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Exclusion

scolaire définitive
Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! »

Étude coordonnée par Benoît ROOSENS

Décembre — 2013

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

CGé — ChanGements pour l’égalité asbl — Chaussée de Haecht, 66 — 1210 Bruxelles


Tél. : 02 218 34 50 — Fax : 02 218 49 67
courriel : [email protected] — site internet : www.changement-egalite.be
Introduction .................................................................................. 3  
Partie 1 : Exclusion scolaire définitive ........................................... 5  
Le premier degré du secondaire en ligne de mire ............................................... 5  
Chapitre 1 : Cadre légal, oui mais… ............................................................... 6  
Passage en revue de la procédure légale ................................................................. 6  
Procédure d’exclusion scolaire : des zones de floues et d’arbitraire .............................. 11  
Chapitre 2 : Données de l’exclusion scolaire à la loupe ....................................... 16  
Signalements année après année : difficultés méthodologiques .................................... 17  
Signalements d’exclusion scolaire ........................................................................ 17  
Signalements de refus de réinscription .................................................................. 24  
Conclusions ........................................................................................... 25  
Partie 2 : Analyse des récits et des entretiens ............................. 28  
Chapitre 1 : Analyse des récits .................................................................... 28  
Méthodologie ................................................................................................ 28  
La procédure d’exclusion .................................................................................. 31  
Les intervenants............................................................................................. 36  
Du côté des jeunes exclus ................................................................................. 38  
Conclusion.................................................................................................... 41  
Chapitre 2 : Analyse des entretiens............................................................... 43  
Méthodologie ................................................................................................ 43  
La procédure d’exclusion .................................................................................. 44  
Les intervenants............................................................................................. 45  
Du côté des jeunes exclus ................................................................................. 47  
Du côté du système ......................................................................................... 48  

Partie 3 : Agir dans la complexité ................................................ 51  


Qu’est-ce que l’exclusion scolaire définitive nous enseigne sur l’école ? .................. 51  
Aux sources de l’exclusion scolaire ...................................................................... 52  
Des « motifs graves » ? ..................................................................................... 52  
Coordonner le travail en aval et en amont ............................................................. 52  
« Une sanction qui compromet le fautif n’est pas éducative » ...................................... 53  
L’exclusion scolaire : l’œuf ou la poule ? ........................................................ 55  
Partie 4 : Principes directeurs et Recommandations en vue de
mieux cadrer et limiter l’exclusion scolaire définitive ................. 57  
Principes directeurs ................................................................................. 58  
Recommandations relatives à l’exclusion définitive ........................................... 62  
Bibliographie ............................................................................... 66  
Ouvrages et articles ................................................................................. 66  
Textes légaux ......................................................................................... 68  
Annexes ...................................................................................... 69  
Annexe 1 : Les acteurs dans et autour de l’exclusion scolaire ...................................... 69  
Annexe 2 : Canevas du récit .............................................................................. 73  
Annexe 3 : Grille de lecture ............................................................................... 74  
Annexe 4 : Grille d’entretien ............................................................................. 75  
Annexe 5 : Les partenaires et leurs contributions ..................................................... 76  
Introduction
Benoît ROOSENS

Chaque année, un peu plus de 2000 exclusions scolaires sont signalées par les
établissements scolaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Derrière les chiffres
se trouvent des élèves, dont plus de 80 % sont des garçons issus pour la plupart du
premier degré du secondaire et de troisième professionnelle. L’exclusion définitive
touche les enfants durablement et tout particulièrement les élèves déjà fragilisés.
Ses conséquences peuvent être dramatiques.
Face à ce constat, un collectif d’associations bruxelloises1 a pris contact avec
ChanGements pour l’égalité pour voir comment tirer la sonnette d’alarme
concernant cette problématique, mobiliser les acteurs éducatifs bruxellois et
envisager des pistes d’actions pédagogiques, organisationnelles et politiques.
Dans cette perspective, une journée d’étude intitulée « L’exclusion scolaire
définitive : des ruptures évitables ? » a été organisée le 18 octobre 2012 et a réuni
quelque 120 acteurs de l’éducation (enseignants, directions, travailleurs sociaux,
représentants de l’administration, médiateurs de la Fédération Wallonie-
Bruxelles…)2.
La qualité du travail fourni et l’ampleur du questionnement porté par ces
différents acteurs ont poussé ChanGements pour l’égalité à prolonger le travail
sous la forme d’une étude à partir de la question : qu’est-ce que l’exclusion
scolaire nous enseigne sur l’école ?

1
AMO AtMOsphères – AMO RYTHME – Antenne Scolaire d’Anderlecht, Service de Prévention –
Médiation scolaire communale de Saint-Gilles – Nota Bene, Asbl Bravvo – Projet Déclic, Service
prévention de la commune de Schaerbeek – Service Droit des Jeunes – Service Prévention scolaire de
Forest – CASG Solidarité Savoir asbl
2
Les interventions, comptes-rendus et recommandations issus de cette journée sont disponibles sur
le site de ChanGements pour l’égalité : http://www.changement-egalite.be/spip.php?article2380

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 3


Les constats formulés par les acteurs scolaires comme la concentration des
exclusions au premier degré et en troisième professionnelle, l’utilisation abusive de
procédure pour des faits mineurs, le non respect de principes de droit, le manque
de clarté du rôle des acteurs dans la procédure, l’efficacité d’une telle sanction…
constituent autant de facettes de l’exclusion qui interrogent l’École et les
difficultés rencontrées par les professionnels qui la porte.
Pour répondre à cette question, nous avons organisé notre étude en quatre parties.
La première partie consiste à prendre connaissance du cadre légal de l’exclusion
scolaire définitive afin de mieux appréhender ce que recouvre cette procédure,
quels sont les motifs qui permettent de la lancer et quels en sont les acteurs et
leurs missions ? Nous avons ensuite croisé cette présentation aux données
statistiques disponibles en Fédération Wallonie-Bruxelles pour nous rendre compte
de la réalité du phénomène sur le terrain.
La seconde, quant à elle, traite les récits reçus dans le cadre de la journée d’étude
et vise à mieux comprendre la manière dont se déroulent réellement les exclusions
scolaires sur le terrain, les difficultés concrètes qui se posent dans l’application du
cadre légal actuel, le rôle joué par les différents acteurs et les conséquences
éventuelles sur le jeune. Ce travail d’analyse a été complété par des entretiens
d’acteurs actifs ou non dans la procédure d’exclusion scolaire définitive.
Sur base des différents éléments d’analyse, nous proposons, dans une troisième
partie, d’apporter d’une part un éclairage sur ce que l’exclusion scolaire nous
enseigne sur l’école notamment en ce qui concerne le lien entre échec et
exclusion, l’implication et le rôle des acteurs ou encore la légitimité et l’efficacité
d’une telle sanction ; et d’autre part, un questionnement sur rôle de l’École dans
la société d’aujourd’hui.
La quatrième partie fait état d’un travail collaboratif avec la Direction Générale
aux Droits de l’Enfant et l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à
la Jeunesse également interpellés par l’impact de l’exclusion scolaire sur les droits
et le bien être des enfants et des jeunes. Le travail réalisé s’est centré sur le
développement et l’étayage des idées émises à la journée d’étude du 18 octobre et
le résultat se présente en deux volets : des principes directeurs et des
recommandations en vue de mieux cadrer et limiter l’exclusion scolaire définitive.
Cette étude est le fruit d’un important travail collectif coordonné par Benoît
ROOSENS, permanent de ChanGements pour l’égalité. Nous tenons à remercier
toutes les personnes qui ont accepté de nous rencontrer et qui ont pris le temps de
parler de leur travail. Cette étude n’aurait pas été possible sans le concours de
Sabine BUYLE et Martine DEPOORTERE (Antenne scolaire d’Anderlecht), Marc DE KOKER
(Amo Rythme), Khaled BOUTAFFALA (Amo AtMOsphères), Virgine HOSPEL et Benoît
GALAND (UCL-GIRSEF). Elles ont fourni un travail précieux d’analyse et
d’accompagnement à la rédaction de ce travail.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 4


Partie 1 : Exclusion scolaire définitive
Le premier degré du secondaire en ligne de mire
Benoît ROOSENS

Dans cette partie, nous exposerons le cadre légal qui définit la procédure
d’exclusion scolaire définitive. Cette toile de fond permettra au lecteur de
disposer des outils théoriques certes parfois fastidieux, mais indispensables — pour
mieux appréhender la portée, les enjeux et les effets de cette problématique. Pour
rendre cette procédure complexe plus accessible, nous proposons de la
« déconstruire » et de nous attarder sur plusieurs éléments clés : les raisons ou les
faits pour lesquels une procédure est entamée, les étapes de celle-ci et le rôle des
parties, les mesures appliquées en cas de faits graves, les recours une fois
l’exclusion prononcée, la recherche d’un nouvel établissement ainsi que le cas
particulier des élèves majeurs. Nous distinguerons pour chacune des ces questions
les spécificités liées aux établissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou
subventionnés. Après un passage en revue plus descriptif de la procédure légale,
nous en ferons une lecture critique en mettant en exergue certaines zones de
floues et d’arbitraire.
À partir de cette présentation, nous traiterons les données statistiques disponibles
en Fédération Wallonie-Bruxelles. Quel est le nombre d’exclusions au cours d’une
année scolaire ? Y a-t-il une évolution ces dernières années ? Pour quels principaux
faits les établissements entament-ils une procédure ? Quels sont les élèves touchés
par l’exclusion scolaire définitive et y a-t-il des particularités en fonction de la
forme et du degré d’enseignement ?

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 5


Chapitre 1 : Cadre légal, oui mais…

Passage en revue de la procédure légale


L’exclusion scolaire est une sanction disciplinaire forte — en apparence à l’opposé
du principe de l’obligation scolaire — et dont les effets marquent la trajectoire du
jeune. Les ressorts et les contours d’une telle procédure méritent dès lors d’être
réfléchis afin de limiter les zones d’ombre et d’arbitraire qui peuvent exister.
Dans cette logique, précisons dès à présent que le refus de réinscription doit être
associé à celle de l’exclusion scolaire définitive d’un élève majeur ou mineur, car
d’une part, celle-ci répond à une même organisation de procédure3, d’autre part,
parce qu’elle n’est souvent qu’un trompe-l’œil utilisé par les établissements
scolaires pour exclure des élèves4.
La codification de la procédure d’exclusion scolaire définitive témoigne de
l’évolution de notre système éducatif et des réponses que le législateur souhaite
apporter aux différents problèmes de violence dans le cadre scolaire. Deux décrets
du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles précisent, depuis la fin des
années 1990, les règles et critères de l’exclusion scolaire définitive : le décret du
24 juillet 1997, plus connu sous le nom de décret « Missions »5 et le décret
« Discrimination positive » du 30 juin 1998 apporte des compléments à ce premier
dispositif en s’interrogeant sur la notion de gravité des faits6. Ces deux dispositifs
seront complétés par un arrêté du 18 janvier 20087 qui impose aux établissements
scolaires d’inclure des dispositions relatives aux faits graves dans leur règlement
d’ordre intérieur (ROI)8.

3
Articles 83 et 91 du décret du 24 juillet 1997.
4
Outre les aspects de conformité de procédure, nous verrons plus loin dans l’étude que
l’association des données statistiques de ces deux phénomènes apporte un éclairage particulier au
niveau du premier degré (voir partie 1, chapitre 2, page 16). L’analyse des récits (partie 2) nous
permettra, quant à elle, de mieux apprécier ce que nous mettons sous l’appellation exclusion
déguisée et procédure apparentée.
5
Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement
secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, 24 juillet 1997,
http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_01.php?ncda=21557&referant=l01
6
Décret visant à assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale, notamment
par la mise en oeuvre de discriminations positives, 30 juin 1998,
http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_01.php?ncda=22209&referant=l01
7
Arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 18/01/2008, définissant les dispositions
communes en matière de faits graves devant figurer dans le règlement d’ordre intérieur de chaque
établissement d’enseignement subventionné ou organisé par la Communauté française.
8
Certaines circulaires traitant de sanctions disciplinaires et d’exclusion mentionnent également
comme base légale, le décret du 12 mai 2004 portant diverses mesures de lutte contre le
décrochage scolaire, l’exclusion et la violence à l’école. Nous n’y faisons pas directement référence
dans le chapitre « cadre légal » car le décret concerne prioritairement des dispositifs (tels que la
médiation scolaire, les équipes mobiles, une cellule administrative de coordination, la formation à
la prévention et à la gestion des situations de crise en milieu scolaire, les services d’accrochage
scolaire) et moins des éléments de procédure touchant directement l’exclusion scolaire.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 6


Motifs d’exclusion
Pour qu’une procédure soit entamée, il faut que « les faits dont l’élève s’est rendu
coupable portent atteinte à l’intégrité physique, psychologique ou morale d’un
membre du personnel ou d’un élève, compromettent l’organisation ou la bonne
marche de l’établissement ou lui fassent subir un préjudice matériel ou moral
grave »9.
Ce que l’on entend par faits graves pouvant justifier l’exclusion est précisé à
l’article 25, section 2 du décret du 30 juin 199810. Nous prenons le temps ici de
préciser le détail de cette notion, celle-ci constituant un élément central sur
lequel repose la procédure. Il s’agit ainsi de :
1° tout coup et blessure porté sciemment par un élève à un autre élève ou à un
membre du personnel, dans l’enceinte de l’établissement ou hors de celle-ci, ayant
entrainé une incapacité même limitée dans le temps de travail ou de suivre les
cours ;
2° tout coup et blessure porté sciemment par un élève à un délégué du Pouvoir
organisateur, à un membre des services d’inspection ou de vérification, à un
délégué de la Communauté française, dans l’enceinte de l’établissement ou hors
de celle-ci, ayant entrainé une incapacité de travail même limitée dans le temps ;
3° tout coup et blessure porté sciemment par un élève à une personne autorisée à
pénétrer au sein de l’établissement lorsqu’ils sont portés dans l’enceinte de
l’établissement, ayant entrainé une incapacité de travail même limitée dans le
temps ;
4° l’introduction ou la détention par un élève au sein d’un établissement scolaire
ou dans le voisinage immédiat de cet établissement de quelque arme que ce soit
visée, sous quelque catégorie que ce soit, à l’article 3 de la loi du 3 janvier 1933
relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des
munitions11;
5° toute manipulation hors de son usage didactique d’un instrument utilisé dans le
cadre de certains cours ou activités pédagogiques lorsque cet instrument peut
causer des blessures ;
6° l’introduction ou la détention, sans raison légitime, par un élève au sein d’un
établissement scolaire ou dans le voisinage immédiat de cet établissement de tout
instrument, outil, objet tranchant, contondant ou blessant ;
7° l’introduction ou la détention par un élève au sein d’un établissement ou dans
le voisinage immédiat de cet établissement de substances inflammables sauf dans
les cas où celles-ci sont nécessaires aux activités pédagogiques et utilisées
exclusivement dans le cadre de celles-ci ;

9
, Articles 81 et 89 du décret du 24 juillet 1997.
10
Lors de la rédaction de ce chapitre consacré au cadre légal, nous nous sommes interrogés sur le
lien que le législateur a établi entre discrimination positive et la définition de faits graves de
violence pouvant justifier l’exclusion. Nous trouvons que ce lien n’est pas évident voire lourd de
sens dans la mesure où cela laisserait entendre que de tels faits concerneraient essentiellement les
élèves fréquentant les écoles à discrimination positive ou à encadrement différencié.
11
Le gouvernement arrête des modalités particulières pour l’application de l’alinéa 1er, 4° dans les
établissements organisant une option « armurerie ».

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 7


8° l’introduction ou la détention par un élève au sein d’un établissement ou dans
le voisinage immédiat de cet établissement de substances visées à l’article 1er de
la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses,
soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques, en violation des règles
fixées pour l’usage, le commerce et le stockage de ces substances ;
9° le fait d’extorquer, à l’aide de violences ou de menaces, des fonds, valeurs,
objets, promesses d’un autre élève ou d’un membre du personnel dans l’enceinte
de l’établissement ou hors de celle-ci ;
10° le fait d’exercer sciemment et de manière répétée sur un autre élève ou un
membre du personnel une pression psychologique insupportable, par insultes,
injures, calomnies ou diffamation.
Dans le cas où un élève de l’établissement a instigué ou s’est rendu complice d’un
fait grave accompli par une personne étrangère à l’établissement, le texte de loi
prévoit dans son article 26 que celui-ci soit également sanctionné, au même titre
que celui ayant commis un fait portant atteinte à l’intégrité d’un membre du
personnel ou d’un élève ou ayant compromis l’organisation ou la bonne marche de
l’établissement scolaire.
Par contre l’alinéa 2 du même article précise qu’un jeune ne peut être sanctionné
par une exclusion pour des faits commis par ses parents ou l’adulte responsable de
lui.
Si de tels motifs d’exclusion sont précisés dans un décret dès 1998, il faudra
attendre l’arrêté du 18 janvier 2008 pour imposer aux établissements scolaires
organisés ou subventionnés par la Fédération Wallonie-Bruxelles d’inclure les
motifs graves et certaines dispositions dans leur règlement d’ordre intérieur afin
d’en assurer la publicité auprès des élèves12.
Doivent notamment s’y retrouver les faits graves suivants :
dans l’enceinte de l’établissement ou hors de celle-ci :
— tout coup et blessure porté sciemment par un élève à un autre élève ou à un
membre du personnel de l’établissement ;
— le fait d’exercer sciemment et de manière répétée sur un autre élève ou un
membre du personnel de l’établissement une pression psychologique
insupportable, par menaces, insultes, injures, calomnies ou diffamation ;
— le racket à l’encontre d’un autre élève de l’établissement ;
— tout acte de violence sexuelle à l’encontre d’un élève ou d’un membre du
personnel de l’établissement.
dans l’enceinte de l’établissement, sur le chemin de celui-ci ou dans le cadre
d’activités scolaires organisées en dehors de l’enceinte de l’école :
— la détention ou l’usage d’une arme.

12
Arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 18/01/2008, définissant les dispositions
communes en matières de faits graves devant figurer dans le règlement d’ordre intérieur de chaque
établissement d’enseignement subventionné ou organisé par la Communauté française.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 8


Notons que dans les faits graves repris ci-dessus, apparaissent pour la première fois
les violences sexuelles. Cet élément nouveau n’était pas mentionné dans la liste
des faits graves des décrets du 24 juillet 1997 et du 30 juin 1998. Une autre
précision apparait, celle de racket sans doute pour circonscrire ce qu’il était
mentionné sous les termes d’extorquer, à l’aide de violences ou de menaces, des
fonds, valeurs, objets, promesses d’un autre élève ou d’un membre du personnel
dans l’enceinte de l’établissement ou hors de celle-ci

Procédure en quatre temps


Les étapes de la procédure d’exclusion définitive ne sont pas laissées au hasard.
Elles sont définies dans le décret Mission et peuvent se décliner en quatre temps.
Dans un premier temps, le chef d’établissement convoque l’élève — et ses parents
(ou la personne investie de l’autorité parentale) s’il est mineur — par lettre
recommandée avec accusé de réception. Les faits qui lui sont reprochés y sont
résumés et il est clairement notifié qu’une procédure pouvant mener à l’exclusion
définitive est engagée à son égard.
Au moins quatre jours ouvrables après la convocation se déroule l’audition. Le chef
d’établissement expose les faits et entend le point de vue et les explications de
l’élève et de ses parents.
Un compte-rendu fidèle de ces échanges est repris dans un procès-verbal qui est
alors signé par les différentes parties présentes. Deux situations particulières
peuvent se présenter : le refus de signature d’une part, qui sera alors constaté par
un membre du personnel ou un auxiliaire d’éducation et la non-présentation à
l’audition d’autre part, qui fera l’objet d’un procès-verbal de carence. Ces deux
cas de figure n’empêchent pas la procédure de se poursuivre.
Selon que ce soit un établissement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou un
établissement subventionné, l’exclusion définitive est prononcée par le chef
d’établissement dans le premier cas ou par le pouvoir organisateur (ou son
délégué) dans le second cas, après avoir pris l’avis du Conseil de classe ou du corps
enseignant dans l’enseignement primaire.
Enfin, la décision (ou non) d’exclusion définitive, dument motivée, est
communiquée par lettre recommandée avec accusé de réception à l’élève s’il est
majeur, à ses parents ou à la personne investie de l’autorité parentale, s’il est
mineur.
L’existence d’un droit de recours ainsi que ses modalités doivent figurer dans la
lettre recommandée.

Écartement provisoire
Au regard de la gravité des faits, le chef d’établissement ou le pouvoir organisateur
– selon le type d’établissement dont il est question – peut prendre la décision
d’écarter provisoirement l’élève pendant la procédure d’exclusion définitive, et ce
pour une durée maximum de dix jours d’ouverture d’école.
Dans les circulaires 4103 et 4104 traitant entre autres les questions de sanctions
disciplinaires, l’administration prend soin de souligner que cette procédure doit
être appliquée avec grande prudence et réservée au cas où il y a danger. Il est

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 9


également précisé que procéder autrement tendrait à accréditer la thèse que la
décision d’exclusion est prise avant même l’audition de l’élève et de ses parents.

Recours
Par ailleurs, l’élève et ses parents disposent d’un droit de recours s’ils ne sont pas
d’accord avec la décision rendue. Pour ce faire, une lettre recommandée doit être
envoyée dans les dix jours ouvrables qui suivent la notification de l’exclusion
définitive. L’introduction du recours n’est toutefois pas suspensive de la décision
d’exclusion. Un retour à l’école n’est donc pas envisageable avant que le recours
ait abouti.
La personne qui statue sur le recours varie selon que l’élève soit inscrit dans un
établissement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou dans un établissement
subventionné.
Dans le premier cas, c’est le ministre qui tient ce rôle. Il statue au plus tard le
quinzième jour d’ouverture d’école qui suit la réception du recours. Lorsque le
recours est reçu au cours des vacances d’été, il statue pour le 20 aout. Dans tous
les cas, la notification est donnée dans les trois jours ouvrables qui suivent la
décision.
Dans le second, lorsque le pouvoir organisateur a délégué le droit de prononcer
l’exclusion à un membre de son personnel, c’est la Députation permanente du
Conseil provincial, le Collège des Bourgmestres et échevins ou le Collège de la
Commission communautaire française ou son Conseil d’administration qui statue
sur la possibilité de recours. La décision doit être rendue, tout comme dans les
établissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dans les 15 jours qui suivent la
réception du recours ou pour le 20 aout si le recours est transmis pendant les
congés d’été. La notification est là aussi donnée dans les trois jours qui suivent la
décision.

Recherche d’un nouvel établissement


Afin d’aider l’élève et ses parents dans la recherche d’un nouvel établissement, les
services du Centre Psycho Médico Social de l’école sont proposés.
Au niveau de l’enseignement organisé par la Communauté française, le chef
d’établissement transmet copie du dossier disciplinaire à la Commission Zonale des
inscriptions ainsi qu’à l’administration dans les deux jours qui suivent l’exclusion.
L’administration propose ensuite à l’élève (et à ses parents si ce dernier est
mineur) une inscription dans un autre établissement.
Si la Commission Zonale ne parvient toutefois pas à faire une proposition à
l’administration, elle transmet alors le dossier au Ministre13.
Du côté de l’enseignement subventionné, le pouvoir organisateur ou son délégué
peut proposer une inscription dans un des autres établissements qu’il organise14. Si

13
Alinéa 3, article 82 du Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental
et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, 24 juillet 1997
14
1er paragraphe, article 90 du Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement
fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, 24
juillet 1997

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 10


ce processus n’aboutit pas, le PO transmet, dans les dix jours ouvrables, copie de
l’ensemble du dossier disciplinaire de l’élève exclu à l’organe de représentation et
de coordination auquel il adhère. Celui-ci propose alors à l’élève (et à ses parents
s’il est mineur) son inscription dans un autre établissement organisé par un pouvoir
organisateur qu’il représente. Il peut, le cas échéant, imposer à un des PO qu’il
représente l’obligation d’inscrire un élève exclu d’un autre établissement15.

Mineur d’âge : intervention du Conseiller de l’Aide à la jeunesse


Il arrive que les faits dont l’élève s’est rendu coupable soient d’une gravité
extrême. Selon le type d’établissement, organisé ou subventionné par la
Communauté française, la Commission Zonale ou l’organe de représentation et de
coordination peut décider de rencontrer et d’entendre l’élève/et ses parents.
Lorsque l’élève est mineur, le Conseiller de l’Aide à la jeunesse (et parfois même
son directeur) est informé et son avis est sollicité16.

Élèves majeurs
Des éléments de la procédure d’exclusion varient selon que l’on se trouve face à un
élève de plus ou de moins de 18 ans. Un motif d’exclusion complémentaire
s’applique aux élèves majeurs. Il a trait au quota de demi-jours d’absence
injustifiée autorisé. Si celui-ci excède 20 demi-jours, les jeunes concernés peuvent
alors également être exclus de l’établissement.
Autre restriction : si l’élève majeur a été exclu définitivement d’un établissement
scolaire alors qu’il était majeur, les autorités compétentes ne sont pas tenues
d’inscrire l’élève majeur17.

Procédure d’exclusion scolaire : des zones de floues et


d’arbitraire
Des notions en questions
Dans ce premier chapitre, nous avons pu constater que les motifs qui justifient
l’exclusion scolaire d’un élève ont été définis par le législateur. De manière
générale, ils doivent revêtir un certain degré de gravité et de risque pour la
personne visée et porter atteinte à son « intégrité physique, morale ou
psychologique ».
Mais en y regardant de plus près, que recouvrent véritablement ces notions ?
L’intégrité physique est décrite juridiquement comme impliquant le droit à la vie
et au respect du corps. Dans le décret qui énonce les règles et critères de
l’exclusion scolaire, la majorité des faits graves décrits se rapportent à cette
première dimension de l’intégrité. On y trouve des faits tels que des coups et
blessures, la possession d’une arme à l’intérieur ou à l’extérieur de l’école,

15
Paragraphe 2, article 90 du Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement
fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, 24
juillet 1997.
16
Alinéa 2 et 3 article 82 et alinéa 4 et 5, paragraphe 2, article 90 et du Décret définissant les
missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant
les structures propres à les atteindre, 24 juillet 1997.
17
Pour plus de détails sur ces cas de figure, lire les articles 76, 80 et 88 du décret du 24 juillet 1997.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 11


l’introduction d’une personne tierce avec l’intention de nuire, la possession de
substance illicite ou l’extorsion avec violence.
Par contre pour les dimensions morales et psychologiques, des zones de floue
importantes demeurent à la fois sur leur sens général – ces notions apparaissent
comme des fourretouts difficilement « socialisables » et à interprétations multiples
– et sur leur portée dans le cadre scolaire – comment transposer ces notions de
droit sur le terrain de l’école afin qu’elles deviennent des balises, des références
communes qui permettent à l’ensemble des établissements de se situer ?
La notion d’intégrité morale est décrite comme le respect de la dignité humaine,
le droit à l’honneur, le respect de la vie privée, le droit à l’image. Autant de
termes qui nécessiteraient d’être explicités et traduits dans le contexte particulier
de l’école.
La notion d’intégrité psychologique ensuite. Pour plus de clarté, ne pourrait-on pas
s’inspirer de ce qui existe dans la législation du travail ? La violence au travail y est
décrite et définie comme « toute situation de fait où une personne est menacée ou
agressée psychiquement ou physiquement lors de l’exécution de son travail. Elle se
traduit principalement par des comportements instantanés de menace, d’agression
physique (coups directs, mais aussi menaces lors d’une attaque à main armée…) ou
verbale (injures, insultes, brimades…). »
Dans le même ordre d’idée, des éclaircissements devraient être apportés
concernant les faits qui compromettent l’organisation ou la bonne marche de
l’établissement ou qui lui font subir un préjudice matériel ou moral grave18. De
quoi parle-t-on réellement ? Quelle « intensité » doivent avoir ces faits pour
rentrer dans cette catégorie ? Quelle est la ligne rouge à partir de laquelle on
estime que l’organisation scolaire est compromise ? Des marges d’interprétation
importantes demeurent et contribuent à créer une zone de flou et d’arbitraire.
Un autre élément d’opacité pouvant entrainer une inégalité de traitement
concerne le recours. Selon le réseau d’appartenance de l’élève exclu, certains
recours peuvent aboutir devant le tribunal des référés ou devant le Conseil d’État,
ce qui rend cette procédure longue et couteuse avec comme corolaires que toutes
les familles ne disposent pas des moyens suffisants pour s’engager dans cette voie.

Des principes de droits méconnus


Comme nous l’avons vu, les motifs et la procédure d’exclusion définitive sont
définis dans deux décrets19 et complétés par un arrêté du 18 janvier 200820 qui
impose aux établissements scolaires d’inclure des dispositions relatives aux faits
graves dans leur règlement d’ordre intérieur (ROI). Ces textes sont portés à la

18
Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement
secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, articles 81 et 89, 24 juillet 1997,
http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_01.php?ncda=21557&referant=l01
19
Le décret du 24 juillet 1997, plus connu sous le nom de décret « Missions » et le décret
« Discrimination positive » du 30 juin 1998.
20
Arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 18/01/2008, définissant les dispositions
communes en matière de faits graves devant figurer dans le règlement d’ordre intérieur de chaque
établissement d’enseignement subventionné ou organisé par la Communauté française.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 12


connaissance des établissements scolaires par l’intermédiaire de circulaires
notamment concernant la précision des faits graves.
Bien que le cadre légal soit en apparence clair, celui-ci n’est pas toujours
accessible en raison du fractionnement des informations. Au moins, cinq
documents officiels (décrets, arrêté, circulaires) sont nécessaires pour faire le tour
de la procédure et appréhender par exemple la notion de faits graves. Dès lors, un
décalage entre les prescrits légaux et leur application sur le terrain existe. C’est ce
qui est révélé dans un travail d’analyse mené par le Service droit des jeunes de
Namur (SDJ) en 2008 à partir de 80 dossiers d’exclusion définitive21. Ce travail fait
état d’un certain nombre de dysfonctionnements en raison d’une législation peu
connue, des droits non garantis dans les textes et d’une application de la loi
déficiente22.
Cette association rappelle que l’exclusion définitive est une sanction lourde et par
conséquent les tribunaux ont jugé qu’il s’agissait d’une sanction de type
disciplinaire et les règles de droit doivent s’y afférer. Parmi ceux-ci un préalable
indispensable : le droit à la défense. Les principes de ce droit n’étant pas
explicitement transcrits dans un texte de loi, il faut faire référence à la
jurisprudence. Ainsi, dans le cadre de l’exclusion définitive, il faudra s’assurer du
respect de divers principes23 :
— L’exactitude matérielle des faits
Les actes reprochés ont-ils réellement été commis ?
— L’imputabilité à l’élève
Les faits ont-ils bien été commis par cet élève (et pas par d’autres, ou par les
parents...) ?
— Les droits de la défense
Le respect implique notamment :
— l’information des charges justifiant l’ouverture d’une procédure
disciplinaire ;
— la précision des faits afin que l’élève et/ou ses parents puissent s’en
expliquer ;
— un délai pour préparer la défense ;
— un accès au dossier ;
— la discussion des preuves (demander d’autres témoignages, déposer
d’autres attestations...).
— Le principe « non bis in idem »

21
Analyse de 80 dossiers d’exclusion scolaire définitive : Réalités de terrain et dysfonctionnements
d’une procédure, Service droits de jeunes, 2009.
22
Idem, p5.
23
Nous ne rentrerons pas dans le détail de chacun de ces principes de droit. Pour une lecture plus
approfondie de la jurisprudence, lire l’Analyse de 80 dossiers d’exclusion scolaire définitive :
Réalités de terrain et dysfonctionnements d’une procédure, Service droits de jeunes, 2009.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 13


Il faut s’assurer que le fait reproché n’a pas déjà été puni par une sanction
d’une même autorité.
— Le principe de proportionnalité
Il faut trouver un équilibre entre la gravité du fait reproché et les
conséquences de la sanction pour l’auteur.
— Le principe de gradation des sanctions
La sanction la plus grave ne peut être prononcée directement au moindre
manquement, sauf si le fait est d’une gravité extrême.
— La motivation formelle des actes administratifs
Il s’agit de faire comprendre le raisonnement qui a conduit l’autorité à
prononcer cette sanction.
— La légalité de la sanction.
La sanction doit être prévue et notifiée par écrit.
— L’égalité de traitement entre deux situations disciplinaires identiques ou
similaires.
De son côté, le SEGEC fait un autre constat. Dans son document « L’exclusion
définitive dans l’enseignement secondaire et spécialisé » (2008), il précise que les
articles 89 et suivants du décret du 24 juillet 1997 traduisent en termes juridiques
une partie des principes appliqués depuis longtemps par la jurisprudence, comme
le respect des droits de la défense par exemple. (…). D’autre part, certains
principes appliqués par la jurisprudence n’ont pas été traduits dans les textes. Il
est clair que ces principes continuent cependant à s’appliquer aujourd’hui. Si le
législateur a pour partie réalisé cet exercice de traduction dans les textes, il n’est
toutefois pas évident de connaitre et de maitriser ces principes de droit sur base
de la seule lecture des documents constituant le cadre légal.
C’est sans doute dans la perspective d’apporter des clarifications que deux
circulaires ont été diffusées par la suite auprès des établissements scolaires. L’une
concerne le Règlement d’ordre intérieur (Circulaire 3974) et l’autre, les sanctions
disciplinaires dans l’enseignement secondaire ordinaire organisé et subventionné
par la Fédération Wallonie-Bruxelles (Circulaires 4103 et 4104).
Ces documents rappellent aux établissements qu’en matière de transgression de la
règle et d’application de sanction, les principes généraux de droits sont tenus
d’être respectés. On peut noter qu’un accent particulier est donné à cinq principes
de droit :
Principe de proportionnalité : la sanction appliquée doit tenir compte aussi bien de
la gravité de la violation appréciée dans les circonstances de l’espèce qu’à
l’importance de la règle ;
Principe de gradation : il convient de tenir compte du caractère répété ou non de
la violation de la règle, ainsi qu’aux antécédents éventuels de l’élève concerné ;
Principe d’égalité et de non-discrimination : ce principe impose d’appliquer la
règle de la même manière à tous les élèves ;
Principe de motivation des décisions : toute décision prise par l’autorité doit faire
l’objet d’une motivation en droit et en fait. Cela implique de mentionner la règle

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 14


dont il est fait application ainsi que les circonstances de fait qui justifient
l’application ;
Principe de « non bis in idem » : un même fait ne peut faire l’objet de deux
sanctions différentes, par exemple une exclusion temporaire et une exclusion
définitive. Par contre, ce principe n’exclut pas qu’un même fait soit puni
pénalement et administrativement.
Les circulaires 4103 et 4104 précisent plus particulièrement des aspects du droit de
la défense pour ce qui concerne : la consultation des pièces constitutives du
dossier disciplinaire avant l’audition, l’obtention d’une copie du dossier, la clarté
et la précision des faits communiqués dans la convocation.
Après ce rapide tour d’horizon, il apparait que le saucissonnage des informations et
l’absence de références aux principes généraux de droit dans les décrets ne
garantissent pas un cadre juridique clair. Au contraire, ils laissent le champ libre à
l’interprétation et créent des dysfonctionnements dans la procédure.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 15


Chapitre 2 : Données de l’exclusion scolaire à la loupe
Après avoir décrit la procédure et précisé les raisons pour lesquelles un jeune
mineur ou majeur peut être exclu d’un établissement scolaire, nous proposons dans
ce second chapitre une présentation et une analyse des données de l’exclusion
scolaire définitive et du refus de réinscription.
Si une telle procédure a été pensée et organisée par le législateur, c’est pour
répondre à des situations de terrain. Il est donc intéressant de savoir si celle-ci est
utilisée par les établissements scolaires et dans quelle proportion ? Nous nous
intéresserons également aux faits et raisons invoquées pour justifier l’exclusion du
jeune de l’école, nous essayerons enfin de « chiffrer » les élèves ayant entamé un
recours et vérifierons si les données disponibles permettent d’évaluer la part
d’élèves majeurs exclus de l’école ?
Pour répondre à ces questions, nous avons cherché à obtenir les données récoltées
par le service des inscriptions et de l’assistance aux établissements scolaires de la
Direction Générale de l’Enseignement Obligatoire de la Fédération Wallonie-
Bruxelles - DGEO. Ce service est chargé de récolter et d’analyser les signalements
communiqués par les chefs d’établissement selon les modalités prévues dans les
circulaires n° 4103 et n ° 4104 du 16/08/2012.
Nous avons obtenu deux documents quasi identiques. Le premier nous a été
communiqué par le service de la DGEO à la demande de ChanGements pour
l’égalité lors de la préparation de la journée d’étude du 18 octobre 2012. Il
reprend des données générales de signalements d’exclusion et de refus de
réinscription pour l’année scolaire 2011-2012, la répartition par genre des élèves,
leur âge, leur situation scolaire avec un focus particulier sur le premier degré. Le
second, quant à lui, provient de la même source, mais nous a été communiqué par
le Délégué Général aux Droits de l’Enfant avec des données complémentaires. Ce
second document nous apporte des précisions intéressantes quant à la répartition
des signalements d’exclusion par province que nous présenterons également.
Ces données étant peu connues des acteurs de l’enseignement, nous les
reproduisons dans notre étude dans le but de les diffuser plus largement et d’en
apporter une lecture critique. Deux bémols toutefois. Tout d’abord, les données
brutes à la base des graphes présents dans les pages qui suivent ne nous ayant pas
été transmises, nous n’avons pas affiné l’analyse des données comme espéré.
Ensuite, il faut signaler qu’il y a une polémique qui entoure ces données chiffrées,
car ne sont reprises ici que les exclusions communiquées volontairement par les
établissements. Certains acteurs rencontrés nous ont partagé des cas où les élèves
étaient exclus sans autre forme de procès par exemple en leur suggérant de
changer simplement d’école tout en leur garantissant qu’il n’y aurait pas de
« vague » concernant les faits commis. Cet exemple montre que nous ne pouvons
dès lors n’avoir qu’une vision imparfaite du phénomène d’exclusion scolaire.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 16


Signalements année après année : difficultés
méthodologiques
Avant d’entrer dans la lecture des données consacrées à l’année scolaire 2011-
2012, nous vous proposons de prendre connaissance des données générales par
année depuis 2007-200824. En dépit de son intérêt, ce premier graphe illustre aussi
les difficultés d’interprétation que nous avons rencontrées à plusieurs reprises au
cours de cette étude. En effet, derrière les évolutions générales présentées, une
opacité demeure. Comment analyser, sans davantage de précisions, les situations
décrites par ce graphique ? On observe un pic des signalements en 2009-2010, un
tassement en 2010-2011 et une légère augmentation en 2011-2012, mais comment
les interpréter sans autres données ? La collecte de données auprès de
l’administration s’est révélée lente et laborieuse. Les données fournies sont
incomplètes et lacunaires, rendant l’analyse du phénomène difficile pour le
chercheur indépendant.

Tableau 1
Par ailleurs, il est important de signaler que ces chiffres annuels englobent à la fois
des situations d’exclusion et des refus de réinscription. Il aurait été intéressant de
distinguer les deux afin de connaitre les évolutions pour chacune de ces catégories.
En effet, plusieurs acteurs de terrain nous ont confié que certains établissements
scolaires abusaient du refus d’inscription qui, selon eux, est une manière déguisée
et « soft » d’exclure un élève en fin d’année scolaire.

Signalements d’exclusion scolaire


Les données que la DGEO a accepté de nous transmettre concernent exclusivement
l’année 2011-2012 et n’ont donc pas permis de comparaison dans le temps. Nous
avons dû tenir compte de cette contrainte et notre travail a dès lors consisté
essentiellement à présenter et à analyser les données pour une année scolaire

24
Notons que c’est à partir de l’année scolaire 2007-2008 que l’enseignement subventionné a été
tenu de les lui communiquer.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 17


précise, en insistant sur les données relatives au secondaire ordinaire. Les
signalements d’exclusion scolaire et les signalements de refus de réinscription ont
ici été distingués. Débutons notre présentation avec les premiers d’entre eux.

Données générales
Sur les 2840 signalements, 2078 concernent l’exclusion et 762 concernent le refus
de réinscription dans l’enseignement fondamental et secondaire, ordinaire et
spécialisé. Parmi ceux-ci 60 élèves ont été exclus plus d’une fois sur l’année
scolaire.

Genre et exclusion : des garçons majoritairement exclus


82 % des signalements d’exclusion concernent des garçons, soit près de 4 fois plus
que les filles.

Tableau 2
Comme l’a évoqué Philippe VIENNE lors des conclusions de la journée du 18 octobre
2012, cette répartition garçons/filles au niveau des signalements d’exclusion
nécessiterait d’être questionnée. Des hypothèses pourraient être étudiées à partir
des recherches existantes sur les rapports sociaux et de sexe en rapport avec
l’école. En France, la chercheuse française Sylvie AYRAL (2011) s’est intéressée à
cette répartition pour étudier la question des sanctions au Collège de France.
L’exclusion étant l’ultime sanction, n’y a-t-il pas lieu de faire quelques
rapprochements entre les conclusions de cette recherche, la répartition genrée de
l’exclusion scolaire et nos constats de terrain pour ce qui concerne l’enseignement
secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 18


Âge des élèves : plus de 20 % des exclus sont des majeurs

Tableau 3

La majorité des signalements soit 57 % des exclusions se concentre sur la tranche


d’âge des 14-17 ans, mais 22 % des élèves exclus sont majeurs. La part importante
d’exclusion chez les majeurs pose question et mériterait une collecte de données
affinées. Quels sont les facteurs à l’origine de l’exclusion ? Des faits graves ou des
absences injustifiées excessives, soit plus de 20 demi-journées ?

Situation scolaire des élèves : le secondaire ordinaire particulièrement


touché

Tableau 4

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 19


Sur 2078 exclus, 91 % proviennent de l’enseignement ordinaire contre 9 % de
l’enseignement spécialisé. Toutes formes d’enseignement confondues, la très
grande majorité (plus de 95 %) de l’exclusion scolaire se situe dans le secondaire25.
Concernant l’enseignement spécialisé, il aurait été intéressant de connaitre plus
précisément le « type » où se retrouvent les enfants exclus. Notons encore que l’on
a 3 fois plus de risque d’être exclu si l’on fréquente l’enseignement spécialisé26.

Les premières années du secondaire en ligne de mire

Tableau 5
Cet histogramme permet de constater deux tendances. La première est que si on
regarde l’ensemble du secondaire, la majorité des exclusions ont lieu au premier
et second degré dont une part importante se trouve en première année commune
(7,5 %), en première année complémentaire (11,5 %), en deuxième année
commune (10 %), en 3e année professionnelle (15,7 %).
La deuxième tendance renforce la première de sorte qu’il y a une nette
concentration des exclusions les deux premières années du secondaire ordinaire
puisque sur 2078 exclus 878 le sont au premier degré, celui-ci concentre à lui seul
42 % des exclusions scolaires. Il y a lieu maintenant de regarder plus précisément
comment se répartissent les exclusions au sein de ce degré.

25
Certains acteurs rencontrés dans le cadre de cette étude nous ont également confié des cas
d’exclusion dans l’enseignement maternel. Ce phénomène est également interpellant mais
l’absence de données ne nous permet pas de l’étudier.
26
Voir à ce sujet le manifeste contre l’exclusion scolaire du Groupe d’action qui dénonce le manque
de place pour les personnes handicapées de grande dépendance – GAMP, 2013.
http://www.gamp.be/2013/05/06/sortie-du-manifeste-contre-lexclusion-scolaire/ (lien vérifié le 5
décembre 2013).

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 20


Exclusion et relégation dans le premier degré : une concordance ?

Tableau 6
Ce tableau nous permet de faire un focus plus particulier au sein du premier degré
d’enseignement. Deux constats :
Lorsque l’on regarde le pourcentage de signalements par rapport au nombre total
d’exclusions du 1er degré (colonne 3), on voit que 27,2 % des exclusions ont lieu en
1re année complémentaire (1S) et 24,8 % pour la deuxième commune (2C).
Et si l’on regarde le pourcentage de signalement par rapport au nombre d’élèves
par forme et année d’étude (colonne 5), on constate alors que ce sont les formes
« complémentaires et différenciées », 1re et 2e années confondues (1D, 1S, 2D, 2S)
qui concentrent le plus haut taux d’exclusions scolaires.
Un élève en première différencié a donc 4 fois plus de risque de se faire exclure
qu’un élève en 1re commune. De même, un élève en première complémentaire a 8
fois plus de risque de se faire exclure. Se situer dans une filière de redoublement
constitue ainsi un facteur qui accentue le risque d’exclusion. L’exclusion scolaire
aurait-elle dès lors un lien avec l’échec et la relégation scolaires ?

Faits menant à une exclusion scolaire


Sur cet aspect du problème, peu d’informations filtrent du service des inscriptions
et de l’assistance aux établissements scolaires de la Direction Générale de
l’Enseignement Obligatoire. Les seules données officielles27 obtenues proviennent
d’un représentant de la DGEO lors d’une conférence-débat à laquelle nous avons
assisté en juin dernier28.

27
Le 16 janvier 2013, la Dernière Heure publiait un article de Florence SCHERPEREEL intitulé 2078
élèves exclus en 2012 évoquant entre autres les motifs de l’exclusion. L’article semble faire état de
données officielles de la Fédération Wallonie-Bruxelles mais en les comparant aux données
obtenues d’un représentant de la DGEO, on constate que les données ne correspondent pas entre
elles.
28
Il s’agit d’une conférence-débat sur le thème de l’exclusion scolaire organisée par la Ligue des
droits de l’enfant, le 4 juin 2013 à la Tentation. Étaient notamment présents des représentants de
l’Aide à la jeunesse, un directeur d’un Service d’accrochage scolaire et un chargé de mission de la
Direction Générale de l’Enseignement Obligatoire, Direction du contrôle de l’obligation scolaire et
de l’Assistance aux établissements.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 21


Tableau 7

Mais même ici, les chiffres présentés dans le PowerPoint sont difficilement
« lisibles » : à quoi se rapportent par exemple les pourcentages présentés dans ce
tableau, au nombre de fois où ces motifs ont été signalés auprès de la DGEO ? En
dépit d’imprécisions, ce document nous apporte des informations sur les motifs
réels invoqués à l’origine des exclusions. Ainsi, les motifs les plus souvent évoqués
sont de l’ordre de la relation à l’autorité, de la perturbation des cours, de
l’attitude face au travail et n’ont que peu à voir avec les faits graves décrits dans
le décret de 1998 (cfr page 2). Les motifs « coup et blessure porté sciemment
envers un élève ou un membre du personnel » sont deux à dix fois moins
importants que « le refus de l’autorité – d’obéissance – des sanctions ».
Ce document lève également un coin du voile sur ce que les établissements
scolaires et le service des inscriptions et de l’assistance aux établissements
scolaires de la Direction Générale de l’Enseignement Obligatoire de la Fédération
Wallonie-Bruxelles entendent par non-respect de l’« intégrité psychologique ». On
retrouve ainsi dans le tableau ci-dessus la référence à des « pressions
psychologiques insupportables par injures, calomnies ou diffamation envers un
élève ou un membre du personnel ».
Cette définition « opératoire » formulée par des acteurs de l’enseignement
n’apparait pas comme telle dans le décret et semble constituer une libre
interprétation de la notion de faits graves. Le qualificatif « insupportable » renvoie
aussi à un sentiment subjectif avec des seuils de tolérance qui diffèrent
inévitablement d’un enseignant et d’une institution à l’autre.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 22


Répartition par province
Deux tableaux nous permettent de prendre connaissance de la répartition de
l’exclusion par province.
Le premier met en avant le nombre de signalements. On découvre que la majorité
d’entre eux proviennent de la province du Hainaut (31,2 %), de Bruxelles (27,8 %)
et de Liège (19,6 %).

Tableau 8

Le second tableau permet, quant à lui, de comparer le nombre de signalements


transmis par rapport au nombre d’élèves par province. On constate ainsi que les
signalements sont plus importants en Région de Bruxelles-Capitale (0,3 %) et dans
la province de Hainaut (0,25 %).

Tableau 9
Bien que le nombre d’élèves soit différent entre les provinces, il est intéressant de
constater l’écart qu’il y a notamment entre Bruxelles et le Brabant wallon.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 23


Signalements de refus de réinscription
Données générales
Le document de référence nous indique que sur 2840 signalements communiqués au
Service des inscriptions et de l’assistance aux établissements scolaires de la
Direction Générale de l’enseignement obligatoire, 762 concernent le refus de
réinscription dans l’enseignement fondamental et secondaire, ordinaire et
spécialisé pour la période du 30 juin au 15 septembre.

Genre et âge des élèves


Le document fait état de conclusions similaires aux situations d’exclusion scolaire.
Le refus de réinscription concerne majoritairement les garçons.
Concernant l’âge des élèves qui se sont vu notifier un refus de réinscription, le
document ne le précise pas, pas plus que la prégnance du phénomène chez la
population majeure.

Situation scolaire des élèves : le secondaire ordinaire particulièrement


touché
De la même façon, le document ne fait pas référence à la répartition des
signalements de refus de réinscription selon la forme et le niveau d’enseignement.
Il aurait été pourtant intéressant de le préciser pour savoir si le refus d’inscription
suit la même tendance que l’exclusion à savoir que la majorité des refus se situe
dans l’enseignement secondaire ordinaire.

Les premières années du secondaire en ligne de mire

Tableau 10
Cet histogramme permet, quant à lui, de constater, tout comme pour les
exclusions, une concentration des refus de réinscription les deux premières années
du secondaire ordinaire, mais également en 3e année de l’enseignement
professionnel. Alors que dans l’exclusion scolaire, la concertation la plus forte se
fait au niveau de la 3e professionnelle, le refus d’inscription touche plus
particulièrement la première et la deuxième année commune.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 24


Refus d’inscription et relégation dans le premier degré : une
concordance ?

Tableau 11

Ce tableau nous permet de faire un focus plus particulier au sein du premier degré
d’enseignement.
Si l’on regarde le pourcentage de signalement par rapport au nombre total de refus
de réinscription du 1er degré (colonne 3), on voit que 29 % des refus ont lieu en 1re
année commune (1C) et 24,5 % pour la première complémentaire (1S)).
Si l’on regarde aussi le pourcentage de signalement par rapport au nombre d’élèves
par forme et année d’étude (colonne 5), on constate alors que ce sont les formes
« complémentaires et différenciées », 1re et 2e années confondues (1D, 1S, 2D, 2S)
qui concentrent le plus haut taux de refus de réinscription.
Un élève en première différenciée a donc 3,5 fois plus de risque de se faire exclure
qu’un élève en 1re commune. De même, un élève en première complémentaire a 5
fois plus de risque de se notifier un refus d’inscription. Et donc, tout comme pour
l’exclusion scolaire, au plus on est dans des filières de redoublement, au plus le
risque est grand de se voir notifier un refus d’inscription. Le refus d’inscription
aurait-il un lien avec l’échec et la relégation scolaires ?

Conclusions
L’objectif de cette partie était de mettre côte à côte les éléments constitutifs de
la procédure et les chiffres des signalements d’exclusion scolaire définitive ainsi
que les refus de réinscription.
La présentation des données statistiques met bien en avant quelles sont les formes
et les années d’enseignement plus particulièrement touchées par l’exclusion
scolaire et le refus d’inscription. Nous relevons les tendances suivantes :
— La première concerne la situation scolaire. Que ce soit pour les signalements
d’exclusion ou de refus de réinscription, ceux-ci proviennent majoritairement
du premier degré d’enseignement ordinaire et concernent en particulier des
élèves qui suivent une forme d’enseignement différencié ou complémentaire.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 25


— La seconde tendance est que l’exclusion scolaire et le refus d’inscription
touchent également des élèves de 3e et 4e professionnelle.
D’autres éléments apparaissent également :
— Les garçons sont 4 fois plus signalés que les filles.
— La proportion des élèves majeurs exclus est importante. Au total 22 %
d’élèves exclus sont majeurs, soit 457 élèves sur 2078. Bien qu’ils
représentent une part importante des élèves exclus, on ne connait pas
précisément les faits pour lesquels ils sont exclus et où ils se répartissent au
niveau de l’enseignement secondaire.
— Le nombre de récidives au cours de l’année 2011-2012 concerne 60 élèves
parmi les 2078 élèves exclus, soit presque 3 % d’entre eux.
Au terme de ce travail de présentation, nous souhaitons d’une part revenir sur les
limites des données communiquées par la DGEO et d’autres parts envisager le
croisement de ces données avec d’autres indicateurs de la Fédération Wallonie-
Bruxelles.
Les données communiquées ne donnent pas de précision sur les faits qui conduisent
au lancement d’une procédure d’exclusion. Nous avons vu qu’elles étaient
lacunaires et rendent l’analyse difficile. Nous pouvons à ce stade relever que ce
sont surtout des problèmes de récurrence et d’accumulation de faits qui sont les
principaux motifs de l’exclusion et non pas les faits graves tels qu’énumérés dans
les décrets « Missions » et « Discriminations positives ». Il y a selon nous un
décalage entre ce que le législateur a défini comme faits graves et ce que les
acteurs scolaires apprécient sur le terrain. Les notions d’intégrité psychologique et
morale, et celle d’atteinte au bon fonctionnement de l’école posent
particulièrement problème.
Les données de répartition des signalements d’exclusion par province apportent
selon nous un éclairage intéressant sur le lien éventuel entre exclusions scolaires
définitives et origine sociale des élèves en situation d’échec scolaire. Nous nous
permettons de faire ce lien en regard des données récentes obtenues sur le taux
d’échec scolaire par bassin29. Comme le précise Jacques LIESENBORGHS dans son
article Un rappel salutaire et prioritaire30, « Le taux d’échec par bassin scolaire
confirme le lien qu’on peut opérer entre indice socioéconomique et réussite
scolaire. À savoir que plus le premier est faible, plus les difficultés scolaires sont
présentes. On le savait déjà. Mais ce nouvel angle d’approche, par bassin, confirme
par exemple que ce sont les bassins de Bruxelles-Capitale et de Charleroi-Hainaut
Sud qui sont les plus mal en point ».
Or, comme nous l’avons vu, ce sont précisément ces deux bassins où le nombre de
signalements d’exclusion scolaire est le plus élevé. Sur cette base et à partir des
statistiques d’exclusions scolaires du premier degré, nous faisons l’hypothèse que
l’exclusion scolaire touche plus particulièrement les élèves en situation d’échec.
Par conséquent leurs comportements seraient autant de signaux envoyés aux

29
Voir à ce sujet l’article de Stéphanie BOCART, Pas tous égaux face à l’échec scolaire dans La Libre
Belgique, vendredi 9 aout 2013.
30
http://www.changement-egalite.be/spip.php?article2670

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 26


adultes pour attirer l’attention sur les difficultés qu’ils rencontrent à l’école ou
ailleurs.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 27


Partie 2 : Analyse des récits et des
entretiens
Après avoir présenté le cadre législatif et les données statistiques relatives à
l’exclusion scolaire définitive en Fédération Wallonie-Bruxelles, cette partie vise à
mieux comprendre la manière dont se déroulent réellement les exclusions scolaires
sur le terrain et les difficultés concrètes qui se posent dans l’application du cadre
légal actuel. Comment la procédure d’exclusion est-elle menée ? À quoi aboutit-
elle ? Les prescrits légaux sont-ils respectés ? Qui sont les acteurs en présence ?
Quels sont les motifs invoqués ? Quelle est la place accordée à l’élève concerné
dans la procédure ? Quels rôles jouent les différents intervenants ? Quelles sont les
implications de l’exclusion scolaire pour les jeunes ?
Dans un premier chapitre, nous répondrons à ces questions à partir de l’analyse de
récits récoltés dans le cadre de la journée d’étude du 18 octobre 2012. Ce travail
d’analyse a été complété, dans un second chapitre, par des entretiens avec des
acteurs actifs ou non dans la procédure d’exclusion scolaire définitive.

Chapitre 1 : Analyse des récits


Virginie HOSPEL & Benoît GALAND

Méthodologie
Pour répondre à ces questions, nous avons analysé des récits de situations réelles,
récoltés à l’occasion de la préparation d’une journée d’étude sur la problématique
de l’exclusion scolaire organisée en octobre 2012 (« Exclusions scolaires
définitives : des ruptures évitables ? »).

Récolte des récits


Lors de leur inscription à cette journée, des professionnels de différents horizons
(directeurs, services d’accrochage scolaires (SAS), services d’Aide en Milieu Ouvert
(AMO), préfets de discipline, Centre Psycho Médico Sociaux (CPMS), services

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 28


scolaires communaux...31) ont été invités à retranscrire une situation d’exclusion
précise, rencontrée dans leur travail avec les jeunes. Les consignes données pour la
rédaction du rapport étaient les suivantes (cfr Annexe 2) :
« Pour préparer la journée, nous demandons aux participants de communiquer un
récit en lien avec leur pratique professionnelle. Parmi les récits récoltés, certains
seront choisis comme document de travail pour la journée d’étude. Les auteurs
seront recontactés à ce sujet.
Thèmes des récits : ceux-ci peuvent évoquer : un processus d’exclusion/de non-
réinscription, un fait ayant conduit à l’exclusion, un accompagnement d’un élève
exclu et/ou de sa famille, une expérience qui a permis d’éviter l’exclusion…
Consignes d’écriture : il s’agit de décrire une situation avec précision : le contexte,
les acteurs, l’enchainement des faits, des gestes et des paroles, les émotions
ressenties… Par contre, il s’agit ni de donner des interprétations, ni de rechercher
les erreurs, ni de proposer des solutions. Seulement une histoire à l’état brut. »
45 récits ont ainsi été récoltés. Parmi ces récits, le groupe porteur de la journée
d’étude, composé de 4 personnes issues de ChanGements pour l’égalité (CGé) et de
services scolaires de prévention, a sélectionné les récits pertinents et exploitables
pour une analyse. En effet, certains récits étaient trop lacunaires pour permettre
une analyse ; d’autres évoquaient des situations différentes de celles d’exclusion
(e.g. de décrochage scolaire). 22 récits ont été finalement retenus.
Les auteurs des différents récits se répartissent comme suit :

Professionnels Nombre de récits


Directeurs et préfets d’école 5
secondaire
Service d’aide en milieu ouvert 3
(AMO)
Centre Psycho Médico Social (CPMS) 2
Médiateurs 4
Conseillers pédagogiques 1
Service d’aide et d’intervention 1
éducative (SAIE)
Services scolaires communaux 5
Autre 1
Total 22

Ces récits, d’une longueur d’une à deux pages A4, portent sur la situation de
jeunes de sexe masculin dans 91 % des cas. À cet égard, ils reflètent bien les

31
Afin d’aider le lecteur à situer les institutions évoquées dans cette étude, nous les avons
présentées succinctement dans l’Annexe 1.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 29


tendances globales des chiffres d’exclusion en Fédération Wallonie-Bruxelles, où
82 % des signalements d’exclusion concernent des garçons32. Douze récits nous
informent sur l’âge de ces jeunes. Ils ont entre 13 et 18 ans, avec un âge moyen de
16 ans.
Si la diversité des intervenants interrogés offre une richesse de points de vue sur le
phénomène de l’exclusion scolaire, certaines limites sont à relever dans
l’utilisation de ces récits. Tout d’abord, nous n’avons pas le point de vue direct des
jeunes et de leur famille sur l’exclusion puisque les récits ont été rapportés par les
professionnels qui travaillent avec eux. Cela limite nos conclusions, notamment
lorsqu’il s’agit d’envisager les sentiments ressentis par les jeunes33. Des études
approfondies menées auprès de ceux-ci pourraient certainement enrichir notre
compréhension. Par ailleurs, nous avons à notre disposition une vingtaine de récits
qui n’évoquent probablement pas l’ensemble des situations possibles d’exclusions.
Dès lors, certaines informations peuvent nous avoir échappé. De plus, les
participants à la journée d’étude sont des personnes à qui l’exclusion pose
questions. Il est donc possible que les récits soient le reflet des situations qui
posent problème aux acteurs. Nous ne pouvons donc déterminer si les difficultés
évoquées sont représentatives de l’ensemble des situations d’exclusion scolaire en
Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour ce faire, il faut plutôt se référer à l’avis des
acteurs présentés au chapitre suivant, qui fournit une perspective plus globale,
mais moins détaillée.

Analyse des récits


L’analyse de ces récits s’est déroulée en plusieurs étapes au sein d’un groupe de
travail composé de 7 personnes, dont deux chercheurs universitaires en
psychologie. Dans un premier temps, les récits ont été répartis entre les membres
du groupe de travail pour une première lecture, sur base d’une grille d’analyse (cfr
Annexe 3) élaborée à partir des éléments mis en évidence lors de la journée
d’étude. Dans un second temps, les membres du groupe se sont réunis pour mettre
en commun les éléments signifiants/émergents suite à leurs lectures. La discussion
a permis l’émergence de thématiques transversales aux récits. Dans un troisième
temps, les récits ont fait l’objet d’une relecture systématique par les chercheurs,
qui a abouti à la rédaction d’un texte de synthèse. Celui-ci a finalement été relu
par l’ensemble des membres du groupe et modifié en fonction des remarques de
chacun.
Par ailleurs, les différents éléments relevés dans les récits ont été mis en lien avec
les recherches internationales qui ont porté sur l’exclusion (la manière dont elle
est mise en œuvre, ses effets...). Il s’agissait de confronter nos impressions issues
des récits aux résultats des recherches : se trouvent-elles confirmées dans des
études plus larges ? Nous avons également identifié les points de convergence ou
divergence avec le cadre légal, évoqué dans le chapitre 1. L’objectif central est de
comprendre au mieux les difficultés qui apparaissent dans le déroulement effectif
des exclusions scolaires et au cours de leurs suivis institutionnels.

32
Voir Partie 1, chapitre 2, paragraphe intitulé Signalements d’exclusion scolaire, page 16.
33
Voir Partie 2, chapitre 1, paragraphe intitulé Les intervenants, page 35.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 30


La procédure d’exclusion
Dans cette partie, nous aborderons les différents aspects de la procédure
d’exclusion tels qu’ils sont évoqués dans les récits. Quels sont les motifs à l’origine
des exclusions ? Comment la procédure d’exclusion est-elle menée ? Qui sont les
acteurs présents lors de la prise de décision ?

Motifs d’exclusion
Tout d’abord, les motifs d’exclusion se distinguent par leur degré de gravité. Dans
quelques récits, des comportements graves de la part du jeune, constituant un réel
danger pour les autres élèves et le personnel éducatif, sont à l’origine de
l’exclusion (e.g. utilisation de violence physique : agression d’un professeur,
menace au couteau d’un autre élève). Toutefois, dans la majorité des récits, la
gravité des faits évoqués comme motifs d’exclusion est nettement moins
perceptible. Parmi ces faits, on peut relever différents types de comportements,
parfois évoqués sous le terme d’ « incivilités » : manque de respect des
enseignants, du directeur et des autres élèves (insultes, injures, insolence, colle
sur le siège du professeur) ; non-respect des consignes (devoir non remis ou non
remis dans les temps, pas à temps dans les rangs, quitte le cours sans autorisation,
refus de mettre son journal en ordre, refuse d’obéir à son professeur, ne porte pas
l’uniforme) et du matériel (écrit sur les bancs, coups dans les portes) ; absences
non justifiées ; comportements perturbateurs (crie, joue pendant les cours,
indiscipline, bavardage). Le fait que l’élève perturbe le fonctionnement de l’école
et qu’il « entraine les autres dans ses travers » est aussi évoqué comme motif
d’exclusion. Dans ces cas, c’est rarement un comportement isolé, mais bien
l’accumulation de plusieurs comportements qui est à l’origine de l’exclusion. Dans
l’un des récits, un élève a, par exemple, été exclu pour ne pas avoir remis son GSM
alors qu’il lui était confisqué, pour son manque de respect du règlement d’ordre
intérieur et pour son attitude négative et son arrogance face aux intervenants. Des
élèves se voient ainsi exclus pour non-respect d’un contrat de comportement ou
pour avoir perdu trop de points de comportement.
L’analyse de ces récits montre donc – en concordance avec d’autres travaux de
recherche (MAAG, 201234) – que cette procédure est fréquemment utilisée face à la
répétition de comportements perturbateurs de faible gravité.
Comme cela a été évoqué dans le premier chapitre, le cadre législatif prévoit de
réserver l’exclusion à des comportements particulièrement graves, dangereux et
destructeurs. Si l’accumulation de faits de plus faible gravité peut aussi justifier le
recours à l’exclusion, c’est toutefois en tenant compte de la proportionnalité et de
la gradation des sanctions. Cependant, plusieurs récits rapportent le cas d’élèves
exclus pour une accumulation de comportements de faible gravité, alors que leur
dossier disciplinaire était vide et qu’ils n’avaient jamais reçu de sanctions. Il
semble donc que ce principe de gradation ne soit pas toujours d’application. De
plus, comme nous l’avons vu au chapitre 1, un élève ne peut légalement être exclu
sur base du non-respect du contrat de comportement. Or, de tels cas sont évoqués
dans les récits. Ces différents éléments soulignent les dérives possibles de
l’utilisation de la procédure d’exclusion et posent questions d’un point de vue

34
MAAG, J. W., School-wide discipline and the intransigency of exclusion. Children and Youth
Services Review, 34, 2094-2100, 2012.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 31


éducatif. On peut effectivement se demander si l’application de sanctions fortes,
quelle que soit la gravité des actes commis, est d’une réelle efficacité
(ARCHAMBAULT & CHOUINARD, 200935).
Aux États-Unis, un rapport de l’« American Psychological Association » (APA, 2013)
a été publié sur les effets du programme de tolérance zéro mis en place dans les
années 1990. Il s’agit d’une politique favorisant l’application de sanctions
prédéterminées, souvent sévères et punitives, sans prise en considération de la
gravité des faits et des circonstances. Une des idées majeures sous-jacentes à la
mise en place de ce programme est qu’une réponse rapide et sévère à des
comportements problématiques aurait un effet dissuasif. Il est également postulé
que le fait d’extraire de l’école un élève qui se comporte de façon inadéquate
dissuadera les autres de se comporter de la même manière et permettra dès lors
d’améliorer le climat scolaire. Selon l’APA, bien que peu de données soient
disponibles sur les effets de ce genre de politiques, les recherches existantes
tendent à contredire ces deux postulats. D’une part, il apparait que l’exclusion
augmente la probabilité de comportements problématiques futurs et est associée à
un plus grand risque de décrochage scolaire. D’autre part, le climat scolaire des
écoles caractérisées par un haut taux d’exclusion est évalué comme moins
satisfaisant. Une relation négative a aussi été mise en évidence entre l’utilisation
de l’exclusion dans les écoles et la réussite académique (en contrôlant pour les
données démographiques et le statut socioéconomique ; APA, 2013).
Parmi les autres motifs d’exclusion évoqués dans les récits, la volonté de la
direction de donner ou de préserver une certaine image ou réputation de l’école
semble parfois jouer un rôle dans la décision d’exclure un élève (« exclusion pour
montrer que l’école ne tolère pas de telles choses, face à une histoire qui a eu
beaucoup d’ampleur dans l’école »). C’est notamment le cas face à des
comportements sexuels ou des faits de consommation, d’acheminement ou de
vente de cannabis ou d’alcool au sein des établissements. « Les élèves interpelés
ne posent pas forcément problème par ailleurs en termes de réussite scolaire,
d’adaptation au cadre pédagogique. (...) La “réputation” de l’établissement
scolaire, la réponse qu’il convient d’apporter aux parents inquiets par cette
question des drogues, justifient souvent selon eux, les mesures prises. L’exclusion
des élèves reconnus coupables de détenir des substances illicites divise le plus
souvent le corps enseignant. » Ce témoignage soulève aussi la question des
différences dans l’évaluation de la gravité des comportements, voire dans ce qui
constitue une agression. Ces différences d’évaluation semblent largement
répandues (MAAG, 2012). Outre les tensions que cela peut susciter au sein des
équipes éducatives, cela souligne la part d’arbitraire de ce genre de sanction, qui
semble relever au moins autant de la politique suivie au sein d’un établissement
fréquenté que de la nature du fait incriminé (GALLOWAY, MARTIN & WILCOX, 1985 ;
APA, 2013).

Déroulement de la procédure
Plusieurs éléments quant au déroulement de la procédure ont attiré notre
attention à la lecture des récits : l’implication du jeune/de sa famille et des

35
ARCHAMBAULT, J. & CHOUINARD, R., Vers une gestion éducative de la classe, Bruxelles: De Boeck,
2009.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 32


acteurs extérieurs à l’école dans la procédure, la temporalité/rapidité dans la
prise de décision.
Un premier élément frappant dans les récits réside dans le fait que les décisions,
prises par les directions et, dans certains cas, lors d’un conseil de classe avec les
professeurs, incluent rarement le jeune et ses parents. Ceux-ci paraissent avoir
très peu de place dans la procédure d’exclusion dans laquelle ils se sentent
rarement vraiment entendus. Un exemple frappant est celui d’un jeune exclu sans
avoir pu donner d’explication sur les faits qui lui étaient reprochés et prié de
quitter immédiatement l’école. Dans un autre récit, les parents sont entendus lors
d’une audition, mais ont le sentiment que l’école ne veut plus de l’élève. Par
conséquent, la décision d’exclusion est souvent ressentie par le jeune et sa famille
comme une décision soudaine plutôt que comme l’aboutissement d’un dialogue où
les conséquences possibles ont été clairement énoncées au préalable.
En dehors des directions, professeurs et préfets de discipline, il est extrêmement
rare que d’autres intervenants (médiateurs...) soient consultés lors de la prise de
décision. Il ressort de l’analyse des récits que ces acteurs ne sont bien souvent
informés qu’après la décision et n’interviennent donc qu’en aval de l’exclusion.
Certains se questionnent d’ailleurs : « De quelle manière les choses se seraient
déroulées si on avait fait appel à la médiation au moment des faits » ? Nous
reviendrons plus en détail sur le rôle de ces intervenants dans le point qui leur est
consacré36. Notons toutefois que nous avons relevé trois récits où un intervenant a
pris part à la procédure. Dans le premier cas, un acteur d’une AMO a assisté à la
convocation des parents pour discuter de la situation de leur fille, sans toutefois
avoir l’impression que l’avis de ceux-ci ait été écouté. Dans deux récits, les
intervenants ont été entendus par les directions et ont pu jouer un rôle pour
trouver une solution alternative à l’exclusion. Dans l’un des récits, un projet
d’encadrement du jeune (i.e. rendez-vous hebdomadaires avec un Centre Psycho
Médico Social (CPMS), obligation de mettre ses cours en ordre, de fréquenter un
service d’aide en milieu ouvert (AMO) en dehors de l’école pour ne plus qu’il traine
dans les rues) a été mis sur pied, en collaboration avec un éducateur et quelques
professeurs, afin d’éviter l’exclusion.
Un autre élément réside dans le fait que le directeur, qui prend la décision
d’entamer la procédure d’exclusion, est à la fois juge et partie. Cela est d’autant
plus le cas quand le fait reproché à l’élève le concerne directement, comme cela
est évoqué dans certains récits.
Par ailleurs, certains récits témoignent de procédures d’exclusion entamées très
rapidement, pour ne pas dire dans la précipitation (e.g. l’après-midi même des
faits, lors d’un conseil extraordinaire ou quelques jours après les faits). Dans ces
conditions, il semble difficile de prendre du recul par rapport aux faits reprochés à
l’élève, de ne pas réagir à chaud sous l’effet de l’émotion, d’éventuellement
consulter des acteurs extérieurs qui pourraient jouer un rôle dans la résolution de
la situation. Il semble également difficile d’être sûr de prendre des sanctions
justes, proportionnelles et constructives, pour le jeune et l’école. On peut noter
que les décisions d’exclusion prises dans ces conditions peuvent entrainer une
escalade rapide dans les sanctions, pour un fait dont la gravité est relativement

36
Voir Partie 2, chapitre 1, paragraphe intitulé Les intervenants, page 36

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 33


limitée au départ. L’exclusion serait peut-être alors un moyen d’éloigner le
problème sans tenir compte de certains éléments non résolus (Qu’en est-il de la
réparation pour les victimes ? Quel sens le jeune donne-t-il à l’exclusion ?).
S’ajoute à cela le fait que les élèves sont aussi parfois écartés durant la procédure
d’exclusion, comme cela est précisé dans certains récits. Cela allonge encore la
période de non-scolarisation. Ces éléments soulignent la difficulté de concilier la
temporalité scolaire, celles des intervenants psychosociaux, celle du respect des
principes de droit et celle du développement des jeunes.
Ces conditions semblent donc loin d’être favorables à un travail éducatif avec le
jeune. Dans bon nombre de récits, l’absence de travail/d’accompagnement
pédagogique mené avec le jeune est marquant. Plusieurs acteurs, d’origines
variées (directeurs, préfets, mais aussi médiateurs, services scolaires communaux,
Service d’Aide et d’Intervention Educative (SAIE)...) l’évoquent d’ailleurs. Ils
expriment également leur dépit par rapport à cette situation. « Je me repose à ce
moment-là la question du sens de l’école pour un jeune comme lui... une autre
pour quoi ? Pour combien de temps ? » ; « Je reste avec un gout de trop peu dans
cette situation : nous n’avons rien mis en place pour essayer de comprendre ni
pour essayer d’aider cet enfant ; nous avons refilé la patate (peut-être encore
plus) chaude à des collègues d’une autre école » ; « … la réponse que nous
apportions était tout aussi violente puisque nous n’avions comme seule réponse,
l’exclusion définitive. (…) Comment remplir les missions de l’école : apprentissage
scolaire, citoyen, sociétal, bien-être des élèves… ? Comment diminuer ces
violences multiples des élèves par rapport aux professeurs, des professeurs par
rapport aux élèves, de l’institution par rapport à tout le monde ? ».
Ces questionnements en lien avec le rôle éducatif de l’école et l’autorité semblent
être récurrents parmi les acteurs de l’école et ont d’ailleurs fait l’objet d’études
et de rapports (GALAND, 2008 ; « Le bien-être à l’école, états des lieux sur
l’arrondissement de Namur », 2013). Ceux-ci soulignent notamment l’importance
des conflits et de leur gestion dans le développement social du jeune. Ils attirent
l’attention sur les rôles des acteurs de l’école et sur les différentes stratégies qui
peuvent être mises en place pour désamorcer les tensions, gérer au mieux les
conflits ou faire respecter les règles. Il apparait notamment que les stratégies
prenant en compte les différents points de vue aboutissent davantage à une
résolution satisfaisante pour les deux parties.

Procédures apparentées à l’exclusion


Dans nos récits, certaines procédures sont évoquées qui, si elles ne sont pas
désignées sous le terme d’exclusion, aboutissent elles aussi au rejet de l’élève par
l’école. Ainsi, des cas de non-réinscription sont évoqués dans quatre des récits. Des
exclusions déguisées (e.g. orientation d’élèves présentant des comportements
problématiques vers des filières qui ne sont pas organisées dans l’école) sont
également rapportées. Selon une des intervenantes, la procédure de non-
réinscription est vue par certains comme une exclusion « light ». Mais peut-on
vraiment parler de procédures « light » ?
À la lecture des récits, ces procédures semblent elles aussi poser question. Tout
comme dans le cas de l’exclusion, elles aboutissent au rejet de l’élève. Il ressort
des récits que peu de place est laissée à l’élève dans ces procédures. Les motifs
invoqués sont souvent de faible gravité et multiples (par exemple, une non-

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 34


réinscription a été décidée pour les motifs suivants : bavardage, pas dans les rangs
à temps, non remise de son devoir, accusé d’avoir écrit sur les bancs). Ce sont
parfois des élèves avec contrats de discipline qui sont visés par ces procédures. Un
récit évoque le cas d’une élève orientée vers une filière non existante dans
l’établissement scolaire. Cet élève n’avait pas respecté son contrat de discipline
(non-respect de l’uniforme, documents adressés à ses parents non signés en temps
et en heure, absence à un voyage scolaire sans justification, remise de
documents/punitions en retard, invention d’excuses pour se couvrir). Une
condition pour qu’elle puisse rester dans l’école était de réussir son année. Elle a
eu deux échecs et s’est vue attribuer un AOB vers la qualification, l’école n’offrant
qu’un enseignement général. Par ailleurs, une intervenante parle du cas de
conseils de classe de non-réinscription en ces termes : « … les élèves qui sont
délibérés ce jour-là sont ceux qui ont un échec en comportement. Certains élèves
pourront se réinscrire sous contrat, d’autres non. La communication des décisions
a lieu en toute fin d’année, se fait via la direction. Cette procédure est appelée
non-réinscription, mais les dossiers doivent être traités comme des exclusions. Les
motifs évoqués, aucun n’ayant donné lieu à une exclusion en temps réel, sont la
plupart du temps multiples pour le même dossier, passent d’insultes à professeur
et/ou élève à absences ou perturbe les cours. Certains parents et/ou élèves ne se
présentent pas au rendez-vous, un PV de carence est établi et la procédure suit
son cours. ».
On relève également une absence de travail pédagogique et le manque
d’intervention d’acteurs extérieurs. Quant aux sentiments des élèves concernés, ils
sont visiblement négatifs : « Dans les élèves qui viennent me trouver suite à cette
procédure, certains ne comprennent pas ce qui s’est passé » ; « Lorsque le
comportement de l’ensemble de l’année est évalué, ils ont le sentiment que c’est
leur personne qui est jugée et sanctionnée. ». Finalement, ces procédures ont un
impact sur la scolarité : des difficultés sont notamment rencontrées pour inscrire
l’élève dans une nouvelle école l’année suivante, en particulier dans le premier
degré (et particulièrement en 1er S., étant donné l’obligation de rester dans le
même établissement au premier degré et le peu de place dans les établissements
scolaires).

Recours
Les récits évoquent quelques cas de recours introduits par le jeune et sa famille.
Nous avons analysé les situations dans lesquelles ces recours étaient introduits et
quels en étaient les résultats.
Seuls quatre récits évoquent l’introduction d’un recours suite à la procédure
d’exclusion (dont un récit évoquant un recours suite à un cas de non-réinscription).
Dans ces cas, les motifs invoqués pour exclure l’élève correspondent aux motifs de
faible gravité que nous avons identifiés précédemment (e.g. comportement
insolent, bavardage, indiscipline, refus de mettre son journal en ordre ; bagarre en
dehors de l’école). Trois recours introduits dans le cas d’exclusions définitives ont
été gagnés par les jeunes et leur famille. Dans le dernier cas, une confusion de la
maman entre le recours pour l’orientation et le recours pour la non-réinscription a
abouti au maintien de la décision de non-réinscription.
Différents éléments nous semblent importants à relever. Tout d’abord, le fait que
les recours précités aient abouti remet en question la pertinence de l’usage de

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 35


l’exclusion pour ce type de motifs. Par ailleurs, le nombre de recours semble
faible. En effet, sur les 22 situations d’exclusion à notre disposition, seuls trois
recours ont été introduits correctement. Or, comme nous l’avons vu, la grande
majorité des situations décrites porte sur des motifs de faible gravité. La question
de savoir pourquoi il est si rarement fait usage de recours se pose dès lors.
Une première explication réside dans le fait que les procédures de recours
pourraient ne pas être toujours bien claires pour les parents. Nous avons évoqué
précédemment le cas d’une mère qui confond les différents types de recours
possibles. Toutefois, il s’agit du seul récit évoquant clairement une telle confusion.
Par ailleurs, ces procédures peuvent être perçues comme lourdes, notamment au
vu des délais37 et dès lors décourager les familles. Dans les récits, nous n’avons
toutefois pas d’information précise sur les raisons pour lesquelles aucun recours n’a
été introduit. Nous ne pouvons donc pas tirer de conclusions claires. Néanmoins,
ces pistes mériteraient surement d’être investiguées.
Un second élément saute aux yeux à la lecture des récits. Alors que les recours
sont introduits par les parents du jeune, plus de la moitié des récits évoque des
situations familiales difficiles. Il s’agit, d’une part, de difficultés liées directement
aux comportements et à la scolarité du jeune (des parents fatigués par les
difficultés de leur jeune, démunis et/ou en colère), qui peuvent aboutir à un
désinvestissement parental et, dans certains cas, une rupture entre le jeune et ses
parents. D’autre part, des problématiques plus « globales » sont évoquées (père
incarcéré, alcoolisme, violence, problèmes psychologiques...). Dans ces cas, les
jeunes, ne recevant pas ou peu de soutien de leur famille, sont donc plus exposés à
l’exclusion. Or, ce sont justement ces élèves, particulièrement fragilisés, qui
auraient besoin de soutien dans leur parcours scolaire. De plus, au vu des
conséquences de l’exclusion et du risque d’exclusions « en cascade »38, une
attention toute particulière devrait être accordée à de tels cas. Tous les élèves ne
semblent donc pas égaux face à la possibilité d’introduire un recours, et à la
procédure d’exclusion.
Par ailleurs, il est difficile pour les élèves de réintégrer leur école suite à un
recours favorable. Dans l’un des récits, l’intervenante évoque le fait que les
parents l’ont recontacté car ils « n’arrivent plus à faire en sorte que leur fils
fréquente l’école ».

Les intervenants
Une multitude d’intervenants sont évoqués dans les récits. En dehors des
directeurs, préfet de discipline, enseignants et éducateurs, évoqués dans le point
précédent, d’autres acteurs interviennent également : médiateurs, Centre Psycho
Médico Sociaux (CPMS), Commissions Zonales d’inscription (CZI), Services
Résidentiels pour Jeunes (SRJ), Service d’Aide à la Jeunesse (SAJ), Services
d’Accrochage Scolaires (SAS), asbl, Service d’Aide et d’Intervention Éducative
(SAIE), centres de guidance, services scolaires communaux, services d’Aide en
Milieu Ouvert (AMO), Délégué général aux droits de l’enfant.

37
Voir partie 1, chapitre 1, paragraphe Écartement provisoire et recours, pages 8 et 9.
38
Voir Partie 2, chapitre 1, paragraphe intitulé Les intervenants, page 35.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 36


Comme nous l’avons déjà évoqué, ils interviennent surtout après que la décision
d’exclure ait été prononcée et, dans de très rares cas, avant l’exclusion. Dès lors,
leurs rôles, tels qu’évoqués dans les récits, consistent surtout à écouter le jeune,
trouver un établissement pour une réinscription, assurer la transition (e.g. école
des devoirs pour garder un contact avec le travail scolaire) et/ou le relai vers
d’autres intervenants (e.g. vers une Commission Zonale pour trouver une école).
Parfois, ces intervenants assurent aussi un relai avec l’ancienne école qui a exclu,
en transmettant les questions du jeune. Dans un des récits, un travail de réflexion
avec le jeune sur les motifs de son exclusion (i.e. comportement sexuel) est
demandé aux intervenants. Mais est-ce que ce type de travail fait partie de leurs
missions ? À qui incombe d’entamer un travail de réflexion avec le jeune sur son
exclusion ? Rien ne semble en tout cas systématique et les intervenants ne
semblent pas nécessairement préparés à cela. De manière générale, il semble
d’ailleurs que l’objectif de retrouver une école prend souvent le pas sur toute
autre démarche.
Par ailleurs, il ressort des récits que certains intervenants assurent un fil rouge
dans le suivi du jeune. Ce fil rouge semble central pour le jeune : une intervenante
évoque le fait que le jeune semble rassuré d’avoir une personne à qui il peut se
référer et de pouvoir passer « par un intermédiaire bienveillant ». Ce ne sont
toutefois pas toujours les mêmes acteurs qui assurent ce rôle (tantôt une antenne
scolaire, tantôt une SAIE....).
Face à cette multitude d’acteurs, il est souvent difficile de comprendre le rôle
précis de chacun. Dans quelques récits, ils se renvoient la balle. Dans un récit, la
Commission Zonale renvoie le jeune au Service d’aide à la jeunesse (SAJ) qui, dans
un premier temps, dit que ce qu’on lui demande ne fait pas partie de ses missions
puis finit par assurer un suivi du jeune en travaillant sur un projet d’orientation
scolaire en collaboration avec le CPMS. Dans certains cas, différents professionnels
semblent assurer les mêmes rôles (recherche d’école par les Commissions Zonales,
le CPMS, les services scolaires communaux, un Service résidentiel (SRJ), ....).
Ceci met en avant un manque d’espace de concentration et de coordination entre
acteurs, ainsi que d’outils et de méthodes pour travailler ensemble. Il apparait
important de préciser les rôles de chacun et d’avoir une personne responsable qui
coordonne l’intervention des différents professionnels autour du jeune. On peut
aussi se poser la question de savoir à quel point le rôle de ces intervenants est clair
pour les jeunes en situation d’exclusion et leurs parents. S’ils ont besoin de
soutien, savent-ils vers qui se tourner ? Cela parait d’autant plus important dans les
cas où des délais doivent être respectés (e.g. pour l’introduction d’un recours) et
où il faut éviter de perdre du temps en passant d’un professionnel à l’autre. Le
manque de coordination a aussi souvent comme conséquence d’allonger le temps
durant lequel le jeune ne fréquente pas une école.
Par ailleurs, une forte diversité existe dans les prises en charge. Cette diversité
semble davantage le reflet de projets, d’habitudes de travail et de
fonctionnements différents dans le chef des professionnels impliqués que le reflet
d’une adaptation aux situations particulières rencontrées par les jeunes.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 37


Du côté des jeunes exclus
Qui sont-ils ?
Comme nous l’avons déjà brièvement évoqué dans le point consacré aux recours39,
il apparait que tous les élèves ne sont pas égaux devant l’exclusion. Certains
apparaissent effectivement plus à risque d’être exclus que d’autres.
Dans la quasi-totalité des récits, les jeunes concernés par les procédures
d’exclusion sont des garçons (seuls deux récits présentent le cas de filles). Cette
observation est confirmée par les résultats de recherches qui mettent en évidence
la présence plus importante de comportements perturbateurs parmi les garçons
(MAAG, 2012).
Les récits évoqués concernent également des élèves du secondaire. Cela rejoint les
observations faites dans le chapitre 1, à savoir que la plupart des exclusions ont
lieu dans le secondaire. Tous les récits ne donnent pas une information claire sur
l’année et la filière dans lesquelles se trouvent ces jeunes. Certains récits
mentionnent toutefois le cas d’élèves de l’enseignement général (redirigés vers
l’enseignement de qualification), de 2e différenciée, de 3e professionnelle, ou de
l’enseignement spécialisé.
Quelques récits évoquent aussi le cas d’enfants présentant des difficultés
spécifiques : hyperkinésie40, handicap auditif et difficultés instrumentales41. Dans
certains cas, des difficultés psychologiques existent également chez le jeune (e.g.
mal dans sa peau). Or, les recherches montrent que les enfants présentant des
difficultés scolaires ou comportementales sont exclus deux à trois fois plus souvent
que les élèves qui n’ont pas ces difficultés. Les élèves atteints de troubles de
l’attention et hyperactivité (ADHD) et troubles du comportement semblent encore
plus à risque que les élèves qui ont des troubles d’apprentissage (ACHILLES,
MCLAUGHLIN & CRONINGER, 2007).
Lorsqu’un jeune présente un/des comportements problématiques, ceux-ci peuvent
être des indicateurs des difficultés vécues par l’élève. Les récits en évoquent de
plusieurs ordres : difficultés liées à la scolarité (e.g. échecs, sentiment de n’« être
pas bon » à l’école, harcèlement...), mais aussi difficultés plus « externes » à
l’école (e.g. problèmes familiaux...). Dans l’un des récits, un jeune dit ne pas
aimer l’école, n’être intéressé par rien. Il est souvent absent. Lors d’un cours, il
met de la colle sur la chaise du professeur. Celui-ci l’oblige à se mettre dans le
fond de la classe, ce qu’il vit comme humiliant. Il continue à provoquer
l’enseignant. Mais on apprend aussi que cet élève parle de lui-même de manière

39
Voir partie 2, chapitre 1, paragraphe intitulé Les recours, page 34.
40
Ou syndrome hyperkinétique de l'enfant ou syndrome de l’enfant hyperactif: « Trouble du
développement qui associe une hyperactivité motrice à un comportement impulsif et à un trouble
de l'attention» (Larousse Médical)
41
« Les troubles instrumentaux portent sur les fonctions instrumentales (intelligence,
psychomotricité, langage) qui servent d’instruments à l’enfant pour se représenter et maîtriser le
milieu dans lequel il vit. La frontière entre une difficulté d’ordre instrumental proprement dite et
une difficulté spécifique d’apprentissage est liée au contexte scolaire. On retrouve chez un
grand nombre d’enfants dyslexiques certaines difficultés instrumentales. » (Société Française de
pédagogie, 2009).

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 38


dévalorisante. Or, depuis un échec en cinquième primaire, il n’a plus réussi une
année à l’école. Sa mère est très en colère contre lui et le traite d’idiot,
d’incapable. Lui ne veut pas décevoir ses parents. Dans ce récit, on peut
comprendre l’attitude de retrait d’un jeune qui a vécu autant d’échecs dans sa
scolarité. Il pourrait en effet éviter de s’impliquer dans son travail scolaire pour
éviter de devoir en affronter d’autres. L’exclusion est particulièrement mal vécue
par cet élève. Il ressent notamment de l’angoisse à l’idée de franchir les portes de
sa nouvelle école (« peur de ne pas savoir suivre les cours, d’avoir des mauvaises
notes… »).
Ces éléments soulignent que les comportements adoptés en classe sont liés à des
choses vécues par l’élève. Comme le souligne MAAG (2012), les comportements des
élèves remplissent certaines fonctions. Selon cet auteur, il est donc important de
tenir compte de la fonction remplie par un comportement perturbateur (voir aussi
GALAND, 2009). Ainsi, un élève qui fait le clown peut faire cela pour attirer
l’attention de ses camarades ou se détourner d’une tâche qu’il trouve ennuyante
ou pénible pour lui. Toujours selon cet auteur, il n’y a en soi rien de mal à vouloir
attirer l’attention sur soi ou à vouloir échapper à quelque chose de déplaisant.
Toutefois, il y a un temps, des situations et des comportements adaptés pour avoir
ce genre de choses. Face à des comportements perturbateurs, on peut par exemple
ignorer le comportement problématique, mais attirer l’attention des pairs sur
l’élève lorsque celui-ci a fait quelque chose de bien. Il faut aussi noter la difficulté
rencontrée par les professeurs pour gérer les comportements provocateurs et
agressifs de certains élèves. Selon MAAG (2012), les enseignants estiment que la
gestion de comportement est le domaine dans lequel ils désireraient le plus être
formés.
Comme le souligne l’American Academy of Pediatrics — AAP42 (201343), l’exclusion
peut être une réponse très superficielle si l’on ne traite pas les problèmes de fond
qui affectent le jeune.
Se pose ici la question du rôle et de la responsabilité de l’école. Si l’école ne peut
gérer tous les problèmes, ces éléments soulignent le rôle qu’elle peut jouer : soit
en soutenant les élèves face aux difficultés rencontrées à l’école (redonner
confiance aux élèves, leur montrer qu’ils sont capables de réussir des choses...),
soit, dans le cas de difficultés « externes », en assurant un relai vers les
professionnels adéquats. Certains récits évoquent d’ailleurs cette volonté de
certains acteurs de l’école de laisser leur chance à des élèves qui ont certaines
difficultés. Un directeur évite ainsi l’exclusion d’un enfant souffrant d’une
hyperkinésie. Cet élève sera accompagné et réussira son année. Il ne posera plus
de problèmes par la suite.

42
L’American Academy of Pediatrics est une organisation américaine regroupant 60 000 pédiatres
engagés dans la promotion de la santé physique, mentale et du bien-être des jeunes enfants aux
jeunes adultes
43
American Academy of Pediatrics. Out-of-school suspension and expulsion. Pediatrics, 131 (3),
1000-1007, 2013.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 39


L’exclusion… et après ?
Dans cette dernière partie, nous avons investigué les conséquences de l’exclusion
pour le jeune (et sa famille) au niveau des sentiments ressentis suite à la décision
d’exclusion ainsi qu’au niveau de l’impact de l’exclusion sur le parcours scolaire.

Sentiments des jeunes face à leur exclusion


Les effets de l’exclusion se marquent tout d’abord dans le ressenti du jeune face à
son exclusion.
Nous devons ici rappeler une limite inhérente à l’utilisation de nos récits : ceux-ci
ont été rédigés par des professionnels confrontés à des situations d’exclusion. Les
sentiments du jeune n’ont pas été rapportés directement par lui ou sa famille. Ceci
étant dit, nous nous baserons sur ce qui a été rapporté et qui est d’ailleurs très
cohérent au travers des différents récits.
Si, dans quelques récits, les jeunes disent comprendre pourquoi ils ont été exclus,
ces cas restent rares. Il est beaucoup plus fréquent que des sentiments d’injustice,
de tristesse, de malaise et de rejet soient rapportés par les jeunes, et parfois leur
famille. Une intervenante évoque par exemple le fait que le jeune qu’elle
rencontre semble très fragilisé et que la question de son exclusion reste
douloureuse. Ces sentiments, particulièrement ceux d’injustice, sont davantage
exprimés dans des situations où la décision d’exclure parait disproportionnée au vu
des comportements du jeune. L’impression de ne pas être entendu, parfois
rapportée en lien avec un sentiment d’injustice, est aussi très présente. Elle fait
écho au peu de place laissé, dans la majorité des cas, au jeune et sa famille dans
la procédure d’exclusion44. Enfin, des sentiments d’incompréhension sont aussi
exprimés par les jeunes. Ces sentiments pourraient probablement s’expliquer par
le fait que l’exclusion peut sembler disproportionnée dans le cas de motifs
« légers », mais aussi par le manque de travail pédagogique autour de l’exclusion,
ne permettant probablement pas au jeune de donner du sens à l’exclusion. Un
dernier élément évoqué dans les récits est la crainte ressentie par les jeunes que
les directeurs « parlent entre eux » et que ce qu’ils ont fait les poursuive d’une
école à l’autre.

Conséquences sur le parcours scolaire


À nouveau, une limite des récits peut être soulignée : les acteurs n’ont pas
toujours de nouvelles des jeunes qu’ils suivent (soit ils ont passé le relai, soit les
jeunes ne les recontactent pas). Néanmoins, on peut relever différents éléments
dans les récits quant au parcours du jeune, à ses difficultés passées dans l’école...
Par ailleurs, les rapports et les recherches menées sur les conséquences de
l’exclusion nous apportent également des éléments éclairants sur les impacts de
l’exclusion. De ces différentes sources, il ressort que les conséquences de
l’exclusion sont très négatives pour le jeune.
Tout d’abord, on note une démotivation du jeune qui peut aller jusqu’au
décrochage scolaire. Deux récits évoquent également l’angoisse du jeune de
retourner à l’école et que « tout recommence ». Par ailleurs, des cercles vicieux
semblent parfois s’installer : des jeunes ont tendance à être exclus de manière

44
Voir partie 2, chapitre 2, paragraphe Déroulement de la procédure, page 31.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 40


répétée. On observe ainsi plusieurs récits d’exclusions en cascade : un jeune en
était à sa cinquième exclusion ; un autre avait été renvoyé trois fois en 1 an et 3
mois...
À ces conséquences s’ajoute la difficulté de retrouver une école dans l’urgence. On
note ainsi des périodes de non-scolarisation. Les récits évoquent le cas d’élèves qui
auraient pu réussir leur année scolaire, mais se retrouvent sans école. Par ailleurs,
les écoles trouvées ne correspondent pas toujours à ce que souhaite le jeune : il ne
s’y sent pas bien ou il n’est pas dans l’option qu’il aurait souhaitée. Dans ces cas,
les jeunes semblent loin d’être dans les meilleures conditions pour reprendre pied
et s’intégrer dans une nouvelle école. La question du sens de l’école pour le jeune
se pose également. Certains professionnels ont d’ailleurs l’impression de
« chercher une école pour chercher une école ». Cela semble problématique pour
la construction du projet de ces jeunes.
Ces observations sont cohérentes avec les résultats de recherche. Le rapport publié
par l’AAP (2013) souligne les effets négatifs profonds de l’exclusion chez les élèves.
D’une part, l’élève est exclu du processus d’éducation et des apprentissages.
D’autre part, les recherches montrent que les pratiques d’exclusion sont associées
au désengagement des élèves de l’école et des interactions sociales. De plus, selon
MAAG (2012), elles augmentent aussi le risque d’exclusions ultérieures, d’échecs
scolaires et de décrochage. Les élèves qui ont vécu des exclusions ont 10 fois plus
de risque de finalement décrocher de l’école que ceux qui n’ont pas été exclus
(AAP, 2013). Ceci n’est pas sans conséquence puisque les personnes qui n’ont pas
fini l’enseignement secondaire peuvent s’attendre à gagner considérablement
moins et à avoir beaucoup moins d’opportunités d’éducation et d’emploi (AAP,
2013).
Ces constats mettent en avant les conséquences négatives de l’exclusion pour le
jeune, tant à court terme, sur le ressenti de l’élève, qu’à plus long terme, sur son
parcours scolaire et professionnel. Ils poussent en tous cas à s’interroger sur la
portée pédagogique de ce type de sanctions.

Conclusion
Les observations faites dans cette partie mettent en question la
pertinence/l’efficacité du recours à l’exclusion. Celle-ci ne semble effectivement
pas formative. Dans certains cas, cette procédure parait excessive par rapport aux
motifs invoqués. De plus, il est fréquent qu’aucun travail pédagogique ne soit
réalisé avec l’élève autour de son exclusion. Enfin, il apparait que tous les élèves
ne sont pas égaux face à cette sanction : certains, de par leurs difficultés
personnelles (malêtre, hyperactivité...) ou familiales, sont plus à risque d’être
exclus. Au vu des conditions dans lesquelles se déroule la procédure, l’intérêt
serait grand d’y inclure le point de vue d’une personne tierce (une personne plus
neutre). Comme nous l’avons vu, les intervenants extérieurs peuvent jouer un rôle
positif dès les premières difficultés avec un jeune, en évitant l’exclusion et en
permettant de trouver d’autres solutions pour son accompagnement. Cela
permettrait probablement d’éviter des décisions hâtives, en prenant le temps de
faire le point sur les faits et d’écouter les différentes parties impliquées. Par
ailleurs, cela permettrait également d’assurer un fil rouge dans le suivi du jeune et
de coordonner l’intervention des différents acteurs, le rôle de ceux-ci n’étant pas
toujours très clair.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 41


Les situations évoquées mettent également en évidence la responsabilité de
l’établissement scolaire dans la décision d’exclure un élève, au vu des
conséquences négatives que nous avons relevées. De plus, ce sont parfois des
élèves déjà fragilisés (difficultés familiales, handicap...), qui risquent de subir ces
conséquences. Une écoute plus attentive du jeune ainsi qu’un travail
d’accompagnement du jeune (sens de l’exclusion, travail pédagogique) lorsqu’une
exclusion est inévitable semblent nécessaires à réaliser. Les acteurs de l’école nous
apparaissent centraux dans ce travail. Les écoles semblent parfois se décharger de
ce travail, considérant peut-être qu’une fois exclu, le travail éducatif avec cet
élève n’est plus de leur ressort. Dans quelques récits, on note d’ailleurs un
investissement des directions, éducateurs... pour trouver des solutions autres que
l’exclusion, notamment en apportant du soutien et un encadrement à ces élèves.
Alors que l’exclusion correspond au volet « sanction » d’une intervention avec ces
jeunes, il semble donc intéressant d’envisager un volet « soutien ». Il ne s’agit pas
de voir ces jeunes uniquement comme des élèves posant problème (ce qu’il ne faut
pas non plus nier – des sanctions peuvent aussi s’imposer), mais aussi comme des
jeunes qui vivent des situations difficiles et qui, en ce sens, ont besoin de soutien.
D’autres voies que celle de l’exclusion existent donc pour travailler avec ces
jeunes.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 42


Chapitre 2 : Analyse des entretiens
Marc De Koker

Méthodologie
Afin de compléter le travail du premier chapitre, nous sommes partis à la
rencontre d’acteurs de terrain. Ainsi, nous avons eu l’occasion de réaliser 12
entretiens avec des professionnels qui, par leurs positions respectives, nous ont
permis de compléter l’analyse, les points de vue, les ressentis, les observations
différentes sur la problématique de l’exclusion scolaire.
Tous cependant formulent des constats qui se recoupent, se chevauchent, se
complètent, et donnent, une fois compilés, une idée assez complète de la situation
concrète.
Les acteurs interviewés gravitent autour du monde scolaire et rencontrent
journellement dans le cadre de leurs pratiques professionnelles de nombreux
jeunes le fréquentant. Contrairement au groupe des pourvoyeurs de récits, ne
figurent ici aucun enseignant en activité, ni aucune direction d’école, mais bien
des représentants des CZI, CPMS, Médiateurs scolaires (Fédération Wallonie-
Bruxelles et Communaux), services scolaires communaux de prévention, Service de
contrôle de l’obligation scolaire, SAS et AMO. Les réflexions apportées sont donc
plus globales, tenant compte d’un nombre important de situations différentes,
rencontrées au fil des mois, et elles brassent de ce fait la problématique de
manière plus large.
Lors d’entretiens formels, il leur a été proposé de répondre à un questionnaire
ouvert imaginé avec le souci de leur permettre d’exprimer tant leurs constats que
leurs réflexions et propositions. En contrepartie, il a été convenu de respecter leur
anonymat, non que les propos tenus soient de nature à provoquer le scandale, mais
bien parce que nous tenions à une parole personnelle plutôt qu’institutionnelle.
Le questionnaire contenait les items suivants :
— Présentation succincte (missions, objectifs, activités)
— Quel est votre rôle effectif dans le cadre des exclusions scolaires définitives
et diffère-t-il des textes de loi ?
— Quels sont vos constats, quelles sont les difficultés rencontrées ? —
— Quelles sont vos suggestions d’amélioration, propositions concrètes pour
diminuer les exclusions scolaires définitives ?
Un certain nombre de propositions concrètes ont été formulées. Celles-ci ne feront
pas partie intégrante de cette analyse, mais ont été intégrées dans la 4e partie de
cette étude consacrée aux principes directeurs et recommandations en vue de
mieux cadrer et limiter l’exclusion scolaire définitive.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 43


La procédure d’exclusion
Motifs d’exclusion
Un constat global émerge de manière unanime : l’exclusion scolaire a, ces
dernières années à Bruxelles, perdu son caractère « extrême et exceptionnel ».
Les modalités de l’exclusion scolaire sont définies à l’intérieur du décret
« Mission ». Les procédures à respecter sont explicitement décrites et doivent être
respectées, ce qui n’est pas toujours le cas, bien qu’une amélioration soit sensible
ces deux ou trois dernières années. Il serait cependant utile de dissocier ici
« forme » et « esprit » du décret. Si les procédures légales sont souvent
respectées, nombreuses sont les situations où les choses sont jouées d’avance, les
auditions par exemple ne permettant pas toujours aux jeunes impliqués de faire
valoir leur défense.
Aux « faits graves » énoncés par le législateur, sont souvent substitués une suite de
petits faits plutôt anodins qui, de par leur accumulation, rend très difficile, voir
pénible, le travail de l’équipe éducative, qui préfère alors se séparer du trublion.
Nombres de R.O.I. intègrent à ce jour des articles rendant possibles ce type
d’exclusions.
En outre, le principe de gradation des sanctions tel qu’énoncé dans le décret
semble quelques fois ne plus faire partie de l’arsenal disciplinaire de certains
établissements.

Les exclusions après le quinze avril


De facto, exclure un élève après le quinze avril équivaut à condamner son année
scolaire. Même s’il retrouve miraculeusement une place rapidement, il ne lui sera
plus matériellement possible d’intégrer les exigences du nouvel établissement,
mettre ses cours à jour, les étudier… C’est un bel exemple de double peine, sans
compter que se pose ici de manière encore plus aigüe la question de l’exclusion
« formative ». Formatif de se voir condamné à perdre une année ? Le doute est
permis.
Et s’il s’agit en plus de l’exclusion d’un majeur, même s’il a à peine dix-huit ans,
c’est toute sa scolarité future qui est rendue quasi impossible puisqu’un
établissement scolaire n’est pas tenu d’inscrire un élève majeur exclu le jour de
son exclusion. Il ne lui reste alors que l’alternative de la promotion sociale.
Les CZI ont eu leur attention attirée par cette situation, et recommandent aux
écoles de conserver en leurs murs les élèves passée la date du quinze avril.

Procédures apparentées à l’exclusion


Outre l’exclusion en cours d’année scolaire, nombreux sont les élèves qui se voient
notifier un refus de réinscription au mois de juin. La législation assimile ces refus à
des exclusions et la procédure à respecter est identique. Cependant, si un certain
nombre de cas (heureusement) respectent les formes du décret (à défaut de
l’esprit), nombreuses sont les situations « limites ».
— Quand, par exemple, un élève est orienté vers une section… qui justement
n’est pas organisée dans son établissement d’origine (attestation B, autorisant
le passage de classe avec restrictions).

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 44


— Quand un « arrangement » est conclu avec le jeune et ses parents, situation
où il est quelques fois même demandé aux parents de signer un document
désinscrivant leur enfant, ceci se produisant même dès l’enseignement
fondamental.
— Quand on fait comprendre à l’élève et à sa famille que le niveau de
l’établissement ne lui permettra pas de réussir et qu’un établissement
« mieux adapté » à ses capacités lui est conseillé…
Contrairement à un renvoi en cours d’année, les CZI ne sont pas directement
impliquées dans la recherche du nouvel établissement scolaire. Ce sont les parents
qui se mettent en quête, sollicitant souvent des services tels les AMO, les services
scolaires communaux… Il est de plus en plus difficile, à Bruxelles, d’inscrire un
jeune dans une école qu’il aurait choisie, les places étant rares. Il faut donc très
souvent, après de longues démarches, se contenter de l’établissement où il reste
de la place, sans se soucier du projet pédagogique de ce dernier.
Les CZI n’interviennent qu’à la demande des familles si leurs démarches sont
infructueuses.
Ceci conduit à une situation inquiétante à Bruxelles, la création « de facto »
d’écoles « ghetto » concentrant les élèves ayant le même profil. Il peut s’agir
d’établissements ayant fait le choix d’accueillir des élèves en difficulté pour leur
accorder une nouvelle chance et qui adaptent leur pédagogie (et leurs exigences)
en conséquence, mais aussi, plus pragmatiquement, d’établissements en difficulté
et en recherche d’élèves, ou encore d’établissements organisés par la Fédération
Wallonie-Bruxelles accueillant des élèves exclus d’autres réseaux et n’ayant pas
réussi à y être insérés à nouveau.
Dans les trois cas de figure, la réflexion en termes de confort de travail pour
l’équipe éducative, de valorisation et de bien-être pour les élèves, et de sens
global donné à la formation s’impose.

Recours
Les possibilités et modalités des recours posent un certain nombre de questions.
Sans vouloir être inutilement polémique, des procédures claires sont d’application
au niveau de l’enseignement organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Par
contre, en ce qui concerne l’enseignement subventionné, les possibilités de recours
varient en fonction des contenus du Règlement d’Ordre Intérieur :
— S’il prévoit que c’est le PO qui prend la décision de l’exclusion, le seul
recours possible est de porter le cas soit devant le Conseil d’État, soit devant
le tribunal des référés, procédures longues et couteuses ;
— S’il prévoit que c’est la direction de l’établissement qui a le pouvoir de
décider de l’exclusion, un recours est par contre possible devant le Pouvoir
Organisateur.

Les intervenants
Lors de nos rencontres, les personnes interviewées ont plus particulièrement porté
un regard sur deux acteurs actifs ou non dans la procédure d’exclusion scolaire :
les Commissions Zonales d’inscription et les Centres Psycho médico sociaux.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 45


Les Commissions Zonales d’inscription
Lorsqu’un élève est exclu, son dossier disciplinaire qui énumère tant les faits qui
lui sont reprochés que les actions préventives qui ont été mises en place au
préalable, doit parvenir à la Commission Zonale d’Inscription (CZI) dont dépend son
établissement scolaire. Il en existe quatre : Enseignement organisé par la
Fédération Wallonie-Bruxelles, officiel subventionné (communes et provinces),
libre confessionnel subventionné, et libre non confessionnel subventionné. Ces
dernières ont vingt jours ouvrables pour lui assigner une nouvelle école. Elles
reconnaissent ne pas toujours être en situation de respecter ce délai. Les raisons
en sont diverses, et chaque Commission possède un mode de fonctionnement
différent. Voici donc, toutes CZI confondues, quelques exemples :
— Un document manque en provenance d’une école, d’un CPMS (Centre Psycho
Médico Social), d’un SAS (Service d’Accrochage Scolaire), du SAJ (Service
d’Aide à la Jeunesse), d’une AMO (service d’Aide en Milieu Ouvert)... ;
— Les écoles sont saturées à Bruxelles, et aucune place n’est disponible dans
l’année et la section recherchées ;
— La famille refuse l’école proposée ;
— On est en attente de réponses des écoles ;
— Les parents et le jeune ne répondent pas aux convocations.
Dans le cas de figure où la Commission ne parvient pas à trouver une école, le
dossier du jeune est envoyé au ministre en charge de l’enseignement qui impose
une école de son réseau, via le service des inscriptions ce qui allonge d’autant la
période de déscolarisation.
La disparité des modes de fonctionnement des différentes CZI génère des
différences de suivis et de traitements d’un réseau de l’enseignement à un autre,
ce qui ne simplifie ni l’action des travailleurs de terrain ni la compréhension par
les jeunes et leurs familles.
Il faut noter également que ces Commissions, de plus en plus souvent, se
questionnent aussi au cas par cas sur la pertinence des projets scolaires des élèves
exclus définitivement, et tentent même, pour certaines, d’initier des processus
réflexifs encadrés avec ceux-ci (coaching entre autre). L’objectif est de guider
l’élève dans une conscientisation du processus qui a mené à son exclusion, et plus
généralement à sa responsabilisation (en quoi consiste exactement le « métier
d’élève » ?). Ces tentatives d’introspection ont cependant pour limite la volonté
des sujets concernés d’y participer et soulèvent une autre question : quid des
élèves qui ne s’avèrent pas prêts pour une rescolarisation immédiate et qui ne sont
pas non plus preneurs d’un projet alternatif (SAS) ?
Les Commissions Zonales d’Inscription font un constat similaire : certains
établissements excluent fréquemment, d’autres presque jamais. Sans en tirer
aucune conclusion hâtive, ce fait interpelle également d’autres services, comme
celui du Médiateur de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région Wallonne,
qui traite, à la demande des citoyens les sollicitant, les situations opposant ces
derniers aux pouvoirs publics, ceci incluant donc les conflits avec l’institution
scolaire.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 46


Ce service ne prend pas parti, mais veille au respect strict de la législation et des
procédures appliquées, avec un pouvoir d’interpellation et d’injonction, du moins
en ce qui concerne les établissements scolaires organisés par la Fédération
Wallonie-Bruxelles.
La plupart des Commissions Zonales d’Inscription ne s’estiment pas en position
d’interpeler les écoles les plus excluantes, ceci ne faisant pas partie de leurs
missions.

Les Centres Psycho Médico Sociaux


Les CPMS, constitués d’équipes pluridisciplinaires, sont tenus d’assurer, entre
autres missions, les suivis des élèves en difficulté.
Certaines écoles ne signalent pas aux CPMS les situations à risque, tout comme
elles ne signalent ni les exclusions ni les refus de réinscription.
Il leur est donc très difficile d’intervenir de manière préventive. Cette action est
rendue d’autant plus ardue en regard du nombre d’élèves se trouvant sous leur
responsabilité.
De plus, la présence des CPMS dans les conseils de classe qui statuent sur les
exclusions n’est pas obligatoire, ce qui n’était pas le cas par le passé.
Nombre de CPMS sont alors sollicités par les écoles après notification de
l’exclusion, non pas dans le cadre d’un travail préventif, mais plutôt dans celui
d’un accompagnement dans la recherche d’un nouvel établissement.

Du côté des jeunes exclus


On exclut portionnellement plus de garçons que de filles
Les professionnels interviewés s’interrogent : les filles seraient-elles plus motivées
que les garçons ? Moins frondeuses ? Leur pardonnerait-on plus facilement leurs
écarts ? L’école jouerait-elle toujours pour elle un rôle émancipateur ?
Probablement un peu tout cela à la fois…

L’exclusion… et après ?

De l’utilité du contrat de discipline…


La réinscription d’un élève préalablement exclu est souvent conditionnée par
l’élaboration d’un contrat de discipline, réalisé en accord avec ce dernier. Si cela
peut sembler une bonne idée à priori et peut dans certains cas participer à la
conscientisation du jeune concerné, la plupart du temps les professionnels
interrogés constatent que la réalité est autre. Arrivant dans sa nouvelle école,
après un parcours souvent semé d’embuches, le jeune est prêt à s’engager à se
plier à toutes les exigences, pour peu qu’on l’accepte. Or s’il est dans sa situation,
c’est que justement il éprouve des difficultés à respecter scrupuleusement les
règles. Très souvent, il ne comprend pas les raisons de son exclusion passée et ce
qui lui est reproché lui semble anodin. Or, paradoxalement, on lui impose, sous
peine de renvoi, de se montrer exemplaire, jusqu’à intégrer à ce contrat des
exigences de réussite scolaire. Le concept peut sembler pédagogiquement quelque
peu absurde, et se heurte trop souvent à ce qu’on pourrait appeler… le principe de

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 47


réalité. Il est à noter également que ces « contrats » n’ont aucune existence
légale, leur non-respect ne peut donc pas justifier à lui seul une exclusion.

Trouver une école devient difficile


Un élève exclu en cours d’année, bien que soumis à l’obligation scolaire, a
beaucoup de mal à trouver un établissement susceptible de l’accepter. On pourrait
croire qu’il s’agit là du reflet du manque de place dans les écoles bruxelloises,
mais il n’en va parfois pas ainsi : c’est le passé du jeune qui lui ferme la porte
d’établissements qui pourtant disposent encore de places disponibles. Bien que le
décret Mission garantisse pourtant la non-transmission du dossier disciplinaire.
Il est indispensable d’exiger de la direction de l’école concernée une attestation de
refus d’inscription, ceci afin de fournir au jeune et à ses parents un témoignage
des démarches qu’ils ont effectuées. Obtenir ce document n’est pas toujours
simple. Il devrait pourtant être fourni spontanément, conformément aux prescrits
du texte légal. Il est parfois nécessaire, suivant les cas rencontrés, de porter la
situation à la connaissance des Commissions Zonales, du service des inscriptions de
la Fédération Wallonie-Bruxelles ou même encore du service du Médiateur de la
Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région Wallonne, afin d’obtenir le coup de
pouce (ou l’injonction) qui débloquera les choses.
Ceci soulève pour nous deux questions :
— Un élève exclu doit-il être condamné à la « double peine » et, outre la
sanction première, doit-il se voir en plus condamné à l’échec scolaire du fait
des semaines, et souvent des mois perdus en recherches d’un nouvel
établissement susceptible de l’accepter ?
— Est-il raisonnable d’envisager une scolarité normale et épanouie pour un élève
dont l’inscription a été imposée à un établissement scolaire ?

Du côté du système
Pour les professionnels rencontrés, le nombre d’exclusions a augmenté de manière
très significative ces dernières années. Pour certains d’entre eux, ce n’est pas sans
lien avec les différentes réformes mises en place au premier degré.

Le décret Inscription
Il serait difficile de ne pas voir un lien entre cette situation et l’instauration du
décret « Inscriptions ». Sans prendre position par rapport à ce dernier, nous ne
pouvons que constater l’apparition de dérives évidentes, un certain nombre
d’établissements régulant peu ou prou leurs populations en mettant en œuvre des
procédures d’exclusions ou de refus de réinscription. Les raisons en sont
évidemment multiples, des plus honorables aux plus inavouables. Mixité sociale
rime évidemment avec comportements différents, et il est sans doute difficile pour
certaines équipes pédagogiques, peu préparées, de faire face à cette situation.
En outre, certains établissements ne sont pas habitués à accueillir des populations
ne correspondant pas à leur profil, voire aux prérequis scolaires disparates.
Enfin, il ne faut pas être naïf et acter que certains établissements « écrèment »
ainsi consciemment leur population.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 48


La réforme du premier degré
La réforme du premier degré contient aussi en son sein quelques dispositions qui
peuvent favoriser le processus des exclusions.
Les élèves en difficultés se retrouvant dans les sections complémentaires (1S et 2S)
peuvent se voir concentrés dans une même classe.
Les élèves de deuxième complémentaire (2S) se trouvent de facto dans une année
sans réel enjeu, et donc avec une motivation pour le moins tempérée : peu
importe leur réussite ou leur échec scolaire, ils intègreront l’année suivante le
deuxième degré, à tout le moins en troisième professionnelle, puisqu’ils sont dans
leur troisième année au premier degré. Il est donc assez compréhensible que se
concentrent également dans ces sections les éventuels problèmes de discipline, et
donc les exclusions.
Les écoles ne sont pas tenues d’organiser les deux années complémentaires et
peuvent donc décider de n’organiser que la 2S. Les écoles « réservent » également,
en accord avec la législation en vigueur, les places en année complémentaire à
leurs propres élèves. L’inscription d’élèves venant d’un autre établissement
scolaire relève donc souvent du parcours du combattant et le délai acceptable est
trop souvent largement dépassé.
Les élèves sont tenus, sauf circonstances exceptionnelles, d’effectuer l’ensemble
de leur premier degré dans le même établissement scolaire. La situation
bruxelloise aidant (écoles saturées et ce dès la première), il est très difficile pour
ceux qui ont été exclus définitivement de retrouver une école qui puisse (ou
veuille) les accepter.
Nous ne pouvons que constater que cela favorise le développement d’écoles où se
concentre alors la population scolaire « problématique », certains établissements,
pour diverses raisons, les accueillant plus volontiers.

Source : Fédération Wallonie-Bruxelles (enseignement.be)

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 49


Certaines filières, une fois le premier degré achevé, sont plus
génératrices d’exclusion que d’autres
Les filières qualifiantes génèrent plus d’exclusions définitives que les filières
générales.
En contradiction avec l’esprit du décret Mission, les filières qualifiantes
(techniques de qualification et professionnelles) sont majoritairement vues et
utilisées comme une filière de relégation.
Il est donc fondamental qu’une telle orientation se fasse par choix personnel. On
demande donc à des jeunes élèves âgés d’à peine quinze ans de s’engager dans des
études pendant lesquelles 75 % du temps des cours seront consacrés à leur option.
En réalité, trop souvent on « oriente » en filière qualifiante les élèves qui ont
échoué ailleurs et, en fin de premier degré, ceux qui ont épuisé les trois années
qui leur sont allouées pour réussir.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 50


Partie 3 : Agir dans la complexité
Au terme de cette étude, une évidence s’est fait jour : les phénomènes d’exclusion
scolaire et du refus de réinscription ne peuvent être vus ni par le petit bout de la
lorgnette – celle du chef d’établissement ou du seul élève — ni comme un
phénomène isolé et circonscrit que la marche de l’école aura tôt fait de « régler ».
Ce phénomène, qui concerne un peu moins de 3000 jeunes chaque année, réclame
d’être appréhendé dans le contexte global de l’École.
Dans cette perspective, nous vous proposons deux textes qui se complètent par
leur regard. À partir des différents récits récoltés et entretiens réalisés auprès des
acteurs scolaires, le premier texte s’arrête sur différentes facettes révélées par
l’exclusion scolaire et sur ce qu’elle nous enseigne sur l’école. Le second, quant à
lui, prend du recul par rapport au phénomène étudié et nous mène vers un
questionnement sur le rôle de l’École dans la société.

Qu’est-ce que l’exclusion scolaire définitive nous


enseigne sur l’école ?
Benoît ROOSENS

L’école nous livre certes des enseignements sur l’exclusion, mais l’inverse se
vérifie également. L’analyse des récits et des entretiens, l’apport des différents
acteurs convergent dans le même sens : l’exclusion scolaire agit comme le
révélateur de dysfonctionnements connus du système scolaire ou des difficultés
rencontrées par les équipes éducatives.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 51


Aux sources de l’exclusion scolaire
L’exclusion scolaire et la procédure apparentée telle que le refus de réinscription
apparaissent comme un maillon d’un long processus de « relégation45 » des élèves.
Nombreux sont ceux et celles qui arrivent au premier degré avec de grandes
difficultés scolaires et, pour certains, un fort ressentiment vis-à-vis de l’école. À
ces difficultés se greffent des problèmes de comportements qui prennent la forme
de réactions inadéquates vis-à-vis des adultes.
Dans ce sens, les données statistiques sont éloquentes de par la concentration des
exclusions scolaires définitives au premier degré et en particulier dans les années
complémentaires et différenciées qui, pour rappel, sont les années fréquentées par
une majorité d’élèves en situation d’échec ou de difficultés scolaires. Ce lien est
d’ailleurs confirmé par d’autres résultats de la recherche qui nous montrent qu’un
élève présentant des difficultés scolaires ou de comportements est 2 à 3 fois plus
exclu qu’un autre élève.
Vouloir réduire l’exclusion scolaire nécessite donc d’agir sur les causes de l’échec
scolaire. Ce qui éloigne la culture des familles et celle de l’École notamment
concernant les rapports à l’écrit, au savoir, au temps, au travail et à l’autorité est
une des causes de cet échec46.

Des « motifs graves » ?


L’analyse du cadre légal et des récits nous montre la part d’ombre et d’arbitraire
qui entoure la procédure d’exclusion scolaire tant le lancement de celle-ci dépend
de la politique d’un établissement ou de la nature des faits, graves ou non, et ce
au détriment de principes de droit47. Ainsi la procédure est régulièrement utilisée
face à la répétition de comportements de faible gravité. On trouve dès lors de
nombreuses situations où l’exclusion scolaire est justifiée par le chef
d’établissement soit parce qu’il cherche un effet de dissuasion en appliquant une
tolérance zéro, soit parce qu’il décide de soigner son image, ou encore parce qu’il
souhaite préserver la relation entre les professeurs et/ou la direction.

Coordonner le travail en aval et en amont


À différents moments, nous avons évoqué le rôle des intervenants48 dans le cadre
de la procédure d’exclusion ou de non-réinscription. Un des premiers constats est
l’absence fréquente de contact entre l’école et les agents CPMS. Les récits nous
rapportent que ces partenaires intra muros constatent tardivement les difficultés
rencontrées par un jeune et l’école et donc se retrouvent dans l’impossibilité de
mener un travail d’accompagnement, l’exclusion scolaire étant décidée. Là
encore, certains récits nous montrent qu’il existe des alternatives et que
l’intervention d’une personne tierce peut être positive, car elle permet d’éviter
l’exclusion et de travailler sur les sources du problème liées ou non à l’école.

45
VIENNE, P., Les pièges et dilemmes de l’exclusion scolaire dans Éducation et Formation, e-295,
Aout 2011.
46
BONNEFOND, A., MOURAUX, D., À l’école de familles populaires, Pour se comprendre et apprendre.
Bruxelles : Couleur livres, 2011.
47
Voir à ce sujet, la Partie 1, chapitre 1 Cadre légal.
48
Idem

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 52


Un autre constat concerne les inégalités de prise en charge du jeune en fin de
procédure d’exclusion. En fonction des ressources de l’école ou de la famille, le
jeune peut être dirigé soit vers une Commission Zonale d’inscription soit être
accompagné par un service d’aide en milieu ouvert ou un service scolaire
communal. Les modalités pratiques de mise en place de leur mission étant très
diverses, le jeune aura, selon le cas, l’occasion de réfléchir ou non à
l’enchainement des faits ayant conduit à son exclusion.
Des récits évoquent également des situations de « télescopage » où certains
acteurs remplissent le même rôle (e. a. pour aller plus vite que la Commission
Zonale dans le cas de recherche d’école) ou se rejettent la responsabilité du suivi,
car la situation du jeune ne semble par correspondre à leur mission. Ces inégalités
de traitement peuvent également conduire le jeune à voir sa période d’écartement
se prolonger.
Ces divers constats mettent en lumière un besoin primordial des jeunes de voir
clarifier qui parmi les institutions actuelles assurera l’après-exclusion et
coordonnera les différentes interventions.

« Une sanction qui compromet le fautif n’est pas


éducative49 »
Nous reconnaissons que certaines situations de violences physiques plongent les
équipes éducatives dans le dénuement, tant dans la gestion de leur classe que dans
le décodage de la situation. Toutefois dans les récits récoltés, de telles situations
ne sont pas souvent évoquées.
Ce que nous partagent les acteurs éducatifs est que l’exclusion est régulièrement
utilisée pour « éloigner » un problème plutôt qu’une occasion de traiter celui-ci
dans le cadre de l’école et de la classe.
Dans la majorité des cas, les jeunes ne comprennent pas pourquoi ils ont été exclus
et ils sont souvent habités par un sentiment d’injustice, de tristesse ou de malaise.
Ces sentiments trouvent leur origine dans la manière dont ils ont vécu la
procédure : absence de dialogue, impression que tout est joué d’avance,
appréciation différente des faits… L’exclusion scolaire telle qu’elle est appliquée
aujourd’hui fait la part belle à l’autorité, vécue comme un rapport de forces. Rares
sont les écoles qui veillent à donner un sens à l’exclusion.
De même, les conséquences négatives et destructrices de l’exclusion scolaire
(démotivation, décrochage, risque élevé de répétition, redoublement, perte de
sens…) sont telles pour le jeune qu’il y a lieu de s’interroger sur la légitimité et
l’efficacité d’une telle sanction.
Ceci nous amène à réfléchir à ce qu’est une sanction éducative. Si cette question a
été partiellement abordée dans l’étude « Serrer la vis ou changer d’outils ? Les
sanctions à l’école et ailleurs » (GALAND, 2008), nous pourrions la revisiter à l’aune
du travail réalisé par certaines écoles en nous posant les questions suivantes :

49
Voir à ce sujet la réflexion menée par CASNAV de Metz-Nancy sur la question de la sanction
éducative. Il souligne que toute sanction doit poursuivre trois finalités (politique – éthique –
psychologique) : www.ac-nancy-metz.fr/casnav/edcit/edcit_sanctioned.htm (lien vérifié le 18
décembre 2013)

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 53


quelles sont les finalités poursuivies par une sanction (place de la loi, groupe,
responsabilité, forme de la sanction), quelles en sont les caractéristiques (place du
sujet et de la parole, sanctionner l’acte pas la personne, penser la sanction dans
un rapport au temps plutôt que dans un rapport à l’espace, procédure
réparatoire) ?
Ces questions sont, pour nous, autant de portes ouvertes pour repenser l’École
dans ses Missions et son organisation et contribuer à lutter contre la reproduction
des inégalités sociales. Une sanction quel que soit son cas de figure doit être le
point de départ d’un processus de construction et de responsabilisation plutôt
qu’un point final d’un problème à régler.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 54


L’exclusion scolaire : l’œuf ou la poule ?
Marc De Koker

Mener une réflexion sur le phénomène des exclusions définitives est un chemin qui
mène en droite ligne à un questionnement plus fondamental sur le rôle de l’École
dans la société d’aujourd’hui.
Le temps où l’élève fréquentait un établissement scolaire pour échapper à sa
condition sociale initiale s’apparente trop souvent à une sorte de souvenir suranné.
Même si un adolescent, quelle que soit l’époque ou le contexte, ne fréquente que
très rarement empli d’allégresse un établissement scolaire, force est de constater
qu’il est plus facile de trouver une motivation si une promesse d’avenir meilleur
est à la clé.
Or si l’école ne joue plus (assez) son rôle d’ascenseur social, quels atouts lui reste-
t-il pour provoquer l’adhésion de ses élèves ? Les questions qui suivent n’ont pas
pour vocation d’apporter une réponse à cette question, mais bien de tenter
d’amorcer une réflexion sur le sujet.
— L’école est-elle pourvoyeur de savoir ?
Sans doute, mais, pour reprendre l’adage : « on peut emmener un cheval au
ruisseau, mais on ne peut le forcer à boire ». Les stratégies à mettre en
place, les « ruses pédagogiques » sont nombreuses, et il s’en invente tous les
jours de nouvelles, mais ceci demande du temps, de l’énergie et nécessite
une remise en question permanente difficile à concilier avec le vécu
quotidien des enseignants parfois très pénible.
— L’école est-elle vectrice d’intégration sociale ?
Dans de nombreux cas, sans doute oui, mais la concentration d’établissements
ne proposant que des sections techniques ou professionnelles implantés
justement dans les quartiers les plus défavorisés de la capitale pose à tout le
moins question.
— L’école est-elle aussi un lieu d’éducation ?
La question fait polémique au sein des équipes pédagogiques.
Si la réponse donnée est positive, la tâche est alors colossale, au vu de la
disparité des origines culturelles et sociales des élèves. Eduquer sur quelles
bases ? Quels sont les « prérequis » ? Quel est le « modèle » à imposer ?
Quelles sont les ressources familiales sur lesquelles se reposer ? Sur quel vécu
commun baser les apprentissages ? …
Si la réponse est non, comment imaginer un simple « vivre ensemble » au sein
de la classe ?
Et encore faudrait-il s’entendre sur ce que véhicule exactement dans la
pensée de chacun le terme « éducation ».

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 55


— L’école est-elle un lieu de « façonnage » de travailleurs rapidement
productifs, au service des entreprises, ou au contraire un champ
d’épanouissement, de construction personnelle et d’émancipation ?
Il faut tôt ou tard répondre à cette interrogation : dès la troisième technique
ou professionnelle, pour ceux qui ont fait ce choix (ou pour qui on l’a fait), ou
bien plus tard, dans l’enseignement supérieur pour les autres.
La réponse apportée est loin d’être innocente, et pose la question de la place
de la culture à l’école. Primordiale pour certains, plus qu’accessoire pour
d’autres. Or, pour citer Malraux : « La culture ne s’hérite pas, elle se
conquiert. » Et quel autre endroit que l’école pour mener les premières
batailles de cette conquête ?
— L’école est-elle un lieu de « formatage » duquel doivent sortir des élèves
normalisés, correspondant à un modèle standardisé, détenteurs d’un diplôme
garantissant leur conformité ?
Sans doute une certaine norme est-elle utile, mais la réalité bruxelloise
s’impose, et les hiatus sont nombreux. Non, un C.E.S.S. n’en vaut pas un
autre, suivant l’école qui le délivre, et les acquis des élèves sont très
différents parfois d’un établissement scolaire à un autre, et ce pour des
élèves sortant de sections identiques. La raison de telles disparités est
l’organisation de l’enseignement lui-même, forcé d’entrer dans des logiques
quasi commerciales. L’école est devenue un produit, et tant pis pour ceux qui
n’ont pas eu la chance, ou la possibilité, ou l’opportunité, ou la volonté de
faire les « bons » choix.
— …
Se pencher sur les exclusions scolaires, c’est donc aussi tenir compte de ces
différentes réflexions dont la liste est loin d’être exhaustive, qui, tant qu’elles
n’auront pas trouvé réponse, maintiendront les enseignants dans une position
inconfortable, contraints de maintenir un cadre et des objectifs qui ne sont clairs
ni pour les étudiants, ni pour leurs familles, ni pour eux-mêmes !
Le phénomène des exclusions n’est donc que le symptôme de la faille qui parcourt
le monde scolaire, et probablement l’ensemble de la société dont elle est le reflet.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 56


Partie 4 : Principes directeurs et
Recommandations en vue de mieux
cadrer et limiter l’exclusion scolaire
définitive
La journée d’étude du 18 octobre 2012 avait pour objectif d’initier la formulation
de recommandations à destination de différentes classes d’acteurs en vue
d’enrayer le phénomène de l’exclusion scolaire définitive. La réflexion menée par
la centaine de participants s’est poursuivie dans le cadre d’un groupe de travail
réunissant des représentants de ChanGements pour l’égalité, de l’AMO
AtMOsphères, (représentant les associations du groupe porteur de la journée) du
Délégué Général aux Droits de l’Enfant et de l’Observatoire de l’Enfance, de la
Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse( cfr Annexe 5).
Le travail réalisé s’est centré sur le développement et l’étayage des idées de
départ et le résultat se présente en deux parties : des principes directeurs et des
recommandations.
Les principes directeurs sont les fondements et normes non contraignantes destinés
à instituer une procédure d’exclusion scolaire respectueuse des différents acteurs
concernés. Ce sont des guides, des réflexes à avoir ou acquérir. Les
recommandations énoncent des modalités concrètes de mise en œuvre de ces
principes avec un même objectif : respecter chacun des acteurs concernés.
À l’heure où sort cette étude, le résultat de ce travail a fait l’objet d’un
communiqué de presse. Un document signé des quatre institutions et reprenant ces
recommandations a été envoyé aux décideurs, à savoir la ministre de
l’Enseignement et son cabinet, l’administration, les parlementaires de la
Commission ainsi que les responsables des réseaux.
C’est le contenu de ce document que vous retrouvez ci-dessous. Puisse-il guider la
réflexion de tous les acteurs éducatifs afin de limiter l’exclusion définitive aux

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 57


situations les plus graves et ce, dans des conditions respectueuses des personnes.
L’essentiel du travail éducatif reste bien sûr d’aider les jeunes à trouver une place
dans l’école et dans la société et non d’en être exclus.

Principes directeurs
Le respect des principes de droit
Au-delà d’une apparente conformité aux prescriptions légales en matière
d’exclusion définitive, nous déplorons régulièrement, aux différents stades de la
procédure, le non respect des principes généraux de droit, à savoir : les principes
de légalité, de proportionnalité, d’égalité et de non-discrimination, de gradation
des sanctions, de « non bis in idem », de la motivation formelle, de transparence
et de publicité et enfin celui des droits de la défense.
Face à l’adage, « nul ne peut ignorer la loi », nous constatons que les élèves et
leurs parents sont le plus souvent mal voire pas informés de leurs droits et
obligations.
Par ailleurs, dans le cadre d’une décision unilatérale qui s’impose à un mineur
d’âge et pour permettre à l’enfant de comprendre les faits incriminés et leur
gravité et ainsi entrer dans une démarche de reconnaissance et de réparation, nous
rappelons l’importance de la motivation formelle de l’acte pris. Elle n’est pas
toujours rencontrée et est parfois formulée en termes généraux (ex : « porte
atteinte à la bonne marche de l’établissement »…) n’explicitant pas les faits précis
incriminés, ni si ces faits sont bien imputables à l’élève dont question.
Parole de parents : « Lors de l’audition devant le directeur, je me suis
retrouvée toute seule, perdue, je ne savais pas ce qui se passait. Jamais
l’école ne m’avait prévenue des remarques que les professeurs faisaient
à ma fille. J’ignorais que j’avais la droit d’être assistée par une
personne de confiance et encore moins que j’avais le droit de consulter
ou d’avoir une copie du dossier disciplinaire de ma fille pour préparer
au mieux cette audition et comprendre ce qu’on lui reprochait
clairement. »

L’intérêt de l’enfant comme considération primordiale dans la décision


La Convention internationale des droits de l’enfant prévoit que dans toutes les
décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions
publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités
administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être
une considération primordiale.
Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies précise que quand une décision
qui affectera un enfant spécifique, un groupe identifié d’enfants ou des enfants en
général doit être prononcée, le processus de prise de décisions doit inclure une
évaluation de l’impact possible (positif ou négatif) de la décision sur l’enfant ou les
enfants concerné (s).
Il faut donc que la procédure d’exclusion scolaire intègre cette évaluation d’impact
et que la décision finale considère et prenne en compte l’intérêt de l’enfant
comme une considération primordiale.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 58


Parole de professeur : « Lors d’un Conseil de classe d’exclusion,
généralement, seul l’intérêt de l’école (au sens large) compte. Il est
très difficile pour un professeur de voter contre une exclusion lorsqu’un
collègue est concerné ; cela revient d’une certaine manière à le
discréditer. Les solutions alternatives prenant en considération l’élève
en cours d’exclusion ne sont pas réfléchies, car elles sont aussi souvent
méconnues. »

La non-discrimination entre les élèves en fonction du réseau


Si la procédure d’exclusion définitive peut sembler, sur papier, identique dans
chaque réseau, la réalité est sensiblement différente pour les élèves suivant qu’ils
fréquentent des écoles des réseaux organisés ou subventionnés par la Fédération
Wallonie-Bruxelles. Les différences sont particulièrement saillantes au niveau des
possibilités de recours et des modalités de réinscription des élèves exclus. Cette
situation discriminatoire entraine des désavantages pour certains enfants sur la
base inopportune de leur fréquentation de telle ou telle école.
Parole de travailleur social : « Comment comprendre qu’en fonction du
réseau dans lequel tu es inscrit, tu disposes ou non d’une possibilité de
recours non judiciaire ? Les parents n’ont ni les moyens financiers, ni
temporels (délai de réponse très long) pour s’engager dans ce type de
procédure. Il s’agit d’une manière de les décourager et de rendre les
recours inopérants. »

Le droit à la participation des enfants et de leurs parents


Tous les citoyens ont le droit de participer au fonctionnement d’une société
démocratique, y compris les enfants, sujets de droit à part entière. La
participation des enfants, c’est le droit, pour les enfants, d’être entendus et
d’être associés à la prise des décisions, à la maison, à l’école, dans leur village ou
leur quartier, et dans toutes les procédures judiciaires ou administratives qui les
concernent.
La procédure d’exclusion définitive ne peut donc violer ce droit fondamental
consacré par des normes juridiques supérieures aux lois scolaires (Convention
internationale des droits de l’enfant, Constitution belge…). Il est urgent que la
procédure d’exclusion définitive se conforme à ce droit des enfants dont la
réalisation prépare tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de
contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et
ouverte aux autres cultures50, mission fondamentale de l’école.
Parole de jeune : « L’école ne m’a pas laissé de chance. Je reconnais
que j’étais parfois difficile en classe, mais j’avais des bons points.
J’aurais aimé qu’on m’écoute et qu’ils comprennent au lieu de sans
cesse me sanctionner. »

50
Article 3 du décret mission

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 59


L’école comme lieu d’apprentissage, mais aussi lieu de vie et de
socialisation.
L’importance qu’a prise la réussite scolaire dans le monde d’aujourd’hui fait
souvent perdre de vue que l’école a aussi pour fonction de socialiser les enfants à
un univers de règles communes qui, par définition, se présentent au départ à
l’enfant comme une contrainte extérieure.
Il est donc indispensable que l’école se réapproprie la mission de répondre aux
besoins éducatifs des élèves, qui n’arrivent pas tous avec le même bagage de
connaissances, mais surtout d’habiletés, de compétences sociales et
comportementales. Les écoles doivent endosser la responsabilité (répondre de)
envers tous les élèves y compris les élèves en conflit avec les normes, règles et
figures d’autorité scolaires. À l’adolescence en particulier, il est indispensable de
laisser une place à l’expérimentation et la transgression et à son traitement.
Parole de jeune : « J’étais un chat sauvage. Après le divorce de mes
parents, mon désintérêt des cours me conduisait à trainer dans les bars.
J’étais décidée à refuser toute règle. Je haïssais les adultes et leur
monde. Finalement, j’ai rencontré une prof de français. Elle m’ouvrait
les portes des mots, des images. Elle m’a beaucoup encouragé,
félicitant mon travail. Un jour, je me suis bagarrée avec une autre fille.
Je me souviens de son regard et de sa phrase marquant sa déception. Ce
jour-là, j’ai eu honte de moi, de ma violence. À partir de là, j’ai
changé… »
Parole de chercheur : « Il y a [...] un comportement sécuritaire
fantasmé qui consiste à vouloir éradiquer tous les comportements
jeunes, y compris ceux liés à l’adolescence et à la brutalité inhérente
aux jeunes garçons »

Une sanction porteuse de sens et de perspectives pour les enseignants


et les élèves
Les sanctions négatives, et spécifiquement l’exclusion définitive, ouvrent la porte
à une grande subjectivité et sont inopérantes pour la plupart des élèves.
L’expérience de terrain et la recherche en éducation mettent en évidence les
limites de ce type de gestion disciplinaire. En effet, en ce début de 21e siècle, il
faut sortir du modèle d’une autorité vue comme un rapport de force et le
remplacer une autorité éducative qui favorise le dialogue et la participation dans
un cadre clair.
Notre système scolaire, tel qu’il existe actuellement, est un système qui a du mal à
inclure et qui ne fait pas sens pour un grand nombre d’élèves. Sans prise en compte
de cela et sans remise en question de ce système, la réduction du nombre
d’exclusions demeurera impossible.
Parole de travailleur social : « À la base, la sanction avait une
connotation positive, on parle d’ailleurs de “la sanction des études”,
par exemple. Mais très vite, seul l’aspect négatif est entré dans nos
esprits. L’école se doit de revenir à un aspect positif, elle doit ainsi
pouvoir donner des points en comportement quand cela est nécessaire
et être pédagogique en cas de transgression, et cela afin de faire
comprendre l’inadéquation du comportement de l’élève. »

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 60


L’exclusion définitive et le refus de réinscription : des mesures
exceptionnelles
L’exclusion définitive est une sanction grave qui doit dès lors être exceptionnelle
et réservée aux seuls faits les plus graves.
Il faut dès lors encourager les établissements scolaires à élaborer des pratiques
inclusives qui permettent aux élèves de comprendre, d’adhérer et d’acquérir les
comportements et compétences sociales attendus. L’école doit amener
progressivement chaque élève à endosser le métier d’élève, quel que soit son
bagage de départ.
Parole de parents : « J’ai le sentiment que l’exclusion définitive est
utilisée pour sélectionner des élèves que l’on ne veut pas dans l’école.
La direction m’a dit : “votre fille n’est pas faite pour notre école”
alors, si on ne veut plus d’un élève dans l’école, il suffit de le mettre
en échec en comportement, ce qui est contraire au règlement qui dit
que l’élève qui n’a pas sa moyenne en comportement est renvoyé de
l’école et donc autorise le renvoi d’élève pour principalement :
“bavarde”, “dérange”. ».
Parole de proviseur : « Si tu n’es pas d’accord avec le règlement
d’école, tu n’as qu’à changer d’école et aller dans une école poubelle.
On va te laisser faire tes examens, puis tu seras exclu après les
examens. » (alors que la procédure d’exclusion n’avait pas encore
débuté)

L’exclusion définitive sans entrave au droit à l’instruction


Lorsqu’une procédure d’exclusion définitive est entamée, l’écartement de l’élève
concerné est devenu quasi automatique, ce qui est contraire aux dispositions
prévues dans la loi51. En rallongeant d’autant le temps de déscolarisation,
l’écartement entrave de manière conséquente le droit à l’instruction des élèves,
ce qui n’est pas tolérable.
De même, le temps qui s’écoule entre le début de la procédure d’exclusion
définitive et la réinscription de l’élève dans une autre école peut durer plusieurs
mois. L’exclusion d’un élève pour des raisons disciplinaires met en péril la réussite
de l’année en cours quand elle ne conduit pas in fine à un décrochage complet.
Il faut donc éviter à tout prix ces doubles peines infligées aux élèves.
Parole de jeune : « J’ai 17 ans et je suis en 5e secondaire. J’ai été
renvoyé à la fin du premier trimestre. Heureusement, j’ai quand même
pu passer mes examens et j’ai tout réussi. Maintenant on est en mars et
je suis toujours sans école. La Commission me propose une école trop
éloignée (1h30 de trajet pour aller). Ma mère essaye de trouver une
école plus accessible, mais c’est dur. J’ai peur de devoir attendre la
rentrée l’année prochaine. Ça me fera un an de perdu. »

51
Art 81 et 89 du décret mission

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 61


Recommandations relatives à l’exclusion définitive
Circonscrire les faits pouvant conduire à une procédure d’exclusion
définitive
Trois éléments doivent impérativement évoluer :
— L’exclusion définitive ne peut être envisagée que sur base de faits graves,
avérés et imputables à l’élève.
— Sur base du principe général de droit « non bis in idem » et du principe de
proportionnalité, l’exclusion définitive sur base d’une accumulation ou d’une
répétition de faits mineurs doit être proscrite.
— S’il n’est pas souhaitable de disposer d’une liste exhaustive des faits pouvant
légalement entrainer une exclusion définitive, il est urgent de revoir la
caractérisation des faits qui permet l’entame d’une procédure d’exclusion
définitive, soit actuellement : les faits dont l’élève s’est rendus coupable qui
portent atteinte à l’intégrité physique, psychologique ou morale d’un membre
du personnel ou d’un élève, qui compromettent l’organisation ou la bonne
marche de l’établissement ou qui lui font subir un préjudice matériel ou
moral grave. 52
Ressentis d’enseignants : « Le comportement le plus anodin est de « s’endormir
réellement pendant un cours », le plus gênant est de « parler à haute voix sans
rapport avec l’activité de la classe », mais « intervenir sans être sollicité par le
professeur » est tout aussi perturbant pour les enseignants que d’« apporter un
couteau à cran d’arrêt en classe ».
Parole de chercheur : « On réagit au moindre incident, comme si la
gravité ne tenait pas à sa nature même, mais à sa valeur de signe avant-
coureur »
Parole de parent : « Lorsque j’ai été chercher le bulletin de Noël, le
titulaire m’a remis une lettre avec accusé de réception disant que mon
enfant était écarté des cours les 9 et 10 janvier et qu’un rendez-vous
est fixé le 11 janvier avec le directeur. La procédure d’exclusion
définitive est mise en route. Il m’a dit que mon enfant ne doit plus se
présenter à l’école et que je dois déjà chercher une autre école (même
si c’est impossible de trouver une école à cette période de l’année). J’ai
pas compris, sur la lettre, il était juste écrit le comportement de M.
reste en contradiction flagrante avec le règlement d’ordre intérieur. »

Limiter l’écartement de l’élève durant la procédure d’exclusion (y


compris l’éventuel recours) et baliser ses modalités d’application
La décision d’un écartement durant la procédure au vu des faits commis doit être
exceptionnelle et se faire en conformité avec les dispositions légales.
L’élève exceptionnellement écarté ne peut en aucun cas être privé de son droit à
l’instruction. Les acteurs de l’école ont la responsabilité de la continuité des
apprentissages. Ils doivent donc dispenser à l’élève écarté un suivi éducatif

52
Articles 81 et 89 du décret mission

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 62


soutenu. L’élève écarté doit, au même titre que les autres élèves, disposer des
notes de cours, effectuer les travaux scolaires appropriés et pouvoir présenter les
évaluations formatives ou certificatives prévues.
Parole de travailleur social : « Il nous semble que ces dernières années,
la règle relative à l’écartement provisoire lors d’une procédure
d’exclusion est devenue le principe plutôt que l’exception. »

Garantir les principes fondamentaux de droit en équilibrant et


élargissant les personnes habilitées à statuer sur l’exclusion définitive
Sur base des principes généraux de droit que sont « l’interdiction de se faire
justice soi-même », « l’interdiction d’être à la fois juge et partie à la même
cause » et le principe de l’impartialité de l’autorité décisionnelle, il est important
de permettre au chef d’établissement ou au pouvoir organisateur de ne pas
endosser seul la responsabilité décisionnelle.
Nous proposons que les décisions d’exclusions définitives soient édictées, au sein
de chaque établissement scolaire, de manière paritaire et équilibrée par des
représentants des élèves, des parents, des enseignants, du PO ou du chef
d’établissement, et des acteurs internes et externes qui ont de par leur mission
une expérience dans la résolution des conflits scolaires. Pour ne pas créer un
nouvel organe au sein des écoles, il faudrait intelligemment agencer cette mission
collective de statuer en première instance sur l’exclusion définitive d’un élève de
manière paritaire à un autre dispositif existant ou à venir.
En outre, pour assurer les droits de la défense, les acteurs désignés pour statuer
sur l’exclusion doivent, au début de la procédure (en amont de la décision donc !),
entendre et prendre en considération l’avis des parties impliquées : l’élève et ses
représentants légaux s’il est mineur, d’une part, l’enseignant ou autres acteurs
scolaires concernés par le fait grave avancé, d’autre part. Les différentes parties
doivent disposer d’une information adaptée dans sa forme et son contenu, doivent
pouvoir être accompagnées de la personne de leur choix, discuter des preuves et
être entendues dans des conditions adéquates. Le droit à la participation ainsi
reconnu aux différentes parties concernées doit permettre aux décideurs
d’objectiver les faits, et ainsi fonder et motiver leur décision.
Parole de médiateur : « Alors qu’elle progressait, alors qu’un travail
d’accompagnement avec un réel dialogue avec la jeune fille avait été
mis en place avec la médiatrice interne de l’école et le sous-directeur,
le professeur bousculé va demander le renvoi définitif et la direction
suivra. Régulièrement, nous entendons des directions évoquer cette
problématique : elles n’osent pas s’opposer à une demande d’exclusion
d’un ou de professeurs, même si les faits ne justifient pas le renvoi
définitif ; or la décision finale appartient à la direction (dans les faits,
elle dépend plus du conseil de classe et parfois d’avis minoritaires des
enseignants). »

Renforcer le suivi et l’accompagnement de l’élève par l’école excluante


jusqu’à son inscription dans une nouvelle école
Il faut renforcer les responsabilités des acteurs de l’école excluante en leur
imposant la prise de mesures destinées à garantir la poursuite de la scolarité de
l’élève et sa réintégration.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 63


L’élève exclu doit, dans l’intervalle de temps qui s’écoule entre la notification de
l’exclusion définitive et son inscription dans un nouvel établissement scolaire, faire
l’objet d’un suivi éducatif dispensé par l’équipe éducative de l’école excluante. En
d’autres termes, le chef d’établissement de l’école initiale, en partenariat avec
l’équipe éducative et en collaboration ou délégation avec des services internes ou
externes, doit rester responsable du suivi et de l’accompagnement de l’élève et
élaborer avec le jeune un projet constructif de scolarisation.
Parole de parent : « À partir du moment où mon fils a été écarté, il
n’avait plus accès aux notes de cours ou aux photocopies remises aux
autres élèves de sa classe. Il s’est retrouvé perdu. Personne ne s’est
soucié de savoir s’il avait été réinscrit dans une autre école, nous
sommes restés ainsi plus de 4 mois avant qu’il puisse retrouver une
autre école. »

Créer un organe de recours externe commun à tous les élèves de tous


les réseaux
Pour lever toute ambigüité relative à l’égalité de traitement entre les élèves en
matière de recours externe stipulé dans les principes directeurs, nous
recommandons la mise en place d’un organe de recours externe commun à tous,
neutre et indépendant à l’image de ce qui existe déjà pour les recours externes
contre les décisions des conseils de classe.
Parole de médiateur : « Il s’agit de la manière la plus juste et la plus
neutre pour rendre les recours effectifs et enlever toute suspicion de
partialité de la part de l’organe de recours. »

Reconnaitre et clarifier les missions et pratiques d’une Commission


Zonale d’inscription inter réseaux (CZIIR)
La réintégration, la scolarisation, l’accrochage scolaire des élèves exclus d’un
établissement scolaire ne peut se faire sur base de découpages institutionnels et
considérations historiques qu’est l’organisation de notre système scolaire en
réseaux.
Dans l’intérêt de l’enfant, l’adéquation entre le projet de scolarisation et le projet
d’établissement, l’accessibilité géographique, sociale et culturelle doit prévaloir.
Nous souhaitons donc l’uniformisation des règles relatives à la recherche et
l’inscription dans un établissement scolaire après un renvoi définitif et souhaitons
la reconnaissance, la création et le financement d’une Commission Zonale
d’inscription inter réseaux.
Parole d’un élève : « J’ai 18 ans et lorsque mon assistant social a
contacté la Commission, car nous n’avions pas trouvé d’école et que
nous n’avions pas de leur nouvelle, on lui a répondu qu’il ne devait pas
m’aider, car j’étais devenu majeur. »
Parole de parents : « Nous avons eu beaucoup de mal à joindre la
Commission Zonale car elle était composée que d’une personne qui en
plus était bénévole… »

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 64


Réguler le flux des élèves exclus
Aucune règle ne régule le flux des exclusions et des non-réinscriptions. Chaque
école peut exclure des élèves sans en accueillir d’autres, ce qui peut concentrer
dans certaines écoles les élèves exclus ou en situation de décrochage et participe à
la dualisation de notre système scolaire.
Il est donc essentiel d’évoluer :
— dans l’appréhension du phénomène d’exclusion définitive, de la non-
réinscription et de la déscolarisation des élèves en disposant, notamment, de
données statistiques fiables et de qualité ;
— dans l’évaluation de l’ensemble des dispositifs, procédures et pratiques
d’exclusion scolaire (CZI, recours, auditions, délais…) ;
— dans la mise en place d’un mécanisme qui rend chaque établissement
solidaire et responsable de la prise en charge des élèves exclus, en dehors des
logiques d’appartenance à l’un ou l’autre réseau d’enseignement ;
Parole de professeur : « Dans une école où les cas difficiles sont
finalement rares, il arrive que les enseignants — qui auraient les
moyens de faire quelque chose — ne cherchent plus à travailler pour
qu’un élève déviant aille mieux. Ils veulent faire disparaitre la
difficulté (en changeant les élèves d’école ou en mettant l’élève en
fond de classe) sans la régler. Dans les écoles où les enfants demandant
de l’attention (par la violence ou l’échec scolaire) sont beaucoup plus
nombreux, les enseignants sont plus inventifs pour parer à la violence,
car on ne peut pas faire semblant de ne pas la voir. Malheureusement
ils en ont beaucoup et parfois la sauce tourne mal et le cercle vicieux
s’installe. Dans ces cas, tout le monde y perd. »

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 65


Bibliographie
Ouvrages et articles
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VIENNE, Ph., Les pièges et dilemmes de l’exclusion scolaire, Éducation et
Formation, e295, aout 2011.

Textes légaux
Décret définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de
l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, D.
24-07-1997.
Décret visant à assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation
sociale, notamment par la mise en œuvre de discriminations positives, D. 30-06-
1998.
Décret portant diverses mesures de lutte contre le décrochage scolaire, l’exclusion
et la violence à l’école, D. 12-05-2004.
Circulaire n° 2327 du 02/06/2008, Dispositions communes en matière de faits
graves devant figurer dans le règlement d’ordre intérieur de chaque établissement
d’enseignement subventionné ou organisé par la Communauté française.
Circulaire n° 4103 du 16/08/2012, Obligation scolaire, inscription des élèves,
fréquentation scolaire, sanctions disciplinaires, assistance en justice et/ou
assistance psychologique d’urgence dans l’enseignement secondaire ordinaire
subventionné par la Fédération Wallonie-Bruxelles
Circulaire n° 4104 du 16/08/2012, Obligation scolaire, inscription des élèves,
fréquentation scolaire, sanctions disciplinaires, assistance en justice et/ou
assistance psychologique d’urgence dans l’enseignement secondaire ordinaire
organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles
Circulaire n° 3974 du 25/04/2012, Règlement d’ordre intérieur, Guide pratique.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 68


Annexes
Annexe 1 : Les acteurs dans et autour de l’exclusion
scolaire
Nous présentons ici quelques-unes des institutions évoquées dans le cadre de cette
étude. Toutes les présentations sont tirées des sites enseignement.be,
aidealajeunesse.cfwb.be ou pass.irisnet.be

Aide en Milieu ouvert - AMO


Les services d’aide en milieu ouvert ont pour activité l’aide préventive au bénéfice
des jeunes dans leur milieu de vie et dans leurs rapports avec l’environnement
social. L’aide préventive comporte nécessairement l’aide individuelle, l’action
communautaire et éventuellement l’action collective. Ces trois dimensions sont
intégrées et sous-tendues par un même objectif de prévention. Le service
intervient de manière non contraignante et à la demande du jeune ou de ses
proches.

Équipes mobiles
Dans sa lutte contre le décrochage scolaire, l’exclusion et la violence à l’école, la
Fédération Wallonie-Bruxelles a institué les équipes mobiles.
Ces équipes, composées d’intervenants extérieurs aux écoles, ont pour missions :
— le travail avec les « jeunes en situation scolaire » : exemple : groupes de
parole pour favoriser le dialogue et l’écoute, pour apprendre à gérer les
situations conflictuelles.
— le travail avec les « jeunes en situation critique » : exemple : jeune en
situation de décrochage scolaire, élève ayant un comportement perturbateur.
— le travail avec les adultes : « intervention auprès des adultes et des équipes
éducatives » : exemple : coaching de la direction, travail sur la
communication.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 69


— le travail avec les adultes et les élèves : « écoute et soutien en situation de
crise » : exemple : décès d’un élève, agression.
— le travail avec les adultes : « accompagnement dans la gestion des conflits » :
exemple : tensions entre des institutrices et une puéricultrice, au sein du
personnel ouvrier, entre les parents d’élève et l’équipe éducative.
— la formation au profit des membres de l’équipe éducative : exemple :
formation à la gestion des conflits, ayant trait au climat en classe.
Les équipes mobiles interviennent à la demande du chef d’établissement dans
l’enseignement fondamental et secondaire, ordinaire et spécialisé organisé par la
Fédération Wallonie-Bruxelles et du pouvoir organisateur dans l’enseignement
fondamental et secondaire, ordinaire et spécialisé subventionnés.

Commission Zonale d’inscription - CZI


Lorsqu’un chef d’établissement de l’enseignement fondamental ou secondaire ne
peut inscrire un élève qui en fait la demande, il lui remet une attestation de
demande d’inscription sur laquelle figurent le motif du refus de l’inscription et les
coordonnées des Commissions d’inscription, spécifiques à chaque réseau
d’enseignement.
Ces Commissions assisteront l’élève et ses parents en vue de l’inscrire dans un
établissement d’enseignement organisé ou subventionné par la Communauté
française.
Ces Commissions d’inscription interviennent également en cas d’exclusion
d’unélève en proposant son inscription dans un autre établissement scolaire.

Les Centres Psycho Médico Sociaux – CPMS


Les Centres Psycho Médico Sociaux sont des lieux d’accueil, d’écoute et de
dialogue où le jeune et/ou sa famille peuvent aborder les questions qui les
préoccupent en matière de scolarité, d’éducation, de vie familiale et sociale, de
santé, d’orientation scolaire et professionnelle…
Le Centre PMS est à la disposition des élèves et de leurs parents, dès l’entrée dans
l’enseignement maternel et jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire. Il
développe également des activités au bénéfice des élèves fréquentant les Centres
d’Éducation et de Formation en Alternance (CEFA) ainsi que de leur famille.
Tout comme un établissement scolaire, le Centre PMS appartient à un réseau
organisé ou subventionné par la Fédération Wallonnie-Bruxelles.
Le personnel est soumis au secret professionnel. Il travaille en toute indépendance
vis-à-vis des écoles.
Le Centre PMS développe des partenariats avec différents services, dans le respect
du secret professionnel et de l’intérêt de l’élève. Ses principaux partenaires sont
les personnels scolaires et les services de promotion de la santé à l’école (SPSE).
Les avis du Centre sont donnés à titre consultatif, c’est-à-dire que les parents ou
ceux qui exercent l’autorité parentale gardent toujours leur liberté de décision.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 70


Service d’Accrochage scolaire – SAS
Parmi les dispositifs de lutte contre le décrochage et la violence en milieu scolaire,
la Fédération Wallonie-Bruxelles a institué les services d’accrochage scolaire.
Ces services accueillent et aident temporairement des élèves mineurs :
— exclus d’un établissement d’enseignement organisé ou subventionné par la
Fédération Wallonie-Bruxelles et ne pouvant être réinscrits dans un
établissement scolaire ;
— inscrits dans un établissement d’enseignement organisé ou subventionné par
la Fédération Wallonie-Bruxelles et qui sont en situation de crise au sein de
l’établissement ;
— qui ne fréquentent pas l’école sans pour autant avoir été exclus d’un
établissement scolaire ;
Les services d’accrochage scolaire ont pour mission de leur apporter une aide
sociale, éducative et pédagogique par l’accueil en journée et, le cas échéant, une
aide et un accompagnement dans leur milieu familial. L’aide dont ils bénéficient
leur permettra d’améliorer leurs conditions de développement et d’apprentissage.

Services d’Aide et d’Intervention Educative - SAIE


Les Services d’aide et d’intervention éducative (SAIE) apportent aux jeunes et à
leurs familles une aide éducative dans le milieu familial de vie ou en logement
autonome. Ils sont mandatés par le Tribunal de la jeunesse, par le Conseiller ou
par le Directeur de l’aide à la jeunesse.

Service de l’Aide à la jeunesse - SAJ


Aider les jeunes en difficulté ou en danger, c’est la principale mission du conseiller
de l’aide à la jeunesse qui dirige le S.A.J.
Le conseiller et les travailleurs sociaux du S.A.J. proposent une aide aux jeunes de
0 à 18 ans qui sont en difficultés et aux enfants considérés en danger (c’est à dire
dont la santé ou la sécurité est menacée).
Il peut aussi venir en aide aux parents qui en font la demande parce qu’ils
rencontrent des difficultés avec leurs enfants.
Le S.A.J. intervient donc à la demande des jeunes ou de leur famille. Il peut aussi
intervenir parce que des inquiétudes lui ont été transmises par une personne
extérieure à la famille, par un service, par une école ou par le Parquet.
L’aide que propose ce service est une aide volontaire, c’est-à-dire que rien ne
pourra être décidé sans en avoir d’abord parlé avec les personnes intéressées
(jeune, parents, familiers concernés) et surtout sans leur accord final.

Service de la Médiation scolaire


Parmi les dispositifs de prévention du décrochage et de la violence en milieu
scolaire, la Fédération Wallonie-Bruxelles a instauré la médiation scolaire.
Cette fonction est exercée par deux services :

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 71


— le Service de la Médiation scolaire en Région bruxelloise. Les intervenants
sont internes : les médiateurs sont présents dans les établissements tout au
long de l’année.
— le Service de la Médiation scolaire en Région wallonne. Les intervenants sont
externes : les médiateurs couvrent une zone géographique déterminée et
interviennent individuellement ou en groupe dans les établissements scolaires
sans y être attachés.
Ces services ont pour mission de s’occuper des problèmes relationnels entre des
élèves, entre des parents d’élèves et les membres du personnel, entre les membres
du personnel et des élèves ou groupe classe.
Les services de la médiation interviennent à la demande de la direction, d’un
enseignant, d’un éducateur, d’un élève et/ou de sa famille, d’un service extérieur
(service d’accrochage scolaire, service de l’Aide à la jeunesse…).

Services résidentiels pour jeunes - SRJ


Si en raison du handicap, le milieu familial ne peut plus assurer l’encadrement, les
SRJ offrent aux jeunes porteurs d’un handicap de 3 à 18 ans un accueil permanent
de jour comme de nuit dans un environnement adapté. Ces services sont également
un lieu d’écoute et de soutien pour les familles.
Dans la mesure du possible, il s’agit d’une phase transitoire qui permet de relancer
le développement de l’enfant en mobilisant ses compétences et celles de ses
parents.

Services scolaires communaux


Il existe au sein de chaque service de prévention des 19 communes de la Région de
Bruxelles-Capitale un service scolaire gratuit
- Aux élèves et aux familles scolarisés ou domiciliés dans la commune, ce
service offre un accueil et un accompagnement dans les matières telles
que : recherche d’école et inscription scolaire, information et aide sur les
filières, les options, les recours, la législation scolaire, médiation en cas de
conflit entre l’élève ou la famille et un membre de l’école, exclusion
scolaire, remobilisation scolaire…
- Aux écoles (tous réseaux confondus) et aux partenaires locaux, ce service
offre, en fonction de ses spécificités : un soutien aux projets d’accrochage
scolaire, des séances d’information, le développement de partenariats, des
réunions de concertation en collaboration avec les acteurs locaux, des outils
pratiques…

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 72


Annexe 2 : Canevas du récit

La journée d’étude se basera sur le vécu de différents acteurs éducatifs.


Deux étapes de travail seront proposées :
— identification de problèmes-clés à partir de constats tirés de l’analyse de
récits abordant des situations d’exclusion et de non-réinscription,
— élaboration de pistes de solutions et recommandations.
Pour préparer la journée, nous demandons aux participants de communiquer un
récit en lien avant le 25 septembre avec leur pratique professionnelle.
Parmi les récits récoltés, certains seront choisis comme document de travail pour
la journée d’étude. Les auteurs seront recontactés à ce sujet.

Thèmes des récits


Ceux-ci peuvent évoquer :
— un processus d’exclusion/de non-réinscription,
— un fait ayant conduit à l’exclusion,
— un accompagnement d’un élève exclu et/ou de sa famille,
— une expérience qui a permis d’éviter l’exclusion
— …
Consignes d’écriture
Il s’agit de décrire une situation avec précision : le contexte, les acteurs,
l’enchainement des faits, des gestes et des paroles, les émotions ressenties…

Par contre, il ne s’agit ni de donner des interprétations, ni de rechercher les


erreurs, ni de proposer des solutions. Seulement une histoire à l’état brut.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 73


Annexe 3 : Grille de lecture
Pour chacun des récits

Récit n°…

Identifier les différents acteurs et leur


point de vue dans ce récit

Chercher les contradictions, les


oppositions, les paradoxes, les tensions

Identifier 1 à 3 problèmes centraux que


pose ce récit

Identifier les causes possibles de ces


problèmes.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 74


Annexe 4 : Grille d’entretien

Afin de compléter son étude sur le thème de l’exclusion scolaire définitive,


ChanGements pour l’égalité souhaite récolter le point de vue d’une série
d’intervenants. Dans cette perspective, nous souhaiterions que vous répondiez aux
questions suivantes :

Présentation succincte (Missions-objectifs-activités)

Quel est votre rôle effectif dans le cadre des exclusions scolaires définitives
et diffère-t-il des textes de loi ?

Quels sont vos constats, difficultés rencontrées ?

Vos suggestions d’amélioration, propositions concrètes pour diminuer les


exclusions scolaires définitives ?

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 75


Annexe 5 : Les partenaires et leurs contributions

Contribution du Délégué général aux droits de l’enfant.


En 2010, le Délégué général constatait, pour la première fois depuis sa création,
l’explosion du nombre de saisines en lien avec l’enseignement. Cette tendance
s’est vue confirmée en 2011, au point que cette thématique est devenue la
première, avant même les situations de séparation et de divorce et celles de
maltraitance.
Même si cette explosion résulte peut-être en partie des nombreuses prises de
position de l’institution relatives aux questions scolaires, elle nous confirme
toutefois dans l’idée que la situation des relations interpersonnelles au sein des
écoles se détériore et mérite un intérêt accru.
Parmi les nombreux motifs de plaintes et de demandes d’information dans le
milieu scolaire, trop nombreuses sont celles relatives à la légalité des procédures
d’exclusion. Mais d’autres, plus inquiétantes encore, sont en constante
augmentation et concernent non plus la conformité ou la légalité, mais bien la
matérialité des faits incriminés et leur gravité au regard de l’ampleur de la
sanction et de ses conséquences sur l’avenir scolaire des enfants. On relève
également que ces plaintes ne concernent plus seulement l’enseignement
secondaire, mais aussi, de plus en plus souvent, le niveau primaire et même le
maternel.
L’analyse des situations révèle un seuil de tolérance en baisse constante à l’égard
des comportements jugés inconvenants et difficiles dans les écoles. La
multiplication de contrats dit « de comportement » ou « pédagogiques », qui
constituent souvent l’antichambre de l’exclusion en est un puissant révélateur ;
ces contrats se limitant souvent à fixer à l’élève des objectifs inatteignables sans
engagement, en contrepartie, de la part de l’école. Leur unilatéralité et leur
irréalisme interrogent également. L’adolescence, pourtant reconnue depuis bien
longtemps comme LA période par excellence de la transgression se voit ainsi
quasiment niée. Par ailleurs, le flou que recouvre la notion d’atteinte à l’intégrité
psychique laisse place à une totale subjectivité. Selon les lieux, les motifs
d’exclusion vont du fait le plus banal au plus grave. Par ailleurs, la notion de
gradation de la sanction et/ou de mise en place de mesures alternatives semble
souvent faire défaut et des dossiers disciplinaires sont clairement rédigés à
postériori.
Sans en faire une généralité toutefois, les contacts et les rencontres avec les
élèves concernés et leurs parents confirment une constante détérioration des
relations au sein des écoles et la progression d’un climat de méfiance réciproque
entre les élèves, leur entourage et les collectivités scolaires.
Depuis l’arrivée du décret Inscriptions, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et
que l’institution s’est donné pour mission de faire connaitre dans les milieux les
plus défavorisés de Bruxelles, le nombre d’exclusions au cours du 1er degré du
secondaire a augmenté dans des proportions qui ne peuvent laisser personne
indifférent.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 76


Une autre préoccupation majeure du Délégué général est le temps qui s’écoule
entre une exclusion définitive et la réinscription de l’élève dans une autre école.
Cette période qui tend, d’après nous, à s’allonger jusqu’à durer plusieurs mois met
souvent en péril la réussite de l’année en cours quand elle ne conduit pas in fine à
un décrochage complet. Dans les deux cas, il s’agit bien d’une double peine qui est
ainsi infligée aux enfants.

Contribution de l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la


Jeunesse.
« Si l’on prend la peine d’expliquer à l’homme le pourquoi et le comment de ce qui
lui est imposé, sa liberté et sa raison entreront en jeu, elles sont, pour l’action,
des auxiliaires plus féconds que la hargne ou la semi-hébétude née de la
contemplation d’un imprimé rédigé dans une langue apparemment étrangère... »53
Convaincu que tous les citoyens ont le droit de participer au fonctionnement d’une
société démocratique, y compris les enfants, qui sont des sujets de droit à part
entière, l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse
focalise dès 2006 une partie de ses travaux de recherches et d’études sur la
participation des enfants et des jeunes aux décisions qui les concernent.
Mais pourquoi s’intéresser à l’école ? Parce que les enfants nous disent que c’est
l’absence d’ « agency » (la possibilité d’être acteur) qui, pour une partie
importante des enfants, fait de l’école un lieu « qui n’a rien à voir avec le bien-
être »54. Parce qu’ils nous indiquent que, dans leur vie en général, ils ont la plupart
du temps donné leur avis lors de la dernière décision importante alors que, par
contraste, dans leur vie scolaire, ils n’ont pas l’occasion de donner leur avis et s’ils
le donnent, il n’est pas écouté55. Les enfants ont donc suffisamment attiré notre
attention sur le déficit de participation à l’école pour que nous les écoutions.
En 2006 toujours, l’Observatoire passe au crible tous les textes législatifs et
règlementaires qui, en Fédération Wallonie-Bruxelles, organisent d’une manière ou
d’une autre les formes d’implication des enfants et des jeunes dans les décisions
qui les concernent. Ce travail a révélé des manquements, notamment dans les
procédures administratives en vigueur dans nos écoles.
En 2010, nous entamons un travail, avec des partenaires scolaires et non scolaires,
qui s’attache au droit à la participation des enfants dans le cadre des sanctions
disciplinaires et particulièrement dans le cadre de la procédure relative au renvoi
définitif et au refus d’inscription. Ce travail est en cours, mais il nous importe déjà
de mettre en lumière quelques éléments qui mettent à mal les droits des enfants
tels que : la méconnaissance des règles de droit, le manque de clarté et de
consensus sur les acceptions, les objectifs, les contours des sanctions disciplinaires,
les difficultés relatives aux rôles, places et pouvoirs des différents acteurs, les

53
RIVERO, J., : À propos des métamorphoses de l’administration, dans « Mélanges Savatier », p. 828,
cité par N. POULET-GIBOT LECLERCQ : Le Conseil d’Etat et le contenu de la motivation des actes
administratifs ; Dalloz Sirey, Chronique XII, p. 61.
54
Synergies & Actions pour l’OEJAJ, Ce que les enfants entendent par bien-être, 2008, p.66.
55
ONECOM pour l’OEJAJ, 2007 Enquête sur la participation des enfants et des jeunes de 10 à 18 ans,
2007, p.96-105.

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 77


inégalités de traitement entre enfants ou le déficit de participation des enfants et
de leurs parents dans la procédure d’exclusion scolaire.
Promouvoir les droits et le bien-être des enfants et des jeunes est une des missions
centrales de notre service. C’est pourquoi il semble urgent de refonder les
sanctions disciplinaires. Nous mettons en débat et proposons aux autorités
publiques en charge de l’enseignement des recommandations pour que les droits
fondamentaux des enfants soient protégés, respectés et réalisés dans le cadre
scolaire. À défaut de quoi, les enfants et les jeunes s’éloigneront, volontairement
ou non, encore davantage de l’école.
Contribution de ChanGements pour l’égalité et AtMOsphères.
« Exclusions scolaires définitives, des ruptures évitables ? », tel était le thème
d’une journée d’étude qui a eu lieu le 18 octobre 2012 et qui est le fruit d’une
collaboration entre le mouvement sociopédagogique « ChanGements pour
l’égalité » et une dizaine de services et d’associations bruxelloises56 travaillant
dans l’accompagnement des jeunes et de leurs familles.
Après avoir tenté d’informer, questionner et alerter des responsables du système
scolaire à propos des exclusions définitives et des non-réinscriptions en fin d’année
scolaire, le groupe porteur a souhaité attirer l’attention d’un public plus large sur
cette situation et mobiliser les acteurs concernés. En effet, ce phénomène de
l’exclusion scolaire définitive est d’autant plus inquiétant qu’il touche des jeunes
de plus en plus tôt dans le secondaire qui sont, dès lors, souvent entrainés dans la
spirale de l’échec scolaire ou de la relégation.
En effet, les statistiques de l’année scolaire 2012 montrent que :
— l’exclusion définitive touche davantage les élèves en situation d’échec
scolaire. Un élève issu du premier degré différencié ou complémentaire a cinq
fois plus de risques d’être exclu qu’un élève du premier degré commun. Les
élèves de 3e professionnelle sont surreprésentés dans les statistiques
d’exclusion.
— 82 % des exclus sont des garçons ; ce qui met en lumière une inadéquation du
système scolaire aux réalités d’un grand nombre d’entre eux.
La journée d’étude a réuni plus de cent acteurs, dans et hors école : enseignants,
directions, animateurs d’AMO et de SAS, membres de services de prévention
communaux, agents de CPMS...
Le travail essentiel de cette journée a consisté en l’analyse, en groupes, de récits
relatifs à l’exclusion envoyés au préalable par les participants et classés autour des
thématiques suivantes :
— des situations portées par des directions,
— les causes des exclusions dont beaucoup de causes contestées ou
contestables,

56
AMO AtMOsphères – AMO RYTHME – Antenne Scolaire d’Anderlecht, Service de Prévention –
Médiation scolaire communale de Saint-Gilles – Nota Bene, Asbl Bravvo – Projet Déclic, Service
prévention de la commune de Schaerbeek – Service Droit des Jeunes – Service Prévention scolaire de
Forest – CASG Solidarité Savoir asbl

Exclusion scolaire définitive. Du cadre légal à la réalité : « Mind the gap ! » 78


— et après l’exclusion ?
— des exclusions à répétition.
Les étapes du travail ont mené les participants à la formulation de
recommandations à destination de différentes classes d’acteurs : enseignants,
directeurs, acteurs associatifs et politiques.
Le message central qui ressort de cette journée peut se résumer de la façon
suivante.
Pour enrayer ce phénomène, l’essentiel de l’effort doit porter sur une politique
éducative de prévention. L’école doit rester un lieu d’apprentissage et proposer
des alternatives (médiation, réparation...). De plus, il a été fortement
recommandé aux acteurs scolaires de faire appel anticipativement aux ressources
internes (médiateurs, agents CPMS...) et externes (équipes mobiles, AMO, services
sociaux communaux...) pour soutenir le travail des enseignants face aux élèves en
difficulté.
Par ailleurs, il semble urgent de mieux cadrer la procédure d’exclusion et de se
pencher activement sur les problématiques qui en découlent : relégation,
resocialisation, rescolarisation.
L’exclusion scolaire n’est pas une fatalité. C’est un des symptômes du
dysfonctionnement d’une école inscrite dans une société de plus en plus
individualiste et compétitive.

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