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La Main Traumatique 10 Interventions Courantes 21 1

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Dr A.

AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

La main traumatique
1O interventions courantes
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chez le même éditeur

Dans la même collection


La main non traumatique 10 interventions courantes, de Jean-Michel Cognet, Michel Levadoux, Laurent Obert, Jean Goubau,
Jérôme Garret, 144 pages, 2021.

Autres ouvrages
L'arthroscopie de la main, du poignet et du coude, de la SFA, Yacine Carlier et Jérôme Garret, à paraître.
Prothèse totale d'épaule inversée, de Luc Favard et Pierre Mansat, 280 pages, 2021.
Urgences et pathologies de la main et du poignet (pack), de Grégoire Chick et Michaël Papaloïzos, 720 pages, 2016.
Chirurgie de la main, Affections rhumatismales, dégénératives. Syndromes canalaires, par Michel Merle et Thomas Jager,
712 pages, 2017.
Chirurgie de la main. L'urgence, par Michel Merle et Gilles Dautel, 544 pages, 2016.
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

La main traumatique
1O interventions courantes
Michel Levadoux
Laurent Obert
Jean Goubau
Jérôme Garret
Jean-Michel Cognet
Dessins de Cyrille Martinet
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
La main traumatique, 10 interventions courantes, de M. Levadoux, L. Obert, J. Goubau, J. Garret et J.-M. Cognet.
© 2021, Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-76924-5
e-ISBN : 978-2-294-77006-7
Tous droits réservés.

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mation, méthodes, composés ou expériences décrits ici. Du fait de l'avancement rapide des sciences médicales, en particulier, une vérifi-
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d'exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Les auteurs

Michel Levadoux, chirurgien orthopédiste, chirurgien des Jérôme Garret, chirurgien orthopédiste, ancien chef de
Hôpitaux des Armées, professeur agrégé du Val-de-Grâce, clinique des Hôpitaux universitaire de Lyon, chirurgie du
ancien chef de service du service de chirurgie orthopédique membre supérieur, clinique du Parc, Lyon.
et traumatologie de l'hôpital d'instruction des Armées Sainte-
Anne, Toulon.
Jean-Michel Cognet, chirurgien orthopédiste, ancien chef de
clinique, ancien praticien hospitalier des Hôpitaux univer-
Laurent Obert, professeur des universités-praticien hospita- sitaires de Strasbourg, SOS Mains Champagne-Ardenne,
lier, chef de service du service d'orthopédie, de traumatologie, ­clinique Courlancy, Reims.
de chirurgie plastique, reconstructrice et Assistance Main, CHU
Besancon, membre de l'Académie nationale de chirurgie.
Jean Goubau, docteur en médecine, chirurgien orthopé-
diste, Maria Middelares Ziekenhuis - Gent, PhD, Professeur
à la Faculté de Médecine, Vrije Universiteit Brussel (VUB),
Belgique.

VII
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Préface
Retour sur quatre décennies
anté-COVID19 d'exercice
de la chirurgie de la main
À l'adresse des traumatologues de la main en exercice et venant de l'étranger. Son école forma beaucoup d'élèves et
en formation. son fils François prit la relève en 1968. Afin de privilégier
De bons amis, chirurgiens de la main de l'excellence natio- la qualité des résultats dans un contexte d'absence d'effi-
nale actuelle, m'ont invité à feuilleter mes quatre décennies cience face à la traumatologie de la main, Marc Iselin fait la
d'exercice libéral à l'occasion de l'arrêt brutal de nos activités promotion de l'urgence avec opération différée (UOD). Ce
routinières imposé par la COVID. Ne sachant toujours pas sera son empreinte, associée à son livre plusieurs fois réédité,
si j'ai abrité cet agresseur viral qui ne s'attaque pas qu'aux unique traité en français sur la chirurgie de la main jusqu'à la
poumons, on pourra supposer que ma mémoire puisse me parution de fascicules par Raymond Vilain en 1968.
faire défaut si d'aucuns relèvent des oublis. Aussi, conscient L'autre racine est Raoul Tubiana (1915–2013). Il se consacre
de ne pas être exhaustif car n'ayant pas fait l'École nationale jeune assistant dès 1948 aux séquelles traumatiques de main
d'administration, imploré-je l'indulgence du lecteur. et aux brûlures et ce à la demande du futur grand patron de
Cochin, le professeur Robert Merle d ­ 'Aubigné (1900–1989).
Les racines de la chirurgie Tous les chirurgiens à cette époque sont généralistes. «PMA»
de la main mettra sur pied la spécialité d'orthopédie-traumatologie
en incluant la main et les paralysies. Au cours de la guerre,
En 1980, la chirurgie orthopédique a acquis ses lettres de John Convers (1909–1981), chirurgien plasticien américain,
noblesse avec l'arthroplastie de hanche en routine, puisque fut détaché à Paris par l'armée américaine auprès de Merle
certains s'autorisent à la réaliser avant 60 ans ; la prothèse d'Aubigné et enseigna Tubiana qui eût ainsi deux maîtres (un
du genou puis de l'épaule amorcent leur développement. d'orthopédie et un de plastique). C'est la rencontre en 1952
L'orthopédie-traumatologie se différencie clairement de la de Tubiana avec Sterling Bunnel de San Francisco qui fût
chirurgie générale mais la double garde entre «le dur et le déterminante. Le général en chef de l'armée américaine avait
mou» est loin d'être instituée dans les hôpitaux de France. confié à Bunnel l'organisation des soins hospitaliers pour la
La chirurgie de la main n'est encore affaire que d'individuali- réparation des mains blessées. Neuf centres furent créés dans
tés dont la renommée alliée à la pugnacité permettra l'émer- lesquels n'exerçaient que des chirurgiens ayant la triple for-
gence d'une surspécialité. Il y a ceux qui savent faire et ceux mation : chirurgies orthopédique, nerveuse et plastique. La
qui font encore car cette chirurgie n'est que périphérique. définition était donnée par ce chirurgien en fin de carrière,
Pour assimiler la dynamique qui va conduire au droit au mais ses travaux sur la main étaient diffusés bien au-delà de
titre en 2000, il convient de faire la généalogie sans géné- San Francisco. Bunnel partait du principe que dans un si petit
tique de cette fille légitime de la chirurgie orthopédique et espace il n'y avait pas de place pour trois chirurgiens !
de la chirurgie plastique. Les chirurgiens de ces centres fondèrent en 1946 l'American
Les deux racines de la chirurgie de la main en France Society for Surgery of the Hand (ASSH).
datent de la Seconde Guerre mondiale et de ses consé- Raoul Tubiana multiplia ses rencontres avec le monde
quences ; toutes deux sont d'inspiration nord-américaine. anglo-saxon et deviendra le père fondateur de la chirur-
Marc Iselin (1898–1987) part à Baltimore en 1925 ; gie de la main française du xxe siècle. Il sut allier à son art
nommé à l'hôpital de Nanterre en 1941, il organise un ser- chirurgical des talents d'écriture et un esprit visionnaire.
vice de chirurgie de la main et des cours très recherchés. Ils Son rayonnement national et international attira de nom-
sont uniques à l'époque, avec la participation de chirurgiens breux chirurgiens autour de lui et ce pendant plus de

IX
PréfaceDr A.AMINE
– Retour Recherche
sur quatre décennies anté-COVID19 d'exercice de la chirurgiebibliographique
de la main SCI-MED

60 ans. Alain Gibert, par son aisance du geste et du verbe, (Société française de la chirurgie de la main) en 1974 et n'a
est considéré comme son fils spirituel. cessé de se développer.
En France, au cours des trente glorieuses, on perçoit La notion de chirurgien de la main s'affirme au fil des
l'intérêt de diminuer les séquelles de la traumatologie de congrès annuels et s'assimile au prérequis de formation
la main, premier outil de l'ouvrier. Un tiers des accidents du de Sterling Bunnel. C'est à partir de ce «club» qu'élèves et
travail sont des accidents touchant la main en 1975. Toute- pairs construisent et organisent la chirurgie de la main en
fois, l'activité quasi exclusive de la chirurgie de la main reste France : les écoles de Nancy avec Michon et deux jeunes
peu répandue. À l'hôpital public, les «bouts de doigts» sont talents : Michel Merle et Guy Foucher, Montpellier avec
traités par les internes sans contrôle, puisque ce sont des Yves Allieu, Marseille avec Henry Bureau puis Guy Magalon,
lésions non vitales. Peu lucrative dans le privé, désorganisa- Jacques Baudet à Bordeaux, Jean-Pierre Razemon à Lille puis
trice par l'arrivée non programmée des urgences et envahis- Michel Schoofs, tandis qu'à Paris l'école de Nanterre est
sante pour sa gestion du suivi postopératoire, la chirurgie menée par François Iselin, celle de Boucicault par Raymond
de la main en 1980 est le plus souvent réalisée en fin de Vilain qui s'entoure de Jean-Pierre Lemerle, Vladimir Mitz,
programme opératoire, tant par les orthopédistes que par Philipe Saffar, Dominique Leviet, celle de Bichat où Jacques
les chirurgiens généralistes qui n'ont pas encore muté ou Duparc confie à Jean-Yves Alnot le membre supérieur dans
subi la fragmentation de leur savoir par la spécialisation. son ensemble, et bien d'autres dont des élèves de Cochin
La chirurgie de la main est un complément d'activité, tout comme Jean-Michel Thomine qui s'établira à Rouen.
comme pour les médecins de campagne qui s'adonnent Deux évènements vont accélérer la consécration de la
à la «petite chirurgie» armés de gros fils et d'instruments chirurgie de la main : l'arrivée du microscope en salle d'opé-
stérilisés avec un Poupinel de cabinet. Les patients ne sont ration pour une plaie de la main vers 1970 et l'organisation
pas encore mobiles et le téléphone vient juste de se généra- de la prise en charge des urgences de la main.
liser sur les places des villages grâce aux cabines de Giscard Le père de la microchirurgie est Harry Buncke (1922–2008)
(1974). Le patient a toute confiance dans son médecin de de San Francisco, qui réalise en 1964 dans son garage trans-
famille qui œuvre 7 jours sur 7. La régularisation des ampu- formé en laboratoire, la première transplantation d'oreille de
tations est la norme. La douleur reste rédemptrice et son lapin grâce à des microsutures vasculaires d'un millimètre de
traitement n'est pas encore inscrit dans la loi (2002). diamètre, anastomose inimaginable à l'époque. Il poursuivit
par le transfert de gros orteil chez le singe avant de publier
en 1973 le premier cas chez l'homme de reconstruction du
Du SOS à la FESUM pouce par transfert de l'hallux. En France, les pionniers furent
Pour mieux comprendre l'ascension de la chirurgie de la Jacques Michon à Nancy en 1970 pour les sutures nerveuses
main, nous citerons plusieurs faits qui en période de muta- et Jacques ­Baudet à ­Bordeaux pour les premières replanta-
tion se conjuguent toujours. tions. En 1972, ce fut celle d'un pouce et en 1974 la première
En 1965, Jean Gosset (Paris, 1907–1977) et Jacques Michon replantation de main en France (transmétacarpienne). On
(Nancy, 1921–1989) établissent un rapport remarqué sur le doit aussi à Jacques Baudet l'introduction des sangsues en
traitement des plaies fraîches de la main au congrès de l'As- 1975 pour traiter les congestions veineuses.
sociation française de chirurgie. Ils estiment que «si le dogme Raymond Vilain, grand communiquant et ciseleur de
de l'opération différée se généralisait, ses conséquences formules-chocs, lance le sigle «SOS main» en 1972 dans le
seraient néfastes». Michon s'est engagé à réparer toutes les même esprit que «SOS poisons». Le numéro est d'abord un
structures en un temps et suture les nerfs sous loupes ou standard téléphonique d'aide aux chirurgiens dépassés puis,
microscope rudimentaire. Cette démarche permit d'amélio- rapidement, se constitue une équipe de garde opérationnelle
rer le pronostic fonctionnel. Ce nouveau courant fut adopté avec des microchirurgiens. Ceux-ci étaient encouragés à faire
par un petit groupe de chirurgiens piloté par Tubiana qui chaque jour un entraînement sous microscope. Vilain bous-
venait de se constituer en 1963, le GEM (Groupe d'étude de cule les codes de l'époque, met deux tables d'opération dans
la main). Cette «formation» à cinq comme les doigts d'une la même salle, encadre au plus près ses élèves avec rigueur
main, d'inspiration nord-américaine, avait pour particularité mais aussi reconnaissance. L'équipe de Boucicault est née
d'associer un anatomiste chercheur non chirurgien Pierre dans des locaux vétustes, inadaptés mais les blessés affluent.
Rabischong à quatre chirurgiens de formation plastique ou La personnalité du patron marquera la carrière de chacun
orthopédique : Raoul Tubiana, Jacques Michon, Raymond de ses membres. La renommée partagée fortifie la «culture
Vilain et Jacques Duparc. Ce GEM prit le nom de SFCM du maillot». Chaque opérateur a un espace de création sous

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Dr A.AMINE Préface – Retour sur quatreRecherche bibliographique
décennies anté-COVID19 d'exercice de laSCI-MED
chirurgie de la main

réserve qu'il explique en staff ses échecs. Cette épopée est la main. Je fus captivé par un chirurgien alliant l'excellence du
accompagnée de passages r­éguliers à la télévision nationale geste et les connaissances anatomiques. Je l'accompagne à
et d'articles dans la presse non médicale. Le concept de l'ur- mon premier GEM en décembre 1972, présidé par Jacques
gence immédiate l'emporte sur celui de l'UOD (urgence avec Michon. Le CHU d'Angers commençait sa mue d'hôpital-
opération différée) ; Vilain clame que l'urgence différée est hospice mais n'avait pas encore de service d'orthopédie. La
«l'urgence avec opérateur différé pour convenance person- belle chirurgie se faisait en ville avec de brillants IHP. Lorsque
nelle» ! La maîtrise de la réparation microvasculaire permet Jean Miné me proposa de prolonger mon séjour de six mois,
les premières replantations qui seront fort médiatisées. je ne pus refuser une telle offre malgré l'éloignement de
En 1976, le concept de TTMP («traitement tout en un mon épouse restée à Angers. À cette époque, être séparés
temps avec mobilisation précoce») est publié par Jacques de 300 km sans TGV ni portable, était un sacrifice familial.
Michon, Michel Merle et Guy Foucher. Vilain autorise Guy Cette extension de stage me permit de me lier d'amitié avec
Foucher, chef de clinique à Strasbourg dans un ­service un nouvel interne de Paris : Jean-Marie Servant. Je ne per-
de chirurgie générale, à appeler son unité «SOS Main cevais pas réellement la portée de son occupation favorite
­Strasbourg», tandis que Michon et Merle labellisent leur qu'était de faire des anastomoses porto-caves chez le rat et
service en «Nancy Assistance Main». L'axe Paris-­Nancy- d'apprendre le japonais pour aller voir des microchirurgiens
Strasbourg ainsi créé devient le détonateur dans l'Hexa- au Japon. Il mena à bien sa carrière grâce son intelligence
gone du nouveau modèle de prise en charge des urgences de surdoué et deviendra le patron de chirurgie plastique à
de la main. Des présentations au congrès du GEM crèvent l'hôpital Saint-Louis. Marc Revol sera un de ses élèves puis
l'écran. Le sensationnel crée une émulation auprès des son complice ; nous leur devons un excellent livre, loin d'être
jeunes chirurgiens dont je fais partie. La barre est haute et démodé, Paralysies de la main et du membre supérieur (1987).
pour assurer un SOS H24 7jours/7, il faut des bras. De retour à Angers en avril 1973, je suis décidé à deve-
En décembre 1979, Michel Merle et Guy Foucher — chefs nir chirurgien de la main par la voie de l'orthopédie, ce
de clinique ! — créent la CESUM (Confédération euro- qui deviendra possible avec l'arrivée de Louis Pidhorz en
péenne des services d'urgences de la main). Leur audace 1974, élève de Jacques Duparc et ami de Jean-Yves Alnot.
dut s'adjoindre les talents de diplomatie de Jacques Je participe aux cours annuels d'Iselin à Nanterre et à Udine
Michon pour recueillir l'adhésion de patrons d'orthopédie en Italie. Je cofonde avec mon collègue de vasculaire un
ou de plastique dont certains n'avaient pas perçu l'ampleur laboratoire de microchirurgie en 1977 à la suite du cours
du mouvement mais craignaient de perdre une partie de Lyon de Jean-Jacques Comtet auquel participe E. Owen
de leur mandarinat. La CESUM rassemble alors Michon, d'Australie. Après chaque séance d'entraînement, j'héberge
Merle, Foucher (Nancy-Strasbourg), Vilain, Lemerle, Saffar les rats survivants dans mon jardin le week-end ! Ma pre-
­(Boucicault), Alnot (Bichat), Bureau, Magalon (Marseille), mière replantation date de 1978. Je m'intéresse à la patho-
Allieu (Montpellier) et Lejeune (Liège). logie nerveuse périphérique. J.-Y. Alnot m'accueille à Bichat
En 1989, fort de son succès et de l'intégration d'autres régulièrement à la journée, car les interCHU n'existent pas
centres, la CESUM devient FESUM (Fédération euro- encore. Les cours annuels de Bichat, produits par la pressu-
péenne des services d'urgences de la main) avec ses statuts risation du maître sur le cerveau des internes et des chefs
actuels. Elle prit de l'importance en audience, augmenta de clinique, sont denses et exhaustifs. Tout en apprenant
son nombre de centres publics et privés pour en compter l'orthopédie et la traumatologie du squelette complet, je
soixante-cinq en 2020. me conforte dans mon choix. J'échange en garde (deux à
trois par semaine) «le mou contre le dur» et me tiens à dis-
position des collègues et chefs pour prendre en charge les
Ma formation professionnelle
bouts de doigts. Mon activisme est limité par les anesthé-
C'est dans ce contexte d'agitation d'idées et de nouveaux sistes car tout s'opère sous anesthésie générale. Le temps
gestes chirurgicaux que j'épouse la chirurgie de la main. passé en salle d'opération est démesuré versus ceux qui
Mon parcours initiatique est une succession de rencontres. régularisent selon une règle des trois structures touchées !
Provincial, nommé au concours d'internat en 1971, je choi- Tandis que les «SOS Main» s'organisent en France, je
sis de rester dans le jeune CHU d'Angers, ma ville natale, et demande à préfigurer une unité Mains en proposant de
découvre la chirurgie à l'Armée dans le service d'orthopédie mutualiser une future astreinte Main avec celle de la trans-
flambant neuf du professeur Jean Miné à l'HIA Bégin. Georges plantation rénale (anesthésie surtout). Quelques mois
­Casanova, son futur agrégé, me fait découvrir la chirurgie de avant la fin de mon clinicat, je reçois une fin de non-­recevoir

XI
PréfaceDr A.AMINE
– Retour Recherche
sur quatre décennies anté-COVID19 d'exercice de la chirurgiebibliographique
de la main SCI-MED

­ éfinitive. Je rêve de carrière hospitalière mais la voie offerte


d Kleinert à Louisville qui, le jour, vous instruit sur les ten-
est celle d'un labyrinthe qui passe par l'agrégation d'anato- dons fléchisseurs et qui, le soir, vous invite à son domicile
mie. Les propos tenus en commission de classement des en partageant la cueillette des haricots avant de dîner !
agrégatifs furent un déclencheur : «Rien ne presse pour Chaque année fut l'occasion d'aller au congrès américain
Raimbeau ; c'est un rat de bibliothèque et il n'ira jamais dans et d'y associer la visite d'amis de Frank, à commencer
le privé !» En deux mois, je prends ma décision de quitter le par ceux de la Mayo Clinic dont il était élève. C'est dans
CHU. Je suis appelé par la clinique d'orthopédie, décidé à cette grande institution que nous avons rencontré dans
monter une unité Mains. J'ouvre mon cabinet en octobre le laboratoire de biomécanique un jeune résident : Marc
1980. Cette même année, Guy Foucher, mon aîné et men- Garcia Elias. Marc, brillantissime, viendra vingt ans plus
tor, n'obtient pas son poste d'agrégé à Strasbourg pourtant tard, l'année de ma présidence du GEM, nous parler de
réservé et s'installe en ville. la radio-ulnaire distale aux journées de printemps en
Ma formation de chirurgien de la main s'est construite juin 2008. En 1988, on décide avec Michel de visiter Kirk
au fil de déplacements et d'interminables lectures et par- Watson à Harford suite à son papier sur l'arthrodèse STT ;
ticipations à tous les congrès du GEM à Paris ; c'est ainsi on y découvre la scaphoïdectomie avec l'arthrodèse des
que le GEM devient mon premier patron. N'étant d'au- quatre os bien avant d'autres en France ; lors des consul-
cune école, je n'étais donc pas formaté ; j'ai ainsi bénéfi- tations de révision, on perçoit que la STT est à oublier
cié de tous les courants de pensée qui se sont exprimés mais que la quatre-os est « un bon produit » ! En 1991, ce
au fil des ans, certains mieux vendus que d'autres par des fut la rencontre avec Carlos Zaidenberg, de passage à la
orateurs aux talents de communicateurs. Les vieux GEM Mayo pour exposer sa technique du greffon vascularisé.
étaient mêlés d'affirmations fondées sur des observa- Bien d'autres rencontres sont survenues. Mon deuxième
tions et des discussions, parfois musclées, parfois codées. patron fut donc les écoles américaines.
La chorégraphie verbale pouvait être répétitive, ne Ces voyages outre-Atlantique m'ont permis aussi d'inté-
donnant le change qu'aux non-initiés. L'evidence-based grer le versant organisationnel de la chirurgie de la main. Je
medicine n'existait pas mais les aphorismes de Raymond pris conscience de la réalité du fossé qui se creusait au fil
Vilain marquaient les esprits. En complément des réu- du temps entre le mode d'exercice du chirurgien français
nions du GEM, les sachants et leurs élèves publiaient de et celui des États-Unis tant pour la recherche, la logistique
nombreux articles ; les monographies devenaient une pour publier et, en une phrase, pour maintenir un niveau
sorte d'encyclopédie dont on attendait la parution du alliant performance intellectuelle, technique et organisa-
numéro suivant. Derrière toute cette production, Raoul tionnelle. Par ma formation personnelle très autodidacte,
Tubiana œuvrait, inlassable auteur-éditeur. Le phéno- je me retrouve pleinement dans cette phrase du discours
mène de la microchirurgie entraîna une embellie de de Philippe Saffar en 1999 : «Ce qui compte, c'est le chirur-
publications ; il permit à de nombreux orateurs d'expo- gien que vous êtes et non de quelle école vous venez et qui
ser leur découverte ou de remettre à l'honneur sous un vous a éduqué d'abord, tant il est vrai que l'on n'intègre de
angle microchirurgical des travaux méconnus. Grâce au l'enseignement que ce qui correspond à sa propre nature.»
GEM et aux rencontres réalisées par son intermédiaire,
dont celle avec Jean-Jacques Comtet de Lyon, je me
suis forgé ma propre philosophie alliant le primum non Vers l'unité de chirurgie de la main,
nocere et l'écologie tissulaire. UCM
L'été 1984 est celui de la rencontre de Frank E. Jones.
Ce chirurgien de la main de Nashville séjourne à Angers En 1980, les cliniques en France sont congréganistes ou
avec femme et enfants pour se perfectionner en français. appartiennent à quelques individus parfois médecins ; elles
Francophile par ses racines paternelles d'émigré bour- sont nombreuses et de capacité limitée. Angers a encore
guignon du xixe et son service militaire à la base amé- huit cliniques aux mains de congrégations différentes.
ricaine d'Orléans, il souhaite rencontrer un chirurgien Saint-Léonard, qui m'accueille, a 96 lits et a fait le choix
de la main à Angers. Dès 1985, je pars avec Michel Le de l'orthopédie dès 1970 en ne renouvelant ni la chirurgie
Bourg, installé à Rennes en 1982, pour un premier voyage générale ni l'ophtalmologie.
à Nashville. Le choc est important dès les premiers pas Après quatre ans d'installation, je me heurte aux mêmes
dans la clinique exclusivement orthopédique de Nash- difficultés de création d'un secteur Main et n'arrive pas à
ville. Il en sera de même lors de la rencontre de Harold convaincre mes associés, membres actifs et influents de la

XII
Dr A.AMINE Préface – Retour sur quatreRecherche bibliographique
décennies anté-COVID19 d'exercice de laSCI-MED
chirurgie de la main

SOFCOT, que la page de l'orthopédie générale se tourne d'orthopédie révise sa position et nous obtenons une
et qu'il faut structurer des hyperspécialités, dont celle de autorisation d'accès pour nous trois, ce qui permit à Yann
la main avec ses urgences, ce qui dans une clinique privée de déployer son excellence chirurgicale, en particulier
apparaît source de désorganisation. en microchirurgie vasculaire et plastique. En 1994, notre
Cette impossibilité de mettre en œuvre un secteur Main équipe fut agréée FESUM.
fléché tant dans le public que le privé fut un des moteurs La création du secteur de rééducation et d'orthèses était
de la création du futur Centre de la Main. un des objectifs de la création du Centre. La kinésithérapie
C'est en 1985, au fil des rencontres avec Guy Foucher, de la main spécifique n'existe pas en 1980. J'avais rencontré
que je prends conscience qu'il faut créer un centre de un kinésithérapeute intéressé que j'avais envoyé se former à
consultations, d'orthèses et rééducation dans le but d'amé- Grenoble et à Montpellier. Comme l'ont montré les écoles
liorer l'accueil et les consultations de suivi. Je décide de faire nord-américaines, il est indispensable de travailler en étroite
le voyage à Strasbourg et un premier séjour aux États-Unis. collaboration avec une équipe structurée de rééducation.
Au retour, la décision est prise. L'unité main passe par un En France, on retiendra les équipes précitées mais aussi celles
projet architectural spécifique mais aucun décideur de la de Marseille, Lyon, Bordeaux, Bichat, qui seront les piliers du
clinique n'adhère. Une alchimie d'enthousiasme, de naïveté, futur GEMSSOR (Groupe d'étude de la main et du membre
de patientèle consistante, la confiance de mon épouse et supérieur en orthèse et rééducation), créé en 1984.
la rencontre avec Pierre-Alain Fouque font que le projet Étape après étape, nous avons constitué une unité
devient réalité en transformant un hôtel désaffecté près de de chirurgie de la main sur le modèle nord-américain
la gare en Centre de la Main, qui ouvre en janvier 1987. En qui avait inspiré Guy Foucher. L'UCM regroupe plu-
mars, un bloc opératoire est ajouté en raison du refus des sieurs métiers et comprend, outre les secteurs déjà
cliniques d'accepter les futurs patients de Pierre-Alain. Ainsi énoncés (secteur de consultation et de suivi posto-
débute la marche vers une unité de chirurgie de la main. pératoire, bloc opératoire avec sa salle de surveillance
Dans un climat d'opposition des cliniques, du départe­ post-­interventionnelle, secteur de rééducation et
ment d'anesthésie du CHU qui interdit l'anesthésie d'orthèses), une imagerie médicale adaptée à la main
locorégionale, nous débutons une activité de chirurgie pour créer un circuit court. À ceux-ci, il convient d'ar-
ambulatoire stricte grâce à un anesthésiste avant-gardiste ticuler un secteur d'hospitalisation qui peut être par-
des anesthésies locorégionales. Toutes les interventions tagé avec d'autres spécialités, un secteur d'exploration
sont calibrées au format de notre structure en tenant neuro-­électromyographique, un secteur psychosocial
compte du patient et de l'acte. Les critères d'éligibilité sont permettant de prendre en charge le plus précocement
entre autres : avoir le téléphone (le fixe n'est pas encore possible les conséquences d'un accident ou d'une mala-
généralisé !), la validation en consultation d'anesthésie qui die professionnelle exposant à une incapacité sévère, un
ne deviendra une obligation réglementaire qu'en 1994. En secteur d'ergothérapie et de réadaptation au travail ou
dix-huit mois, mille patients sont déjà opérés. La presse au geste pour certains sports. Enfin, l'enseignement fait
locale relate ce phénomène qui deviendra banal dix ans partie intégrante de l'UCM et de la mission des membres
plus tard : la chirurgie sans hospitalisation. La satisfaction et de l'équipe. L'esprit est celui du compagnonnage. Il est
l'adhésion des patients seront les moteurs de notre déve- important d'avoir accès à un laboratoire d'anatomie
loppement. Pendant deux ans, Pierre-Alain est toujours et de microchirurgie expérimental, afin de poursuivre
interdit d'accès en clinique. On se répartit les opérés, pro- l'entraînement utile pour la réalisation de certaines
grammés et urgences : je prends en charge ceux qui relèvent interventions. Les élèves résidents doivent acquérir la
de l'hospitalisation à la clinique et Pierre-Alain, en sus de ses triple formation de microchirurgie, de chirurgie ortho-
programmés, toutes les urgences calibrées pour le centre pédique et de chirurgie plastique.
ambulatoire. Ainsi, Pierre-Alain pendant deux ans sera en L'unitéde chirurgie de la main doit assurer continuité et
France l'unique chirurgien sans aucun lit d'hospitalisation ! permanence des soins. L'appartenance à la FESUM rend
Le législateur avait laissé un vide juridique, n'ayant pas prévu obligatoire ces contraintes. La disponibilité permanente per-
la réalisation d'actes chirurgicaux en dehors des structures met la continuité des soins avec un numéro de téléphone
équipées de moyens d'hospitalisation. Depuis, tout est ver- connu des opérés, et la permanence des soins nécessite
rouillé par le code de la santé publique. une astreinte opérationnelle avec une équipe opératoire
Au fil des années, l'équipe se développe avec l'arrivée complète. Dans la mesure où le patient opéré regagne son
de Yann Saint Cast en 1991, qui quitte le CHU. La ­clinique domicile, le «service après-vente» doit être proche du zéro

XIII
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de la main SCI-MED

défaut pour prévenir tout conflit avec recherche de faute vérifier le pansement avant le départ. On vit dans une
et/ou de perte de chance. Une UCM identifiée et reconnue époque où l'infection est une première préoccupation. La
par la population apporte un «crédit confiance». notion d'infection nosocomiale n'est pas encore évoquée.
En 2020, l'équipe regroupe huit chirurgiens de la main et Le traite­ment de l'air en salle d'opération n'est réservé
le renouvellement générationnel a commencé. qu'aux arthroplasties (enceinte de Charnley ou de Weber).
­Rétrospectivement, on peut s'interroger sur la fiabilité des
autoclaves de cette époque.
Évolutions marquantes pendant Le développement de l'anesthésie locorégionale per-
les quatre décennies anté-COVID mettra celui de la chirurgie en pratique ambulatoire puis
celui du fast-tracking. Dans un futur proche, la chirurgie en
Je ne serai pas exhaustif et choisirai plusieurs sujets significa-
cabinet (office surgery) sera réglementée, avec un environ-
tifs durant cette période.
nement allégé mais sécurisé et adapté à la chirurgie réalisée.
Sur le plan du management organisationnel, la gestion
Pratique de l'anesthésie pour la chirurgie des flux des patients reste la problématique la plus lourde
de la main et la plus complexe, notamment dans notre spécialité. Elle
En 1980, l'acte chirurgical ne se conçoit que sous anesthésie nécessite des locaux de grande surface utilisés uniquement
générale. La plaie du bout de doigt se fait soit sous anesthésie le jour et beaucoup de personnel. La marche en avant de
locale hors du bloc «en externe» soit sous anesthésie géné- tous les patients est la plus performante car elle évite les
rale, deux pratiques extrêmes. Progressivement, l'anesthésie pressions inutiles dans les espaces d'attente et canalise par
locorégionale va s'introduire et se développer avec la chirur- définition les flux de tous les patients qu'ils soient consul-
gie de la main. Les blocs sus-claviculaires puis axillaires, puis tants, traités en soins externes, opérés en pratique ambu-
huméraux puis pluritronculaires vont être adaptés à l'anato- latoire. Il faut pouvoir répondre aux pics de demandes en
mie du territoire à opérer. La tendance a été d'aller vers le urgence non vitale. Cette gestion des flux exclut l'éloigne-
sur-mesure. L'anesthésie locorégionale intraveineuse n'a pas ment des salles de radiologie et demande un secteur de
prospéré car elle oblige à des gestes courts et ne procure pas chirurgie ambulatoire intégré. Seul le secteur d'hospitalisa-
d'analgésie postopératoire. Les progrès viendront de l'ému- tion peut être externalisé, à condition de répondre à l'exi-
lation entre les anesthésistes des équipes «SOS Mains», en gence de la continuité des soins et d'informer le patient qu'il
particulier avec celle de Nancy. Actuellement, le taux de réus- ne va pas subir l'«hospitalisation-sanction» avec le risque
site est proche de 100 % grâce au guidage par échographie et de dépersonnalisation. L'hospitalisation reste nécessaire
à la combinaison des sites d'injection. Au fil du temps furent dans 10 à 15 % des cas, soit par nécessité «technique» soit
abandonnées la technique avec recherche de paresthésies à induite par un isolement social. Aujourd'hui, la nuitée est
l'aiguille puis celle avec le stimulateur pour détecter les troncs prescrite sur ordonnance. L'hospitalisation qui abrite, qui
nerveux tel l'aveugle avec sa canne cherchant son chemin. Le rassure est d'une autre époque, d'autant que la population
garrot brachial, frein des blocs tronculaires, a favorisé l'appa- craint l'infection nosocomiale.
rition de la WALANT (Wide Awake Local Anesthesia with L'opéré de la main est maintenant chez lui. La séquence
No Tourniquet). Les promoteurs de cette pratique récente «bloc opératoire» devient une parenthèse dans son plan
suppriment le passage en salle de surveillance post-interven- de soins. Il sera de plus en plus relié par les progrès de la
tionnelle (SSPI). Personnellement, je plaide pour la WALANT télémédecine avec les outils connectés ; le téléphone est
avec un médecin anesthésiste qui est aussi un réanimateur. déjà le canal prolongeant son cerveau avec ses pulsions et
Lorsque l'on gère des milliers d'opérés, personne n'est à l'abri ses inquiétudes.
d'une défaillance vitale qui peut, d'ailleurs, n'être qu'une
mauvaise coïncidence. Les équipes de chirurgie de la main Conditions de l'exercice
se dirigent vers un «court-circuit» de la SSPI, au moins en L'État prend en main la médecine libérale dès la première
temps passé (fast-tract), ce qui rapproche de la WALANT. convention avec les médecins en 1960. Le «trou de la sécu»
constitué au fil des ans, commence vers 1980 à agiter les déci-
Structure d'accueil et parcours du patient deurs. Ils culpabilisent tous les acteurs du monde de la santé
L'hospitalisation est la règle en 1980, un opéré d'une mala- car trop dépensiers. C'est dans ce contexte qu'apparaît le
die de Dupuytren reste quatre à six jours en clinique et secteur 2, afin de bloquer les tarifs opposables, ce qui méca-
la plaie du tendon extenseur deux à trois jours car il faut niquement augmentera le reste à charge des assurés. C'est

XIV
Dr A.AMINE Préface – Retour sur quatreRecherche bibliographique
décennies anté-COVID19 d'exercice de laSCI-MED
chirurgie de la main

dans le même esprit que les tarifs des cliniques ne suivent La seule vision des dépenses est un strabisme qui conduit à
pas l'augmentation du coût des ressources humaines. La la basse vision en occultant les emplois non délocalisables
réponse structurelle conduit à augmenter le volume de la et les industries liées au monde de la santé. Selon ce dogme
production des cliniques pour éviter les dépôts de bilan. furent décrétés le numerus clausus des étudiants en méde-
Les chaînes de cliniques apparaissent vers 1990 par rachat cine, des infirmièr(e)s, les mesures d'incitation à la cessa-
des établissements en difficulté ou en surenchérissant face tion d'activité des médecins (MICA en 1996 — un départ
à des praticiens sans capitaux. À cette même époque, l'État autorisé à 56 ans !), avant de proposer des mesures inverses
impose les regroupements d'établissements afin de dimi- en 2009 autorisant le cumul retraite/activité ; probable-
nuer le nombre d'interlocuteurs, processus proche de celui ment demain, les blocs opératoires seront paralysés par le
du développement des grandes surfaces du commerce. En manque d'IBODE, métier imposé qui n'a d'intérêt que pour
trois décennies, l'État a rapproché le statut des praticiens certaines interventions. Les blocs opératoires sont deve-
libéraux de ceux des hospitaliers. L'hôpital privé n'a pas nus des plateaux techniques qui demain seront des salles
encore l'épaisseur du mille-feuilles de l'hôpital public mais, hybrides, réalité d'aujourd'hui pour certaines spécialités. Il
par le poids des exigences réglementaires, l'harmonisation faudra s'adjoindre des nouveaux métiers dits de support
est en marche. Public ou privé, l'hôpital étouffe ses médecins pour la technologie de pointe en salle d'opération, ainsi que
avec ses cadres de santé et directeurs adjoints qui augmen- des gestionnaires de flux.
tent en nombre et en pouvoir d'année en année au prétexte Le chirurgien depuis plus de vingt ans travaille en milieu
de la qualité normée. Le ciel s'est assombri en quatre décen- hostile et certains d'entre nous retrouvent la sérénité et leur
nies par la prise de pouvoir des énarques de la santé : ces vraie place dans l'action humanitaire.
personnes sans nom et sans visage fabriquent des normes Veillons à ne pas épuiser les jeunes talents, aidons col-
entravant bien souvent notre vie professionnelle. Le normé lectivement à conserver l'expression des sachants, à garder
est devenu opposable. Le secteur privé suit le même chemin de l'enthousiasme dans l'exercice au quotidien. Il existe une
quelques années plus tard. De plus, son passage aux mains valeur ajoutée dans le travail en équipe, comparé au travail
de groupes financiers pour deux tiers des établissements dans une équipe où l'on ne partage que le tableau de garde
le place sous contrainte financière. Ces investisseurs sont et des frais de logistique. L'humain ne peut vivre en distan-
des fonds de pension et autres capitaux labiles qui ont des ciation interpersonnelle, il doit pouvoir partager doutes et
objectifs bien éloignés de ceux des acteurs de terrain. réussites, se stimuler en se donnant des objectifs accessibles.
L'espace de liberté et d'autonomie des praticiens se Le chirurgien seul est un schéma dépassé et porteur de
réduit. Dans l'hôpital public, le chirurgien proactif est sans risque d'épuisement : le transgénérationnel, le partage du
cesse contrecarré par l'administration ; soit il se soumet, savoir sont des valeurs sûres. La juxtaposition des indivi-
bon an mal an, soit il part dans le privé. dualités doit être lissée sur une base de règles profession-
Le secteur privé a encore la liberté de travailler plus, à nelles acceptées par tous. Le travail en groupe doit tendre
l'exception de certains domaines soumis à autorisation par vers la «culture du maillot».
la tutelle nationale qui, ainsi, protège l'hôpital en s'octroyant Cette absence de sentiment d'appartenance à un groupe
des monopoles d'activité. Sur le plan des revenus, il est clair laisse indifférent les décideurs de l'hôpital public. Personne
qu'en libéral l'effet volume compense encore les impositions n'imagine gérer les équipes de sport collectif de la sorte en
de Bercy, mais cette voie échappatoire aura une fin. À l'hô- imposant des acteurs qui n'ont jamais souhaité travailler
pital, l'activité privée n'est pas politiquement correcte mais ensemble. Ces pôles et services n'existent que par des réu-
elle permet d'égaler le niveau de vie des libéraux. Le système nions et des ratios oubliant le dénominateur commun du
actuel conduit l'hôpital à exclure ses propres talents qu'il a partage d'objectifs médicaux et humains. Cette démarche
formés. Il installe donc sur le marché ses propres concur- doit émerger des acteurs de terrain et l'administration ne
rents. L'État essaie de répondre par du normatif au lieu doit être qu'une aide logistique. La COVID a démontré
d'harmoniser et de faciliter l'efficience du système sanitaire. l'efficacité du collectif dans l'action et a conduit à remettre
La guerre public-privé est une aberration créée et entrete- l'administration à sa juste place d'antan.
nue par les pouvoirs publics avec l'idée d'unifier sur la base
d'un mètre-étalon de l'énarchie. Les événements récents
Le patient
de la COVID démontrent que la collaboration est incon-
tournable. Depuis 1973, les ministres successifs de la santé Il a beaucoup évolué en quarante ans. Du statut de «non-
déclinent un dogme : «L'offre de soins génère les dépenses informé» à celui de «surinformé», son niveau d'exigence
de santé», oubliant que la santé est un pilier de l'économie. nous conduira à terme à l'obligation de résultat. L­ 'utilisation
XV
PréfaceDr A.AMINE
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de la main SCI-MED

décalée du smartphone, parfois en caméra cachée, lui chargées de la sécurisation des postes de travail : les acci-
donne le sentiment de partager les connaissances à notre dents du travail sont en forte baisse, au nombre de 129 000,
niveau. incluant deux de trajet (400 000 en 1998) ; à l'opposé, les
Si le patient doit être un acteur dans son parcours de accidents de vie courante ont explosé, avec une estimation
soins, il est devenu clairement consommateur de soins. nationale à 1 999 393 dans le deuxième Livre blanc de 2018
Le chirurgien devient un prestataire de service, véritable comparée à celle de 1998 à 900 000. Le développement du
ouvrier superspécialisé OS2 à bac + 15. On est passé de «faites-le vous-même» associé à la libre location d'outils
la reconnaissance à l'exigence, ce qui vient polluer la rela- dangereux sans permis d'utilisation favorisent les accidents
tion — intuitu personae —, pouvant aller jusqu'à la perte les plus graves. Les accidents au cours du travail sont en
de confiance entre les deux parties. De l'obscurantisme au relation avec des jobs d'été et des intérimaires insuffisam-
recueil du consentement éclairé, on arrive actuellement à ment formés.
une relation pseudo-contractuelle non adaptée au droit L'enquête que j'ai rapportée dans le dernier Livre blanc,
français qui ne peut être assimilé au droit des États-Unis. fondée sur l'année 2016, a révélé que l'activité microchirur-
La CCI (commission de conciliation et d'indemnisation) gicale dans les centres FESUM est de 13 %. Plus la gravité est
issue de la loi de 2002 a pour but de régler des conflits et les visuelle, plus les blessés sont dirigés vers les centres. Ainsi,
aléas thérapeutiques grâce au fond ONIAM (Office natio- l'organisation de la FESUM gère 94 % des replantations uni-
nal d'indemnisation des accidents médicaux). L'esprit initial digitales et 100 % des pluridigitales. Le gradient de gravité
est de protéger le patient mais actuellement l'utilisation de est également noté pour les lésions palmaires nécessitant
la CCI est dévoyée. En effet, le critère d'éligibilité de six mois des gestes de microchirurgie ; 69 % de prise en charge par
d'arrêt de travail permet à moult opérés mécontents de se la FESUM pour une lésion isolée d'un nerf collatéral et
retourner contre leur chirurgien. Si le législateur ne corrige 75 % en cas de lésions palmaires pluritissulaires. Les centres
pas cet excès de saisines, l'exclusion de certaines prises en labellisés traitent parfois plusieurs milliers de blessés chaque
charge prospérera et le patient sera laissé à son évolution année, mais il existe une disparité géographique en partie
naturelle. liée à l'historique des équipes ; toutefois, le secteur public
sauf exceptions est moins sollicité que le privé.
La traumatologie de la main Actuellement, les centres de la main sont submergés par
la traumatologie tout-venant, ce qui crée des difficultés de
La chirurgie de la main est identifiée par le grand public.
gestion des flux. La réponse est une augmentation des bras
Les blessés ont tendance à aller dans des centres Fesum ou
et du nombre de salles d'opération disponibles en particu-
vers des chirurgiens locaux reconnus. J.-Y. Alnot avait dit en
lier dans le secteur public. En quatre décennies, le paysage
substance dans la presse vers 1975 : «Il y a autant de diffé-
et la prise en charge de la traumatologie de la main se sont
rence entre un garagiste et un horloger qu'entre un poseur
radicalement modifiés.
de prothèse de hanche et un chirurgien de la main.» Le
message est largement passé. Les recherches en responsabi-
lité nous ont aidés sur le fondement de la perte de chance. Quelles sont les grandes évolutions
Les blessés de la main forment des cohortes impor- dans le traitement des plaies
tantes comme nous l'avions révélé dans le premier Livre
blanc que j'avais eu l'honneur de diriger en 1998 à la
fraîches de la main depuis quarante
demande de Michel Merle, président élu de la SFCM. Le ans ?
dernier Livre blanc édité en 2018 sous la direction de Adil
Trabelsi indique plus de 2 millions de blessés de la main Organisation
chaque année en France, soit une augmentation de 32 % Personne ne remet en question le traitement en un temps
en vingt ans en référence au premier Livre blanc de 1998. Il de toutes les lésions ni le principe de la mobilisation pré-
est vrai que le nombre de passages aux urgences générales coce (TTMP). L'organisation actuelle est assez uniforme
a doublé pendant cette période, pour atteindre 21 millions sur le plan national. L'acte en urgence absolue n'est retenu
en 2016 (rythme de croissance annuelle de 3,5 % depuis qu'en cas d'ischémie tissulaire, d'injections sous pression
1996). Les centres FESUM se chargent maintenant de 57 % et de fasciite nécrosante. Ainsi, le blessé est conditionné
des urgences de la main contre 10 % en 1998 ; toutefois, pour être opéré sous anesthésie locorégionale dans les
le nombre des actes les plus lourds reste stable, grâce aux meilleurs délais. On remet au lendemain pour intervenir
mesures de prévention dans les entreprises et aux instances dans de meilleures conditions que celle de la fatigue, sage
XVI
Dr A.AMINE Préface – Retour sur quatreRecherche bibliographique
décennies anté-COVID19 d'exercice de laSCI-MED
chirurgie de la main

­ récaution pour viser l'excellence du résultat pour les plaies


p sa vie et qu'il restera vascularisé au premier pansement à
tendineuses, les lésions nerveuses et même certaines frac- sept voire dix jours sous réserve d'absence d'infection et
tures ouvertes. Il y a quarante ans, on opérait la nuit au d'un pansement correctement effectué. À l'opposé, pour
fil de l'arrivée des blessés car on craignait l'infection et on les optimistes, la paucivascularisation ne s'améliore pas
vivait dans la dynamique du SOS. Une enquête en 2016 a systématiquement même avec des médicaments ; aussi
révélé que les interventions en nuit profonde (après minuit convient-il de reprendre l'application locale du lambeau
pour le ministère) ne sont qu'au nombre de quelques uni- avant de passer à l'intervention suivante. Cette chirurgie
tés chaque mois, le secteur public travaillant la nuit par de couverture est exigeante d'apprentissage et concourt
absence de moyens mis à disposition des chirurgiens dans à construire notre humilité. Le crayon s'efface, le bistouri
la journée. Les interventions se prolongent toujours tard tranche sans retour !
dans la soirée et les blocs opératoires sont fort occupés les
week-ends et jours fériés par les chirurgiens de la main. Réparations tendineuses
La mobilisation précoce est en général débutée sous L'amélioration des connaissances biomécaniques et sur-
quelques jours, fonction du premier pansement et donc tout de la vascularisation en particulier intrinsèque des ten-
des gestes réalisés et des écoles. Même avec des antalgiques dons fléchisseurs nous a conduits à la mobilisation quasi
puissants et tolérés, il est difficile dans la vraie vie de bouger immédiate, en acceptant le risque de rupture de 3 à 4 %.
des doigts fraîchement opérés. Le premier pansement est Cette attitude est diamétralement opposée à celle qui était
aussi l'occasion d'équiper le blessé d'orthèse, de lui formuler préconisée il y a quarante ans ! En effet, on devait assurer
les consignes d'autorééducation en sus de son programme une cicatrisation périphérique grâce à des adhérences
de rééducation. Le discours des membres de l'équipe doit bénéfiques qui cédaient lors de la mobilisation quatre à six
être unique, redondant et complété par des supports semaines après la suture mais souvent une ténolyse était
papier ou numériques. La télémédecine va être une aide nécessaire et même conceptualisée par certains maîtres.
incontournable, au prix d'une chronophagie. Les résultats étaient modestes, surtout lorsqu'il y avait des
lésions associées. L'attitude de Sterling Bunnel de parer et
Pertes de substances cutanées suturer la peau en urgence puis de greffer secondairement
Les lambeaux à distance avaient été détrônés par les lam- toutes les plaies des fléchisseurs en zone II, le fameux no
beaux microchirurgicaux libres ou en îlots. man's land, fut transgressée par Verdan et Michon dans
De manière générale, les connaissances de micro-­ les années 1960 avec la suture bloquée. Plus audacieux,
anatomie et le démembrement de leurs systèmes de vas- ­Kleinert en 1973 propose une réparation primaire associée
cularisation permettent de faire des lambeaux à la carte. En à une mobilisation active protégée. Tous les progrès réali-
pratique, ces lambeaux s'apprennent au laboratoire d'ana- sés partagent une certitude, celle de s'astreindre à faire des
tomie puis en chirurgie à quatre mains. Chacun, une fois sutures atraumatiques respectueuses des vinculae, sources
formé, s'approprie ses lambeaux fétiches et les conjugue au principales de la vascularisation, de conserver un minimum
fil de l'expérience et de leur fiabilité. Les lambeaux en îlot de poulies et d'actionner la pompe synoviale par la mobili-
sont assurément les plus intéressants. Depuis une dizaine sation précoce grâce à des sutures solides. Aux grands prin-
d'années, on constate le retour des lambeaux hétérodac- cipes s'associent les trucs et astuces de chaque école.
tyles ou thénariens pour reconstruire les pulpes, afin d'éviter En matière de réparation des tendons fléchisseurs, il
parfois l'aspect en «sucette» et des ongles dystrophiques. faut retenir l'enjeu socioéconomique, surtout en cas de
Les IPP doivent être rééduquées pour éviter tout flessum lésions associées. Les progrès ont assurément contribué
résiduel. La plus grande avancée récente est le derme arti- à faire admettre l'intérêt de la chirurgie de la main et sa
ficiel, qui permet de recouvrir de grandes pertes de subs- reconnaissance.
tance, ce qui a diminué la fréquence des grands lambeaux.
La thérapie par pression négative de type VAC fait partie de Lésions nerveuses
l'arsenal pour les grands délabrements depuis une vingtaine Le microscope chirurgical a permis dans les années 1970
d'années ; pour partie, cette pratique peut être réalisée en de voir l'infiniment petit et, par là, d'imaginer que la
HAD. Ces deux procédés peuvent être associés pour rac- microsuture de tous les fascicules nerveux permettrait
courcir le délai d'application de la greffe cutanée. d'avoir un excellent résultat comme avec la suture micro-
Aux anxieux du risque de nécrose, j'indiquerai qu'un vasculaire. Ce ne fut pas le cas : la microsuture vasculaire
lambeau qui a un pouls capillaire en fin d'intervention vivra ouvrit la voie aux replantions, aux transferts libres, alors
XVII
PréfaceDr A.AMINE
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de la main SCI-MED

que la ­microsuture nerveuse fut d'année en année source i­ntéressantes dans les fractures articulaires du radius distal,
d'amertume. Il fallut trouver un compromis entre la fibrose des lésions intracarpiennes osseuses ou ligamentaires mais
intraneurale induite par le point du microfil et la repousse aussi de la base de M1.
axonale. Actuellement, il y a un consensus sur la microsu-
ture épi/périneurale à orientation fasciculaire avec un juste Le « doigt banque »
nombre de points pour obtenir une étanchéité correcte et
Au fil de la pratique des replantations, est apparu vers 1980
une absence d'erreur de rotation axiale. L'enveloppement
le concept de «doigt banque». L'utilisation «des restes»
est l'étape complémentaire, soit avec un neurotube soit
a réellement été source de progrès et d'imagination des
avec une veine. Nous défendons depuis quinze ans la veine
microchirurgiens. En cas de lésions pluridigitales, les seg-
car elle allie la disponibilité, la plasticité et la gratuité au
ments traumatisés peuvent être de qualité inégale avec
prix d'une rançon cicatricielle minime. L'enveloppement
parfois impossibilité de reconstitution anatomique. Ainsi
favorise aussi la restitution du plan de glissement du nerf
sont à disposition des «sites donneurs» pour différents
qui est une structure sous tension élastique, mobile ; toute
prélèvements soit d'un fragment de tissu (peau, os, ten-
adhérence est source potentielle de douleurs. La certitude
don, vaisseau ou nerf) soit d'une unité tissulaire pouvant
d'avoir une étanchéité en supprimant toute fuite axonale
même permettre un transfert libre de segment de doigt. En
a fait disparaître le risque de douleurs névromateuses
routine, il faut faire savoir que tous les fragments amputés
post-traumatiques, ce qui a transformé l'ambiance des
doivent être conditionnés et apportés. Seul le chirurgien
consultations précoces des plaies nerveuses tant isolées
doit être l'ordonnateur du tri des pièces, afin que toutes
que, surtout, associées à d'autres lésions tendineuses ou
les opportunités lui soient conservées après le parage. Au
osseuses.
quotidien, dans les lésions distales par exemple, l'utilisation
Par contre, la récupération proche du niveau prétrauma-
de fragment de lit d'ongle est performante.
tique tant des fibres motrices que sensitives reste excep-
Dans le même ordre idée, la replantation extra-anatomique
tionnelle. Nous maîtrisons la technique de la réparation
peut être gratifiante, comme la reconstruction du pouce avec
locale mais il est évident, à ce jour, que la repousse axonale
un segment d'index ou d'un autre doigt mutilé.
est induite par le corps cellulaire et là nous n'avons aucune-
ment avancé.
Le mystère du syndrome douloureux
Lésions osseuses régional complexe (SDRC)
L'apport d'un matériel d'ostéosynthèse miniaturisé et fiable Le type 1, alias algodystrophie (le type 2 étant la causal-
a été source de progrès. Le vissage verrouillé de bonne fac- gie), reste en embuscade même en 2020 après chaque
ture permet de fiabiliser des ostéosynthèses articulaires et intervention. C'est un véritable retour de bâton qui n'est
de mobiliser précocement. Toutefois, il ne faut pas contra- pas relié à la qualité du geste chirurgical. La survenue est
rier la vascularisation osseuse par des abords extensifs. La plus fréquente après une fracture du poignet alors que le
mise en place de microplaques oblige à réfléchir aux inci- scaphoïde semble épargné ; la chirurgie de la maladie de
sions cutanées et à avoir un bon matelas de couverture Dupuytren ou celle du nerf médian sont des contextes fré-
avec des parties molles de qualité. Les embrochages divers quents mais aucun acte n'est épargné. Aussi douloureuse
et variés restent très utiles et ne doivent pas apparaître rin- que mystérieuse, depuis André Leriche en 1915 on a peu
gards. Ils conservent de nombreux avantages. Mais ils ne progressé. Beaucoup de thérapeutiques ont été ou sont
maintiennent pas la longueur d'un os en cas de commi- encore des placébos. Le plus grand bluff a été celui la calci-
nution. Les substituts osseux sont très utiles y compris en tonine de saumon qui a duré plusieurs décennies jusqu'en
urgence pour diminuer les sollicitations des ostéosynthèses 2004, date où a été retirée l'AMM. Très onéreuse, elle avait
et par là pour éviter les débricolages. la constance de secouer le patient par des vomissements
La technique de la membrane induite inventée par A.-C. et sudation accompagnés parfois de malaises vagaux.
Masquelet révolutionne le traitement des pertes de subs- Aujourd'hui, la prescription de vitamine C est recomman-
tance : le premier temps, en urgence, doit être parfaitement dée en préventif dans les cas à risque, ce traitement non
réalisé avec un débord du ciment et une armature solide iatrogène n'est heureusement pas cher. Après de longues
pour attendre le deuxième temps tout en mobilisant. années d'interdit de rééducation, on préconise maintenant
L'arthroscopie qui est loin d'être une pratique habi- une prise en charge précoce par des kinésithérapeutes aver-
tuelle, en dehors des «carpologues», a des indications tis qui auront également un rôle de soutien psychologique.

XVIII
Dr A.AMINE Préface – Retour sur quatreRecherche bibliographique
décennies anté-COVID19 d'exercice de laSCI-MED
chirurgie de la main

La rééducation en miroir et toutes les techniques de leurre La diminution de la charge de travail est un souhait
activent le retour de la commande cérébrale. Ce véritable selon une nouvelle tendance de type sociétal contem-
«court-circuit», que je traduis auprès du patient comme poraine. Cette aspiration est induite pour partie par le
une allergie à la chirurgie, guérit entre six à vingt-quatre mois partage des tâches dans les couples et la culture des
sans ou avec peu de séquelles ; dans le cas contraire, ce sont loisirs. L'équilibre entre vie professionnelle et vie privée
des raideurs digitales partielles définitives. Il convient donc est une clé pour se prémunir de l'épuisement mais, par
de lutter dès le début de l'éclosion de l'«algo» contre le définition, tout équilibre est interdépendant des deux
risque de raideur articulaire. Les troubles vasomoteurs dont bras du balancier. Le burn-out peut atteindre chacun.
l'œdème, associés à des douleurs intenses impressionnent Il est le reflet de la société moderne qui vient griller les
et sont source d'anxiété pour le patient et son entourage. ailes des plus performants qui ne sont plus reconnus à
Le terrain psychologique prédisposé n'a pas été démontré leur juste valeur sociétale et économique.
et serait plus une conséquence du SDRC.
Formation
La chirurgie de la main Ne sera formé que celui qui veut se former. Il faut se don-
de l'après-COVID ner les moyens d'apprendre et de travailler en harmonie
avec sa chronobiologie tout en gardant son équilibre
Le nombre d'urgences de la main thymique. Les supports d'enseignement sont multiples et
augmentera accessibles. Les cours en visioconférence qui permettent
d'élargir le cercle des apprenants ne doivent pas faire dis-
Premier outil de l'homme, la main restera vulnérable avec la
paraître les rencontres en petits groupes avec des sachants
croissance de l'activité du temps libre. On peut prédire que
disponibles. Nous devons cultiver le compagnonnage et
les plus jeunes chirurgiens, une fois formés, auront beau-
la chirurgie à quatre mains. Les dissections anatomiques
coup de travail. La période de confinement induit par la
doivent être privilégiées aux simulateurs qui sont des outils
COVID n'a pas entraîné de baisse significative de blessés de
de vulgarisation et de premier contact pour les jeunes
la main à opérer, constat à relier à la prévalence des acci-
étudiants.
dents de vie courante. La difficulté restera de type organi-
Balayons l'intérêt de la FST (formation spécialisée
sationnel, d'autant que la salle d'opération n'est qu'une des
transversale) ; ce n'est pas en deux semestres que sera
étapes du parcours du blessé de la main. Heureusement,
formé un chirurgien de la main. Il lui conviendra d'ef-
l'anesthésie loco­régionale et la prise en charge en ambu-
fectuer le parcours imposé pour l'obtention du droit
latoire facilitent la gestion des flux. Les pics d'activité et
au titre qui, en 2000, a été une conquête majeure dans
surtout la prise en charge occasionnelle de lourds blessés
la reconnaissance de la chirurgie de la main. La FST est
peuvent étouffer une équipe : tous les centres ne sont
une avancée universitaire qui n'est pas aboutie en raison
pas en capacité d'ouvrir plusieurs fronts opérationnels de
de l'uniformisation réglementée de l'ensemble des FST,
chirurgie de la main. Il convient d'envisager dès maintenant
qu'elle soit médicale ou chirurgicale. Il faut que l'appre-
des organisations plus flexibles avec des accords de récipro-
nant multiplie ses stages et expériences pour forger son
cité entre les centres FESUM d'un même secteur géogra-
savoir qu'il devra cultiver tout au long de sa carrière.
phique, en tenant compte des moyens de communication
Rencontrer des collègues de l'Hexagone ou d'ailleurs
routière.
permet d'être interpellé ; on n'apprend pas toujours une
fois séniorisé mais souvent ces rencontres sur site, « en
Le choix d'une spécialité live », rassurent.
Le choix d'une spécialité et celui de son mode d'exercice La curiosité est la qualité qui nous épargne l'épuisement.
restent très personnels et parfois conjoncturels. Carrière Le courage d'analyser ses échecs et surtout celui de les par-
dans le secteur public ou dans le secteur privé, cela doit tager sont des clés pour progresser, pour éviter la lassitude
être la première question ; espérons un jour le rétablisse- ou le syndrome du chirurgien martyrisé par des cas non
ment de passerelles et pourquoi pas à tout âge sur la base maîtrisés.
de missions ou de challenges ? La pesée finale doit pencher La vie en groupe de chirurgiens avec une dynamique
dès le départ vers le plus d'avantages que d'inconvénients. de transfert du savoir, la préoccupation de construire une
Toutefois beaucoup d'éléments s'intègrent dans une évolu- pyramide des âges et le dialogue transgénérationnel sont
tion parfois cyclique sans critères de prédiction. des valeurs refuges et durables.
XIX
PréfaceDr A.AMINE
– Retour Recherche
sur quatre décennies anté-COVID19 d'exercice de la chirurgiebibliographique
de la main SCI-MED

Avenir technologique mesurés qu'en qualité de vie des patients avec des critères
bien éloignés des angles mathématiques et de l'imagerie
Le support numérique va envahir notre quotidien profes-
satisfaisant l'opérateur. Les objets connectés, comme déjà
sionnel. Il est impossible de le prédire avec précision mais
souligné, seront inclus dans le postopératoire. D'autre part,
la voie de l'intelligence artificielle est déjà ouverte. Celle-ci
la relation sera de plus en plus formalisée dans les projets
va simplifier et fortifier les dossiers dont ceux de l'imagerie.
thérapeutiques. Il va être difficile d'éviter la contractualisa-
En 1980, seules la radiographie standard et les tomogra-
tion de l'engagement partagé ; le législateur transformera
phies étaient à notre disposition. Le scanner est arrivé en
en obligation de résultat, sous la pression des usagers, le
routine «en province» juste avant 1990, précédant l'IRM de
contrat préopératoire. Les groupes d'usagers, reconnus
quelques années. Les progrès sont dépendants du dévelop-
par la loi de 2002, ont depuis 2016 investi les instances des
pement de la puissance de l'informatique. L'exploration de
établissements de santé avec un accès aux données de la
la main va bénéficier d'IRM miniaturisées dédiées et donc
gouvernance.
d'accès plus aisé. Déjà aujourd'hui l'échographie a trans-
La COVID a renversé la table mais l'administration fran-
formé l'imagerie dans notre spécialité puisque la sonde est
çaise saura retrouver tous ses rouages pour imposer le for-
devenue le stéthoscope du clinicien. L'échochirurgie va être
mat qu'elle souhaitera.
du même niveau d'apport que la microchirurgie lorsque le
chirurgien de la main s'est équipé de loupes grossissantes
en 1970. Le microscope opératoire qui a permis de voir l'in- Conclusion
finiment petit en salle d'opération à la même époque aura
des commandes vocales encore plus performantes que Cette évolution au cours des quatre décennies anté-
celles d'aujourd'hui. Quant à la chirurgie robotique, je serai COVID19 reflète la nécessité de s'adapter au changement au
plus dans l'interrogation pour des actes en routine et sous fil de sa carrière car rien n'est jamais acquis définitivement.
réserve que les contraintes de soutien logistique diminuent En chirurgie de la main, il y a aujourd'hui moins d'éton-
et donc aussi leur coût d'exploitation. Les salles d'opération nement, si on compare avec ma génération qui a connu
ont commencé leur mue avec la construction de salles la magie des premières revascularisations, les lambeaux de
hybrides qui permettront des ostéosynthèses miniaturisées l'extrême. Néanmoins, la surprise dévastatrice du COVID19
radioguidées, peut-être à terme avec des dispositifs implan- vient rappeler qu'à tout moment la médecine peut être
tables biodégradables fiables et accessibles en coût. Réa- bousculée.
lité augmentée et réalité virtuelle vont se conjuguer pour Si on bloque aujourd'hui sur des énigmes telles celle de la
apporter la précision du geste lors de certaines séquences maladie de Dupuytren ou de la repousse axonale, on peut
opératoires. imaginer que la découverte, parfois fortuite, de nouveaux
processus biologiques ouvrira de nouvelles veines d'exploi-
tation de notre art qui raviront les générations du moment.
Avenir de la relation professionnelle
La chirurgie de la main est bien placée sur la palette des spé-
Il faut la décliner. cialités chirurgicales car elle a un fort potentiel de dévelop-
La relation entre confrères de spécialités différentes va pement et de réserve d'enthousiasme. Rien n'est jamais figé
se renforcer ; elle sera d'autant plus conviviale qu'elle sera définitivement ; c'est l'attente qui crée l'impatience — ou la
en distanciation physique, chacun dans sa problématique démotivation par l'inaction.
binaire de thérapeute : le lien sera le numérique avec une
interactivité associée au partage des données du patient Guy Raimbeau
qui alimenteront le big data. Les professionnels de santé se
Membre de l'Académie Nationale de Chirurgie
regrouperont face à la pression de leur employeur quel que
soit l'établissement public ou privé ; l'activité libérale ne sera Ancien président de la Société Française de Chirurgie de la Main (SFCM)
plus qu'un label proche d'un item de civilité. L'activité en et de la Fédération des Services d'Urgences de la Main (FESUM)
groupe de praticiens par spécialité deviendra une nécessité Centre de la Main – Village Santé Angers Loire
pour accomplir son métier qui restera passionnant, afin de
conjuguer au mieux l'équilibre entre vie professionnelle et
vie privée
Quant à la relation avec le patient, elle va évoluer. Les
résultats des prises en charge thérapeutiques ne seront

XX
Dr A.AMINE Préface – Retour sur quatreRecherche bibliographique
décennies anté-COVID19 d'exercice de laSCI-MED
chirurgie de la main

Quelques références Glicenstein J, Roux dir J-L. Un demi-siècle de chirurgie de la main en


France. Paris: Sauramps Médical; 2013.
État des lieux des urgences de la main en France. Livre blanc. Sous la
Tubiana dir R. Traité de chirurgie de la main. Tomes 1 et 2. Paris: Masson; direction de Adil Trabelsi et l’égide de la Fédération des Ser-
1980. 1984. vices d’Urgences de la Main, https://www.sfcm.fr/wp-content/
Chirurgie de la main en France. Livre blanc. Sous la direction de Guy uploads/2019/07/livreblanc-sfcm.pdf; 2018.
Raimbeau. La Main 1998;3. numéro spécial.
Merle M, Dautel G. La main traumatique. Issy-les-Moulineaux: Elsevier
Masson; 2009.

XXI
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Table des compléments en ligne

Des compléments numériques sont associées à cet ouvrage. (Ils sont indiqués dans le texte par un picto et proposent
des vidéos.)
Pour voir ces vidéos, connectez-vous sur http://www.em-consulte/e-complement/476924 et suivez les instructions.
Chapitre 5
Entorse de la métacarpo-phalangienne du pouce
Vidéo 5.1
Effet Stener.

Vidéo 5.2
Testing sous radiographie, MCP en flexion.

Vidéo 5.3
Testing sous radiographie, MCP en extension.

Vidéo 5.4
Testing clinique.

Chapitre 8
Tendons fléchisseurs
Vidéo 8.1
Mobilisation active du fléchisseur profond.

Vidéo 8.2
Mobilisation passive du fléchisseur profond et du fléchisseur superficiel.

XXIII
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Table des abréviations

APL abductor pollicis longus, long abducteur du FDS flexor digitorum superficialis, fléchisseur
pouce superficiel des doigts
CMC articulation carpo-métacarpienne FPL flexor pollicis longus, long fléchisseur du
D1 à D5 doigt 1 à doigt 5 pouce
ECRB extensor carpi radialis brevis, court extenseur IP articulation interphalangienne du pouce
radial du carpe IPD articulation interphalangienne distale
ECRL extensor carpi radialis longus, long extenseur IPP articulation interphalangienne proximale
radial du carpe MCP articulation métacarpo-phalangienne
EMG electromyogramme P1 phalange proximale
EPB extensor pollicis brevis, court extenseur du P2 phalange moyenne
pouce P3 phalange distale
EPL extensor pollicis longus, long extenseur du PNB Pulp, Nail, Bone
pouce SORL Spiral Oblic Retinacular Ligament
EVA echelle visuelle analogique TILT Transverse Intraosseous Loop Technique
FDP flexor digitorum profundus, fléchisseur pro- USSR Ulnar Superficial Slip Resection
fond des doigts

XXV
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 1
Doigt de porte

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 2
Notions de base 2
But de l'intervention 4
Quand poser l'indication opératoire 4
Voie d'abord et technique chirurgicale 4
Suites opératoires 17
Pièges 17
Gestion des échecs 17

La main traumatique
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Préambule prolongé) et qui peut laisser des séquelles fonctionnelles


et/ou esthétiques.
Le doigt de porte est une pathologie fréquente L'extrémité digitale concentre plusieurs structures ana-
dont les contours et le traitement restent flous. tomiques dont chacune a son importance pour la fonction
Sa présentation clinique est variable, pouvant de la main.
aller de la contusion simple à l'amputation parcel- Squelette osseux
laire — faisant passer le chirurgien pour un dieu
vivant face à un patient persuadé initialement La phalange distale reçoit les insertions du fléchisseur profond
qu'il allait perdre son doigt. Paradoxalement, et de la bandelette terminale de l'extenseur sur sa base. Son
passé le moment du traumatisme, la «gravité» extrémité distale sert de support à la pulpe pour la préhension
initiale est souvent occultée aussi bien par le ainsi que de support à l'ongle. En cas d'amputation distale, si
patient lui-même que par son médecin traitant ; la phalange est raccourcie au-delà d'un tiers de sa longueur, le
il en résulte une incompréhension face à une évo- support de l'ongle est insuffisant et celui-ci pousse en direction
lution clinique parfois longue et des paresthésies de la pulpe : ongle bombé ou ongle en griffe.
ou dysesthésies persistantes donnant lieu à des
consultations répétées. Il est donc important, dès Pulpe digitale
le traumatisme initial, de prévenir le patient et son Le périoste est relié à la peau par de multiples cloisons (sep-
entourage des suites, avec une récupération atten- tum) assurant le rôle d'ancrage entre la peau et l'os. Entre
due sur une période de 6 à 12 mois. ces septum, se situe le tissus fibro-adipeux constitutif de la
pulpe. Cette architecture alvéolaire (comme la voûte plan-
taire) assure la qualité de la préhension, évitant le savon-
Notions de base nage (glissement de la peau).
Le doigt de porte est une expression médico-chirurgicale
Complexe unguéal
passée dans le langage commun et désignant un trauma-
tisme appuyé de l'extrémité distale des doigts longs et du Le complexe unguéal (matrice, lit unguéal, ongle) est consti-
pouce, faisant référence à un traumatisme de l'enfance [1] : tué de plusieurs entités anatomiques (figure 1.1) [2, 3] :
extrémité du doigt coincé dans une porte ou une char- ●
matrice germinale : elle se situe entre le repli unguéal et la
nière de porte lors de sa fermeture. Cette pathologie de lunule, et donne naissance à l'ongle (ou tablette unguéale) ;
l'enfance — en grandissant, on évite de laisser traîner ses ●
matrice stérile, aussi appelée lit unguéal : il débute en aval
doigts… — a bénéficié d'une extrapolation englobant tous de la lunule ; il a un rôle de support et de guide pour la
les écrasements d'extrémités digitales quel que soit le trau- pousse de l'ongle et assure son adhérence, mais il ne parti-
matisme causal. Il s'agit d'une pathologie fréquente avec cipe pas à la production de l'ongle ;
un retentissement professionnel important (arrêt de travail ●
éponichium : repli cutané couvrant la base de l'ongle ;

Figure 1.1
Anatomie du complexe unguéal.
Dessin : Cyrille Martinet.

2
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
1. Doigt de porte


paronichium : bords latéraux de l'ongle correspondant à Réseau vasculo-nerveux
la jonction entre l'ongle et la peau ;
Très développé au niveau des extrémités (figures 1.2 et

hyponichium : bande cutanée épaissie correspondant au
1.3), il assure la qualité de la sensibilité épicritique. Son
bord libre de l'ongle.
altération peut laisser des séquelles à type de sensibi-
L'ensemble assure un rôle de protection au doigt et de
lité au froid, de dysesthésies, ou aboutir à une exclusion
contre-appui à la pulpe [4]. L'ongle contribue à la perception
corticale. Son importance permet la réalisation de nom-
de la sensibilité sur la préhension d'objets fins. L'ongle joue
breux lambeaux de couverture utiles en cas d'amputa-
également un rôle important sur le plan esthétique. L'atteinte
tion parcellaire.
de la matrice unguéale, qui donne naissance à l'ongle, est irré-
médiable et entraîne une dystrophie unguéale définitive.

Figure 1.2
Vascularisation de l'extrémité distale des doigts longs.
Dessin : Cyrille Martinet

Figure 1.3
Innervation des doigts longs, variations anatomiques les plus fréquentes. 3
Dessin : Cyrille Martinet
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

But de l'intervention

Conservation de la longueur du doigt.

Conservation de la sensibilité de la pulpe et prévention
de l'apparition de névromes.

Conservation de la mobilité des articulations sous-
jacentes.

Récupération de la forme et de l'aspect du doigt et de l'ongle.

Quand poser l'indication


opératoire
S'agissant d'un traumatisme, les patients consultent habituel-
lement dans un service d'urgences. Il faut démêler ce qui relève
d'une prise en charge simple aux urgences d'un traitement
plus complexe nécessitant un passage au bloc opératoire.
L'hématome sous-unguéal, douloureux, nécessite une
évacuation réalisée par une scarification trans-unguéale.
Cette scarification peut être réalisée avec une lame de Figure 1.4
bistouri ou la pointe d'un trombone chauffée. La répara- Classification des pertes de substance digitales selon Allen et Fassler.
tion par suture du lit unguéal avec dépose de la tablette Dessin : Cyrille Martinet
unguéale est une alternative qui n'a jamais fait la preuve de
sa supériorité, sauf en cas de fracture déplacée de la pha- – le stade A est oblique antérieur, n'emportant qu'une
lange [5]. La repose de l'ongle ou d'un substitut (morceau petite partie de la pulpe ;
de film radiographique…) n'est d'aucune utilité et peut – le stade B est oblique antérieur, emportant le tiers dis-
entraîner une infection du repli unguéal. tal de l'ongle, la pointe de la phalange et la moitié de la
Le traumatisme peut être plus important et aboutir à une pulpe ; il y a exposition osseuse ;
fracture ouverte du doigt avec éclatement cutané ou à une perte – le stade C correspond au stade 2 de la classification d'Allen ;
de substance correspondant à une amputation parcellaire. Dans – le stade D est oblique dorsal, emportant la matrice
les deux cas, une prise en charge au bloc opératoire est nécessaire. stérile avec le lit unguéal et la tablette ainsi que la pointe
Pour les pertes de substance distales, deux classifications de la phalange et le tiers distal de la pulpe.
sont utilisées (figure 1.4) : Peterson et al. [8] ont proposé une classification PNB

la classification d'Allen [6] évalue la perte de substance sui- (Pulp, Nail, Bone) pour ces lésions. Il s'agit d'une classifica-
vant un axe perpendiculaire à l'axe du doigt en quatre stades : tion descriptive et thérapeutique intéressante mais abou-
– le stade 1 concerne la peau et le tissu sous-cutané, empor- tissant à 576 types différents, ce qui la rend difficile à utiliser
tant la partie distale de l'ongle ; il n'y a pas d'exposition osseuse ; au quotidien.
– le stade 2 emporte la moitié de l'ongle et expose l'ex-
trémité de la phalange sans perte de substance osseuse ;
– le stade 3 passe à proximité de la lunule, emportant
la tablette unguéale et le tiers distal de la phalange ; il y
Voie d'abord et technique
a une exposition osseuse et, si la matrice germinale est chirurgicale
préservée, la repousse de l'ongle évoluera vers un ongle
en griffe ; Le choix du traitement va dépendre de plusieurs facteurs :
– le stade 4 emporte la quasi-totalité de la phalange et ●
nature du traumatisme : écrasement, section partielle,
des insertions tendineuses ; le complexe unguéal a dis- section complète ;
paru ; il y a une exposition osseuse ; ●
importance de la zone touchée (classification d'Allen et

la classification de Fassler [7] tient compte de la direction de Fassler) ;
de la perte de substance : ●
patient (âge, sexe, profession).
4
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
1. Doigt de porte

Atteintes sans perte de substance du complexe unguéal et de la matrice germinale. L'ostéo-


synthèse se fait essentiellement par broches de petit calibre
Passé le stade de la contusion et/ou de l'hématome sous- (0,8 à 1 mm de diamètre). Le parage doit être soigneux, avec
unguéal, il s'agit d'une fracture déplacée ou non, parfois un lavage abondant. La suture du lit unguéal est réalisée au
ouverte (figure 1.5), avec contusion des parties molles. Le fil résorbable de type PDS® 5/0 ou 6/0. L'ongle n'est jamais
bilan lésionnel doit évaluer tout particulièrement l'atteinte repositionné en fin d'intervention.

A B C

D E F
Figure 1.5
Doigt de porte classique.
A et B. Aspect radiographique : on retrouve un émiettement de la houppe phalangienne qui peut être plus ou moins important. C et D. Aspect
macroscopique témoignant du caractère ouvert de la fracture. Dans le cas présent, il n'existe pas de perte de substance. E et F. La tablette
unguéale est enlevée, ce qui permet de constater l'atteinte étendue du lit unguéal. Cela permet également d'avoir accès au foyer de fracture
pour un parage plus efficace. La réalisation d'une ostéosynthèse en va-et-vient s'en trouve facilitée. L'association d'une ostéosynthèse par deux
broches de diamètre 0,8 mm et d'une suture du lit unguéal au PDS® 6/0 permet de restituer l'anatomie.

5
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Atteintes avec perte de substance classification d'Allen [9]. De nombreux travaux ont montré
de bons résultats cliniques, fiables dans le temps et repro-
Atteinte de type Allen 1, ou Fassler A ductibles [10–12]. Dans ces différentes séries, les résultats
de la récupération de la sensibilité tactile sont bons, avec
Il n'existe pas d'exposition osseuse, ni d'atteinte unguéale
des discriminations moyennes aux deux points (test de
importante. Le choix thérapeutique le plus simple est un
Weber) variant de 2,5 mm à 4 mm, meilleure que celle
pansement gras simple qui conduit à une cicatrisation de
après couverture par lambeau [13]. Cependant, les patients
bonne qualité en 3 semaines.
présentant une amputation au stade 3 combinent les plus
mauvais résultats en termes de sensibilité et de trophicité
Atteinte de type Allen 2
de la pulpe ; ceci révèle peut-être la limite du pansement
Il existe une exposition osseuse limitée et une atteinte unguéale. occlusif dans cette zone proximale d'amputation.
Un pansement simple ne peut être proposé. La réalisation du pansement est simple : réalisé en
urgence pour les stades 1, 2 et 3 après un lavage à l'eau sté-
Pansement occlusif rile, sous anesthésie locale si nécessaire ; deux pansements
Le pansement occlusif est une technique qui évite la for- semi-perméables (Tegaderm®, 3M) permettent d'envelop-
mation d'une croûte et ainsi entraîne une régénération de per complètement la zone d'amputation et sont collés
la pulpe en cas d'amputation aux stades 1, 2 voire 3 de la jusqu'à l'IPP (figure 1.6).

Figure 1.6
Réalisation du pansement occlusif. La technique est identique à chaque réfection. Idéalement, le pansement ne doit pas inclure l'IPP pour
permettre la mobilité du doigt blessé.

6
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
1. Doigt de porte

Aucun antibiotique ni antiseptique n'est utilisé depuis la tation de la première semaine, la peau est macérée et a un
prise en charge initiale jusqu'à la cicatrisation. Une réfection aspect blanchâtre (figures 1.7 et 1.8). Après deux ou trois
hebdomadaire du pansement est réalisée en consultation. pansements, une odeur désagréable voire nauséabonde se
Au total trois à six pansements sont réalisés par patient. Il n'y dégage ; plusieurs systèmes avec utilisation de charbon ou
a pas d'incitation à ce que le patient utilise le doigt amputé de pansements collants à la base du doigt permettent de
et traité par pansement. Après un pansement et à la consul- diminuer cette gêne.

Figure 1.7
Patiente de 46 ans. Amputation de stade 1 ayant nécessité quatre pansements.
A. À J + 7. B. À J + 14. C. À 3 mois, dont les résultats sont identiques à 1 an : Weber = 4 mm, dysesthésies et intolérance au froid modérées.

7
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 1.8
Patient de 39 ans. Amputation de stade 3 ayant nécessité quatre pansements.
A. À J + 7. B. À J + 21. C. À 4 mois, dont les résultats sont identiques à 1 an : Weber = 12 mm, reprise du travail à 3 semaines, intolérance au froid
modérée et ongle en griffe.

Replantation de diamètre 0,8 ou 1 mm. La suture artérielle est ­réalisée au


11/0 sous microscope. La suture d'une veine n'est en général
Une replantation peut être tentée s'il s'agit d'une section
pas réalisable et l'utilisation de sangsues dans les premiers
nette (figure 1.9) et si le calibre de l'artère centrale de la pulpe
jours postopératoires évitera l'engorgement veineux.
le permet. Il faut réaliser une ostéosynthèse par une broche

8
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
1. Doigt de porte

A B

C D

E F
Figure 1.9
Replantation sur atteinte de type Allen 2.
A et B. Amputation de stade 2 avec dévascularisation, persistance d'une charnière cutanée (importante pour le retour veineux). C et
D. Stabilisation osseuse par une broche de diamètre 1 mm. E et F. Résultat à distance : on retrouve une atrophie du fragment réimplanté qui
pourrait faire évoquer un mécanisme de cicatrisation de type greffe composite malgré la revascularisation réalisée.

9
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Greffe composite – après incision cutanée des contours du lambeau,


changer la lame du bistouri ; à l'aide d'une lame de 15,
Cette technique connue en chirurgie infantile consiste à
structures tissulaires tendues, appuyer avec l'arrondi de
refixer l'extrémité amputée sans tentative de revascularisa-
la lame pour sectionner ce qui est tendu ;
tion. Chez l'adulte, le taux de réussite chute à 30 % mais peut
– il faut décoller le lambeau de ses insertions profondes
être augmenté par la technique de la poche palmaire [14, 15] :
au ras de la gaine du fléchisseur profond, de façon à
l'extrémité distale refixée sans suture vasculaire est enfouie
pouvoir le lever en bloc pour faciliter son avancement ;
dans la face palmaire de la main (dans laquelle une ouverture
– la fermeture en «V-Y» n'est pas nécessaire ; seule la
transversale a été réalisée) après avoir été désépidermisée. Les
suture distale est importante ;
bords de l'incision de la face palmaire de la main sont sutu-
– on peut accentuer l'avancement du lambeau en y
rés de façon circulaire sur le doigt. Cette suture est laissée en
associant une double plastie ;
place 2 mois. Cette technique est limitée aux stades 1 et 2.
– la fixation osseuse par une aiguille transfixiante est inutile
Lambeau d'avancement vascularisé voire dangereuse (risque infectieux) et montre seulement
que le lambeau est sous tension, ce qui est contre-indiqué ;
L'intérêt de ces lambeaux est de couvrir la perte de substance – l'avancement est de l'ordre de 5 mm mais il peut être
et de reconstruire l'arrondi de la pulpe tout en conservant la augmenté à 10 mm avec une plastie ;
sensibilité. Parmi les lambeaux disponibles, on retient : ●
le lambeau de Kutler (figure 1.12), qui permet un avan-

le lambeau d'Atasoy (figures 1.10 et 1.11) [16], qui est en cement de 3 à 4 mm sur chacune de ses berges. Son intérêt
général utilisé pour les atteintes de type 2. Ce lambeau est vas- par rapport au lambeau d'Atasoy est de couvrir les pertes
cularisé par l'artère centrale de la pulpe ou l'arcade vasculaire de substance en biseau antérieur (stade A et B de Fassler).
terminale. Quelques points clés sont à respecter pour que Règles d'un lambeau de pulpe :
l'avancement du lambeau puisse être réalisé de façon efficace : ●
sensible ;
– dessin en «V» à base distale avec des bords remon- ●
architecture sous-cutanée équivalente à celle de la pulpe ;
tant sur les versants latéraux de l'ongle et une pointe en ●
fiabilité ;
regard du pli de flexion de l'IPD ; ●
morbidité faible.

Figure 1.10
Schéma représentant la réalisation d'un lambeau d'Atasoy.
La suture en «V-Y» classiquement décrite n'est pas nécessaire : il suffit de suturer la partie distale du lambeau par deux à quatre points et de
laisser la partie proximale ouverte afin de favoriser un bon galbe de la pulpe.
Dessin : Cyrille Martinet

10
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
1. Doigt de porte

A B

C D

E F
Figure 1.11
Lambeau d'Atasoy.
A et B. Exemple de perte de substance de stade 2. C et D. Dessin du lambeau d'Atasoy avec une variante technique permettant d'augmenter
son avancement. E et F. Le décollement du lambeau sur une zone un peu plus importante permet son avancement sans tension sur 1 cm.

11
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 1.12
Schéma représentant la réalisation d'un lambeau de Kutler.
Dessin : Cyrille Martinet

B C D
Figure 1.13
Replantation sur atteinte de type Allen 3.
A. Amputation de stade 3 avec dévascularisation de la partie distale. B. Revascularisation par suture d'une artère provenant de l'arcade (six
points 11/0). C et D. Aspect clinique à J10.

Atteinte de type Allen 3, ou Fassler B ou C de la pulpe est plus facile à individualiser. Ces atteintes dis-
tales restent d'excellentes indications de replantation..
Pansement occlusif
Il est à la limite de son indication et reste une solution de
secours si d'autres moyens n'ont pu être proposés. Lambeau d'avancement vascularisé
Un lambeau d'Atasoy peut être tenté mais l'avancement limité
Replantation
donne un résultat décevant avec un aspect de pulpe aplatie
La replantation en cas de section nette et en l'absence d'écra- accentué par l'ongle en griffe associé. Le lambeau de Kutler ne
sement (figure 1.13) est la solution de choix. L'artère centrale peut être utilisé en raison de sa faible capacité d'avancement
12
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
1. Doigt de porte

en dehors d'une atteinte de stade B de Fassler. Le lambeau un des deux pédicules d'un doigt long. Il est très fiable et
gigogne décrit par Bakhach [17] reste une alternative intéres- permet un avancement de 2 cm. C'est un lambeau sensible
sante à condition qu'il ne s'agisse pas d'une lésion d'écrasement. (Weber à 5 mm) qui permet de redonner l'arrondi de la
Lambeau en îlot pédiculé homodactyle pulpe. Quelques points clés pour la réussite de ce lambeau :
(Venkataswami et Subramanian)

dessin du lambeau avec la raquette cutanée avant l'incision ;

changement de lame après l'incision cutanée ;
Ce lambeau décrit initialement comme un lambeau laté- ●
pas de dissection de l'artère et du nerf mais prélèvement d'un
ral d'avancement a été modifié par la suite pour en faire rail de tissus sous-cutané depuis la médiane de la face palmaire
un lambeau en îlot (figure 1.14) [18]. Il est vascularisé par

A B

C D

E F
Figure 1.14
Lambeau en îlot pédiculé homodactyle.
A et B. Perte de substance de stade 3 avec exposition osseuse. C et D. Dessin et réalisation du lambeau : le pédicule n'est pas individualisé mais
prélevé en bloc avec son rail de tissus cellulo-graisseux. E et F. Avancement du lambeau permettant de couvrir la perte de substance.

13
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

du doigt jusqu'à la zone de jonction peau palmaire-peau dorsale, Si la replantation est impossible, on se trouve face
l'ensemble correspondant au quart de la circonférence digitale ; à un accourcissement « acceptable » du doigt incri-

levée du lambeau au ras de la gaine des fléchisseurs ; miné, sans complexe unguéal (figure 1.15). La priorité

section et hémostase du réseau artérioveineux collatéral dans ce cas de figure est de redonner un bon mate-
à destinée dorsale ou au pédicule controlatéral ; lassage de l'extrémité digitale et d'éviter les dysesthé-

la dissection peut être poursuivie dans la main en fonc- sies séquellaires. Les lambeaux en îlot pédiculé et le
tion du niveau d'avancement souhaité. lambeau de Hueston permettent de donner de bons
D'autres lambeaux sont réalisables mais non satisfaisants résultats pour les doits longs. Le lambeau d'Atasoy
de notre point de vue car ne permettant pas de redonner est encore réalisable à condition de remonter au-
la sensibilité (cross-finger, lambeau thénarien) ou sacrifiant delà du pli de flexion de l'IPD. La conservation de la
un axe vasculaire (lambeau homodactyle à pédicule rétro- base de P3 reste intéressante en raison des insertions
grade, lambeau d'hémipulpe hétérodigital). tendineuses (fléchisseur profond et extenseur), ce
qui permet de conserver une meilleure fonction du
doigt lésé. La qualité de la couverture du moignon
Atteinte de type Allen 4
d'amputation est essentielle pour prévenir l'exclusion
La replantation doit être la priorité pour conserver la lon- corticale.
gueur du doigt.

A B

C D
Figure 1.15
Atteinte de type Allen 4.
A et B. Aspect à distance d'une atteinte de stade 4 traitée par un lambeau d'Atasoy prélevé au-delà du pli de l'IPD : noter l'arrondi de l'extrémité de l'index
témoignant de la qualité du matelassage cutané. C et D. Aspect radiographique montrant également un matelassage satisfaisant de l'extrémité digitale.

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1. Doigt de porte

Cas particulier du pouce fléchir l'IP. Ce lambeau a été modifié par O'Brien en
1968 [22], puis par Elliot en 1993 [23] pour augmen-
Les classifications d'Allen et de Fassler édictées plus avant ter ses capacités d'avancement et limiter le flessum
restent applicables. Les principes thérapeutiques en fonc- du pouce (figure 1.17). D'autres modifications ont été
tion des zones atteintes sont également les mêmes, avec proposées depuis [24, 25], dans le même esprit. Il est
deux particularités : important d'appliquer ces modifications, notamment

la replantation doit être privilégiée, sachant que une incision cutanée rectangulaire ou en forme de
l'accourcissement du pouce est moins tolérable que sur les losange pour bénéficier d'un allongement maximal et
autres doigts en raison de sa fonction d'opposition et de limiter le flessum résiduel. L'avancement du lambeau
son importance dans la préhension ; la greffe composite peut monter à 3 cm ;
reste possible avec la méthode de la poche, qui sera plutôt – le lambeau de Hueston décrit en 1966 [26] reprend
thoracique ou abdominale que palmaire ; le principe du lambeau de Moberg mais avec une inci-

les lambeaux vascularisés d'avancement sont sion sur un seul versant avec un retour proximal en «L»
différents : (figure 1.18). Ce lambeau avait été décrit initialement pour
– le lambeau de Moberg décrit en 1964 [19] est le plus les pertes de substances des doigts longs car respectant un
connu (figure 1.16). Il consiste à réaliser une incision des deux pédicules et les collatérales avec le réseau dorsal.
sur le versant ulnaire et radial du pouce à la jonction Il est utilisable pour le pouce et a bénéficié également de
peau palmaire et peau dorsale sur toute la longueur du nombreuses variantes [27–29]. Son avancement est moins
pouce. Le lambeau est levé en bloc en le décollant au important que le lambeau de Moberg et reste asymétrique ;
ras de la gaine du long fléchisseur, emportant les deux – le lambeau dorso-radial homodactyle rétrograde
pédicules. La vascularisation particulière du pouce avec (figure 1.19) : le premier lambeau homodactyle rétrograde
la présence d'une vascularisation artérielle dorsale avec a été décrit par Brunelli en 1991 [30]. Il s'agissait d'un équi-
de nombreuses communicantes palmaires [20, 21] valent de lambeau chinois sacrifiant le pédicule collatéral
permet de lever ce lambeau avec les deux pédicules ulnaire du pouce. Depuis, et tenant compte de la vascu-
sans risque de nécrose de la face dorsale du pouce. Le larisation dorsale du pouce, Moschella [20, 31] et d'autres
lambeau levé peut être avancé pour couvrir la perte auteurs [32, 33] ont proposé la réalisation d'un lambeau à
de substance de l'extrémité du pouce à condition de flux rétrograde fondé sur une branche dorsale de l'artère

Figure 1.16
Lambeau de Moberg.
Dessin : Cyrille Martinet

15
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 1.17
Lambeau de Moberg modifié par O'Brien.
Dessin : Cyrille Martinet

Figure 1.18
Lambeau de Hueston.
Dessin : Cyrille Martinet

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1. Doigt de porte

Suites opératoires
Les suites opératoires dépendent du type d'intervention, en
sachant que le tabac est proscrit.

Hématome sous-unguéal : après évacuation, protection
par bains d'antiseptique 5 jours.

Fracture ouverte : traitement antibiotique pour 5 jours
(pénicilline + acide clavulanique), ablation des broches à
prévoir entre 6 et 12 semaines.

Replantation : hospitalisation de quelques jours pour
surveillance de la vascularisation.

Lambeaux : ils sont réalisés en ambulatoire dans la grande
majorité des cas si la revascularisation est immédiate au
lâcher du garrot. En cas de doute (spasme, problème de
retour veineux, contusion tissulaire appuyée, etc.), une hos-
pitalisation de quelques jours peut s'avérer nécessaire.

Dans les cas où l'avancement d'un lambeau s'accom-
pagne de la mise en flexion du doigt, la mise en place d'une
lame d'extension à port nocturne peut s'avérer nécessaire.
Des séances de rééducation peuvent y être associées.

Pièges

Le lambeau trop court : une bonne connaissance des
lambeaux permet d'éviter cet écueil.

La vascularisation inconstante : elle existe avec cer-
tains lambeaux, mais pas ceux décrits dans ce chapitre.
Figure 1.19 ●
La faute d'inattention : un coup de bistouri de trop
Lambeau dorso-radial homodactyle rétrograde en îlot montrant peut malencontreusement sectionner le pédicule ou une
son dessin et son prélèvement.
Dessin : Cyrille Martinet
collatérale essentielle à la survie du lambeau. Il faut lâcher
le garrot pour évaluer la vascularisation résiduelle. Toujours
radiale. Ce lambeau est fiable et sa sensibilité reste accep- prévoir une solution de secours. En l'absence de solution,
table (Weber à 9 mm), avec la possibilité de réaliser une pansement gras dans l'attente d'un avis auprès d'un col-
suture termino-terminale d'une branche sensitive du nerf lègue expert.
radial (prélevée avec le lambeau) avec l'un des nerfs colla-
téraux du pouce. Les points clés de ce lambeau sont :
– taille maximale de 3 × 5 cm ;
– base distale de l'îlot cutané en regard de la MCP ;
Gestion des échecs
– prendre un rail de tissus sous-cutané sans chercher à ●
Doigt de porte négligé (figure 1.20) : chirurgie de
disséquer l'artère sur le versant dorso-radial du pouce ;
rattrapage qui consiste souvent à réséquer le restant de
– point pivot du lambeau au centre de P2 ;
matrice unguéale pour traiter la dystrophie. Un geste
– pas de tunnélisation du lambeau pour éviter la
osseux à distance reste illusoire.
compression du pédicule ; ●
Ongle en griffe : proposer un lambeau d'éponichium.
– pas de point de suture à proximité de la zone de
En cas d'amputation parcellaire de la phalange distale et
retournement du pédicule ;
conservation de la matrice germinale, l'ongle a tendance
– fermeture directe du site donneur possible.
à pousser en direction palmaire par manque de support

17
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traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B C
Figure 1.20
Cal vicieux et dystrophie.
A. Aspect macroscopique d'un doigt de porte séquellaire. Noter la dystrophie unguéale. B et C. Aspect radiographique montrant le cal vicieux
séquellaire.

Figure 1.21
Schéma explicatif d'un lambeau d'éponichium.
Dessin : Cyrille Martinet

osseux, donnant un aspect d'ongle en griffe. En faisant recu- ●


Nécrose du lambeau ou de sa pointe : en fonction
ler l'éponichium en proximal (figure 1.21), on provoque une de l'importance de la zone nécrotique, on peut tenter une
augmentation de la longueur de la tablette unguéale, ce qui cicatrisation dirigée après nécrosectomie. Si la zone de
diminue l'aspect en griffe. On peut y associer un lambeau nécrose est trop importante, il faut soit réaliser un accour-
d'avancement pulpaire en ayant au préalable remonté le lit cissement osseux, soit tenter un autre lambeau.
unguéal (figure 1.22). ●
Raideur digitale, exclusion corticale : l'aspect initial

Repousse unguéale dystrophique : on peut ten- du doigt ou lors des pansements, les traumatismes peuvent
ter un lambeau d'appareil unguéal tel que décrit par être des facteurs traumatisants pour le patient (qui refuse par
­Schernberg [34] ou réséquer la matrice unguéale. La résec- exemple de regarder son doigt au cours des premiers panse-
tion doit être soigneuse pour éviter des îlots de repousse ments). Il est important de revoir son patient au moins une
unguéale. fois par semaine sur les 3 premières semaines pour évaluer
18
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
1. Doigt de porte

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Les auteurs remercient le Professeur François Schernberg pour sa contri- Anat 1996;18(3):179–81.
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20
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 2
Fracture des diaphyses des
phalanges et des métacarpiens

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 22
Notions de base 22
But de l'intervention 26
Quand poser l'indication opératoire 26
Voie d'abord et technique chirurgicale 28
Suites opératoires 47
Pièges 47
Gestion des échecs 47

La main traumatique
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Préambule

Le traitement d'une fracture digitale a pour but


de retrouver la meilleure fonction avec le mini-
mum de séquelles (douleurs, raideur). Parce que le
doigt reste vierge (non opéré), l'immobilisation est
possible dans certains types de fractures si elle est
courte (moins de 4 semaines), adaptée (en bonne
position). En cas de traitement chirurgical, la réac-
tion cicatricielle liée à l'ouverture qui s'ajoute aux
lésions ne peut être combattue que par une mobili-
sation immédiate. Cette mobilisation n'est possible
que si la cicatrisation des parties molles et la dou-
leur sont sous contrôle. Quel que soit le traitement,
un suivi régulier est nécessaire afin de dépister une
complication : déplacement secondaire, mauvais
contrôle de la douleur, exclusion du doigt.

Notions de base
Les fractures des métacarpiens et des phalanges sont des
lésions fréquentes correspondant à un traumatisme direct
ou indirect. Ces fractures représentent 23 % de toutes les
fractures [1, 2]. La prise en charge de ces fractures fait appel
au traitement orthopédique très régulièrement. Le traite-
ment chirurgical trouve sa place en cas de fracture dépla-
cée (trouble rotationnel, déformation dans le plan sagittal
ou frontal, raccourcissement), de fracture ouverte ou d'un
traumatisme multitissulaire. Une connaissance approfon-
die de l'anatomie et de la biomécanique est essentielle à la
compréhension du traitement optimal.

Anatomie appliquée des phalanges


et des métacarpiens [3]
Métacarpiens
Les métacarpiens forment une arche concave (figure 2.1).
Cette particularité anatomique oblige à la réalisation d'inci-
dences radiologiques obliques pour parfaitement dérouler
les articulations proximales (carpo-métacarpiennes, CMC)
et distales (métacarpo-phalangiennes, MCP).
Les métacarpiens des doigts longs reçoivent les muscles
interosseux sur les faces latérales, laissant la face dorsale libre
pour la mise en place de plaques. Le premier métacarpien Figure 2.1
a une face dorsale qui regarde en latéral contrairement aux L'arche formée par les métacarpiens permet une adaptation
aux prises larges mais explique que le brochage intermétacarpien
autres métacarpiens, et il ne s'articule pas avec les autres est techniquement difficile et peu physiologique.
métacarpiens des doigts longs. Il existe une rotation auto- Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie.
Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
matique des chaînes digitales en flexion : lors de la flexion [Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

22
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

globale de tous les doigts, ils convergent vers l'éminence Cette mobilité explique aussi qu'une angulation de 20°
thénar ; lors de la flexion indépendante, ils convergent vers peut être tolérée en cas de fracture diaphysaire de ces
le tubercule du scaphoïde [4] (figure 2.2). Pour le pouce, la métacarpiens, alors que l'angulation tolérable sera de 10°
flexion de la MCP s'accompagne d'une rotation automa- pour les deuxième et troisième métacarpiens.
tique qui le fait converger vers les autres doigts. Par ailleurs, un raccourcissement de 2 mm d'un métacar-
pien entraîne un déficit d'extension d'environ 7° [5].
Articulations carpo-métacarpiennes
Articulations métacarpo-phalangiennes
Les deuxième et troisième CMC sont fixes du fait de l'encas-
trement osseux et de la brièveté ligamentaire : une ankylose
(doigts longs)
à leur niveau aura peu de conséquence fonctionnelle. Par La mobilité de la MCP est d'autant plus importante que l'on
contre, les quatrième et cinquième CMC sont plus mobiles se rapproche des doigts ulnaires. La mobilité en abduction/
(respectivement 5 à 10° et 20 à 30°) que la deuxième et adduction n'est possible que si les MCP sont en légère flexion
la troisième CMC, contribuant au creusement de l'arche ou en extension. Grâce à cette mobilité, les doigts peuvent
palmaire : leur mobilité doit être absolument conservée. La s'écarter les uns des autres et tourner sur eux-mêmes. À l'in-
mobilité supplémentaire de la cinquième CMC est expli- verse, dans la position du poing fermé, il existe une stabilité
quée par la forme en selle et une plus grande largeur que le automatique des doigts qui permet le serrage en force. Toute
quatrième métacarpien ; elle peut atteindre 44° (figure 2.3). immobilisation des MCP se fait donc en flexion d'au moins 60°.

Figure 2.2 Figure 2.3


La morphologie des têtes métacarpiennes explique la rotation La mobilité au niveau des métacarpiens mobiles explique
automatique des chaînes digitales en flexion qui voit converger la capacité à la prise d'objets de tailles différentes. L'ankylose
tous les doigts vers l'éminence thénar et la base du scaphoïde. ou l'arthrodèse à ce niveau peuvent être gênantes.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie.
Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44 Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée. [Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

23
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Phalanges ou spiroïdes parfois associés à des lésions ligamentaires. Il


faut distinguer :
La phalange proximale, ovale à la coupe, est légèrement ●
fracture articulaire : fragment osseux > 25 % de la surface
convexe en dorsal et légèrement concave en palmaire.
articulaire, qui peut compromettre la congruence articu-
Comme elle n'a pas d'insertion de muscles extrinsèques, l'os-
laire et/ou la stabilité et qui doit être fixé ;
téosynthèse par plaque est concevable. La stabilité de l'IPP ●
arrachement osseux : fragment < 25 % de la surface
dépend de l'intégrité de la tête phalangienne et une fracture
articulaire, qui est un équivalent de lésion ligamentaire ou
d'un condyle peut la déstabiliser. Les phalanges distales et
tendineuse, grave ou non, et où le problème n'est pas la
moyennes des doigts ont une base qui donne insertion aux
fixation du fragment osseux.
tendons extenseurs et aux tendons fléchisseurs ainsi qu'à
En cas de fracture des diaphyses métacarpiennes, la
la capsule ; l'ostéosynthèse de leur base peut être un défi
déformation se fait avec une convexité dorsale à cause de
technique. Au niveau du pouce, la phalange proximale res-
l'équilibre entre les muscles intrinsèques et extrinsèques. S'il
semble aux phalanges proximales des doigts longs mais elle
en existe un raccourcissement de plus de 5 mm, il aura un
est plus courte. La phalange distale du pouce ressemble à la
impact sur la fonction des intrinsèques et des extrinsèques
phalange proximale du cinquième doigt mais demeure plus
avec diminution de la force de la poigne. Par contre, la rota-
large que les phalanges distales des doigts longs.
tion, même de quelques degrés, peut entraîner une déro-
tation des phalanges en aval lors de la flexion des doigts.
Articulations interphalangiennes L'angulation palmaire peut entraîner une protrusion de la
proximales tête métacarpienne en paume, surtout au niveau de l'in-
Même si l'IPP est plus qu'une articulation charnière, les dex. En revanche, au niveau du quatrième et du cinquième
structures anatomiques sont au service d'un mouvement rayons, la plus grande mobilité de la CMC compense la
uni-axial dans le plan sagittal, stabilisé par trois systèmes : perte fonctionnelle éventuelle.
un stabilisateur primaire que sont les ligaments collatéraux En cas de fracture transverse de la phalange proximale, il
et la plaque palmaire, des stabilisateurs secondaires que existera une convexité palmaire, les interosseux entraînant
sont les extenseurs et fléchisseurs ainsi que les ligaments une flexion du fragment proximal, la bandelette médiane
rétinaculaires et, enfin, des stabilisateurs osseux dans les une extension du fragment distal.
contacts axiaux. Cette articulation assez contrainte, à un En cas de fracture de la phalange moyenne, le déplace-
seul degré de liberté, permet la flexion/extension à cause ment est extrêmement variable en fonction du trait de frac-
de l'aspect bicondylien de la tête de la phalange proximale ture. En cas de fracture oblique longue des métacarpiens ou
qui s'articule avec la base de la phalange moyenne en forme des phalanges, la déformation se fera en rotation. En cas de
de plateau biconcave. L'articulation IPP contribue jusqu'à fracture oblique courte, le déplacement se fait le plus sou-
80 % de la mobilité globale du doigt, avec un arc de flexion/ vent en rotation ou en angulation. Les fractures avec dépla-
extension qui peut atteindre 110°. cement dans le plan de fonctionnement de l'articulation la
L'axe de rotation de l'articulation IPP n'est pas perpen- plus proche sont plus faciles à négliger et génèrent moins
diculaire à l'axe longitudinal des os et autorise une cascade de complications fonctionnelles.
des doigts qui oriente la pulpe des doigts en flexion vers le
pôle distal du scaphoïde. Toute incongruence de l'articula- Biomécanique de la fixation [6, 7]
tion va entraîner une arthrose.
Broches
Des mécanismes lésionnels L'extrémité de la broche peut modifier sa stabilité : une
aux principes thérapeutiques broche filetée est plus stable qu'une broche non filetée qui,
elle-même, est plus stable qu'une broche recoupée par le
Une fracture diaphysaire peut être transverse, oblique chirurgien.
(courte ou longue), spiroïde ou comminutive. Les trauma- La broche sera toujours insérée à faible vitesse pour éviter
tismes directs par écrasement entraînent une comminution l'échauffement de l'os, deux corticales devront être prises.
localisée avec des lésions des parties molles variables. Les Le brochage s'adresse surtout à des fractures obliques. Il
traumatismes indirects axiaux génèrent des fractures arti- ne constitue pas une ostéosynthèse rigide mais c'est un
culaires, ceux en torsion des fractures diaphysaires obliques mode de fixation suffisant pour une mobilisation limitée.

24
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

En cas de fracture oblique, le positionnement de la broche pour une fracture de diaphyse métacarpienne, les plaques
devra être perpendiculaire au trait de fracture mais l'idéal ont une rigidité en sollicitation axiale la meilleure mais il n'y a
est d'associer plusieurs broches, certaines perpendiculaires pas de différence entre les plaques, les vis et les broches dans
au trait de fracture et d'autres perpendiculaires à l'axe de les sollicitations en torsion ou en flexion. Récemment une
l'os : c'est le brochage multiple. Le brochage longitudinal technique de vissage centromédullaire est apparue [11–14].
s'adresse aux fractures transversales du col ou des diaphyses
métacarpiennes et phalangiennes. Au niveau des métacar- Plaques
piens, une seule broche est suffisante si on protège les solli-
La résistance en flexion d'une plaque est inversement pro-
citations en rotation pendant la consolidation grâce à une
portionnelle à sa longueur au cube et directement propor-
syndactylie par exemple, l'insertion des interosseux garan-
tionnelle à son épaisseur au cube. Au niveau des fractures
tissant une stabilité [8]. La mise en place de deux ou cinq
diaphysaires des métacarpiens, les plaques offrent une
broches de plus petit diamètre, 1 à 1,2 mm de diamètre [9],
meilleure résistance et elles peuvent être positionnées sur
n'offre pas une résistance supérieure. Au niveau des méta-
leur face dorsale, plus favorable que sur la face en tension.
carpiens, le brochage transversal est aussi possible, même si
Ce principe ne fonctionne toutefois que sur des corticales
ces techniques ne sont pas dénuées de complications.
qui s'affrontent (figure 2.5). En cas de perte de substance
osseuse ou d'importante comminution, une plaque à vis
Vis verrouillées doit être utilisée pour remédier à l'instabilité.
Le vissage s'adresse souvent aux fractures articulaires ou bien Au niveau de la phalange, la face dorsale offre une face
aux fractures obliques longues des diaphyses. Le fragment plate facile à utiliser mais, biomécaniquement, la position
à visser doit avoir des dimensions au moins égales à dorsale d'une plaque phalangienne est moins favorable
trois fois le diamètre de la vis (figure 2.4). Comme pour car elle est appliquée sur la face en compression. Une
un brochage, les vis sont idéalement placées à la fois per- plaque nécessite toujours une agression plus impor-
pendiculaires à la fracture et perpendiculaires à l'axe de la tante des parties molles avec un risque d'adhérences plus
diaphyse. Aucune technique de brochage ou de vis n'équi- important, majoré au niveau phalangien. Au niveau de
vaut à la force et à la rigidité d'une diaphyse phalangienne la phalange moyenne, la mise en place d'une plaque est
ou métacarpienne intacte [10]. Il n'est pas toujours facile complexe malgré la miniaturisation des implants. En cas
de comparer les techniques de fixation par broches ou par de fracture transverse ou oblique courte des diaphyses
vis. Ainsi, si l'on compare différentes techniques de fixation des phalanges proximales ou des métacarpiens, quatre

Figure 2.4
Pour éviter de briser le fragment osseux à ostéosynthéser, il faut respecter la règle suivante : la largeur du fragment à visser doit être trois
fois supérieure au diamètre de la vis utilisée. C'est également valable pour l'ostéosynthèse d'une fracture spiroïde.
Dessin : Cyrille Martinet

25
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 2.5
Une plaque d'ostéosynthèse est placée sur la convexité d'un os long afin de s'opposer aux forces de traction qui s'exercent sur cette
face alors que la concavité est soumise à des forces de compression. Ce principe ne fonctionne que s'il peut y avoir un affrontement
des corticales.

vis bicorticales non verrouillées de part et d'autre de la Quand poser l'indication


fracture permettent d'obtenir une résistance suffisante.
L'utilisation de vis verrouillées au niveau des plaques opératoire
phalangiennes et métacarpiennes est discutée. Le vissage
bicortical augmente la résistance à l'arrachement ; l'utili- Le traitement orthopédique est proposé aux conditions
sation des vis verrouillées au niveau de la main vient des suivantes :
complications liées à l'absence de contrôle du méchage

fracture fermée ;
avec possibilité d'ossification. Cependant le vissage bicor-

fracture peu ou non déplacée ;
tical, bien souvent « toujours possible » sur les diaphyses,

absence de trouble de rotation.
présente des performances et une résistance lors de sol- La position de contention de la main obéit à des règles
licitations statiques supérieures à un modèle de vissage communes à la quasi-totalité des fractures digitales et
unicortical qui peut être proposé lors de l'utilisation d'une adopte pour les doigts longs la position en flexion des
plaque verrouillée. Par ailleurs, si les montages verrouil- MCP de 70 à 90° et pour les IPP une flexion de 0 à 20°
lés nécessitent une épaisseur de plaque plus importante maximum : c'est la position de tension des ligaments
et peuvent générer une gêne plus importante au-delà collatéraux, notamment pour les MCP ; c'est aussi la
du coût majoré, l'imagination des industriels a permis position supprimant le facteur déplacement dans le plan
de mettre au point des montages verrouillés avec des sagittal provoqué par les muscles intrinsèques dans les
plaques de 1,2 mm. fractures de la phalange (figures 2.6 à 2.9).
Le traitement chirurgical peut être proposé en première
intention aux conditions suivantes :
But de l'intervention ●
fracture ouverte ;

fracture déplacée instable et/ou avec trouble de rotation.
Restituer l'anatomie en réduisant la fracture et assurer, si Le traitement chirurgical peut également être pro-
possible, une stabilisation suffisante au moyen d'une ostéo- posé en seconde intention, par exemple en cas de
synthèse adaptée pour pouvoir débuter une mobilisation déplacement secondaire sur un traitement orthopé-
active précoce. dique initial.

26
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

Figure 2.6
Toute immobilisation des MCP se fait en flexion d'au moins 60°, permettant de détendre les muscles interosseux mais aussi de mettre en
tension les ligaments, d'où l'intérêt d'une orthèse thermoformée sur mesure.
Source figure A : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

Figure 2.7
Déplacement stéréotypé des fractures de P1. La réduction est obtenue en position intrinsèque plus.
Source figure A : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

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La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Voie d'abord et technique


chirurgicale
Fractures des métacarpiens
Fractures des diaphyses métacarpiennes
En cas de fracture déplacée (angulation et/ou rotation),
de nombreuses techniques d'ostéosynthèse existent mais
elles doivent permettre une mobilisation immédiate. Le
choix de la technique dépend du type de la fracture et des
préférences du chirurgien. Les fractures transverses dépla-
cées peuvent être traitées par une plaque à compression
ou par une broche longitudinale. Les fractures obliques
longues peuvent être traitées par deux ou trois vis perdues.
La mobilisation immédiate permet de diminuer ou de lut-
ter contre les adhésions des parties molles. Une exposition
trop agressive peut exposer à la pseudarthrose. En cas de
Figure 2.8 fracture transverse ou oblique courte, on peut avoir à choi-
Position de contention. sir entre une plaque dorsale et une broche longitudinale.
A. La MCP du doigt fracturé au niveau de P1 n'est pas assez fléchie
et la flexion est trop distale : la fracture de P1 n'est pas réduite. B. La
réduction est meilleure car le niveau de flexion est réalisé au niveau Synthèse d'une fracture du cinquième métacarpien
du pli de flexion des MCP. par broche : procédure étape par étape
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie.
Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44 (figure 2.10)
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

Installation à la tête du patient, avant bras en pronation,
amplificateur de brillance positionné en face de l'opérateur.

Repérage sous scopie de la base de M5 (versant dorsal)
puis incision cutanée sur 5 à 10 mm au bistouri lame de 15
à la jonction peau dorsale-peau latérale.

Dissection prudente des parties molles à la pince de Kelly
ou aux ciseaux de Stevens pour éviter de léser la branche sen-
sitive du nerf ulnaire et l'insertion de l'extensor carpi ulnaris.

Réalisation d'un pré-trou à la pointe carrée sur le méplat
osseux de M5 entre diaphyse et surface articulaire. La pointe
carrée doit pouvoir pénétrer dans la zone métaphysaire du
métacarpien avec un angle de 45° pour préparer le trajet de la
broche et éviter qu'elle vienne buter sur la corticale opposée.

La broche utilisée est une broche de Kirschner d'un dia-
mètre de 1,5 mm que l'on prend soin de recourber sur la
moitié de sa longueur ainsi qu'à son extrémité. Cette broche
est montée sur une poignée américaine. L'avancement de la
broche dans le métacarpien se fait petit à petit avec des mou-
Figure 2.9 vements de rotation. Il n'est pas rare de voir la broche sortir
Le déplacement en rotation est le plus gênant et il est à dépister par le foyer de fracture. Pour éviter cela et limiter l'irradiation, il
en flexion des chaînes digitales. Il est produit par l'action des faut maintenir le poing du patient fermé tout en exerçant une
interosseux, qui induisent une rotation axiale du fragment distal.
Les 2e et 3e métacarpiens ont tendance à tourner en pronation, poussée sur l'IPP vers le haut (manœuvre de Jahss).
tandis que les 4e et 5e métacarpiens tournent en supination. ●
Lorsque la broche atteint la tête du métacarpien, elle
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie.
Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
peut être tournée pour améliorer la réduction (surtout inté-
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée. ressant pour les fractures du col plus que de la diaphyse).
28
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

A B D E

F G H
Figure 2.10
Synthèse d'une fracture du 5e métacarpien par broche.
A et B. Fracture diaphysaire oblique courte déplacée du 5e métacarpien après un coup de poing dans un mur. C à E. Une fenêtre osseuse de de 3
à 4 mm réalisée à ciel ouvert pour éviter une lésion de la branche cutanée sensitive du nerf ulnaire permet l'insertion de la broche de 1,8 mm de
diamètre béquillée à son extrémité distale ; on vérifie l'absence d'effraction articulaire. F et G. À 3 mois, la consolidation est acquise. H. À 4 mois,
malgré une consolidation en légère flexion, la fonction de la MCP du rayon opéré est acquise sans restriction.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.


En fin d'intervention, une fois le contrôle scopique réa- ment déportée en ulnaire ou radial par rapport à l'appareil
lisé sous plusieurs incidences, la broche est recoupée en extenseur.
proximal et éventuellement recourbée de façon à ce qu'elle ●
La branche sensitive du nerf ulnaire (pour les ostéosyn-
n'entraîne pas de lésion iatrogène. thèses du quatrième et cinquième métacarpien) doit être
En cas de fracture oblique longue, on peut avoir à choisir recherchée et protégée.
entre des vis ou des broches perdues. Les plaques dorsales ●
Libération de l'appareil extenseur : les juncta (juncturae
en titane ou en inox (plaques et vis de bas profil de 2 ou tendinum) doivent être respectées si possible en fonction
de 2,4 mm uniquement) sont faciles à poser et peuvent du niveau lésionnel ; un écarteur orthostatique peut être
apporter une stabilité plus importante grâce à deux ou mis en place à condition de ne pas gêner la réduction.
trois vis bicorticales de part et d'autre de la fracture. ●
L'exposition du foyer de fracture doit permettre de
« comprendre » la fracture, c'est-à-dire de visualiser les
Synthèse d'une fracture d'un métacarpien critères de réduction et la meilleure façon d'y parvenir.
par plaque : procédure étape par étape La réduction d'une fracture transversale reste simple.
(figures 2.11 et 2.12) La réduction d'une fracture spiroïde ou d'une fracture

La voie d'abord est rectiligne ou curviligne, à la face dor- oblique longue est parfois plus complexe et nécessite un
sale de la main, dans l'axe du métacarpien à opérer, légère- aide.
29
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED


Une fois la fracture réduite, elle est stabilisée par un ●
Un pansement type DuoDerm® est appliqué sur la cica-
davier à pointes ou par un brochage transitoire. Dans les trice. Il faut éviter les pansements collants qui peuvent don-
deux cas, le maintien de la réduction ne doit pas entrer en ner des phlyctènes en cas d'œdème important. Une attelle en
conflit avec la position de la plaque d'ostéosynthèse. position intrinsèque plus est mise en place au bloc opératoire.

La plaque utilise une visserie de 2 ou 2,4 mm. Il ne faut Cependant, le taux de complication de ces plaques peut
pas utiliser des plaques avec des vis de diamètre 1,5 ou aller jusqu'à 35 %, c'est pour cela que la fixation intramé-
1,2 mm pour une ostéosynthèse de métacarpien. Il peut dullaire à foyer fermé est de plus en plus proposée. Choisir
s'agir de plaques à vis non verrouillées ou verrouillées. entre la plaque et la broche longitudinale revient à faire un

Une fois l'ostéosynthèse achevée et contrôlée sous choix entre les complications de ces deux techniques [16]. Il
amplificateur de brillance, la voie d'abord est lavée au sérum faut sans doute oublier le brochage transverse ou le fixateur
physiologique et la fermeture est réalisée en trois plans : externe pour des fractures diaphysaires fermées quel que
– premier plan évitant le contact entre la plaque et soit le type de trait. Récemment une technique de vissage
l'appareil extenseur ; rétrograde par la MCP est apparue (ou réapparue) avec des
– sous-peau ; vis permettant une compression (figure 2.13) [13].
– surjet intradermique pour la peau.

Figure 2.11
Synthèse d'une fracture du 5e métacarpien par plaque.
A et B. Voie d'abord dorsale passant entre les 4e et 5e métacarpiens. Recherche de la branche sensitive du nerf ulnaire, qui sera réclinée en
ulnaire. Exposition du foyer de fracture, l'extenseur (propre et commun fusionnés pour D5) ayant été récliné en radial. C et D. Une fois la
réduction obtenue, réalisation d'une ostéosynthèse par plaque adaptée.
Dessin : Cyrille Martinet
30
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

A B C E F
Figure 2.12
Synthèse d'une fracture du 5e métacarpien par vis.
A à C. Fracture diaphysaire oblique courte déplacée du 5e métacarpien traitée par plaque avec mobilisation immédiate. Les activités manuelles
lourdes sont à proscrire pendant 1 à 2 mois car la plaque ne résisterait pas. D à F. À 4 mois, la mobilité est complète.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

A B C E

F G H I K
Figure 2.13
Synthèse d'une fracture du 5e métacarpien par plaque.
A et B. Fracture déplacée de la diaphyse du 5e métacarpien. C à E. Abord de la MCP et mise en place d'une broche sous amplificateur de
brillance et méchage approprié avant la mise en place de la vis. F et G. Aspect radiographique à 3 mois de face et de profil. H. À consolidation.
I à K. Aspect fonctionnel à 3 mois.

Fractures du col des métacarpiens par la base du métacarpien est la technique la plus simple
et la plus répandue, comme pour une fracture diaphy-
Lorsqu'il existe un trouble de rotation, une manipulation
saire. Même si cette technique n'offre pas une fixation
en flexion de la phalange peut permettre sa réduction :
rigide, elle permet une stabilisation suffisante du foyer de
manœuvre de Jahss (figure 2.14). Dans ces cas, la réduction
fracture. D'autres techniques ont été proposées mais elles
doit être suivie d'une fixation : un embrochage longitudinal
31
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

n'apportent plus rien aujourd'hui par rapport à la simplicité


du brochage ascendant : embrochage centromédullaire en
bouquet selon Foucher avec plusieurs broches de petit dia-
mètre [17], brochage transversal à l'aide de deux broches
dans la tête selon Lamb [18], brochage perpendiculaire
associant stabilisation axiale par une broche centromédul-
laire et transversale par une broche céphalique. Une fixation
par plaque épiphysodiaphysaire peut aussi être proposée ;
elle expose à une ouverture du foyer de fracture et une
ostéosynthèse en zone spongieuse dont la tenue expose au
déplacement secondaire.

Cas particulier du pouce : fracture


de la base du premier métacarpien
Les fractures de la diaphyse du premier métacarpien
suivent les mêmes préceptes que celles des métacarpiens
longs : nous ne détaillerons que les atteintes de la base du
premier métacarpien.
Les fractures de la base du premier métacarpien sont la
conséquence d'un mécanisme de guidonnage ou d'un coup
Figure 2.14 de poing. L'œdème douloureux local masque souvent le
La manœuvre de Jahss permet, en fléchissant la MCP, de réduire raccourcissement de la première colonne et la fermeture
la fracture du col. Si une réduction est nécessaire, une fixation
doit suivre. Une réduction isolée sans fixation ne permet que de
de la première commissure. Le diagnostic sera confirmé par
réduire pas de fixer ! des incidences radiographiques dites de Kapandji de face
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. (plan de l'ongle parallèle au plan de la plaque) et de profil
Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée. (plan de l'ongle perpendiculaire au plan de la plaque) [19].
Un scanner peut être réalisé afin de mieux analyser les
dimensions des fragments articulaires et définir la stratégie
thérapeutique (figure 2.15).

Figure 2.15
Si les clichés de Kapandji permettent de faire le diagnostic, la réalisation d'un scanner permet de parfaitement analyser le volume des
fragments osseux afin de planifier la réduction et la fixation idéale et de savoir si une fixation directe est possible.
32
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

Figure 2.16
Les trois grands types de fractures carpo-métacarpienne du pouce.
A. Fracture articulaire avec subluxation (fracture de Bennett). B. Fracture extra-articulaire. C. Fracture articulaire avec comminution
(fracture de Rolando).

Des lésions au niveau de la MCP (entorse) ou du trapèze


(fracture) sont parfois associées. Il existe plusieurs types de
fracture en fonction de l'énergie et de la position du pouce
au moment de l'impact (figure 2.16) :

fracture articulaire avec subluxation (fracture de Bennet) ;

fracture articulaire comminutive (fracture de Rolando) ;

fracture extra-articulaire.
Dans la fracture de Bennet, il existe une véritable frac-
ture-luxation : les ligaments palmaires obliques s'insérant
sur la partie ulnaire et palmaire de la base métacarpienne
vont retenir ce fragment, pendant que l'abductor pollicis
longus (APL, long abducteur du pouce) tracte et déplace le
reste de la diaphyse.
Schématiquement, les fractures extra-articulaires ou les
luxations à petits fragments osseux peuvent être traitées
par des techniques percutanées d'arthrodèses temporaires,
et les fractures articulaires par des techniques de réduction-
fixation à foyer ouvert.
Le but est toujours de réduire une luxation, un fragment
articulaire et de le fixer de façon stable.
Quelle que soit la technique de fixation, la méthode de
réduction est univoque (figure 2.17) : il faut tracter le pouce
et effectuer une manœuvre de dévissage sous contrôle de Figure 2.17
l'amplificateur de brillance [20]. Le mouvement de réduction consiste, quelle que soit la fracture
(en dehors des fractures très comminutives), à réaliser un
Technique d'embrochages [21] : mouvement de dévissage en traction-pronation du pouce.

les embrochages trapézo-métacarpiens permettent une
arthrodèse temporaire de 4 à 6 semaines entre le premier
métacarpien et le trapèze, protégée par un gantelet ;

l'embrochage intermétacarpien à une puis à deux n'est pas très difficile et peu traumatisant, il reste illogique,
broches a été popularisé par de nombreux auteurs [22], ne permet pas une réduction précise et demeure enraidis-
permettant de garder ouvert la première commissure. S'il sant (figure 2.18).

33
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 2.18
Techniques de brochage dans les fractures de la base du premier métacarpien.
Dessin : Cyrille Martinet

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Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

Techniques d'ostéosynthèse à foyer ouvert : elles laires avec ou sans luxation, il n'est pas possible de
s'adressent surtout aux lésions de Bennet à gros frag- réduire la fracture par une mise en abduction du
ment ; l'ostéosynthèse à foyer ouvert par minifragment ou pouce ou en hyperextension… ; ce mouvement place
broches perdues demeure la solution la plus logique car la la MCP en hyperextension sans réduire la fracture plus
plus précise. proximale.
Dans une analyse de la littérature, Carlsen mettait
en évidence que 86 % de patients avec une réduc- Voie d'abord et technique chirurgicale
tion anatomique (marche d'escalier résiduelle pos- Sous anesthésie, en décubitus dorsal, le membre accessible
topératoire inférieure à 1 mm) par ostéosynthèse à l'amplificateur de brillance (figure 2.19).
directe ou percutanée étaient asymptomatique. Seuls L'indication idéale de l'embrochage trapézo-métacar-
46 % étaient asymptomatiques lorsque cette marche pien est une luxation-fracture à petit fragment, peau dor-
d'escalier articulaire postopératoire était supérieure à sale lésée empêchant l'accès à l'articulation.
1,5 mm [23]. Après réduction par traction axiale, pouce en abduc-
Si les fractures extra-articulaires strictement non tion et appui direct sur la base du premier métacarpien,
déplacées peuvent être traitées orthopédiquement une broche de 18 mm est introduite depuis la base du pre-
(gantelet avec colonne de pouce laissant libre l'IP, mier métacarpien (face dorsale, technique de Wagner) ou
sans hyperextension de la première colonne, pour 4 depuis la tête du premier métacarpien proche de la MCP
à 6 semaines), les fractures articulaires sont éminem- (face dorsale, technique de Bundens et Wiggins) jusqu'au
ment chirurgicales. En effet, pour ces lésions articu- trapèze (figure 2.20).

Figure 2.19
Patient en décubitus dorsal, le membre à opérer en supination et un amplificateur de brillance à disposition.

35
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 2.20
Le brochage de type Bundens et Wiggins de distal en proximal doit être réalisé sous amplificateur de brillance afin d'être sûr que la
broche est dans le trapèze. Le point d'entrée se fait presque au niveau de l'articulation de la MCP, le plus distal possible dans la tête du
métacarpien car il est plus facile d'introduire une broche dans le trapèze en partant de «très loin». Le brochage de Wagner (en partant
de la base du métacarpien) est plus aléatoire.

Un contrôle par amplificateur de brillance est indispen-


sable en peropératoire afin de vérifier, grâce aux incidences
de Kapandji, la prise de la broche dans le trapèze.
L'ablation de la broche entre 6 semaines et 2 mois per-
met une récupération des amplitudes de la MCP dont la
raideur ne dépasse pas 2 ou 3 semaines.
L'ostéosynthèse à foyer ouvert s'adresse surtout aux
lésions de Bennet à gros fragment ; l'ostéosynthèse à foyer
ouvert par minifragment ou broches perdues demeure
la solution la plus logique car la plus précise. Un abord
dorsal ou un abord palmaire peuvent être réalisés L'abord
dorsal est plus simple et moins agressif que la voie
d'abord palmaire (voie de Gedda et Moberg — qui passe Figure 2.21
au sein des masses musculaires de l'éminence t­hénar) Abord dorsal permettant d'accéder à l'articulation trapézo-
(figures 2.21 et 2.22). métacarpienne. En pointillé, l'extension de la voie de Gedda-Moberg.
L'abord se fait sans dissection des branches sensitives du nerf
radial, mais en identifiant l'extensor pollicis brevis (EPB, court
extenseur du pouce) et l'abductor pollicis longus (APL, long
abducteur du pouce) grâce à un lambeau dorsal (figure 2.23).
On réalise le lambeau à base proximale pour atteindre
l'articulation et exposer la base du métacarpien et réduire
la surface articulaire grâce à une rugine de Howard ou
une rugine AO qui permettent de réduire les fragments
(figures 2.24 à 2.26).
Le fragment osseux palmaire est maintenu par la rugine
et fixé sous contrôle de l'amplificateur de brillance par
broches perdues filetées ou vis cannulées de petit diamètre
(figures 2.27 et 2.28). Figure 2.22
On voit l'aspect enchâssé de la base du métacarpien.

36
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

La réinsertion du lambeau se fait par des ancres ou une ballon). Il existe trois déformations élémentaires, plus
suture trans-osseuse sur le métacarpien. L'incidence de ou moins associées en fonction du type de fracture,
Kapandji permet le contrôle final. de son siège et de son déplacement : l'angulation
Un gantelet plâtré pour 3 à 4 semaines est logique. Les sagittale surtout, l'angulation frontale et le trouble
suites sont en général plutôt bonnes (figure 2.29). en rotation. Le raccourcissement sera proportionnel à
l'angulation. Le bilan radiographique de face et de pro-
fil confirme le diagnostic et montre un déplacement
Fractures des phalanges stéréotypé dans le plan sagittal (cf. supra, figure 2.7) :
le fragment proximal est déplacé en flexion (muscles
Fracture de la diaphyse de P1 [18–20] interosseux insérés sur la base de la phalange proxi-
Ces fractures sont la conséquence d'un traumatisme male) et le fragment distal est déplacé en extension
axial avec un impact sur la pulpe du doigt (jeux de (bandelettes latérales de l'appareil extenseur) avec
une déformation en récurvatum à sinus dorsal.
En cas d'ouverture, de lésions associées tendineuses
ou nerveuses, de déplacement en rotation, de fracture
non réductible, un traitement chirurgical s'impose. Un
abord dorsal longitudinal, qui peut s'étendre en aval
de l'IPP jusqu'en amont au niveau de la tête métacar-
pienne, permet d'accéder aux faces dorsale et latérales
de P1. Cette incision sera longitudinale — il n'y a pas
de brides à la face dorsale du doigt — ou arciforme,
en fonction des préférences de l'opérateur. L'abord
de la fracture se fera en écartant le tendon extenseur
Figure 2.23 sans le sectionner, afin de permettre une mobilisation
Schéma du lambeau. immédiate, fonction des lésions associées. Il faut se

Figure 2.24
L'abord de l'articulation se fait par une voie dorsale avec la levée d'un lambeau capsulo-périosté à base proximale qui permet d'avoir un
jour sur la base métacarpienne afin de la réduire.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

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La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 2.25
La réduction se fait grâce à une rugine de Howard qui maintient le fragment fracturé.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

Figure 2.27
Figure 2.26 La fixation de fait en rappel grâce à plusieurs broches perdues
filetées.
Rugines.
La rugine de Howard (A) ou la rugine AO (B) permettent de réduire
les fragments.

38
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

méfier des fixations percutanées qui sont à l'origine


de réductions approximatives. Une fracture transver-
sale sera idéalement traitée par plaque (figure 2.30),
une fracture oblique par vissage ou brochage multiple
(figure 2.31).
Le traitement par broches en croix ou par broche lon-
gitudinale est possible mais souvent difficile à réaliser ; il
nécessite régulièrement l'ablation du matériel plus vite
qu'on ne le veut, à cause de la gêne occasionnée par la
mobilisation active [24]. Là encore, une technique de
vissage rétrograde par l'articulation interphalangienne
est apparue avec des vis permettant une compression
Figure 2.28
(figure 2.32) [12].
Les positions et les longueurs sont vérifiées en peropératoires
grâce à des incidences de Kapandji.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie.
Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

Figure 2.29
La réduction anatomique et la fixation stable permettent une mobilisation à partir de 3 semaines après cicatrisation du lambeau périosté.
Résultat fonctionnel acquis entre 3 et 6 mois.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

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La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 2.30
Fracture transversale de la diaphyse de P1.
A et B. Fracture diaphysaire de P1 irréductible et traitée par plaque et broche oblique. C et D. À 6 mois, l'aspect de la cicatrice longitudinale
et la récupération fonctionnelle ont permis une réintégration et une utilisation optimales du doigt malgré le flessum de 20°.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

Figure 2.31
Fractures obliques de la diaphyse de P1.
A. Radiographie préopératoire de fractures de la phalange proximale fermée après un traumatisme par torsion déplacée en rotation. B. Par
un abord dorsal, il faut réduire le plus anatomiquement possible ces fractures où la comminution perturbe les repères. Cette comminution
oblige à fixer par un multibrochage, seul capable d'être à la fois perpendiculaire à l'axe de la phalange et au trait de fracture. C. Les broches sont
coupées au ras de l'os pour ne pas gêner et ne pas nécessiter une ablation.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

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Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

C D
A

B E F

Figure 2.32
Fracture déplacée de la diaphyse de P1.
A et B. Fracture déplacée de la diaphyse de P1 du 4e doigt. C à F. Abord de l'articulation interphalangienne proximale et mise en place d'une
broche sous amplificateur de brillance et méchage approprié avant la mise en place de la vis. G et H. Aspect postopératoire.

41
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Fracture de la diaphyse de P2 ●
privilégier un brochage en croix ;

le point d'entrée des broches se fait plutôt en distal (du
Ces fractures sont souvent ouvertes car secondaires à un
côté de l'IPD) pour éviter d'enraidir l'IPP ;
mécanisme d'écrasement. Lorsque le trait de fracture est ●
les broches sont mises au moteur : un trop grand
proximal par rapport à l'insertion du tendon fléchisseur
nombre de tentatives entraîne un échauffement de l'os
superficiel, le fragment proximal est attiré en extension
et des parties molles avec un risque de nécrose ; le bro-
par la bandelette médiane de l'extenseur et le fragment
chage doit se faire sous contrôle de l'amplificateur de
distal est fléchi par l'insertion du fléchisseur superficiel
brillance.
(figure 2.33). Ainsi se crée une déformation en flessum à
Les dimensions de la diaphyse de cette phalange inter-
sinus palmaire. À l'inverse, une fracture en aval de l'insertion
médiaire limitent la mise en place de plaques, dont les
du fléchisseur superficiel crée un récurvatum au foyer de
plus petites et les mieux adaptées sont parfois toujours
fracture, le fragment proximal étant attiré en flexion par ce
trop longues, débordant en amont et en aval. L'abord de
tendon et le fragment distal en extension par la bandelette
ces fractures va inévitablement s'étendre jusqu'à l'IPP et
terminale de l'extenseur (figure 2.34).
potentiellement l'enraidir. Une ostéosynthèse par broches
Quelques principes sont à respecter pour réaliser
perdues coupées au ras de l'os est là encore un compromis
une ostéosynthèse de P2 par broches :
efficace (figure 2.35).

choisir des broches de petit calibre (1 à 1,2 mm) ;

Figure 2.33
Le déplacement des fractures diaphysaires de P2 dépend du siège de la fracture : en cas de fracture distale, le fragment distal est tracté en
dorsal sous l'influence de la bandelette terminale de l'extenseur.
Source figure A : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
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2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

Figure 2.34
Le déplacement des fractures diaphysaires de P2 dépend du siège de la fracture : en cas de fracture proximale, le fragment proximal
est tracté en dorsal sous l'influence de la bandelette médiane de l'extenseur, la partie distale de P2 étant maintenue par l'insertion du
fléchisseur superficiel.
Source figure A : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

A C

B D
Figure 2.35
Synthèse d'une fracture de P2 par broches.
A et B. Fracture ouverte complexe de P2. C et D. Les dimensions de la phalange et les nombreux refends poussent l'opérateur à naviguer à vue en réalisant
une ostéosynthèse à foyer ouvert par boches perdues. La réduction imparfaite cache mal la difficulté à trouver les repères et à obtenir une stabilité.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
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Parfois, il est plus pertinent de fixer la fracture en réali- Le fixateur externe est très rarement utilisé. Son indica-
sant une arthrorise de l'IPD afin d'éviter un enraidissement tion principale est une fracture articulaire comminutive
de l'IPP (figure 2.36). de la base de P2 non ou partiellement synthésable. En réa-
Les miniplaques actuelles permettent cependant de lité, il s'agit plutôt d'un distracteur dynamique que d'un
s'adapter à ces dimensions plus petites de P2 (figure 2.37). fixateur. Le principe en a été développé par Suzuki [25]
L'ostéosynthèse par vis peut être utilisée dans les frac- et consiste à exercer une force de traction entre P1 et P2
tures de P2 pour des fragments de petite taille quand une pour distracter l'IPP. Pour que ce distracteur permette la
réduction anatomique est exigée et qu'un brochage en mobilisation de l'IPP, il faut que chacune des broches soit
croix ne peut être proposé (figure 2.38). C'est le cas des placée dans le centre du condyle de P1 et P2, les deux
fractures spiroïdes avec trouble rotatoire et/ou des frac- broches étant parallèles entre elles et perpendiculaires
tures articulaires. Les vis utilisées sont de faible diamètre (1,2 à l'axe du doigt (figure 2.39). La distraction est réglable.
à 1,5 mm) et ne peuvent être canulées ; la réduction doit L'intérêt est de permettre un remodelage articulaire d'une
être parfaite et parfaitement stabilisée car la préparation du surface articulaire comminutive. La mise en place de ce
passage de la vis par un méchage préalable ne pourra être distracteur demande une certaine expérience et un peu
réalisée qu'une fois. de technicité.

Figure 2.36
Fracture oblique courte de P2, mais fracture ouverte… Dans cette fracture ouverte, le choix de réaliser une arthrorise de l'IPD a été fait
pour permettre une mobilisation rapide de l'IPP.
Source : Obert L, Pluvy I, Echallier C, Pechin C, El Rifai S et al. Orthopédie-Traumatologie. Fractures des phalanges et des métacarpiens. EMC - Techniques chirurgicales 2018 : 6-44
[Article 44-368]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

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2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

A B C

D E F

Figure 2.37
Ostéosynthèse d'une fracture de P2 par miniplaque.
A à C. Fracture oblique de P2 avec refend diaphysaire. D à F. L'ostéosynthèse par miniplaque dépend aussi de l'adresse du chirurgien, même si
le minimatériel offre des possibilités que ne permettent pas les systèmes de vis-plaque classique. G à I. La stabilité du montage a permis une
rééducation rapide dont on voit ici le résultat fonctionnel.

45
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traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B

C D
Figure 2.38
Ostéosynthèse d'une fracture de P2 par vis.
A et B. Fracture unicondylienne de P2 avec trouble de rotation visible sur le profil mais également de face avec la perte de hauteur du condyle.
C et D. Réduction-ostéosynthèse par deux vis de petit diamètre.

A B

C D

E F
Figure 2.39
Distracteur dynamique.
A et B. Fracture articulaire de la base de P2 : réduction parcellaire par une vis et mise en place d'un distracteur dynamique (Ligamentotaxor®).
C et D. Aspect du distracteur en place. E et F. Résultat acceptable à 3 mois.
46
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2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

Suites opératoires ●
Il n'est pas possible de réduire une fracture de la base du
premier métacarpien par une mise en abduction du pouce
Les suites opératoires dépendent de la stabilité du mon- ou en hyperextension… puisque le mouvement s'effectue
tage et de l'existence de lésions associées. Le but est de dans la MCP et non au niveau de la fracture : toute néces-
pouvoir mobiliser le plus rapidement les chaînes digitales sité de réduction signifiera fixation.
pour éviter les adhérences cicatricielles et l'enraidissement ●
En cas d'embrochage percutané du premier méta-
articulaire, notamment de l'IPP et de la MCP. Dans tous les carpien, il est facile d'oublier de faire un cliché de profil qui
cas, les efforts sont proscrits pour 2 mois. aurait montré que la broche n'était pas dans le trapèze.

Brochage d'un métacarpien : orthèse intrinsèque plus
3 semaines, ablation de la ou des broches à 6 semaines.

Brochage du premier métacarpien : immobilisation Gestion des échecs
dans la position produite par l'ostéosynthèse (préférer une
En cas de fractures des phalanges ou des métacar-
orthèse thermoformée réalisée a posteriori).
piens, on distingue les complications mineures et les com-

Plaque métacarpienne : orthèse intrinsèque plus à titre
plications majeures.
antalgique 2 à 3 semaines, mobilisation libre des doigts à
Les complications mineures sont les plus fréquentes.
domicile.
Au vu de la littérature récente, on voit que les fractures de

Brochage en croix de P1 ou P2 : attelle intrinsèque plus
la phalange proximale sont très pourvoyeuses de compli-
4 semaines, rééducation débutée à J10 avec le kinésithéra-
cations mineures que sont les douleurs résiduelles et la
peute sous couvert d'une syndactylie dynamique.
raideur de l'IPP, complications les plus fréquentes dont

Vissage/plaque de P1 ou P2 : syndactylie dynamique et
il faudra avertir le patient. Mais ces complications varient
rééducation débutée à J10 avec le kinésithérapeute.
en fonction du mode de fixation, puisque les plaques sont

Distracteur : rééducation débutée en postopératoire,
plus souvent responsables de raideurs même si elles per-
ablation du distracteur à 6 semaines.
mettent une fixation plus rigide. Ces raideurs nécessitent
une réintervention dans 26 à 43 % des cas.
Les complications majeures sont rares mais graves
Pièges car elles vont devoir être réopérées : ce sont les pseudar-
throses et les cal vicieux.

Trouble de rotation : difficile à régler en peropératoire, En cas de pseudarthrose, il faudra s'inquiéter de
il nécessite des mouvements de flexion/extension du poi- savoir : s'il existe un défect osseux ? si le patient fume (car
gnet reproduisant l'effet ténodèse pour vérifier l'enroule- il devra arrêter) ? si la fixation est instable ? et, enfin, s'il y a
ment des chaînes digitales. Demandez à votre aide, dont le des ­stigmates d'infection associée ? Nous ne traiterons pas
regard est moins indulgent que le vôtre. cette complication qui n'a rien de spécifique sinon la petite

Fissuration du fragment osseux lors du vissage : dimension des segments à traiter.
fréquent sur les esquilles triangulaires de petite taille. Une Le cal vicieux des rayons digitaux est rare mais «grave».
ostéosuture au Vicryl® peut parfois rendre service. La gêne est importante car outre le fait que le patient

Broche en dehors de l'os : parfaite de face mais pas «voit» ce qui ne va pas… tout le monde le voit : il s'agit
de profil… Multiplier les incidences pour s'assurer du bon d'une déviation du doigt lors de la flexion active des rayons
positionnement des implants. digitaux. Il s'agit en général d'une fracture d'un métacarpien

Persistance d'un écart interfragmentaire, source de ou de la phalange proximale oblique longue traitée ortho-
pseudarthrose ultérieure. pédiquement avec un déplacement en rotation non vu ou

Patient indiscipliné dont on prend la mesure au pre- qui est apparu secondairement. Ce trouble de l'enroule-
mier rendez-vous de consultation postopératoire. ment est très gênant pour les patients surtout sur les doigts

Toutes les fractures de la base du pouce ne sont pas extrêmes. Cette gêne doit être évaluée avec le patient pour
des fractures de Bennet : le scanner est utile pour analy- définir s'il existe ou non une indication «raisonnable» de
ser les lésions et choisir la meilleure stratégie. reprise chirurgicale : quel doigt ? quel patient ? quelle gêne ?

47
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

En fonction du terrain et des facteurs locaux initiaux (frac-


ture ouverte, perte de substance tissulaire, doigt non opéré)
et des facteurs généraux péjoratifs (immunosuppression,
tabac), le projet thérapeutique sera différent. Le contrôle
préopératoire des facteurs locaux ou généraux de la
consolidation osseuse est essentiel avant une cure de
cal vicieux, afin de ne pas aggraver la situation et opérer
«pour rien». En cas de doute sur la consolidation, un
scanner sera réalisé. Si les articulations voisines sont raides,
il faudra les assouplir en préopératoire. Enfin, un cal vicieux
de la phalange proximale pourra être résolu par une ostéo-
tomie du métacarpien correspondant afin de ne pas
majorer ou reproduire une raideur de l'IPP. La correction se
fait le plus souvent par une reprise dans le cal si cela est
possible 6 à 8 semaines après la fracture, ou sinon par une
ostéotomie correctrice le plus souvent dans le foyer de frac-
ture ou à distance de la fracture selon le siège du foyer. Le
montage, là encore, doit être parfaitement stable, afin de
permettre une rééducation précoce indispensable pour ne
pas péjorer le résultat final. Dans certains cas, à cette cor-
rection de cal vicieux pourra être associée une ténolyse
voire une téno-arthrolyse, afin de permettre une récupé-
ration des amplitudes articulaires optimales. Ainsi, devant
un cal vicieux phalangien (figure 2.40), on peut décider
de réaliser l'ostéotomie au niveau du métacarpien car il
Figure 2.40 existe trois avantages : os plus large et plus long, fixation
Cal vicieux phalangien. par plaque plus facile, évitant les raideurs au niveau de l'IPP
Fracture oblique longue traitée de P1 du 5e doigt par plâtre avec (figures 2.41 à 2.44).
déplacement secondaire ; fracture consolidée, IPP souple, pas de Une autre complication majeure est l'infection
facteurs de risque de non-consolidation. Devant ce cal vicieux, on
aura décidé si l'ostéotomie se fait au niveau phalangien ou au niveau (figure 2.45) : elle est rare mais va déboucher sur une réin-
du métacarpien. tervention et des antibiotiques à long terme. Ces infections

Figure 2.41
Cal vicieux phalangien : ostéotomie au niveau du métacarpien.
Abord dorsal. Passage en transtendineux ou en péritendineux. Il faut libérer les intrinsèques des diaphyses et cela se fera idéalement au bistouri
électrique pour une hémostase efficace ; cette libération permettra une rotation des fragments plus facile.

48
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

Figure 2.42
Cal vicieux phalangien : ostéotomie au niveau du métacarpien.
On trace au feutre un trait longitudinal le long de la diaphyse. Une broche verticale peut être mise en place afin de faire «tourner plus
facilement» le fragment distal ; on place une plaque au niveau de la face dorsale du métacarpien en position idéale et on perce le trou d'une
vis afin de fixer plus rapidement la plaque quand l'ostéotomie sera réalisée ; puis on réalise l'ostéotomie à la scie et on fait «tourner» la partie
distale que l'on fixe avec un davier ou une broche à la plaque pour stabiliser la réduction.

représentent 20 à 30 % des complications dans une situa-


tion classique et évocatrice : une lésion de l'IPP (fracture
ou fracture-luxation) traitées par fixateur externe… En cas
d'infection non contrôlée, l'amputation sera à évoquer. Cette
complication est traitée dans le chapitre suivant.
Les adhérences cicatricielles sont plus fréquentes en
cas d'ouverture et d'ostéosynthèse par plaque, surtout au
niveau des phalanges ; elles peuvent se voir également avec
des ostéosynthèses par broches. Une ostéosynthèse instable
empêchant une rééducation précoce, un défaut technique
(figure 2.46) sont autant de facteurs aggravants. Lors d'une
ostéosynthèse par broche, il faut préserver l'IPP, éviter de
multiplier les tentatives d'ostéosynthèses au moteur et s'as-
surer que le matériel laissé en place n'entraîne pas de gêne à
Figure 2.43 une mobilisation complète des chaînes digitales. Pour une
Cal vicieux phalangien : ostéotomie au niveau du métacarpien. ostéosynthèse par plaque, ­l'enraidissement est souvent
Le contrôle peropératoire permet de vérifier la bonne correction en rapport avec des adhérences entre la plaque et l'appa-
grâce à des répétitions de flexion/extension du poignet qui
entraînent respectivement une extension et une flexion passive reil extenseur. Pour éviter ces adhérences, il est possible de
automatique des doigts (effet ténodèse). réaliser un lambeau vascularisé graisseux désépidermisé (le
même que celui utilisé pour les cross-­fingers) qui sera glissé
entre la plaque et l'appareil extenseur (figure 2.47) [26].

49
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B

C D
Figure 2.44
Cal vicieux phalangien : ostéotomie au niveau phalangien versus métacarpien.
A et B. L'ostéotomie au niveau phalangien, plus logique en cas de cal vicieux de la phalange, est plus difficile techniquement même si le
minimatériel proposé par les industriels est adapté. C et D. Travailler un os sain et réaliser l'ostéotomie sur le métacarpien est simple et
permettra une fixation plus rigide. Dans le futur, les outils d'impression 3D permettront sans doute de modéliser encore mieux les corrections.

Figure 2.45
Pseudarthrose septique de P2, avec exposition de la plaque. Matériel, technique opératoire, suivi et prise en charge globale inadaptés.

50
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
2. Fracture des diaphyses des phalangesSCI-MED
et des métacarpiens

Figure 2.46
Fracture de P1 réduite anatomiquement mais mauvais résultat clique en raison d'un matériel et d'une voie d'abord inadaptés.

Figure 2.47
Lambeau vascularisé sous-cutané permettant d'isoler l'appareil extenseur de la plaque (ici une plaque de dérotation pour ostéotomie sur
cal vicieux).

51
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

[9] Firoozbakhsh KK, Moneim MS, Doherty W, Naraghi FF. Internal


Ce que l'on devrait savoir… fixation of oblique metacarpal fractures. A biomechanical evalua-
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immobilisation légère par syndactylie — on attache 1986;11(5):672–7.
les doigts voisins aux doigts blessés —, au plâtre pour [11] Boulton CL, Salzler M, Mudgal CS. Intramedullary cannulated
quelques semaines ou à l'opération. Dans tous les cas, headless screw fixation of a comminuted subcapital metacarpal
fracture: case report. J Hand Surg Am 2010;35(8):1260–3.
le but est de trouver le meilleur équilibre entre le risque
[12] Del Piñal F, Moraleda E, Rúas JS, de Piero GH, Cerezal L. Minimally
d'enraidissement des articulations voisines à cause d'une
invasive fixation of fractures of the phalanges and metacarpals with
opération ou encore une fois d'une immobilisation intramedullary cannulated headless compression screws. J Hand
dépassant 4 semaines. Si le doigt n'est pas opéré, c'est que Surg Am 2015;40(4):692–700.
la fracture n'est pas déplacée. S'il faut opérer, c'est qu'il [13] Ruchelsman DE, Puri S, Feinberg-Zadek N, Leibman MI, Belsky
existe un déplacement ou une fracture ouverte qui n'est MR. Clinical outcomes of limited-open retrograde intramedullary
pas compatible avec une bonne fonction. Il faut absolu- headless screw fixation of metacarpal fractures. J Hand Surg Am
ment lutter contre la douleur les premiers jours, afin que 2014;39(12):2390–5.
le patient puisse se resservir du doigt rapidement et ne [14] Eisenberg G, Clain JB, Feinberg-Zadek N, Leibman M, Belsky M,
Ruchelsman DE. Clinical outcomes of limited open intramedul-
l'exclut pas. L'exclusion du doigt survient d'autant plus
lary headless screw fixation of metacarpal fractures in 91 conse-
que la fracture touche un doigt de la main non domi-
cutive patients. Hand (New York) 2019 Mar 17. doi:https://doi.
nante, que les douleurs ne sont pas maîtrisées. En cas org/10.1177/1558944719836235.
de fracture des phalanges, il existe un risque important [15] Jardin E, Pechin C, Rey PB, Uhring J, Obert L. Functional treatment
de raideur de l'IPP qui peut s'enraidir assez vite. Cette of metacarpal diaphyseal fractures by buddy taping: A prospective
articulation peut rester gonflée plusieurs mois même si single-center study. Hand Surg Rehabil 2016;35(1):34–9.
la fonction est retrouvée ; on peut ne jamais récupérer [16] Diaz-Garcia R, Waljee JF. Current management of metacarpal frac-
l'extension complète après une fracture de doigts. Il faut tures. Hand Clin 2013;29(4):507–18.
compter un bon trimestre pour une récupération des [17] Foucher G. “Bouquet” osteosynthesis in metacarpal neck fractures:
a series of 66 patients. J Hand Surg Am 1995;20(3 Pt 2):S86–90.
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tabagique, de maladie de la thyroïde, les suites peuvent intact metacarpals. Hand 1973;5(1):43–8.
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52
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 3
Luxations et fractures-luxations
des doigts

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 54
Notions de base 54
But de l'intervention 59
Quand poser l'indication opératoire 59
Voies d'abord et technique
chirurgicale 59
Suites opératoires 70
Pièges 73
Gestion des échecs 73

La main traumatique
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Préambule nécessite l'association d'une contrainte latérale entraînant


la rupture d'un des deux ligaments collatéraux et d'une
La luxation des doigts est une pathologie force de cisaillement postéro-antérieure.
connue de tous, notamment dans le milieu
sportif, et est souvent considérée comme Luxation de l'IPD
bénigne. Comme toujours, c'est ce que l'on ne
voit pas qu'il faut chercher et c'est ce que l'on L'IPD est une articulation particulièrement stable et se luxe
ne trouve pas qui rend les suites difficiles. Il faut très rarement. Cette stabilité est due aux deux insertions
voir au moins deux fois le patient : la première tendineuses (bandelette terminale de l'extenseur et fléchis-
fois au moment du traumatisme ou dans les seur profond), à une plaque palmaire épaisse et à des liga-
suites immédiates pour valider le diagnostic ments collatéraux (figure 3.1) [1].
et le traitement ; la seconde fois 3 à 4 semaines
après pour s'assurer de la ­récupération clinique
en cours s'il n'y a pas eu d'intervention chirur-
gicale. Errare humanum est, quelle que soit
l'expérience du praticien : on se trompe à tous
âges, l'acuité intellectuelle pouvant être mise
en défaut par l'inexpérience, la fatigue (jour-
nées à rallonge…) ou les circonstances (loi de
Murphy).

Notions de base
Il faut distinguer :

les luxations des doigts longs ;

les luxations de la colonne du pouce ;

les fractures-luxations. Figure 3.1
Une luxation des doigts longs peut concerner les articu- Anatomie de l'articulation interphalangienne distale (IPD).
lations interphalangiennes distale (IPD) et ­proximale (IPP), Dessin : Cyrille Martinet

métacarpo-phalangienne (MCP) et carpo-­métacarpienne


(CMC). Nous les détaillerons étage par étage. Pour déter-
miner la direction de la luxation, on tient compte de la La luxation de l'IPD survient rarement de façon isolée
phalange distale : une luxation dorsale de l'IPP signifie que et est souvent associée à une fracture, correspondant elle-
P2 est en situation dorsale par rapport à P1. Les luxations même à une atteinte tendineuse : mallet finger ou jersey fin-
des articulations des doigts longs peuvent être dorsale, laté- ger. Lorsqu'elle est isolée (figure 3.2), elle se réduit s­ ouvent
rale ou antérieure. La luxation dorsale est la plus fréquente spontanément ou c'est le patient lui-même qui réduit sa
et comporte régulièrement une désinsertion distale de la luxation par mécanisme réflexe à chaud sur « le lieu du
plaque palmaire, la partie proximale restant fixée à la pha- crime » : terrain de sport, accident de la voie publique,
lange proximale du fait des attaches du ligament collatéral etc. La réduction de la luxation, si elle est nécessaire, ne
accessoire. La luxation latérale, moins fréquente, est en rap- pose pas de difficulté particulière et peut être réalisée aux
port avec une contrainte latérale en charge et comporte urgences par traction simple, au besoin sous anesthésie
habituellement une désinsertion proximale d'un des deux locale. Une luxation de l'IPD persistante doit faire penser à
ligaments collatéraux. Une atteinte de la plaque palmaire une incarcération de la plaque palmaire ou du fléchisseur
peut y être associée. La luxation antérieure est rare ; elle profond [2–4].

54
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
3. Luxations et fractures-luxations des doigts

Figure 3.2
Exemple de luxation dorsale sans fracture de l'IPD. L'ouverture est due à la déchirure cutanée survenant au moment de la luxation.

Fracture-luxation de l'IPD
La fracture-luxation de l'IPD correspond habituelle-
ment à une lésion traumatique tendineuse concernant
soit l'appareil extenseur (mallet finger, figure 3.3), soit
l'appareil fléchisseur (jersey finger, figure 3.4). Une des
attaches tendineuses étant rompue, entraînant son
insertion osseuse, il se produit un déséquilibre anté-
ropostérieur avec un déplacement de P3 en ventral
(par traction du fléchisseur profond) en cas de mallet
finger ou en dorsal (par traction de la bandelette ter-
minale de l'extenseur) en cas de jersey finger. Ces deux
lésions sont traitées de façon approfondie dans deux
chapitres de cet ouvrage et nous ne les détaillerons
pas ici.
Figure 3.3
Mallet finger osseux.
Le fragment osseux proximal correspond à l'insertion de la
bandelette terminale de l'extenseur et représente 50 % de la surface
articulaire de P3, d'où un risque d'instabilité important.

55
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

rôle est de s'opposer à l'hyperextension de l'IPP. Les autres


éléments stabilisateurs sont la bandelette médiane et les
bandelettes latérales de l'extenseur à la face dorsale et les
tendons fléchisseurs à la face ventrale. La luxation de l'IPP
nécessite au minimum la rupture de la plaque palmaire
plus ou moins associée à la rupture d'un ou des deux liga-
ments collatéraux.
L'IPP dans la main est particulièrement exposée aux
traumatismes [5]. C'est le cinquième rayon qui est majo-
ritairement touché [6]. Les luxations peuvent être anté-
rieures ou dorsales (les plus fréquentes). Une luxation
dorsale (figure 3.6) est réduite sans difficulté par traction
dans l'axe en poussant éventuellement P2 à la face dor-
sale du doigt. La luxation latérale ou ventrale (figure 3.7)
Figure 3.4 se réduit également par traction dans l'axe. Le risque de la
Jersey finger osseux. luxation ventrale est la rupture de la bandelette médiane
Le fragment osseux distal correspond à l'insertion du fléchisseur
profond et représente 50 % de la surface articulaire de P3, d'où un
de l'extenseur. Il faut dans tous les cas tester la stabilité
risque d'instabilité important. articulaire une fois la luxation réduite. Une ouverture
peut être associée à la luxation par effet de surtension
Luxation de l'IPP cutanée.

Il s'agit d'une lésion beaucoup plus fréquente du fait de


l'anatomie et de la biomécanique de cette articulation,
Fracture-luxation de l'IPP
même si la prévalence réelle est difficile à établir car ces Dans ce cas de figure, c'est la fracture qui détermine
luxations sont souvent réduites avant leur arrivée aux l'instabilité, en rapport avec le pourcentage de surface
urgences. L'IPP est une articulation très mobile et compte articulaire atteinte. En dessous de 30 %, la lésion peut
pour 85 % dans la préhension et l'enroulement digital. être considérée comme stable et relève d'un traite-
Elle est stable dans le plan sagittal mais supporte mal les ment orthopédique. Si la fracture touche plus de 50 %
contraintes axiales et rotatoires. La stabilité de l'IPP est de la surface articulaire, l'instabilité est majeure et
assurée par les ligaments collatéraux radial et ulnaire sur le traitement est chirurgical. De 30 à 50 %, le risque
les côtés et par la plaque palmaire en avant (figure 3.5). La d'instabilité est important et l'option chirurgicale doit
plaque palmaire est un ligament épais et résistant dont le être discutée. Le déplacement peut, comme dans les
luxations simples, être dorsal, antérieur ou latéral et
concerner les attaches de la bandelette médiane de
l'extenseur, de la plaque palmaire et des ligaments
collatéraux.

Luxation de la MCP
Les luxations de la MCP sont plus rares que les luxations
des IP. Le mécanisme traumatisant est habituellement
une hyperextension de la MCP, la plupart des luxations
étant dorsales. C'est l'index qui est majoritairement tou-
ché [7]. Dans les luxations dorsales, la plaque palmaire
est désinsérée et peut venir s'invaginer dans l'articulation,
empêchant la réduction. D'autres structures comme les
Figure 3.5 ligaments natatoires, les muscles lombricaux ou les flé-
Anatomie de l'articulation interphalangienne proximale (IPP). chisseurs peuvent participer à l'incarcération de la tête
Dessin : Cyrille Martinet métacarpienne et rendre sa réduction impossible par

56
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
3. Luxations et fractures-luxations des doigts

Figure 3.6
Luxation dorsale de l'IPP avec déchirure cutanée produisant une luxation ouverte.

manœuvres externes. La réduction d'une luxation de


la MCP ne se fait pas en traction en rectitude : il faut
maintenir le poignet et l'IPP en flexion et pousser la base
de P1 jusqu'à obtenir sa réduction. Du fait des structures
anatomiques environnantes, ces luxations nécessitent
plus fréquemment une réduction à ciel ouvert au bloc
opératoire, la tête du métacarpien pouvant rester captive
en situation palmaire.
L'association d'une fracture à une luxation de la MCP
augmente son caractère irréductible et nécessite habituel-
lement une réduction à ciel ouvert pour restaurer l'anato-
mie et autoriser une mobilisation précoce.

Luxations et fractures-luxations
carpo-métacarpiennes
Il s'agite d'une lésion rare : environ 1 % des lésions de la
main, avec un risque de retard diagnostic. Les radiographies
ne sont pas toujours faciles à interpréter et, en cas de doute,
il faut demander un scanner qui montre clairement la luxa-
tion (figure 3.8). Il faut un traumatisme à haute énergie sur
un poignet en flexion et un choc frontal pour entraîner une
fracture-luxation carpo-métacarpienne : choc direct sur le
poing, chute d'une hauteur élevée et accidents de moto
sont les étiologies les plus fréquentes.
Figure 3.7
Luxation antérieure de l'IPP.
57
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B

C D
Figure 3.8
Luxation carpo-métacarpienne : intérêt du scanner.
A et B. Radiographies ne dégageant pas clairement les articulations carpo-métacarpiennes. La différence d'axe entre 4e, 5e métacarpiens et les
autres doigts doit attirer l'attention. C et D. Le scanner montre parfaitement la luxation CMC du 4e et du 5e rayons.

Du fait des structures anatomiques environnantes, les le traumatisme produit. Les doigts les plus atteints sont le
luxations isolées sont rares [8]. La base du deuxième méta- quatrième et le cinquième rayons. La luxation est dorsale
carpien est enclavée entre le troisième métacarpien et le tra- de façon quasi constante. L'association fracture-luxation
pézoïde. L'insertion de l'ECRB et de l'ECRL sur la face dorsale produit une instabilité constante nécessitant une ostéosyn-
des deuxième et troisième métacarpiens majore la stabilité thèse après réduction [10]. La fracture peut concerner la
de ces articulations [9]. L'ECU stabilise le cinquième rayon base des métacarpiens ou les os du carpe, essentiellement
mais peut également être facteur de déstabilisation une fois l'hamatum, plus rarement le capitatum.
58
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
3. Luxations et fractures-luxations des doigts

But de l'intervention
Redonner la fonction de la main. Pour cela, il faut :

réduire la luxation, si cela n'a pu être fait manuellement ;

réduire et stabiliser une fracture associée ;

traiter les lésions associées.

Quand poser l'indication


opératoire

Luxation irréductible.

Luxation ou fracture-luxation potentiellement instable.

Luxation ou fracture-luxation passée inaperçue initiale-
ment.

Lésions associées.

Voies d'abord et technique


chirurgicale
Luxation et fracture-luxation de l'IPD
La luxation isolée de l'IPD est une lésion rare et doit, en
premier lieu, bénéficier d'une tentative de réduction aux
urgences par manœuvre de traction, avec contrôle radio-
graphique post-réduction (figure 3.9).
En cas d'instabilité ou au contraire d'irréductibilité de la Figure 3.9
luxation, il faut intervenir chirurgicalement. Luxation de l'IPD avec arrachement de l'insertion de la bandelette
terminale comme en témoigne le fragment osseux. La réduction
La voie d'abord est habituellement arciforme ou de type par traction dans l'axe permet de vérifier que l'insertion de la
Bruner. L'intervention est motivée par une luxation irréduc- bandelette terminale de l'extenseur est en situation anatomique.
tible de l'IPD, plus fréquemment dorsale. Il faut identifier
les pédicules et vérifier qu'ils ne sont pas incarcérés [11]. de «démonte-pneu». La réinsertion de la plaque palmaire
On retrouve de façon classique une plaque palmaire avul- sur P3 peut se faire soit à l'aide d'une ancre de petit calibre
sée, parfois invaginée dans l'articulation. Il peut également (1 mm) soit par un tunnel trans-osseux. Le fléchisseur pro-
exister de façon associée une rupture parcellaire ou com- fond peut également être réinséré en utilisant la même
plète du fléchisseur profond avec (jersey finger) ou sans son technique.
insertion osseuse. Il faut libérer l'articulation des éléments En cas d'instabilité sur une lésion fermée, on peut
invaginés. La réduction se fait par traction dans l'axe en se contenter d'une stabilisation par broche d'arthrorise
repoussant la base de P3 au doigt. Une spatule mousse (figure 3.10) laissée en place 6 semaines pour obtenir la
peut être utilisée si nécessaire pour réaliser une manœuvre cicatrisation des parties molles.

59
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A B

C D
Figure 3.10
Instabilité sur une lésion fermée.
A et B. Luxation dorsale de l'IPD avec un écart entre P1 et P2 témoignant de la rupture des ligaments collatéraux et de l'interposition des
parties molles. C et D. Réduction par manœuvres externes et stabilisation par une broche d'arthrorise.

Luxation et fracture-luxation de l'IPP passe entre bandelette latérale et bandelette médiane. Le


rôle de cette broche est d'empêcher l'extension complète
Une luxation de l'IPP est plus souvent instable qu'irréductible. de l'IPP (par effet de butée) pour favoriser la cicatrisation
L'instabilité est due soit à une rupture de la plaque palmaire de la plaque palmaire et éviter la persistance d'une hyper-
soit à une fracture de la base de P2. La bandelette médiane de extension ou d'une subluxation chronique. Elle est soit
l'extenseur exerce alors une force de traction responsable de laissée à l'extérieur de la peau soit coupée et enfouie sous
la luxation ou de la subluxation. Il existe plusieurs solutions : la peau (pas trop court pour que l'effet butée se fasse).

broche de butée (figure 3.11) : une broche est poussée au Cette broche est laissée en place 3 semaines puis rempla-
moteur dans la face dorsale de la tête de P1 dans l'axe de cée par une orthèse dynamique ou « IPP stop » permettant
la médullaire en percutané. Le meilleur trajet est celui qui la mobilité de l'IPP avec un flessum de 10 à 20° ;
60
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
3. Luxations et fractures-luxations des doigts


suture de la plaque palmaire et/ou ostéosynthèse d'une S'il existe une fracture de base de P2 supérieure à 30 % de
fracture de la base de P2 (figure 3.12). Pour nous, l'indication la surface articulaire, le risque d'instabilité est important et
à un abord antérieur est essentiellement l'ostéosynthèse relève d'une stabilisation. La voie d'abord optimale est la
d'une fracture de la base de P2 entraînant une subluxation voie dite en «gunshot», permettant d'exposer parfaitement
dorsale. La lésion de la plaque palmaire bénéficiera soit l'IPP (figure 3.13).
d'une attelle «IPP stop» soit d'une broche à effet butée.

A B

C D
Figure 3.11
Broche de butée.
A. Fracture articulaire de la base de P2 avec tendance à la subluxation. B. L'ostéosynthèse par vis ne permet pas de stabiliser l'IPP. C et D. Mise
en place de deux broches à effet butée en prenant soin de ne pas transfixier la bandelette médiane : disparition de la subluxation.

A B
Figure 3.12
Fracture de la base de P2 entraînant une subluxation dorsale : abord antérieur.
A. Fracture avec enfoncement de la de base P2 et tendance à la subluxation. B. La voie d'abord lève un lambeau à pédicule radial pour l'index et
le majeur et un lambeau à pédicule ulnaire pour l'annulaire et l'auriculaire. La voie d'abord se poursuit en passant au-dessus du pédicule qui est
laissé avec le lambeau cutané. La plaque palmaire est désinsérée et l'IPP ouverte en extension.

61
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C D

E F

G H
Figure 3.12
Suite.
C. L'IPP est exposée : on retrouve l'enfoncement de la surface articulaire de la base de P2. D. Réduction de l'enfoncement avec restitution de la
surface articulaire. E et F. Stabilisation de la fracture par deux vis de diamètre 1,3 mm et vérification de la congruence articulaire. G et H. Contrôle
radiographique peropératoire confirmant la réduction de la surface articulaire et l'absence de subluxation. Noter l'hyperextension de l'IPP : à ce
stade de l'intervention, la plaque palmaire n'a pas encore été réinsérée.

62
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3. Luxations et fractures-luxations des doigts

A B C D
Figure 3.13
Fracture de la base de P2 entraînant une subluxation dorsale : abord de type «gunshot».
A et B. Fracture articulaire de la base de P2 de 50 % entraînant une subluxation dorsale. C et D. Réalisation d'une voie d'abord de type
«gunshot» et stabilisation par une plaque console : restauration de la surface articulaire et disparition de la subluxation de l'IPP.

Luxation et fracture-luxation mécanisme associant hyperflexion et translation proxi-


male sur P1 soit d'une hyperextension. Il existe probable-
métacarpo-phalangienne ment de façon associée des contraintes en rotation, ce qui
Le caractère irréductible est en rapport avec une inter- explique les lésions fréquentes des ligaments collatéraux.
position des parties molles : plaque palmaire, ligament C'est l'interposition des parties molles dans la MCP qui
natatoire, ligament transverse superficiel, tendons flé- est responsable du caractère irréductible [14]. L'abord
chisseurs, muscles lombricaux, abducteur, etc. Une lésion est dorsal ou latéral en sectionnant la dossière des exten-
ostéochondrale (figure 3.14) est fréquemment associée et seurs et peut être complété par un abord palmaire. Il faut
doit être refixée dans le même temps opératoire. L'abord vérifier l'ensemble des éléments stabilisateurs de la MCP
peut être palmaire, latéral ou dorsal en fonction du type (plaque palmaire, ligaments collatéraux, capsule) et les
de luxation (palmaire ou dorsale). La luxation qu'elle soit réparer si nécessaire.
dorsale ou palmaire est rare [12, 13] et relève soit d'un

63
La mainDr A.AMINE
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Cas particulier : le locking finger


Le blocage d'une MCP est rare et peut se voir dans les
luxations carpo-métacarpiennes irréductibles. Un des diag­
nostics différentiels est le locking finger (figure 3.15). La pré-
sentation clinique est assez typique, réalisant un flessum de
la MCP avec impossibilité d'étendre le doigt aussi bien en
actif qu'en passif. Ce blocage peut survenir spontanément
ou à la suite d'un traumatisme. Il est dû à la luxation d'un des
A B deux ligaments collatéraux de la MCP en situation palmaire.
Même si le blocage survient majoritairement en position
de flexion, l'inverse peut également se voir. Les conditions
nécessaires au blocage de la MCP en flexion semblent passer
par une flexion forcée de l'articulation supérieure ou égale
à 90°, qu'il y ait ou non traumatisme. L'index, le médius et
l'annulaire sont le plus souvent concernés. La présentation
clinique permet habituellement de faire le diag­nostic, mais
une radiographie de la main est réalisée à titre systématique
et montre parfois un ostéophyte de la tête du métacarpien,
responsable de l'accrochage ligamentaire, ou une anomalie
morphologique. Certains auteurs ont proposé de réaliser
C une IRM en cas de doute diagnostique. Le traitement, c'est-
à-dire la réduction de la luxation, peut se faire par traction
simple dans l'axe (avec ou sans anesthésie selon l'intervalle
libre depuis la survenue de la luxation) ou nécessiter un
abord chirurgical. L'injection de liquide intra-articulaire
pour obtenir la réduction peut également être proposée.
L'abord chirurgical peut être palmaire ou latéral. Les suites
opératoires sont habituellement simples, avec récupération
d'une mobilité active complète et un faible taux de réci-
dive [15, 16].

D
Figure 3.14
Luxation métacarpo-phalangienne.
A et B. Luxation métacarpo-phalangienne du 4e et du 5e rayons.
C et D. On retrouve une avulsion de la capsule articulaire avec
arrachement d'un fragment ostéochondral.

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3. Luxations et fractures-luxations des doigts

A B

C D
Figure 3.15
Locking finger du médius.
A et B. Flexion irréductible de la MCP du médius. C. La flexion irréductible est due à la luxation du ligament collatéral en arrière d'un
ostéophyte métacarpien. D. Une traction dans l'axe permet la plupart du temps de réduire ce flessum permanent.
Dessin : Cyrille Martinet

Luxation et fracture-luxation tefois moins efficace que l'abord chirurgical avec réduc-
tion et stabilisation à ciel ouvert, comme l'a montré Frick
carpo-métacarpienne et al. [8] sur sa série de cent luxations carpo-métacar-
L'objectif est d'obtenir une réduction anatomique par- piennes opérées : dans les cas de brochage percutané,
faite, garante d'un bon résultat clinique. Il n'y a pas de les imperfections radiologiques étaient deux fois plus
consensus actuellement sur le traitement optimal. La importantes qu'à ciel ouvert. L'abord chirurgical se fait en
stabilisation chirurgicale est très fréquente [17], voire regard de la luxation et peut être horizontal ou vertical
systématiques pour certains auteurs [18], en raison du en fonction de l'existence ou non d'une fracture associée
risque de récidive. Cette stabilisation est réalisée le plus touchant le carpe et/ou les métacarpiens. Sur le versant
souvent par broches soit en percutané soit à ciel ouvert dorso-ulnaire du poignet, il faut repérer et protéger la
(figures 3.16 et 3.17). La technique percutanée est tou- branche sensitive du nerf ulnaire. Les tendons extenseurs

65
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sont réclinés pour aborder l'articulation carpo-métacar- Deux broches sont nécessaires au minimum(figure 3.17).
pienne. Il faut réaliser un lavage et une exploration soi- Il est également possible d'utiliser des plaques pour la
gneuse des surfaces articulaires avant toute réduction stabilisation (figure 3.16).
pour ne pas incarcérer un fragment osseux. En cas de frac- Une fracture articulaire isolée de la base du cin-
ture associée, il faut réduire le foyer de fracture avant de quième métacarpien (équivalent de fracture de Bennett)
réduire la luxation. Les métacarpiens une fois réduits sont peut entraîner une luxation carpo-métacarpienne. La
maintenus au doigt ou à l'aide d'une spatule. On réalise stabilisation de la fracture traite dans le même temps la
alors un brochage transfixiant la carpo-métacarpienne. luxation.

A B C

D E
Figure 3.16
Fracture-luxation carpo-métacarpienne.
A et B. Fracture-luxation carpo-métacarpienne touchant le pouce, l'index et le majeur. C. Aspect peropératoire. D et E. Stabilisation après
réduction par une association broches/plaque.

66
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3. Luxations et fractures-luxations des doigts

A B C

D E F
Figure 3.17
Luxation carpo-métacarpienne.
A et B. Luxation carpo-métacarpienne de l'annulaire et de l'auriculaire difficiles à diagnostiquer sur les radiographies. C et D. Le scanner montre
clairement la luxation carpo-métacarpienne. E et F. Réduction et stabilisation par deux broches.

Cas particulier du pouce tantes. L'interphalangienne, la métacarpo-phalangienne,


la trapézo-métacarpienne et la scapho-trapézienne
Le pouce est un doigt isolé par rapport aux doigts longs peuvent être impliquées dans des luxations ou des
de la main et est soumis à des contraintes plus impor- fractures-luxations.

67
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Luxation de l'IP graphies [20] et probablement sous contrôle échographique


bien que cela n'ait pas encore été rapporté dans la littérature.
Les luxations le l'IP sont rares en raison de la solidité des struc-
Les luxations ouvertes sont associées à des atteintes ana-
tures anatomiques avoisinantes. Les luxations irréductibles
tomiques plus importantes — avulsions des insertions des
sont encore plus rares et peuvent être en rapport avec l'inter-
ligaments collatéraux, de l'extensor pollicis longus (EPL, long
position d'un sésamoïde [19], du flexor pollicis longus [20],
extenseur du pouce) ou du flexor pollicis longus (FPL, long
d'un des pédicules [11] ou de la plaque palmaire [21]. En cas
fléchisseur du pouce), lésions ostéochondrales [22] — et à
d'irréductibilité, il faut intervenir chirurgicalement pour ­libérer
un risque infectieux. Parfois, c'est la luxation elle-même qui
l'articulation des parties molles qui sont interposées. Ce geste
induit une déchirure cutanée (figure 3.18).
peut être réalisé par voie percutanée après analyse des radio-

A B

C D
Figure 3.18
Luxation de l'IP du pouce.
A et B . Aspect radiologique. C et D. L'ouverture correspond à une déchirure cutanée du fait du déplacement.

68
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3. Luxations et fractures-luxations des doigts

Luxation et fracture-luxation de la MCP lement chez les enfants et les adolescents (figure 3.19).
Une luxation isolée doit être réduite orthopédiquement
Ces traumatismes surviennent sur des mécanismes d'hy-
et sa stabilité testée. Si l'articulation est stable avec une
perflexion ou d'hyperextension de la MCP. L'irréductibi-
bonne congruence articulaire, une immobilisation de la
lité est en rapport avec l'incarcération des parties molles
colonne du pouce d'une durée de 6 semaines est suffisante.
comme sur les autres articulations. L'instabilité survient en
Si la réduction paraît instable, une fixation provisoire par
cas d'atteinte des ligaments collatéraux, le ligament colla-
broches peut s'avérer nécessaire, associée à une immobilisa-
téral ulnaire étant le plus fréquemment atteint. L'associa-
tion de 6 semaines. Il n'y a pas d'argument dans la littérature
tion de la rupture des ligaments collatéraux à la rupture
pour proposer une réparation à ciel ouvert des structures
de la plaque palmaire entraîne une instabilité majeure. Il
tissulaires lésées [23].
faut intervenir chirurgicalement dans les cas de luxation
La fracture de Bennett (figure 3.20) est une fracture arti-
irréductible (désincarcération des parties molle, réduction
culaire de base du premier métacarpien qui se transforme
et réparation des ligaments collatéraux et de la plaque pal-
en luxation ou subluxation sous l'effet de traction produit
maire si nécessaire) ou quand une instabilité subsiste après
par l'insertion du court extenseur et long abducteur du
réduction. Une arthrorise complémentaire peut être pro-
pouce. Il faut intervenir pour réaliser une réduction et une
posée qui sera conservée 3 semaines.
stabilisation. Il peut s'agir d'une stabilisation par broches en
percutané selon la technique d'Iselin (possibilité de contrôle
Luxations et fractures-luxations arthroscopique) ou d'une stabilisation à ciel ouvert par
carpo-métacarpiennes plaque ou vis.
Les luxations pures carpo-métacarpiennes sont rares com-
parées aux fractures-luxations. Elles surviennent essentiel-

Figure 3.19
Luxation isolée de la trapézo-métacarpienne du pouce chez un jeune de 15 ans.

69
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B

C D
Figure 3.20
Fracture de Bennett.
A et B. Fracture de Bennett entraînant la luxation du 1er métacarpien. C et D. Réduction et stabilisation par brochage percutané laissé en place
6 semaines.

Suites opératoires ●
Luxation d'IPD isolée instable après réduction : attelle
amovible de type tuile dorsale ou collée sur l'ongle laissant
Les suites opératoires dépendent de l'articulation lésée et la pulpe libre, 6 semaines, plus ou moins associée à une
de la nature des lésions. broche d'arthrorise.

Luxation d'IPD isolée stable après réduction : attelle amo- ●
Fracture-luxation d'IPD : attelle amovible de type tuile
vible de type tuile dorsale 3 semaines ou collée sur l'ongle dorsale ou ventrale (figure 3.21), 3 à 6 semaines, puis
laissant la pulpe libre. rééducation.

70
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
3. Luxations et fractures-luxations des doigts


Luxation isolée d'IP ou d'IPP stable après réduction : attelle ●
Luxation de MCP instable et/ou ayant nécessité une
amovible de type «IPP stop» (figure 3.22), 3 semaines, avec réparation ligamentaire : attelle intrinsèque plus ­amovible
mobilisation immédiate. à conserver 3 semaines puis rééducation ; pour le pouce,

Luxation isolée d'IP ou d'IPP instable après réduction attelle de type rhizarthrose (figure 3.24).
ou ayant nécessité une ostéosynthèse : attelle amovible ●
Luxation ou fracture-luxation de CMC stable après réduc-
de type « IPP stop », 3 semaines, avec mobilisation immé- tion : orthèse de poignet amovible permettant de mobiliser
diate si la qualité de l'ostéosynthèse le permet ; si ce n'est les MCP, à conserver 3 semaines.
pas le cas, attendre 3 semaines avant de commencer la ●
Luxation ou fracture-luxation de CMC instable après
mobilisation. réduction : orthèse de poignet amovible (figure 3.25) per-

Luxation de MCP stable après réduction : attelle amo- mettant de mobiliser les MCP, à conserver 6 semaines.
vible en position intrinsèque plus (figure 3.23) à titre
antalgique et début de la rééducation au bout d'une
dizaine de jours.

Figure 3.21
Tuile thermoformée bloquant l'IPP en extension.
Source : photographies de C.-H. Tisseront.

Figure 3.22
Attelle «IPP stop» bloquant le doigt en extension mais permettant la flexion active.
Source : photographies de C.-H. Tisseront.

71
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 3.23
Attelle thermoformée en position intrinsèque plus bloquant la MCP en flexion et laissant libre les IP.
Source : photographies de C.-H. Tisseront.

Figure 3.24
Attelle thermoformée bloquant la colonne du pouce et laissant libre l'IP.
Source : photographies de C.-H. Tisseront

Figure 3.25
Attelle thermoformée bloquant le poignet et laissant libres les MCP.
Source : photographies de C.-H. Tisseront.

72
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
3. Luxations et fractures-luxations des doigts

Pièges ●
Arthropathie post-traumatique : arthrodèse ou rem-
placement prothétique.

Le premier de tous les pièges est le piège diag­nostique : ●
Instabilité résiduelle : débuter par des orthèses d'im-
ne pas faire le diagnostic d'une luxation surtout pour les mobilisation pour une durée de 6 à 8 semaines («IPP stop»
luxations et fractures-luxations carpo-métacarpiennes des et IPD). Pour les MCP des doigts longs et du pouce, privilé-
doigts longs ou du pouce. Toujours y penser, ne pas hésiter gier la réparation ligamentaire ou la ligamentoplastie. Pour
à demander un scanner en cas de doute (figure 3.26). la trapézo-métacarpienne du pouce, une chirurgie à ciel

Réduction parcellaire avec interligne articulaire par- ouvert avec brochage est souvent nécessaire.
tiellement visible ou impression de luxation «presque
réduite», qui doit faire évoquer la persistance d'une inter-
position des parties molles. Ce que l'on devrait savoir…

Rupture tendineuse non diagnostiquée (bandelette …expliquer au patient
médiane de l'extenseur) qui se traduira en quelques mois par Les luxations et fractures-luxations des doigts sont des
une déformation en boutonnière pas toujours facile à récupérer. traumatismes fréquents dont le pronostic est variable
suivant la nature du traumatisme initial. Une luxation
simple, réduite rapidement, aura des suites simples
Gestion des échecs dans la plupart des cas. Une fracture-luxation entraîne
un risque de raideur secondaire, d'arthrose post-trau-

Luxation ou fracture-luxation passée inaperçue : matique et/ou d'arthrite septique en cas de lésion
reprise chirurgicale pour réduction dans les 3 premiers mois ouverte. Comme toujours, une prise en charge rapide
à condition que les surfaces articulaires soient en bon état. fondée sur un diagnostic précis améliore le pronostic
Si la surface articulaire est irrécupérable, on peut s'orienter fonctionnel. L'évolution peut se faire sur plusieurs mois
et nécessiter des séances de rééducation pluri-hebdo-
vers une prothèse ou une arthrodèse raccourcissante pour
madaires et des orthèses statiques et dynamiques. Cer-
l'IPP des doigts longs, une arthrodèse pour l'IP du pouce et taines lésions passées inaperçues initialement peuvent
l'IPD des doigts longs. Pour la MCP, privilégier la prothèse. bénéficier d'une chirurgie secondaire pour améliorer la
Pour la CMC, arthrodèse de CMC ou intermétacarpienne fonction de la main.
(pour M4, M5), trapézectomie pour le pouce.

Figure 3.26
Intérêt du scanner pour le dépistage d'une fracture-luxation de la base du premier métacarpien.

73
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Remerciements [12] Murase T, Moritomo H, Yoshikawa H. Palmar dislocation of


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74
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 4
Perte de substance osseuse
des doigts traitée par technique
de la membrane induite

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 76
Notions de base 76
But de l'intervention 77
Quand poser l'indication opératoire 77
Voie d'abord et technique chirurgicale 77
Suites opératoires 82
Pièges 82
Gestion des échecs 86

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La mainDr A.AMINE
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Préambule biologique de cette membrane [2] ; en effet, il a rapporté


la sécrétion de VEGF, TGFβ1 et BMP-2 par une mem-
Les pertes de substance osseuse de la main et brane à corps étranger chez le lapin. Cette membrane
du poignet demeurent un problème classique a été créée grâce à la mise en place en sous-musculaire
en traumatologie de la main. Elles sont souvent d'un spacer en ciment de 5 cm sur 1 cm chez le lapin.
accompagnées de pertes de substances compo- Le taux de sécrétion de BMP-2 était retrouvé maximal à
sites des tendons, de la peau, avec parfois une 4 semaines ; lors de l'analyse de cette membrane à plu-
dévascularisation digitale. La stabilisation osseuse sieurs périodes, Pélissier a démontré qu'à 2 semaines la
constitue le premier temps de la prise en charge et membrane possédait les caractéristiques d'une mem-
précède les sutures microchirurgicales et les lam- brane à corps étranger : grand nombre de cellules multi-
beaux de couverture. Si l'opérateur veut ou peut nucléées, épithélium interne équivalent à une membrane
gagner du temps c'est lors de cette étape de stabi- synoviale ; cette membrane était richement vascularisée
lisation osseuse. Mais ce gain de temps doit servir puisque de nombreux capillaires étaient retrouvés. À 4 et
au patient. Lors de défect osseux important, une 6 semaines, il existait un aspect identique ; la différence
solution d'attente peut être choisie avec stabilisa- était seulement la diminution de l'œdème avec une par-
tion osseuse par fixateur externe sans comblement tie extérieure qui s'organisait parallèlement à la structure
de la perte de substance osseuse au vu de l'incer- du corps étranger, en l'occurrence le ciment. Pélissier a
titude péritraumatique (viabilité du doigt dans montré qu'en présence d'un broyat cellulaire, il existait
son ensemble ou pour partie). Dans ces situations une prolifération cellulaire et une différenciation cellu-
complexes, nous avons appliqué la technique de laire dans la lignée osseuse qu'il expliquait par la présence
la membrane induite (technique de Masquelet), dans la membrane de VEGF, de TGFβ1 et de BMP-2. Le
initialement décrite pour des défects osseux dans VEGF sécrété par plusieurs types cellulaires notamment
le cadre de pseudarthrose septique ou non de la dans les plaies chroniques, induit l'angiogenèse et régule
diaphyse du tibia [1]. Il existe des pièges à éviter et la vasculogenèse [3] ; il est sécrété par les macrophages
des règles techniques à respecter. qui induisent une angiogenèse et un œdème prolongé ; il
stimule la différenciation en ostéoblastes [4] et attire les
cellules endothéliales et les ostéoblastes. Le TGFβ1 joue
Notions de base un rôle dans la synthèse des protéines de la matrice [5] ;
il est sécrété en continu par la membrane ; il stimule la
La technique de la membrane induite n'est réalisable que prolifération des ostéoblastes et des chondrocytes ; asso-
si une couverture des parties molles de qualité est assu- cié à la BMP, il augmente la formation des ossifications
rée. Sous couvert d'une fixation stable, cette technique ectopiques. La BMP-2 est impliquée dans la régénération
consiste à mettre en place une entretoise en ciment osseuse ; elle a aussi des actions extra-squelettiques. Plus
comblant la perte de substance osseuse, maintenant récemment, Viatteau a confirmé les travaux de Pélissier
l'espace, mais surtout induisant une membrane à corps et ceux de Masquelet grâce à un modèle animal de perte
étranger. L'exérèse de l'entretoise, idéalement réalisée de substance osseuse diaphysaire chez la brebis comblée
à 6 semaines, sera suivie par le comblement du défect par un spacer en ciment à travers deux travaux [6]. La
par de l'os spongieux. Lors de l'extraction de ce spacer, technique de la membrane induite, technique simple,
il est indispensable de respecter la membrane générée reproductible et transmissible, est l'exemple d'une appli-
par le corps étranger en ciment. Cette membrane a un cation clinique où les travaux expérimentaux ont été
rôle physique de protection des greffons de l'environ- réalisés après l'application chez l'humain. C'est en effet
nement musculaire à même de lyser le greffon. Pélissier, en 2000 que Masquelet avait publié son expérience sur
le premier, a démontré expérimentalement l'importance trente-cinq cas de pseudarthrose des os longs p ­ orteurs,

76
Dr A.AMINE Recherche
4. Perte de substance osseuse bibliographique
des doigts traitée par technique de SCI-MED
la membrane induite

avec des défects osseux allant de 4 à 25 cm, avec lam- Voie d'abord et technique
beau de couverture éventuellement réalisé lors du pre-
mier temps, avec la reprise de la marche avec appui chirurgicale
en moyenne à 8,5 mois [1]. Des travaux récents sur les
propriétés de la membrane ont été publiés, ouvrant des Premier temps
perspectives nouvelles [7–9]. Enfin, une mise au point
sur les points techniques est disponible depuis peu [10]. Pour les phalanges et les métacarpiens, la voie d'abord dor-
L'un des avantages principaux de la technique est la sale sera toujours préférée.
relative facilité d'application en urgence, notamment
lorsque d'autres gestes doivent être associés (sutures Parage et excision des tissus non viables :
microchirurgicales, réparations tendineuses, lambeaux créer le défect
de couverture). Cela l'oppose aux techniques de greffes L'excision est économique en cas de défect osseux post-
osseuses vascularisées, exigeantes et qui souvent néces- traumatique, tandis qu'en cas d'infection ou de doute scep-
sitent en elles-mêmes une technicité mal conciliable tique, l'excision doit être plus large et radicale (figure 4.1).
avec l'urgence [11, 12] ; parmi les diverses techniques de
greffons osseux vascularisés publiées, très peu se font
dans le cadre de l'urgence. Fixation osseuse : broche sur P2 et P3,
plaque sur P1
La fixation doit être stable voire rigide : elle se fera idéale-
But de l'intervention ment par broche centromédullaire et oblique dans les pha-
langes moyenne et distale, leurs dimensions étant réduites ;
Le but de la technique est de combler un défect osseux cri- en revanche, chaque fois que l'on peut, une ostéosynthèse
tique (qui ne consoliderait pas seul) en créant une chambre par plaque sera utilisée au niveau de la phalange proximale
d'induction grâce à la fabrication d'une membrane à corps (figure 4.2) ou des métacarpiens.
étranger, véritable néo-périoste.
Couverture
En cas de défect associé des parties molles, il est indispen-
Quand poser l'indication sable de réaliser la meilleure couverture : ici, un lambeau
opératoire intermétacarpien (figure 4.3) contemporain de la réalisa-
tion d'une technique de Masquelet sur l'index.
La technique de Masquelet permet de combler des pertes
de substance osseuse traumatique en urgence, des pertes
Comblement du défect par le ciment
de substance dans le cadre d'ostéite, d'ostéoarthrite ou de
pseudarthrose septique ou même tumorale. Ainsi, dès qu'il Le choix du ciment a sans doute un impact sur les proprié-
existe un défect critique extra-articulaire ou articulaire sans tés de la membrane mais nous n'avons pas vu de différence
pouvoir sauver la fonction de celle-ci, la technique peut au niveau de la main en cas de ciment aux antibiotiques
être réalisée. ou non.

77
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B C

D E F
Figure 4.1
Défect septique. Premier temps.
A. Métastase septique du pouce dans le cadre d'une endocardite. B. Aspect peropératoire de fonte septique à l'incision ; les prélèvements
sont réalisés à ce moment. C. Résection complète de l'articulation interphalangienne du pouce ; il ne faut pas raccourcir le pouce car ce
raccourcissement est trop important. D. Le défect minimal sans traction. E. Mise en place d'une ostéosynthèse la plus rigide possible après
changement de tous les instruments. F. Mise en place du ciment qui recouvre les pièces osseuses.

A B
Figure 4.2
Défect septique. Premier temps.
A. Aspect peropératoire d'une ostéosynthèse par miniplaque pour un défect septique. B. Vue de la plaque et du ciment sur la phalange.

78
Dr A.AMINE Recherche
4. Perte de substance osseuse bibliographique
des doigts traitée par technique de SCI-MED
la membrane induite

A B C

D E F
Figure 4.3
Main de portière. Deuxième temps.
A et B. Patiente de 17 ans, apprentie bijoutière, main de portière, avec défect composite de la main. La perte de substance complète de P2 de l'index, toujours
vascularisé, est traitée en urgence par une technique de membrane induite. C et D. Aspect de l'entretoise en ciment lors du deuxième temps avant et après
exérèse. E. La consolidation est considérée comme acquise à 5 mois. F. Ablation de la broche centromédullaire à un an sur un doigt accepté et inclus.

La mise en place du ciment peut se faire de deux manières : les extrémités osseuses, ne soit pas trop proéminent, ce qui

à la main, en fabriquant un petit boudin qui sera ajusté empêcherait la fermeture cutanée ;
dans le défect en évitant le surplus de ciment en palmaire ●
on peut utiliser aussi la technique dite du coffrage en
proche des pédicules — c'est souvent du côté où l'on ne mettant une hémiseringue dans le défect en coulant le
voit pas que l'on contrôlera moins bien l'importance et la ciment dans cette seringue et en retirant la seringue quand
quantité du ciment mis en place… (cf. infra, figure 4.11). le ciment est solide, cela évite les lésions iatrogènes des
Attention aussi en dorsal que le ciment, qui doit recouvrir pédicules (figure 4.4).

79
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traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B

C D
Figure 4.4
Technique du coffrage.
La technique du coffrage permet de protéger les téguments lors de la mise en place du ciment. A. Le défect est stabilisé. B. Des seringues
découpées dans le sens de la longueur sont mises en place dans le défect. C. Le ciment est mis en place sans risque. D. L'aspect radiographique
peropératoire montre l'absence de fuite dans les parties molles.

Deuxième temps le patient s'est réapproprié le segment osseux recons-


truit…, ce qui peut donc mettre 3 à 9 mois avant le deu-
Si le deuxième temps intervient idéalement à 6 semaines, xième temps.
nous avons opté pour une autre stratégie et nous avons Ce deuxième temps consiste à retirer le ciment (chose
montré que les propriétés de la membrane était équiva- toujours aisée sur des petits segments) ; la membrane est
lente après un plus long délai entre les deux temps [8]. épargnée autant que faire se peut puisqu'elle tapisse la face
En effet, nous préférons attendre que le patient ait récu- interne des téguments. L'ostéosynthèse peut être modifiée
péré une mobilité des articulations sus- et sous-jacente (figure 4.5).
au segment opéré et/ou que le patient en cas d'infection Le greffon est prélevé idéalement au niveau du radius
ait terminé son antibiothérapie ; le deuxième temps va distal. Une incision de 1,5 cm permet d'accéder à la zone
donc intervenir idéalement quand les téguments sont proche du tubercule de Lister permettant d'accéder à l'os
cicatrisés, quand l'antibiothérapie est terminée et quand
80
Dr A.AMINE Recherche
4. Perte de substance osseuse bibliographique
des doigts traitée par technique de SCI-MED
la membrane induite

A B

C D E
Figure 4.5
Modification de l'ostéosynthèse au deuxième temps.
A. Aspect peropératoire du ciment mis en place pour un défect traumatique où la fixation était réalisée par broches centromédulaires.
B. Même patient avec la vue de la plaque sur la phalange lors du deuxième temps. C. Ostéosynthèse par broches au premier temps.
D. Modification de la fixation avec mise en place d'une miniplaque au deuxième temps.

spongieux de la métaphyse radial entre l'extenseur com-


mun et le long extenseur du pouce.
L'autogreffe spongieuse prélevée au niveau du radius
suffit le plus souvent à combler une phalange, celui-ci
pouvant donner jusqu'à 3 cm3 de spongieux (figure 4.6).
Il ne nous semble pas nécessaire d'utiliser un greffon cor-
ticospongieux ni d'autogreffe iliaque. L'os spongieux est
suffisant et il n'est en général pas utile de rajouter des
substituts osseux ou de d'allogreffe osseuse dans ses petits
défect ; cependant, il faut pouvoir mettre le maximum
d'autogreffe.
Figure 4.6 81
La greffe spongieuse est tassée dans une seringue.
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Suites opératoires gieux est techniquement difficile et l'absence d'environne-


ment musculaire expose à l'infection (figure 4.7).
La fermeture cutanée est réalisée. Un pansement compressif ●
Une de nos interrogations initiales était la tolérance des
de 2 à 3 jours est relayé par un pansement simple 3 jours de structures environnantes (pédicules vasculo-nerveux) à
plus. La cicatrice opératoire peut être mouillée à partir de J6. Il la montée en température liée au ciment lors de sa mise
est très important de surveiller la cicatrisation car cette agres- en place. Nous n'avons constaté aucune nécrose cutanée
sion itérative peut parfois entraîner des nécroses localisées, secondaire mais l'irrigation au sérum pendant toute la durée
toujours délétères car à risque d'affecter la survie du greffon. de polymérisation (de longues minutes) est nécessaire.

Comme le rappellent Masquelet et Bégué, il est indis-
pensable de recouvrir les pièces osseuses par un man-
Pièges chon de ciment, la membrane partant alors de l'os.

Un des principaux échecs est la conséquence d'une

Le premier piège est de vouloir greffer en urgence un exposition du spacer et du refus du patient de poursuivre
défect traumatique. La fixation d'un bloc corticospon- le projet thérapeutique (figure 4.8).

A B C

D
Figure 4.7
Greffe en urgence.
A. Défect traumatique du 3e doigt. B et C. Ostéosynthèse par broche. Le cliché de profil cache mal la difficulté de l'opérateur à fixer le greffon.
D. Infection postopératoire qui sera réopérée par une technique de Masquelet.

82
Dr A.AMINE Recherche
4. Perte de substance osseuse bibliographique
des doigts traitée par technique de SCI-MED
la membrane induite

Figure 4.8
Exposition du spacer.
A. Des petites expositions du spacer sont possibles et sans conséquence si elles peuvent être résolues au deuxième temps. B. Par contre, si
l'entretoise s'infecte, il faut discuter l'amputation ou la couverture.


La technique ne marche pas si le défect n'est pas défect n'est pas strictement intra-osseux. Un greffon vascu-
«entouré d'os» (figure 4.9). La lyse osseuse du greffon mis larisé est sans doute indiqué dans ces cas.
en place lors du deuxième temps se produira toujours si le

A B C
Figure 4.9
Lyse osseuse du greffon.
A à C. Patient de 47 ans avec défect osseux pur «d'une phalange et demie» de l'index avec réalisation d'une technique de Masquelet en
urgence mais sans contact osseux en distal : le ciment est en sous-cutané et maintenu par des broches. 83
La mainDr A.AMINE
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D E F
Figure 4.9
Suite.
D. Ablation du ciment lors du deuxième temps à 3 mois. E. Aspect de l'autogreffe spongieuse à 2 mois. F. Lyse à 6 mois : l'absence de contact
osseux aux deux extrémités et l'absence d'environnement musculaire sont les principales causes d'échec possibles.


Lors du deuxième temps, l'ostéosynthèse doit sans dépendra que de cette fixation et non d'une stabilité primaire
doute être modifiée (figure 4.10). En effet, la stabilité des provoquée par l'encastrement d'un greffon. Attention à ralen-
broches diminue énormément après 1,5 mois et ce malgré le tir les ardeurs du patient après le deuxième temps : en effet, le
ciment. Lors du deuxième temps, la stabilité du montage ne montage est moins stable avec la greffe qu'avec le ciment.

A B C D
Figure 4.10
Modification de l'ostéosynthèse au deuxième temps.
A à D. Patient de 66 ans, ostéarthrite de l'IP du pouce après plaie par serpe : aspect clinique et radiographique, et après résection avec mise en
place de l'entretoise de ciment.

84
Dr A.AMINE Recherche
4. Perte de substance osseuse bibliographique
des doigts traitée par technique de SCI-MED
la membrane induite

E F G H

I J L
Figure 4.10
Suite.
E à G. Vue peropératoire du deuxième temps, pendant et après remplacement du ciment par de l'autogreffe spongieuse prise aux dépens du
radius. H. Radiographie postopératoire à 4 mois. I et J. Radiographie postopératoire à 2 ans montrant la consolidation. K. Aspect clinique du
pouce, inclus et fonctionnel à 4 mois. L. À 2 ans.

85
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Enfin, il faut absolument contrôler à l'amplificateur de
brillance la quantité de ciment du côté où l'on ne voit
pas (figure 4.11).

Gestion des échecs


En cas d'infection du ciment et de réinfection du site
opératoire à terme, il faut discuter la réalisation itérative
d'une technique de la membrane induite ou bien envisager
l'amputation (figure 4.12).

Figure 4.11
Trop de ciment en palmaire : le risque d'atteinte des pédicules est réel.

A B C E

F G H
Figure 4.12
Infections du ciment.
A à C. Fracture articulaire de l'IPP chez un patient de 69 ans traitée par fixateur externe. D et E. Survenue d'une ostéoarthrite rapide.
F à H. Réalisation d'une technique de membrane induite avec fixation par plaque et antibiothérapie adaptée 3 mois.

86
Dr A.AMINE Recherche
4. Perte de substance osseuse bibliographique
des doigts traitée par technique de SCI-MED
la membrane induite

I J K L

M N O
Figure 4.12
Suite.
I et J. Aspect radiographique. K à M. Indocilité du patient, jardinage, non compliance au traitement : réinfection du ciment et nouvelle
technique de membrane induite. N. Nouvelle infection. O. Décision d'amputation.

87
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Conclusion xième temps, et qui au niveau des doigts fait appel à un bro-
chage multiple. La mise en place du ciment doit respecter
La technique est à réaliser avec précision. Elle est simple, un principe : recouvrir les extrémités osseuses sur quelques
transmissible, et permet de donner sa chance à un doigt millimètres. Dans les cas septiques, cette technique permet
vascularisé mais détruit dans sa partie dorsale. La couverture encore une fois de démontrer que l'adjonction de matériel
du ciment par un lambeau fiable est la première priorité : en étranger (entretoise en ciment, ostéosynthèse interne) ne
effet, les échecs seront toujours, ou presque, la conséquence compromet pas la résolution de l'infection si la charge bac-
d'une exposition du ciment. La deuxième priorité (et térienne a pu être éradiquée. Le comblement au niveau des
comme sur d'autres sites) est la qualité de l'ostéosynthèse, phalanges par une autogreffe peut toujours se faire par de
qui devra rester stable, quitte à être changée lors du deu- l'os spongieux provenant du radius.

Ce que l'on devrait savoir… ou moins rapidement et reste liée à la cicatrisation. Au bout
…expliquer au patient de plusieurs semaines ou de plusieurs mois, en fonction des
circonstances (infection, récupération fonctionnelle), une
L'intervention de Masquelet (du nom du chirurgien qui l'a
deuxième opération sera réalisée pour remplacer le ciment
inventée) consiste à vous opérer deux fois à quelques mois
mis en place par de l'os prélevé au niveau de votre poignet
d'intervalle afin de reconstruire le manque d'os. Cette inter-
(autogreffe). L'intérêt de cette technique est qu'entre les
vention est utilisée principalement dans quatre situations :
deux opérations, le ciment s'est entouré d'une «sorte de

en urgence pour une perte de substance osseuse à cause
peau», une membrane qui ressemble à la paroi extérieure
d'un traumatisme ;
originelle de l'os et qui s'appelle le périoste ; cette mem-

à cause de la non-consolidation de l'os après plusieurs
brane recréée a des propriétés dites «ostéogéniques» qui
opérations ;
permettent une meilleure ossification, la greffe osseuse

à cause d'une infection de l'os ;
étant en «vase clos». La greffe osseuse mise à l'intérieur de

à cause d'une tumeur.
cette chambre induite après avoir enlevé le ciment, va per-
Toutes ces situations ont en commun un manque d'os qu'il
mettre une consolidation avec un très fort taux de réussite.
faut combler. Dans ces opérations où l'on cherche à faire
Il existe cependant plusieurs types de complications :
consolider un os, l'arrêt du tabac à moins de cinq cigarettes ■
le matériel de fixation casse à cause de nouveaux trauma-
par jour est logique dans les 2 mois précédant la chirurgie.
tismes ou d'un délai trop important (plusieurs années)
Jusqu'à présent, les solutions classiques dans ces pertes d'os
entre les deux opérations ;
faisaient appel régulièrement à des techniques de microchi- ■
le ciment s'infecte : il faut donc être très vigilant si une
rurgie et ses aléas. Enfin, si une greffe d'os «classique» peut
petite plaie apparaît au niveau du doigt opéré en regard
être utilisée, le chirurgien peut préférer réaliser cette tech-
du ciment mis en place ;
nique de Masquelet parce que la greffe d'os a pu échouer ou ■
le matériel d'ostéosynthèse bouge et sort. C'est souvent
est à risque d'échec. Cette technique constitue donc, au prix
le cas des broches niveau des doigts ; il y a là encore un
de deux opérations, le meilleur compromis entre la néces-
risque d'infection.
sité de combler le manque d'os et de garder l'utilisation de la
Dans tous les cas, une consultation rapide est nécessaire.
main, et le meilleur rapport entre complexité du problème
Si la réutilisation de la main est possible et rapide après la
et simplicité de la technique. Lors de la première opération,
première opération grâce à la stabilité offerte par le ciment,
le chirurgien va fixer l'os avec une plaque ou des broches et
il faut absolument être prudent après la deuxième opéra-
va remplir le défect osseux par du ciment à prothèse, qui est
tion où la greffe n'est pas aussi stable que le ciment et ne pas
une substance qui ressemble à du plastique très dur. Après
«forcer» avant 1 mois. Il faut 3 à 6 mois après la deuxième
cette première intervention, le doigt est stable et la réédu-
opération avant de savoir si la consolidation est acquise et si
cation peut être débutée afin de retrouver une mobilité et
la greffe «a pris». La prise d'anti-inflammatoire est délétère
une utilisation du doigt. En fonction des conseils de votre
pendant plusieurs semaines après la greffe et peut compro-
chirurgien, cette réappropriation du doigt peut se faire plus
mettre la consolidation osseuse.

88
Dr A.AMINE Recherche
4. Perte de substance osseuse bibliographique
des doigts traitée par technique de SCI-MED
la membrane induite

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89
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 5
Entorse de la métacarpo-
phalangienne du pouce

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 92
Notions de base 92
But de l'intervention 97
Quand poser l'indication opératoire 97
Voie d'abord et technique chirurgicale 97
Suites opératoires 100
Pièges 100
Gestion des échecs 100

La main traumatique
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La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Préambule Notions de base


L'entorse du ligament collatéral médial (ancien- Il existe plusieurs particularités du ligament collatéral médial
nement ligament latéral interne, LLI) de l'articu- de la MCP qui expliquent les lésions, les outils d
­ iagnostiques
lation métacarpo-phalangienne du pouce (MCP) et les traitements.
est un traumatisme classique et fréquent. Il s'agit
d'un traumatisme en hyperabduction du pouce
avec douleur à la face interne de la MCP et une La lésion de Stener
ecchymose au niveau de la face dorsale de la Quand le ligament se rompt, il passe au-dessus de la dos-
MCP (figure 5.1). Cette lésion est plus fréquente sière de l'extenseur et ne peut donc cicatriser : c'est la lésion
chez des patients avec une articulation physio- de Stener (vidéo 5.1). En présence de cette lésion, aucune
logiquement plus raide. Initialement décrits en cicatrisation spontanée ne pourra être obtenue lors d'un traite-
1955 par Campbell [1], l'avènement des systèmes ment orthopédique. L'indication chirurgicale sera donc
d'ancrages intra-osseux a permis la réparation indispensable si le diagnostic de lésion de Stener est fait.
anatomique du ligament. Par contre, il est encore L'examen de référence serait celui ayant une sensibilité de
parfois difficile de différencier l'entorse qui doit 100 % pour la recherche d'une lésion de Stener et évitant le
être opérée de celle qui peut être traitée ortho- maximum d'explorations chirurgicales inutiles… Ainsi, pour
pédiquement. La lésion décrite par Stener [2], tester une entorse métacarpo-phalangienne du pouce et en
correspondant au passage du ligament collatéral apprécier sa gravité, on peut, comme le rappelle Rochet [3] :
médial au-dessus de la dossière de l'adducteur du ●
palper la lésion de Stener (assez théorique…) ;
pouce, empêche toute cicatrisation spontanée. ●
réaliser des clichés radiologiques en position forcée de la
La présence d'un (voire deux) fragment osseux MCP ;
phalangien ou métacarpien soulève également un ●
mettre en évidence la lésion de Stener par échographie
problème diagnostique et thérapeutique. Si dans ou IRM ;
la littérature les tests ou examens complémen- ●
analyser la position des sésamoïdes sur des clichés en stress.
taires sont nombreux pour essayer de répondre à C'est cette dernière solution qui offre le meilleur
ces différents problèmes, la majorité des auteurs compromis entre simplicité du diagnostic et certitude
ont des avis assez divergents, ce qui laisse planer un lésionnelle.
doute sur la conduite à adopter pour une prise en
charge optimum de cette pathologie. L'enjeu est
de reconnaître une lésion chirurgicale, c'est-à-dire Le faisceau principal n'est pas le plus important
une lésion du ligament qui le rend incompétent.
Rotella et Urpi [4] ont bien montré les relations entre ana-
tomie et instabilité de la MCP. Ces auteurs ont rappelé
que l'appareil ligamentaire médial de la MCP du pouce est
composé d'une partie métacarpo-phalangienne (MP, ou
faisceau principal) et d'une partie sésamoïdo-phalangienne
(SM, ou faisceau accessoire) (figure 5.2).

Figure 5.2
Figure 5.1 Le ligament collatéral médial et ses deux composantes :
métacarpo-phalangienne (MP, ou faisceau principal) et
Aspect d'une entorse de la MCP du pouce avec une ecchymose sésamoïdo-phalangienne (SM, ou faisceau accessoire).
souvent en lien avec une lésion «grave». Dessin : Cyrille Martinet

92
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
5. Entorse SCI-MED
de la métacarpo-phalangienne du pouce

Des clichés centrés sur une articulation normale phalangienne » est lésée en plus (poursuite des solli-
montrent le parallélisme entre l'axe des sésamoïdes et citations en valgus), la laxité atteint et dépasse 45°, il
la tangente à la tête métacarpienne. Tant que seule la existe souvent une petite subluxation palmaire, et on
« partie métacarpo-phalangienne » du ligament colla- observe une perte constante du parallélisme entre l'axe
téral médial est lésée, le testing en valgus ne détecte des sésamoïdes et la tangente de la tête métacarpienne
pas de laxité supérieure à 30°. Si la « partie sésamoïdo- (figure 5.3).

A B

C D

E
Figure 5.3
Deux clichés en stress montrant deux entorses… Une seule est grave.
Les sésamoïdes sont représentés en cerclés. La tangente à la tête métacarpienne est tracée en rouge. La tangente à la base phalangienne est
tracée en bleu. L'axe des sésamoïdes est tracé en vert.
À gauche, cet axe est plutôt parallèle à la ligne bleue (tangente à la base phalangienne) : les sésamoïdes suivent la phalange, le ligament
accessoire est rompu ; il s'agit d'une entorse grave. À droite, l'axe des sésamoïdes reste parallèle à la ligne rouge (tangente à la tête
métacarpienne) : il n'y a pas de lésion du faisceau accessoire ; il s'agit d'une entorse bénigne.

93
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

C'est bien l'atteinte des fibres les plus palmaires (la base de la phalange proximale mais assez éloignée de
« partie sésamoïdo-phalangienne » de Rotella et Urti, l'articulation.
ou faisceau accessoire) dont rend compte la perte de La perte du parallélisme entre l'axe des sésamoïdes
parallélisme des sésamoïdes qui entraîne l'indication et la tangente à la tête métacarpienne sur un cliché
opératoire. Par ailleurs, dans un travail de dissection en stress signe l'atteinte du faisceau accessoire et
du ligament collatéral médial sur dix pouces cadavé- donc possiblement la présence d'une lésion de Stener.
riques, nous avons pu noter que l'insertion du ligament Ainsi, ce test simple posera l'indication opératoire
(de la « partie métacarpo-phalangienne » de Rotella et (figure 5.4).
Urpi) se faisait sur une surface de la face médiale de la

Figure 5.4
Sur des clichés dynamiques, tant que les sésamoïdes (ligne continue fine) «suivent» plutôt la tête métacarpienne (ligne continue épaisse)
que la base phalangienne (ligne en pointillé), le ligament est compétent (A et B).

S'il existe un fragment osseux, que faire ? pienne contre la base de la phalange avec fragmentation
osseuse (figures 5.5 et 5.6).
Hintermann [5] a publié une série de soixante-trois
Déjà Kaplan [6] avait rapporté l'absence de corrélation entre
patients où il existait vingt-cinq cas (40 %) d'arrachements
fragment osseux et lésion ligamentaire à propos de deux cas
osseux. Il existe d'après cet auteur deux types d'arrache-
cliniques : un patient présentait deux fragments osseux ; le liga-
ments osseux :
ment était inséré sur le plus petit fragment, mal visible. L'autre

ceux qui contiennent l'insertion ligamentaire (huit cas
patient présentait un fragment osseux non déplacé, traité par
dans sa série, 33 % des fractures) ;
immobilisation mais avec instabilité ; le ligament avait été

ceux sans rapport avec l'insertion ligamentaire, plus fré-
lésé alors même que le fragment osseux était non déplacé.
quents, secondaires à une impaction de la tête métacar-

94
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
5. Entorse SCI-MED
de la métacarpo-phalangienne du pouce

A B

C
Figure 5.5
Entorse de la MCP avec fragments osseux.
A. Il existe deux fragments osseux. B. Superposition de la vue peropératoire. Le ligament est inséré sur le plus petit fragment ; le plus gros est un
fragment ostéocartilagineux secondaire à l'impaction de la tête métacarpienne sans aucune insertion. C. Vue anatomique de la base phalangienne
et de l'insertion du ligament : le fragment osseux le plus gros ne contient souvent pas le ligament et correspond à une lésion de passage.

Figure 5.6
Les différentes situations avec fragments osseux.
Dessin : Cyrille Martinet
95
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Ces connaissances anatomiques aboutissent à plusieurs Dans les cas où le testing sous radiographie
conclusions pratiques. est impossible
La prise en charge de tout traumatisme de la MCP du
Le testing clinique reste à la base du diagnostic (vidéo 5.4).
pouce consiste à réaliser une radiographie simple de face et
Il est essentiel de réaliser cet examen de façon comparative
profil de la MCP à la recherche d'une fracture puis un tes-
au pouce controlatéral. Le testing doit être réalisé MCP en
ting comparatif (des deux MCP) sous anesthésie locale (du
extension ou en légère flexion sans dépasser 30°. On consi-
côté traumatisé) sous radiographie. Ce testing ligamentaire
dère qu'au-delà de 35° de valgus de la MCP [7], il existe une
simple posera l'indication opératoire.
rupture complète du ligament collatéral médial (avec ou
Ce testing porte en abduction la MCP, qui peut être
sans effet Stener). Ces données ont été confirmées par
légèrement fléchie (vidéo 5.2) ou laissée en extension
­
l'étude de Mahajan [8] publiée récemment qui montre
(vidéo 5.3). Et on recherche la perte du parallélisme entre
qu'une suspicion de rupture du plan ligamentaire interne
l'axe des sésamoïdes et la tangente à la tête métacarpienne,
évaluée par un opérateur peu expérimenté (interne) mais
qui signe l'atteinte du faisceau accessoire et donc possible-
entraîné avec les critères édictés par Heyman en 1993 [7]
ment la présence d'une lésion de Stener.
aboutit au diagnostic sans nécessité d'examen complémen-
La présence d'un ou plusieurs fragments osseux n'est
taire.
pas synonyme d'intervention chirurgicale et un fragment
Trois cas de figure peuvent se présenter :
osseux même non déplacé nécessite malgré tout un testing. ●
pouce instable, c'est-à-dire avec une déviation en
La figure 5.7 résume la conduite à tenir.
valgus de P1 sur M1 > 35° : il s'agit d'une rupture du

Traumatisme du pouce
avec suspicion d'entorse grave

Radiographies standards
face et profil

Fragment osseux avulsé Fracture de M1 ou P1


ou Radiographie normale non articulaire sans entorse

Testing ligamentaire
Clichés en stress*

Déplacement Pas de déplacement


Doute ?
des sésamoïdes** des sésamoïdes

Pas de laxité Laxité

IRM Traitement orthopédique


Chirurgie Orthèse
ou Échographie Plâtre

Figure 5.7
Organigramme décisionnel.
* Sous anesthésie locale
** Perte du parallélisme entre l'axe des sésamoïdes et la tangente à la tête métacarpienne.

96
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
5. Entorse SCI-MED
de la métacarpo-phalangienne du pouce

ligament collatéral médial relevant d'un traitement les effets Stener si on considère que les ruptures
chirurgical — puisque nous savons que si seule la « partie ligamentaires sans effet Stener peuvent cicatriser ?
métacarpo-phalangienne » du ligament collatéral médial
La rupture complète comme l'effet Stener ont en com-
est lésée, le testing en valgus ne détecte pas de laxité
mun la rupture du faisceau accessoire ou sésamoïdien
supérieure à 30° ;
qui est le verrou de la stabilité ; donc, dans ces deux cas :

pouce stable, sans déviation ou avec une déviation
oui, il faut opérer. Certaines ruptures totales n'ont pas
modérée et une douleur présente sur la face interne de la
d'effet Stener. L'effet Stener est toujours la conséquence
MCP : traitement orthopédique par une orthèse à conser-
d'une rupture totale, mais toute rupture totale n'a pas
ver 3 à 6 semaines ;
un effet Stener.

testing peu informatif (patient douloureux ou se
contractant lors de l'examen) : demander une échogra-
phie ou une IRM, à condition de ne pas retarder la prise en
charge thérapeutique. But de l'intervention
L'échographie et l'IRM sont actuellement des exa-
mens très performants pour le diagnostic des lésions Le but de l'intervention consiste à réinsérer en position ana-
ligamentaires du pouce ainsi que la recherche d'un effet tomique le complexe ligamentaire désinséré.
Stener. Leur sensibilité est proche de 100 % [8, 9]. L'IRM
reste actuellement un examen coûteux et modérément
disponible. L'échographie est un examen diagnostique
peu coûteux, facilement disponible et très précis mais Quand poser l'indication
opérateur-dépendant. Il s'agit également d'un examen opératoire
dynamique qui permet, sur des mouvements de valgus,
d'analyser l'expansion aponévrotique de l'abductor pol- L'indication opératoire est formelle en cas d'incompétence
licis longus [10], de visualiser l'ouverture de l'articulation du ligament ; cette incompétence est facile à déterminer
et, bien sûr, la rupture ligamentaire en analysant ses deux puisqu'un ligament incompétent est un ligament qui ne
faisceaux. L'effet Stener est recherché en priorité car syno- sait plus s'opposer à une sollicitation en abduction (ou en
nyme d'intervention chirurgicale. valgus). Pour vérifier cela, la seule méthode certaine est de
Ainsi, en fonction des pratiques, de l'accès à la radiologie, réaliser un testing sous anesthésie locale et radiographie : si
de la facilité à réaliser des clichés dynamiques sous anesthésie la tangente des sésamoïdes suit la tangente à la base pha-
locale ou pas, de l'implication des collègues imageurs à réali- langienne qui n'est plus parallèle à la tangente de la tête
ser des échographies fiables, la démarche diagnostique peut métacarpienne, il faut proposer un traitement chirurgical.
être très variable. Le but encore une fois est bien de déceler Si les clichés dynamiques ne sont pas réalisables, il faut
une lésion chirurgicale : la lésion du faisceau accessoire. demander une échographie.
En cas de doute clinique de lésion grave (ecchymose,
laxité clinique même sans anesthésie locale), des clichés
simples et une échographie sont à réaliser :

l'échographie permet de visualiser la lésion de Stener : Voie d'abord et technique
synonyme de chirurgie ; chirurgicale

l'échographie ne retrouve pas de lésion de Stener : il faut
réaliser des clichés dynamiques comparatifs sous anesthésie L'intervention est réalisée sous anesthésie locorégionale,
locale et radiographie ou opérer de principe le patient ; avec un garrot pneumatique à l'avant-bras et une table à

il existe un ou des fragments osseux : le raisonnement est le bras. L'incision est effectuée en regard de la MCP. On dis-
même… : il faut tester le pouce ou réaliser une échographie. sèque le tissu cellulaire en repérant et protégeant la branche
Doit-on opérer toutes les ruptures complètes sensitive dorsale. En arrivant sur la dossière (figure 5.8), on
du ligament collatéral médial ou seulement cherche une lésion de Stener.

97
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 5.8
La dossière constitue un «barrage» qu'il faudra relever pour accéder au ligament. C'est au-dessus de la dossière que passe le ligament
désinséré dans certains cas, pour donner l'effet Stener.
Dessin : Cyrille Martinet

On aborde la dossière en respectant la branche sensitive


du nerf radial (en bas du cliché de la figure 5.9).
En cas d'effet Stener, le ligament est visible immédiate-
ment (figure 5.10).
On ouvre longitudinalement la dossière, un fil repère
étant mis en place sur chaque bord pour favoriser sa
fermeture en fin d'intervention, et on analyse ensuite les
lésions des deux faisceaux après incision de la dossière
(figure 5.11).
L'articulation est abordée afin de préparer la zone
la plus palmaire de la base phalangienne (c'est-à-dire la
plus proche des sésamoïdes) pour réinsérer le ligament
par une ancre, afin de se rapprocher de l'insertion anato-
mique du faisceau accessoire… qui est le plus important
(figure 5.12).
Figure 5.9
L'abord longitudinal centré par la face interne de la MCP permet
d'arriver sur la dossière.

Figure 5.10 Figure 5.11


Un exemple où le ligament (en noir) est passé au-dessus de la La dossière est incisée afin d'arriver sur le plan ligamentaire et de
dossière : c'est l'effet Stener. l'articulation.

98
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
5. Entorse SCI-MED
de la métacarpo-phalangienne du pouce

Puis la réinsertion ligamentaire est réalisée grâce aux


fils de l'ancre insérée à la base de la première phalange
(figures 5.13 A, B et C, et 5.14).
La dossière, élément stabilisateur important, puis la peau
sont ensuite refermées (figure 5.13D). Un plâtre ou une
orthèse avec colonne de pouce est mis en place pour une
durée de 4 semaines.

Figure 5.12
Abord de l'articulation.

A B

C D
Figure 5.13
Réinsertion ligamentaire.
A. Le ligament cerclé de noir va être faufilé grâce aux fils portés par l'ancre qui est placée au niveau de cette zone idéale. B. Le faufilage débute
et doit permettre une solidité primaire avec des fragments ligamentaires souvent déchiquetés. C. On peut faufiler l'un ou les deux brins dans le
fragment ligamentaire. D. La fermeture de la dossière et de la peau termine le geste opératoire.

99
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traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 5.14
Aspect peropératoire et radiographique de la réinsertion par ancre qui doit être implantée en extra-articulaire.

Suites opératoires il est difficile de démasquer une instabilité objective. L'aspect


radiographique peut mettre en évidence un remaniement
Une immobilisation du poignet et de la MCP par orthèse osseux au niveau de l'insertion ligamentaire (figure 5.15).
pour 4 à 6 semaines est nécessaire.

Pièges

Ne pas faire d'anesthésie locale pour faire les clichés
dynamiques.

Oublier de faire les clichés dynamiques devant l'exis-
tence d'un fragment osseux — gros ou petit, le fragment
est plutôt palmaire, mais le testing doit être systématique
car le ligament est rarement inséré sur le fragment.

En cas d'arrachement osseux, il est admis que le liga-
ment collatéral médial est inséré sur le fragment osseux.
En cas d'arrachement osseux non déplacé, il est admis que
le testing peut déplacer la fracture et le ligament inséré. Il
semble au vu de récentes publications et de notre expérience
que ces certitudes soient fausses : le ligament collatéral n'est
pas constamment inséré sur le fragment osseux détaché ;
l'absence de déplacement de ce fragment ne signifie pas Figure 5.15
absence de lésion ligamentaire grave. Il faut tester toutes Il existe un granulome avec aspect lytique de la zone d'insertion
ligamentaire. Cet aspect est aussi visible de profil.
les entorses de la MCP avec ou sans fragments osseux.

Ne pas voir une atteinte externe, d'indication chirurgi- ●
En cas de plaintes fonctionnelles, il faut proposer
cale systématique. une suture avec le matériel ligamentaire restant comme

Quel que soit le traitement, il faut prévenir le patient décrit par Laulan [11], une ligamentoplastie au fil de suture
d'une raideur fréquente pendant 2 à 4 mois. décrite par Moutet [12], avec le rétinaculum comme décrit
par Guelmi [13] ou grâce à une ligamentoplastie selon
Gestion des échecs ­Glickel [14]. Cette dernière semble être celle qui présente la
meilleure stabilité sans trop diminuer la mobilité. Le principe

En cas de diagnostic tardif, notamment après 6 semaines, consiste à reconstruire le ligament collatéral médial par un
le patient peut être instable lors des prises pouce-index mais transplant libre de long palmaire «en triangle» (figure 5.16).

100
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
5. Entorse SCI-MED
de la métacarpo-phalangienne du pouce

Figure 5.16
Ligamentoplastie en triangle selon Glickel.
Dessin : Cyrille Martinet


En cas d'instabilité clinique avérée (figure 5.17), un
abord identique à une réparation en urgence est réalisé
avec résection des moignons ligamentaires (figure 5.18A).
Deux orifices sont réalisés dans la base phalangienne au
travers desquels est passé le transplant (figure 5.18B).
Puis un trou est réalisé dans la tête métacarpienne où le Figure 5.17
transplant est à son tour passé (figure 5.18C). S'il existe Instabilité.
L'instabilité est objectivée sur des clichés dynamiques.
plus de 10° de bâillement, la tension doit être augmen-
tée. Le montage en triangle permet une reconstruction
en « V » à base distale et va être fixé par deux ancres plâtrée est nécessaire pour 2 mois. Dans 80 % des cas,
(figure 5.19). Une broche d'arthrodèse temporaire peut les patients vont perdre moins de 10 % de leur mobilité
être mise en place pour 4 semaines ; une immobilisation selon l'auteur.

A B C
Figure 5.18
Instabilité.
A. L'abord articulaire permet de vérifier l'absence d'arthrose, qui obligerait à réaliser une arthrodèse. B. Deux orifices sont réalisés à la mèche de
2 mm. C. Le tendon est faufilé dans la base phalangienne.

101
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Vidéo 5.1
Effet Stener.

Vidéo 5.2
Testing sous radiographie, MCP en flexion.

Vidéo 5.3
Testing sous radiographie, MCP en extension.

Vidéo 5.4
Testing clinique.

Références
Figure 5.19
[1] Campbell CS. Gamekeeper's thumb. J Bone Joint Surg Br
Instabilité.
La fixation au niveau métacarpien se fait par ancres quand la 1955;37-b(1):148–9.
tension est jugée adéquate. [2] Stener B. Displacement of the ruptured ulnar collateral ligament of
the metacarpo-phalangeal joint of the thumb. J Bone Joint Surg Br
1962;44-B(4):869–79.
[3] Rochet S, Gallinet D, Garbuio P, Tropet Y, Obert L. Entorse grave du
pouce : opérer selon la position des sésamoïdes lors des clichés en
Ce que l'on devrait savoir… stress. Chir Main 2007;26(4-5):200–5.
…expliquer au patient [4] Rotella JM, Urpi J. A new method of diagnosing metacarpophalan-
geal instabilities of the thumb. Hand Clin 2001;17(1):45–60. v-vi.
L'entorse du pouce est une lésion fréquente rencontrée [5] Hintermann B, Holzach PJ, Schutz M, Matter P. Skier's thumb – the
notamment lors de la pratique du ski. C'est essentielle- significance of bony injuries. Am J Sports Med 1993;21(6):800–4.
ment le ligament latéral interne qui est touché, l'atteinte [6] Kaplan SJ. The Stener lesion revisited: a case report. J Hand Surg Am
du compartiment externe étant beaucoup plus rare. Il faut 1998;23(5):833–6.
différencier les atteintes «bénignes», qui relèvent d'un traite- [7] Heyman P, Gelberman RH, Duncan K, Hipp JA. Injuries of the
ment orthopédique, des atteintes «graves» (= rupture), qui ulnar collateral ligament of the thumb metacarpophalangeal joint.
Biomechanical and prospective clinical studies on the usefulness of
relèvent d'une réparation chirurgicale. Le diagnostic et l'éva-
valgus stress testing. Clin Orthop Relat Res 1993;292:165–71.
luation du niveau lésionnel reposent sur un examen clinique [8] Mahajan M, Tolman C, Wurth B, Rhemrev SJ. Clinical evaluation vs
performant associé à une imagerie (clichés radiographiques magnetic resonance imaging of the skier's thumb: A prospective
dynamiques ou échographie). Le traitement chirurgical cohort of 30 patients. Eur J Radiol 2016;85(10):1750–6.
consiste à réinsérer le ligament en situation anatomique [9] Melville D, Jacobson JA, Haase S, Brandon C, Brigido MK, Fessell D.
à l'aide d'une ancre insérée dans la phalange proximale. Le Ultrasound of displaced ulnar collateral ligament tears of the thumb:
temps d'immobilisation quel que soit le traitement varie de 4 the Stener lesion revisited. Skeletal Radiol 2013;42(5):667–73.
à 6 semaines. Il faut environ 6 mois (à partir de la date d'inter- [10] Arend CF, da Silva TR. The role of US in the evaluation of clinically
vention) pour récupérer une mobilité normale du pouce, ce suspected ulnar collateral ligament injuries of the thumb: spectrum
of findings and differential diagnosis. Acta Radiol 2014;55(7):814–23.
dont il faut avertir le patient. Le résultat clinique est habi-
[11] Agout C, Bacle G, Brunet J, Marteau E, Charruau B, Laulan J. Chronic
tuellement bon (pas d'instabilité résiduelle), la MCP pouvant instability of the thumb metacarpo-phalangeal joint: Seven-year
rester légèrement épaissie comparée au côté controlatéral. outcomes of three surgical techniques. Orthop Traumatol Surg Res
2017;103(6):923–6.
[12] Moutet F, Bellon-Champel P, Guinard D, Gérard P. Ligamentoplasties
synthétiques de la métacarpophalangienne du pouce. À propos de
vingt et un cas Ann Chir Main Memb Super 1993;12(3):196–9.
``Liste des compléments en ligne [13] Guelmi K, Thebaud A, Werther JR, Candelier G, Barbato B, Dour-
sounian L. Bone-retinaculum-bone reconstruction for chronic
Des vidéos sont associées à ce chapitre. Pour voir ces vidéos, posttraumatic instability of the metacarpophalangeal joint of the
connectez-vous sur http://www.em-consulte/e-comple- thumb. J Hand Surg Am 2003;28(4):685–95.
[14] Hogan CJ, Ruland RT, Levin LS. Reconstruction of the ulnar colla-
ment/476924 et suivez les instructions.
teral ligament of the thumb metacarpophalangeal joint: a cadaver
Source : vidéos de la collection du Dr Severin Rochet study. J Hand Surg Am 2005;30(2):394–9.

102
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 6
Lésions traumatiques
des tendons extenseurs

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 104
Notions de base 104
But de l'intervention 106
Quand poser l'indication opératoire 106
Voie d'abord et technique chirurgicale 106
Suites opératoires 116
Pièges 118
Gestion des échecs 118

La main traumatique
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Préambule des tendons extenseurs, de même que la prise en charge


thérapeutique (conservatrice ou chirurgicale) devront en
La face dorsale, encore appelée « face sociale », tenir compte, au risque de laisser ou d'induire une atteinte
de la main est exposée aux traumatismes de la pourvoyeuse de complications et de handicap secondaire.
vie courante. Juste sous la peau, fine et fragile, Contrairement aux tendons fléchisseurs, les tendons exten-
circulent des tissus nobles vasculaires, nerveux, seurs n'ont pas de gaine proprement dites et le phlegmon
mais ­également tendineux. Les tendons exten- de l'extenseur n'existe pas stricto sensu. Par contre, on peut
seurs sont, de fait, très exposés et peuvent être voir d'authentiques cellulites dorsales, d'autant plus graves
lésés même en cas de lésion cutanée limitée. que la peau à ce niveau est fine et fragile. Les tendons exten-
Les atteintes des tendons extenseurs ont une seurs cheminent à la face dorsale de l'avant-bras, de la main
fausse réputation de bénignité et exposent à et des doigts au travers de neuf zones topographiques pour
des séquelles fonctionnelles en cas d'absence de les doigts longs et cinq zones pour le pouce [4] (figures 6.1
diag­nostic initial ou en cas de prise en charge à 6.3). Les zones impaires se situent en regard des articula-
inadaptée. L'anatomie des tendons extenseurs est
complexe, raison pour laquelle le terme d'« appa-
reil extenseur » est souvent usité en lieu et place
de « tendons extenseurs » [1, 2]. Nous avons réuni
dans ce chapitre les recommandations devant
permettre de faire le diagnostic et de proposer
un traitement adapté des lésions traumatiques
des tendons extenseurs de la main et du poignet.
Les déformations en maillet et en « col de cygne »
sont traitées dans le chapitre 7.

Notions de base juncturae


tendinum
L'appareil extenseur est constitué de muscles extrinsèques
prenant leur origine dans la partie haute de l'avant-bras et
de muscles intrinsèques situés dans la main. Les tendons EDM
extenseurs circulent à la face dorsale de l'avant-bras, du poi-
gnet et des doigts. Si jusqu'au poignet l'aspect du tendon ECRL/
est assez superposable à celui d'un fléchisseur (cylindrique ECRB
épais), il s'amincit ensuite dès la face dorsale de la main EPB EDC
pour prendre une forme beaucoup plus plate, ce qui ne extansor
EPL
manquera pas de poser quelques problèmes de réparation retinaculum
et/ou de reconstruction. L'anatomie, la physiologie et la
biomécanique des tendons extenseurs restent simples au
niveau du poignet et de la face dorsale des métacarpiens
mais deviennent beaucoup plus complexes au niveau
des doigts longs et du pouce [2]. De multiples divisions,
expansions et connexions avec les muscles intrinsèques à Figure 6.1
ce niveau sont à l'origine de déformations secondaires des Anatomie de l'appareil extenseur à la face dorsale de la main.
Notez l'importance du rétinaculum, des juncta (juncturae
doigts qui engagent le pronostic fonctionnel à terme : doigt tendinum).
en maillet, déformation en «col de cygne», déformation en Source : Masméjean E, Le Bellec Y et Alnot JY. Appareil locomoteur. Lésions
traumatiques des tendons extenseurs de la main. EMC - Appareil locomoteur 2000 :
boutonnière [3]. L'analyse séméiologique des lésions initiales 9-14 [Article 14-058-A-10]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.

104
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
6. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons extenseurs

B
Figure 6.2
Appareil extenseur au niveau d'un doigt long. Notez la complexité des terminaisons mais aussi des connexions avec les interosseux et des
lombricaux.
A. Vue latérale. B. Vue dorsale.
Dessin : Cyrille Martinet

105
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

cheminent dans des compartiments fibreux inextensibles.


On dénombre six compartiments. Il faut diviser l'étude des
atteintes des tendons extenseurs en trois grandes régions :
au-dessus du rétinaculum dorsal, au niveau du rétinaculum
dorsal et au-dessous de ce rétinaculum [1].

But de l'intervention
Retour à l'état antérieur, c'est-à-dire récupération d'une
extension active complète et d'un aspect identique au côté
opposé. Il s'agit d'une chirurgie exigeante et rigoureuse qui
peut donner de bons résultats pour autant qu'elle respecte
bien certaines règles incontournables dans la chirurgie ten-
dineuse. Il faut respecter le tendon, sa vascularisation et son
anatomie variable de proximal en distal [2].

Figure 6.3 Quand poser l'indication


Séparation en neuf zones pour les doigts longs et cinq zones
pour le pouce. Cette sectorisation permet d'appliquer le même opératoire
traitement dans chaque zone.
Source : Ebelin M, Levante S, Roure P et Jalil R. Orthopédie - Traumatologie. Lésions des
tendons extenseurs de la main et des doigts (récentes et anciennes). EMC - Techniques
Lors d'une plaie de la main, l'exploration chirurgicale est sys-
chirurgicales 2001 : 6-44 [Article 44-397]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée. tématique. L'intervention doit être réalisée dans les heures
suivant la lésion sans qu'il s'agisse toutefois d'une urgence
tions, les zones paires en regard des diaphyses. Ces zones absolue comme lors d'une dévascularisation [7]. La rétrac-
délimitent des tronçons de tendon en unités fonctionnelles tion tendineuse est limitée (contrairement aux tendons
identiques. L'atteinte à ce niveau sera pourvoyeuse des fléchisseurs) mais existe et peu rendre plus complexe une
mêmes signes cliniques, des mêmes complications et devra suture différée. Pour les atteintes en zone I, II, III et IV pour
bénéficier du même protocole thérapeutique [5]. les doigts longs, le risque est d'ignorer une atteinte sous-
Au niveau des métacarpo-phalangiennes, le tendon cutanée qui risque d'évoluer vers la séquelle difficile à gérer
extenseur est directement au contact de la capsule arti- secondairement [6, 8].
culaire et toute plaie à ce niveau est synonyme de lésion Des lésions tendineuses passent parfois inaperçues lors
du tendon, mais aussi de la dossière des interosseux et de d'une exploration aux urgences et peuvent amener à une
l'articulation. Le risque est de négliger l'atteinte articulaire prise en charge différée [9]. Le diagnostic est plus difficile en
et de laisser évoluer à bas bruit une arthrite septique. Pour cas de lésion sous-cutanée sans plaie, notamment en cas
mémoire, les tendons extenseurs des doigts comprennent : d'atteinte de la bandelette médiane [8, 10]. L'échographie
un extenseur commun pour les 2e, 3e, 4e et 5e doigts et l'IRM réalisées par un opérateur expérimenté facilitent le
(extensor digitorum) mais aussi un extenseur propre pour diagnostic [10–12].
le 2e doigt (extensor indicis) et le 5e doigt (extensor digiti
minimi), ainsi qu'un extenseur long et un extenseur court
pour le pouce (EPL, extensor pollicis longus ; EPB, extensor
pollicis brevis) [1]. Une atteinte isolée d'un extenseur propre Voie d'abord et technique
peut passer inaperçue lors d'un examen trop rapide [6]. chirurgicale
Les tendons extenseurs, plus plats que les fléchisseurs,
convergent au tiers inférieur de l'avant-bras sur la face dor- On s'adaptera en fonction de la plaie ou de la localisation
sale pour s'engager sous le rétinaculum des extenseurs où ils de la lésion sous-cutanée.

106
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
6. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons extenseurs

décollements, sources de nécrose secondaire, surtout en


cas de traumatisme par écrasement. Une voie d'abord
chirurgicale de la main et des doigts a pour but d'avoir
accès aux structures à réparer en évitant les cicatrices
rétractiles ou les nécroses cutanées. Plusieurs règles sont
à respecter :

éviter les décollements larges, sources d'ischémie ;

abord permettant un accès au tendon et ses annexes
terminales ;

éviter les abords trop proches, car pourvoyeurs de
nécroses cutanées.
Une voie d'abord pour réparation d'une lésion d'un ten-
don extenseur doit également prendre en compte le risque
d'adhérences cicatricielles, risque d'autant plus grand que la
souillure traumatique est importante et que le parage aura
été moins méticuleux.
Le principe de la réparation chirurgicale d'un tendon
extenseur fait appel à une suture classique en cadre asso-
ciée à un surjet péritendineux [13]. Ceci s'entend pour les
lésions en zone V à IX pour les doigts longs et TIII à IX pour
le pouce. Les réparations en zone distales seront détaillées
plus loin. Le doigt en maillet par rupture de l'extenseur en
zone I fait l'objet du chapitre 7.
L'intervention débute habituellement par la réalisation
d'une voie d'abord centrée sur la plaie en essayant, après
parage a minima des berges, de transformer l'ouverture
cutanée en une voie d'abord en « S » italique ou en
baïonnette. La récupération du moignon proximal se fait
sans difficulté car la rétraction est le plus souvent bien
moindre que pour les tendons fléchisseurs. Nous pren-
drons comme type de description une plaie tendineuse
franche à la face dorsale de l'avant-bras au-dessus du réti-
Figure 6.4 naculum dorsal [14].
Voies d'abord.
A. Voies d'abord dorsales digitales mais aussi métacarpiennes.
B. Au niveau digital, les voies d'abord peuvent être en «S» ou
Réparation en zones VIII et IX
en baïonnette. Le plus souvent, la localisation de la plaie dicte En zone IX, l'atteinte concerne les corps musculaires. Une
l'extension de l'abord et le dessin de ces incisions pour l'exploration
et la réparation. À la face dorsale des doigts, on peut faire des suture rapprochant les corps musculaires est souhaitable,
incisions longitudinales sans crainte des brides. réalisée au 2/0 ou 3/0.
En zone VIII, les tendons sont individualisés et acces-
sibles à une suture classique. Une fois l'abord et le parage
des berges réalisés, il est facile de récupérer le moignon dis-
L'exploration d'une plaie nécessite une extension de tal, souvent resté à l'aplomb de la plaie. Parfois, l'extrémité
l'abord chirurgical, dont la forme se rapproche d'une voie proximale sera un peu plus rétractée mais sa récupération
en « S » ou en baïonnette (figure 6.4). Il faudra préserver ne pose pas de problème : il suffit de suivre l'hématome.
le plan cutané car il est fragile à ce niveau, et éviter les Une fois repérées, les deux extrémités sont rincées au

107
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

sérum physiologique. L'utilisation de petites aiguilles de 3/0 ou 4/0 que l'on passe en hémicadre en privilégiant
sous-cutanée ou intramusculaire permet de maintenir une suture à quatre brins. Il faut obtenir un bon affron-
les tendons en place. Comme précisé dans le début de tement des deux extrémités en évitant une traction trop
ce chapitre, le tendon est ici cylindrique et sa réparation importante à l'origine d'une déformation en « tampon de
est assez semblable à celle d'un tendon fléchisseur : il wagon » qui peut être délétère à proximité de l'entrée d'un
faut prendre un fil de type monofilament non résorbable des compartiments (figure 6.5). Un surjet péritendineux
permet de redonner au tendon une forme plus régulière
en augmentant sa résistance [14]. Même si le premier
temps opératoire est le temps de parage méticuleux, il
faut savoir le réitérer durant l'exploration et après la suture
en réalisant une « toilette » locale au sérum physiologique
pour éviter de laisser en place des fragments métalliques,
végétaux, vestimentaires ou telluriques selon le type de
traumatisme. Les corps étrangers laissés en place sont
pourvoyeurs d'infection et d'adhérences.

Réparation en zone VII


La suture en elle-même ne diffère pas de celle décrite
précédemment car le tendon conserve une forme cylin-
drique. Il faut veiller à réaliser une suture bout à bout sans
épaississement majeur afin de permettre un glissement
optimal du tendon dans son compartiment [4, 5, 13, 14].
Si l'ouverture du rétinaculum est nécessaire, elle peut être
partielle ou complète : l'ouverture du rétinaculum dor-
Figure 6.5 sal se fait en baïonnette, afin de réaliser une suture sans
Suture en cadre par fil-boucle réalisant une suture à quatre ou six tension sur les tendons réparés avec un effet d'agrandisse-
brins. ment (figures 6.6 à 6.8).
Dessin : Cyrille Martinet

A B C
Figure 6.6
Abord avec ouverture du rétinaculum.
A. Dessin de la voie d'abord incluant l'artifice d'incision en baïonnette pour réaliser un effet d'agrandissement en fin d'intervention. B. Les deux
lambeaux du rétinaculum sont relevés. C. Plastie d'agrandissement du rétinaculum dorsal en baïonnette.
Dessin : Cyrille Martinet

108
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
6. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons extenseurs

Figure 6.9
En haut, suture modifiée de Becker. En bas, surjet matelassé.
Dessin : Cyrille Martinet

piens. Le risque d'adhérences cicatricielles est plus limité. À


Figure 6.7
Voie d'abord dorsale à l'aplomb du rétinaculum. Identification
la suture en cadre, il faut préférer une suture de type Becker
d'une branche sensitive du nerf radial. modifiée [15] ou un surjet matelassé [16] (figure 6.9).

Réparation en zone V
À ce niveau, le tendon est positionné juste sur l'articu-
lation métacarpo-phalangienne au contact de la cap-
sule dorsale et au sommet du dôme que constitue cette
articulation lorsque le doigt est en flexion. Sa position
est donc instable puisque la tension provoquée par la
flexion de la métacarpo-phalangienne a tendance à pro-
voquer sa luxation dans la vallée intermétacarpienne
soit radiale soit ulnaire [4, 5, 14]. Pour contrer cet effet,
il existe à ce niveau deux prolongements ligamentaires :
la dossière des i­nterosseux maintenant le tendon en
bonne position (à la façon de haubans maintenant un
Figure 6.8
mât de voilier). Parallèlement, la proximité de l'articula-
Reconstruction du rétinaculum après suture d'une lésion de
l'extenseur commun du 2e doigt. Une plastie d'agrandissement tion au-dessous doit toujours faire craindre une plaie
va être réalisée pour éviter tout blocage du tendon suturé dans la articulaire associée. Il faut donc explorer systématique-
coulisse. ment toutes ces plaies pour rechercher une atteinte de
la dossière et/ou une plaie articulaire. Le type même de
Réparation en zone VI lésion ouverte du tendon de la dossière et de l'articula-
À la sortie du rétinaculum, les tendons extenseurs prennent tion se voit en cas de plaie par morsure lors d'un coup
une forme un peu plus aplatie. C'est la zone des métacar- de poing asséné au niveau de la bouche (figure 6.10).

109
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 6.10
Le danger : ne pas explorer et négliger une plaie tendineuse voire une contamination de l'articulation sous-jacente.
A. Plaie se projetant à l'aplomb de la MCP. B. L'exploration retrouve un aspect de section partielle du tendon extenseur.

L'exploration doit être minutieuse pour bien identifier au stade de « pseudo-doigt à ressaut » (figure 6.11), avec
tous les tissus lésés. Parfois, la lésion de la dossière résulte un claquement lorsqu'on dépasse un certain degré de
d'un traumatisme fermé et le diagnostic est souvent tardif flexion et une grande difficulté à étendre le doigt ensuite.

Figure 6.11
«Pseudo-doigt à ressaut».
A. Lésion ancienne sous-cutanée de la dossière des interosseux de l'annulaire sur le bord ulnaire. Le doigt se luxe dans la vallée
intermétacarpienne sur le bord radial et donne un tableau de «pseudo-doigt à ressaut», à la différence que le claquement est dorsal et
surtout que l'extension active du doigt est impossible, l'extension passive étant possible (à la différence du locking finger). B. Après exploration
et parage de la zone de rupture, on arrive à suturer la lésion bord à bord.

La suture de la lésion de la dossière doit se faire à points cis dans une zone de contrainte maximale. La réparation a
séparés, utilisant un fil de petite taille pour bien affron- alors encore moins de chance de réussir et il faut souvent faire
ter les berges sans créer d'adhérences (figures 6.12 à appel à une plastie de reconstruction. Plusieurs plasties ont été
6.15). L'immobilisation postopératoire doit réduire les décrites et font appel à différents montages utilisant le plus
contraintes sur la suture, car les « reruptures » précoces souvent une greffe tendineuse autologue [5].
ajoutent la difficulté de réparer un tissu abîmé fragile et rétré-
110
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
6. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons extenseurs

Figure 6.12 Figure 6.13


Technique de Keetelkamp [8]. Technique de Carrol [8].
Suture per primam après avivement. Utilisation d'un juncta controlatéral qui est suturé sur le bord
Dessin : Cyrille Martinet profond de l'attache articulaire de la dossière lésée.
Dessin : Cyrille Martinet

Figure 6.15
Figure 6.14
Technique de Wheeldon [8].
Technique de McCoy [8]. Utilisation d'une greffe tendineuse, souvent «petit palmaire», pour
Prélèvement d'une bandelette tendineuse laissée pédiculée sur faire une néopoulie annulaire transmétacarpienne.
le côté de la lésion passée sous le tendon distal de l'interosseux Dessin : Cyrille Martinet
palmaire.
Dessin : Cyrille Martinet

111
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Réparation en zone IV difficile à corriger d'autant que le diagnostic initial peut être
méconnu. La déformation en boutonnière va altérer de
Le tendon a une forme aplatie et occupe la plus grande par-
façon profonde la mécanique du doigt traumatisé [2, 5, 8].
tie de la face dorsale du doigt. Le type de suture à privilégier
L'IPP est fléchie au repos et l'extension active n'est plus
est identique aux sutures en zone VI [16–18]. Si la suture est
possible. Il faut intervenir avant que la déformation ne soit
suffisamment solide, la rééducation peut être ici plus pré-
fixée. Les bandelettes latérales s'écartent progressivement,
coce qu'au niveau de la zone V. Il faut se méfier d'une lésion
tandis que la tête de P1 va passer entre ces deux bande-
d'un pédicule vasculo-nerveux associée lors des plaies par
lettes latérales comme un bouton à travers sa boutonnière.
objet tranchant (pointe de couteau) et toujours rechercher
Avec le temps, les bandelettes latérales vont se fixer dans
un déficit neurologique lors de l'examen clinique.
cette position et la correction ne sera plus possible.
En cas de lésion fraîche ouverte ou non, il faut soit réin-
Réparation en zone III sérer la bandelette médiane (sur une ancre éventuellement
Cette zone est la région de tous les dangers. En effet, la ban- en cas de désinsertion osseuse), soit la suturer, soit le plus
delette médiane est fine et fragile et sa rupture par section souvent la reconstruire. En effet, la bandelette est fine et
ou arrachement sous-cutanée est à l'origine d'une défor- fragile et la qualité du tissu ne permet pas de suture efficace
mation progressive en flexion appelée « boutonnière », très autorisant la rééducation immédiate (figures 6.16 et 6.17).

A B

C
Figure 6.16
Plaie fraîche sur l'IPP.
A. Le danger est ici de méconnaître une atteinte de la bandelette médiane et/ou de l'articulation (risque de boutonnière secondaire et ou
d'arthrite septique). B. L'exploration retrouve une atteinte de l'appareil extenseur avec fracture parcellaire de la base de P2. C. La fracture a
emporté par chance la bandelette, la réduction de la fracture va permettre la réinsertion de la bandelette en position orthotopique.

112
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
6. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons extenseurs

A B

C D

E
Figure 6.17
Boutonnière.
A. Lésion sous-cutanée passée inaperçue ayant évolué vers une boutonnière. B. Vue latérale. On soulève le plan vasculaire superficiel et on
expose le surtout tendineux qui semble pellucide au niveau de la bandelette médiane, cette zone correspondant à la rupture tendineuse.
C. La bandelette médiane et son cal de cicatrisation (facilement reconnaissable à l'extrémité du tendon) sont relevés en bloc. Les bandelettes
latérales sont libérées. D. Après résection du tissu cicatriciel, insertion de deux ancres dans la base de P2. E. Aspect final. Suture profonde
réalisée à l'aide d'un fil 3/0 type FiberWire® (Arthrex) monté sur ancres implantées dans la base de P2 avec surjet épitendineux au monobrin
non résorbable 5/0 : disparition de la boutonnière.

Parfois, la résection du cal tendineux est trop importante ensuite les deux berges du tendon longitudinalement et la
pour permettre une suture per primam des deux extrémi- plastie retournée est fixée sur P2 par une ancre (figure 6.18).
tés [13, 18]. Il faut alors faire une plastie de retournement D'autres techniques ont été proposées et rendent compte
à partir de la partie proximale du tendon extenseur en du fait que le réglage est difficile et le défi complexe
amont de l'IPP et la retourner vers la partie distale. On suture (figures 6.19 et 6.20).

113
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 6.18 Figure 6.19


Technique de Snow [8]. Technique de Littler-Burkalter-Aiache [5].
Dessin : Cyrille Martinet Dessin : Cyrille Martinet

Réparation en zone II
Il faut distinguer cette atteinte du mallet finger, qui s'accom-
pagne systématiquement d'une chute du doigt en flexion.
Ici le tendon est plutôt un surtout tendineux qu'il faut répa-
rer en totalité sans essayer de distinguer en disséquant les
différents éléments (figure 6.21). La suture réalisée avec un
petit fil fin 4/0 voire 5/0 doit se contenter d'affronter les
berges face à face [16]. L'immobilisation en extension de
l'IPD pendant 4 semaines au moins mais plutôt 6 permettra
une cicatrisation de bonne qualité. L'adhérence aux plans
profonds ne pose pas réellement de problème car, dans
Figure 6.20 cette zone, le tendon est peu mobile [19].
Technique de Eaton Littler [8]. En cas de perte de substance tendineuse en zone II, il
Dessin : Cyrille Martinet
faut rétablir la continuité si nécessaire en utilisant une greffe

A B
Figure 6.21
Plaie longitudinale en zone II.
A. Il ne faut pas ici essayer de retrouver par une dissection poussée et forcément délabrante la bandelette médiane et les bandelettes latérales,
au risque de déstabiliser complètement cette zone fragile et de créer des adhérences. B. Réparation après parage a minima et toilette locale
au sérum physiologique. Suture bord à bord avec un fil monobrin 5/0 non résorbable. La rééducation pourra être précoce dans ce cas, du fait
d'une lésion purement longitudinale. La MCP restera libre ; l'immobilisation sera limitée à l'IPP et l'IPD.

114
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
6. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons extenseurs

(figure 6.22). Une plastie de retournement réalisée à partir sible d'utiliser une des deux bandelettes pour consolider
de deux hémibandelettes a été décrite [20] pour la recons- une bandelette intacte ou redonner la continuité permet-
truction tendineuse en cas de défect. Il est également pos- tant le fonctionnement de la bandelette terminale.

Figure 6.22
Perte de substance tendineuse en zone II.
A. Plaies de la face dorsale des doigts longs masquant une fracture ouverte de P2 sur le médius et l'annulaire. B. Défect tendineux en regard du
ligament triangulaire rendant impossible une suture directe. La bandelette ulnaire est utilisée comme greffon sur l'annulaire et pour renforcer la
bandelette radiale sur le médius.

115
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Réparation en zone I non traumatique»). Il existe des atteintes traumatiques du


tendon de l'EPL à la face dorsale en aval du rétinaculum. La
Elle est traitée dans le chapitre 7 consacré au mallet finger.
réparation n'est pas différente de celle réalisée au niveau des
doigts longs, d'autant que l'anatomie terminale du tendon
Quel type de suture ? quel fil ? quel de l'EPL est moins complexe que celle des doigts longs. La
nœud ? particularité de l'EPL est sa capacité à se rétracter de façon
plus importante que les autres tendons extenseurs en rai-
En amont de la zone VI pour les doigts longs et de la zone III son de l'absence de juncta.
du pouce, un simple cadre renforcé par un surjet péritendi-
neux suffit, mais il faut un fil solide. Un monofilament non
résorbable de taille 3/0 ou 2/0 (en zone musculaire) reste
le moyen efficace et le moins onéreux pour réaliser le geste Suites opératoires
au niveau proximal. La suture est complétée par un surjet
Il est essentiel de disposer d'une équipe de kinésithéra-
épitendineux pour éviter toute déformation pouvant gêner
peutes spécialisés ainsi que d'un orthésiste capable de
la course tendineuse. Certains préfèrent utiliser un fil len-
réaliser des orthèses thermoformées de qualité pour les
tement résorbable type PDS®. En aval de la zone VI, il faut
réparations des tendons extenseurs [21–23].
diminuer la taille du fil et utiliser du 3/0 ou du 4/0 [16, 17]. La réparation tendineuse est protégée par une coque de
protection antérieure en position intrinsèque plus prenant
le poignet pour les lésions des zones IX, VIII, VII, VI, V et
Notre conseil IV pour une durée de 6 semaines. Cette attelle est réalisée
Attention à ne pas sous-estimer la gravité d'une plaie de la initialement au bloc opératoire et changée à J8 pour la
face dorsale de la main et des doigts. L'exploration au bloc remplacer par une orthèse thermoformée (figure 6.23). Elle
opératoire s'impose même face à une plaie punctiforme. maintient le poignet en extension à 30°, avec une flexion
à 70° des MCP, les IP étant laissées en rectitude [22]. Il est
également possible d'immobiliser les plaies des extenseurs
des doigts longs par des lames d'extension (figure 6.24).
Cas particulier du pouce Pour les réparations en zone I, II, III et IV, l'immobilisation
Le pouce comporte un court extenseur et un long exten- peut être plus courte, laissant libre la MCP et le poignet
seur. Les atteintes du long extenseur (EPL, extensor pollicis (figures 6.25 et 6.26). L'attelle est plutôt une tuile palmaire
longus) sont classiques et bénéficient d'un chapitre particu- immobilisant le doigt en légère flexion de l'IPP et de l'IPD. Le
lier axé sur le transfert tendineux (chapitre 6, tome «Main doigt sera en syndactylie au doigt voisin.

Figure 6.23 Figure 6.24


Attelle en position intrinsèque plus pour une atteinte de Il est également possible d'immobiliser les plaies des extenseurs
l'extenseur du 5e doigt. des doigts longs par des lames d'extension.
Source : photographies de C.-H. Tisseront. Source : photographies de C.-H. Tisseront

116
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
6. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons extenseurs

Figure 6.25
Attelle plus courte pour une atteinte en zone IV.
Source : photographies de C.-H. Tisseront

Figure 6.26
Attelle de Capener utilisée pour les atteintes de la bandelette médiane.
Source : photographies de C.-H. Tisseront

117
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

La rééducation débute après la phase d'immobilisation. Une ténolyse peut être proposée à distance (au-delà de
Il est important de revoir le patient à J8, J21, J45 et J90 pour 4 mois).
s'assurer du respect et de la bonne compréhension des ●
Déficit de flexion : il peut survenir sur toutes les
consignes postopératoires. Une désinfection régulière de atteintes de la zone I à la zone VI. Il est lié aux adhérences
la surface cutanée diminue l'inconfort du port de l'attelle. cicatricielles aggravées potentiellement par une plaie arti-
Un bas en jersey peut être porté en dessous de l'attelle et culaire sous-jacente : rééducation, ténolyse ou téno-arthro-
changé régulièrement pour faciliter les soins d'hygiène. En lyse en fonction de l'évolution clinique.
cas de lésion ancienne réparée tardivement ou de lésion ●
Doigt en maillet, «col de cygne» : traités dans le
récente mais associée à une perte de substance, la rééduca- chapitre 6.
tion sera moins active précocement [19]. ●
En cas d'échec du traitement orthopédique ou
de perte de substance de la bandelette médiane de
l'extenseur, le défi thérapeutique est réel pour éviter
Pièges la raideur du doigt traumatisé. Plusieurs techniques de
réparations ont été décrites pour ces défects tendineux

Méconnaître une atteinte tendineuse sur une plaie
(plastie, greffe, transfert tendineux) et sont générale-
banale de la face dorsale de la main ou d'un doigt, sur-
ment utilisées dans les lésions secondaires dégénéra-
tout quand le déficit est absent au départ (atteinte partielle,
tives. Oberlin avait décrit une technique de greffe libre
suppléance par les juncta ou «redondance anatomique» :
motorisée sur l'extenseur voisin dans les déformations
extenseur propre du 2e et du 5e doigts).
en boutonnière chroniques de la polyarthrite rhuma-

Aggraver l'ischémie de la peau par décollement
toïde [24]. Nous avons réalisé pour la première fois, en
intempestif sur une plaie déjà contuse.
urgence, cette technique du « court-circuit » (by pass

Passer à côté d'une plaie articulaire associée de la face
d'Oberlin) pour traiter une perte de substance trau-
dorsale de la MCP ou de l'IPP ou de l'IPD.
matique de la bandelette médiane des extenseurs des

Méconnaître une atteinte concomitante d'une
doigts longs [25]. Un abord longitudinal sur la face
branche sensitive du nerf radial en cas de plaie à la face
dorsale de l'IPP du doigt lésé permettait de confirmer
dorsale de la main et/ou de la première commissure enga-
la destruction irréparable de la bandelette médiane de
geant la continuité de l'EPL.
l'extenseur. Un deuxième abord en regard de la face

Perte de substance.
dorsale de la tête du deuxième métacarpien permettait
de désinsérer le tendon de l'extenseur propre de l'index
Gestion des échecs (EPI) le plus distalement possible. Il était alors libéré et
récupéré en proximal par une troisième voie d'abord.

«Reruptures» : elles sont rares si la suture a été correc- Une greffe tendineuse était alors prélevée. Il s'agissait
tement réalisée et que le patient a suivi scrupuleusement du long palmaire dans sept cas (figure 6.27) ; lorsqu'il
le protocole d'immobilisation et de rééducation. Toutefois, n'existait pas, un hémifléchisseur radial du carpe (deux
en cas de récidive, il faut refaire la suture en réséquant le cas) ou un extenseur d'un orteil (deux cas) était prélevé.
cal cicatriciel de mauvaise qualité. En cas de perte de subs- Cette greffe était suturée à l'extrémité distale de l'EPI
tance trop importante, il faudra alors choisir entre la greffe par un point de Pulvertaft, puis passé en sous-cutanée
d'interposition ou le transfert tendineux comme au niveau jusqu'à l'incision dorsale sur le doigt concerné. Il était
de l'EPL. Pour la zone critique de la dossière des interosseux alors fixé sur la base de la deuxième phalange (P2) par
et de la bandelette médiane, la reprise peut s'avérer très des points passés dans des tunnels transosseux ou sur
difficile. deux ancres. La tension était réglée pour obtenir une

Adhérences cicatricielles avec déficit d'exten- extension passive de l'IPP légèrement supérieure aux
sion (lésion en zone VI, V, IV) : elles se voient surtout autres doigts. L'appareil extenseur restant était suturé
en cas d'association à une fracture de phalange ou de sur le greffon. Les incisions étaient fermées par des
métacarpien. Le traitement fait appel à de la rééducation. points séparés.

118
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
6. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons extenseurs

A B

C
Figure 6.27
Technique du «court-circuit» (by pass d'Oberlin).
A. Schéma de la technique. B. Description de la technique sur une pièce cadavérique : détournement de l'extenseur propre de l'index (EPI) au
niveau de la région métacarpo-phalangienne (en haut à gauche), ancrage distal du greffon tendineux à la base (en haut à droite) avec suture
en Pulvertaft de la portion proximale du greffon sur l'EPI (en bas). C. Ici un défect au niveau de l'index avec greffe du palmaris longus sur
l'hémitendon extenseur du médius.
Dessin : Cyrille Martinet

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La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

[7] Yoon AP, Chung KC. Management of acute extensor tendon inju-
Ce que l'on devrait savoir… ries. Clin Plast Surg 2019;46(3):383–91.
…expliquer au patient [8] Souter WA. The problem of boutonniere deformity. Clin Orthop
Relat Res 1974;116–33 [104].
Les atteintes des tendons extenseurs sont fréquentes [9] Patillo D, Rayan GM. Open extensor tendon injuries: an epidemio-
du fait de leur situation sous-cutanée et d'une résis- logic study. Hand Surg 2012;17(1):37–42.
tance moindre comparée aux tendons fléchisseurs. Ces [10] Dezfuli B, Taljanovic MS, Melville DM, Krupinski EA, Sheppard
atteintes peuvent être sous-cutanées survenant sur des JE. Accuracy of high-resolution ultrasonography in the
detection of extensor tendon lacerations. Ann Plast Surg
chocs directs ou indirects (bandelette terminale et ban-
2016;76(2):187–92.
delette médiane) ou survenir dans le cadre d'une plaie. [11] Gupta P, Lenchik L, Wuertzer SD, Pacholke DA. High-resolution 3-T
Il peut s'agir d'une atteinte isolée (plaie par couteau) MRI of the fingers: review of anatomy and common tendon and
ou multitissulaire dans le cadre de délabrements par ligament injuries. AJR Am J Roentgenol 2015;204(3):W314–23.
machine-outil. Le traitement peut être orthopédique [12] Moussallem CD, El-Labaky CY, El-Yahchouchi CA, Hoyek
(rupture sous-cutanée) ou chirurgical (plaie). En cas de FA, Lahoud JC. Extensor tendon injuries. J Hand Surg Am
plaie, même minime, une exploration chirurgicale au 2011;36(2):368.
bloc est souhaitable pour évaluer l'atteinte tendineuse [13] Adams BD. Staged extensor tendon reconstruction in the finger.
et rechercher une plaie articulaire ou une atteinte neuro­ J Hand Surg Am 1997;22(5):833–7.
[14] Matzon JL, Bozentka DJ. Extensor tendon injuries. J Hand Surg Am
logique. Un retard ou une absence de diagnostic initial
2010;35(5):854–61.
peuvent entraîner des déformations permanentes, diffi- [15] Woo SH, Tsai TM, Kleinert HE, Chew WY, Voor MJ. A biomechani-
ciles à traiter, avec une perte de fonction parcellaire. Lors cal comparison of four extensor tendon repair techniques in zone
d'un traitement orthopédique ou dans les suites d'une IV. Plast Reconstr Surg 2005;115(6):1674–81.
réparation chirurgicale, des orthèses sur mesure ainsi [16] Howard RF, Ondrovic L, Greenwald DP. Biomechanical analysis of
qu'une rééducation en milieu spécialisé sont nécessaires. four-strand extensor tendon repair techniques. J Hand Surg Am
1997;22(5):838–42.
[17] Chung KC, Jun BJ, McGarry MH, Lee TQ. The effect of the number
of cross-stitches on the biomechanical properties of the modified
becker extensor tendon repair. J Hand Surg Am 2012;37(2):231–6.
Remerciements [18] Matev I. Transposition of the lateral slips of the aponeurosis in
treatment of long-standing “boutonnière deformity” of the fingers.
Les auteurs remercient Charles-Henri Tisseront, orthopédiste, orthésiste, Br J Plast Surg 1964;17:281–6.
masseur-kinésithérapeute, pour la qualité de ses orthèses. [19] Canham CD, Hammert WC. Rehabilitation following extensor ten-
don repair. J Hand Surg Am 2013;38(8):1615–7.
[20] Savvidou C, Thirkannad S. Hemilateral band technique for recons-
tructing gap defects in the terminal slip of the extensor tendon.
Références Tech Hand Up Extrem Surg 2011;15(3):177–81.
[21] McMurtry JT, Isaacs J. Extensor tendons injuries. Clin Sports Med
[1] Rockwell WB, Butler PN, Byrne BA. Extensor tendon: anatomy, injury, 2015;34(1):167–80.
and reconstruction. Plast Reconstr Surg 2000;106(7):1592–603. [22] Merritt WH. Relative motion splint: active motion after extensor
[2] Harris Jr C, Rutledge Jr GL. The functional anatomy of the extensor tendon injury and repair. J Hand Surg Am 2014;39(6):1187–94.
mechanism of the finger. J Bone Joint Surg Am 1972;54(4):713–26. [23] Russell RC, Jones M, Grobbelaar A. Extensor tendon repair: mobilise
[3] Dy CJ, Rosenblatt L, Lee SK. Current methods and biomechanics of or splint? Chir Main 2003;22(1):19–23.
extensor tendon repairs. Hand Clin 2013;29(2):261–8. [24] Oberlin C, Atchabayan A, Salon A, Bhatia A, Ovieve JM. The by-
[4] Amirtharajah M, Lattanza L. Open extensor tendon injuries. J Hand pass extensor tendon transfer. A salvage technique for loss of
Surg Am 2015;40(2):391–7. substance of the extensor apparatus in long fingers. J Hand Surg Br
[5] Bellemère P. Prise en charge secondaire des lésions de l'appareil 1995;20(3):392–7.
extenseur des doigts. Chir Main 2015;34(4):155–81. [25] Feuvrier D, Loisel F, Pauchot J, Obert L. Réparation en urgence de
[6] Lin JD, Strauch RJ. Closed soft tissue extensor mechanism inju- perte de substance de la bandelette médiane du tendon extenseur
ries (mallet, boutonniere, and sagittal band). J Hand Surg Am des doigts par la technique du by-pass d'Oberlin. Faisabilité et résul-
2014;39(5):1005–11. tats à plus de 5 ans de recul sur 4 cas. Chir Main 2014;33(5):315–9.

120
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 7
Mallet finger

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 122
Notions de base 122
But de l'intervention 126
Quand poser l'indication opératoire 126
Voie d'abord et technique chirurgicale 126
Suites opératoires 133
Pièges 133
Gestion des échecs 134

La main traumatique
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Drtraumatique
La main A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Préambule Le point clé du traitement demeure la compliance du


patient et sa capacité à conserver l'orthèse 6 à 8 semaines
Le doigt en maillet, ou mallet finger, est la consé- en continu… C'est là qu'indirectement le modèle d'orthèse
quence d'une interruption de l'appareil extenseur peut jouer son rôle [3]. Si le diagnostic n'est pas fait ou que
en zone I, au niveau de son insertion sur la base de l'orthèse n'est pas portée suffisamment longtemps (à cause
la phalange distale [1]. Les travaux cinématiques de complications, figure 7.4), un doigt en maillet chronique
de Schweitzer [1] et cliniques de Wehbe [2] ont peut survenir.
rapporté la fréquence de survenue d'un doigt Plusieurs auteurs définissent le doigt en maillet
en maillet sur le doigt le plus long et les doigts chronique comme un doigt en maillet non immobi-
ulnaires : 3e, 4e et 5e doigts. Si en général les lésions lisé 4 semaines après la lésion [4, 5]. Le doigt en maillet
tendinomusculaires et, en particulier au niveau chronique peut évoluer vers une déformation en « col
des doigts, les lésions de l'appareil fléchisseur sont de cygne » (figure 7.5) du fait du déséquilibre de l'ap-
traitées par réinsertion chirurgicale, l'interruption pareil extenseur. En effet, après rupture de l'extenseur
de l'appareil extenseur au niveau de son insertion en zone I, une hypertension de la bandelette médiane
distale est volontiers traitée par immobilisation. apparaît progressivement, d'autant plus que la plaque
palmaire est laxe et que les ligaments rétinaculaires
Notions de base transverses sont faibles. Le cercle vicieux se referme :
plus l'IPP est en hyperextension, plus les bandelettes
Pour comprendre la physiopathologie, il faut connaître latérales de l'extenseur se dorsalisent, aggravant l'action
l'anatomie. Or, l'anatomie de l'appareil extenseur est com- du fléchisseur profond sur l'IPD, qui se fléchit. Les liga-
plexe, partagée entre les muscles extrinsèques et les muscles ments rétinaculaires obliques, distendus, ne peuvent
intrinsèques. La bandelette médiane, terminaison de l'ex- plus contrarier cette flexion de l'IPD, compromettant la
tensor digitorum (communis) qui reçoit la terminaison des coordination des flexions successives des deux articu-
interosseux, assure l'extension de P2 sur P1. La bandelette lations interphalangiennes. Ainsi, dès l'apparition d'un
terminale, formée par la réunion des bandelettes latérales, « col de cygne », c'est l'IPD qui se fléchit la première lors
assure l'extension de P3 sur P2 (figure 7.1). L'atteinte d'une de l'enroulement, la flexion de l'IPP ne pouvant rapide-
bandelette retentira sur l'autre, induisant une déformation ment plus se faire.
digitale et une perte de fonction. Devant un doigt en maillet aigu, vu dans les jours ou
Le mallet finger correspond à une interruption de la ban- les semaines :
delette terminale de l'extenseur. Cette rupture est le plus

s'il est fermé, on doit proposer le traitement par immobi-
souvent traumatique, sous-cutanée et fermée. Elle survient lisation d'autant que le patient est compliant ;
sur une extension contrariée de l'IPD souvent minime (pas-

s'il est fermé avec fragment osseux et luxation, une
ser un drap sous un sommier, rentrer sa chemise dans le chirurgie peut être discutée ;
pantalon) ou plus importante (choc direct sur un mur, un

s'il est ouvert, la chirurgie est nécessaire.
ballon, etc.). Le tendon peut être rompu, désinséré de la Devant un doigt en maillet chronique, l'attitude thé-
base de P3, ou peut emporter son insertion osseuse (frac- rapeutique va dépendre de la présence de plusieurs para-
ture articulaire parcellaire de la base de P3) (figure 7.2). mètres (figure 7.6) :
En cas de doigt en maillet, si la lésion est fermée et que

la conservation de la mobilité de l'IPD ;
l'articulation n'est pas luxée, qu'il y ait ou non un fragment

l'existence d'une arthrose de l'IPD ;
osseux, le traitement par immobilisation segmentaire de

la présence d'une déformation en «col de cygne».
l'articulation interphalangienne proximale (IPD) donne de Les plaintes du patient, l'exclusion éventuelle du doigt
bons résultats, quel que soit le modèle d'orthèse (figure 7.3). sont également des facteurs du choix.

122
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
7. Mallet finger

B
Figure 7.1
Anatomie de l'appareil extenseur au niveau des doigts.
A. Vue latérale. B. Vue dorsale.
Dessin : Cyrille Martinet

123
Drtraumatique
La main A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 7.4
Figure 7.2 Le patient a trop serré l'orthèse et une escarre est apparue.
Selon le mécanisme, il existera ou non un fragment osseux — qui
n'est pas synonyme d'intervention.
Dessin : Cyrille Martinet

Figure 7.3
Il existe de nombreux modèles d'orthèses (y compris celles réalisées par le patient lui-même…) ; le but est d'éviter d'aveugler la pulpe afin
de permettre l'utilisation du doigt.
Source : photographies de C.-H. Tisseront

124
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
7. Mallet finger

Figure 7.5
Déformation en «col de cygne».
La bandelette terminale rompue entraîne peu à peu un déséquilibre au niveau de l'IPD (absence de force d'opposition au fléchisseur profond)
et une rétraction de la bandelette médiane. Le doigt se déforme avec une hyperextension de l'IPP et un flessum de l'IPD.
Dessin : Cyrille Martinet

Mallet finger chronique

Raide
Assouplissement
possible
Souple Isolé Arthrose

Assouplissement
impossible Arthrodèse

Isolé Col de cygne

4 semaines Ténodermodèse
> 4 mois
à 4 mois + capsulorraphie
Ou Ténotomie bandelette
Ou SORL
Orthèse
Ténodermodèse
8 à 10 semaines
Figure 7.6
Arbre décisionnel devant un doigt en maillet chronique (> 4 semaines) et symptomatique (gêne fonctionnelle et/ou esthétique).

125
Drtraumatique
La main A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

But de l'intervention maillet chronique et main rhumatoïde. Le projet thérapeu-


tique va dépendre de la mobilité passive de l'IPP et de l'inté-

Doigt en maillet aigu ouvert : il faut éviter l'infection grité des articulations IPD et MCP. L'analyse clinique devra
et l'impossibilité d'une réparation. donc porter sur tout le segment digital et la main et s'atta-

Doigt en maillet aigu fermé : il faut éviter la iatrogénie cher à faire ressortir les plaintes et les attentes du patient.
d'une chirurgie tendineuse intuitivement logique mais pra- Les techniques opératoires vont devoir régler le problème
tiquement génératrice de complications au vu de la proxi- du flessum de l'IPD (par ténodermodèse ou arthrodèse
mité de l'ongle et des risques septiques. définitive) et l'hyperextension de l'IPP grâce à des gestes

Doigt en maillet chronique : il faut être sûr que l'or- «anatomiques» ou «palliatif» : anatomiques en tentant de
thèse (figure 7.7) a été portée correctement et assez long- reconstruire le ligament rétinaculaire ou en travaillant sur
temps ; toujours la proposer si jamais fait, et envisager un l'appareil extenseur ; palliatifs par des gestes de ténodèse de
geste de ténodermodèse. l'appareil fléchisseur ou extenseur, associés ou non à une

Doigt en maillet chronique avec «col de cygne» : arthroplastie de l'IPP mais aussi de la MCP.
avant que le doigt ne s'enraidisse… redonner un enroule- Comme dans toute chirurgie des parties molles, l'expé-
ment et un doigt utile. rience de l'opérateur va compter… tant dans l'évaluation
diagnostique que dans le réglage de la tension des gestes
tendineux.

Dans tous les cas, un doigt douloureux, raide et exclu


chez un patient mal préparé à une agression chirurgicale
ne devra pas être opéré.

Voie d'abord et technique


chirurgicale
Figure 7.7
Une attelle efficace doit pouvoir maintenir l'extension de l'IPD
tout en laissant possible la flexion de l'IPP.
Traitement de la lésion en urgence
Source : photographies de C.-H. Tisseront
Doigt en maillet fermé sans lésion
osseuse
Quand poser l'indication
Il n'y a, pour nous, pas d'indication opératoire en première
opératoire intention pour ce type de lésion. Le traitement orthopédique
(orthèse bloquant l'IPD en extension 2 mois jour et nuit puis

Doigt en maillet aigu ouvert : en urgence ! dans les 1 mois la nuit) est la règle. Le traitement chirurgical donne
heures suivant le traumatisme. Le lavage-parage et la réin- des résultats équivalents au traitement par orthèse [6] et
sertion par ancre protégée par une broche d'arthrodèse peut induire des complications iatrogènes (altération de la
temporaire ou une attelle sont nécessaires. matrice unguéale, arthrite infectieuse, nécrose osseuse ou

Doigt en maillet aigu fermé avec fragment osseux et pulpaire, etc.).
luxation de l'articulation : dans les jours qui suivent, quelle
que soit la taille du fragment osseux : dans ces situations, cer-
Doigt en maillet fermé avec lésion
tains auteurs proposent une chirurgie de réduction-fixation du
fragment osseux avec arthrodèse temporaire de protection. osseuse

Doigt en maillet chronique : la ténodermodèse est La lésion osseuse correspond à l'insertion de la bande-
l'indication si l'orthèse a déjà été portée, que le patient n'est lette terminale de l'extenseur. Le traitement peut être
pas satisfait car le doigt est gênant. ­orthopédique ou chirurgical. L'indication dépend le plus sou-

Doigt en maillet chronique avec «col de cygne» : la vent de l'importance du déplacement du fragment osseux.
déformation d'un doigt en «col de cygne» est essentielle­ En cas de déplacement, il est possible de réaliser un double
ment vue dans deux contextes : évolution d'un doigt en brochage percutané (figure 7.8) [7, 8] :
126
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
7. Mallet finger

deux ancres est souhaitable. Dans ces deux cas, une immo-
bilisation complémentaire par orthèse est nécessaire. Une
broche d'arthrorise peut également être proposée.

Traitement de la lésion chronique


La prise en charge d'un «col de cygne» dans le cadre d'un
doigt en maillet chronique pourra se faire grâce à un geste
au niveau de l'IPD associé à un geste au niveau de l'IPP, dont
les résultats vont dépendre de la réductibilité des lésions :
plus le «col de cygne» est souple, plus toutes les articula-
tions sont mobiles passivement et la déformation de l'IPP
est minime et réductible ! Plus le résultat d'un geste sur les
parties molles sera alors efficace.
Au niveau de l'IPD
La ténodermodèse avec capsulorraphie.
Au niveau de l'IPP
Des gestes de ténotomie (ténotomie de la bandelette
médiane, ou technique de Fowler), des gestes de ténodèse
(bandelette du fléchisseur superficiel, bandelette latérale
radiale de l'extenseur) ou de reconstruction des ligaments
(reconstruction du ligament rétinaculaire : technique de
Littler, ou de Thompson, ou SORL) pourront être proposés
Figure 7.8
de façon graduelle.
Exemple d'ostéosynthèse par voie percutanée d'un mallet finger
osseux.
Doigt en maillet chronique sans « col de
cygne » : geste au niveau de l'IPD seule

une broche de Kirschner de 10/10 ou 12/10 en regard de De nombreuses techniques chirurgicales ont été rappor-
la face dorsale de l'IPD, en situation latérale par rapport au tées pour traiter le doigt en maillet chronique [9] : exci-
tendon ; l'extrémité de la broche est positionnée à la jonc- sion du cal et suture bout à bout du tendon extenseur,
tion cartilage-corticale dorsale ; P3 est redressée en exten- excision du cal et réinsertion transosseuse du tendon,
sion et dans le même temps la broche exerce une poussée résection du cal d'allongement et suture itérative du
sur le fragment (manœuvre assimilable à la technique de tendon sans raccourcissement, plicature cutanée isolée,
Kapandji pour le poignet) ; une fois le fragment osseux section de la bandelette médiane, reconstruction du
réduit, la broche est poussée au moteur pour transfixier la ligament rétinaculaire oblique, arthrodèse de l'IPD, répa-
corticale opposée ; ration tendineuse et arthrorise temporaire des articula-

une seconde broche d'arthrorise est ensuite mise en tions interphalangiennes distale et proximale, fixation
place, IPD fixée en extension (éviter l'hyperextension). de l'IPD en hyperextension et même… l'amputation.
L'ensemble de ces techniques a été publié et il n'est pas
Doigt en maillet ouvert toujours facile, pour un opérateur inexpérimenté, de
avec ou sans lésion osseuse savoir celle qui peut ou non fonctionner.
Dans ce cas de figure, il n'y a pas de désinsertion de la bande- Traitement chirurgical conservateur : la suture
lette terminale mais une section avec plaie articulaire sous- tendineuse (figure 7.9) avec ou sans brochage
jacente. Le lavage articulaire est la règle, réalisé au cathlon avec de protection
du sérum physiologique. Si le moignon distal est suffisamment Baratz cite Burton, qui a suggéré de brocher pendant
long (1 cm), une suture tendineuse peut être réalisée, utilisant 4 semaines l'IPD et de porter une orthèse 6 à 8 semaines
du PDS® 4/0. Si le moignon est trop court, une réinsertion par avec sevrage graduel [10]. Ces auteurs ont montré que la
127
Drtraumatique
La main A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

A B C

D E F
Figure 7.9
Suture d'un mallet finger tendineux pur au stade chronique.
A, B et C. Résection du cal fibreux sur 4 mm. D, E et F. Suture tendineuse par un double surjet au PDS® 4/0.

128
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
7. Mallet finger

G H
Figure 7.9
Suite.
G, H. Résultat clinique à distance.

réparation tendineuse aboutissait souvent à un bon résul- technique est le «col de cygne» mal réductible. La résection
tat. Stack [11] avait publié les résultats de la plicature du cal elliptique de 3 mm de large environ, en «quartier d'orange»,
tendineux allongé mais fonctionnel, et Lind [12] rapportait se fait au niveau de l'IPD. Elle est réalisée de la peau jusqu'à
son expérience de la résection du cal d'allongement avec l'os, emportant la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et le
suture itérative du tendon sans raccourcissement. tendon extenseur. La suture se fait en masse, bord à bord au
niveau cutané par un fil de 4/0 non résorbable ou par deux
Ténodermodèse (figure 7.10), ou technique points de matelassier au PDS® 2/0. Le brochage réalisé avec
de Brooks et Graner des broches de 10/10e se fait en extension et non en hype-
Décrite par Brooks en 1958, la technique consistait à exciser rextension, après suture de l'extenseur. La broche est laissée
en bloc la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et le tendon en place pour 4 à 5 semaines ; l'IPP est positionnée en légère
extenseur cicatriciel en forme de «quartier d'orange» [13]. flexion pendant 10 jours en postopératoire pendant que la
Graner en 1961 rajoutait à cette opération la mise en place broche trans-IPD est laissée 4 semaines. Au bout de 10 jours,
d'une broche d'arthrodèse temporaire en hyperextension. l'IPP est mobilisée activement. La récupération de la mobilité
Albertoni popularise cette technique sous le nom de tech- de l'IPD se fait au 6e mois avec des volants de flexion d'environ
nique de Brooks et Graner en 1988. Indépendamment, Ise- 40°. La rééducation passive est proscrite au niveau de l'IPD.
lin, en 1977, utilise la même technique avec non pas une C'est la mobilisation active de toutes les chaînes du doigt et
broche mais une orthèse pour maintenir l'articulation en la réinclusion du doigt qui sont n­ écessaires. Cette technique
extension [14]. Il nomme cette technique la ténodermo- peut entraîner des lésions du lit de l'ongle et les complica-
dèse. Depuis, cette technique de résection pluritissulaire et tions des broches. Afin d'éviter les fractures transarticulaires
de stabilisation de l'articulation a été dénommée «technique des broches (rares, survenant chez des patients indisciplinés),
de Brooks et Graner», «ténodermodèse» ou «dermato- il est possible de mettre en place une orthèse. On peut, en
ténodèse». Albertoni a rapporté 91,6 % de bons résultats cas de «col de cygne» souple, associer la ténodermodèse et
chez 48 patients. Kon a rapporté 26 excellents résultats chez un geste sur l'IPP : en effet, en cas de non-correction de la
27 patients en 1982 [15]. La technique de ténodermodèse déformation de l'IPP après correction de celle de l'IPD, une
s'adresse à des doigts en maillet chroniques avec au moins 30° capsulorraphie de la plaque palmaire permettant d'obtenir
de déficit d'extension sur une IPD mobile. La déformation est une flexion d'environ 15° est associée. Cette capsulorraphie
donc corrigible facilement et elle s'adresse bien évidemment nécessite un abord palmaire en extension, avec résection
à une origine tendineuse pure. La contre-indication de cette elliptique de 2 mm de plaque palmaire et suture bord à bord.

129
Drtraumatique
La main A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 7.10
Ténodermodèse sur un mallet finger chronique.
Dessin : Cyrille Martinet

Doigt en maillet chronique i­nsertion sur la dernière phalange, les techniques chirur-
avec « col de cygne » : gicales ne touchant que l'IPD seront insuffisantes. En effet,
la déformation du « col de cygne » est preuve d'une auto-
geste additionnel au niveau de l'IPP
nomisation du déséquilibre tendineux. Le « col de cygne »
En plus de la ténodermodèse au niveau de l'IPD, il faut réa- rend difficile l'initiation de la flexion de l'IPP. La ténoto-
liser des gestes au niveau de l'IPP. mie de la bandelette médiane est une technique simple
(figure 7.11) [16–18] qui peut être réalisée sous anesthésie
locale ou même par voie percutanée et contrôle échogra-
Ténotomie de la bandelette médiane : phique [19]. La technique consiste à réséquer la bandelette
technique de Fowler médiane sans léser le ligament triangulaire. Une immobi-
Lorsqu'il existe une déformation en « col de cygne » lisation est nécessaire. Le risque est évidemment de créer
secondaire à la rupture de l'extenseur au niveau de son une boutonnière.

130
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
7. Mallet finger

Reconstruction du ligament rétinaculaire :


technique de Thompson, de Littler, ou SORL
Cette technique consiste à «reconstruire» le ligament
­rétinaculaire oblique, réalisant un effet de ténodèse active avec
correction simultanée de la flexion de l'IPD et de l'extension de
l'IPP [20]. Une greffe de petit palmaire est fixée en distal à la base
de la dernière phalange (figure 7.12A), en pull-out, comme initia-
lement décrit par l'auteur, ou par un système d'ancrage. Ce petit
transplant qui est en dorsal en distal passe en palmaire à la base
de P2 (figure 7.12B) et est fixé au niveau du col de P1, cravatant
l'IPP en palmaire, entre les pédicules en arrière et les fléchisseurs
en avant (figure 7.12C), réalisant une «nouvelle» plaque pal-
maire. Deux abords sont donc nécessaires. Cette technique est
l'aboutissement et l'évolution de l'expérience de Littler qui avait
proposé précédemment deux façons de reconstruire le ligament
rétinaculaire grâce à une bandelette latérale de l'extenseur. Klein-
man a rapporté une série de 12 patients avec un «col de cygne»
réductible avec utilisation d'une fixation au niveau des parties
molles plutôt qu'en transosseux [21]. Dans cette technique, l'IPD
doit être immobilisée en extension par une broche et l'IPP en
légère flexion de 15°. Très judicieuse, cette technique exige beau-
coup de rigueur dans le réglage de la tension du transplant. Celle-
ci est considérée comme correcte quand l'IPD est en extension
et que l'IPP est en flexion de 20°. La mobilisation de l'IPP est auto-
risée à partir de 3 semaines, tandis que la mobilisation de l'IPP
ne l'est qu'après 6 semaines, après ablation des broches. Girod
rappelle le risque de survenue de clinodactylie en cas de laxité
articulaire et avait observé la rétraction du transplant du petit
palmaire dans deux cas sur 30, nécessitant une réintervention à
cause d'une déformation en boutonnière [22].
Ténodèses diverses
Ténodèse utilisant la bandelette radiale
du fléchisseur superficiel (figure 7.13)
De nombreuses techniques utilisant une des deux bande-
lettes du tendon fléchisseur superficiel ou une partie d'une
bandelette, ont été proposées avec fixation variable autour
de la poulie A2, A1, ou à travers la première phalange.
La technique de Littler est sans doute la plus simple car la
plus reproductible. Grâce à une voie dorsolatérale radiale et
une incision transversale du canal digital, à l'extrémité de la
poulie A2, la bandelette radiale du fléchisseur superficiel est
extraite avec un crochet à tendon en s'aidant d'une flexion des
Figure 7.11
doigts et du poignet. Elle est sectionnée en proximal avec une
Ténotomie de la bandelette médiane selon Fowler pour un
«col de cygne». longueur égale à celle de la première phalange, puis fixée à la
partie proximale de la phalange sur sa face latérale avec une
tension du tendon ténodésé permettant d'obtenir un flessm
de l'IPP de 20°. Une attelle protégeant ce flessum est nécessaire
pour 4 à 6 semaines, même si la flexion active est autorisée.

131
Drtraumatique
La main A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

C
Figure 7.12
Technique SORL (Spiral Oblic Retinacular Ligament).
A. Vue dorsale. Une greffe de petit palmaire est fixée distalement en transosseux sur la face dorsale de la base de la dernière phalange. B. Vue
palmaire. Le transplant qui est en dorsal en distal passe en palmaire à la base de P2. C. Vue latérale. Le transplant est fixé au niveau du col de P1,
cravatant l'IPP en palmaire, entre les pédicules en arrière et les fléchisseurs en avant.

A B

C
Figure 7.13
Vue palmaire de la ténodèse d'une bandelette radiale du fléchisseur superficiel.
A. Extraction de la bandelette. B. Section proximale de la bandelette avec une longueur égale à celle de la première phalange. C. Fixation à la
partie proximale de la face latérale de la phalange avec une tension permettant d'obtenir un flessum de l'IPP de 20°.

132
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
7. Mallet finger

Ténodèse utilisant la bandelette latérale radiale Pièges


de l'extenseur
Là encore, de nombreux raffinements techniques ont été ●
La non-compliance au traitement orthopédique :
proposés au cours du temps [22]. expliquer qu'il ne faut pas enlever l'orthèse pour «voir si le
L'utilisation d'une seule bandelette latérale de l'exten- doigt fonctionne» ; revoir le patient à J21 pour s'assurer de
seur (radiale) selon Zancolli-Tonkin permet de lutter contre sa compliance.
l'hyperextension de l'IPP. La bandelette latérale, séparée de ●
Apparition de douleurs à la face dorsale de l'IPD
la bandelette médiane jusqu'au milieu de chacune des deux entre le 2e et le 4e mois, associées à un aspect inflam-
phalanges, va être placée entre la plaque palmaire et la ban- matoire : c'est une évolution classique du mallet finger.
delette du tendon superficiel pour être suturée entre ces Indolore initialement, il devient douloureux vers la fin du
deux structures à la partie distale de l'IPP. Ce geste est réalisé 2e mois en raison des mécanismes inflammatoires liés à la
par une voie là encore dorsolatérale (permettant d'accéder cicatrisation tendineuse. Ces douleurs disparaissent au-delà
à l'appareil extenseur) et une ouverture de la gaine digitale du 4e mois.
entre la poulie A2/A4. La tension de réglage de la bandelette ●
La chirurgie malheureuse (figures 7.14 et 7.15) :
latérale ne doit pas provoquer de flessum de l'IPP supérieur opérateur inexpérimenté, matériel inadapté, évolution
à 5°. Il est nécessaire de lutter contre l'hyperextension de défavorable, etc. Toujours se souvenir que le traitement
l'IPP grâce à une attelle segmentaire en extension pour orthopédique reste l'indication première pour un mallet
3 semaines. finger fermé.

Suites opératoires

Comment bien porter l'orthèse :
– doigt en maillet aigu fermé ou chronique : l'orthèse
est à porter au moins 8 semaines (6 semaines en continu
puis 2 à 4 semaines la nuit) ;
– en cas de souffrance cutanée : consulter le prescrip-
teur de l'orthèse ;
– ne pas mouiller l'orthèse, ne pas la garder humide ;
– en cas de changement de l'orthèse et le temps de sa
mise en place, conserver l'IPD en hyperextension (contre
un coin de table…) ;
– renouvellement de l'orthèse hebdomadaire.

À l'ablation de l'orthèse :
– ne pas réaliser de mouvements passifs de flexion de
l'IPD ;
– rééducation proscrite ou prudente (exercices de réin-
clusion du doigt plus que mobilisation) ;
– «suivre le doigt du regard» lors des gestes de pré-
hension pour éviter les traumatismes et ne pas compro-
mettre la réinclusion du doigt.

Doigt en maillet aigu ouvert : revoir le patient à 8 jours
à la consultation «pansements» pour vérifier la cicatrice
et s'assurer de l'absence d'infection évolutive. Surveillance
radiographique associée si une broche a été mise en place. Figure 7.14
Mobilisation à partir de la 6e semaine. Matériel inadapté.

Doigt en maillet avec fragment osseux et luxation A. Schéma dessiné à même la radiographie expliquant au patient ce
de l'articulation : contrôle radiographique à J8, J21, J45, qu'il est prévu de faire (noter le flessum extrêmement modéré). B. Le
résultat postopératoire ne correspond pas vraiment au schéma :
ablation des broches entre J45 et J60. Mobilisation libre en ancre trop grosse partie en avant de la phalange, arthrorise en
suivant. hyperextension, fragment osseux non réduit.

133
Drtraumatique
La main A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

C
Figure 7.15
Matériel inadapté.
A. Brochage percutané sur un mallet finger fermé ; broche trop grosse, plusieurs tentatives pour la mise en place. B. Nécrose de la pulpe avec
ostéite et récidive du flessum. C. Aspect clinique avec phalange exposée et perte de substance cutanée.

Gestion des échecs ●


Nécrose cutanée, surinfection post-traitement
chirurgical : avis infectiologique, mise en place d'un

Récidive du flessum à l'issue du traitement ortho­ traitement antibiotique, lavage préalable de l'IPD si suspi-
pédique : il est fréquent d'avoir un flessum résiduel de 10 à cion d'arthrite ; dans ce cas de figure, le flessum passe au
20° un mois après l'ablation de l'attelle ; ce flessum peut se second plan.
corriger spontanément sur une période d'un an ; pas d'indi- ●
Persistance d'un flessum > 40° et/ou apparition d'un
cation opératoire à moins d'un flessum > 40° ; ne pas se «col de cygne» : intervention portant sur l'IPP et/ou l'IPD
précipiter pour poser l'indication opératoire. telles que décrites dans ce chapitre.

Douleurs avec aspect inflammatoire de la face dor-
sale de l'IPD (traitement orthopédique) : elles disparaissent
vers la fin du 4e mois.

134
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
7. Mallet finger

[5] Patel MR, Desai SS, Bassini-Lipson L. Conservative management of


Ce que l'on devrait savoir… chronic mallet finger. J Hand Surg Am 1986;11(4):570–3.
…expliquer au patient [6] Lin JS, Samora JB. Surgical and nonsurgical management of mallet
finger: a systematic review. J Hand Surg Am 2018;43(2):146–63. e2.
Le doigt en maillet, ou mallet finger, est une pathologie [7] Lamaris GA, Matthew MK. The diagnosis and management of mal-
traumatique fréquente qui correspond à la rupture de la let finger injuries. Hand (New York) 2017;12(3):223–8.
bandelette terminale de l'appareil extenseur. Cette rup- [8] Lee SK, Kim KJ, Yang DS, Moon KH, Choy WS. Modified extension-
ture survient souvent pour des traumatismes mineurs. block K-wire fixation technique for the treatment of bony mallet
finger. Orthopedics 2010;33(10):728.
Le traitement en est essentiellement orthopédique et
[9] Ay S, Akinci M, Ercetin O. The Brooks and Graner procedure for
nécessite le port d'une attelle maintenant l'extrémité treatment of chronic tendinous mallet finger deformity. Tech Hand
du doigt en extension, jour et nuit pendant 2 mois puis Up Extrem Surg 2004;8(1):21–4.
encore 2 à 4 semaines la nuit. À l'issue du traitement, il [10] Baratz ME, Schmidt CC, Hughes TB. Extensor tendon injuries.
peut persister un flessum modéré qui n'entrave pas le In: Green DP, Hotchkiss RN, Pederson WC, et al., editors. Green's
bon fonctionnement de la main. Des douleurs peuvent Operative Hand Surgery. 5th edition. Philadelphia: Elsevier Churchill
survenir entre le 2e et le 4e mois post-traumatique et Livingstone; 2005. p. 187–217.
disparaissent spontanément. Le traitement chirurgical [11] Stack HE. Mallet finger. Hand 1969;1:83–9.
s'adresse essentiellement aux atteintes tendineuses avec [12] Lind J, Hansen LB. Abbrevatio: a new operation for chronic mallet
finger. J Hand Surg Br 1989;14(3):347–9.
fracture de la base de la dernière phalange déplacée et
[13] Albertoni WM. The Brooks and Graner procedure for correction
aux échecs du traitement par attelle laissant persister un of mallet finger. In: Tubiana R, editor. The Hand, Vol. 3. Philadelphia:
flessum de plus de 40°. WB Saunders; 1988. p. 97–100.
[14] Iselin F, Levame J, Godoy J. A simplified technique for trea-
ting mallet fingers: tenodermodesis. J Hand Surg Am
1977;2(2):118–21.
Remerciements [15] Kon M, Bloem JJ. Treatment of mallet fingers by tenodermodesis.
Hand 1982;14(2):174–5.
Les auteurs remercient Charles-Henri Tisseront, orthopédiste, orthésiste, [16] Bowers WH, Hurst LC. Chronic mallet finger: The use of Fowler's
central slip release. J Hand Surg Am 1978;3(4):373–6.
masseur-kinésithérapeute, pour la qualité de ses orthèses.
[17] Lucas GL. Fowler central slip tenotomy for old mallet deformity.
Plast Reconstr Surg 1987;80(1):92–4.
[18] Houpt P, Dijkstra R, Storm Van Leeuwen JB. Fowler's tenotomy for
Références mallet deformity. J Hand Surg Br 1993;18(4):499–500.
[19] Apard T, Candelier G. Wide-awake ultrasound-guided percuta-
[1] Schweitzer TP, Rayan GM. The terminal tendon of the digital neous extensor central slip tenotomy for chronic mallet finger: A
extensor mechanism: Part II, kinematic study. J Hand Surg Am prospective study of 14 cases (with videos). Hand Surg Rehabil
2004;29(5):903–8. 2017;36(2):86–9.
[2] Wehbé MA, Schneider LH. Mallet fractures. J Bone Joint Surg [20] Thompson JS, Littler JW, Upton J. The spiral oblique retinacular liga-
1984;66(5):658–69. ment (SORL). J Hand Surg Am 1978;3(5):482–7.
[3] Lemaire B, Bersot J, Bouvard F, Gallinet D, Tropet Y, Obert L. [21] Kleinman WB, Petersen DP. Oblique retinacular ligament recons-
Résultats du traitement conservateur du doigt en maillet par truction for chronic mallet finger deformity. J Hand Surg Am
attelle fenêtrée sur mesure : série prospective continue de 30 cas. 1984;9(3):399–404.
Chir Main 2005;24:339. [22] Girot J, Marin-Braun F, Amend P, et al. L'opération de Littler (SORL
[4] Garberman SF, Diao E, Peimer CA. Mallet finger: results of early ver- = spiral oblique retinacular ligament) dans le traitement du « col-
sus delayed closed treatment. J Hand Surg Am 1994;19(5):850–2. de-cygne. Ann Chir Main 1988;7(1):85–9.

135
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 8
Lésions traumatiques
des tendons fléchisseurs

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 138
Notions de base 138
But de l'intervention 141
Quand poser l'indication opératoire 141
Voie d'abord et technique chirurgicale 141
Suites opératoires 148
Pièges 148
Gestion des échecs 149

La main traumatique
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Préambule Nous donnons ici quelques notions qui méritent d'être


approfondies par la lecture d'ouvrages plus exhaustifs.
La chirurgie des tendons fléchisseurs est un Il y a neuf tendons fléchisseurs pour chaque main. Le
passage obligé pour tous ceux qui pratiquent la pouce comporte un seul tendon, le long fléchisseur, encore
chirurgie de la main. Il s'agit d'une chirurgie exi- appelé flexor pollicis longus (FPL). Il existe un court fléchis-
geante sur le plan technique, qui nécessite un seur du pouce mais qui ne comporte qu'un corps muscu-
environnement adapté avec des orthésistes et laire sans course tendineuse. Les doigts longs (de l'index à
des kinésithérapeutes spécialisés. Entre des mains l'auriculaire) comprennent chacun un fléchisseur profond
spécialisées, le taux de bons résultats avoisine les (flexor digitorum profundus, FDP) s'insérant sur la base de
85 %, ce qui est bien mais pas tant que ça… Il faut P3 et un fléchisseur superficiel (flexor digitorum superficia-
noter qu'un certain nombre de vocations pour la lis, FDS) s'insérant sur le corps de P2 par deux bandelettes
chirurgie de l'épaule sont nées de la désespérance (figure 8.1). Cette séparation en deux bandelettes se fait
due à la pratique de la chirurgie des tendons au niveau de la poulie A2 (doigt en extension), formant
fléchisseurs, dont le résultat reste parfois très une ouverture large par laquelle passe le fléchisseur pro-
aléatoire et dépendant plus du patient que du fond. Le fléchisseur superficiel une fois séparé en deux par-
chirurgien… Nous avons réuni dans ce chapitre ties prend le nom de chiasma de Camper et chemine en
les recommandations visant à réaliser une répara- situation profonde, sous le fléchisseur profond, avant de
tion tendineuse dans de bonnes conditions. Bon s'insérer sur la partie proximale de P2. Ces tendons sont
courage ! le prolongement de deux muscles, le muscle fléchisseur
profond des doigts et le muscle fléchisseur superficiel des
doigts. Leur fonction est d'autoriser l'occlusion de la main
Notions de base et donc la préhension. D'autres muscles interviennent
dans le fonctionnement de la main en occlusion (adduc-
L'anatomie, la physiologie et la biomécanique des tendons teurs, interosseux, lombricaux, opposants), que nous ne
fléchisseurs ne peuvent être résumées en quelques lignes. détaillerons pas.

Figure 8.1
Tendon fléchisseur profond s'insérant sur P3 et superficiel s'insérant sur P2. Noter le chiasma de Camper formé par la séparation du
fléchisseur superficiel en deux bandelettes avant leur insertion sur P2.
A. Vue latérale. B. Vue antérieure.
Source : Kamina P. Anatomie clinique (tome 1). Anatomie générale - membres. Paris, 2009 © Edition Maloine. Reproduction autorisée.

138
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
8. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons fléchisseurs

Chacun des deux muscles fléchisseurs (profond et pagne les fléchisseurs de l'auriculaire et du pouce depuis le
superficiel) se termine par quatre tendons à partir du tiers tiers distal de l'avant-bras jusqu'au niveau de leur insertion
distal de l'avant-bras et avant le canal carpien. Seuls les distale. Pour les autres doigts longs, la gaine digitale débute
tendons cheminent dans le canal carpien en compagnie 10 mm avant le pli de flexion palmaire. Cette gaine syno-
du nerf médian, sauf anomalie anatomique. Le FPL a son viale comporte un feuillet profond au contact du tendon
propre corps musculaire. La vascularisation des tendons est (épitendon) et un feuillet externe (paratendon) (figure 8.3).
assurée en zone proximale par le péritendon, puis par les Entre ces deux feuillets circule le liquide synovial produit
vincula (lames vasculaires en provenance des artères colla- par le péritendon.
térales) en zone intermédiaire, puis par l'os et le périoste au La vascularisation est assurée par des lames porte-vais-
niveau de leur insertion distale. seaux (vincula, figure 8.4) avec des artères communicantes
Les tendons fléchisseurs sont entourés par une gaine provenant des artères collatérales.
synoviale (figure 8.2) qui permet un meilleur glissement des La gaine digitale dans laquelle cheminent les tendons
surfaces tendineuses et qui les nourrit. Cette gaine accom- fléchisseurs est une succession de cinq poulies annu-
laires et trois poulies cruciformes (figure 8.5), dont le rôle
est de plaquer les tendons contre le squelette osseux
afin d'éviter qu'ils ne « prennent la corde ». Les poulies
cruciformes ont un rôle mécanique mineur, assurant la
nutrition des tendons. Les poulies annulaires ont un rôle
mécanique majeur à un degré variable. Si A1 peut être
sectionnée sans retentissement mécanique (geste réalisé
classiquement dans le traitement des doigts à ressaut),
A2 et A4 doivent être préservées sous peine de perdre
la capacité d'occlusion complète de la main. Toutefois,
comme nous le verrons plus tard, les dogmes évoluent
et une approche plus pragmatique est maintenant auto-
risée. Le pouce comporte trois poulies annulaires et une
poulie oblique.
Enfin, la main est divisée en cinq zones (figure 8.6). La
Figure 8.2 zone V correspond au tiers distal de l'avant-bras avant
Répartition des gaines synoviales dans la main. l'entrée dans le canal carpien. La zone IV correspond au
Source : Taleb C et Liverneaux P. Orthopédie - Traumatologie. Lésions récentes des canal carpien. La zone III correspond à la paume de la
tendons fléchisseurs des doigts. EMC - Techniques chirurgicales 2016 : 16-44 [Article
44-388]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée. main avant l'entrée dans le canal digital. La zone II, encore

paratendon

Tendon
Artère
Mesotendon

épitendon
Figure 8.3
Structure de la gaine synoviale.

139
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 8.4
Tendons fléchisseurs profond et superficiel avec les vincula et leur vascularisation en provenance des artères collatérales. Division en
zones I et II du canal digital.
A. Vue antérieure. B. Vue latérale.
Source : Taleb C et Liverneaux P. Orthopédie - Traumatologie. Lésions récentes des tendons fléchisseurs des doigts. EMC - Techniques chirurgicales 2016 : 16-44 [Article 44-388]. © Elsevier
Masson SAS. Reproduction autorisée.

Ligament
transverse
superficiel

A1 A2 C1 A3 C2 A4 C3 A5

A B
Figure 8.5
Répartition des poulies.
A. Doigts longs. B. Pouce.
Source : Taleb C et Liverneaux P. Orthopédie - Traumatologie. Lésions récentes des tendons fléchisseurs des doigts. EMC - Techniques chirurgicales 2016 : 16-44 [Article 44-388]. © Elsevier
Masson SAS. Reproduction autorisée.

140
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
8. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons fléchisseurs

Quand poser l'indication opératoire


Jusque dans les années 1970, la règle était de réaliser des
greffes secondaires mais pas de réparation en urgence,
notamment dans le canal digital. C'est Kleinert [1] qui, le
premier, a proposé de réaliser des réparations en urgence
des tendons fléchisseurs en y associant une rééducation
postopératoire immédiate. Son travail communiqué en
1967 au congrès annuel de l'ASSH fut à ce point contesté,
en particulier par Boyes (fervent partisan de la greffe secon-
daire et qui en avait établi les règles dès 1955), que l'ASSH
envoya trois chirurgiens (McCormack, Eyler et Weeks) pour
examiner les patients de Kleinert [2] !
Le consensus actuel est qu'il faut intervenir le plus
rapide­ment possible, pour plusieurs raisons :

une section d'un tendon fléchisseur est habituellement
due à un agent extérieur avec un risque de contamination
septique pouvant entraîner un phlegmon ou une fasciite :
Figure 8.6 il convient de réaliser un parage des parties molles et un
Répartition de la face palmaire de la main en zones I à V. lavage de la gaine dans les heures suivant la blessure ;
Source : Taleb C et Liverneaux P. Orthopédie - Traumatologie. Lésions récentes des ●
il y a un risque de rétraction tendineuse augmentant au
tendons fléchisseurs des doigts. EMC - Techniques chirurgicales 2016 : 16-44 [Article
44-388]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée. fil du temps : si la rétraction est trop importante, la suture
directe sera impossible et il faudra se résoudre à réaliser
une greffe tendineuse en un ou deux temps en fonction du
appelée no man's land, est le canal digital dans lequel che- niveau de rétraction ;
minent fléchisseurs superficiel et profond : c'est la zone de ●
d'une manière générale, le taux de complications aug-
tous les dangers en raison de l'étroitesse du canal digital, mente si la réparation intervient au-delà de la 72e heure [3, 4].
de la présence des deux tendons et du risque de survenue En cas de diagnostic tardif, on estime qu'une suture
d'adhérences. La zone I correspond à la partie terminale du directe bord à bord est encore possible jusqu'à 5 semaines
canal digital, où le fléchisseur profond chemine seul avant du traumatisme initial.
de s'insérer sur P3.

Voie d'abord et technique


But de l'intervention chirurgicale
Retour à l'état antérieur, c'est-à-dire récupération d'une
On fera la différence entre les lésions en zone I ou à la jonc-
occlusion active complète et d'une force de serrage équiva-
tion I–II et les lésions en zone II.
lente au côté opposé.
Une voie d'abord chirurgicale de la main et des doigts
Il s'agit d'une chirurgie exigeante sur le plan technique
(figure 8.7) a pour but d'avoir accès aux structures à réparer
et qui demande un biotope particulier : une chirurgie réa-
en évitant les cicatrices rétractiles ou les nécroses cutanées.
lisée dans les règles de l'art mais sans possibilité de réédu-
Plusieurs règles sont à respecter :
cation spécialisée ou d'accès à un orthésiste est vouée à ●
éviter les incisions perpendiculaires aux plis de flexion
l'échec.
(risque de brides) ;

abord permettant un accès à la gaine des fléchisseurs
ainsi qu'aux pédicules ;

éviter les nécroses cutanées.

141
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 8.8
Positionneur de main servant à stabiliser les doigts en extension,
main à plat.

sions doivent être limitées au strict minimum : plus l'incision


sera grande, plus la réparation tendineuse sera exposée à des
Figure 8.7
phénomènes inflammatoires cicatriciels avec risque d'adhé-
Voies d'abord de la face palmaire de la main.
Source : Taleb C et Liverneaux P. Orthopédie - Traumatologie. Lésions récentes des rences. Le bilan lésionnel doit évaluer le fléchisseur profond,
tendons fléchisseurs des doigts. EMC - Techniques chirurgicales 2016 : 16-44 [Article le fléchisseur superficiel, les poulies et les deux pédicules. À ce
44-388]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée.
stade, il faut réaliser le parage de la porte d'entrée et le lavage
de la gaine. Il existe habituellement une rétraction plus ou
Une voie d'abord pour réparation de fléchisseur peut par- moins importante de la partie proximale du ou des fléchis-
fois nécessiter l'ouverture du canal carpien suivant le niveau seurs en fonction de la position des doigts lors du trauma-
de section et de rétraction, sachant que, par principe, les inci- tisme (pliés ou tendus). En cas d'atteinte isolée du fléchisseur
sions doivent être limitées au strict minimum pour éviter les profond en zone I, la partie proximale est parfois retrouvée
adhérences cicatricielles. On veillera à inciser le canal carpien au niveau du chiasma de Camper. Si les vincula sont intactes,
de telle sorte (plastie de Kapandji, par exemple) qu'une répa- elles peuvent également limiter la rétraction tendineuse.
ration de celui-ci soit possible afin de ne pas entraver le posi-
tionnement et la rééducation protégée en postopératoire. Récupération du moignon proximal
Rappelons qu'il est nécessaire pour obtenir une bonne
exposition d'utiliser un positionneur de main (figure 8.8),
(ou distal) et préparation à la suture
qui remplace la «main de plomb» interdite à l'utilisation à Il faut éviter toute attrition des extrémités tendineuses ainsi
cause du plomb actuellement en Europe. que les manipulations traumatiques du canal digital. En
Le principe de la réparation chirurgicale d'un tendon est de général, la partie proximale du tendon a reculé dans le canal
remettre bout à bout les deux parties du tendon sectionné digital : il faut la récupérer et pouvoir faire passer le tendon
en réalisant une suture «étanche» avec un contour régulier. au travers de la gaine digitale et des poulies jusqu'à la zone
Le tendon réparé doit pouvoir coulisser dans la gaine digitale de suture. Trois solutions existent :
et franchir les poulies (et le chiasma pour le fléchisseur pro- ●
passer un fil de suture en cadre dans le tendon, faire pas-
fond), qui sont calibrées au plus juste par rapport au diamètre ser les deux extrémités du fil à travers le canal digital puis
des tendons. Une suture tendineuse prend souvent un aspect tracter le tendon ;
en «patte d'éléphant» avec un élargissement tendineux en ●
réaliser une contre-incision dans le pli de flexion pal-
regard de la zone de suture : il y a alors un risque de conflit avec maire et pousser le tendon à l'aide d'une pince, ce qui per-
les poulies — nous verrons plus loin comment le résoudre. met d'éviter d'abîmer la zone de suture (figures 8.9 à 8.12) ;
L'intervention débute habituellement par l'agrandisse- ●
prendre un Carroll tendon passer (pince d'extraction) ou un
ment mesuré de la plaie initiale si celle-ci est de petite taille mini-doigtier japonais (commercialisé par l'industriel Arthrex),
(plaie pas pointe de couteau, par exemple). Des incisions de très élégant, qui permettra de prendre le moignon rétracté dans
Bruner sont réalisées permettant d'exposer la plaie. Ces inci- le canal digital.
142
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
8. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons fléchisseurs

Figure 8.9 Figure 8.12


Perte de cascade digitale en faveur d'une section tendineuse. On voit apparaître le moignon proximal du fléchisseur profond
Plaie en zone II. entre A2 et A4.

Figure 8.10
Le canal digital est vide. On perçoit l'insertion de la bandelette Figure 8.13
ulnaire du fléchisseur superficiel mais le fléchisseur profond est Le moignon proximal ne peut s'engager dans A4 : on réalise un
absent entre C3 et A5. point de traction pour le faufiler au travers des poulies.

Figure 8.11
Réalisation d'une contre-incision dans le pli de flexion palmaire.
On aborde le canal digital et on pousse le fléchisseur profond de Figure 8.14
proximal en distal à l'aide de deux pinces d'Adson. Traction atraumatique du tendon.

Une fois le tendon faufilé au travers des poulies et le bloquer en utilisant une aiguille transfixiant le tendon
(figure 8.13), il faut le tracter un peu plus que sa tension au travers d'une des poulies (figure 8.15) — attention à ne
physiologique pour extérioriser une zone d'environ 10 mm, pas prendre une aiguille dont le biseau serait trop agressif et
nécessaire (pour permettre la suture transverse à au moins qui risquerait de couper le tendon.
7 ou 8 mm de l'endroit de rupture) à la suture (figure 8.14),
143
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Quel type de suture (en zone II) ?


Il existe de très nombreuses techniques de suture d'un ten-
don. Kessler [5] a proposé une suture en cadre par deux
fils avec des nœuds extériorisés (figure 8.16A). Il s'agit d'une
technique dite à deux brins. Un surjet épitendineux y est
souvent associé, qui renforce de 20 % la résistance de la
suture. Le point de Kessler modifié (Kessler-Tajima) est iden-
tique mais réalisé avec deux nœuds à l'intérieur du tendon
(figure 8.16B). L'avantage théorique de cette suture en cadre
était également d'avoir des nœuds non extériorisés pour
Figure 8.15 éviter les adhérences cicatricielles. Or, on a montré depuis
Le moignon proximal du fléchisseur profond est bloqué par une que la position des nœuds (à l'extérieur ou à l­'intérieur
aiguille dans la poulie A4 pour éviter son recul.

B C

D
Figure 8.16
Suture d'un tendon.
A. Suture à deux brins de Kessler. B. Suture à deux brins de Kessler-Tajima. C. Suture de Mac Larney à quatre brins. D. Suture à six brins modifiée
selon Tang. E. Tension «idéale» d'une suture tendineuse qui doit prévoir et empêcher l'apparition d'un espace intertendineux.
Dessin : Cyrille Martinet

144
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
8. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons fléchisseurs

du tendon) n'avait pas d'incidence sur le résultat clinique. ans et sa résistance mécanique a été testée dans de nom-
Cette technique peut encore être utilisée à condition de breuses études [12, 13] ; il n'y a pas de différence de résis-
réaliser un double Kessler modifié au PDS® 4/0 (suture à tance entre un fil résorbable et un fil non résorbable dans
quatre brins) associé à un surjet épitendineux au Prolène® les quatre premières semaines après implantation. Le fil non
5/0. On prendra soin de fixer la suture en amont et en aval résorbable utilisable peut être un monofilament — Ethilon®
de la rupture à au moins 7 à 8 mm. Une alternative qui ne (PMD Medica), Ethybon® (Éthicon), Supramid® (B. Braun),
nécessite pas de fil bouclé est la suture de McLarney (à Prolène® (Éthicon), Ticron® (MedTronic) — ou un fil tressé
quatre brins, figure 8.16C) [6]. voire du FiberWire® (Arthrex). Avec le fil tressé non résor-
Actuellement, il existe un consensus [7] pour privilé- bable type FiberWire®, le fil oppose une meilleure résistance
gier une suture à au moins quatre brins, voire six brins au glissement mais il est nécessaire de réaliser au moins six
comme la suture de Tang modifiée (figure 8.16D). Cette boucles lors des nœuds, ce qui augmente son encombre-
suture est réalisée à partir de deux fils de Tsuge dont l'un ment [14]. De fait, il n'y a pas de consensus dans la littérature
réalise un hémicadre. On obtient ainsi une suture à six sur l'utilisation d'un fil résorbable ou non résorbable pour la
brins qui ne nécessite pas, en théorie, de surjet péritendi- réparation des tendons fléchisseurs, aussi étonnant que cela
neux complémentaire [8], bien que nous préférions dans puisse paraître. Une étude parue récemment sur les habi-
notre pratique quotidienne conserver le surjet périphé- tudes des chirurgiens américains relève qu'outre-Atlantique,
rique. Une étude récente a démontré la supériorité de la suture des fléchisseurs se fait à l'aide de fil non résorbable
ce type de suture comparée à la suture à deux brins de dans plus de 92 % des cas [7].
Kessler [9]. Un nouveau type de fil est apparu récemment, permet-
La zone de suture doit être suffisamment étendue tant de réaliser des sutures sans nœud. Ce fil comporte des
de part et d'autre de la zone de rupture tendineuse (7 à ardillons sur toute sa longueur qui empêchent en théorie le
10 mm) pour assurer la solidité de la réparation. Il existe recul de la suture. Le principe de la suture à quatre brins est
une résorption de la zone traumatique pendant la phase de conservé mais se termine par plusieurs allers-retours dans
cicatrisation ; si la suture est trop proche de cette zone de un axe perpendiculaire au tendon avant de couper le fil au
résorption, il existe un risque de rupture précoce. ras du tendon sans nœud. Si de nombreuses études bio-
La suture doit être réalisée en tension (figure 8.16E) mécaniques ont été réalisées [15, 16], il n'existe pas actuel-
pour éviter l'apparition d'un espace intertendineux (gap) lement d'article rapportant une expérience clinique pour la
lors de la mobilisation. Cet excès de tension entraîne un réparation des tendons fléchisseurs chez l'Homme.
élargissement de la zone de suture (aspect en «patte d'élé-
phant») [10]. Ces modifications survenant dès la mise
en tension, l'utilisation d'une chirurgie sans garrot et sous Notre conseil
anesthésie locale telle que décrite par Donald Lalonde [11] Suture utilisant au minimum quatre brins 3/0 ou 4/0
prend alors tout son sens : une fois la suture réalisée, on avec un fil non résorbable monofilament ou du PDS® (fil
demande au patient de mobiliser ses doigts, ce qui permet résorbable) et un surjet péritendineux au Prolène® 5/0.
d'ajuster la tension de la suture et de vérifier l'absence de
conflit avec les poulies.
Faut-il préserver les poulies ?
Quel fil ? Pendant des années, le dogme était de préserver les poulies
Il faut utiliser du 3/0 ou du 4/0 avec une suture à quatre ou A2 et A4, considérées comme étant essentielles au bon
six brins. Avec une suture à six brins, un surjet péritendi- fonctionnement des chaînes digitales et à la récupération
neux n'est, en théorie, pas nécessaire. Attention toutefois d'une force de serrage. En réalité, il faut faire preuve de
au conflit avec les poulies : l'avantage du surjet péritendi- logique. Pour obtenir un enroulement des chaînes digitales,
neux est de redonner la forme tubulaire au tendon et d'évi- il faut que le fléchisseur profond reste au contact du sque-
ter que les bords du tendon viennent se bloquer à l'entrée lette osseux avec des points d'ancrage correspondant aux
des poulies. articulations. Si une ou plusieurs poulies correspondant au
Le fil utilisé peut être résorbable ou non résorbable. Le fil pli de flexion des articulations ont été ouvertes, les tendons
résorbable le plus fréquemment utilisé en France est le PDS® vont prendre la corde lors de l'enroulement digital, ce qui
(Éthicon, polyioxanone). Ce fil existe depuis plus de vingt diminue la force de serrage et l'occlusion active des doigts.

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La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Le tendon prenant le chemin le plus court sans être plaqué si nécessaire. L'incision de la poulie peut être latérale, cen-
contre le squelette osseux apparaît sous la peau : c'est l'as- trale ou comporter une zone de résection [17] (figure 8.17A).
pect dit en corde d'arc (bowstringing). On considère actuel- Dubert et Kalifa [18] ont proposé un artifice permet-
lement qu'il est possible d'ouvrir la poulie A4 en totalité tant de dégager de l'espace de glissement en réséquant un
(figures 8.17B et 8.18) et la poulie A2 sur les deux tiers de sa triangle de part et d'autre de la poulie (figure 8.19).
longueur afin de faciliter le glissement des tendons dans le À partir des travaux de Tang [10, 17] et Moriya [19], il
canal digital une fois la suture réalisée (vidéo .8.1 et est possible de proposer un algorithme pour l'ouverture
vidéo 8.2). Les tendons ­fléchisseurs ayant une course de 15 des poulies en fonction du niveau d'atteinte des tendons
à 20 mm lors des mouvements de flexion extension, les (figure 8.20).
poulies peuvent être ouvertes sur une distance équivalente

Faut-il réparer le fléchisseur superficiel ?


Cette question qui paraît iconoclaste est en réalité tout
à fait fondée. La suture d'un tendon se traduit par une
augmentation du diamètre tendineux sur la zone de
suture. La suture d'un deuxième tendon en zone II aug-
mente d'autant plus le volume tendineux et entraîne un
conflit avec les poulies. L'opérateur a le choix entre trois
solutions qui peuvent être associées si nécessaire :

incisions des poulies, qui est réalisée de façon quasi
systématique en pratique courante, telle que décrite
précédemment ;

excision d'une des bandelettes du fléchisseur super-
ficiel : la résection de la bandelette ulnaire du fléchis-
seur superficiel est d'ailleurs réalisée couramment
dans la chirurgie du doigt à ressaut (USSR procedure) ;

excision du fléchisseur superficiel comme proposé
par Tang [20], ce qui règle dans le même temps un
éventuel conflit avec le chiasma de Camper.

A Cas particulier du pouce


Le pouce comporte un seul tendon fléchisseur et quatre
poulies dont une oblique. Pan et al. [21] ont rapporté
dans une étude récente leur expérience de la réparation

Figure 8.17
Ouverture de poulie.
A. Trois façons d'ouvrir des poulies. B. La suture du fléchisseur
profond présente un aspect en «patte d'éléphant», ce qui
nécessite le sacrifice de C3 et l'ouverture de A4 afin de permettre le Figure 8.18
glissement tendineux. On teste l'enroulement du doigt et l'absence de conflit avec les
Dessin : Cyrille Martinet poulies en tractant le tendon réparé (fléchisseur profond).

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Dr A.AMINE Recherche bibliographique
8. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons fléchisseurs

A B
Figure 8.19
Plastie de poulie selon Dubert et Kalifa.
Dessin : Cyrille Martinet

Figure 8.20
Stratégie d'ouverture des poulies en fonction du niveau lésionnel proposée par Tang.
Dessin : Cyrille Martinet

147
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

des ­sections du flexor pollicis longus et la conduite à tenir


concernant les poulies. La règle est simple : n'importe
laquelle de ces poulies peut être ouverte en totalité à condi-
tion de conserver les autres. Les règles de suture sont les
mêmes que celles pour les tendons fléchisseurs des doigts
longs (nature du fil, nombre de brins, type de suture, etc.).

Suites opératoires
Il est essentiel de disposer d'une équipe de kinésithéra-
peutes spécialisés ainsi que d'un orthésiste capable de réali-
ser des orthèses thermoformées.
Le protocole que nous décrivons correspond à une répara-
tion tendineuse à quatre brins avec surjet péritendineux ou à
six brins avec ou sans surjet péritendineux. La réparation ten-
dineuse est protégée par une coque de protection postérieure
pour une durée de 6 semaines. Cette coque est réalisée au
bloc opératoire en résine et changée à J8 pour être remplacée
par une orthèse thermoformée (figure 8.21). Elle maintient le
poignet en flexion à 30°, avec une flexion à 70° des MCP, les IP
étant laissées en rectitude. On considère actuellement que le
poignet peut être laissé en rectitude, à condition d'avoir des
sutures tendineuses comportant au moins quatre brins.
La rééducation est commencée 3 à 4 jours après l'inter-
vention à un rythme de cinq séances par semaine. Il s'agit
d'une rééducation avec mobilisation active des chaînes
digitales en évitant les efforts contre résistance pendant les
deux premiers mois. Le patient est encouragé à enlever son
attelle toutes les deux heures pour mobiliser ses doigts. Le
reste de la journée et la nuit, l'attelle doit être conservée. Il
est important de revoir le patient à J8, J21, J45 et J90 pour
s'assurer du respect et de la bonne compréhension des
consignes postopératoires. Une désinfection régulière de la
surface cutanée diminue l'inconfort du port de l'attelle. Un
bas en jersey peut être porté en dessous de l'attelle.

Pièges

Impossibilité de suture directe du ou des tendons sur
une plaie survenue quelques semaines au préalable :
en cas de prise en charge retardée d'une lésion tendineuse
(figure 8.22), le risque principal est l'impossibilité de suture
bord à bord en raison de la rétraction du moignon proxi-
mal. Il faut demander une échographie en préopératoire
pour localiser le moignon proximal et évaluer la distance
séparant les deux parties du tendon. Au-delà de 20 mm
d'écart, la suture primaire peut être compromise sans geste
Figure 8.21
additionnel (allongement à la jonction tendino-musculaire, Orthèse thermoformée de protection après réparation
greffe en un ou deux temps). d'un ou de plusieurs tendons fléchisseurs.
Source : photographies de C.-H. Tisseront.
148
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
8. Lésions traumatiques desSCI-MED
tendons fléchisseurs

A B
Figure 8.22
Suture tardive à 3 semaines chez une jeune fille âgée de 6 ans.
A. Suture primaire des tendons fléchisseurs profond et superficiel après recoupe minimale des moignons. B. Aspect après suture des deux
fléchisseurs et du nerf collatéral radial de l'index.


Un seul tendon retrouvé dans le canal digital : il ●
Occlusion active incomplète avec déficit de flexion
peut s'agir d'une variation anatomique comme c'est le cas active de l'IPD : il s'agit en général d'adhérences. Faire réaliser
pour le fléchisseur superficiel du cinquième rayon qui peut une échographie pour s'assurer que le tendon n'est pas rompu.
être absent. La rétraction du fléchisseur profond peut être S'il s'agit bien d'adhérences, il faut poursuivre la rééducation,
plus limitée que celle du superficiel — surtout en zone II une ténolyse pouvant s'envisager vers le 4e mois postopératoire.
proximale et en zone III, étant donné la présence des lom- ●
Flessum irréductible survenant dans les 3 pre-
bricaux : ceux-ci empêchent la migration proximale du ten- mières semaines : de mauvais pronostic, il s'agit d'une
don contrairement au fléchisseur superficiel. cicatrisation fibreuse avec adhérences provoquant un
bloc fibreux majeur. À ce stade, une réintervention
précoce est nécessaire avec parfois sacrifice du tendon
Gestion des échecs réparé pour préparer une greffe en deux temps.

Rupture secondaire du ou des tendons fléchisseurs
réparés : ce peut être le cas jusqu'à 3 mois (jour pour jour) pos-
topératoire. Il s'agit d'une complication rare mais possible (sous
réserve d'avoir réalisé une suture à quatre ou six brins) dont la
faute incombe généralement au patient (absence de suivi des
consignes, non-port de l'attelle, reprise des efforts de façon trop
précoce). Il faut réaliser une échographie pour confirmer le dia-
gnostic et localiser le moignon proximal. En général, on retrou-
vera le fil de suture intact, ce qui illustre que le type de suture
détermine en grande partie la tenue lors de la rééducation. Le
type de réparation dépend de la précocité du diagnostic.

En cas d'impossibilité de réparation de la rupture,
une interposition tendineuse (palmaris longus) peut être
envisagée. Ceci ne donnera jamais les mêmes résultats
qu'une suture primaire couronnée de succès, mais au moins
elle permettra une flexion du doigt atteint. On préférera
pour la suture distale une suture de type TILT (Transverse
Intraosseous Loop Technique) (figure 8.23) décrite par Yot-
Figure 8.23
sumoto [22] et en proximal une suture de type Pulvertaft Technique TILT qui peut être utilisée pour les lésions en zone I ou
(en proximal de la zone II des fléchisseurs). les reconstructions tendineuses.
Dessin : Cyrille Martinet
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La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Références
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method. J Orthop Sci 2005;10(5):515–20.

151
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 9
Jersey finger

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 154
Notions de base 154
But de l'intervention 155
Quand poser l'indication opératoire 155
Voie d'abord et technique chirurgicale 155
Suites opératoires 161
Pièges 163
Gestion des échecs 163

La main traumatique
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Préambule le terme de «jersey finger» mais aussi de «rugby finger» sans


distinction pour désigner la même pathologie. Cet effet de
En chirurgie de la main, certaines pathologies trau- traction brutale alors que le doigt est fléchi volontairement
matiques ont tendance à être difficiles à diagnos- entraîne l'arrachement de l'enthèse du FDP [4]. L'atteinte est
tiquer [1]. Il en va ainsi du jersey finger comme de surtout retrouvée sur les doigts longs, rarement le pouce.
la luxation périlunaire du carpe et de la fracture C'est l'annulaire qui est le plus souvent touché [5, 6].
du scaphoïde carpien [2, 3]. Véritable piège pour Pour rappel, le tendon du FDP circule dans une gaine inex-
l'urgentiste et le jeune interne, cette pathologie est tensible dans laquelle il va avoir tendance à se rétracter après
d'autant plus importante à connaître et à recon- que son insertion distale s'est rompue. L'importance de cette
naître que le résultat dépendra de la qualité et de rétraction dépend du type d'arrachement. Si seule l'enthèse
la précocité de la prise en charge initiale [3]. Nous a été arrachée sans os, le tendon peut remonter jusqu'à la
avons réuni dans ce chapitre les recommandations MCP voire la paume de la main et sera d'autant plus diffi-
devant vous permettre de faire le diagnostic et le cile à réinsérer. Si en revanche la désinsertion s'accompagne
traitement adapté et précoce du jersey finger. d'une fracture parcellaire de la base de P3, alors, le fragment
osseux augmentant le diamètre du tendon, celui-ci reste blo-
Notions de base qué dans le canal et évite une rétraction trop importante. Le
diagnostic se fait alors à la radiographie sur la présence d'une
Le jersey finger est un traumatisme le plus souvent fermé de petite image calcifiée en «coup d'ongle» se projetant dans le
l'extrémité d'un doigt long le plus souvent par arrachement canal digital sur la radiographie de profil (figure 9.2) [1].
de l'insertion distale du tendon flexor digitorum profundus
(FDP, fléchisseur profond des doigts) sur P3 (figure 9.1) avec
ou sans fracture parcellaire associée. Il s'agit donc d'une
lésion de l'appareil fléchisseur en zone I le plus souvent par
avulsion [2].
L'anatomie, la physiologie et la biomécanique des tendons
fléchisseurs sont exposées dans le chapitre 8 consacré aux
ruptures des tendons fléchisseurs. Le jersey finger regroupe
les ruptures et désinsertions du fléchisseur profond des
doigts en zone I. Cette lésion est le plus souvent provoquée
par une traction excessive transmise à l'extrémité du doigt
alors que celui-ci est fléchi : on veut retenir un joueur de
l'équipe adverse qui court vers l'embut en le saisissant par le
col de son maillot en coton très résistant (en jersey) [4] ; ces
traumatismes étaient rencontrés régulièrement au rugby à
une époque maintenant révolue puisque les maillots sont en Figure 9.2
synthétique et moulant. Les Anglo-Saxons utilisent d'ailleurs Radiographie montrant la fracture bloquée dans le canal digital.

Figure 9.1
Tendon fléchisseur profond des doigts (flexor digitorum profundus, FDP) et tendon fléchisseur superficiel des doigts (flexor digitorum
superficialis, FDS).
Source : Kamina P. Anatomie clinique (tome 1). Anatomie générale - membres. Paris, 2009 © Edition Maloine. Reproduction autorisée.

154
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
9. Jersey finger

Ligament
transverse
superficiel

A1 A2 C1 A3 C2 A4 C3 A5

Figure 9.3
Agencement des poulies cruciformes et annulaires.
Source : Taleb C et Liverneaux P. Orthopédie - Traumatologie. Lésions récentes des tendons fléchisseurs des doigts. EMC - Techniques chirurgicales 2016 : 16-44 [Article 44-388]. © Elsevier
Masson SAS. Reproduction autorisée.

La gaine digitale dans laquelle cheminent les ten- Quand poser l'indication opératoire
dons fléchisseurs est une succession de cinq poulies
annulaires et trois poulies cruciformes (figure 9.3), Il faut intervenir le plus rapidement possible pour limiter la
dont le rôle est de plaquer les tendons contre le rétraction tendineuse. En cas de rétraction, il faudra récupé-
squelette osseux afin d'éviter qu'ils ne « prennent la rer le tendon en zone proximale, avec le risque de lésion lors
corde ». Cet ensemble constitue macroscopiquement de sa remise en place dans la gaine [2, 3, 6]. Il faut penser au
une gaine quasiment continue dans laquelle le trajet jersey finger devant un mécanisme évocateur, un doigt aug-
des deux tendons fléchisseurs est réglé au millimètre. Il menté de volume en crochet impossible à fléchir totale-
faut absolument protéger cet espace de tout trauma- ment. L'hématome est souvent important, le doigt tuméfié,
tisme, au risque d'entraîner des adhérences à l'origine avec une impossibilité de fléchir P3 sur P2. On évitera dès
de raideurs importantes. Le traitement devra en tenir le diagnostic évoqué de réaliser des manœuvres de flexion
compte. répétées contrariées qui risquent d'augmenter la rétrac-
tion du moignon proximal. Les examens complémentaires
comprennent la radiographie simple montrant l'extrémité
But de l'intervention du tendon en cas d'arrachement osseux (figure 9.2) [7] et
l'échographie montrant un épanchement, un canal digital
Retour à l'état antérieur, c'est-à-dire récupération d'une vide en distalité et une extrémité tendineuse bloquée dans
occlusion active complète et d'une force de serrage équiva- le canal à distance de son insertion distale [7].
lente au côté opposé [7].
Il s'agit d'une chirurgie exigeante et rigoureuse qui peut
donner de bons résultats pour autant qu'elle respecte bien Voie d'abord et technique
certaines règles incontournables dans la chirurgie tendi-
neuse. Il faut respecter le tendon, sa vascularisation et son chirurgicale
canal digital.
On s'adaptera en fonction de la position du moignon
proximal du tendon.

155
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Un marquage pourra être fait sur la peau. La radiographie


apporte parfois le diagnostic (figure 9.2). En aucun cas il ne
faudra attendre le résultat d'une IRM, souvent faite tardi-
vement, pour poser l'indication opératoire, qui doit être
portée de façon optimale entre J1 et J15 [8].
L'intervention débute habituellement par la réali-
sation d'une voie d'abord transversale la plus proche
de l'extrémité précédemment repérée pour récupérer
le moignon tendineux. Ensuite, il faut pousser l'extré-
mité en regard d'une poulie cruciforme, l'inciser et
récupérer le tendon. Après avivement, une suture en
hémicadre est réalisée sur l'extrémité tendineuse et le
Figure 9.4
fil utilisé comme fil tracteur jusqu'à l'incision la plus
Voies d'abord digitales et palmaires. distale en regard de l'IPD face palmaire pour amener le
Source : Taleb C et Liverneaux P. Orthopédie - Traumatologie. Lésions récentes des tendon jusqu'à son insertion distale orthotopique afin
tendons fléchisseurs des doigts. EMC - Techniques chirurgicales 2016 : 16-44 [Article
44-388]. © Elsevier Masson SAS. Reproduction autorisée. de le réinsérer après un avivement local. Donc, dans
l'ordre :

abord en amont de l'extrémité tendineuse ;
Une voie d'abord chirurgicale de la main et des doigts a ●
guidage du tendon doigt fléchi jusqu'à la poulie cruci-
pour but d'avoir accès aux structures à réparer en évitant
forme distale la plus proche ;
les cicatrices rétractiles ou les nécroses cutanées. Plusieurs ●
incision et récupération de l'extrémité du tendon,
règles sont à respecter :
avivement ;

éviter les incisions perpendiculaires aux plis de flexion ●
sutures en hémicadre ;
(risque de brides) ; ●
guidage du fil et du tendon dans le canal digital ;

abord permettant un accès à la gaine des fléchisseurs ●
récupération en regard de l'IPD ;
ainsi qu'aux pédicules ; ●
réinsertion.

éviter les cicatrices trop proches car pourvoyeuses de
Il est toujours nécessaire de plier le rayon digital, surtout
nécroses cutanées.
si la réparation est tardive et le corps musculaire un peu
Une voie d'abord pour réparation d'un jersey finger peut
rétracté. Parfois, le tendon est rétracté et bloqué dans sa
parfois nécessiter l'ouverture de l'ensemble du canal digital
gaine. Il faudra alors aborder juste à l'aplomb de l'extrémité
pour récupérer l'extrémité du tendon à réinsérer, mais ceci
tendineuse pour la «désenclaver».
doit rester exceptionnel sachant que, par principe, les inci-
sions doivent être limitées au strict minimum pour éviter
les adhérences cicatricielles (figure 9.4). Récupération du moignon proximal
Le principe de la réparation chirurgicale d'un tendon en Il faut éviter toute attrition des extrémités tendineuses
zone I est d'abord d'identifier en préopératoire (radiogra- ainsi que les manipulations traumatiques du canal digital.
phie, échographie) l'extrémité libre dans le canal digital, ce En général, la partie proximale du tendon a reculé dans le
qui permet de réduire le nombre des voies d'abord. On réa- canal digital de plusieurs centimètres : il faut la récupérer et
lisera plutôt des voies transversales dans les plis de flexion pouvoir faire passer le tendon au travers de la gaine digitale
digitaux. Le tendon réparé doit pouvoir coulisser dans la et des poulies jusqu'à la zone de réinsertion de façon atrau-
gaine digitale lorsqu'il est tracté par le fil qui sera utilisé matique (éviter une exploration «à l'aveugle» dans le canal
pour la réinsertion et franchir les poulies et le chiasma, qui avec une pince de type Mosquito). Deux solutions existent :
sont calibrées au plus juste par rapport au diamètre des ●
pousser un tube type tube de seringue électrique ou
tendons, et ceci de façon totalement atraumatique. Pour redon de distal en proximal pour déterminer avec précision
repérer l'extrémité libre du tendon, il faut d'abord palper le où il est possible de récupérer l'extrémité du tendon à réin-
canal digital dont la vacuité donne déjà une bonne indica- sérer ; on réalise alors un abord proximal spécifique et il est
tion de la position du tendon. Ensuite, l'échographie est le possible de retrouver électivement l'extrémité tendineuse
maître examen car disponible, très efficace et peu onéreux. (figures 9.5 à 9.7) ;

156
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9. Jersey finger

Figure 9.5 Figure 9.7


Le tube plastic est poussé de distal en proximal jusqu'à arriver en On voit ici le moignon tendineux récupéré au niveau proximal
butée sur le moignon tendineux dans la gaine digitale. par la voie transversale palmaire en regard du pli palmaire
Dessin : Cyrille Martinet proximal du deuxième doigt. Le tube a été poussé jusqu'à l'IPP et
récupéré à ce niveau. Il va être ensuite poussé dans le canal digital
vers la voie d'abord la plus proximale où sort déjà le tendon. Il
faut souvent faire la manœuvre de proche en proche. Le tube
proximal sert ici de repère atraumatique sur le FDS.

Figure 9.8
Figure 9.6 Le tube et le tendon ont été extirpés et la suture réalisée sur le
bout du tendon. Remarquez bien les deux brins suffisamment
Après repérage de la position par soustraction, une voie longs et de la même longueur.
d'abord palmaire est réalisée pour extirper l'extrémité du tube Dessin : Cyrille Martinet
et récupérer, après identification et ouverture de la poulie
cruciforme, le moignon tendineux.
Dessin : Cyrille Martinet

Récupération du moignon proximal



réaliser une contre-incision plus proximale dans un pli au niveau de l'IPD
de flexion palmaire et pousser le tendon à l'aide d'une
pince atraumatique, ce qui permet d'éviter d'abîmer la Pour être le moins traumatique possible, on utilisera le
zone de suture ; mais s'il existe un arrachement osseux même tube que précédemment passé de l'IPD vers la
enclavé, cette méthode est difficilement réalisable. zone où le tendon est extériorisé dans le canal digital de
façon atraumatique. Les deux brins de fil qu'on aura pris
soin de mettre à la même longueur (suture réalisée au
Suture du tendon distal milieu de l'aiguillée) seront passés dans le tube plastique
Il faut prendre un fil de type monofilament non résor- après sacrifice de l'aiguille (figure 9.11). Ainsi, les deux fils
bable 3/0 ou 2/0 que l'on passe en hémicadre (figures 9.8 sont récupérés au niveau de l'IPD et le tube-guide retiré
à 9.10). (figure 9.12). Il suffit alors de positionner avec une pince

157
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 9.12
Le tube-guide est retiré. Le moignon tendineux est poussé avec
une pince d'Adson sans griffe pour se retrouver devant l'entrée
du canal digital, ici la poulie A3. Dans le même temps, les fils de
réinsertion sont utilisés comme fils tracteurs, permettant de faire
progresser le moignon tendineux jusqu'au niveau de l'IPD et de P3.
Dessin : Cyrille Martinet

Figure 9.9
Suture en hémicadre.
Dessin : Cyrille Martinet

Figure 9.13
Vue latérale.
Dessin : Cyrille Martinet
Figure 9.10
Vue palmaire du tendon et du tube. Le doigt est fléchi pour
pouvoir gagner de la longueur. d'Adson mousse le tendon à l'entrée du canal digital et
Dessin : Cyrille Martinet de pousser doucement pour amorcer le mouvement
(figure 9.13). Les fils tracteurs permettent alors de faire
avancer le moignon tendineux dans le canal digital de
façon parfaitement atraumatique jusqu'à son enthèse
originale où sera préparée sa réinsertion (figure 9.14). Il
est également possible de suturer le moignon proximal
du tendon sur le tube. On peut également utiliser une
tige en Silastic de diamètre croissant, en choisissant de
suturer le tendon sur la tranche de section de la tige
de même diamètre : le passage dans le canal digital s'en
trouvera facilité. Récemment sont apparus dans le com-
merce des systèmes de passe-tendon comme le Quick-
Pass Tendon Shuttle® d'Arthrex. Ce système comporte
une tige en plastique semi-rigide se terminant par un
Figure 9.11 filet en forme de doigtier — il ressemble à un doigtier
L'aiguille coupée, les deux fils sont passés dans le tube et poussés
facilement vers son extrémité.
de traction pour les arthroscopies de poignet. Le ten-
Dessin : Cyrille Martinet don est inséré dans le doigtier et peut alors être tracté
158
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
9. Jersey finger

Figure 9.16
Aspect du pull-out.
Dessin : Cyrille Martinet

cette technique permet une rééducation « encadrée »


Figure 9.14 précoce garantissant, à terme, un bon résultat fonc-
Progression du moignon tendineux dans le canal digital. tionnel. Si le fragment osseux avulsé est volumineux,
Dessin : Cyrille Martinet
il est parfois impossible de lui faire parcourir le chemin
inverse dans le canal digital et il est alors plus judicieux
de façon atraumatique dans le canal digital. Il est parfois
de le séparer de l'enthèse, quitte à le repositionner sur
nécessaire de suturer le doigtier de traction au tendon
P3 et à le synthéser ensuite avec le fil du pull-out. Il
par trois points pour stabiliser l'ensemble.
existe également d'autres moyens de réinsérer le ten-
Il faut tracter un peu plus que la tension physiologique
don sur P3 [11] : ancres impactées, vissées, barb-wire,
pour extérioriser une zone d'environ 10 mm nécessaire et
tunnel transversal au travers de P3, etc. Si la méthode
bloquer le tendon en utilisant une aiguille transfixiante au
du pull-out peut paraître désuète avec son risque infec-
travers d'une des poulies (figures 9.14 et 9.15) — attention à
tieux local, les autres méthodes (ancres) ne sont pas
ne pas prendre une aiguille dont le biseau serait trop agres-
non plus exemptes de morbidité (cf. infra, figure 9.20).
sif et qui risquerait de couper le tendon.
La réinsertion commence par un avivement avec
une petite curette de la zone de la base de la phalange
Réinsertion sur P3 distale pour préparer au mieux la suture. Il faut ensuite
La méthode la plus simple, la plus ancienne et l'une insérer au moteur deux broches parallèlement de dia-
des plus solides, est la réinsertion trans-osseuse en mètre 0,8 mm obliquement de proximal en distal et de
pull-out au travers de l'ongle appuyée ou non sur un palmaire à dorsal au travers de P3 pour sortir en trans-
bouton (figure 9.16). Le principe est de réaliser une unguéal à distance de la matrice (figure 9.17, A et B). Sur
double suture trans-osseuse appuyée sur l'ongle. C'est ces broches-guides sont mis en place deux trocarts roses
la méthode la plus ancienne, non dénuée de morbi- de 18 G de l'ongle vers la base de P3, soit dans le sens
dité mais qui reste encore d'actualité [9, 10]. En effet, inverse de l'insertion des broches. Ceci se fait sans dif-
ficultés en tournant doucement l'aiguille sur elle-même
jusqu'à voir son extrémité au niveau de la zone de réin-
sertion (figure 9.17, C et D). Le biseau de l'aiguille est suf-
fisamment tranchant et solide pour faire seul son tunnel.
On peut alors retirer la broche laissant ainsi libre l'âme
de l'aiguille pour y passer l'un des fils. On procédera de
même avec l'autre aiguille et l'autre fil (figure 9.17, E et F).
À la fin de la procédure, on se retrouve donc avec deux
fils attachés à l'extrémité tendineuse passant à travers P3
et sortant à travers l'ongle. Il suffit alors de marier les fils
et de faire une suture solide soit directement sur l'ongle
soit au travers d'un bouton au préalablement stérilisé ou,
plus simplement, en utilisant la partie en caoutchouc
du piston d'une seringue de 10 cc (figures 9.17, G et H,
et 9.18). En fin de procédure, le rayon digital touché doit
Figure 9.15
reprendre sa place dans la cascade harmonieuse des
Récupération du moignon tendineux au niveau de l'IPD et de P3.
Dessin : Cyrille Martinet doigts (figure 9.18).
159
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B

E
H

G
Figure 9.17
A. Mise en place des deux broches. B. Idem, vu de dessous, doigt fléchi. C. Mise en place des deux trocarts roses. D. Idem, vu de dessous.
E. Passage des fils dans les trocarts. F. Idem, vu de dessous. G. Réalisation de la suture sur l'ongle. H. Vue dorsale.
Dessin : Cyrille Martinet

Il est également possible de réaliser une suture ter- Quel type de suture ? Quel fil ?
mino-terminale de l'extrémité du fléchisseur profond Quel nœud ?
sur la plaque palmaire de l'IPD. Cette technique évite les
risques infectieux inhérents à l'extériorisation de la suture Un simple cadre suffit mais il faut un fil solide. Un mono­
tendineuse [12]. filament non résorbable de taille 3/0 ou 2/0 reste le moyen
efficace et le moins onéreux pour réaliser le geste. La suture

160
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9. Jersey finger

Notre conseil
Attention de ne pas fracturer la base de P3 car cela com-
plique beaucoup le traitement en associant un jersey fin-
ger et un mallet finger (figure 9.20). Il faut éviter l'emploi
de matériel trop volumineux et rester le plus atrauma-
tique possible. De ce fait, la réalisation de deux tunnels
avec des broches de 0,8 mm semble être une solution
simple, peu délabrante, peu onéreuse, et largement
éprouvée dans le temps.

Faut-il faire un geste sur les poulies,


en particulier sur A5 et A4 ?
Figure 9.18
Vue en fin d'intervention après réinsertion en pull-out du FDP A priori si le tendon s'est rétracté dans le canal digital, il
du quatrième doigt (forme topographique la plus rencontrée). devrait pouvoir faire le chemin inverse sans souci et aucun
Remarquez la cascade harmonieuse des doigts retrouvée. geste sur les poulies n'est le plus souvent nécessaire. Toute­
fois, comme l'a montré Tang (cf Chapitre 8, p. 149), il est
possible de sectionner la poulie A5 ou A4 (pas les deux) si
C3 reste continue. Gardez bien à l'esprit qu'un traumatisme
du canal digital peut conduire à des adhérences du ten-
don dans la gaine, source de mauvais résultat fonctionnel
(moins on y touche, mieux on se porte).

Cas particulier du pouce


Le pouce comporte un seul tendon fléchisseur, le flexor
pollicis longus (FPL, long fléchisseur du pouce). La désin-
sertion de ce tendon sur P2 est exceptionnelle. Le plus
souvent, le tendon se rompt en amont et ne pose pas les
mêmes problèmes. En cas de jersey finger du pouce, la tech-
nique décrite reste la même ; seule l'immobilisation sera un
Figure 9.19 peu différente.
Utilisation d'un barb-wire. La réduction n'est pas bonne ; il existe
une subluxation de P3 en dorsale. Ce montage n'est pas adéquat
et justifie une reprise.
Suites opératoires
soit directement sur l'ongle soit au travers d'un bouton ou S'il est essentiel de disposer d'une équipe de kinésithéra-
pseudo-bouton est une succession de cinq nœuds plats, peutes spécialisés ainsi que d'un orthésiste capable de
inversés à chaque nœud. L'importance de la tension est réaliser des orthèses thermoformées de qualité pour les
simple à déterminer : il faut que le tendon soit au contact de réparations des fléchisseurs en zone II, la nécessité est moins
l'os et, s'il existe un fragment osseux, il faut que le fragment impérative pour la zone I.
soit bien réduit ; on ne doit pas tolérer une réduction approxi- Il faut insister auprès du patient pour les soins locaux
mative (figure 9.19). au niveau de l'ongle afin d'éviter toute macération locale,
Parfois, dans des cas difficiles, il peut être utile soit d'asso- source éventuelle d'infection. On peut éventuellement
cier une broche centromédullaire pour maintenir la réduc- mettre une interface hydrofuge utilisant un pansement
tion, soit de mettre une broche «console» dorsale pour gras rechargé avec une pommade de type Bétadine
éviter la subluxation dorsale de P3 (figure 9.20). crème.

161
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B

D
Figure 9.20
A. Jersey finger avec fragment osseux volumineux. B. Montage initial. Notez la présence d'une mallet fracture. C. Reprise avec barb-wire et
broche. D. Aspect final.

La réparation tendineuse est protégée par une coque


de protection postérieure pour une durée de 6 semaines
(figure 9.21). Cette coque est réalisée au bloc opératoire en
résine et changée à J8 pour la remplacer par une orthèse
thermoformée. Elle maintient le poignet en flexion à 30°,
avec une flexion à 70° des MCP, les IP étant laissées en
rectitude. On considère actuellement que le poignet peut
être laissé en rectitude à condition d'avoir des sutures
solides.
La rééducation est commencée 3 à 4 jours après l'inter-
vention à un rythme de cinq séances par semaine. Il s'agit
d'une rééducation avec mobilisation active des chaînes
digitales, en évitant les efforts contre résistance pendant Figure 9.21
les 4 premières semaines. Le patient est encouragé à Orthèse thermoformée protégeant la réparation tendineuse.
Source : photographies de C.-H. Tisseront.
enlever son attelle toutes les 2 heures pour mobiliser ses
doigts. Le reste de la journée et la nuit, l'attelle doit être
conservée. Il est important de revoir le patient à J8, J21, dessous de l'attelle et changé régulièrement pour faciliter
J45 et J90 pour s'assurer du respect et de la bonne com- les soins d'hygiène.
préhension des consignes postopératoires. Une désinfec- À J45, le fil trans-unguéal est retiré ou plutôt coupé au
tion régulière de la surface cutanée diminue l'inconfort ras de l'ongle après traction pour permettre sa rétraction
du port de l'attelle. Un bas en jersey peut être porté en dans les parties molles et dans l'os. En effet, le type de

162
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED
9. Jersey finger

suture dans le tendon ne permet pas au fil de coulisser, ce ●


Occlusion active incomplète avec déficit de flexion
qui empêche la récupération totale du fil. Ceci n'entraîne active de l'IPD : il s'agit en général d'adhérences. Faire réa-
qu'exceptionnellement des séquelles inesthétiques sur la liser une échographie pour s'assurer que le tendon est tou-
repousse unguéale. jours en contact avec P3. S'il s'agit bien d'adhérences, il faut
poursuivre la rééducation, une ténolyse pouvant s'envisager
vers le 4e mois postopératoire.

Pièges
Ce que l'on devrait savoir…

Le jersey finger de l'auriculaire de la jeune gymnaste, …expliquer au patient
qui va poser le problème de la taille et de l'encombrement
Le jersey finger est une lésion traumatique touchant des
du matériel de réinsertion sur un doigt de petite taille, fin et patients jeunes. Il s'agit d'une désinsertion de l'extré-
fragile. Là plus qu'ailleurs, il faut privilégier la méthode décrite. mité du fléchisseur profond sur la phalange distale (P3).

Impossibilité de suture directe du tendon dans le Le diagnostic est parfois réalisé à distance, ce qui aug-
cas d'une désinsertion survenue quelques semaines aupa- mente la difficulté de la prise en charge et rend l'issue
ravant. Les auteurs s'accordent à dire qu'après 2 semaines, du traite­ment incertaine. La réparation consiste à récu-
la rétraction devient importante et la réinsertion plus péril- pérer l'extrémité du tendon qui s'est parfois rétractée
leuse car plus fragile et mise en tension de façon perma- dans le canal digital et à réaliser une réinsertion trans-
nente. Il faut demander une échographie en préopératoire osseuse sur P3, soit par des fils tunnélisés dans l'os soit
pour localiser le moignon proximal. Si le moignon est dans par des systèmes d'ancrage. Si le tendon s'est rétracté
de façon importante, l'incision cutanée peut se prolon-
la paume de la main, la réparation n'est alors le plus sou-
ger jusqu'à la paume de la main. Les suites opératoires
vent pas possible car, même avec des astuces d'allonge- nécessitent le port d'une orthèse pour une durée de
ment tendineux, la réinsertion ne pourra se faire qu'au prix 6 semaines avec une rééducation débutée rapidement
d'une tension excessive qui mettra en péril le résultat final en postopératoire. Le résultat final dépend de nom-
par rupture secondaire. breux facteurs, comme le délai diagnostique, la qualité

L'utilisation d'un dispositif implantable (ancre, de prise en charge chirurgicale, l'adhésion du patient au
autre…) trop volumineux peut fracturer la base de P3. Ceci traitement.
complique le geste.

Ne pas réduire la subluxation dorsale de P3 quand
elle existe et ne pas la bloquer en bonne position par une
broche dorsale avec effet console. Références

Rechercher «à l'aveuglette» avec une pince dans le
canal digital pour récupérer le bout proximal du tendon [1] Creteur VM, Durieux PF, Cuylits N. Case 247: Jersey finger of the
en blessant le canal digital et provoquant à distance des fifth finger. Radiology 2017;285(2):683–9.
adhérences. [2] Strickland JW. Development of flexor tendon surgery: twenty-five
years of progress. J Hand Surg Am 2000;25(2):214–35.
[3] Leddy JP, Packer JW. Avulsion of the profundus tendon insertion in
athletes. J Hand Surg Am 1977;2(1):66–9.
[4] Lunn PG, Lamb DW. “Rugby finger” – avulsion of profundus of ring
Gestion des échecs finger. J Hand Surg Br 1984;9(1):69–71.
[5] De Jong JP, Nguyen JT, Sonnema AJ, Nguyen EC, Amadio PC, Moran

Faillite du matériel et désinsertion secondaire, sou- SL. The incidence of acute traumatic tendon injuries in the hand
vent par rééducation trop précoce ou inadaptée : selon le and wrist: a 10-year population-based study. Clin Orthop Surg
2014;6(2):196–202.
délai, on peut reprendre la suture, en sachant que ceci aug-
[6] Manske PR, Lesker PA. Avulsion of the ring finger flexor digi-
mente le risque de fracture de P3, d'infection et de re-rup- torum profundus tendon: an experimental study. Hand
ture. Souvent le traitement conservateur, qui peut donner 1978;10(1):52–5.
de bons résultats [13], est préféré. [7] Gillig JD, Smith MD, Hutton WC, Jarrett CD. The effect of flexor

Infection péri-unguéale qui normalement cède avec digitorum profundus tendon shortening on jersey finger surgi-
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traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

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164
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Chapitre 10
Plaies des nerfs et des artères

PLAN DU C HAPITRE
Préambule 166
Notions de base 166
But de l'intervention 168
Quand poser l'indication opératoire 168
Voies d'abord et technique chirurgicale 170
Suites opératoires 181
Pièges 181
Gestion des échecs 181

La main traumatique
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La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Préambule porte comme un isolant et permet d'accélérer la conduc-


tion nerveuse. La myéline est produite par les cellules de
Le but de ce chapitre est de traiter des plaies Schwann qui servent également à guider la croissance des
des nerfs et des artères de la main. Nous attirons axones et à permettre la régénération nerveuse.
l'attention du lecteur sur la nécessité de pratiquer Les axones recouverts de myéline sont entourés d'une
régulièrement la microchirurgie pour être perfor- couche de tissu conjonctif : l'endonèvre. Les axones sont
mant dans ce type de réparation. L'entraînement regroupés en faisceaux, ou fascicules (de dix à cent), entou-
dispensé aux cours du diplôme universitaire de rés d'une enveloppe : le périnèvre (figure 10.2). L'enveloppe
microchirurgie nous semble être indispensable extérieure du nerf est l'épinèvre, un tissu conjonctif dense
à toute pratique de la microchirurgie (minimum qui relie entre eux les fascicules. La vascularisation est assu-
requis), même si vous ne réalisez pas de replan- rée à la fois par l'épinèvre et par des vaisseaux situés à l'inté-
tations. Les techniques de suture nerveuses ou rieur du nerf entre les fascicules.
vasculaires restent les mêmes quelle que soit la Quand un nerf est sectionné, dans les 48 heures suivantes
gravité des lésions. Nous ne parlerons pas ici des se produit une dégénérescence wallérienne (figure 10.3) :
replantations qui relèvent d'une chirurgie encore la partie distale du nerf sectionné meurt. Les cellules de
plus spécialisée dans des centres dédiés. Schwann prolifèrent et dégradent la myéline et des débris
d'axone. Dans le même temps, les cellules de Schwann
débutent le processus de régénération en s'alignant, for-
Notions de base mant les bandes de Büngner, support à la repousse ner-
veuse. Pour que la régénération nerveuse se fasse, la zone
Nerfs périphériques de croissance du moignon proximal doit rejoindre le
moignon distal. Quand le périnèvre est altéré, la repousse
L'axone (figure 10.1) est le prolongement du neurone et est nerveuse peut s'extérioriser, ce qui va entraîner une prolifé-
constitué de neurofibrilles. Son rôle est de conduire le mes- ration fibroblastique et de cellules de Schwann anarchique
sage nerveux vers d'autres cellules au travers d'impulsions et l'apparition d'un névrome.
électriques. Il est entouré d'une gaine de myéline présentant Il existe trois types d'atteintes extrinsèques des nerfs
des zones rétrécies (nœud de Ranvier). La myéline se com- périphériques, décrits par Seddon [1] et Sunderland [2]
(figure 10.4) :

neurapraxie : compression sans atteinte axonale. En
l'absence d'atteinte axonale, une fois la compression levée,
la récupération se fait rapidement car la partie en aval de la
compression n'a pas été détruite ;

axonotmésis : compression avec atteinte axonale ; il
correspond également à une contusion appuyée (écra-
sement). La partie en aval de la zone de compression
dégénère avec une réaction macrophagique pour élimi-
ner les fragments de myéline et l'axone distal. L'axone
proximal se rétracte au niveau du nœud de Ranvier
proximal. La membrane basale persiste et sert de conduit
de régénération si la compression est levée. Les cellules
de Schwann se multiplient et s'organisent, formant les
bandes de Büngner ;

neurotmésis : section du nerf. Le processus de régénéra-
tion est le même que pour l'axonotmesis, mais on assiste à
la repousse de plusieurs «régénérats» de façon simultanée
Figure 10.1 qui peuvent disparaître lorsque l'un d'entre eux atteint un
Structure de l'axone. effecteur.
Dessin : Cyrille Martinet

166
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
10. Plaies desSCI-MED
nerfs et des artères

Figure 10.2
Structure d'un nerf périphérique.
Dessin : Cyrille Martinet

La vitesse de repousse est de 1 mm par jour en cas de


section nerveuse. En cas de contusion appuyée, la récupé-
ration est plus rapide.
Face à une plaie de main, l'examen clinique pré-­
anesthésique doit s'attacher à rechercher un déficit sensiti-
vomoteur correspondant à l'un ou plusieurs des territoires
neurologiques (médian, radial, ulnaire). Il n'y a pas d'examen
complémentaire spécifique à demander — pas d'EMG en
urgence sur une plaie de main…

Artères de la main et du poignet


Les artères amènent le sang oxygéné depuis le cœur
jusqu'aux extrémités. Leur calibre décroît de proximal en
distal pour atteindre 5 à 6 mm au niveau du poignet et
moins de 1 mm pour l'artère centrale de la pulpe. La paroi
d'une artère comprend trois couches distinctes qui sont,
Figure 10.3 de l'extérieur vers l'intérieur, l'adventice, la média et l'intima
La section d'un nerf périphérique entraîne un processus de (figures 10.5 et 10.6) :
réparation débutant par une dégénérescence wallérienne, avec ●
l'intima est la couche interne de la paroi artérielle en
fragmentation de la myéline, et multiplication des cellules de
Schwann qui s'organisent en bandes de Büngner.
contact avec le flux sanguin ; elle a un rôle de filtration des
Dessin : Cyrille Martinet éléments nutritifs et régule la coagulation (inhibée dans le

167
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 10.4
Différents types d'atteintes extrinsèques des nerfs périphériques : neurapraxie, axonotmésis, neutotmésis.
Dessin : Cyrille Martinet

Les veines ont une structure similaire mais leur couche


intermédiaire est beaucoup plus fine, ce qui entraîne une
moindre résistance (figure 10.6). La limitante élastique des
veines est beaucoup moins puissante que celle des artères, ce
qui leur permet de se dilater de façon beaucoup plus impor-
tante. Elles comprennent également des valves au niveau de
leur lumière dont le but est de s'opposer au reflux sanguin.

But de l'intervention
Figure 10.5 Réparer les lésions vasculo-nerveuses pour restaurer la
Structure de la paroi artérielle. vascularisation et l'innervation des zones palmodigitales
Dessin : Cyrille Martinet
atteintes.
La réalisation d'une suture vasculaire ou nerveuse de
bonne qualité permettra d'éviter les troubles trophiques ou
vaisseau au contact du sang et déclenchée en cas de brèche l'apparition d'un névrome.
de son versant externe) ;

la média est la couche intermédiaire ; elle est constituée
de trois types de cellules :
– cellules musculaires : elles permettent la vasoconstric- Quand poser l'indication
tion de l'artère ; opératoire
– fibres élastiques : elles permettent la vasodilatation de
l'artère ; L'indication opératoire est systématique concernant les
– fibres de collagène : elles contrôlent le diamètre de l'artère ; nerfs périphériques et discutée au cas par cas concernant

l'adventice est la couche externe de l'artère ; elle com- les vaisseaux. L'examen clinique peut, face à une plaie de
porte des terminaisons nerveuses des systèmes sympa- la main, laisser suspecter une lésion vasculo-nerveuse. C'est
thique et parasympathique ainsi que des microvaisseaux l'exploration chirurgicale de la plaie (conseillée de façon
(pour les artères les plus grosses) ; elle a également un rôle systématique face à une plaie de la main) qui permettra de
de soutien par le biais de son tissu conjonctif. faire le bilan lésionnel extensif.
168
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
10. Plaies desSCI-MED
nerfs et des artères

Figure 10.6
Comparaison entre paroi artérielle et paroi veineuse.
Média beaucoup plus épaisse dans la paroi artérielle ; présence de valvules au niveau de l'intima pour les veines.
Dessin : Cyrille Martinet

Faut-il explorer systématiquement une plaie qui peut être différée : il est préférable qu'une plaie de
de la main vue avec retard ? la main soit explorée dans un centre spécialisé même
s'il est éloigné plutôt que dans le centre le plus proche
Face à un patient n'ayant pas consulté dans les heures
sous prétexte de plaie artérielle [4]. L'urgence « différée »
suivant sa plaie mais à distance (au-delà de 3 semaines),
est d'ailleurs régulièrement appliquée en chirurgie de la
on peut se poser la question d'une exploration chirurgi-
main en l'absence d'ischémie, d'injection sous pression
cale à titre systématique. En l'absence de déficit moteur
ou d'infection évolutive : opérer en nuit profonde sans
et s'il existe un déficit sensitif, l'examen clinique permet
disposer du matériel ou de l'équipe dédiée peut conduire
souvent de faire la différence entre une contusion et une
à une procédure chirurgicale dégradée.
section d'un nerf collatéral : dans le cas d'une contusion,
on note une récupération sensitive progressive dans les
Face à la section d'un pédicule vasculo-nerveux,
semaines suivant le traumatisme ; s'il s'agit d'une section,
si l'autre pédicule est intact, est-il absolument
il n'y a pas de récupération sensitive. En cas de doute, une
nécessaire de réparer l'artère ?
imagerie par échographie ou IRM peut être demandée
sous réserve de l'obtenir rapidement. Si le doute persiste, Les dernières études sur la réparation ou l'absence de
l'exploration chirurgicale s'impose. Concernant une plaie réparation d'une artère collatérale de façon simulta-
d'une artère périphérique vue à distance, en l'absence née à la réparation du nerf collatéral d'un même pédi-
d'hypovascularisation, la réparation ne s'impose pas, cule sont plutôt en faveur de la réparation artérielle
même si certains auteurs plaident pour une réparation même si le consensus n'est pas acté [5–7]. Lorsque l'ar-
des plaies artérielles négligées au poignet y compris en tère collatérale est réparée avec le nerf, la récupération
cas de ligature artérielle initiale [3]. Dans le même esprit, de la sensibilité est de meilleure qualité et l'intolérance
une plaie artérielle, si l'hémorragie est contrôlée et qu'il au froid moins importante, surtout en cas de contusion
n'y a pas d'ischémie, représente une urgence relative appuyée.

169
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Voies d'abord et technique – clamps de Tamaï ;


– canules de rinçage pour les vaisseaux ;
chirurgicale – éponges microchirurgicales ;
– fils non tressés, non résorbables, en taille 8/0, 9/0,
Les voies d'abord utilisées sont les voies d'abord clas- 10/0, 11/0.
siques de la main en Bruner ou hémi-Bruner dont le but
est d'éviter la survenue des brides cicatricielles. Il est évi-
demment primordial de connaître parfaitement l'anato- Exposition d'une artère et d'un nerf
mie de la main…
Il faut libérer le pédicule de part et d'autre de la zone
L'abord chirurgical se fait en deux temps :
de section sur environ 10 mm, afin de créer un espace

un premier temps opératoire correspondant à l'explo-
de travail qui servira également à positionner le ou les
ration chirurgicale pour bilan lésionnel. La dissection se
clamps. Un morceau de champ placé en arrière du pédi-
fait à l'aide de pinces d'Adson et de ciseaux de Stevens.
cule à réparer permet d'augmenter la visibilité — un
L'exposition doit être suffisante sans être extensive pour
fond de couleur bleu augmente le contraste et permet
éviter les adhérences cicatricielles. À ce stade, s'il existe
de stabiliser les deux extrémités vasculaires. Les avant-
des lésions associées (fracture, atteinte tendineuse, etc.),
bras et les poignets doivent être en appui afin d'être
celles-ci doivent être traitées (stabilisation d'une fracture,
mieux stabilisés et de réduire les tremblements. Les
suture d'une lésion tendineuse) avant de réaliser le temps
instruments microchirurgicaux, fragiles, seront dépo-
microchirurgical ;
sés au fur et à mesure de leur usage dans une cupule

un second temps opératoire correspondant à une
en plastique remplie d'eau avec des compresses dans
exposition plus fine des vaisseaux et des nerfs et à leur
le fond ; le but est à la fois de protéger la pointe des
­réparation. À ce stade, les instruments de microchirurgie
instruments très fins et de rincer chaque instrument
sont nécessaires et doivent comporter (figure 10.7) :
après usage.
– microscope opératoire et loupes grossissantes ;
– instruments de microchirurgie (ciseaux, porte-aiguille,
pinces) ; Prise en charge d'une plaie
artérielle
Après avoir dégagé chaque extrémité artérielle sur
une dizaine de millimètres, on résèque l'adventice sur
quelque 2 à 3 mm (figure 10.8) à l'aide de deux pinces
de Dumont puis en utilisant les ciseaux. Il n'est pas rare
de devoir recouper l'extrémité du moignon proximal et
du moignon distal car, sur une atteinte traumatique, les
bords de l'artère sont souvent abîmés. La manipulation
de l'artère doit se faire par l'adventice ; il ne faut pas trac-
ter l'artère en la saisissant par son extrémité, au risque
d'abîmer l'intima. Le lavage de la lumière artérielle doit
être réalisé avant toute suture. Pour cela, on utilise une
aiguille coudée à embout en olive ou plat par laquelle on
injecte du sérum hépariné (12 500 U/250 ml de sérum
physiologique). On peut également être amené à passer
Figure 10.7 une sonde de Fogarty en cas de thrombus artériel. Du
Matériel microchirurgical nécessaire pour suture vasculaire et fait de l'épaisseur de la média, l'artère, contrairement à
nerveuse. une veine, doit pouvoir rester ouverte le temps de la
Porte-aiguille, ciseaux, deux pinces, un clamp de Tamaï (en jaune),
deux clamps métalliques réservés aux artères de gros calibre (artère suture ; c'est le cas habituellement une fois le lavage
radiale ou ulnaire), fils non résorbables 8/0, 9/0, 10/0. réalisé. Si la lumière a tendance à se ­collaber, on peut

170
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
10. Plaies desSCI-MED
nerfs et des artères

Figure 10.8
Technique de préparation à la suture artérielle.
Recoupe des extrémités artérielles, résection de l'adventice et lavage de la lumière par du sérum hépariné. Suture par points séparés en prenant
garde à ne pas être transfixiant.
Dessin : Cyrille Martinet

u­ tiliser l'un ou les deux mors de la pince de Dumont, main et des doigts. Le 11/0 est utilisé pour des lésions en
qu'on rentre dans la lumière artérielle précautionneuse- aval de l'IPD. Les nœuds sont des nœuds plats et non pas
ment pour la dilater. Une fois les deux extrémités pré- des clés.
parées, il peut être utile de placer un écarteur de Tamaï Plus les vaisseaux sont petits, plus le risque de point trans-
à deux mors sur la zone à suturer (cf. infra figure 1.13). fixiant prenant les deux parois de l'artère est important. L'ar-
L'inconvénient de ce clamp est la pression et la contu- tifice de Foucher [8] consiste à laisser en place une aiguille
sion (même légère) qu'il exerce sur les parois de l'artère, transfixiant chaque extrémité des deux artères (figure 10.10).
avec un risque de spasme ou d'altération de l'intima. La concavité de l'aiguille en place dans la lumière
L'avantage est qu'il permet de stabiliser les deux extré- repousse la paroi opposée et limite ainsi le risque de
mités artérielles et de les affronter parfaitement ; en point transfixiant.
outre, en retournant le clamp de 180°, la suture de la Une fois la suture réalisée, il faut l'inspecter soigneu-
zone postérieure de l'artère est facilitée. sement : les points doivent être situés à intervalle régu-
La suture peut être réalisée par un double surjet ou par lier avec un aspect homogène de la suture, sans oreille.
des points séparés. Le surjet est réservé à des artères de gros Sur une artère digitale, il faut sept à huit points séparés.
ou moyen calibre (en amont du poignet, figure 10.9). Pour Avant de lâcher le garrot, si une lésion nerveuse est
les artères de la main et des doigts, il est préférable d'utiliser associée, il faut la réparer à condition que le nerf ne
des points séparés. On choisira du fil 8/0 pour une artère gêne pas la visualisation de la zone de suture artérielle.
radiale ou ulnaire, et du 9/0 ou 10/0 pour les artères de la Du sérum tiède doit être disponible, éventuellement de

171
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Figure 10.9
Suture par surjet au Prolène® double aiguillé réservé aux artères de plus gros calibre (artère radiale, artère ulnaire).
Dessin : Cyrille Martinet

la papavérine pour lutter contre une vasoconstriction.


Le garrot est lâché et on vérifie que l'artère se remplit,
qu'elle est battante et que ­l'anastomose est perméable.
Il est rare d'avoir une anastomose étanche sur la pre-
mière suture. On retrouve souvent une fuite qui néces-
site l'ajout d'un point supplémentaire. La perméabilité
de l'anastomose doit être évaluée. C'est le patency-test
(figure 10.11) : en aval de la zone de suture, on chasse
le sang entre deux pinces de Dumont sur un tronçon
artériel de quelques millimètres, puis on enlève la pince
la plus en amont ; si l'anastomose est perméable, l'artère
se remplit à nouveau immédiatement.
Figure 10.10 En cas d'anastomose non perméable, il faut masser
Artifice de Foucher consistant à laisser une aiguille dans l'artère le l'artère de part et d'autre de l'anastomose afin de mobi-
temps de la suture afin de maintenir ouverte la lumière artérielle. liser un éventuel thrombus. Il faut également ­réchauffer
Dessin : Cyrille Martinet

172
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
10. Plaies desSCI-MED
nerfs et des artères

Figure 10.11
Patency-test
pour vérifier la
perméabilité de
l'anastomose.
Dessin : Cyrille Martinet

l'artère avec du sérum tiède pour lever un éventuel hésiter à réséquer la zone d'anastomose pour réaliser
spasme. Si ces manœuvres restent inefficaces, faire une nouvelle suture.
­s auter deux ou trois points de la zone de suture pour Les figures 10.12 et 10.13 illustrent les étapes de la suture
inspecter la lumière artérielle, rechercher un thrombus artérielle.
ou un point transfixiant. En cas d'échec, il ne faut pas

173
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B

C D

E F
Figure 10.12
Technique de suture artérielle.
A et B. Section d'un pédicule vasculo-nerveux provenant de l'arcade palmaire et du nerf médian. C et D. Premier temps de préparation
artérielle avec résection de l'adventice qui permet d'obtenir une extrémité artérielle dégagée, avec une lumière bien visible. E et F. Lavage de
chaque extrémité artérielle au sérum hépariné à l'aide d'une seringue avec aiguille à embout mousse. On peut également dilater la lumière
artérielle à l'aide de l'extrémité d'une des pinces.

174
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
10. Plaies desSCI-MED
nerfs et des artères

G H

I
Figure 10.12
Suite.
G et H. Le passage de l'aiguille se fait de préférence en deux fois pour contrôler la lumière artérielle. I. Aspect de la suture, nerf et artère.

Figure 10.13
Technique de suture artérielle.
L'utilisation d'un clamp de Tamaï de taille adaptée pour limiter le traumatisme vasculaire permet, en retournant le clamp, une meilleure
exposition de l'anastomose et facilite le temps de suture microchirurgicale.

175
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

Le pontage est généralement veineux à partir d'une des


veines superficielles du poignet, qu'il faudra retourner pour
tenir compte du sens des valvules. En cas de traumatisme
complexe de la main, on peut utiliser le principe du «doigt
banque» et prélever une artère sur le doigt qu'on ne peut
pas conserver. Le pontage augmente le temps opératoire et
la difficulté technique.

Prise en charge d'une plaie


d'un nerf périphérique
La suture des nerfs se fait au 8/0, par points séparés. Il s'agit
d'une suture épipérineurale (figure 10.14) [9] dont le but
est de redonner son étanchéité au nerf afin de favoriser
sa repousse dans des conditions optimales et de limiter le
risque de névrome. Pour le nerf médian au poignet, il faut
huit à dix nœuds de fil 8/0. Pour un nerf collatéral digital,
Figure 10.14
trois à quatre nœuds de fil 9/0 suffisent (figure 10.15).
Technique de suture d'un nerf.
Pour protéger la réparation, il est possible de manchon-
Suture épipérineurale qui doit affronter parfaitement les berges du ner le nerf dans une veine (figures 10.16 et 10.17A) ou dans
nerf. S'assurer qu'un ou plusieurs torons ne sont pas extériorisés. un tube de régénération (figure 10.17B). Les tubes réalisés à
Dessin : Cyrille Martinet
partir de chitosan ont montré une meilleure récupération
sensitive comparée aux sutures simples sans tube [10]. Des
tubes à base d'acide polyglycolique (PGA) ont également
Que faire en cas de perte montré de bons résultats [11]. Le manchon est à passer
de substance vasculaire ? avant de débuter la suture sur l'une des parties du nerf sec-
tionné puis sera repoussé pour couvrir la suture une fois
Il faut discuter la réalisation d'un pontage essentiellement celle-ci terminée. L'alternative au tube de régénération est
en cas d'atteinte des deux pédicules sur un doigt ou l'usage de la colle biologique sur le pourtour de la zone de
d'atteinte d'une des deux artères principales du poignet. réparation afin d'en augmenter l'étanchéité.

Figure 10.15
Suture d'un nerf collatéral digital par quatre points Ethylon® 9/0.

176
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
10. Plaies desSCI-MED
nerfs et des artères

Figure 10.16
Nerf collatéral digital ulnaire de D5 suturé et protégé par un manchon veineux.

A B
Figure 10.17
Manchons.
A. Manchon veineux. B. Neurotube.

Que faire en cas de perte être le nerf sural, le nerf cutané latéral de l'avant-bras, le
nerf cutané médial de l'avant-bras, le rameau sensitif dorsal
de substance d'un nerf digital ? du nerf ulnaire. Ce prélèvement entraîne nécessairement
Plusieurs solutions sont envisageables : un déficit sensitif du territoire concerné et un risque de

suture en flexion (figure 10.18) : si la perte de substance névrome ;
est modérée (< 10 mm), la suture est réalisée en légère ten- ●
allogreffe nerveuse intercalaire : les allogreffes pro-
sion, qui peut être diminuée en pliant le doigt ou le poignet viennent d'un donneur et ont subi un traitement pour
en fonction du niveau lésionnel. La position en flexion est les débarrasser de leurs cellules en conservant la matrice
conservée 2 semaines ; extracellulaire. Elles ont des résultats équivalents aux auto-

autogreffe nerveuse intercalaire (figure 10.19) : utilisée greffes, en évitant la morbidité liée au prélèvement [12].
quand une suture directe est impossible. En France, seules Une allogreffe permet de ponter des pertes de substance
les autogreffes sont autorisées, qui nécessitent un prélève­ allant jusqu'à 70 mm [13–15]. Leur coût reste élevé et en
ment local d'un nerf sensitif. Les nerfs prélevés peuvent limite l'indication en fonction des pays ;

177
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

A B

C D
Figure 10.18
Suture en flexion.
A et B. Névrome (partie oblongue épaissie) d'un nerf digital sur une plaie négligée. Le nerf est pris dans la fibrose mais n'est plus en continuité ;
il faut réséquer la zone de fibrose, le névrome et réaliser soit une suture directe soit une greffe. C et D. Après résection du névrome, une suture
directe a été réalisée, doigt en légère flexion.

Figure 10.19
Greffe nerveuse intercalaire réalisée à partir de plusieurs torons.
178
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
10. Plaies desSCI-MED
nerfs et des artères


anastomose latéroterminale [16] : elle consiste à réa- Atteintes pluritissulaires :
liser une anastomose entre le segment distal d'un nerf
et un nerf adjacent. Il s'agit d'une alternative à la greffe stratégie thérapeutique
nerveuse dans un contexte traumatique sur une perte À la face antérieure du poignet, lors des tentatives d'auto-
de substance ne permettant pas l'usage d'un tube de lyse, on retrouve une zone de section correspondant à la
régénération ; largeur du poignet. La zone de section peut être répéti-

tube de régénération : il peut s'agir d'une veine (remplie tive (plusieurs coups), superficielle ou profonde, pouvant
de tissu musculaire pour éviter son collapsus) ou d'un aller jusqu'à la face antérieure du radius. En cas de section
tube artificiel. Ces tubes relient entre elles les extrémi- profonde, correspondant à une hémisection du poignet
tés nerveuses, faisant office de conduit de r­ égénération. (figure 10.20), la vascularisation est en règle générale conser-
Ces tubes donnent de bons résultats quand la perte vée. La stratégie opératoire, après avoir fait le bilan lésionnel,
de substance est inférieure à 15 mm [15]. Au-delà, la consiste à réaliser les réparations de la profondeur vers la
récupération est incertaine et absente pour les pertes superficie en commençant par les tendons fléchisseurs. On
de substance de plus de 30 mm. Par ailleurs, ces tubes réalise ensuite la suture du nerf médian et du nerf ulnaire
nécessitent une bonne couverture tissulaire sous peine et on termine par la suture de l'artère ulnaire et de l'artère
de rejet, ce qui rend parfois leur utilisation dans les radiale.
doigts difficile.

Un nerf ou une artère peuvent-ils être suturés


à l'aide de loupes grossissantes ou bien faut-il
utiliser le microscope ?
Les loupes chirurgicales ont un pouvoir de grossissement
allant de 2 à 8 fois la vision normale. Un microscope opé-
ratoire a un grossissement allant de 6 à 40 fois la vision
normale. Une réparation microchirurgicale réalisée sous
microscope sera donc plus précise que sous loupes. Un
microscope opératoire a un coût d'achat et d'entretien
25 fois plus important que des loupes chirurgicales et
son utilisation est moins pratique, entraînant une aug-
mentation du temps opératoire. La revue de la littérature
montre que :

pour la suture vasculaire, le microscope a fait la preuve
de sa supériorité uniquement lorsque le diamètre des
vaisseaux est inférieur à 1,5 mm (en aval de l'arcade
palmaire) [17] ;

pour la suture nerveuse, il n'y a pas de différence
clinique entre suture par microscope et suture
par loupes grossissantes, y compris pour les nerfs
digitaux [18, 19].

179
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

B C

D E F
Figure 10.20
Atteinte pluritissulaire.
A et B. Hémisection de la face antérieure poignet. C. Aspect en fin d'intervention. D à F. Résultat clinique à 6 mois.

180
Dr A.AMINE Recherche bibliographique
10. Plaies desSCI-MED
nerfs et des artères

Suites opératoires Gestion des échecs



Atteinte isolée d'un nerf et/ou d'une artère : un trai- ●
Suture artérielle :
tement par antiagrégants plaquettaire et héparine de – la thrombose d'un seul axe vasculaire reste clinique-
bas poids moléculaire peut être proposé dans les suites ment peut symptomatique voire asymptomatique sur
d'une suture vasculaire, en l'absence de contre-indica- un doigt. Ces thromboses surviennent dans 70 % des
tions pour une dizaine de jours. Une immobilisation cas ; il n'y a pas d'indication à une reprise ;
protégeant la suture nerveuse est classiquement mise – l'ischémie secondaire reste une indication de reprise
en place pour une dizaine de jours, même si l'intérêt de avec un résultat aléatoire en fonction de la nature du
cette immobilisation ne semble pas confirmé par la litté- traumatisme initial.
rature [20]. Concrètement, l'immobilisation postopéra- ●
Suture nerveuse :
toire n'a d'intérêt que si la suture nerveuse a été réalisée – pas de récupération sensitive : se poser la question
en légère tension. d'un lâchage de suture, à vérifier par échographie ;

Atteintes pluritissulaires : en cas d'atteinte tendi- – douleurs à type de dysesthésies avec voussure sur la
neuse associée (fléchisseurs), il faut pouvoir débuter zone de suture : probable névrome. Proposer une prise
la rééducation précocement, tout en conservant une en charge en rééducation dans un premier temps ; en
coque d'immobilisation postérieure pour une durée de cas d'échec, proposer une résection/suture.
6 semaines.

La repousse nerveuse se fait à la vitesse de 1 mm par jour
en cas de suture simple. En cas de greffe nerveuse, le temps
de repousse est doublé. La progression de la repousse ner-
veuse est évaluée en recherchant un signe de Tinel sur le
trajet du nerf.

La récupération d'une bonne sensibilité épicritique
nécessite une rééducation en milieu spécialisé avec une Ce que l'on devrait savoir…
implication du patient. …expliquer au patient
Lors d'une plaie de la main et du poignet, il peut y
avoir une atteinte des nerfs et des vaisseaux. Ces plaies
Pièges requièrent une prise en charge dans un centre spécia-
lisé par des opérateurs entraînés disposant du matériel

Suture artérielle : ad hoc et entraînés à la pratique de la microchirurgie.
– point transfixiant prenant les deux parois de l'artère : Une plaie artérielle peut entraîner une hémorragie mais
refaire la suture ; également une ischémie si elle concerne l'ensemble de
– anastomose non perméable en l'absence de point l'apport sanguin au membre. Une plaie nerveuse peut
transfixiant : les raisons sont nombreuses. Il peut s'agir occasionner une perte de sensibilité et des douleurs en
d'un thrombus, d'un spasme artériel ou d'un œdème aval de la zone lésée et parfois une perte de motricité en
fonction du niveau de l'atteinte. La rapidité et la qualité
de l'intima entraînant une occlusion de la lumière arté-
de la prise en charge conditionnent le résultat clinique.
rielle. Il faut lâcher quelques points, passer une sonde de
La récupération neurologique après réparation s'étale
Fogarty, ne pas hésiter à refaire la suture ou à réaliser un sur plusieurs mois avec un résultat parfois incomplet
pontage si nécessaire. en fonction de la nature du traumatisme, du niveau

Suture nerveuse : de l'atteinte et de l'âge du patient. Cette récupération
– pas assez de points de suture (un à deux) : risque d'af- nécessite souvent de faire appel à une rééducation spé-
frontement imparfait et d'extériorisation d'un fascicule ; cialisée. Des gestes chirurgicaux secondaires à type de
fragilité plus importante de la suture ; neurolyse ou de résection d'un névrome peuvent parfois
– trop de points de suture : risque plus important de être nécessaires.
suture transfixiante et de sténose du nerf.

181
La mainDr A.AMINE
traumatique Recherche bibliographique SCI-MED

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182
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Index

A –– – – fracture-luxation, 69
Abductor pollicis longus, 33, 36, 97 –– – fracture, 23
Abord de type gunshot, 63 –– – fracture-luxation, 63
Adhérences, 49, 156 –– – luxation, 56, 63
Allen (classification d'), 4 –– – plaie, 110
Allogreffe nerveuse intercalaire, 177 –– – Rotella et Urpi, 94
Anastomose latéroterminale, 179 –– – testing, 96
Ancre, 59, 98, 101, 113, 127, 133, 159 Atasoy (lambeau d'), 10
Appareil extenseur, 104 Attelle, 70
Arcade palmaire, 174 –– «IPP stop», 71
Artère(s) –– de Capener, 117
–– de la main et du poignet, 167 –– thermoformée, 72
–– suture, 174 Autogreffe
Arthrodèse –– nerveuse intercalaire, 177
–– de l'IPD, 126 –– spongieuse (Masquelet), 81
–– luxation, fracture-luxation, 73 Axonotmésis, 166
–– temporaire (fracture de la base du premier métacarpien), 33
Arthropathie post-traumatique, 73
Arthrorise, 127 B
Articulation Bandelette
–– carpo-métacarpienne –– latérale de l'extenseur, 56, 60, 113, 122, 133
–– – fracture-luxation, 57, 65 –– médiane de l'extenseur, 24, 42, 56, 60, 112–113, 118, 122, 130
–– – luxation, 57, 65 –– radiale du fléchisseur superficiel, 131
–– carpo-phalangienne du pouce –– terminale de l'extenseur, 2, 42, 54, 59, 122
–– – fracture-luxation, 69 –– ulnaire du fléchisseur superficiel, 146
–– interphalangienne distale Barb-wire, 159, 161–162
–– – fracture-luxation, 55, 59 Becker (suture modifiée de), 109
–– – luxation, 54, 59 Bennett (fracture de), 69
–– – mallet finger, 127 Boutonnière, 112–113, 130
–– interphalangienne du pouce Bowstringing, 146
–– – luxation, 68 Branche sensitive du nerf radial, 98
–– interphalangienne proximale Brides, 37, 141, 156, 170
–– – boutonnière, 112 Brochage en croix, 47
–– – fracture, 24 Broches, 24
–– – fracture-luxation, 56, 60 –– «console», 63, 161, 163
–– – luxation, 56, 60 –– de butée, 60
–– – mallet finger, 130 –– de Kirschner, 28, 127
–– – plaie, 112 Brooks et Graner (technique de), 129
–– métacarpo-phalangienne Bundens et Wiggins (technique de), 35
–– – du pouce By pass d'Oberlin, 119
–– – – entorse, 92

183
Index Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

C E
Cal Écarteur de Tamaï, 171
–– d'allongement, 129 Échographie (lésion de Stener), 97
–– tendineux, 113, 129 Effet ténodèse, 47, 49, 131
–– vicieux, 47 Entorse de la métacarpo-phalangienne du pouce, 92
Canal Épitendon, 139
–– carpien, 139 Éponichium, 2
–– digital, 142, 154, 156, 159, 167 –– lambeau, 18
Capsulorraphie de la plaque palmaire, 129 Exclusion corticale, 18
Carrol (technique de), 111 Extenseur des doigts, 106
Cascade des doigts, 24, 159 Extenseur propre de l'index, 106, 119
Chiasma de Camper, 138, 142, 146 Extenseur propre du petit doigt, 106
Ciment, 76–77 Extensor digiti minimi, 106
–– infection, 86 Extensor digitorum, 106, 122
Clamp de Tamaï, 175 Extensor indicis, 106
Classification Extensor pollicis brevis, 36, 106
–– d'Allen, 4 Extensor pollicis longus, 68, 106, 116
–– de Fassler, 4
F
–– PNB, 4
Clinodactylie, 131 Fassler (classification d'), 4
CMC. Voir Articulation carpo-métacarpienne FiberWire®, 113, 145
Coffrage, 79 Fixateur externe, 44, 86
Col Fixation. Voir Broches, Plaques, Vis
–– de cygne, 122, 130 Fléchisseur profond des doigts, 138, 154
–– des métacarpiens (fracture du), 31 Fléchisseur superficiel des doigts, 138, 146, 154
Colle biologique, 176 Flessum, 149
Comminution, 24–25, 33, 40 –– de l'IPD, 125–126, 134
Complexe unguéal, 2 –– de l'IPP, 60, 133
Compression –– de la MCP, 64
–– neurapraxie, 166 –– du pouce, 15
–– plaque à, 28 Flexor digitorum profundus, 138, 154
–– vis à, 30, 39 Flexor digitorum superficialis, 138, 154
Corde d'arc, 146 Flexor pollicis longus, 68, 138, 148, 161
Court extenseur du pouce, 36 Fowler (technique de), 130
Court fléchisseur du pouce, 138 Fracture
–– de Bennett, 69
D –– de la base de P2, 61
Déficit de flexion, 118 –– de la base de P3, 122, 161
Déformation, 130 –– de la base du premier métacarpien, 32
–– en «col de cygne», 122 –– de métacarpien, 22
–– en boutonnière, 112 –– de phalange, 22
Dermatoténodèse. Voir Ténodermodèse –– doigt de porte, 2
Dérotation, 24, 51 –– du col des métacarpiens, 31
Distracteur Suzuki, 44 Fracture-luxation
Doigt, 130 –– carpo-métacarpienne, 65
–– à ressaut, 146 –– interphalangienne distale, 59
–– de porte, 2 –– interphalangienne proximale, 60
–– en «col de cygne», 122 –– métacarpo-métacarpienne, 63
–– jersey finger, 154
–– locking finger, 64 G
–– mallet finger, 122 Gaine synoviale, 139
–– pseudo-doigt à ressaut, 110 Glickel (ligamentoplastie selon), 100
Dossière des interosseux, 106 Greffe
Dysesthésies, 2–3, 7, 14, 181 –– composite, 10, 15
Dystrophie unguéale, 3, 17–18 –– de petit palmaire, 131
184
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED Index

–– en deux temps, 149 Lésion de Stener, 92


–– nerveuse intercalaire, 177 Ligament(s)
–– osseuse (Masquelet), 81 –– collatéral médial, 92–93
–– secondaire, 141 –– collatéraux, 26, 56, 69
–– tendineuse, 111 –– latéral interne, 92, Voir aussi Ligament collatéral médial
Greffon (lyse osseuse du), 83 –– natatoires, 56
Gunshot (abord), 63 –– palmaires obliques, 33
–– rétinaculaire, 126, 131
H –– transverse superficiel, 63
Hématome sous-unguéal, 4, 17 –– triangulaire, 115, 130
Hueston (lambeau de), 15 Ligamentoplastie, 100
Hyperextension de l'IPP, 125 Ligamentotaxor®, 46
Hyponichium, 3 Lit unguéal, 2
Littler (technique de), 131
I
Locking finger, 64
Incidence de Kapandji, 32, 36–37 Lombricaux, 105
Infection Long abducteur du pouce, 33, 36
–– du ciment, 87 Long extenseur du pouce, 68, 116
–– péri-unguéale, 163 Long fléchisseur du pouce, 68, 138, 161
–– sur fixateur externe, 48, 86 Loupes chirurgicales, 179
Instabilité résiduelle, 73 Luxation
Interosseux, 22, 24–25, 37, 105 –– carpo-métacarpienne, 65
IPD. Voir Articulation interphalangienne distale –– interphalangienne distale, 59
IPP. Voir Articulation interphalangienne proximale –– interphalangienne proximale, 60
Ischémie secondaire, 181 –– métacarpo-métacarpienne, 63
Iselin (technique d'), 69 Lyse osseuse du greffon, 83
J M
Jahss (manœuvre de), 28, 31 Mallet finger, 55, 114, 122, 161
Jersey finger, 56, 154 Manœuvre de Jahss, 28, 31
–– du pouce, 161 Masquelet (technique de), 76
Juncturae tendinum, 104 McCoy (technique de), 111
K MCP. Voir Articulation métacarpo-phalangienne
Kapandji (incidence de), 32, 36–37 Membrane induite (technique de la), 76
Keetelkamp (technique de), 111 Métacarpiens (fractures des), 22, 28
Kessler-Tajima (point de), 144 Microscope opératoire, 179
Kleinert, 141 Miniplaques, 44
Kutler (lambeau de), 10 Moberg (lambeau de), 15
Moignon tendineux proximal, 156
L
Lambeau N
–– d'Atasoy, 10 Nerf
–– d'avancement vascularisé, 10 –– collatéral digital ulnaire, 177
–– d'éponichium, 18 –– radial (branche sensitive du), 98, 118
–– de couverture, 77 –– suture, 176
–– de Hueston, 15 Neurapraxie, 166
–– de Kutler, 10 Neurotmésis, 166
–– de Moberg, 15 Névrome, 178
–– dorsal, 36
–– dorso-radial homodactyle rétrograde, 15 O
–– en îlot pédiculé homodactyle, 13 Oberlin (by pass), 119
–– intermétacarpien, 77 Ongle
–– périosté, 39 –– anatomie, 2
–– vascularisé graisseux désépidermisé, 49 –– en griffe, 17

185
Index Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED

Orthèse –– A4, 133, 139, 145, 161


–– «IPP stop», 60 –– ouverture, 146
–– intrinsèque plus, 47 –– plastie, 147
–– thermoformée, 27, 71, 116, 162 –– répartition, 140
Ostéoarthrite, 86 Pseudarthrose, 28, 47, 76–77
Ostéotomie –– septique, 50
–– au niveau métacarpien, 48 Pseudo-doigt à ressaut, 110
–– au niveau phalangien, 50 Pull-out, 131, 159
Pulpe (lambeau de), 10
P
Pulvertaft, 118–119, 149
Palmaris longus (greffe du), 119
Pansement occlusif, 6 R
Paratendon, 139 Raideur de l'IPP, 47
Paronichium, 3 Replantation, 8
Patency-test, 172 Repousse nerveuse, 181
Perte de substance Rétinaculum dorsal, 106
–– classification d'Allen et de Fassler, 4 Rétraction tendineuse, 106, 141–142, 155
–– d'un nerf digital, 177 Rugby finger, 154
–– de la bandelette médiane de l'extenseur, 118 Rugine
–– osseuse, 76 –– AO, 36
–– tendon extenseur, 115 –– de Howard, 36
–– vasculaire, 176 Rupture
Phalanges (fractures des), 22, 37 –– des tendons extenseurs, 112
Pince –– des tendons fléchisseurs, 141, 154
–– d'Adson, 158 S
–– de Dumont, 170
Scarification trans-unguéale, 4
Plaie
Section
–– artérielle, 170
–– d'un pédicule vasculo-nerveux, 169
–– d'un nerf périphérique, 176
–– d'un tendon fléchisseur, 141
–– de la main vue avec retard, 169
Sensibilité
–– doigt en maillet, 126
–– au froid, 3
Plaque palmaire, 24, 54, 56, 59, 61, 63, 122, 131, 160
–– épicritique, 181
Plaques, 25
Sésamoïdes, 94
Plastie
SORL (Spiral Oblic Retinacular Ligament), 131
–– de Kapandji, 142
Spacer, 76
–– de poulie selon Dubert et Kalifa, 147
Stener (lésion de), 92
–– de retournement, 115
Surjet matelassé, 109
–– ligamentoplastie, 100
Suture
Poche palmaire, 10
–– artérielle, 174
Poignet (hémisection du), 180
–– d'un nerf, 176
Pouce
–– tendineuse, 127, 142, 160
–– doigt de porte, 15
–– – en hémicadre, 108, 158
–– fracture de Bennett, 69 –– termino-terminale, 160
–– fracture de la base du premier métacarpien, 32
–– jersey finger, 161 T
–– luxation de l'IP, 68 Tamaï (écarteur de ), 171
–– luxation et fracture-luxation carpo-métacarpienne, 69 Tang (suture de), 145
–– luxation et fracture-luxation de la MCP, 69 Technique
–– rupture du fléchisseur, 146, 161 –– d'Iselin, 69
–– rupture du long extenseur, 116 –– de Brooks et Graner, 129
Poulie –– de Bundens et Wiggins, 35
–– A1, 131 –– de Carrol, 111
–– A2, 131, 138–139, 145 –– de Eaton Littler, 114
–– A3, 158 –– de Fowler, 130

186
Dr A.AMINE Recherche bibliographique SCI-MED Index

–– de Keetelkamp, 111 Ténodèse, 131


–– de la membrane induite, 76 Ténolyse, 48, 118, 149, 163
–– de la poche palmaire, 10 Ténotomie de la bandelette médiane, 130
–– de Littler, 131 Test
–– de Littler-Burkalter-Aiache, 114 –– de Weber, 6
–– de Masquelet, 76 –– patency-test, 172
–– de McCoy, 111 Testing de la MCP sous radiographie, 96
–– de Snow, 114 Tête métacarpienne, 94
–– de suture artérielle, 174 Thrombose, 181
–– de suture d'un nerf, 176 Tube de régénération, 179
–– de suture tendineuse, 144 Tuile dorsale, 70
–– de Thompson, 131
U
–– de vissage rétrograde, 30, 39
–– de Wagner, 35 USSR (Ulnar Superficial Slip Resection), 146
–– de Wheeldon, 111 V
–– du «court-circuit», 119 Veines de la main et du poignet, 168
–– du coffrage, 79 Venkataswami et Subramanian (lambeau de), 13
–– du pull-out, 159 Vincula, 139
–– SORL, 132 Vis, 25
–– TILT, 149 Vissage rétrograde, 30, 39
Tendons
–– extenseurs, 104 W
–– fléchisseurs, 138, 154 Wagner (technique de), 35
Téno-arthrolyse, 48 Wheeldon (technique de), 111
Ténodermodèse, 129

187

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