Séduis Moi Lena Clarke: Visit To Download The Full and Correct Content Document
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Séduis-moi
Lena Clarke
CHAPITRE 1
— C’est officiel, je déteste mon job.
Avec un grand soupir, Paige se laissa tomber à côté de Jessica et vida
son verre de vin d’un trait. Elle en commanda un autre dans la foulée,
avant de se débarrasser de l’élastique qui retenait ses cheveux blond
vénitien mi-longs en queue de cheval.
— Étrange, j’ai déjà cru entendre ça hier, ainsi qu’avant-hier et avant
avant-hier, se moqua sa voisine.
— Je suis extrêmement sérieuse ! Je viens de présenter la seizième
version de cette maudite couverture à Harper et elle n’est jamais
satisfaite ! Cette femme est un démon. Elle jette un coup d’œil, un
minuscule coup d’œil d’à peine deux secondes sur mon travail et me
balance à la figure une liste longue comme le bras de défauts à corriger.
Je crois qu’elle veut ma peau, oui c’est ça, elle doit penser que je dors
trop la nuit et s’est senti le devoir de me fournir une activité nocturne.
— Elle est simplement exigeante. C’est son boulot après tout, de
s’assurer que tout soit parfait au moment de la publication des livres
dont elle a la charge.
Ma remarque poussa mes deux collègues à tourner la tête vers moi.
Assise sur le bord de la banquette noire qui formait un U autour de la
table circulaire sur laquelle reposaient nos boissons, je savais d’avance
quels mots allaient sortir de leurs bouches. Je regrettais d’ores et déjà
d’avoir pris la défense de ma supérieure. Ce n’était pas ce que Paige
souhaitait entendre et, comme d’habitude, elle allait prendre plaisir à
m’asticoter pendant de longues, très longues minutes.
— Comme c’est mignon, Harper peut s’estimer chanceuse d’avoir une
assistante aussi dévouée à son service.
— Une assistante prête à voler à sa rescousse en toute circonstance et
surtout prête à se sacrifier corps et âme pour son bien-être, ricana
Jessica.
— Vous me fatiguez, marmonnai-je en détournant les yeux.
Bien décidée à les ignorer, et surtout à ne pas rentrer dans leur jeu,
j’observais les gens installés aux alentours. Même s’il n’était que
18 h 30, le Stand by était bondé. Les tables avaient été prises d’assaut.
Seules restaient quelques places au bar, qui à mon avis n’allaient pas
demeurer vacantes très longtemps. En raison de son emplacement en
plein centre-ville de Détroit et grâce à sa proximité avec de nombreux
bureaux, cet endroit ne désemplissait jamais. Pour autant, l’atmosphère
n’y était pas étouffante. Les lumières tamisées et la décoration épurée
permettaient de s’y sentir à l’aise. Nous avions l’habitude d’y venir tous
les jeudis depuis presque un an, soit depuis ma première semaine de
travail à Midnight Edition.
— Tu ne démens plus, il y a du progrès, commenta Paige. D’ici six mois,
la vérité sortira peut-être enfin de ta bouche.
— Quelle vérité ? demandai-je, tout en sachant que j’allais le regretter.
— Que tu craques complètement pour ta patronne, pardi ! Il ne faut pas
en avoir honte. C’est une peau de vache, mais une peau de vache sexy.
Même moi qui suis hétéro, je passe souvent du temps à rêvasser en la
regardant.
— Ce qui explique probablement le souci avec tes illustrations,
commentai-je en prenant une gorgée de mon cocktail sans alcool.
— Ne change pas de sujet et avoue ! Tu verras, tu te sentiras soulagée
après. Ce sera comme une grande libération.
Rivée à mes lèvres, la blonde ne remarqua même pas le serveur qui
venait de déposer un verre devant elle.
— D’accord, prononçai-je calmement. Je vais avouer.
— Ah, enfin ! Jessica enregistre-la pour que nous ayons une preuve
quand elle essaiera de nier.
— J’avoue être hétéro moi aussi et ne rien ressentir à part de
l’admiration au contact de cette femme.
— Mais non ! C’est pas possible.
Désespérée, ma collègue attrapa son visage entre ses mains et secoua
ensuite ses cheveux. Même si une part de moi s’agaçait d’être en
permanence harcelée sur le sujet, je demeurais amusée par les
réactions de Paige. Graphiste depuis plusieurs années pour Midnight
Edition, elle venait d’avoir vingt-neuf ans, soit trois de plus que moi,
mais paraissait plus jeune. La première fois que nous nous étions
arrêtées ici, le barman lui avait demandé sa carte d’identité. Je ne
connaissais personne capable de bouder et de s’emporter autant, un
comportement qui ne l’aidait pas vraiment à faire son âge.
— Et toi, tu ne dis rien ? Je croyais que tu étais de mon côté, se lamenta-
t-elle à l’adresse de Jessica.
— Tu m’as perdue au mot « pardi ». Franchement, qui utilise encore
cette expression ?
Son commentaire m’arracha un sourire. Plus calme que Paige, Jessica
était la première personne avec qui j’avais sympathisé en commençant
mon nouveau travail. Tout comme moi, elle était assistante d’édition et
m’avait beaucoup aidée à mes débuts. Avec ses longs cheveux blonds et
ses yeux marron clair, elle plaisait à nombre de nos collègues. Qu’elle
soit déjà mariée ne les perturbait pas le moins du monde. Ils
continuaient à tenter inlassablement leur chance et rivalisaient
d’imagination pour essayer de la séduire.
— C’est bon, j’ai compris, j’abandonne pour ce soir. Libre à toi de te
voiler la face, après tout, ça n’en rendra que plus torride le moment où
elle te coincera dans son bureau !
Mon cerveau eut l’automatisme de se représenter la scène. En réaction,
je rougis et surtout je faillis m’étrangler avec ma boisson. Penser à
Harper de cette façon me dérangeait. Nos rapports étaient uniquement
professionnels et cela m’allait très bien. J’ignorais pourquoi Paige s’était
mise en tête qu’il pourrait y avoir bien plus. Elle se fourvoyait
complètement. Que ce soit maintenant ou dans dix ans, je ne comptais
pas développer le moindre sentiment pour ma supérieure et je
comptais encore moins vivre une histoire d’amour au travail. Je n’avais
aucune envie de m’attirer des problèmes. Je tenais bien trop à mon
poste pour risquer de le perdre.
— Arrête de fantasmer sur ma vie sentimentale et concentre-toi sur la
tienne pour changer.
— Tu n’es vraiment pas drôle.
Une moue boudeuse sur le visage, la jeune femme sirota lentement son
nouveau verre de vin. De mon côté, j’avais terminé mon cocktail. En
temps normal, j’en aurais sûrement pris un deuxième, seulement il me
restait encore des courses à faire et trois manuscrits à survoler avant le
lendemain.
— La rabat-joie que je suis va rentrer. Amusez-vous bien toutes les
deux, on se voit demain, annonçai-je en enfilant ma veste de blaser
noire, puis mon manteau, au-dessus de mon chemisier blanc.
— Déjà ?! Je viens à peine d’arriver.
— Mon téléphone est allumé. Tu peux m’envoyer des messages en cas
de besoin.
— Ce n’est pas pareil. Et puis, c’est ta seule sortie de la semaine. Tu as le
devoir d’en profiter !
— Ma seule sortie ? Et les cours de yoga du mercredi midi alors ? Je te
laisse m’y traîner depuis six mois, ce sacrifice mériterait un minimum
de reconnaissance.
— Tu sais très bien ce que je voulais dire. Ta vie est réglée comme du
papier à musique. Il n’y a aucune place à l’imprévu, c’est super
déprimant.
— Pour toi, peut-être. Personnellement, je trouve ça rassurant. J’aime
que les choses soient organisées et planifiées. Ça m’évite beaucoup de
réflexion inutile et de temps perdu.
Juste avant d’attraper ma sacoche contenant mon ordinateur, je rajustai
mes lunettes sur mon nez et lissai un pli imaginaire sur mon jean bleu
foncé. L’avis de Paige sur mon quotidien, apparemment barbant au
possible, me passait totalement au-dessus. Mon activité favorite
consistait à rester chez moi accompagnée d’un bon bouquin et je n’en
avais pas du tout honte.
— Avec un tel discours, pas étonnant que les gens te pensent
psychorigide, souffla-t-elle.
— Les gens, répétai-je en fixant la jeune femme. Et pas toi peut-être ?
— Non, de mon point de vue, tu n’as juste jamais appris à t’amuser.
C’est quoi le truc le plus fou que t’aies jamais fait ?
J’ouvris la bouche, bien décidée à lui rabattre le caquet,
malheureusement aucun souvenir ne se rappela à moi. J’aurais pu
inventer, lui raconter un évènement qui était arrivé à quelqu’un d’autre.
L’idée me traversa l’esprit durant une seconde, puis disparut aussi vite
qu’elle était apparue. Pourquoi aurais-je dû mentir ? Je ne devais rien à
Paige.
— Ton silence est criant de vérité.
— D’accord, tu as raison, je suis ennuyeuse et beaucoup trop sage.
Satisfaite ?
— Pas du tout ! Déjà tu peux retirer la première partie, je te trouve très
intéressante. Et nous pouvons travailler sur la deuxième partie.
Réfléchissons…
Jusque-là concentrée sur son téléphone, Jessica sursauta au moment où
le coude de sa voisine percuta ses côtes. J’ignorais avec qui elle
discutait, mais cette personne avait le don de la captiver.
— Quoi ? Je vous écoutais, promis ! prétendit-elle avec un air coupable.
— C’est ça, oui. Aide-moi à trouver un truc un peu fou à faire faire à Mia.
— Parce que tu crois vraiment que je vais m’exécuter ?
Apparemment, elle me connaissait très mal. J’étais tout sauf du genre à
sauter quand on m’en donnait l’ordre.
— Si tu acceptes, j’arrête de te parler d’Harper.
Une étincelle d’intérêt s’alluma dans mon regard. Foncer dans ce piège
gros comme une maison était clairement une erreur, mais je fus
incapable de m’en empêcher. L’occasion était trop belle.
— OK, faites-vous plaisir.
Du bout des ongles, Jessica commença à pianoter sur la table. Je me
méfiais davantage de Paige, pourtant l’idée sortit bien de la bouche de
l’assistante d’édition.
— Embrasse la première personne qui passe la porte.
— Quoi ? m’insurgeai-je. C’est hors de question. Je n’ose même pas
croire que tu aies suggéré une chose pareille.
— Tu rigoles ? Moi je trouve ça parfait ! s’enthousiasma Paige.
— Le contraire m’aurait étonnée, maugréai-je. Je vous signale qu’il y a
des lois contre ça. Embrasser quelqu’un sans son consentement
s’apparente à une agression sexuelle.
— Demande-lui son accord, alors. Nous n’avons pas fixé de limite de
temps, libre à toi de ne pas te jeter au cou de cet inconnu.
Grand sourire aux lèvres, Jessica me parut soudain bien plus
dangereuse que la graphiste. Il s’agissait d’une leçon à retenir pour le
futur : toujours se méfier de l’eau qui dort. Avec embarras, je me
tournai vers l’entrée du bar. Je ne pouvais pas réellement me comporter
de la sorte, si ?
— Tu as intérêt à tenir parole, plus de sous-entendus sur Harper,
prévins-je Paige.
— Je serai muette comme une carpe.
En me levant, je me traitai mentalement d’imbécile. Pourquoi est-ce que
je les écoutais ? Je n’avais rien à prouver. D’accord, je n’étais pas une
personne spontanée et encore moins aventureuse, cependant il n’était
indiqué nulle part qu’il s’agissait de critères essentiels pour réussir sa
vie.
— Tu devrais détacher tes cheveux et enlever tes lunettes. Tu
maximiseras tes chances d’arriver à tes fins, me conseilla Jessica.
Et puis quoi encore… Dans un premier temps, je n’eus aucune intention
de suivre ces recommandations. J’attrapai mon sac, de sorte à pouvoir
filer dès ma mission remplie, et me concentrai sur la porte fermée. Dans
ma poitrine, mon cœur battait rapidement. Je me demandais qui allait
se présenter. L’apparence physique m’importait peu. J’espérais juste ne
pas me ridiculiser.
— C’est long, se plaignit Paige. Si ça continue, Mia va finir par
s’évanouir.
— Je vais très bien, merci de t’en soucier.
— Tu devrais te rassoir, tes jambes vont tétaniser.
Au moment où elle prononça ces quelques mots, la porte s’ouvrit
doucement sur une femme métisse habillée tout en noir. J’étais trop loin
pour apercevoir les traits de son visage, en revanche d’après son
attitude, je devinais qu’elle cherchait quelqu’un. J’hésitais, car je n’avais
aucune envie de lui causer des problèmes si elle était en couple. Mais
surtout parce qu’à aucun moment je n’avais songé que l’inconnu à
embrasser puisse être de sexe féminin. J’interrogeai Paige du regard,
laquelle évidemment était aux anges.
— C’est le destin ! En avant, ma belle.
— Non, attends. Rien ne t’y oblige ! protesta soudain Jessica. Tu avais
raison, c’était complètement débile comme idée.
— Qu’est-ce qui te prend ? Ça va pas ou quoi ? Fonce, Mia, et rends-nous
fières !
Je les observais se chamailler l’une avec l’autre, sans arriver à
déterminer ce que je devais faire ou non. Je cogitais, pesais le pour et le
contre, tout en ayant conscience qu’à trop réfléchir, j’allais tout
simplement finir par me dégonfler. S’il suffisait d’embrasser cette
étrangère pour être tranquille ensuite, alors qu’est-ce que j’attendais ?
Un baiser d’une seconde ne me traumatiserait pas et n’aurait aucune
incidence sur le reste de ma vie.
Prenant mon courage à deux mains, j’abandonnai ma position pour me
diriger vers ma cible. Elle venait de bouger pour rejoindre le bar.
Contrairement à mes pronostics, elle semblait seule. Elle se contenta de
commander un verre et, de mon côté, je dus lutter contre l’irrépressible
envie de rebrousser chemin. Plus je me rapprochais, plus mon estomac
se nouait. Mon cerveau m’envoyait des messages d’alerte. Il me
conseillait de quitter cet endroit au plus vite, de continuer tout droit
sans m’arrêter afin de retrouver la chaleur douillette de mon
appartement. Je tâchais d’ignorer ces signaux de danger, ainsi que tout
instinct de préservation, et avançais.
Arrivée à moins de deux mètres, je déglutis. J’essayais de trouver une
manière d’engager la conversation, lorsque la jeune femme se retourna.
Je lui donnais environ trente ans. La première chose que je remarquai
fut ses yeux verts. Mis en valeur par un maquillage foncé, ils brillaient
de mille feux sous les lumières artificielles des néons. Mon attention se
porta ensuite sur sa coiffure. Trois petites tresses plaquées dégageaient
la moitié gauche de son visage. Le reste de sa chevelure noire était
laissée libre et retombait souplement sur ses épaules, lesquelles étaient
couvertes par une veste en cuir.
Probablement parce que je la regardais, l’inconnue en fit de même et,
comme une idiote, j’appliquai le conseil de Jessica. J’ôtai mes lunettes
en vitesse, ce qui arracha un sourire à ma future interlocutrice. Loin de
me rassurer, ce dernier me déstabilisa. Je n’étais pas habituée à
provoquer ce genre de réaction. D’ordinaire, une fois confrontés à mes
yeux vairons, les gens avaient tendance à se montrer soit mal à l’aise,
soit intrigués.
Je devais cette particularité à ma mère, une particularité d’autant plus
remarquable que j’avais hérité des traits asiatiques de mon père.
Longtemps, j’avais essayé de masquer mon œil droit bleu grâce à une
lentille marron. Une idée qui aurait pu se révéler brillante si je n’avais
pas été sujette aux conjonctivites. Depuis deux ans, je m’étais résignée
et avais tendance à éviter au maximum les contacts visuels.
Perturbée par la situation, je demeurai figée. J’oubliai momentanément
pourquoi je me trouvais devant cette inconnue et me contentai durant
quelques instants de soutenir son regard. Amusée, elle adressa un signe
de tête au barman au moment où il lui servit sa boisson, quant à moi, je
retrouvai enfin la raison. Mes neurones se connectèrent à nouveau et je
comblai la distance qui nous séparait. J’étais nerveuse. Certaine que
Paige et Jessica scrutaient chacun de mes mouvements, je ressentais
d’autant plus de pression. Il fallait que j’agisse rapidement. Je cherchais
toujours quoi dire, de préférence quelque chose d’intelligent lorsque la
jeune femme prit la parole :
— Je t’offre quelque chose ?
— Un baiser.
Les deux mots étaient sortis tout seuls. Je n’en revenais même pas
d’avoir osé les prononcer. Me rétracter était encore possible. Il me
suffisait de me confondre en excuses. Malgré mon embarras, j’étais bien
décidée à aller jusqu’au bout et par conséquent il ne servait à rien de
tourner autour du pot.
— Tu es toujours aussi directe ? plaisanta-t-elle.
Contrairement à moi, elle ne semblait pas gênée du tout. Son aisance
me laissait penser qu’elle avait déjà dû entendre pire dans sa vie, ou
alors qu’elle était habituée à se faire accoster.
— Non, pas vraiment. Les circonstances sont particulières.
— Mauvais choix de mot.
— Pardon ?
— Si tu veux séduire une femme, dis-lui qu’elle est spéciale. Pas les
circonstances, mais elle en tant que personne. Tu peux aussi ajouter
que tu n’avais jamais abordé personne auparavant, mais qu’en la
voyant, tu n’as pas pu résister.
— Je ne veux pas vous séduire. Et si je suis venue vous parler, c’est
entièrement dû au hasard.
Aurais-je dû prétendre le contraire ? Non, je tenais à me montrer
honnête. De plus, j’avais la forte impression que mon interlocutrice
était une reine en matière de pipeautage. D’après ses conseils, elle avait
apparemment l’habitude de draguer et à plus forte raison de prononcer
des paroles totalement vides de sens. Par conséquent, elle ne devait
avoir aucun mal à repérer les mensonges.
— On ne me l’avait jamais faite, celle-là.
Au lieu de s’indigner, elle se mit à rire et avala d’un trait le liquide
ambré commandé plus tôt.
— Je te donne un point pour l’originalité, poursuivit-elle en
abandonnant son verre sur le bar.
— Est-ce que je peux convertir ce point en baiser ?
Sans se départir de son sourire, elle avança et attrapa mon visage en
coupe. Je ne m’y attendais pas. Dans ma tête, j’allais forcément être celle
à devoir prendre l’initiative, si bien que je me tendis l’espace d’un
instant. Les rapprochements physiques m’avaient toujours posé
problème. Sentir les mains d’une inconnue sur mes joues aurait par
conséquent dû me glacer le sang, pourtant il n’en fut rien. Au contraire,
son contact me réchauffa. Loin de se jeter sur moi, elle caressa
lentement ma peau à l’aide de son pouce, puis m’embrassa
délicatement. C’était ce que j’avais demandé. La logique aurait voulu
que je sois préparée à ce contact, or c’était tout le contraire. Le frisson
qui me traversa me prit de court. La douceur de ses lèvres était sans
commune mesure. J’en profitai pendant les quelques secondes que dura
cet échange, avant de cligner les yeux, un peu hagarde.
— Satisfaite ? questionna-t-elle en reculant.
— Oui, merci.
Ayant obtenu ce que je désirais, j’opérai un demi-tour. Je ne cherchai
pas à poursuivre la discussion et encore moins à m’attarder. Je me
dirigeai vers la sortie, sans arriver à déterminer ce que je ressentais.
Mes émotions étaient contradictoires et comme à chaque fois dans ce
cas de figure, je trouvais judicieux de les étouffer.
Je savais juste que j’avais besoin d’air pour reprendre mes esprits et la
bourrasque qui m’accueillit une fois sur le trottoir me donna toute
satisfaction. Il faisait frais pour un mois de mars. Les températures
avoisinaient le zéro et me permirent de revenir pleinement à moi.
Pragmatique, je réalisai qu’il ne servait à rien de m’attarder sur les
dernières minutes. Je n’allais plus jamais revoir la jeune femme et tout
comme le goût de rhum qui flottait actuellement sur mes lèvres, le
souvenir de notre rencontre allait s’estomper.
CHAPITRE 2
Un mois plus tard
Avec contentement, j’enregistrai la version finale du dernier roman de
Samantha Lewis sur le serveur de la maison d’édition. Il s’agissait du
premier gros projet que Harper me confiait et j’étais très heureuse
d’avoir réussi à le mener à terme. Évidemment, le mérite ne me
revenait pas entièrement. Durant tout le processus d’écriture et de
correction, Samantha s’était montrée très disponible et à l’écoute.
Collaborer avec elle avait été un véritable plaisir.
Afin de vérifier que je n’avais rien oublié, je parcourus rapidement des
yeux les Post-it collés sur le haut de mon ordinateur. Sur ces derniers
s’étalait ma liste de tâches pour la semaine. Avec Chrysalide qui était
maintenant terminé, il ne me restait plus que des missions mineures à
accomplir les deux prochains jours. Je pris plaisir à tracer une croix sur
ma To-do list, à côté de la ligne concernant la finition du roman de
Samantha, et m’accordai ensuite quelques instants pour me détendre.
Autour de moi, tout le monde semblait concentré sur son travail. Seul le
bureau en face du mien, occupé normalement par Jessica, était vide.
Harper l’avait convoquée trente minutes auparavant, ce qui en général
n’était jamais bon signe. Je me demandais quel pouvait être le
problème. Ces derniers temps, ma collègue ne me parlait plus
beaucoup. Elle avait manqué nos deux rendez-vous précédents au Stand
by et ne lisait même plus les messages que Paige et moi laissions sur
notre groupe WhatsApp. J’essayais de ne pas trop le prendre à cœur, de
me convaincre qu’elle était simplement débordée, seulement plus les
jours passaient, plus je peinais à y croire.
Confortablement installée dans mon siège à roulettes, j’attrapai ma
tasse de thé vert. Il fallait que j’arrête d’y penser. Chacun avait le droit
de mener sa vie comme il l’entendait. Si elle ne souhaitait plus faire
d’effort pour conserver un lien d’amitié entre nous, alors tant pis. Je
m’apprêtais à porter le liquide fumant à mes lèvres, lorsque, soudain, la
porte du bureau d’Harper s’ouvrit à la volée. Contrairement à moi, ma
supérieure ne travaillait pas en open-space. En tant qu’éditrice et
responsable de projet, elle disposait d’une pièce bien à elle. Jessica
sortit en trombe de cette dernière, l’air agacé.
C’était la première fois que je la voyais aussi énervée, ou même énervée
tout court, mais je n’eus pas le temps de m’en soucier. À cause de la
surprise provoquée par son arrivée, j’avais failli m’ébouillanter. De
justesse, j’avais évité à mon chemisier gris de finir trempé, néanmoins
quelques gouttes avaient réussi à asperger mon pantalon noir. Par
automatisme, je frottai les endroits touchés, avant de sursauter en
entendant mon prénom être prononcé.
— Mia, venez dans mon bureau, je vous prie.
Le ton sec employé par Harper me fit comprendre qu’elle était de
mauvaise humeur. Seuls quelques mètres me séparaient du lieu où elle
passait une bonne partie de ses journées. Je n’étais pas du tout pressée
de m’y rendre, d’autant que sans que je sache pourquoi, Jessica me
lança un regard noir au moment de retrouver son espace de travail. Je
rajustai mes lunettes sur mon nez et, n’ayant pas le choix, je rejoignis
ma supérieure. Qu’elle attende que je sois entrée pour refermer
derrière moi ne me rassura pas. Dans la mesure où la porte demeurait
le plus souvent ouverte, il s’agissait pour moi d’un très mauvais signe.
— Asseyez-vous.
En dépit de son attitude avenante lorsqu’elle me désigna le fauteuil en
face du sien, je craignis le pire. J’avais beau savoir que je n’avais rien à
me reprocher, le stress monta petit à petit. Je m’installai et de manière
tout sauf décontractée, je posai mes mains à plat sur mes cuisses. La
dernière fois que j’avais vu Harper aussi tendue datait de mes débuts à
Midnight Edition, à cause du retard pris dans la publication du
troisième tome de Rose Écarlate. Comme à l’époque, de petits plis
marquaient l’espace entre ses deux sourcils. Au lieu d’entraver sa
beauté, cette caractéristique avait tendance à renforcer son charisme.
J’observai brièvement ses yeux noisette, ses cheveux bruns coupés
court, tout en admirant la façon dont elle était toujours tirée à quatre
épingles. Elle était clairement un modèle pour moi et j’espérais
sincèrement ne pas l’avoir déçue.
— Où en êtes-vous avec Chrysalide ? demanda-t-elle en prenant place
face à moi.
— J’ai terminé les corrections et la mise en page. Le BAT1 n’attend que
votre approbation pour être envoyé à l’imprimeur.
1 Bon à tirer.
Language: English
BASIL DE SÉLINCOURT