leurs images une présentation
curieuse que les adeptes se complaisent volontiers à nous raconter des songes (ce serait
le cas de citer ici l’ouvrage le plus célèbre de BERNARD le TREVISAN: « Le Songe
Vert » Il s’agit un fait d’un état qui pourrait se comparer au sommeil prophétique ou
magique recherché par les candidats à certaines initiations antiques en pense aussi (.bien
que le contexte en soit tout différent aux malades qui venaient s’endormir dans le temple
d’Esculape cri espérant que leur sommeil magnétiqueserait favorisé d’un songe signifi-
catif. L’alchimie traditionnelle est, comme, toutes les disciplines tantriques une, ascèse
libératrice destinée à procurer la sortie de l’artiste hors du labyrinthe des apparences
sensibles - sortie transitoire d’abord (durant le temps que se poursuivent les voyages de
l’alchimiste en imagination magique) mais destinée si les opérations aboutissement à leur
fin ultime, à devenir définitive.
L’Homme endormi c’est bien l’alchimiste alors que s’instaure en lui cet étrange état
second : son corps physique est assoupi, sa conscience objective (la perception des
apparences sensibles) se trouve suspendue; et, durant tout le temps que dure cet état,
l’imagination magique devient capable de voyager librement dans les plans supérieurs
aux apparences; et c’est cet état impératif qui se trouve si volontiers perdu de vue par les
auteurs. s’occupant d’alchimie. Le propre du travail
de l’adepte engagé dans la poursuite du Grand Œuvre est non seulement d’être à certaines
phases, extrêmement intensément attentif aux phénomènes qui se traduisent d’une ma-
nière sensible mais aussi de devenir de mieux en mieux apte à s’abstraire des apparences
sensibles pour devenir finalement capable de librement agir sur un ou plusieurs autres
plans.
D’autre, part, les rochers situés immédiatement contre le dormeur (celui sur lequel il
repose. sa tête n’étant un fait qu’une partie de l’ensemble rocheux) semblerait n’en for-
mer qu’un, d’où; s’épanche une eau limpide aux reflets métalliques.
L’une des clefs opératoires de; l’alchimie est ainsi qualifiée : « ouvrir le rocher avec la
verge de Moïse » .Car, outre son sens initiatique, la figure a un sens très précis dans le
domaine des manipulations de laboratoire.
La présence des deux anges n’est pas une simple allégorie : sans coopération des forces
actives des. Entités supérieures, porteuses de la Lumière divine, le Grand Œuvre - aux
divers niveaux où il doit se réaliser - serait impossible.
Laissons, cette, fois encore, la parole à MAGOPHON ( qui n’était autre que le Dr. Marc
HAVEN:
Ce. Verbe vient- de Dieu, porté par les anges, les messagers de feu. C’est un
Souffle divin qui agit de manière, invisible, mais certaine, et ce n’est pas une hyperbole.
Sans le concours du ciel, le travail-de-l’homme - est - inutile. On ne greffe les arbres ni
en ne sème le grain en toutes saisons.
La présonce des trompettes n’est pas, non plus, un simple détail allégorique courant. Le plus
grand secret opératif de l’alchimie, confié seulement d’une manière orale pax le maître à son
disciple, est en effet le suivant : la révélation des très puissantes formules sonores (en sanscrit,
elles sont appelées mantras – au singulier : mantram qui, en déterminent certains rythmes
vibratoires déterminant les transformations spéciales souhaitées (que ce soit au niveau de la
matière ou dans les régions supérieures. Ces formules devront être modulées, chantées, d’une
manière correcte ; autrement, les phénomènes voulus ne se produiraient pas -même au niveau
des simples opérations minérales. On conçoit donc que ce soit l!c e secret le plus jalousement
gardé par les alchimistes traditionnels.
Cette première planche, qui sert de page de titre à l’ouvrage, n’est pas du tout – le lecteur aura
pu s’en apercevoir, un « hors-d’œuvre » : au contraire, on y trouve symbolisés toute une série
de secrets importants et nous voyons déjà comment l’alchimie traditionnelle dépasse
singulièrement, « l’art de faire de, l’or » oùla réduit si volontiers encore.. l’imagination popu-
laire. En fait, elle nous apparaît comme une prodigieuse tentative pour dépasser le plan terres-
tre pour atteindre enfin « l’illimité » interpréta(si bien concrétisés par lu ciel et la mer -
horizons indéfinis).
PLANCHE 2
Ala partie inférieure, un homme et une femme – l’alchimiste et sa compagne de travaux - à genoux,
l’athanor (fourneau alchimique) entre eux deux.
(par le « sceau d’Hermes »), qui est l’œuf philosophique; nous sommes ici devant le
procédé alchimique dit de la «voie humide » pour l’accomplissement du Grand-œuvre.
(la « Voie sèche », elle, se. réalisant au creuset).
Au milieu de le figure, nous voyons reparaître cet œuf philosophique, très agrandi cette fois, et
au sein duquel nous remarquons les figures mythologiques de Neptune, d’Apollon et de Diane.
MAGOPHON nous fait remarquer : Tout œuf comprend un germe - la vésicule de. Purkinjo qui est
notre sel; le jaune qui est notre soufre; et l’albumine, qui est notre mercure. La tout est enfermé dans
un matras qui correspond à le coquille. Les trois produits sont personnifiés ici par Apollon, Diane et
Neptune, le dieu des eaux pontiques. Le même alchimiste contemporain donne également les précisions
pratiques suivantes : La grandeur de l’œuf importe.
Dans la nature,-l’œuf varie du celui du roitelet à celui de l’autruche, mais, dit la Sagesse, «in media
virtus». Il nous faut dire. aussi quelque chose du verre. philosophique. Les auteurs en parlent peu, et
encore avec réserve. Mais nous savons, par l’expérience que le meilleur est celui de Venise. Il le faut
de bonne épaisseur, limpide, sans bulles. On employait encore, autrefois, le gros verre de Lorraine
fabriqué par les gentilshommes souffleurs; mais un bon praticien doit apprendre à faire ses matras lui-
même
L’alchimiste et sa compagne sont figurés à genoux. Sont -ils donc tout sim-
plement en prière ?
En partie seulement : leurs positions des bras et celles des doigts ne sont pas du tout
gratuites- Nous touchons là, en fait, à un autre secret opératif de le voie tantrique : la
connaissance des gestes précis appropriés (leur nom sanscrit est moudras) qui com-
mandant l’obtention de tel ou tel effet magique; ce secret opératif étant évidemment
complémentaire de celui due mantras.Mais, en réalité, le couple alchimique paraît
trois fois sur la planche : à la partie inférieure, au milieu (au premier plan), enfin
dans l’intérieur du matras (c’est en fait l’alchimiste et son épouse qui y sont figurés
sous l’aspect, respectivement, d’Apollon et de Diane).
Les différences de vêture ne sont pas du tout accidentelles. on remarquera que si, en
bas de la figure, les deux époux sont vêtus dans leurs habits de ville (tels qu’ils étaient
d’usage au moment de l’impression des planches : la seconde moitié du 17éme siècle), il
n’en est pas de même pour les deux autres figurations de l’alchimiste et de sa femme.
Nous sommes ici en fait devant l’un des grands secrets rituels du la voie tantrique à deux
(1). Dans de nombreuses gravures alchimiques de la Renaissance et du grand siècle, nous
voyons bel et bion apparaître un homme portant un costume antique spécial et dont la tête se trouve
surmontée d’une sorte de couronne métallique en forme de soleil rayonnant, tandis que; la femme lui
faisant face porte au contraire un diadème en forme de croissant lunaire. L’un figure Apollon, l’autre
Diane. En fait, il ne s’agit pas du tout l’ d’une simple, allégorie mais d’une réalité très concrète : le
couple tantrique en train d’exécuter, avent la réalisation effective des noces chimiques, une sorte, de
danse rituelle symbolisant le rapprochement magique qui doit s’opérer entre les deux natures divines
opposées mais complémentaires.
Lc dieu Neptune (ou Poséidon, si on préfère employer son nom original Grec)
Est figuré plus grand que les deux personnages humains enfermés dans le matras : cela
nous rappelle Que l’union alchimique entre partenaires prédestinés ne peut se réaliser
sans l’intervention (et sous une forme effective, tangible) de la grâce divine
. Le, dieu porte trident, symbole que, l’on retrouve dans toutes les formes traditionnelles
de tantrisme (qu’elles soient orientales ou occidentales); le trident, cet attribut de Poséi-
don, dieu des Atlantes; or il semble, bien que le berceau de la voie tantrique soit à
retrouver dans l’ancien continent atlantique.
La présence du couple à l’intérieur de l’œuf philosophique fait songer à ces tableaux de Jérôme
BOSCH (qui avait reçu la plus haute initiation de la société secrète gnostique des Frères du Libre –
Esprit) ou doux amants (des époux tantriques en fait) échappent aux apparences sensibles, enclos
dans une sorte de bulle transparente
Les deux personnages qui tiennent le matras ne sont autres, à nouveau, que l’alchimiste
et sa compagne - mais parvenus cette fois au succès total : ils ont désormais accompli les
noces chimiques, et peuvent donc devenir des êres libérés (ce que symbolisent à mer-
veille les ailes dont le dessinateur a doté ses deux personnages). Dans le tantrisme hindou
(mais, dans ses diverses formes, la voie tantrique observe des traditions tout à fait sem-
blables - seules les formes, les détails extérieurs peuvent varier), le port par une prêtresse
du sari doré révèle que celle-ci a célébré la phase ultime de la danse sacrée, quand se
réalise la communion humaine totale en la Lumière divine; la couleur des vêtements
figurés sur les deux personnages de la planche étant sans doute de cette nuance-la
Au-dessus des deux personnages inférieurs, nous voyons des rideaux qui s’ou-
vrent. Cela nous laisse très clairement supposer que les opérations alchimiques ne se
réalisent pas du tout seulement sur le plan des apparences sensibles, mais à un autre
niveau : au moment, précisément où ils effectueront le geste spécial, le moudra figure sur
la figure (après qu’ils auront prononcé la formule vibratoire à laquelle il correspond) ,
l’alchimiste et sa compagne verront leur imagination magique s’éveiller les transportant
(leur conscience mourant au plan physique) sur les eaux. supérieures
En marge, le soleil et la lune symbolisent les deux grandes polarités divines per-
pétuellement affrontées; complémentarité indissoluble du Père et de la Mère, du mascu-
lin et, du féminin, du positif et du négatif. La coexistence des nuages blancs et des nuages
sombres venant renforcer ce symbolisme métaphysique
Au sommet trône Jupiter porté par son aigle, et tenant. à la main un sceptre qui se
termine par une fleur de lys. On notera que sur diverses gravures hermétiques où nous
voyons l’alchimiste et sa compagne accomplissant la danse rituelle dont nous parlions
plus haut (à) nous pouvons voir l’adepte porter un sceptre - symbole de sa royauté
hermétique. L’Aigle est un oiseau symbolique très important dans l’alchimie tradition-
nelle, et il faudrait toute une étude spéciale pour en épuiser les diverses significations
(l’excellent ouvrage d’Alexandre Volguine : Le symbolisme de l’Aigle paru à Nice aux
Editions des « Cahiers Astrologiques »,étant l’ouvrage d’introduction capital en la ma-
tière). Faisons simplement remarquer que l’aigle, dans les formes christiques d’hermé-
tisme, est volontiers symbole féminin. Jupiter chevauchant l’aigle, ce pourra donc être la
polarité masculine pénétrant le réceptacle féminin, : l’accomplissement même des noces
divines. Dans les assemblées rituelles des hauts grades du certaines organisations rosi-
cruciennes traditionnelles, l’aigle sera le bijou spécialement porté par la femme.
Passons maintenant aux trois cercles concentriques. Ils correspondent aux ré-
gions supérieures (différentes du plan physique) que l’illumination alchimique permet à
l’adepte de visiter
Dans le cercle le plus intérieur, nous voyons l’alchimiste et son épouse qui navi-
guent dans une barque : l’homme la dirige, tandis que sa femme lance deux lignes. L’une,
va en direction du dauphin (l’animal cher au dieu Apollon) qui s’ébat dans les flots,
tandis que l’autre rejoint le dieu Neptune, -lequel semble saisir le fil de la main gauche
tandis que sa main droite manie le trident. Le dieu des eaux est figuré sur son char que
traîne un animal fabuleux (sorte de cheval marin monstrueux à deux tètes).
Ce qu’il ne faut pas oublier en étudiant cette figure, c’est que la « navigation
hermétique » n’est pas du tout une vague allégorie, mais correspond en alchimie tantri-
que. àune réalité imaginative très précise. En effet, le couple alchimique - tout au mains
une fois qu’il sera effectivement parvenu à développer son imagination magique (ce qui
constitue l’un des grands secrets opératifs propres aux diverses formes de tantrisme) -
devient à même, lors de l’une des étapes successives de son illumination magique, de
circuler dans une sorte d’esquif, de nacelle (ou encore de bulle) sur les « eaux » spéciales
qui constituent en fait l’une des régions du plan astral. Si, évidemment, la. barque où
navigue le couple tantrique n’est évidemment pas de nature matérielle mais psychique,
cela n’en implique pas moins le caractère concret, vécu de telles expériences.
Sur le sol, en remarquera des formations végétales d’allure curieuse. Or, flos-coeli
; est le nom volontiers donné par les « fils de sciences » à une algue bleue, le nostoc, qui
apparaît soudain - comme mystérieusement tombée du ciel (d’où son nom populaire -
lui-même- aux résonances alchimiques : crachat de la lune) - dans les près ou les jardins
après la pluie. Des alchimistes traditionnels ont- effectivement employé le nostoc pour
préparer la matière première de 1’Œuvre. Mais la rosée proprement dite soigneusement
recueillie (et d’ordinaire au printemps) de la manière bien indiquée sur la figure, est
d’usage très courant en alchimie opérative; d’où le nom de « Frères de la rosée
guide »quelquefois donné aux alchimistes rosicruciens du 17e siècle.
D’autre part, il ne faut pas oublier que les alchimistes semblent (comme jadis les
fulguratores étrusques) aussi avoir eu la maîtrise d’une source colossale d’énergie : celle
provenant de la captation directe du « feu du ciel », c’est à dire de la foudre. Quant à la
possibilité- de capter directement cet autre « feu du ciel » que sont les rayons solaires, il
semble bien que les adeptes en aient également eu la maîtrise. Voici, à ce propos, ce
qu’écrit MAGOPHON dans son commentaire à la planche précédente (car il se demande
comment le il doit être possible d’allumer la lanterne magique portée par la compagne de
l’alchimiste) : Certains auteurs, et non des moindres, ont prétendu que le plus grand
artifice opératoire consiste à capter un rayon de soleil, et à l’emprisonner dans un flacon
fermé au sceau d’Hermès
Enfin, la « manne céleste », l’agent secret indispensable à la réussite des opérations, peut désigner
les influences magiques, surnaturelles dont l’adepte doit s’assurer le concours.
A gauche de la figure, nous voyons figuré , le Bélier; à droite le Taureau.
D’une part, le s’agit l’ d’une clef astrologique, qui nous indique les signes du Zodiaque
sous lesquels on doit toujours commencer le Grand Œuvre (par le procédé de la voie
humide). Mais MAGOPHON nous fait également remarquer : le Bélier l’Hermès Criophore,
qui est le même que Jupiter Ammon; et le Taureau, dont les cornes dessinent le croissant
,attribut de Diane et d’Isis, qui s’identifient avec la Vache Io amante de Jupiter, est la
Lune des Philosophes. Ces deux animaux personnifient les deux natures de la Pierre
L’un des édifices figurés juste au bord de l’horizon (la construction conique
à droite) est surmonté de la Croix de Lorraine : ce n’est pas seulement l’emblème
d’une grande province française mais c’est un symbole ésotérique traditionnel. (à ce,
propos, nous renvoyons au rapport de G.-A. MATHIS présenté au Second Congrès
Européen du Symbolisme, Metz, 9 et 10 Octobre 1965).
Planche 5
Nous y voyons l’alchimiste et son épouse se livrer à une série de manipulations
précises dont l’objet est la liqueur recueillie dans le planche précédente. IL s’agit d’en
opérer la coction : le couple alchimique verse donc la rosée dans un pot; mis sur le feu.
Mais cédons une fois de plus la parole de MAGOPHON .
La figure en haut à droite et les deux de la partie inférieure représentent les digestions et
distillations qui doivent. être réalisés.
On remarquera sur chacune des figures du cette planche la présence d’une ouverture
creusée dans la muraille qui débouche sur lu ciel : le s’agit sans doute là d’une symboli-
sation des perspectives illimitées qui s’offrent à la vue psychique de l’adepte lorsqu’il
atteint l’illumination alchimique. Cette fenêtre, nous la voyons également paraître dans
les deux planches suivantes.
--------------
(1) ou plutôt des figures de cette forme
Planche 6
Dans cette planche, continuation de la précédente, noua «voyons le couple alchi-
mique, œuvrant toujours de concert.
Sur trois des figures nous voyons apparaître la rose. Au point du vue opératif,
MAGOPHON nous précise : Qu’est ce que la Rose? C’est la fleur de l’arbre philosophi-
que par excellence qui présage le fruit. Or, l’arbre des philosophes est le mercure végétable;
la Rose est donc l’inflorescence de le sève métallique mise en mouvement par le feu
extérieur, qui excite le feu interne des corps. Mais les Sages parlent de deux feux diffé-
rents dévolus à cette fonction. Le disciple doit donc penser qu’il existe, en dehors du feu
naturel, un autre agent ainsi dénommé, et ce feu secret est le ferment des métaux qui joue
dans le travail - un rôle - analogue à celui du levain dans la pâte du boulanger.
La planche comporte – on l’aura remarqué – trois roses dont la grandeur diffère : elles
représentent trois étapes successives dans la réalisation victorieuse du Grand Œuvre.
MAGOPHON nous dit : Dans le régime de la coction, Philalèthe enseigne qu’on obtient
d’abord la rose blanche, qu’il nomme la lune, la rose jaune ou safran, la rose rouge ou
parfaite.
Mais ce symbolisme hermétique ne doit pas être interprété dans le seul contexte de
l’alchimie minérale : nous avons là un très grand symbole traditionnel, l’une des deux
composantes indissolubles de la Rose-Croix
Planche 7
Ce qui en rend l’interprétation difficile est que nous y voyons tour à tour:
le couple alchimique qui accomplit (en vêtements ordinaires) des opérations de labora-
toire; des scènes mythologiques (Saturne croquant son fils au milieu d’un brasier); un
épisode rituel.
Cc sont les trois dernières figures, celles de la partie inférieure, qui sont, elles délicates à
interpréter. La partie de gauche représente le dieu Saturne s’apprêtant, au milieu d’un
brasier, à dévorer son fils. D’une part, le s’agit d’une étape capitale dans les opérations de
laboratoire (celles du procédé de la «voie humide»).
MAGOPHON écrit : Il est une eau qui renferme le feu du Cicl; c’est la rosée, ou
flos coeli, que nous avons vu épreindre dans une planche précédente. On sait que la
rosée renferme un principe acide qui brûle à la lettre. Les objets soumis à son action ne
tardent pas à tomber en poussière. Nous devons faire observer, cependant, que la rosée
philosophale diffère, en réalité de la rosée commune. Elle est, néanmoins, formée des
véritables pleurs de l’Aurore unis à une substance terrestre qui est le sujet de l’Œuvre.
D’autre part, on peut retrouver dans cette figuration - en nous souvenant que c’est
l’homme lui-même qui est en fait le sujet principal de l’oeuvre - le symbolisme tantrique
du «pot mis à cuire», c’est-à-dire de notre nature matérielle qui doit être totalement
purifiée, sublimée.
La toute dernière figure est, elle aussi, mais uniquement en partie, symbolique :
l’alchimiste ne sacrifie pas un enfant de chair! mais l’homme qui s’engage sur la voie
d’une union tantrique doit le plus souvent «sacrifier son fils» c’est à dire renoncer à avoir
une postérité charnelle : de par se nature même une telle union ne peut procréer. (1)
Mais la scène n’est pas seulement symbolique : elle semble nous décrire une autre phase
du rituel privé accompli par le couple d’initiés. Les deux époux sont - à cette phase -
dépourvus de vêtements, la femme ne portant alors que son diadème lunaire par-dessus
son écharpe rituelle. L’homme brandit le sabre de la main droite, tandis que son épouse
lui présente dela même main, une fiole constellée d’étoiles.
(1) Dans les rares cas où il y a transmission héréditaire, d’une chaîne tantrique, la
naissance d’un enfant, se fait par le moyen de l’union sexuelle courante
Planche 8
Dans la partie inférieure, nous retrouvons le couple alchimique à genoux de
chaque côté de l’athanor. à nouveau, remarquez l’attitude des mains, qui accomplis-
sent des moudras.
On remarquera que le dieu Mercure porte un symbole qui n’est pas la figuration
habituelle du caducée, mais un emblème tantrique; remarquer aussi, tout en bas du matras
les deux symboles qui terminent les rameaux feuillus que tiennent les deux aigles de tête :
respectivement une étoile à sept branches et un triangle inverséque continuent trois tiges
surmontées chacune d’un losange. Il s’agit sans nul doute de « hiéroglyphes » alchimiques
Planche 9
Dans la partie supérieure, nous revoyons figurée - mais elle se trouvera recueillie, cette
fois, dans six récipients - la patiente récolte de la « rosée céleste » (flos coeli); avec, à
nouveau, le rappel des deux symboles zodiacaux du Bélier et du Taureau. Pourquoi cette
répétition? Parce que, dans les opérations qui vont nous être décrites maintenant, cet
agent spécial doit servir dans une nouvelle combinaison. On remarquera que l’éclairage
de la sciène n’est pas du tout le même : il semble que le Soleil et la Lune soient marqués
par un épais rideau de nuages; d’où la clarté crépusculaire qui règne.
Nous retrouvons l’éventail des couches parallèles, qui symbolisent la descente de l’esprit
astral, qui joue un rôle permanent dans les opérations du Grand Œuvre,
MAGOPHON, à ce propos, se montre fort sévère pour l’une des interprétations
possibles de cet agent mystérieux :Des écrivains d’hier, nous dit-il, ont vu dans cet esprit
astral une émanation magnétique de l’opérateur. D’après eux, il faudrait, pendant une
période déterminée, subir un entraînement physique et moral, pour pratiquer avec succès
Cette sorte de fakirisme ou de yoga. La force qu’on produit doit être proportionnelle à la
puissance du fluide, de telle sorte que la poudre de projection obtenue multiplie par 100,
1000 ou 10000, etc. …suivant le potentiel de l’artiste. Ces fantaisistes prétendent ainsi
imprégner la matière de l’esprit astral comme on charge un accumulateur d’électricité
Nous nous permettons de n’être pas d’accord sur ce point précis avecMAGOPHON.
En fait, cette charge magnétique réalisée par l’opérateur est l’un des plus grands, secrets
opératif de l’alchimie tantrique
Ace sujet, nous nous permettrons de renvoyer à l’ouvrage d’une alchimiste anglaise du
siècle dernier, Mary - Ann ATWOOD : « A modest enquiry into the Hermetic Mystery »
(Voir la réédition ce livre donnée à New York, dans la «Philosophical-Library» publiée
par University Books, Inc.).
Il ne faut pas s’étonner de voir quelquefois des auteurs d’une compétence éprouvée
ignorer, voire méconnaître certains aspects spéciaux de la quête alchimique.
C’est que celle-ci est tellement vaste que rares sont les «artistes» qui en aient cultivé en
fait, et simultanément, tous les aspects. Comme nous le disait si bien un jour notre ami
Eugéne CANSELIET, « il est diverses sortes d’alchimie », mais chacune d’elles appli-
quent les mêmes lois fondamentales, qui joueront à différents niveaux.
Dans les deux figures inférieures, nous voyons ce qui semble être deux autres étapes du
rituel secret, accompli par le couple alchimique; ces personnages nous révèlent en même
temps certaines précisions utiles pour le laboratoire et qui concernent l’usage opératif
particulier de la « rosée céleste ».
On remarquera, dans la figure de droite, que l’alchimiste porte les attributs de Mercure;
sa femme lui tend un vase rempli de « rosée céleste », « d’eau divine ».
MAGOPHON nous révèle ainsi le sens précis de cette figuration en ce qui concerne la
pratique du Laboratoire : Philalèthe prescrit effectivement, de laver le mercure à plu-
sieurs reprises, de façon à lui faire perdre une partie de sa nature huileuse. Ildécrit
soigneusement cette opération, qui s’accomplit avec l’eau céleste portée à une certaine
température,.modérée néanmoins, car il faut un rien de trop de Chaleur pour que la partie
ignée du flos coeli reprenne le chemin des astres. L’adepte contemporain ajoutant : Mais
nous devons éventer ici une ruse :cet auteur (le PHILALETHE) a confondu à dessein,
dans son ouvrage, la voie sèche et la voie humide. Ce serait donc un tort d’appliquer à
une technique ce qui convient, à l’autre.
Derrière les personnages, nous remarquons un paysage qui semble à la fois marécageux
et forestier : c’est un symbole de la « forêt des erreurs » dont la traversée victorieuse
impose à tout initié.
Planche 10
Cette planche représente les étapes qui mènent aux Noces Chimiques, à la conjonc-
tion hermétique des deux natures antagonistes. MAGOPHON donne l’élucidation
complète des parties supérieure et moyenne, au point de vue strictement opératif. Lais-
sons – lui une fois de plus, la parole .
La première figure expose, dans les plateaux d’une balance, le sel indiqué par
l’étoile, de l’autre le soufre désigné par une fleur qui, avec le cœur, forme sept pétales.
Cc sont les proportions du rapport. (Ce n’est pas simple hasard si les alchimistes ara-
bes parlent quelquefois de leur « science de la balance »: la possibilité d’arriver aux
proportions exactcs dans les mélanges employés et absolument nécessaire à la réussite
des opérations du laboratoire. L’expression « science- de la balance » pouvant aussi,
cela va de soi, être utilisée sur les autres plans d’application du Grand Œuvre). Un
homme (l’alchimiste) verse sur cette fleur un liquide enfermé dans un flacon. C’est le
mercure. Il tient, de l’autre main un récipient plein d’esprit astral pour l’utiliser selon
le cas. La femme place tous ces produits dans un matras à long col; mais qu’on se
rappelle ici ce que nous avons dit du rôle de la femme dans l’Œuvre : les deux agents
personnifiés de la sorte sont les matières elles-mêmes, et les divers accessoires qui les
accompagnent déclarent leur état d’exaltation.
A la seconde rangée, l’artiste scelle le matras su sceau d’Hermès. Il en présente le
col à la flamme d’une lampe de manière à ramener le verre à un état pâteux et ductile.
Il doit l’étirer ensuite avec précaution de manière à l’ amenuiser au point voulu, tout
en s’assurant qu’il ne se produit aucune capillarité par où pourrait s’échapper l’esprit
du compost. Les choses en étant là après avoir sectionné le verre il en renverse sur
elle-même la partie adhérente au matras pour en former un épais bourrelet.
C’est alors que, l’œuf philosophique étant placé dans l’athanor (2ème figure de la
partie médiane), la coction pourra commencer
À gauche du la partie inférieure, trône l’athanor, avec toutes ses particularités très préci-
ses. On remarquera, sur son flanc gauche, la présence d’un diagramme circulaire qui
semble être un rappel des plans supérieurs montrés dans la troisième planche du Mutus
Liber. IL nous rappelle, bien salutairement, la nécessité de toujours faire entrer en ligne
de compte les différents nivaux d’application où se développe la quête hermétique.
La dernière figure de la planche montre que la conjonction des deux natures s’est
effectivement opérée : le Soleil et la Lune se sont unis.
Planche 11
A la partie inférieure, nous retrouvons notre couple alchimique agenouillé de
chaque côté de l’athanor. Mais on y remarquera que, cette fois, l’ n’y a plus une seule-
ment mais deux ouvertures de chaque côté du fourneau; de plus, les rideaux ont disparu,
ce qui symbolise sans doute l’atteinte, du stade où le passage de l’imagination magique
sur un autre plan est devenu tout naturel au couple hermétique après l’accomplissement
des noces divines.
A la partie supérieure, nous retrouvons les deux anges, symbolisant l’union des
deux composantes célestes du couple alchimique.
Pourtant, on remarquera que les deux personnages du bas n’ont plus la «forrêt
des erreurs» à l’arrière-plan : il l’ont traversée, devenant vainqueurs du filet des apparen-
ces sensibles. D’autre part, en remarquera que la partie supérieure n’est plus du tout dans
la pénombre : les nuages se dissipent et les influences supérieures peuvent donc jouer à
plein. Les bâtiments à l’horizon, au lieu d’être en grands partie cachés, se présentent au
contraire en pleine visibilité : tous leurs détails (nombreuses fenêtres) en sont devenus
visibles. La vision magique des réalités suprasensibles est devenue nette, précise.
Planche 13
Cette planche reproduit la dixième, avec, simplement, quelques différences dans
la grandeur ou la place de certains détails. Pourquoi ?
Planche 14
Au point de vue opératif, cette planche est ainsi commentée par AGOPHON :
On y voit le matras scellé hermétiquement avec son bourrelet, tel que nous l’avons
décrit; le mortier et le pilon pour les broyages; la cuillère à écrémer; les balances pour
déterminer les justes poids; le fourneau des premières opérations avant l’emploi de
l’athanor. Nous rappelons qu’il faut entendre les broyages, la décantation, l’écrémage et
tout le reste d’une manière philosophique, encore qu’une trituration, un décantage et
écrémage soient positivement nécessaires pour rendre les matériaux propres au travail;
mais, par la suite, ces opérations se font d’elles même et, pour ainsi dire, automatique-
ment par la réaction des corps les uns sur les autres. Il ajoute : Le disciple devra méditer
profondément sur la femme à la quenouille et la suivre avec sagacité dans ses manifestations;
elles ne sont pas indifférentes et tout y parle au vrai fils de science.
D’autre part, la quenouille nous ramène au symbolisme bien connu des Parques
qui tissent les jours d’une existence humaine : or l’alchimie ne permet elle pas de vaincre
le sort ordinaire des mortels, puisque ses adeptes peuvent espérer « monter au ciel sans
passer par la mort », comme nous le dit une formule, hermétique?
Dans la dernière figure, nous voyons la célèbre formule latine « Ora, Logo, Logo, Relogo,
Labora et Invenies » « Prie, Lis, Lis, Relis, Travaille et tu Trouveras ».
(1) Sur celle-ci, la meilleure étude d’ensemble est celle de notre ami Edmond
DELCAMIP : Les travaux d’Hercule (N°12 de la Collection «le Lien d’Unité»).
Planche 15
MAGOPHON nous en explique ainsi le symbolisme opératif : La dernière plan-
che représente l’apothéose de Saturne, victorieux de son fils Jupiter qui l’avait détrôné et
gît, inerte, sur le sol. C’est la solarisation du plus vil des métaux, sa résurrection et sa
glorification dans la lumière. Les deux branches d’églantier du frontispice sont chargés
de baies rouges et de baies blanches remplies de semences actives dont chacune a le
pouvoir de muer en or ou en argent tous les métaux impurs. Mais le même autour ajoute
une affirmation qu’il nous est impossible d’admettre : De soi-disant mystiques, écrit-il en
effet, voient dans cette planche une image de la résurrection du l’homme et de son retour
dans la patrie céleste, et ils s’extasiaient béatement sur cette découverte qu’ils ne sont pas
loin de considérer comme géniale Or il serait impossible de comprendre pleinement la
signification de cette., planche si nous n’y faisions pas intervenir ce symbolisme de la
résurrection initiatique.
L’échelle n’est plus verticale mais posée sur le sol; on y retrouverait, en ma-
çonnerie, le symbole des Kadoschs.
Au bas de la scène ,un cadavre : c’est le corps physique ordinaire, qui sera
définitivement abandonné lorsque. L’adepte sera devenu à même d’y substituer un corps
glorieux (mais l’enveloppe charnelle est, en attendant, laissée en arrière, lors des ascen-
sions imaginatives dans les»Paradis»).
On pourrait, très simplement, traduire ces deux mots latins, par « ayant des yeux,
tu t’en vas ».
Cette formule est très révélatrice du but final libérateur de l’alchimie tradition-
nelle : il s’agit pour l’adepte de franchir le rideau des apparences sensibles
pour « aborder sur l’autre rive », comme disent les initiés du tantrisme indien septentrio-
nal (mais la formule valant en fait pour toutes lus voies tantriques).
Ayant atteint cet état, l’adepte n’est pas du tout « dans les nuages » : il voit les réalités
supérieures d’une manière aussi concrète, aussi forte (plus intense même) que la vision
objective des apparences sensibles. Il a définitivement franchi le rideau de l’illusion pour
vivre désormais à un autre niveau d’existence.
Au dessus du couple plane le dieu Saturne couronné par deux anges qui ne sont
autres que les symboles des deux contreparties célestes de l’alchimiste et de sa compa-
gne.
Des deux mains étendues, le dieu tient une cordelière, dont chacune des ex-
trémités est empoignée par le couple; cette disposition formant un angle droit, évocateur
au point de vue initiatique.
A cet égard, ce serat lieu de nous demander si cette; planche ne nous révèle pas
aussi des détails précis sur certaines initiations rituelles pratiquées au 17ème siècle dans
des Loges françaises d’alchimistes rosicruciens : l’utilisation à cet effet de l’échelle et du
la cordelière serait à prendre, en considération..
A cet égard n’oublions pas que le propre des initiations rituelles, c’est toujours de
mettre en action les symboles propres à la voie suivie. Et l’existence des Legos herméti-
ques durant la Renaissance, , puis au 17éme et 18éme siècles, ne fait aucun doute - quel que
puisse être le scepticisme des historiens profanes.
Quant aux armoiries qui figurent tout en bas de la planche, le semble qu’elles ne
soient autres en fait que celles de l’auteur même du Mutus - Liber (1),un gentilhomme
français : SAULAT (ou plutôt SOULAT), sieur des MARETZ; son nom hermétique ayant
été ALTUS.
Sans nul doute, les planches du Mutus Liber nous révèlent l’existence de manipulations
matérielles au laboratoire : nous voyons le fourneau et l’œuf philosophique, les mélan-
ges à réaliser, la récolte de la rosée, etc. Même les figurations allégoriques ne sont pas
sans receler aussi un sens opératif en matière, d’alchimie minérale. Prenons, par exem-
ple, la figure où nous voyons Saturne s’efforcer de dévorer son fils. Or, Saturne c’est le
plomb, alors que son fils Jupiter désigne un autre métal : l’étain.
Mais nous avons pu voir que toute volonté de nous limiter aux seules opérations
de laboratoire nous auraient conduits à laisser dans l’ombre les autres niveaux d’applica-
tion de la quête alchimique traditionnelle. C’est ainsi que l’étude
Approfondie des figures du Mutus Liber nous aura permis de constater aussi l’existence
-de Pratiques rituelles secrètes ;
- de formules et de gestes magiques ouvrent l’accès des niveaux vibratoire supé-
rieurs aux apparences sensibles;
L’alchimie est une science occulte; nous dirons mieux, elle est la science oc-
culte, tout entière, l’arcane universelle le sceau de l’absolu, le ressort magique des re-
ligions et c’est pourquoi on l’a appelée l’Art Sacerdotal ou Sacré (…).
Serge HUTIN
BIBLIOGRAPHIE
Maurice ANIANE, Notes sur l’Alchimie (in recueil Collectif Yoga, Paris,»Cahicrs du
Sud», 1953, p. 243-73).
M. A. ATWOOD A Suggestive Inquiry into the Hermetic Mystery réédition,New York
(iversity Books) 1960.
Titus BURGKHARDT Alchemie Olten ( Walter Verlag), 1960
Eugène CANSELIET, Alchimie Paris (Jean-Jacques Pauvert), 1963.
Michel CAROPN et Serge HUTIN, Les Alchimistes (Editions du Seuil Collection «Le
Temps qui court)
Carl Gustav JUNG , Psychologie et Alchimie, 2ème édition, Zurich (Rascher Verlag), 1952,
(traduction Traduction anglaise, New -York, 1953); traduction français à paraître.
Claude d’YGÉ, Nouvelle assemblée des philosophes chimiques. Paris, (Dervy Li-
vres), 1954