INTRODUCTION
Les difficultés rencontrées par les entreprises sont une réalité incontournable de la vie des
affaires.
Ces difficultés sont diverses : techniques, financières, commerciales, sociales. Elles sont
tantôt conjoncturelles tantôt structurelles. Elles interpellent plusieurs acteurs intéressées par
la vie des entreprises : le chef d’entreprises, les travailleurs, les clients, les créanciers
(fournisseurs), l’Etat, la région ou les collectivités territoriales.
La problématique essentielle que posent ces difficultés est celle de leur résolution.
Le redressement et la liquidation judiciaires sont des procédures auxquelles sont soumis les
professionnels et les personnes morales de droit privé lorsqu’ils se trouvent en état de
cessation des paiements, c'est-à-dire incapables de faire face à leurs dettes échues avec les
liquidités dont ils disposent. On les qualifie de procédures collectives parce qu’elles sont
conçues pour se substituer aux voies d’exécutions individuelles et assurer un règlement
collectif des créanciers.
Historiquement on parlait de « faillite ». Ce terme traduit l’esprit de la procédure en vigueur à
l’époque : elle visait un commerçant qui avait failli à ses engagements, donc indigne de
confiance.
La faillite est née des besoins particuliers du monde du commerce. En effet , celui-ci ne
pouvait se satisfaire des modalités de traitement de l’insolvabilité par le droit civil qui se
borne à offrir aux créanciers impayés des voies d’exécutions. Chacun d’eux peut exercer,
individuellement, une procédure d’exécution sur n’importe quel bien de son débiteur.
Dans le domaine commercial, l’insolvabilité d’un débiteur est une situation dangereuse car le
monde du commerce vit du crédit. La défaillance de l’un des partenaires (producteurs,
négociants, clients, fournisseurs) pourrait se propager aux autres partenaires car chaque
créancier est lui-même débiteur de ses fournisseurs. L’impayé dont il est victime peut lui
interdire de faire face à ses propres engagements. Afin de circonscrire ce risque de contagion,
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deux idées se sont rapidement imposées à savoir sanctionner le failli et éviter la situation
anarchique acceptée par le droit civil en organisant une procédure collective d’exécution.
En France au lendemain du code de commerce, la matière a évolué vers une moindre sévérité
à l’égard du failli. Au XIXe siècle, cette évolution était marquée par les lois du 28 MAI 1938
et celle du 4 MARS 1889. On recensera ensuite pas moins de cinq reformes d’importance
majeure à l’époque contemporaine. (loi du 13 JUIL 1967, du 25 JANV 1985, 10 JUIN 1994 et
du 26 JUIL 2005).
Cette évolution se caractérise par deux traits marquants. D’une part, la législation
contemporaine se préoccupe du redressement de l’entreprise soumise à une procédure
collective. D’autre part, elle se préoccupe d’éviter les procédures collectives en organisant la
prévention des difficultés et leur traitement précoce dans le cadre d’une procédure de
conciliation.
-Interpellé par cette problématique, le droit contemporain propose des solutions aux
règlements des difficultés des entreprises. Mais ces solutions ne sont pas immuables comme
le démontrent suffisamment les réformes législatives récurrentes adoptées dans chaque pays.
-Cette récurrence des réformes pose avant tout la question de l’approche juridique des
solutions. On peut à cet effet relever dans le système juridique français et tous les systèmes
satellites deux approches : l’une traditionnelle et l’autre moderne.
- L’approche traditionnelle consiste à cristalliser les difficultés de l’entreprise autour de ses
difficultés financières ou de paiement. Elle a donné naissance à un droit des procédures
collectives d’apurement du passif organisé dans le but essentiel de permettre le règlement des
créanciers sur la base d’une discipline collective de ceux-ci.
Mais le rigorisme de cette approche qui nie la réalité économique et sociale que constitue
l’entreprise a révélé ses contradictions. Comment poursuivre efficacement l’objectif de
règlement des créanciers sans poursuivre sans s’attacher à la reconstitution des équilibres
techniques et financiers de l’entreprise ? Pourquoi attendre que l’entreprise ait des obligations
de paiement pour organiser une procédure de règlement collectif des créanciers alors qu’il est
possible d’intervenir en amont pour prévenir ou guérir ces difficultés que des indicateurs
objectifs permettent de déceler.
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Dans un souci de vaincre ces contradictions ; le droit français, depuis une loi de 1967 et des
lois de 1984, 1985 et 1994, s’est attaché à ne plus limiter le droit des procédures collectives
au seul désintéressement des créanciers.
C’est à l’occasion de ces réformes françaises qu’est né le concept d’entreprises en difficultés.
Le concept est donc de création relativement récente ; il est passablement difficile à définir à
cause des incertitudes qui règnent sur la définition juridique des notions d’entreprises et de
difficultés. Il traduit néanmoins une approche moderne du règlement des difficultés de
l’entreprise. Le modernisme de cette approche se caractérise par des idées suivantes :
-La réhabilitation de l’entreprise en tant que réalité économique et sociale ; et lieu de
rencontre entre le capital et le travail.
-La conscience que les difficultés d’une entreprise ne sont pas exclusivement financières et
peuvent être d’origine diverse (technique, sociale, commerciale etc.)
-La nécessité de rechercher aussi bien des solutions préventives que curatives à ces difficultés.
Ces idées confèrent au droit des entreprises en difficultés un domaine théoriquement
beaucoup plus large que celui du droit des procédures collectives.
Malgré cette force d’expansion ; on ne trouve pas dans le droit français une législation de
synthèse sur les entreprises en difficultés. Il ne s’agit nullement d’une carence mais plutôt
d’une méthode délibérément adoptée et consistait à laisser chaque discipline juridique régler
les difficultés qui ressortissent à sa compétence. Il en est ainsi pour le droit social ; le droit des
sociétés ; ou le droit de procédures collectives.
Cette méthode est celle qui à été aussi adoptée par le droit ivoirien. Etudier le droit des
entreprises en difficultés en cote d’ivoire devrait conduire à étudier l’ensemble des règles
éparpillées dans différentes matières juridiques et qui ont vocation à résoudre les difficultés
rencontrées par les entreprises. Cela devrait consister par exemple à rendre compte des
techniques de droit du travail ou de droit des sociétés propres à régler les difficultés des
entreprises.
Le projet de ce cours sera moins ambitieux. Il consistera sous le couvert du droit des
entreprises en difficultés, à étudier le droit des procédures collectives en Côte d’ivoire. Ce
choix s’explique non seulement par des contraintes académiques mais surtout parce que ce
droit des procédures collectives prend en compte l’essentiel des idées qui sous-tendent le
concept d’entreprises en difficultés.
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Le texte qui régit le droit des procédures collectives en côte d’ivoire est l’acte uniforme
portant organisation des procédures collectives. C’est un texte qui est entré en vigueur depuis
le 1 janvier 1999 et dont l’article 258 indique qu’il abroge toutes les dispositions antérieures
contraires et qu’il s’applique à toutes les procédures collectives ouvertes après son entrée en
vigueur. En ce sens cet acte uniforme constituait une réforme du droit antérieur ; un droit qui
en côte d’ivoire comme dans la plupart des Etats africains, reposait sur deux modalités de
procédures collectives à savoir la faillite contenue dans le code de commerce de 1807, la loi
du 28 MAI 1838 et la liquidation judiciaire prévue par une loi de 4 mars 1889.
A la suite de nombreuses critiques de la pratique et pour adapter les textes de l’OHADA à
l’évolution mondiale, le premier AUPC a été abrogé et remplacé par un second, adopté le 10
septembre 2015 à grand Bassam. De nombreuses innovations de forme et de fond, mineures
ou majeures, ont été apportées au texte de l’AUPC originel.
Formellement, il est a noté une augmentation du volume de l’acte uniforme qui passe de 258
articles à 378 articles.
Au fond, la réforme instituée par l’acte uniforme a un triple objet qui témoigne des nouvelles
finalités de cette matière. Il s’agit désormais :
d'organiser la conciliation et les procédures collectives de règlement préventif, ainsi que les
procédures curatives de redressement judiciaire et de liquidation des biens afin de préserver
les activités économiques et les niveaux d’emplois des entreprises débitrices, de redresser
rapidement les entreprises viables et de liquider les entreprises non viables dans des
conditions propres à maximiser la valeur des actifs des débiteurs pour augmenter les montants
recouvrés par les créanciers et d’établir un ordre précis de paiement des créances garanties ou
non garanties;
de définir la réglementation applicable aux mandataires judiciaires,
de définir les sanctions patrimoniales et professionnelles, ainsi que les incriminations pénales
relatives à la défaillance du débiteur, applicables aux dirigeants de toute entreprise débitrice et
aux personnes intervenant dans la gestion de la procédure. (article 1 de l’acte uniforme).
La réglementation applicable aux mandataires de justice étant pour l’essentiel reprise dans les
développements relatifs aux procédures elles-mêmes, le cours s’attachera à traiter de
l’organisation des procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises
(1ère partie) et des sanctions patrimoniales, professionnelles et pénales (2ème partie).
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PREMIERE PARTIE
L’ORGANISATION DES PROCEDURES DE PREVENTION ET DE TRAITEMENT DES
DIFFICULTES DES ENTREPRISES
Les procédures existantes étaient au nombre de trois : règlement préventif, redressement
judiciaire, liquidation des biens. Elles sont toutes qualifiées de procédures collectives par
l’AUPC. La doctrine semble cependant considérer que le règlement préventif stricto sensu,
puisqu’il intervient avant la cessation des paiements, ne saurait être qualifié de procédure
collective.
Toutes ces procédures ont cependant subi des modifications plus ou moins profondes. Elles
ont été reformées ou toilettées. En outre, une quatrième procédure totalement nouvelle,
appelée procédure de conciliation, a été instituée. On compte désormais quatre procédures,
classées selon qu’elles relèvent de la prévention (conciliation et règlement préventif) ou du
traitement des difficultés des entreprises (redressement judiciaire et liquidation des biens).
Au-delà de cette première observation, il convient de souligner que pour l’acte uniforme, ces
procédures sont destinées à être mises en œuvre sur le territoire de chaque Etat membre de
l’OHADA. Il n’exclut pas pour autant qu’elles puissent déployer leurs effets dans l’ordre
juridique international constitué par les territoires non seulement des autres Etats membres
mais aussi des Etats tiers à l’OHADA. Ainsi, certains articles sont consacrés aux procédures
collectives internationales. Cela conduit à examiner, dans cette première partie, les trois titres
que sont :
- L’organisation des procédures de prévention des difficultés
- L’organisation des procédures de traitement des difficultés,
- L’organisation des procédures collectives internationales.
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TITRE 1 : L’ORGANISATION DES PROCEDURES DE PREVENTION DES
DIFFICULTES DES ENTREPRISES
Le règlement préventif et la conciliation sont deux procédures destinées à éviter la cessation
des paiements ou la cessation d’activité de l’entreprise et à permettre l’apurement du passif
au moyen d’un concordat préventif.
Si elles ont en commun l’objectif de prévention des difficultés, elles conservent leurs
spécificités : La différence majeure est que le règlement préventif est une procédure
essentiellement judiciaire, alors que la conciliation est essentiellement consensuelle et
confidentielle.
Il convient donc d’étudier séparément ces deux procédures en commençant par la conciliation
(chapitre 1) pour terminer par le règlement préventif (chapitre 2).
Chapitre 1 : LA CONCILIATION
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Aux termes de l’article 2 de l’AUPCAP, la conciliation est une procédure préventive
consensuelle et confidentielle destinée à éviter la cessation des paiements de l’entreprise
débitrice afin d’effectuer, en tout ou en partie, sa restructuration financière ou opérationnelle
pour la sauvegarder. Cette conciliation intervient par le biais de négociations privés et la
conclusion d’un accord négocié entre le débiteur et ses créanciers ou au moins ses principaux
créanciers, grâce à l’appui d’un tiers impartial et indépendant dénommé conciliateur. Elle a
donc pour objet de rechercher un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers
et cocontractants afin de résoudre les difficultés que rencontre le débiteur (art. 5-1, al. 2). La
dimension amiable de la conciliation se traduit par le fait que le débiteur peut choisir les
créanciers ou partenaires qu’il souhaite inviter à la négociation. Elle présente en réalité une
vertu pédagogique : celle d’insister sur la nécessité de tenter de résoudre les difficultés d’une
entreprise le plus en amont possible de la cessation des paiements. Ce dispositif a donc été
introduit en droit OHADA avec pour objectif l'anticipation de difficultés ou leur règlement
dans un cadre amiable.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une procédure collective, la conciliation obéit à des règles
relatives à son ouverture, à son déroulement et produit des effets. Cela conduit à examiner
l’ouverture de la conciliation (section 1) puis le déroulement et l’issue de la conciliation
(section 2).
Section 1 : L’ouverture de la conciliation
Cette ouverture se décline en deux phases :
-La saisine de la juridiction compétente ;
-La décision du président de la juridiction compétente
Paragraphe 1 : La saisine de la juridiction compétente
A .La saisine
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Elle permet d’évoquer les conditions de la conciliation à savoir l’auteur de la saisine (1) et la
forme et le contenu de l’acte de saisine (2).
1. L’auteur de la saisine
Peuvent demander à bénéficier de la procédure de conciliation :
-Toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, civile,
commerciale ou agricole ou toute personne morale de droit privé y compris celles qui
exercent une activité soumise à un régime particulier (établissement de crédit, microfinance,
société d’assurance et de réassurance etc..) lorsque la réglementation spécifique régissant cette
activité ne dispose pas autrement ou encore une entreprise publique ayant la forme d’une
personne morale de droit privé (V. art. 1-1 AUPCAP).
-qui connaissent des difficultés avérées ou prévisibles.
- Et qui ne se trouvent pas encore en état de cessation des paiements. (v.art.5-1 AUPCAP).
2-Forme et contenu de l’acte de saisine
-La demande en conciliation se matérialise par une requête du débiteur ou par une requête
conjointe du débiteur avec un ou plusieurs de ses créanciers adressée au président de la
juridiction compétente.
-La requête expose les difficultés du débiteur ainsi que les moyens d'y faire face.
- Cette requête doit être accompagnée de sept (7) documents énumérés à l’article 5-2, al. 2
de l’AUPCAP) donnant des informations sur le débiteur, sur sa situation économique et
financière (état financier de synthèse, dettes, créances etc ). Ces documents doivent être
datés, signés et certifiés sincères par le requérant.
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B-La juridiction compétente
1-juridiction matériellement compétente
La juridiction matériellement compétente est la juridiction compétente en matière de
procédures collectives (art. 3 AUPCAP). Il s’agit pour la Côte d’Ivoire de la juridiction
commerciale. (En vertu du principe de l’unité de juridiction en Côte d’ivoire, ce sera le
tribunal de première Instance pour les zones n’ayant pas de tribunal de commerce pour
Abidjan le tribunal).
2- La juridiction territorialement compétente
La juridiction territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle le débiteur a
son principal établissement si ce débiteur est une personne physique.
Si le débiteur est une personne morale, c’est la juridiction du lieu de son siège social. A défaut
de principal établissement ou de siège social sur le territoire national, la juridiction du
principal centre d’exploitation sera territorialement compétente (v. art. 3-1 AUPCAP).
Paragraphe 2 : La décision du président de la juridiction compétente
Le président de la juridiction compétente décide de l’ouverture de la procédure de conciliation
(A) et désigne un conciliateur (B).
A.La décision d’ouverture de la conciliation
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Le président de la juridiction compétente statue à huit clos et décide de l’ouverture de la
conciliation. Il peut décider de rejeter la demande d’ouverture de la procédure. La durée de la
procédure est limitée à trois mois mais le président de la juridiction compétente peut, par une
décision spécialement motivée, proroger d'un mois au plus à la demande du débiteur, après
avis du conciliateur. (Ce qui porte le délai maximum de cette procédure à 4 mois) (v. art.5-3
AUPCAP).
La décision ouvrant la conciliation ou rejetant la demande d’ouverture de la conciliation ne
fait l’objet d’aucune publicité. (art. 5-3 al. 2 ). C’est le caractère confidentiel de la
conciliation qui, à la différence notamment du règlement préventif, permet au débiteur de
conserver une discrétion sur ses difficultés et sur les tentatives d’y remédier).
B .La désignation du conciliateur
-Dans la décision d’ouverture, le président de la juridiction compétente désigne un
conciliateur. (art. 5-4 al. 1). Son statut (1) et sa rémunération (2) sont régis par l’AUPCAP.
(art.5-2, 6°).
1) statut du conciliateur
Le conciliateur n’est pas nécessairement un syndic, (afin de permettre l’accès à cette fonction
à d’autres professionnels). Le débiteur peut proposer le nom d’un conciliateur. Il convient
toutefois de s’assurer de sa compétence professionnelle et de son indépendance et impartialité
vis-à-vis des parties c’est-à-dire du débiteur d’une part, et des créanciers d’autre part. Pour
cette raison, certaines incompatibilités ont été prévues : Ainsi, des magistrats en fonction, ou
ayant quitté leur fonction depuis moins de 5 ans ne peuvent être désignés à cette fonction. Il
en va de même pour les parents ou allié du débiteur jusqu’au 4e dégré … (v. al. 2 du texte).
Le conciliateur, comme toute autre personne ayant connaissance de la conciliation, est tenu à
la confidentialité.
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2-Les modalités de rémunération du conciliateur
Elles sont déterminées par le président de la juridiction avec l’accord du débiteur au jour de
l’ouverture de la conciliation.
Les critères sur la base desquels elle sera arrêtée, son montant maximal et le montant des
provisions, sont précisés dans un document signé par le débiteur et le conciliateur et annexé à
la décision d’ouverture. Si au cours de sa mission, le conciliateur estime que le montant
initialement déterminé est insuffisant, il doit en informer sans délai le président de la
juridiction qui fixe les nouvelles conditions avec l’accord du débiteur. A défaut d’accord, il
est mis fin à la mission du conciliateur.
La rémunération du conciliateur est à la charge du débiteur et fait l’objet d’une ordonnance de
taxe.
SECTION 2 : Le déroulement et l’issue de la conciliation
Seront examinés le déroulement (paragraphe 1) puis l’issue de la procédure de conciliation
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le déroulement de la conciliation
Le déroulement de la conciliation suppose l’exercice de la mission du conciliateur (A) et le
prononcé éventuel de certaines mesures par le président du Tribunal (B).
A. La mission du conciliateur
Etendue de la mission
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-Le conciliateur conduit sa mission qui consiste à favoriser la conclusion entre le débiteur et
ses principaux créanciers ainsi que le cas échéant, ses cocontractants habituels (fournisseurs,
clients, partenaires), d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l'entreprise.
Le conciliateur peut, à cette fin, obtenir du débiteur tous renseignements utiles. En effet, le
conciliateur doit pouvoir travailler efficacement, mais sa mission ne pourra se réaliser dans de
bonnes conditions que s’il collabore avec le débiteur et si ce dernier collabore avec lui (ce qui
explique d’ailleurs que le débiteur puisse proposer une personne à la désignation de cette
mission). Il peut également obtenir des informations de la part du président de la juridiction
compétente
-Le conciliateur rend compte régulièrement, au président de la juridiction compétente, de l'état
d'avancement de sa mission et formule toutes observations utiles. S’il a connaissance de la
survenance de la cessation des paiements, il en informe sans délai le président de la juridiction
compétente.
2. fin de la mission
En cas d'impossibilité de parvenir à un accord amiable, le conciliateur présente sans délai un
rapport écrit au président. Celui-ci met fin à sa mission et à la conciliation, après avoir
entendu le débiteur.
Il est également possible pour le débiteur de mettre fin à la procédure. En effet, à tout
moment, même en l’absence de cessation des paiements, le débiteur peut demander à ce qu’il
soit mis fin à la mission du conciliateur et à la conciliation, auquel cas, le président de la
juridiction compétente y met fin sans délai. (Cette disposition permet d’une part au débiteur
de conserver la pleine maîtrise de cette procédure puisqu’il peut alors y mettre fin quand il le
souhaite, d’autre part, de mettre fin à cette procédure pour ensuite finaliser un accord dans le
cadre d’un règlement préventif, par exemple). (art. 5-8).
-A tout moment (du déroulement de la procédure), si le président de la juridiction compétente
est informé de la survenance de l’état de cessation des paiements (par le conciliateur ( al. 1)
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ou par le débiteur lui-même ( al. 2) ou par tout autre moyen, il met fin sans délai à la
conciliation et à la mission du conciliateur.
- La décision mettant fin à la conciliation et à la mission du conciliateur est notifiée au
débiteur, au conciliateur, aux créanciers et aux cocontractants appelés à la conciliation. Elle
ne fera l’objet d’aucune publicité afin de conserver le caractère confidentiel de cette
procédure, même si elle n’aboutit pas à un accord. (art.5-9).
B-Les mesures du président du tribunal
-Il est possible que pendant la période de recherche de l’accord, le débiteur soit mis en
demeure ou poursuivi par un créancier appelé à l’accord. Dans ce cas, le président du tribunal
ordonne le report du paiement des sommes dues ou la suspension des poursuites engagées par
un créancier, sur demande du débiteur. L’ordonnance du président prononçant ces mesures
doit être déposée au greffe. Elle ne fait l’objet d’aucune publicité mais est notifiée sans délai
au créancier concerné. Ce dernier est tenu à la confidentialité.
Paragraphe 2-L’issue de la procédure
La procédure de conciliation peut aboutir à l’accord recherché (A). Cependant, l’éventualité
d’un échec de la procédure (B) n’est pas à écarter.
A. L’accord de conciliation
Lorsque la conciliation débouche sur un accord, celui-ci doit faire être constaté (1). L’accord
constaté produit alors ses effets (2).
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1. Le constat de l’accord
En cas de signature d’un accord, deux voies se présentent au débiteur :
-l’une consistant au dépôt de l’accord signé au rang des minutes d’un notaire (a),
- l’autre en une décision d’homologation ou d’exequatur de l’accord (2).
En pratique, même s’il revient pour des raisons de commodité au débiteur de faire la
démarche, la décision de recourir à l’une ou l’autre de ces formalités sera décidée par les
parties à l’accord, lors des négociations.
a-Dépôt au rang des minutes d’un notaire
Si un accord a été trouvé, il est peut être déposé par le débiteur ou les créanciers au rang des
minutes d’un notaire. Ce dépôt permet tout à la fois de préserver le caractère confidentiel de
l’accord et de lui donner date certaine.
b-L’homologation ou l’exéquatur
La partie la plus diligente peut choisir de faire homologuer ou exéquaturer l’accord, par la
juridiction ou l’autorité compétente. Cette voie a l’avantage de rendre cet accord exécutoire.
L’art.5-10 de l’AUPCAP précise que le greffier appose la formule exécutoire. En outre, des
copies ayant valeur de titre exécutoire peuvent être délivrées aux parties à l’accord.
L’homologation ou l’exequatur est de plein droit. La juridiction ou l’autorité compétente ne
peut refuser l’homologation ou l’exéquatur que si l’accord est contraire à l’ordre public.
L’homologation de l’accord met fin à la conciliation (art.5-10 alinéa 2).
La décision d’homologation ou d’exéquatur ne fait l’objet d’aucune publicité et ne reprend
pas le contenu de l’accord. Cet accord reste donc confidentiel, tout comme la conciliation.
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Enfin, l’article 5-10, al. 2 exclut tout recours contre la décision homologuant ou exéquaturant
l’accord. Il s’agit là encore de préserver la confidentialité et la souplesse de cette procédure.
2- Les effets de l’accord de conciliation
L’accord produit des effets à l’égard des créanciers (1), à l’égard des cautions personnes
physiques (2).
1-à l’égard des créanciers
L’accord produit les effets suivants:
- la suspension et l’interdiction des poursuites individuelles. En effet, pendant la durée de son
exécution, l'accord constaté interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit
toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but
d'obtenir le paiement des créances qui en font l'objet.
-L’interruption des délais : Il interrompt, pour la même durée, les délais impartis aux
créanciers parties à l'accord à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux
créances mentionnées par l'accord.
-Le privilège accordé à certains créanciers en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation
des biens intervenant après un accord de conciliation homologué ou exéquaturée par la
juridiction compétente ou par l’autorité compétente.
Dans cette hypothèse, les personnes qui avaient consenti, dans l’accord, un nouvel apport au
débiteur en vue de lui permettre d’assurer la poursuite et la pérennité de l’activité bénéficient
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d’un privilège. Ils sont par conséquent payés selon les rangs prévus aux art. 166 et 167 de
l’AUPAC.
Il en va de même des personnes qui fournissent un nouveau bien ou service en vue d’assurer
la poursuite de l’activité. Ces derniers bénéficient de ce privilège pour le prix du service ou du
bien fourni. Sont exclus de ce privilège, les personnes qui ont consenti un apport dans le cadre
d’une augmentation du capital du débiteur.
Le privilège prévu par l’article 5-11 concerne visiblement les créances nées pendant l’accord
de conciliation (consenti dans l’accord) pour permettre au débiteur d’assurer la continuité de
l’activité. On en déduit que ce privilège ne peut être invoqué pour des créances nées avant
l’ouverture de la conciliation.
La juridiction ou l’autorité compétente appelée à homologuer ou exéquaturer l’accord de
conciliation devra vérifier que les conditions exigées pour bénéficier du privilège sont bien
réunies et que l’octroi de ce privilège ne préjudicie pas aux droits des créanciers non parties à
l’accord de conciliation.
.La décision d’homologation ou d’exéquatur qui ne reprend pas le contenu de l’accord (qui est
confidentiel) mentionne cependant le privilège et les montants garantis. La décision est
notifiée par le greffe au ministère public, et aux créanciers et cocontractants signataires de
l’accord. Cette décision fait l’objet de publicité dans les conditions prévues aux articles 36 et
37 (articles organisant la publicité de la décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de
la liquidation des biens).
.Par dérogation à l’article 5-10 prévoyant que la décision d’homologation ou d’exéquatur
n’est pas susceptible de recours, cette décision qui constate et mentionne le privilège prévu à
l’article 5-11 est susceptible d’opposition par tout intéressé, dans les 15 jours de sa
publication, devant la juridiction compétente. La décision rendue par la juridiction peut
également faire l’objet d’un appel dans les 15 jours de son prononcé.
2- A l’ égard des cautions personnes physiques.
-Les personnes physiques ayant consenti un cautionnement ou ayant affecté ou cédé un bien
en garantie peuvent se prévaloir des dispositions de l'accord constaté ». Ces personnes
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physiques sont souvent en pratique, le dirigeant de la société ou un de ses proches. Cette
disposition devrait avoir pour effet d’inciter ledit dirigeant à recourir à cette procédure
préventive. Cependant, elle pose la question de savoir s’il ne serait pas nécessaire de
communiquer aux cautions l’existence de l’accord ; a priori non, pour respecter autant que
possible la confidentialité de l’accord. Mais aussi parce qu’on peut penser que si elles sont
actionnées par un créancier, elles se tourneront sans doute vers le débiteur (principal) avant de
payer.
B) L’échec de la procédure de conciliation
La procédure de conciliation peut connaître un échec dans diverses hypothèses en cas
d’impossibilité de parvenir à un accord (1), en cas d’ouverture d’une procédure collective (2)
ou en cas d’inexécution de l’accord (3).
1-L’impossibilité de parvenir à un accord
En cas d'impossibilité de parvenir à un accord amiable, le conciliateur présente sans délai un
rapport écrit au président. Celui-ci met fin à sa mission et à la conciliation, après avoir
entendu le débiteur. (5-8).
2-L’ouverture d’une procédure collective
-L'ouverture d'une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens met fin de plein droit à la conciliation et, le cas échéant, à l'accord. (art.
5-14).
L’ouverture d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation des biens pendant l’exécution
de l’accord, suppose que le débiteur est en cessation des paiements. Il est alors pleinement
logique que cet accord prenne fin de plein droit. Cette précision qui pourrait paraître superflue
évitera que la question se pose de savoir si un tel accord est un contrat en cours. Il en va de
même si cette ouverture intervient durant la conciliation avant l’adoption de l’accord.
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En cas d’ouverture d’un règlement préventif, le débiteur n’est pas nécessairement en cessation
des paiements, mais s’il remplit les conditions d’ouverture de cette procédure, c’est sans doute
que l’accord est insuffisant pour mettre fin à ses difficultés. L’accord prend fin là aussi de
plein droit. . Il serait en outre préjudiciable aux droits des créanciers que l’accord soit
maintenu tout en préparant un concordat préventif.
Dans ce cas, les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs créances, déduction faite des
sommes perçues.
3-Inexécution de l’accord
L’accord constaté ou homologué peut ne pas être exécuté. L’une des parties à l’accord peut,
dans ce cas, demander en justice la résolution de l’accord. La seule juridiction ou l’autorité
compétente pour connaître de l’inexécution de l’accord et pour prononcer sa résolution est
celle qui a connu de la conciliation.
En cas de résolution de l’accord, les créanciers parties à l’accord recouvrent l’intégralité de
leurs créances (dès lors que l’accord a pris fin) , déduction faite des sommes perçues. Les
sommes perçues dans le cadre d’un éventuel début de commencement d’exécution de l’accord
sont donc acquises définitivement au créancier.
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