Les Liaisons Dangereuses Lettre 81 Analyse
Les Liaisons Dangereuses Lettre 81 Analyse
Les Liaisons Dangereuses Lettre 81 Analyse
commentairecompose.fr/les-liaisons-dangereuses-lettre-81/
Malgré le scandale, ce roman épistolaire composé de 175 lettres et divisé en quatre parties
connaît un succès fulgurant.
La Marquise de Merteuil retrace pour Valmont son parcours et son éducation qui feront
d’elle une libertine : c’est un passage autobiographique, où la Merteuil affirme clairement
sa supériorité par rapport à Valmont et aux autres femmes.
1/7
♦ Quel portrait la Marquise de Merteuil dresse-t-elle d’elle-même ?
♦ En quoi la Marquise est-elle une libertine moderne ?
♦ Comment est présenté le libertinage dans cette lettre ?
♦ Que critique dans cette lettre Choderlos de Laclos ?
♦ Sur la base de cet autoportrait, faut-il condamner ou rejeter la Marquise de Merteuil ?
♦ Quels sont les buts de cette lettre 81 des Liaisons dangereuses ?
Annonce du plan
Nous verrons tout d’abord que cette lettre 81 des Liaisons dangereuses, de par son
contenu, est clairement autobiographique (I), puis nous verrons en quoi le portrait que
Merteuil donne d’elle-même est celui d’une libertine moderne (II). Pour terminer, nous nous
demanderons quel est l’intérêt de cette lettre pour l’intrigue du roman (III).
A – L’omniprésence du “je”
B – Un orgueil démesuré
Si elle met à distance les autres femmes, c’est parce qu’elle se considère comme
supérieure à elles.
Elle les méprise car elle estime que leurs principes ont été “« donnés au hasard, reçus sans
examen et reçus par habitude ”», alors que les siens « “sont le fruit de [ses] profondes
réflexions” ».
Elle insiste sur son extraordinaire force de caractère, sa volonté de fer et même sa
« “puissance” », ainsi que sur sa précocité (« “J’étais bien jeune encore », « Je n’avais pas
quinze ans, je possédais déjà tous les talents” ») afin de forcer l’admiration de Valmont.
Elle invoque également Valmont par la deuxième personne du pluriel (« vous ») pour en
faire son faire-valoir : « “vous avez loué si souvent », « dont je vous ai vu quelquefois si
étonné” ».
2/7
On peut relever dans cette lettre 81 le registre de l’éloge, que Merteuil emploie pour parler
d’elle-même.
Elle se dépeint comme auteure de sa propre vie (« “je puis dire que je suis mon
ouvrage” »), à la façon d’une divinité créatrice.
C – Un récit initiatique
Dans cet autoportrait, la Marquise remonte assez loin dans ses souvenirs : « “le temps où,
fille encore” » (on peut supposer qu’elle n’a pas atteint l’âge de la puberté).
Elle se présente comme une autodidacte : « “j’ai su en profiter pour observer et réfléchir” ».
C’est en prenant le contre-pied des discours officiels et en étudiant les non-dits que
Merteuil fera son éducation de manipulatrice, en jouant sans cesse sur les apparences
(« “je tâchai de régler de même les divers mouvements de ma figure », « j’y gagnai ce coup
d’œil pénétrant” » pour étudier les physionomies).
Grâce à ses talents, elle manipule son confesseur pour se forger sa propre éducation
sexuelle (« “le bon Père me fit le mal si grand, que j’en conclus que le plaisir devait être
extrême” »).
Transition : C’est donc bien le récit de sa jeunesse et de son initiation que livre Merteuil à
Valmont, et donc également au lecteur.
Le portrait qui s’en dégage est caractéristique de la libertine moderne du XVIIIème siècle,
qui ne contente pas de s’adonner aux plaisirs et montre un esprit calculateur.
A – La maîtrise de soi
Contrairement à l’image du libertin « classique », qui ne recherche que le plaisir, la Marquise
se présente dans cette lettre 81 des Liaisons dangereuses comme une véritable ascète à la
volonté de fer.
3/7
Elle est capable de s’imposer une rigoureuse discipline : « “avec soin », « je tâchai », « le
zèle », « avec le même soin et plus de peine pour réprimer…” ».
Même à un jeune âge, elle s’impose des épreuves gênantes (« “je surmontai ma petite
honte ”») ou douloureuses (« “me causer des douleurs volontaires” »).
Elle cherche toujours à aller plus loin, par étapes progressives : « “j’ai porté le zèle
jusqu’à me causer », « non contente de ne plus me laisser pénétrer », « je ne me trouvais
encore qu’aux premiers éléments de la science que je voulais acquérir” ».
Il est important de rappeler que Les liaisons dangereuses a été écrit à la fin du siècle des
Lumières, qui avait porté aux nues le pouvoir de la raison et la puissance de la science.
Elle commence par observer (« “observer et réfléchir” », « “curiosité” ») ; puis elle applique
ce que lui ont appris ses observations : « “m’apprit encore à dissimuler” ».
Elle réussit ainsi à acquérir par l’entraînement et la mise en pratique une certaine
confiance en elle (« “sûre de mes gestes », « je possédais les talents” ») qui lui permet
d’aller plus loin dans son apprentissage et d’aborder la sexualité d’abord d’un point de vue
théorique (« “deviner l’amour et ses plaisirs », « désir de le connaître” ») puis pratique
(« “[désir] de le goûter” »).
Elle prône également l’indépendance d’esprit (« “dès ce moment, ma façon de penser fut
pour moi seule ”»), autre cheval de bataille des Philosophes des Lumières qui mettent en
avant la liberté individuelle.
Maintenues dans l’ignorance (notamment en ce qui concerne le sexe), “« vouée[s] par état
au silence et à l’inaction », « forcée[e] souvent de cacher les objets de [leur] attention” », ces
femmes sont réduites à un état de passivité extrême.
4/7
Dans cette société hypocrite et répressive, Merteuil se détache des autres femmes.
Il est utile de savoir que Choderlos de Laclos écrira un an plus tard un essai intitulé Des
Femmes et de leur éducation, où il s’oppose à l’instruction traditionnelle imposée aux
femmes et prône l’émancipation d’une femme « libre et puissante ».
Transition : Ce n’est donc pas la libertine en quête de plaisir qui est décrite dans cet auto-
portrait, mais bien la femme dans toute sa puissance, sa maîtrise de soi et sa faculté de
raison, qui se sert de son intellect pour arriver à ses fins.
Mais cette lettre 81 a également une fonction narrative pour l’intrigue du roman.
Il convient de rappeler que même si cette lettre est destinée au Vicomte dans le roman, le
lecteur en est également un destinataire indirect.
Valmont est lui aussi un libertin, mais ce n’est pas le cas du lecteur lambda, qui ne fera pas
la même lecture.
La Marquise écrit pour impressionner son destinataire, mais en réalité l’autoportrait qu’elle
peint la rend d’autant plus monstrueuse pour le lecteur : refusant les règles de la société,
elle s’invente ses propres principes, « “fruit de [ses] profondes réflexions” ».
Son seul objectif semble être son profit personnel et tous les moyens sont bons pour
arriver à cette fin.
Elle n’applique ainsi que les règles qui lui semblent utiles (l’adjectif « “utile” » revient deux
fois dans l’extrait), même si elles sont contraignantes.
Elle révèle également que tout chez elle est calculé, et donc jamais spontané : sa froideur
et sa capacité à mettre à distance (ses « “premières armes” ») la rendent plus effrayante
encore.
Elle cherche à tout prix à dissimuler ses sentiments, qui risquent uniquement de la trahir
(« “Ressentais-je quelque chagrin, je m’étudiais à prendre l’air de la sécurité ”»). Toute sa
personne n’est qu’apparence choisie.
5/7
Sa précocité ne joue pas non plus en sa faveur : il est glaçant de deviner à quel point son
enfance a dû être terne, marquée par la passivité, le silence et les mensonges de son
entourage.
A bien des égards, cette lettre 81 des Liaisons dangereuses est révélatrice de la fin du
roman.
Elle met en lumière les tensions qui commencent à apparaître entre la Marquise et
Valmont.
En mettant en avant les difficultés que lui a causé son état de femme, Merteuil s’efforce ici
de démontrer à Valmont qu’elle est plus méritante que lui, voire supérieure à lui.
Elle lui rappelle ainsi plusieurs fois qu’il a lui-même admiré sa maîtrise, avec la répétition
de l’adverbe intensif « si » (« “que vous avez loué si souvent », « cette puissance dont je
vous ai vu quelquefois si étonné” »).
S’appuyant sur des faits, elle tente de le convaincre en faisant appel à sa raison, sans
chercher à l’apitoyer.
A cause de leurs ambitions démesurées, leur complicité initiale se transforme ainsi peu à
peu en rivalité destructrice : chacun causera la perte de l’autre.
S’il semble que la Marquise de Merteuil ne parle que d’elle dans cette lettre, cet autoportrait
permet en réalité à Choderlos de Laclos d’aborder des thèmes qui lui tiennent à cœur,
promouvant l’esprit rationnel des Lumières et dénonçant l’éducation des femmes au
XVIIIème siècle.
C’est aussi une lettre utile à l’intrigue, qui approfondit le portrait de l’un des personnages
principaux et annonce le dénouement des Liaisons Dangereuses.
6/7
♦ Argumentation directe et indirecte (vidéo)
♦ Les Liaisons dangereuses, lettre 1 : commentaire
♦ Les liaisons dangereuses, lettre 48 : commentaire
♦ Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges
I have a dream, Martin Luther King : analyse
♦ La Tresse, Colombani Laetitia (fiche de lecture)
♦ Femmes, soyez soumises à vos maris, Voltaire (analyse linéaire)
♦ Les femmes savantes, Molière, acte II scène 7 (analyse linéaire)
♦ Physiologie de la femme, Etienne de Neufville (analyse linéaire)
♦ Cinq mémoires sur l’instruction publique, Condorcet (analyse linéaire)
♦ Sur l’admission des femmes au droit de cité, Condorcet (analyse linéaire)
7/7