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Séduis Moi Lena Clarke

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Séduis-moi
Lena Clarke
CHAPITRE 1
— C’est officiel, je déteste mon job.
Avec un grand soupir, Paige se laissa tomber à côté de Jessica et vida
son verre de vin d’un trait. Elle en commanda un autre dans la foulée,
avant de se débarrasser de l’élastique qui retenait ses cheveux blond
vénitien mi-longs en queue de cheval.
— Étrange, j’ai déjà cru entendre ça hier, ainsi qu’avant-hier et avant
avant-hier, se moqua sa voisine.
— Je suis extrêmement sérieuse ! Je viens de présenter la seizième
version de cette maudite couverture à Harper et elle n’est jamais
satisfaite ! Cette femme est un démon. Elle jette un coup d’œil, un
minuscule coup d’œil d’à peine deux secondes sur mon travail et me
balance à la figure une liste longue comme le bras de défauts à corriger.
Je crois qu’elle veut ma peau, oui c’est ça, elle doit penser que je dors
trop la nuit et s’est senti le devoir de me fournir une activité nocturne.
— Elle est simplement exigeante. C’est son boulot après tout, de
s’assurer que tout soit parfait au moment de la publication des livres
dont elle a la charge.
Ma remarque poussa mes deux collègues à tourner la tête vers moi.
Assise sur le bord de la banquette noire qui formait un U autour de la
table circulaire sur laquelle reposaient nos boissons, je savais d’avance
quels mots allaient sortir de leurs bouches. Je regrettais d’ores et déjà
d’avoir pris la défense de ma supérieure. Ce n’était pas ce que Paige
souhaitait entendre et, comme d’habitude, elle allait prendre plaisir à
m’asticoter pendant de longues, très longues minutes.
— Comme c’est mignon, Harper peut s’estimer chanceuse d’avoir une
assistante aussi dévouée à son service.
— Une assistante prête à voler à sa rescousse en toute circonstance et
surtout prête à se sacrifier corps et âme pour son bien-être, ricana
Jessica.
— Vous me fatiguez, marmonnai-je en détournant les yeux.
Bien décidée à les ignorer, et surtout à ne pas rentrer dans leur jeu,
j’observais les gens installés aux alentours. Même s’il n’était que
18 h 30, le Stand by était bondé. Les tables avaient été prises d’assaut.
Seules restaient quelques places au bar, qui à mon avis n’allaient pas
demeurer vacantes très longtemps. En raison de son emplacement en
plein centre-ville de Détroit et grâce à sa proximité avec de nombreux
bureaux, cet endroit ne désemplissait jamais. Pour autant, l’atmosphère
n’y était pas étouffante. Les lumières tamisées et la décoration épurée
permettaient de s’y sentir à l’aise. Nous avions l’habitude d’y venir tous
les jeudis depuis presque un an, soit depuis ma première semaine de
travail à Midnight Edition.
— Tu ne démens plus, il y a du progrès, commenta Paige. D’ici six mois,
la vérité sortira peut-être enfin de ta bouche.
— Quelle vérité ? demandai-je, tout en sachant que j’allais le regretter.
— Que tu craques complètement pour ta patronne, pardi ! Il ne faut pas
en avoir honte. C’est une peau de vache, mais une peau de vache sexy.
Même moi qui suis hétéro, je passe souvent du temps à rêvasser en la
regardant.
— Ce qui explique probablement le souci avec tes illustrations,
commentai-je en prenant une gorgée de mon cocktail sans alcool.
— Ne change pas de sujet et avoue ! Tu verras, tu te sentiras soulagée
après. Ce sera comme une grande libération.
Rivée à mes lèvres, la blonde ne remarqua même pas le serveur qui
venait de déposer un verre devant elle.
— D’accord, prononçai-je calmement. Je vais avouer.
— Ah, enfin ! Jessica enregistre-la pour que nous ayons une preuve
quand elle essaiera de nier.
— J’avoue être hétéro moi aussi et ne rien ressentir à part de
l’admiration au contact de cette femme.
— Mais non ! C’est pas possible.
Désespérée, ma collègue attrapa son visage entre ses mains et secoua
ensuite ses cheveux. Même si une part de moi s’agaçait d’être en
permanence harcelée sur le sujet, je demeurais amusée par les
réactions de Paige. Graphiste depuis plusieurs années pour Midnight
Edition, elle venait d’avoir vingt-neuf ans, soit trois de plus que moi,
mais paraissait plus jeune. La première fois que nous nous étions
arrêtées ici, le barman lui avait demandé sa carte d’identité. Je ne
connaissais personne capable de bouder et de s’emporter autant, un
comportement qui ne l’aidait pas vraiment à faire son âge.
— Et toi, tu ne dis rien ? Je croyais que tu étais de mon côté, se lamenta-
t-elle à l’adresse de Jessica.
— Tu m’as perdue au mot « pardi ». Franchement, qui utilise encore
cette expression ?
Son commentaire m’arracha un sourire. Plus calme que Paige, Jessica
était la première personne avec qui j’avais sympathisé en commençant
mon nouveau travail. Tout comme moi, elle était assistante d’édition et
m’avait beaucoup aidée à mes débuts. Avec ses longs cheveux blonds et
ses yeux marron clair, elle plaisait à nombre de nos collègues. Qu’elle
soit déjà mariée ne les perturbait pas le moins du monde. Ils
continuaient à tenter inlassablement leur chance et rivalisaient
d’imagination pour essayer de la séduire.
— C’est bon, j’ai compris, j’abandonne pour ce soir. Libre à toi de te
voiler la face, après tout, ça n’en rendra que plus torride le moment où
elle te coincera dans son bureau !
Mon cerveau eut l’automatisme de se représenter la scène. En réaction,
je rougis et surtout je faillis m’étrangler avec ma boisson. Penser à
Harper de cette façon me dérangeait. Nos rapports étaient uniquement
professionnels et cela m’allait très bien. J’ignorais pourquoi Paige s’était
mise en tête qu’il pourrait y avoir bien plus. Elle se fourvoyait
complètement. Que ce soit maintenant ou dans dix ans, je ne comptais
pas développer le moindre sentiment pour ma supérieure et je
comptais encore moins vivre une histoire d’amour au travail. Je n’avais
aucune envie de m’attirer des problèmes. Je tenais bien trop à mon
poste pour risquer de le perdre.
— Arrête de fantasmer sur ma vie sentimentale et concentre-toi sur la
tienne pour changer.
— Tu n’es vraiment pas drôle.
Une moue boudeuse sur le visage, la jeune femme sirota lentement son
nouveau verre de vin. De mon côté, j’avais terminé mon cocktail. En
temps normal, j’en aurais sûrement pris un deuxième, seulement il me
restait encore des courses à faire et trois manuscrits à survoler avant le
lendemain.
— La rabat-joie que je suis va rentrer. Amusez-vous bien toutes les
deux, on se voit demain, annonçai-je en enfilant ma veste de blaser
noire, puis mon manteau, au-dessus de mon chemisier blanc.
— Déjà ?! Je viens à peine d’arriver.
— Mon téléphone est allumé. Tu peux m’envoyer des messages en cas
de besoin.
— Ce n’est pas pareil. Et puis, c’est ta seule sortie de la semaine. Tu as le
devoir d’en profiter !
— Ma seule sortie ? Et les cours de yoga du mercredi midi alors ? Je te
laisse m’y traîner depuis six mois, ce sacrifice mériterait un minimum
de reconnaissance.
— Tu sais très bien ce que je voulais dire. Ta vie est réglée comme du
papier à musique. Il n’y a aucune place à l’imprévu, c’est super
déprimant.
— Pour toi, peut-être. Personnellement, je trouve ça rassurant. J’aime
que les choses soient organisées et planifiées. Ça m’évite beaucoup de
réflexion inutile et de temps perdu.
Juste avant d’attraper ma sacoche contenant mon ordinateur, je rajustai
mes lunettes sur mon nez et lissai un pli imaginaire sur mon jean bleu
foncé. L’avis de Paige sur mon quotidien, apparemment barbant au
possible, me passait totalement au-dessus. Mon activité favorite
consistait à rester chez moi accompagnée d’un bon bouquin et je n’en
avais pas du tout honte.
— Avec un tel discours, pas étonnant que les gens te pensent
psychorigide, souffla-t-elle.
— Les gens, répétai-je en fixant la jeune femme. Et pas toi peut-être ?
— Non, de mon point de vue, tu n’as juste jamais appris à t’amuser.
C’est quoi le truc le plus fou que t’aies jamais fait ?
J’ouvris la bouche, bien décidée à lui rabattre le caquet,
malheureusement aucun souvenir ne se rappela à moi. J’aurais pu
inventer, lui raconter un évènement qui était arrivé à quelqu’un d’autre.
L’idée me traversa l’esprit durant une seconde, puis disparut aussi vite
qu’elle était apparue. Pourquoi aurais-je dû mentir ? Je ne devais rien à
Paige.
— Ton silence est criant de vérité.
— D’accord, tu as raison, je suis ennuyeuse et beaucoup trop sage.
Satisfaite ?
— Pas du tout ! Déjà tu peux retirer la première partie, je te trouve très
intéressante. Et nous pouvons travailler sur la deuxième partie.
Réfléchissons…
Jusque-là concentrée sur son téléphone, Jessica sursauta au moment où
le coude de sa voisine percuta ses côtes. J’ignorais avec qui elle
discutait, mais cette personne avait le don de la captiver.
— Quoi ? Je vous écoutais, promis ! prétendit-elle avec un air coupable.
— C’est ça, oui. Aide-moi à trouver un truc un peu fou à faire faire à Mia.
— Parce que tu crois vraiment que je vais m’exécuter ?
Apparemment, elle me connaissait très mal. J’étais tout sauf du genre à
sauter quand on m’en donnait l’ordre.
— Si tu acceptes, j’arrête de te parler d’Harper.
Une étincelle d’intérêt s’alluma dans mon regard. Foncer dans ce piège
gros comme une maison était clairement une erreur, mais je fus
incapable de m’en empêcher. L’occasion était trop belle.
— OK, faites-vous plaisir.
Du bout des ongles, Jessica commença à pianoter sur la table. Je me
méfiais davantage de Paige, pourtant l’idée sortit bien de la bouche de
l’assistante d’édition.
— Embrasse la première personne qui passe la porte.
— Quoi ? m’insurgeai-je. C’est hors de question. Je n’ose même pas
croire que tu aies suggéré une chose pareille.
— Tu rigoles ? Moi je trouve ça parfait ! s’enthousiasma Paige.
— Le contraire m’aurait étonnée, maugréai-je. Je vous signale qu’il y a
des lois contre ça. Embrasser quelqu’un sans son consentement
s’apparente à une agression sexuelle.
— Demande-lui son accord, alors. Nous n’avons pas fixé de limite de
temps, libre à toi de ne pas te jeter au cou de cet inconnu.
Grand sourire aux lèvres, Jessica me parut soudain bien plus
dangereuse que la graphiste. Il s’agissait d’une leçon à retenir pour le
futur : toujours se méfier de l’eau qui dort. Avec embarras, je me
tournai vers l’entrée du bar. Je ne pouvais pas réellement me comporter
de la sorte, si ?
— Tu as intérêt à tenir parole, plus de sous-entendus sur Harper,
prévins-je Paige.
— Je serai muette comme une carpe.
En me levant, je me traitai mentalement d’imbécile. Pourquoi est-ce que
je les écoutais ? Je n’avais rien à prouver. D’accord, je n’étais pas une
personne spontanée et encore moins aventureuse, cependant il n’était
indiqué nulle part qu’il s’agissait de critères essentiels pour réussir sa
vie.
— Tu devrais détacher tes cheveux et enlever tes lunettes. Tu
maximiseras tes chances d’arriver à tes fins, me conseilla Jessica.
Et puis quoi encore… Dans un premier temps, je n’eus aucune intention
de suivre ces recommandations. J’attrapai mon sac, de sorte à pouvoir
filer dès ma mission remplie, et me concentrai sur la porte fermée. Dans
ma poitrine, mon cœur battait rapidement. Je me demandais qui allait
se présenter. L’apparence physique m’importait peu. J’espérais juste ne
pas me ridiculiser.
— C’est long, se plaignit Paige. Si ça continue, Mia va finir par
s’évanouir.
— Je vais très bien, merci de t’en soucier.
— Tu devrais te rassoir, tes jambes vont tétaniser.
Au moment où elle prononça ces quelques mots, la porte s’ouvrit
doucement sur une femme métisse habillée tout en noir. J’étais trop loin
pour apercevoir les traits de son visage, en revanche d’après son
attitude, je devinais qu’elle cherchait quelqu’un. J’hésitais, car je n’avais
aucune envie de lui causer des problèmes si elle était en couple. Mais
surtout parce qu’à aucun moment je n’avais songé que l’inconnu à
embrasser puisse être de sexe féminin. J’interrogeai Paige du regard,
laquelle évidemment était aux anges.
— C’est le destin ! En avant, ma belle.
— Non, attends. Rien ne t’y oblige ! protesta soudain Jessica. Tu avais
raison, c’était complètement débile comme idée.
— Qu’est-ce qui te prend ? Ça va pas ou quoi ? Fonce, Mia, et rends-nous
fières !
Je les observais se chamailler l’une avec l’autre, sans arriver à
déterminer ce que je devais faire ou non. Je cogitais, pesais le pour et le
contre, tout en ayant conscience qu’à trop réfléchir, j’allais tout
simplement finir par me dégonfler. S’il suffisait d’embrasser cette
étrangère pour être tranquille ensuite, alors qu’est-ce que j’attendais ?
Un baiser d’une seconde ne me traumatiserait pas et n’aurait aucune
incidence sur le reste de ma vie.
Prenant mon courage à deux mains, j’abandonnai ma position pour me
diriger vers ma cible. Elle venait de bouger pour rejoindre le bar.
Contrairement à mes pronostics, elle semblait seule. Elle se contenta de
commander un verre et, de mon côté, je dus lutter contre l’irrépressible
envie de rebrousser chemin. Plus je me rapprochais, plus mon estomac
se nouait. Mon cerveau m’envoyait des messages d’alerte. Il me
conseillait de quitter cet endroit au plus vite, de continuer tout droit
sans m’arrêter afin de retrouver la chaleur douillette de mon
appartement. Je tâchais d’ignorer ces signaux de danger, ainsi que tout
instinct de préservation, et avançais.
Arrivée à moins de deux mètres, je déglutis. J’essayais de trouver une
manière d’engager la conversation, lorsque la jeune femme se retourna.
Je lui donnais environ trente ans. La première chose que je remarquai
fut ses yeux verts. Mis en valeur par un maquillage foncé, ils brillaient
de mille feux sous les lumières artificielles des néons. Mon attention se
porta ensuite sur sa coiffure. Trois petites tresses plaquées dégageaient
la moitié gauche de son visage. Le reste de sa chevelure noire était
laissée libre et retombait souplement sur ses épaules, lesquelles étaient
couvertes par une veste en cuir.
Probablement parce que je la regardais, l’inconnue en fit de même et,
comme une idiote, j’appliquai le conseil de Jessica. J’ôtai mes lunettes
en vitesse, ce qui arracha un sourire à ma future interlocutrice. Loin de
me rassurer, ce dernier me déstabilisa. Je n’étais pas habituée à
provoquer ce genre de réaction. D’ordinaire, une fois confrontés à mes
yeux vairons, les gens avaient tendance à se montrer soit mal à l’aise,
soit intrigués.
Je devais cette particularité à ma mère, une particularité d’autant plus
remarquable que j’avais hérité des traits asiatiques de mon père.
Longtemps, j’avais essayé de masquer mon œil droit bleu grâce à une
lentille marron. Une idée qui aurait pu se révéler brillante si je n’avais
pas été sujette aux conjonctivites. Depuis deux ans, je m’étais résignée
et avais tendance à éviter au maximum les contacts visuels.
Perturbée par la situation, je demeurai figée. J’oubliai momentanément
pourquoi je me trouvais devant cette inconnue et me contentai durant
quelques instants de soutenir son regard. Amusée, elle adressa un signe
de tête au barman au moment où il lui servit sa boisson, quant à moi, je
retrouvai enfin la raison. Mes neurones se connectèrent à nouveau et je
comblai la distance qui nous séparait. J’étais nerveuse. Certaine que
Paige et Jessica scrutaient chacun de mes mouvements, je ressentais
d’autant plus de pression. Il fallait que j’agisse rapidement. Je cherchais
toujours quoi dire, de préférence quelque chose d’intelligent lorsque la
jeune femme prit la parole :
— Je t’offre quelque chose ?
— Un baiser.
Les deux mots étaient sortis tout seuls. Je n’en revenais même pas
d’avoir osé les prononcer. Me rétracter était encore possible. Il me
suffisait de me confondre en excuses. Malgré mon embarras, j’étais bien
décidée à aller jusqu’au bout et par conséquent il ne servait à rien de
tourner autour du pot.
— Tu es toujours aussi directe ? plaisanta-t-elle.
Contrairement à moi, elle ne semblait pas gênée du tout. Son aisance
me laissait penser qu’elle avait déjà dû entendre pire dans sa vie, ou
alors qu’elle était habituée à se faire accoster.
— Non, pas vraiment. Les circonstances sont particulières.
— Mauvais choix de mot.
— Pardon ?
— Si tu veux séduire une femme, dis-lui qu’elle est spéciale. Pas les
circonstances, mais elle en tant que personne. Tu peux aussi ajouter
que tu n’avais jamais abordé personne auparavant, mais qu’en la
voyant, tu n’as pas pu résister.
— Je ne veux pas vous séduire. Et si je suis venue vous parler, c’est
entièrement dû au hasard.
Aurais-je dû prétendre le contraire ? Non, je tenais à me montrer
honnête. De plus, j’avais la forte impression que mon interlocutrice
était une reine en matière de pipeautage. D’après ses conseils, elle avait
apparemment l’habitude de draguer et à plus forte raison de prononcer
des paroles totalement vides de sens. Par conséquent, elle ne devait
avoir aucun mal à repérer les mensonges.
— On ne me l’avait jamais faite, celle-là.
Au lieu de s’indigner, elle se mit à rire et avala d’un trait le liquide
ambré commandé plus tôt.
— Je te donne un point pour l’originalité, poursuivit-elle en
abandonnant son verre sur le bar.
— Est-ce que je peux convertir ce point en baiser ?
Sans se départir de son sourire, elle avança et attrapa mon visage en
coupe. Je ne m’y attendais pas. Dans ma tête, j’allais forcément être celle
à devoir prendre l’initiative, si bien que je me tendis l’espace d’un
instant. Les rapprochements physiques m’avaient toujours posé
problème. Sentir les mains d’une inconnue sur mes joues aurait par
conséquent dû me glacer le sang, pourtant il n’en fut rien. Au contraire,
son contact me réchauffa. Loin de se jeter sur moi, elle caressa
lentement ma peau à l’aide de son pouce, puis m’embrassa
délicatement. C’était ce que j’avais demandé. La logique aurait voulu
que je sois préparée à ce contact, or c’était tout le contraire. Le frisson
qui me traversa me prit de court. La douceur de ses lèvres était sans
commune mesure. J’en profitai pendant les quelques secondes que dura
cet échange, avant de cligner les yeux, un peu hagarde.
— Satisfaite ? questionna-t-elle en reculant.
— Oui, merci.
Ayant obtenu ce que je désirais, j’opérai un demi-tour. Je ne cherchai
pas à poursuivre la discussion et encore moins à m’attarder. Je me
dirigeai vers la sortie, sans arriver à déterminer ce que je ressentais.
Mes émotions étaient contradictoires et comme à chaque fois dans ce
cas de figure, je trouvais judicieux de les étouffer.
Je savais juste que j’avais besoin d’air pour reprendre mes esprits et la
bourrasque qui m’accueillit une fois sur le trottoir me donna toute
satisfaction. Il faisait frais pour un mois de mars. Les températures
avoisinaient le zéro et me permirent de revenir pleinement à moi.
Pragmatique, je réalisai qu’il ne servait à rien de m’attarder sur les
dernières minutes. Je n’allais plus jamais revoir la jeune femme et tout
comme le goût de rhum qui flottait actuellement sur mes lèvres, le
souvenir de notre rencontre allait s’estomper.
CHAPITRE 2
Un mois plus tard
Avec contentement, j’enregistrai la version finale du dernier roman de
Samantha Lewis sur le serveur de la maison d’édition. Il s’agissait du
premier gros projet que Harper me confiait et j’étais très heureuse
d’avoir réussi à le mener à terme. Évidemment, le mérite ne me
revenait pas entièrement. Durant tout le processus d’écriture et de
correction, Samantha s’était montrée très disponible et à l’écoute.
Collaborer avec elle avait été un véritable plaisir.
Afin de vérifier que je n’avais rien oublié, je parcourus rapidement des
yeux les Post-it collés sur le haut de mon ordinateur. Sur ces derniers
s’étalait ma liste de tâches pour la semaine. Avec Chrysalide qui était
maintenant terminé, il ne me restait plus que des missions mineures à
accomplir les deux prochains jours. Je pris plaisir à tracer une croix sur
ma To-do list, à côté de la ligne concernant la finition du roman de
Samantha, et m’accordai ensuite quelques instants pour me détendre.
Autour de moi, tout le monde semblait concentré sur son travail. Seul le
bureau en face du mien, occupé normalement par Jessica, était vide.
Harper l’avait convoquée trente minutes auparavant, ce qui en général
n’était jamais bon signe. Je me demandais quel pouvait être le
problème. Ces derniers temps, ma collègue ne me parlait plus
beaucoup. Elle avait manqué nos deux rendez-vous précédents au Stand
by et ne lisait même plus les messages que Paige et moi laissions sur
notre groupe WhatsApp. J’essayais de ne pas trop le prendre à cœur, de
me convaincre qu’elle était simplement débordée, seulement plus les
jours passaient, plus je peinais à y croire.
Confortablement installée dans mon siège à roulettes, j’attrapai ma
tasse de thé vert. Il fallait que j’arrête d’y penser. Chacun avait le droit
de mener sa vie comme il l’entendait. Si elle ne souhaitait plus faire
d’effort pour conserver un lien d’amitié entre nous, alors tant pis. Je
m’apprêtais à porter le liquide fumant à mes lèvres, lorsque, soudain, la
porte du bureau d’Harper s’ouvrit à la volée. Contrairement à moi, ma
supérieure ne travaillait pas en open-space. En tant qu’éditrice et
responsable de projet, elle disposait d’une pièce bien à elle. Jessica
sortit en trombe de cette dernière, l’air agacé.
C’était la première fois que je la voyais aussi énervée, ou même énervée
tout court, mais je n’eus pas le temps de m’en soucier. À cause de la
surprise provoquée par son arrivée, j’avais failli m’ébouillanter. De
justesse, j’avais évité à mon chemisier gris de finir trempé, néanmoins
quelques gouttes avaient réussi à asperger mon pantalon noir. Par
automatisme, je frottai les endroits touchés, avant de sursauter en
entendant mon prénom être prononcé.
— Mia, venez dans mon bureau, je vous prie.
Le ton sec employé par Harper me fit comprendre qu’elle était de
mauvaise humeur. Seuls quelques mètres me séparaient du lieu où elle
passait une bonne partie de ses journées. Je n’étais pas du tout pressée
de m’y rendre, d’autant que sans que je sache pourquoi, Jessica me
lança un regard noir au moment de retrouver son espace de travail. Je
rajustai mes lunettes sur mon nez et, n’ayant pas le choix, je rejoignis
ma supérieure. Qu’elle attende que je sois entrée pour refermer
derrière moi ne me rassura pas. Dans la mesure où la porte demeurait
le plus souvent ouverte, il s’agissait pour moi d’un très mauvais signe.
— Asseyez-vous.
En dépit de son attitude avenante lorsqu’elle me désigna le fauteuil en
face du sien, je craignis le pire. J’avais beau savoir que je n’avais rien à
me reprocher, le stress monta petit à petit. Je m’installai et de manière
tout sauf décontractée, je posai mes mains à plat sur mes cuisses. La
dernière fois que j’avais vu Harper aussi tendue datait de mes débuts à
Midnight Edition, à cause du retard pris dans la publication du
troisième tome de Rose Écarlate. Comme à l’époque, de petits plis
marquaient l’espace entre ses deux sourcils. Au lieu d’entraver sa
beauté, cette caractéristique avait tendance à renforcer son charisme.
J’observai brièvement ses yeux noisette, ses cheveux bruns coupés
court, tout en admirant la façon dont elle était toujours tirée à quatre
épingles. Elle était clairement un modèle pour moi et j’espérais
sincèrement ne pas l’avoir déçue.
— Où en êtes-vous avec Chrysalide ? demanda-t-elle en prenant place
face à moi.
— J’ai terminé les corrections et la mise en page. Le BAT1 n’attend que
votre approbation pour être envoyé à l’imprimeur.
1 Bon à tirer.

— Vous êtes en avance sur le planning.


Cette remarque, qui sonnait comme un véritable compliment à mes
oreilles, m’aida à me décontracter. J’avais fait du bon travail, alors
pourquoi aurais-je dû m’inquiéter ?
— Afin de respecter les délais, je préfère me fixer ma propre date
butoir. Ça me donne une marge de sécurité dans le cas où d’éventuels
imprévus se présenteraient. Ici, il n’y en a pas eu, au contraire, tout s’est
très bien passé avec l’auteure.
— Je suis heureuse de l’entendre. J’aimerais vous féliciter pour cet
excellent travail en vous octroyant quelques jours de congés,
malheureusement je vais devoir faire tout le contraire et vous assigner
un projet urgent.
En la voyant retirer l’unique bouton de sa veste de tailleur bleu marine,
puis se pincer l’arête du nez, je compris que ce fameux projet était la
source de sa contrariété.
— Ça ne me dérange pas. De quoi s’agit-il ? De corrections de dernières
minutes sur un texte ?
Même si mes tâches étaient variées, cette mission revenait le plus
souvent. Harper avait tendance à se charger de toute la partie
communication, de contacter les différents services de la maison
d’édition, les imprimeurs, mais également les responsables de
distribution, du marketing ainsi que les graphistes et maquettistes. De
mon côté, je me contentais habituellement d’un rôle de correctrice et
par conséquent, rares étaient les fois où je m’étais entretenue avec
quelqu’un d’autre que l’auteure.
— Pas exactement. Connaissez-vous la série Escorte-moi ?
— Juste de nom.
Concentrée jusque-là sur Harper, je n’avais pas remarqué la pile de cinq
livres présente sur son bureau. Ma supérieure les glissa dans ma
direction et parut soudain embêtée. Elle se massa la tempe droite à
l’aide de deux doigts, puis commença ses explications.
— Le sixième tome est prévu pour début juillet, de la promotion a déjà
été réalisée dans ce sens et nous ne pouvons pas nous permettre de
repousser la date.
Par réflexe, j’acquiesçai, tout en observant la couverture du roman
présent sur le dessus. Des chaussures à talons aiguilles et des sous-
vêtements gisaient au sol, alors qu’en arrière-plan, grâce à des ombres
sur le mur, un couple de femmes était représenté en train de
s’embrasser. Je me souvenais très bien que deux ans auparavant cette
illustration était affichée absolument partout dans le métro. Tous les
matins et soirs je passais devant, sans m’attendre à être un jour
embauchée par la maison d’édition responsable de cette publicité.
— Jessica était chargée de superviser le travail de madame Hills.
D’après elle, tout allait très bien, mais en voulant vérifier, je me suis
rendu compte que c’était loin d’être le cas.
— Les corrections ne sont pas aussi avancées qu’elles le devraient ? Je
suis certaine qu’en trois, non, deux mois, il sera possible de rectifier le
tir.
Dans ma tête, un planning était en train de s’organiser. Si le roman était
prévu pour juillet, cela signifiait que la maquette finale devrait être
remise aux imprimeurs d’ici début juin. Le délai était court, mais j’avais
déjà connu plus terrible.
— Les corrections n’ont pas commencé du tout.
— Vraiment ? m’étonnai-je. Combien de mots fait le manuscrit ?
J’étais curieuse de savoir ce qui avait pu tellement occuper Jessica.
Ignorer totalement son travail ne lui ressemblait pas, si bien que je
craignis le pire. Peut-être avait-elle de graves problèmes. Des
problèmes qui auraient expliqué son silence récent et son manque de
rigueur professionnelle.
— Le manuscrit n’existe pas encore. Seuls quelques chapitres ont été
rédigés et ils sont très loin de me convenir.
En dépit de ma surprise, et surtout de mon inquiétude, je parvins à
conserver une expression neutre. Comment étais-je censée corriger
quelque chose qui n’existait pas encore ? Dans ma tête, c’était le branle-
bas de combat. Prévoir quoi que ce soit était impossible. Il allait falloir
que je donne des objectifs à l’auteure, un nombre de mots défini à
écrire chaque jour et rien ne garantissait qu’elle soit capable de
travailler sous pression.
— Vous attendez de moi que j’aide madame Hills à terminer son
roman ?
— J’ai conscience que c’est une lourde responsabilité. Si je le pouvais, je
m’en chargerais moi-même, mais je ne peux pas me permettre de
quitter le bureau. La BookExpo America2 a lieu dans trois semaines et il
reste énormément de choses à régler.
2 Grand salon du livre à New York.

— Quitter le bureau ? répétai-je, bêtement. Pourquoi faudrait-il le


quitter ?
Habituée à converser avec les auteures par mail et téléphone, je fus
prise de court. Je pressentais que la suite de la discussion n’allait pas
beaucoup me plaire et en eus la confirmation à peine quelques
secondes plus tard.
— La chance veut que madame Hills habite également à Détroit. Étant
donné les délais serrés, il serait préférable que vous l’assistiez en
personne.
— En me rendant chez elle, vous voulez dire ?
— C’est l’idée. Bien sûr, je vous décharge de toutes vos autres missions.
Vous vous occuperez uniquement de ce projet.
Cette nouvelle était très loin de m’enchanter. J’aimais ma routine et
j’abhorrais le changement. Les locaux de la maison d’édition n’étaient
qu’à dix minutes en bus de chez moi et surtout, je n’avais aucune envie
de quitter mon espace de travail. Il me suffisait de mettre un casque
pour m’isoler du reste de mes collègues, lesquels ne s’aventuraient plus
à me déranger depuis bien longtemps. Je savais précisément à quel
moment prendre mes pauses pour croiser Paige en salle de repos, où
commander mes repas du midi, et surtout chaque centimètre carré de
mon bureau était pensé pour me permettre de travailler efficacement.
— Madame Hills est au courant ? Ne va-t-elle pas être contrariée de ne
plus collaborer avec Jessica ?
Face au sourire amer d’Harper, je compris que je venais de mettre les
pieds dans le plat.
— Madame Hills est celle à avoir demandé ce changement. C’est à cette
occasion que j’ai vérifié l’avancement du roman et réalisé qu’il y avait
un gros souci.
Plusieurs questions me traversèrent l’esprit, cependant je ne trouvai
pas judicieux de les poser. Les problèmes entre Jessica et cette femme
ne me regardaient pas et surtout je ne voulais pas passer pour une
personne indiscrète auprès d’Harper.
— Je suppose que je commence demain ?
— Le plus tôt serait le mieux en effet. Je vais vous envoyer un mail avec
son adresse, son numéro de téléphone et les chapitres à reprendre.
Le soulagement ainsi que la sensation de liberté éprouvés lors de la
finition de Chrysalide avaient totalement disparu. J’avais l’impression
d’étouffer sous une chape de plomb et pour cause, avant de débuter
quoi que ce soit, il allait falloir que je m’attelle à lire les cinq premiers
tomes de la série Escorte-moi. J’avais beau être rapide, je n’étais pas non
plus superwoman. Il était impossible que j’y parvienne en une seule
nuit.
— J’ai conscience de vous en demander beaucoup, alors surtout si vous
rencontrez le moindre souci, n’hésitez pas à m’en informer.
— Tout ira bien, je ne me laisserai pas dépasser. Vous pouvez compter
sur moi.
Silencieuse, Harper me considéra pendant quelques secondes. Ses yeux
noisette étaient plongés dans les miens. J’ignorais totalement à quoi elle
pouvait bien penser, en revanche la gêne ne tarda pas à m’envahir. Je
n’avais pas l’habitude d’être fixée de la sorte, encore moins par elle. En
dépit de mes efforts initiaux pour soutenir son regard, je jetai bien vite
l’éponge et me concentrai sur autre chose. J’attrapai les livres afin de
me donner une certaine contenance et parcourus le résumé du premier.
— Nous devrions faire un point toutes les semaines, annonça-t-elle
soudain. Pourquoi pas le lundi ?
En la voyant ouvrir l’agenda électronique de son téléphone, je
remarquai que toutes les plages horaires étaient déjà bien remplies.
Son index effleura les cases renfermant les différents rendez-vous et
s’arrêta tout en bas.
— J’ai un créneau à 19 h, mais c’est sans doute un peu tard.
— Pas du tout, c’est parfait.
Au fond de moi, j’avais conscience que dire « amen » à tout n’était pas
conseillé. Je le savais, pourtant il m’était impossible d’agir autrement
face à Harper. Le « oui » me venait naturellement. C’était probablement
parce qu’elle m’impressionnait. Je n’avais pas envie de la décevoir et au
contraire, recherchais par-dessus tout son estime.
— Très bien, nous nous reverrons donc lundi. Je vous donne le reste de
votre après-midi, vous pouvez rentrer chez vous.
Les livres en main, j’acquiesçai et me levai. À coup sûr, Lucas n’allait pas
s’en remettre. Me voir regagner notre appartement si tôt dans la
journée n’était jamais arrivé. Je réfléchissais à le prévenir lorsque, une
fois près de la porte, je sursautai en entendant la voix d’Harper.
— Mia.
Mon prénom dans sa bouche me fit un effet bizarre. Ce n’était pourtant
pas la première fois qu’elle l’employait, si bien que je n’en compris pas
réellement la raison. La différence venait peut-être de la tonalité
utilisée. Beaucoup moins froide que d’habitude, elle me poussa à me
retourner instantanément.
— Merci d’avoir accepté et encore félicitations pour votre travail sur
Chrysalide. Je suis très impressionnée.
— Ce n’est rien, bredouillai-je.
Perturbée par son léger sourire, je faillis faire quelque chose de stupide,
à savoir lui adresser un signe de main en quittant la pièce. Je me retins
de justesse et heureusement, car cette action m’aurait conduite à laisser
tomber l’intégralité des romans. Sur le chemin menant à mon bureau, je
m’efforçai de reprendre mes esprits. Une honte phénoménale m’avait
été épargnée, signe que finalement je n’étais pas si malchanceuse.
Pour l’instant, ma nouvelle tâche à remplir me semblait insurmontable,
mais probablement qu’après y avoir réfléchi et une fois le planning mis
en place, tout me paraîtrait plus simple. Venir à bout de ce projet
pourrait même m’être très profitable. Si je réussissais à boucler ce tome
six dans les temps, Harper m’accorderait sa pleine confiance, et qui sait,
peut-être une augmentation.
En arrivant près de mon fauteuil, je déposai les livres dessus et attrapai
mon sac d’ordinateur. À l’intérieur, je conservais un tote bag à l’effigie
de la maison d’édition, lequel me servait habituellement pour mes
courses. Je m’apprêtais à y glisser les ouvrages lorsque je surpris le
regard de Jessica sur moi. Comme plus tôt, il n’avait rien d’amical. Au
lieu d’engager la conversation, de crever l’abcès, je fis tout le contraire.
Je terminai de ranger mes affaires et m’éloignai sans perdre de temps.
Je devinais très bien pourquoi elle m’en voulait. Avoir accepté de la
remplacer représentait sans doute une trahison à ses yeux. Aurais-je dû
me sentir coupable ? Je n’en savais rien et au fond m’en moquais
complètement. De mon point de vue, tout était sa faute. Je n’étais pas
responsable de son manque de sérieux et par conséquent ne comptais
pas m’excuser. Rapidement, je m’engouffrai dans l’ascenseur et appuyai
sur le bouton du rez-de-chaussée, sans m’attendre à l’arrivée inopinée
de ma collègue.
Elle parvint à passer les portes juste avant qu’elles ne se referment,
puis se tourna vers moi. Je craignais qu’elle fasse un scandale. Tendue,
je serrai la lanière de mon sac. Je me tenais prête à me défendre, mais
au lieu des reproches que j’avais anticipés, un son plaintif lui échappa.
Ses yeux se remplirent de larmes et à ma plus grande surprise, elle se
jeta dans mes bras. Cette réaction me prit de court. Je restai figée,
incapable du moindre mouvement ou de la moindre parole. Jusqu’ici,
Jessica ne s’était jamais comportée de la sorte. Elle ne s’était même
jamais montrée tactile, si bien que son attitude demeurait un mystère.
— Il faut que tu m’aides. J’ai vraiment fait n’importe quoi et je ne sais
pas comment m’en sortir, prononça-t-elle en retenant difficilement ses
sanglots.
J’aurais voulu ne pas être touchée par ces quelques paroles. Si j’avais pu
être totalement insensible aux émotions des autres, tout aurait été plus
facile, malheureusement, ce n’était pas le cas. Malgré son silence récent
et les regards noirs lancés plus tôt, Jessica demeurait mon amie. Une
amie que j’avais mal jugée et que je ne pouvais pas ignorer.
— Harper ne t’a pas virée, si ? Il te suffit de regagner sa confiance en
travaillant deux fois plus dur et, très vite, elle oubliera toute cette
histoire.
— Ce n’est pas ça le problème. Enfin si, mais il y a autre chose de plus
grave.
Alors qu’elle se détachait afin de pouvoir me regarder, j’essayai de
deviner ce qui pouvait la mettre dans cet état. Perdre mon travail était à
mes yeux le pire qui pouvait m’arriver. Quoique, non. En réalité, il
existait beaucoup plus terrible, mais je refusais d’y penser.
— Tu veux m’en parler ?
— Allons boire un café, je te raconterai tout là-bas.
— Tu es sûre ? À mon avis, t’absenter du bureau n’est pas très conseillé.
— Au point où j’en suis, ça ne changera pas grand-chose.
Dépitée, la trentenaire sortit la première de l’ascenseur. Nous
marchâmes ensemble dans le hall d’immeuble qui donnait sur Michigan
Avenue et n’eûmes qu’à traverser la rue pour nous rendre au Astro
Coffee Shop. Idéalement situé, puisque placé juste à côté du Roosevelt
Park, cet endroit comptait parmi mes préférés. Assez intimiste, car
constitué d’à peine quatre ou cinq tables et d’un grand comptoir, il avait
surtout la particularité d’être très bien décoré. Deux des murs se
composaient de pierres ocre, quant aux deux autres, ils étaient peints
en noir. Des œuvres d’art y étaient dessinées à la craie, lesquelles
côtoyaient une liste de boissons très fournie.
J’optai pour un Mocha. Jessica commanda un café mexicain au nom
imprononçable ainsi qu’un croissant aux amandes. En un an, je ne
l’avais jamais vue manger la moindre pâtisserie. Il me semblait même
que le sucre était banni de son alimentation, si bien que mon
inquiétude augmenta d’un cran. Apparemment elle avait besoin de
réconfort. Je n’étais pas certaine d’être la personne la mieux placée
pour lui prodiguer des conseils, mais je me promis de lui fournir une
oreille attentive.
Nous nous installâmes dans le fond de la salle, pour le moment vide et,
très vite, la jeune femme prit la parole. Elle n’avait même pas attendu
que j’aie posé mes affaires au sol et m’avait encore moins laissé le
temps d’enlever ma veste.
— Tout d’abord, je tiens à préciser que je ne suis pas fière de moi. Je
sais d’avance que tu vas me regarder autrement, mais tant pis, il faut
vraiment que j’en parle à quelqu’un.
— Je ne suis pas là pour te juger. On fait tous des erreurs.
— J’ai trompé ma femme.
Surprise, je laissai tomber brutalement le sac contenant les livres au
sol. J’étais à mille lieues d’imaginer une telle chose et me mis à la fixer
avec des yeux de poisson mort. Toute trace d’intelligence avait déserté
mon esprit. Mon regard devait être totalement vide et pour cause, je
n’avais aucune idée de la manière dont j’étais censée réagir.
— Pourquoi ?
À la seconde où cette question passa la barrière de mes lèvres, je la
regrettai. J’étais vraiment une idiote.
— Je veux dire, aux dernières nouvelles, tout allait bien entre vous,
tentai-je de me reprendre.
— C’est vrai et c’est ça le pire. Nous sommes ensemble depuis cinq ans,
mariées depuis deux ans et je n’ai rien à lui reprocher.
— Dans ce cas-là, tu sais ce qu’il te reste à faire. Excuse-toi et promets
de ne jamais recommencer.
— Ce n’est pas si simple.
Les mains autour de sa tasse, elle détourna les yeux et sembla
brusquement gênée. Il ne m’en fallut pas plus pour comprendre la
situation.
— Tu ne l’as pas trompée qu’une seule fois, c’est ça ? Depuis combien
de temps dure cette liaison ?
— Un mois.
— C’est peu par rapport à cinq ans.
Du mieux possible, j’essayais de ne pas la blâmer. Après tout, personne
n’était irréprochable. Même si le sujet réveillait de vieilles blessures
chez moi, je m’efforçais d’en faire abstraction. Avoir déjà été trompée
moi-même n’entrait pas en ligne de compte. Je devais tout simplement
l’occulter et répondre à Jessica sans a priori.
— Je sais, la logique voudrait que j’oublie cette femme et que je me
concentre sur mon couple.
— En effet.
— Le problème c’est que j’en suis incapable. Je pense tout le temps à
elle. Quand nous ne sommes pas ensemble, j’ai l’impression de devenir
folle. J’ai envie de la voir en permanence, de pouvoir la toucher,
l’embrasser…
— J’ai bien saisi l’idée, la coupai-je.
— Je n’avais jamais connu ça avant, la passion je veux dire. Je ne
souhaite pas perdre Mallory, mais je suis encore moins prête à tirer un
trait sur Sloane et ce qu’elle me fait ressentir.
— Il faudra bien choisir pourtant. Tu ne peux pas avoir les deux.
La discussion était en train de prendre un tour que j’appréciais
modérément. J’avais beau ne jamais avoir rencontré Mallory, j’éprouvais
de la peine pour elle. Afin de chasser ces émotions parasites, j’attrapai
ma cuillère et l’utilisai pour me saisir de la crème fouettée présente sur
le dessus de ma boisson. En la plaçant entre mes lèvres, un frisson de
délice me traversa. Le goût du cacao se mélangeait à la chantilly et me
permit de momentanément penser à autre chose.
— Ça, c’est sûr, déclara-t-elle avec amertume. D’autant que Sloane ne
veut plus me revoir.
La colère remplaça subitement la peine dans ses yeux. Je faillis lui
répondre que c’était une très bonne chose, puisqu’ainsi le problème
était réglé, mais son expression furieuse me dissuada de m’exprimer.
— À cause de l’existence de Mallory ?
— Évidemment ! Pour quelle autre raison m’aurait-elle bloquée
partout ?
Tout en me crispant, je levai les épaules en signe d’ignorance. Peu
habituée à l’entendre hausser le ton, je ne savais pas comment réagir.
Lui conseiller de se calmer me paraissait être une très mauvaise idée.
Dans son état, elle était bien capable de s’énerver davantage et je ne
tenais pas à me donner en spectacle.
— Tu ne te dis pas que c’est mieux comme ça ? Tu vas pouvoir
reprendre le cours de ta vie. Sans doute que ce sera dur au début, mais
au final tu lui seras reconnaissante d’avoir pris cette décision.
— Ou alors tu pourrais lui parler.
Cette suggestion me plongea dans l’incrédulité la plus totale. Je lâchai
ma cuillère, sans arriver à croire qu’elle soit sérieuse.
— Tu veux que je plaide ta cause auprès de ta maîtresse ? interrogeai-je
en espérant avoir mal compris.
— J’ai conscience de beaucoup t’en demander, mais…
— Non, stop, c’est n’importe quoi. Je ne la connais même pas, il est hors
de question que j’aille parler de toi à une étrangère.
C’était définitif, il ne restait plus une once de bon sens à Jessica. Que
nous soyons amies ne voulait pas dire que je devais l’encourager dans
sa folie. Au contraire, il était de mon devoir de lui remettre les pieds sur
terre.
— Bientôt elle ne le sera plus. Tu vas être amenée à passer énormément
de temps avec elle. Tu pourrais juste lui glisser un mot en ma faveur,
ou… non, je sais, laisse-moi t’accompagner quand tu iras la voir.
Il me fallut quelques secondes pour saisir le sens de ces paroles. Je
fronçai les sourcils, avant de baisser les yeux en direction de mon sac
contenant les livres de madame Hills. Sloane Hills.
— Tu… avec l’auteure…
— C’est une personne comme une autre, se justifia-t-elle aussitôt.
Crois-moi, j’ai essayé de résister, seulement, les sentiments, ça ne se
contrôle pas.
À mon sens, cet argument n’était absolument pas recevable. Bien sûr
qu’elle aurait pu se retenir. D’autant que je n’avais pas l’impression qu’il
s’agisse d’amour, mais plutôt de désir. De justesse, je m’empêchai de
commenter et sursautai légèrement en la sentant me prendre les mains.
— Si tu me rends ce service, tu pourras me demander n’importe quoi. Je
serai ta débitrice à vie.
Une moue suppliante sur le visage, elle commença à me fixer avec
intensité. Pour l’avoir déjà vue à l’œuvre, je savais que ce regard lui
permettait en général d’obtenir tout ce qu’elle voulait. En raison de
mon silence, elle dut croire que j’hésitais, alors que la vérité était tout
autre. Maintenant que j’avais toutes les pièces du puzzle en ma
possession, je réalisai qu’elle me manipulait depuis le départ. Si Harper
ne m’avait pas chargée de travailler sur le tome six d’Escorte-moi,
jamais Jessica ne se serait confiée. Elle me parlait uniquement dans le
but d’obtenir quelque chose de ma part, ce qui me poussa à retirer
brusquement mes doigts des siens.
— Je n’ai besoin de rien, répondis-je sèchement.
— Sans doute pas pour l’instant, mais ça pourrait venir.
— Je ne veux pas être mêlée à tes histoires. Harper m’a confié un travail
et je ne compte pas la décevoir.
— Harper, hein ? répéta-t-elle avec un sourire en coin.
— Oui, Harper, ma patronne, qui, je te le rappelle, est aussi la tienne.
— Tu ne gagneras jamais ses faveurs en agissant comme une employée
modèle. Tout au plus, tu recevras une tape sur l’épaule en guise de
récompense.
Au lieu de me braquer, de me plaindre que ce sujet soit encore mis sur
le tapis, j’optai pour une stratégie différente.
— J’adore les tapes sur l’épaule, je ne vis même que pour ça, ironisai-je.
— Probablement parce que tu ne dois jamais recevoir grand-chose
d’autre.
J’aurais voulu rester de marbre face à cette pique, malheureusement il
n’en fut rien. Mon cœur se serra et sans pouvoir le contrôler, toutes les
paroles blessantes entendues au cours des dernières années me
revinrent à l’esprit. Afin de laisser le temps à la vague d’émotions qui
me traversait de disparaître, je rajustai mes lunettes sur mon nez et
comptai lentement jusqu’à trois. Si je parvenais à rester inexpressive
pendant tout ce temps, tout irait bien. Le nœud dans ma gorge
s’estomperait, quant à ma peine, elle finirait par se dissiper.
— Je peux t’aider, tu sais. Je connais bien les femmes comme Harper.
— En te montrant méchante ? Non, merci, je me passerai de ton aide et
tout simplement de ta compagnie.
Joignant le geste à la parole, je me levai. J’étais à présent de très
mauvaise humeur, d’autant plus qu’à cause d’elle, je n’allais pas pouvoir
profiter de mon Mocha. En me dirigeant vers la sortie, je priai pour
qu’elle ne me suive pas. Jusqu’ici, j’avais retenu mes commentaires
cinglants, mais j’étais à deux doigts de lui balancer ses quatre vérités à
la figure. Libre à elle de tromper sa femme, cependant il ne fallait pas
s’attendre à la moindre compassion de ma part.
Une fois dans la rue, je remarquai avec soulagement qu’elle ne se
trouvait pas derrière moi. Après avoir placé mes écouteurs sans fil dans
mes oreilles, je m’empressai de rejoindre mon arrêt de bus et durant les
quinze minutes suivantes, je me concentrai sur ma musique. Le
morceau Stay with me de Chanyeol et Punch accompagna ma montée
des escaliers menant au quatrième étage du petit immeuble où se
situait mon appartement.
D’apparence vétuste, le lieu dans lequel je vivais depuis maintenant
trois ans ne payait pas de mine. Les marches craquaient, les boiseries
dans le couloir étaient abîmées, cependant je m’y sentais bien. Je
tournai la clé dans la serrure et souris en entendant un léger
miaulement résonner derrière la porte. J’ouvris et lorsque mes yeux se
posèrent sur la chatte blanche aux yeux vairons responsable de ce son,
mon énervement se dissipa aussitôt. J’abandonnai mes sacs au sol,
fermai le battant en bois à l’aide de mon pied, puis me penchai afin
d’attraper le félin en train de se frotter contre mes jambes.
— Comment ça va Princesse ? Tu as passé une bonne journée ? Lucas
s’est bien occupé de toi ? me renseignai-je en me débarrassant de mes
écouteurs.
Pour toute réponse, mon animal de compagnie glissa sa tête dans le
creux de mon cou et ronronna fortement. Ses pattes étaient en train de
pétrir mon épaule. J’enlevai mes chaussures comme je pouvais et me
dirigeai ensuite vers la chambre de mon colocataire. En tant que
character designer freelance, il travaillait à domicile. Une activité qui lui
permettait de gagner de l’argent, sans avoir besoin de sortir de
l’appartement. Même si au départ la situation lui avait semblé idéale
compte tenu de son agoraphobie, je savais que cette dernière lui pesait
de plus en plus. Les séances de psy ne l’aidaient pas vraiment et
jusqu’ici il s’était toujours refusé à prendre le moindre médicament.
Je toquai doucement à sa porte et sans attendre de réponse, pénétrai à
l’intérieur de son antre. De dos par rapport à moi, mon ami d’enfance
était assis devant son bureau. Face à ses deux écrans, il était en train de
modéliser un dragon en 3D et, comme à son habitude, il ne m’avait pas
entendue entrer. Un casque sur les oreilles, il bougeait la tête en rythme
avec sa musique. Les rideaux étant tirés, je fis attention où je marchais.
Il m’était déjà arrivé de glisser sur une chaussette solitaire et je ne
souhaitais pas revivre cette expérience.
J’utilisai ma main libre pour tapoter sur son épaule. En réaction, un
sursaut l’agita, lequel faillit le faire tomber de son fauteuil. Effrayé, il se
tourna dans ma direction et en me reconnaissant, porta une main au
niveau de son cœur.
— Tu réalises que je viens de frôler l’infarctus ?! se plaignit-il en
glissant son casque sur ses épaules.
— Si c’est seulement frôler, alors tout va bien.
Amusée, je reposai Princesse au sol. Elle profita de l’occasion pour aller
s’étaler sur le lit de mon meilleur ami, lit qui en principe lui était
totalement interdit.
— Pourquoi tu es là ? Il est déjà 19 h ? s’inquiéta-t-il.
Par réflexe, il consulta son téléphone et émit un soupir de soulagement
en se rendant compte qu’il était 16 h 30.
— Tu es malade ?
Très soucieux, il m’examina de la tête aux pieds et quitta même son
siège pour venir placer sa paume sur mon front. Ce comportement,
selon moi largement exagéré, me poussa à lever les yeux au ciel. Je le
laissai malgré tout agir à sa guise et pris le temps de l’observer. Avec
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The Project Gutenberg eBook of Pomona; or, the
future of English
This ebook is for the use of anyone anywhere in the United
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laws of the country where you are located before using this
eBook.

Title: Pomona; or, the future of English

Author: Basil De Selincourt

Release date: February 22, 2024 [eBook #73017]

Language: English

Original publication: New York: E. P. Dutton & Company, 1928

Credits: Tim Lindell and the Online Distributed Proofreading


Team at https://www.pgdp.net (This book was
produced from images made available by the
HathiTrust Digital Library.)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK POMONA;


OR, THE FUTURE OF ENGLISH ***
POMONA
OR
THE FUTURE
OF
ENGLISH
POMONA
OR
THE FUTURE OF ENGLISH
BY

BASIL DE SÉLINCOURT

E. P. DUTTON & CO. :: NEW YORK


POMONA, OR THE FUTURE OF ENGLISH
COPYRIGHT 1928 BY E. P. DUTTON & COMPANY
ALL RIGHTS RESERVED :: PRINTED IN U.S.A.
POMONA
POMONA
OR
THE FUTURE OF ENGLISH

B efore discussing the future of English, one is forced, in the bustle


of these scientific days, to inquire whether language itself has a
future. “We are working”, wrote Mr. J. B. S. Haldane, in his brilliant
little essay Daedalus, “towards a condition when any two persons on
earth will be able to be completely present to one another in not
more than a twenty-fourth of a second.” Is speech quick-moving
enough to keep a place in such a picture? When everything else has
learned the speed of lightning, will the transference of our thought be
likely to lag behind and is it not a waste of time to ask if future
generations will speak German, or Japanese, or Esperanto, when
they may not need to speak at all?
Scientific knowledge is a delightful plaything. Working with
measurable quantities, it can treat the future like a ball of string to be
unwound. Though life is all wonder and surprise, though the world
always turns out stranger and richer than we expected, we know that
the future will be linked mechanically with the present as the present
is with the past. The machinery of human existence fifty years hence
will be the practical application of possibilities known to-day. There is
basis, then, for a certain kind of scientific prediction. The future of
language is in a different case, because the mechanical element in it
is subsidiary. It is conjecturable, of course, that it may one day be
superseded, that men may learn to transfuse their meanings by a
kind of controlled telepathy, mind meeting mind. But to do this they
would need to be able to think without words, and language, as we
now know it, is not for communication only: it is the very framework
of our thought. It is part of our lives; and what our lives are to be we
can tell only by living them.
A good deal has been learned of late about the evolution of
language—enough to modify very much our views as to the
influences that really count, the habits which conduce to accuracy or
to vitality. But there is a long way between understanding after the
event and understanding before it. It is with the different languages
of the world as with the different species of animals: once they have
come into being, one easily sees which way they came, one cannot
see in the least which way they are going. Of all whom change
awaits, man seems likely to change most and most quickly. Whole
nations are stirred to hope and restlessness. Never did the future
beckon more enticingly than it does now. Science lays a finger upon
the springs of life and dreams of a race to be made perfect, not by
the murderous processes of haphazard struggle, but by the swift and
decisive elaboration of a conscious design. The man of the future,
we hear, may differ as much from ourselves as we do from monkeys.
Inventive eugenics, new as motor-cars, is to inaugurate a still more
drastic revolution and make of us, in the near future, whatever we
may wish to be.
What then do we wish to be? A fundamental question that—to
which the answer, surely, is that we cannot deeply wish to be other
than we are, seeing that we have become what we are because it
was what we wished to be. We wished it for a hundred thousand
years, while slowly the wish took form and substance. That form, that
substance have been determined by the movements of the mind:
they are its tutored response to the totality of the conditions of life on
the earth; and therefore it is one of our justest instincts to be jealous
of any tampering with the results, any light pretension of the
flickering intellect to replace these gradually matured perfections.
How fruitless for man to lift his head nearer heaven if his feet cease
to touch the ground! One thing we may be sure of, that the
processes of our amelioration, physical or spiritual, will never be
spectacular. Let the mind, rushing ahead, call the body a lumberer if
it will; the body never was and never will be idealist. Its province is
not to set a feather on the mountaintop, but to arrive with bag and
baggage.
It is because language is a branch of the tree of life that we can do
so little by way either of influencing or predicting its future. The
expert in eugenics vividly suggests to us that in time to come he will
give us twelve fingers if we want them, and we can understand why
he is so confident. He is saying “Only have courage, and we will do
with men to-morrow what we are doing with guinea-pigs to-day.” But
we must not let his love of the picturesque delude us. These things
could be done only on condition of our surrendering our lives to
beings as high above us as we are above pigs; and surrender to
superiors is not a means of progress. The jesuitry of religion is bad
enough, but at least it secures us against succumbing to any jesuitry
of science. The development of the machinery of the individual life is
bound up with the development of the individual mind; it requires
independence, not submission. In this our language is like our
members. The scientists of speech are tempted from time to time to
descend upon us and prove what a much better instrument we might
have than the one which we have painfully elaborated for ourselves;
and indeed the wastefulness, the inconsistencies of every language
that exists are plain to the merest tyro. Nevertheless it is of the
essence of our language, as of our members, that it should have
grown upon us, that it should have grown out of us. “Improvement
makes straight roads,” wrote Blake, “but crooked roads without
improvement are the roads of genius”, and by genius he meant
simply life working upon life. It is a curious fact, that when experts
advise on language, their advice is generally bad. Language, if it is
to live, must follow the ways of life; and advice, even good advice,
can never allow enough for one factor at once decisive and
unknowable, the new experiences of newly situated minds.
What is the future of the English language? The problem is
evolutionary. It is of little interest to conjecture how many mouths will
be speaking it in a hundred years and with what sort of twang or
accent; speculations of that sort range too widely. Our aim must be
to inquire whether English is or is not a growing member; whether
those who use and are to use it have an instrument capable of
enlarging and purifying their knowledge, whether it can help them to
mould themselves more closely to the pattern of truth. Languages,
like other organisms, have their appointed length of days. The tree
cannot go on putting out fresh leaves for ever. The more leaves
there are, whispering and breathing in the wind, the thicker the trunk
must be and the denser the roots and branches, for flow of sap from
tip to tip; and the whole must keep sweet if that flow is to continue. It
is the same with language. The leaves are our conversations, the
roots are our experiences, the trunks and boughs our literature. And
that great woody framework, which is the strength of the fabric, is
also a seat of trouble and decay. It has taken shape, it determines
us. Only through it can our ideas pass to their being; it has decided
what we must be. What if its form is biassed, if it is preternaturally
confined? Our condition then is that of animals who have missed the
highway of development, turned into some cul-de-sac, and come to
a full stop. Every animal except man has done it, and most races of
men have done it too. The continuance of progress is extraordinarily
difficult; there are always a million chances against it at any
particular time and place.
Can English, then, maintain its life-current? Our literature,
indubitably, shows symptoms of fatigue. Everyone feels in Chaucer
the joyous expansiveness of youth, in Hardy the sombre
introspection of old age. Chaucer, were he living now, would not be
Hardy; but Hardy’s view of life is widely accepted as representative,
and few are surprised by it, while the sweet serenity of Bridges
surprises many. How far is the change merely literary, how far is it
racial, and what are the modes in which racial and literary progress
interact? Literature, to begin with, is an art and art is in this unlike
nature that it does not tolerate simple repetition. Events like
Shakespeare’s plays or Paradise Lost cannot happen twice; and by
happening once they prevent many other things from happening at
all. To write in English without knowing them is almost impossible; to
know them and not be influenced by them quite impossible. The
English literary artist has therefore the choice of working on the
same lines as his precursors and going further, or of finding different
lines to work on. So Tennyson becomes daintier, Browning more
boisterous, Swinburne more exuberant, Meredith more
congratulatory, Hardy more afflicted, than any one was before; and
in the achievement of each one overhears the sigh for a serener
element, all are recognizably oppressed and restless in their thickly
peopled pool. They are aware that the main outlines of an
Englishman’s experiences have been laid down, that new territory
exists only in nooks and corners, while, as to the methods of
exploration, they have been so greatly taken, the virtues so
generously submerging the faults, that ability to take them has
become almost synonymous with greatness and a change
unthinkable. Thus the poet of to-day must allow that his instinct to
outvie all predecessors can hardly be gratified, that where he deserts
them it is at his peril, and that the best he can hope for is to hit on
some secluded bypath where his mind, wandering in freedom, may
dispossess itself of fruitless rivalries.
So much for the merely literary, but what of the racial position? In
so far as the experience of the English race is fed and sustained by
its literature, it must necessarily be affected by any toxin of age with
which that literature is charged. But, in the first place, no race
possessed of a great literature has ever had a less literary
experience than we have, and, in the second place, the
circumstances of English lives now-a-days (and, indeed, of human
lives everywhere) are subjected perpetually to so many and such
startling changes, that our accumulation of racial experience takes a
different bearing, may help instead of hindering us. The English of
England, or of the British Isles, appear, it is true, to be living too
close and to have lived too long to be able to continue living freely;
and yet there are signs that the natural developments of racial life
are still proceeding. To King, Lords, and Commons is being added
among us one might say, a fourth estate: we are endeavouring to
found an ordered commonwealth on the conscious collaboration of a
prosperous working-class. The bulk of the people, therefore, still
looks forward; and, this being their attitude, there is fair hope of their
learning how to possess themselves of the new world that is opening
up around them.
So English, though already an old language, is even in England
still spoken by a young people; and its future everywhere (the future
of a language cannot be separated from the future of those who
speak it) depends on its power to reconcile these as it has reconciled
so many other opposites. The English or Anglo-Saxon temperament
has from the first been equally remarkable for its absorptiveness and
its idiosyncrasy. The characters we find in Piers Plowman or the
earliest lyrics acknowledge, in idioms like our own, our own ideals:

No love to love of man and wife;


No hope to hope of constant heart;
No joy to joy of wedded life,
No faith to faith in either part;
Flesh is of flesh and bone of bone
When deeds and words and thoughts are one.

The thought expressed here by an anonymous Elizabethan might


have been expressed yesterday or in Chaucer’s time. It was with us
from the first, is not outgrown, and never will be. And part and parcel
of the thought is a certain bluntness in its expression. It is felt to be
worth more than any possible expression, to have the right to be
guarded against facile exposure. The trait is typical, and justifies us
in calling English the expression of an inexpressive people.
Communication flows slowly among them; their ideas, before they
brim over into speech, have felt the north and the south wind and
turned their faces east and west. There is modesty in this as well as
deliberation, and mingled with it are tolerance, humour, and common
sense. Aware of the world, they have been aware that it is made up
of many sorts of men, aware too, finally, that the world is not
something that we make but something to which we lend ourselves
that it may make us: a point at which the practical and the mystical
join hands. All these qualities have passed into the language, which
has great diversity in its contacts, an admirable economy in its
mechanism. It is a comprehensive, a hospitable, a pliable language;
it is full of inconsistencies, yet it works; and if its grasp, wide always,
needs now to be wider than ever before, will anyone assert that it
has found its limits?
The English have certainly shown themselves in the past to be a
people who could live and let live; as the possessors of this rare
virtue, they now find themselves living everywhere; but how shall
words, which have been formed on the lips of the inhabitants of a
small island in a soft misty climate, express the lives of men whose
homes are the continents of the world and to whom nature is
revealed in all her grandiose extremes of heat and cold, drought and
flood, bounty and bareness? The birds of the moor and the
woodland do not speak alike; they say the same things, it may be,
but their tone they borrow from their habitat; and the languages of
men have a similar reflectiveness. In Celtic, with its tenderness and
wild glamour, we feel the mountain and the valley, the rocks and the
rain; in the mellow vowels of Italian the blue of the Mediterranean
and its cloudless skies. English, it would appear, resembles rather
the chirping of the sparrow—a noise capable of following men
wherever they go and echoing under any roof with which they protect
themselves from the elements. It has a faculty of almost brutish
accommodation, attracts indolence, ignores discomfort, and thrives
in the absence of the graces.
Every one who loves birds, though he cannot deny the sparrow
many virtues, shrinks at the thought of his capacity for mere
multiplication and is haunted by a nightmare vision of a world from
which the more fastidious species have been banished, leaving all
one sparrowdom. A similar horror fills the mind of the humanist when
it occurs to him that English may be destined to be the language of
the human race. What English, he wonders, and reflects that there
are men now working to that end who do, after all, represent one
aspect of the English genius, making it not impossible that half-
baked bricks and gim-crack motors may one day overrun the earth.
The nettle-like loose rankness of our language not only helps to
spread it, but makes it liable to tower domineeringly as it spreads. In
plain truth, it is already spoken too generally for its good, and, in
spite of all the machinery we possess for unifying it, its expansion
may yet prove its undoing.
The issue is so important as to justify us in reflecting a little on the
nature of language in itself. Invented to be of service to truth, it is
committed to a compromise with falsehood. Our experience is
indivisible, but, in order to explain it to ourselves and others, we are
obliged to split it up into segments; to which segments and the
relations between them we give names. What we name is therefore
an interpretation imposed on nature, not nature itself; and even when
our names seem to belong to objects which Nature classified before
we did, as when we talk of a man or a woman, we are not protected
against error. Into the word ‘man’ come creeping all the associations
born of our experience of the men we know, and we suppose every
two-legged talking animal to have their failings and their virtues.
Such words as ‘liberty’ or ‘peace’ are more misleading still; they are
names of variable types of feelings and relations; we can judge of
their application to reality only after the experience of half a lifetime.
Thus, though our language grows from us like a limb, it yet has its
mechanical side, and the reconciliation of the vital and the
mechanical is always difficult. A machine like a mowing machine
interferes with the activity of Nature at set stages; that is simple
enough: it is different with a machinery which must avail itself of the
movements of life and adapt itself to them; and such is the
machinery of language. Its cogs are letters, syllables, the sounds
they prescribe; it is still mechanical when it assigns to these sounds
their limited meaning; and, although it does not cut up Nature’s map
into a jig-saw puzzle, yet its divisions, however careful, can never be
conclusive, because it is cutting up an organic whole into inorganic
parts. How different is music,—how much truer! No note of music
has meaning in itself; it means what it means from its position in a
phrase, and, as phrase follows phrase in a movement, the music
develops and completes this meaning in an organic whole, no part of
which can be detached from it alive. Thus music is, as it were, all life
and universally intelligible, language only part life, the rest
mechanical attachment. Nor have these attachments even the
security of being hitched to stable objects. They are an intermediary
between one kind of life and change and another. The makers of the
names change while they make them, and the objects have changed
before their names are known.
What do we mean, for example, by ‘love’? something, surely, as
definite as it is familiar. But no! the meaning of ‘love’ is a historical
study—it belongs even to the future almost as much as to the past.
We have not found its meaning yet, we have not given it its meaning.
We have for long devoted ourselves to the pursuit of a meaning for
it, and after centuries of failure have endowed it with a halo of
converging aspirations. Love is the name of an ideal, constantly
sought, partially realized. In its fullest sense, it suggests an enduring
tie between a man and a woman which is also a pattern of the true
relationship of the soul to the world.
But what is that true relationship?—something that we have still to
find out. The French call love ‘amour’; ‘amour’ too has its halo. About
the word ‘amour’ has gathered the memories of a race that has
learned to consider its physical and spiritual impulses irreconcilable.
It has in it the wild contrasts of some natural upheaval and a
prevailing tenderness, like that of calm after storm. It is a great word,
providing a name for one deep chord of experience, which in
English, by the different focus of our attention, we have left
nameless. But the differences between the two words not only
proceed from differences of racial temperament, they also produce
and perpetuate such differences. The average Englishman who
hungers after ‘amour’ never obtains it, because the thought of ‘love’,
of which he cannot divest himself, intervenes. The average
Frenchman is equally debarred from ‘love’, for the very sound of
‘amour’ assures him that it is a romantic dream. So the indivisible
experience of reality is split up in one way by one people, in another
by another, and each perforce sees it along its own dividing lines.
Both cannot be right, and truth is hidden from men by the apparatus
with which they hoped to unveil her.
Of course the words that count for most in a language are those in
which men exchange their common thought about the purposes on
which they are chiefly bent, the goal to which they are steering; and
words of this kind are apt to be merely national. The German ‘Kultur’
is an example. ‘Kultur’ was the focus of a peculiar complex of
associations, which involved, among other things, a novel
conception of the relation of the muscles to the mind. The Germans
thought they had found in it an ideal of conquering force, and many
people in England spoke shyly of ‘culture’ for a time, as if the love of
letters and the arts must lead every one where it had led the
Germans. Temperamental concentrations of the kind that gave
‘Kultur’ its intensive meaning are constantly at work; we see the
result in the different characters of the Greek, the Spaniard, the
Italian. The Italians and the French, the French and the English,
have different notions of what life ought to be. ‘Libertà’ is a word still
found in Italian dictionaries, but Signor Mussolini has revised its
meaning very drastically. Breathing the same air, walking the same
earth, the different peoples blend the elements in different mixtures
and draw from the soil a sap that permeates their being and gives
individual colour to every feeling and thought. These variations of
tincture are valuable in themselves; life would be poorer if there were
only one kind of flower or fruit; the idiosyncrasies of nations give
brightness and colour to the human comedy. But they are also of
capital importance to progress, because they remind us that our own
blend of ideas is a makeshift like the rest, and that, if we are not to
be left stranded, we must learn how to leave it open to possibility of
change. With the establishment of a universal language these fruitful
comparisons would cease; the human race would be committed to
one set of conventional ideas and caught for ever in a prison of its
own making; and even if such a universal language were only
ancillary, though the worst evil would be avoided, the adopted
language would tend to be debased, since men of different schemes
of experience would use the same words in different senses, so step
by step obliterating their true sense and leaving them flavourless.
Great therefore as is the glory for a language of being as wide as
the world, that glory has its drawbacks and its dangers; and the crisis
in the condition of English is aggravated by its exceptional capacity
for assimilating foreign influences. It is useless harking back, as
some idealists do, to the pure well of Anglo-Saxon simplicity. Anglo-
Saxon was not simple; it was cumbrous and complicated, more like
German than English. The first English that is easily intelligible to us
is already half French; and all through their history, wherever they
have gone in their travels, the English have brought words back with
them. In India, Africa, America, Australia, amalgamation still goes on,
and the result is that our vocabulary, in its mere bulk and before one
begins to think of the anomalies it contains bears heavily on the frail
intelligence of mortal man. With half-a-dozen different peoples
continually tossing fresh petals into the vast pot-pourri, what will
happen to the unifying aroma which is the all-in-all? What influences,
habits, ideals shared by all these people can have strength to
overcome their growing divergencies? Their eyes open on different
scenes, they are surrounded by different plants, birds, and animals,
eat different food, endure or enjoy different climates. Nor do these
differences remain external: they evoke different temperaments,
different constitutions. Will not these different constitutions soon
dictate a different rhythm, a different articulation, a different music for
their expression? The problem is the more engrossing, because the
determining conditions have no parallel in history, and our developed
machinery, of communication and reduplication, from printing to
telephony, introduces influences the effect of which no one can
foresee. If it is enough for us to hear the same speeches and read
the same books, there is now nothing to prevent our doing so. The
one language is obviously a great convenience. But does not the
machinery which sustains it favour conventional forms rather than
living speech?
The salient feature of our age is the increasing participation of the
masses in the guidance of life and in its interests. Machinery has
made this possible, and more and ever more machinery will be
required, if we are to attain the broader humanity we desire. Yet
machinery symbolizes the ossifying routine, the obstructive red tape,
which chokes progress; and machinery always has undue
importance for undeveloped minds. The unlettered villager of old
was a walking poem; he grew like the hawthorn in the hedgerow, still
pruned, still sprouting; his thoughts were the lichen on its trunk, the
idiom of his speech had the twists and freaks of its knotty boughs.
Forms of life surrounded and emanated from him; he knew nothing
else. But when the choice came between life and machinery he
chose machinery, not thinking of it as a choice. Because you buy a
bicycle, you do not cease to have a garden; only, in course of riding,
you pass your garden by; you have removed it a little from your life.
The printed book works in the same way. It multiplies a man’s
commerce with words; and though it increases also his power to see
through words to thoughts and things, it does not increase this power
in the same proportion; and so with all the rest of our literary
machinery. Here again the world-wide language suffers, its diffusion
weighting the balance against its life. If print is really at times to get
its meaning over, there must still be lips from which words fall like

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