Definition Et Historique Des Contes

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LES CONTES : DEFINITION ET HISTORIQUE

1. Définition du conte de fées

« un récit d’une certaine longueur impliquant une succession de motifs ou épisodes »

« Récit de faits, d’aventures imaginaires destiné à distraire. »

a. Le conte, une histoire orale

Avant toute chose, il convient de préciser que le conte, historiquement, n’est pas un

écrit. En effet, le répertoire des contes est issu de la tradition orale. Le conte désigne alors un

récit d’évènements fictifs transmis oralement et, est d’abord une suite de paroles dites et

entendues, une série d’images et de motifs vécus par les auditeurs. C’est seulement une fois

transcrit qu’il devient un conte, tel qu’on l’entend aujourd’hui.

b. Les caractéristiques du conte

Les termes par lesquels on désigne les contes dans les autres cultures que la nôtre

(« story » en anglais, « Erzählung » en allemand, « öykü » en turc, « monogatari » en

japonais…) montrent avant tout que le conte est un récit. En effet, d’un point de vue

linguistique, on retrouve dans le conte tous les traits caractéristiques du récit que ce soit le

caractère objectif de l’énoncé, les évènements relatés qui s’inscrivent dans le passé,

l’effacement du sujet ou encore l’emploi de la troisième personne ainsi que celui du passé-

simple et de l’imparfait. Ainsi, le conte est narratif : il installe en un temps et un lieu des

personnages auxquels il arrive toujours quelque chose. Le plus souvent, les contes de fées
1
mettent en scène des héros enfants ou adolescents et leur sort constitue la trame du récit.

Fiction absolument libre de toute entrave, le conte est une histoire assez courte qui se termine

généralement bien.

Une caractéristique du conte, la plus universelle et la plus constante, est leur clôture :

« Ayant ses propres lois, sa propre conception des choses et des êtres, le conte se referme sur

soi. Il saute d’incidents en incidents pour rendre tout un évènement qui ne se ferme sur lui-

même de manière déterminée qu’à la fin seulement »1. Les analyses de leur structure narrative

montrent que ce genre de récit soit se détruit, soit recommence, mais du début à la fin. En

effet, les contes n’offrent aux auditeurs ou aux lecteurs aucune possibilité de prolongements

évènementiels.

Concernant l’espace et le temps du conte de fées, on peut dire qu’il existe un univers du

conte, un arrière-monde spécifique et cohérent, dotés de lois qui lui sont propres. Les

références historiques, comme les données géographiques, sont absentes de ces récits.

L’espace dans lequel nous installent les contes de fées est cependant balisé de repères et les

paysages, comme la forêt, sont typiques. Chaque endroit possède une fonction narrative

particulière, et par conséquent, une signification symbolique. De même, les contes nous

emmènent dans un autre temps. Ils sont toujours d’autrefois. Ils appartiennent à un passé

indéterminé, lointain ou proche mais un passé qui n’appartient pas à l’Histoire. Il est sans date

et sans réalité. Chaque fois, le conteur nous inscrit dans une chronologie nostalgique, écho

d’un temps durable et révolu où sans doute tout était possible. En effet, les contes débutent le

plus souvent par des formules telles qu’ « il y a bien longtemps » ou « en ce temps-là ». La

référence au passé permet assurément au conteur d’inventer ses propres lois : elle est non pas

destinée à nous faire croire à l’histoire contée, mais à nous la faire admettre. C’est ainsi que la

1
Edgard SIENAERT, Les lais de Marie de France. Du conte merveilleux à la nouvelle psychologique, Honoré
Champion, 1978, p.22).
2
formule « il était une fois » revêt un caractère magique en abolissant toutes objections que

l’on pourrait faire au conteur sur la vraisemblance de son récit.

c. Les personnages

Contrairement aux auteurs de romans, le conteur ne cherche pas à doter ses personnages

d’une intériorité. Certains, comme la femme de l’ogre dans Le petit Poucet, n’en ont d’ailleurs

aucune. On parle ainsi souvent des personnages de contes comme des « personnages sans

épaisseur » ou schématiques dont la seule nécessité est d’être les moteurs, relativement

passifs, d’une série d’évènements. En effet, leur portrait se réduit le plus souvent à un mot,

une formule ou un superlatif. Les personnages sont très rarement désignés par un nom et sont

évoqués par la fonction ou la place qu’ils occupent dans la société ou leur famille. Parfois, ils

peuvent être désignés également par un surnom qui rappelle un détail de leur personne (Le

Petit Poucet) ou de son costume (Le Petit Chaperon rouge). Concernant les héros, ce sont les

auditeurs des contes qui leur donnent une intériorité.

De plus, la plupart du temps, les héros se transforment au cours du récit (socialement,

économiquement et même physiquement). A l’origine de l’histoire, le héros est souvent

confronté à une situation familiale complexe, souvent proche d’une réalité très quotidienne.

En effet, le stéréotype du conte revient souvent à la mise en scène des aventures d’un jeune

héros ou d’une jeune héroïne qui, mal(e) parti(e) dans l’existence, finit tout de même par

atteindre le bonheur, état presque toujours associé à la puissance (royauté), à la richesse ou au

mariage. Ainsi, si on considère les personnages par rapport à leur capacité à évoluer, à travers

leur devenir, ceux-ci prennent immédiatement de la consistance. Ce sont les épreuves que

surmontent les héros qui leur permettent de se révéler. Ainsi, envisagé dans son évolution, le

héros est beaucoup plus complexe que ce à quoi le réduit la simplicité, voire la pauvreté de sa

première apparition.

3
Une des caractéristiques essentielles des personnages des contes de fées est également la

simplicité de leur « caractère » : ils sont soient tout bons, soit tout méchants. Dans cet univers

manichéen, l’excellence des héros des contes est clairement mise en valeur par la répartition

des attributs physiques ou moraux. De plus, cette excellence est largement permise par un

univers merveilleux.

d. Le conte merveilleux ou le conte de fées

Le conte de fées est régi par un ordre féerique où le merveilleux est la référence absolue.

Il est également appelé conte merveilleux par les folkloristes en raison de l’absence de fées

dans certains de ces récits, la présence des fées ne suffisant ainsi pas à définir le genre. Le

terme « merveille » apparaît en langue romane au XIe siècle. Ce mot est formé sur le latin

populaire « mirabilia » qui signifie littéralement « choses étonnantes ». Ainsi, le merveilleux

est ce qui étonne par son caractère surnaturel et magique. C’est ce qui est « inexplicable de

façon naturelle »2. Chez C. Perrault par exemple, ce sont des êtres ou des objets distincts du

monde humain qui participent de ce merveilleux. Cependant, les contes populaires sont loin

d’être tous des contes merveilleux. Ainsi, le conte de fées est un sous-genre du conte.

Le conte de fées peut se définir comme un récit dans lequel l’intrigue avance, les

situations se compliquent ou se dénouent grâce à des interventions magiques ou surnaturelles.

Les phénomènes merveilleux deviennent en quelque sorte nécessaires à la poursuite du récit.

C’est comme si l’exigence de rationalité était totalement occultée : le fabuleux n’y est jamais

expliqué ni rationnalisé. Tout le plaisir des contes vient justement du fait qu’il s’y passe des

choses qui ne se passent pas ailleurs ; on les accepte, et on les attend comme si elles étaient

naturelles. Selon Raymonde Robert3, une des données essentielles du conte de fées est qu’il

2
Définition du terme « merveilleux » du Petit Robert, éd. 2011.
3
Raymonde ROBERT, Le conte de fées littéraire en France, de la fin du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle,
Honoré Champion, 2002.
4
prévient le lecteur, d’entrée de jeu, que tout malheur qui adviendra au héros sera désamorcé

par les protections dont il bénéficie. Il n’y a ainsi jamais de danger qui ne soit précédé de

l’assurance de sa réparation. Prenons l’exemple de Cendrillon : le conte met en scène une

héroïne fragile et malmenée mais nous annonce dès le début que celle-ci est dotée d’une

marraine aux pouvoirs surnaturels.

Lorsque l’on songe à l’univers à des contes, c’est d’abord cette ouverture à tous les possibles

qui vient à l’esprit. Généralement, le fait merveilleux intervient au cœur d’un quotidien

familier, les bûcherons, la forêt, le château, les paysans, valets, la chaumière : une société

féodale. dans des lieux et des circonstances qui n’ont d’extraordinaire pour les auditeurs que

d’être situés dans un autre temps. Ainsi, les contes, même merveilleux, ne se séparent pas

d’une certaine réalité quotidienne et pourraient refléter, de ce fait, un état de la civilisation et

de la culture.

George Jean : « merveilleux sans transcendance »

Marque l’abdication de la raison, l’occultation de l’exigence de rationalité

Ex : le loup qui se déguise en grand-mère

En même temps, jamais de glissement vers le non sens, il y a une logique du merveilleux :

La belle au bois dormant dort cent ans parce que la malédiction doit s’accomplir

Même lorsqu’interviennent des personnages fabuleux ils n’ont rien d’extraordinaire mais

apparaissent comme des personnages familiers :

Le diable aux trois cheveux d’or de Grimm :

« quand il eut passé l’eau, il trouva l’entrée de l’enfer. L’intérieur était noir et plein de suie, le

diable n’était pas à la maison, mais sa grand-mère était là, assise dans un vaste fauteuil.. »

On ne va jamais dans la direction du fantastique pas d’hésitation entre deux interprétations.

5
2 L’ORIGINE DES CONTES

a. Le conte, une origine ancienne et cosmopolite

Les contes sont un genre très ancien et universel. Ils véhiculent une culture populaire

venue de la tradition orale et possèdent un aspect intemporel, souvent sans localisation

précise. De même, ils n’ont pas d’auteurs. Leurs origines rejoignent ainsi celles des mythes et

des légendes : leur transmission s’est opérée par la voix des conteurs qui improvisaient à

partir d’une trame narrative. C’est pourquoi on les retrouve, avec des variantes et des

transformations, dans de nombreux pays. Bien avant l’invention de l’écriture, selon François

Flahault4, les contes circulaient déjà. Le conte, que l’on considère comme la forme la plus

ancienne d’expression littéraire, serait en effet probablement apparu dès le début du langage

humain, chez les sociétés mégalithiques. Les folkloristes avancent l’idée que les contes sont

éternels et qu’ils remontent du fond des âges. Mais certains auteurs comme Catherine Velay-

Vallantin5 montrent que les contes ont une histoire, qu’ils se transforment et se recomposent.

Selon elle, on pourrait suivre à la trace les différentes versions, remaniements et emprunts.

La plupart des contes ne sont ni liés à un terroir ni à une nation. On constate qu’ils se

sont largement diffusés, se répandant d’un bout à l’autre de l’Europe et bien au-delà. La

manière de les dire varie d’une région à l’autre, mais l’intrigue et les motifs demeurent

étonnamment stables. En effet, partout et quel que soit le pays, les contes restent semblables.

Les travaux d’Anti Aarne et de Stith Thompson témoignent du cosmopolitisme des contes.

Ces auteurs réalisent un catalogue, achevé en 1928, dans lequel toutes les intrigues de contes

sont classées et résumées, avec l’indication des lieux6. Ainsi, dans les contes du monde entier,

on retrouve à peu près les même personnages stéréotypés, se répartissant en très gentils et en

4
François FLAHAULT, La pensée des contes, Anthropos, Paris, 2001.
5
VELLAY-VALLANTIN (C.), L’Histoire des contes, Fayard, 1992.
6
Antti AARNE, The Types of the Folktale: A Classification and Bibliography, The Finnish Academy of Science and
Letters, Helsinki, 1961.
6
très méchants. C’est pourquoi, pendant longtemps, on a cherché une origine unique à ces

histoires. Il semble aujourd’hui que la quête de cette origine ait été abandonnée au profit de

l’idée selon laquelle, le conte serait un produit spontané de l'imagination populaire, comme

les proverbes, les devinettes et les chansons. Le sentiment d’éternité proviendrait alors de la

récurrence des thèmes.

Certains personnages des contes montent cette filiation religieuse et mythique

Ex : les fées

Etymologie : fata instrument du destin

Ont un lien de parenté évident avec les Parques romaines, transposition des moires grecques

Statue des trois parques sur le forum appelée « tria fata »

Elles peuvent être maléfiques : la méchante fée dans La belle au bois dormant..

Ex : la reine Mab dans Roméo et Juliette :

Expression de la Terre mère : Morgane, Mélusine : le monde des eaux, le monde souterrains

Exemple : les ogres

1. Origines du mot

Le terme « ogre » est apparu en français au tournant des XIIème et XIIIème siècles. Il est

mentionné pour la première fois en littérature sous la plume de Chrétien de Troyes dans ces

vers de Perceval ou le Conte du Graal7:

Et s'est escrit que il ert ancore

Que toz li reaumes de Logres,

Qui ja dis fu la terre as ogres,

7
Chrétien de Troyes, Perceval ou le Conte du Graal, J. Dufournet éd., G.F.-Flammarion, Paris, 1997.
7
Ert destruite par cele lance

Et il est écrit que viendra le jour

Où tout le royaume de Logres

Qui fut jadis la terre des ogres

Sera détruit par cette lance

Il existe plusieurs explications quant à l’origine de ce mot. Tout d’abord, il fut

considéré comme étant une déformation du terme « Hongrois », faisant référence aux

destructions commises par les Huns durant l’Antiquité.

Par conséquent, à la fin du XIIème siècle, l’ogre devient un nom propre désignant un païen

féroce. Au fil du temps, cette première origine tomba dans l’oubli car elle fut considérée

comme reposant uniquement sur une déformation populaire qui ne suffirait pas à expliquer les

mythes, légendes ou contes

Ainsi, les origines du mot « ogre » vont se trouver du côté du latin « Orcus », nom d’une

divinité infernale qui fut un moment confondue avec Pluton, le Dieu des Enfers. Par ce terme,

les Romains s’inspirent du démon des Enfers des Etrusques, représenté sur la « Tomba

dell’Orco » (« la tombe de l’Ogre »). L’Orcus latin est parfois perçu comme un fauve

dévorateur, comme le montre l’expression « fauces Orci » (« gueule d’Orcus ») désignant le

gouffre de l’Enfer. Le mot donnera l’italien « orco » qui signifie « ogre », ou encore l’anglo-

saxon « orc » désignant un « démon infernal ». En 1516, le poète italien Ludovico Ariosto,

dans Orlando furioso8, présente l’ « orco » comme un monstre bestial et aveugle qui s’inspire

directement du cyclope Polyphème de L’Odyssée d’Homère. De ces racines latines est issu le

nom français « orque » qui désigne un terrible géant qui hante les rochers. Les Gaulois

8
Ludovico Ariosto, Orlando furioso, disponible sur le site < www.books.google.fr>, 1516.
8
utiliseront également un dérivé du nom latin pour désigner le dieu dévoreur des défunts,

Orgos.

Au XIXème siècle, le terme « ogre » a pris des sens argotiques afin de désigner

notamment les usuriers, critiqués pour leur avidité ou encore les agents de remplacement, par

allusion à leur trafic de chair humaine. Ainsi, les tenancières de maisons closes étaient parfois

appelées ogresses.

2. Définition de l’ogre traditionnel

Le personnage de l’ogre des contes traditionnels tient ses

origines de la mythologie grecque. En effet, le personnage de Cronos,

père de Zeus, dévorait ses propres enfants. Il fait partie de la première

génération des Géants, fils d’Ouranos (« le Ciel ») et de Gaia (« la

Terre »). Ce sont des personnages caractérisés par une stature et une

force exceptionnelles. De plus, leur apparence est monstrueuse. Outre

ces caractéristiques, la figure du Géant est souvent rapprochée de celle

de l’ogre à cause du comportement de Cronos. Homère et Hésiode le

nomment notamment « le dieu aux pensées fourbes »9 ou « à l'esprit retors »10. Lorsqu’il

prend le pouvoir après avoir détrôné son père, ses parents, Ouranos et Gaia, lui prédisent qu’il

sera à son tour détrôné par son propre fils. Tenant compte de la prophétie de ses parents, il

décide de dévorer chacun de ses enfants au fur et à mesure qu'ils naissent : Hestia, Déméter et

Héra, puis Hadès et Poséidon sont ainsi avalés par leur pèrehttp://fr.wikipedia.org/wiki/Cronos -

cite_note-11. Lorsqu’arrive le sixième, Rhéa, sur le conseil de sa mère Gaïa, choisit de cacher

l'enfant en Crète et de le remplacer par une pierre que Cronos engloutit sans se rendre compte
9
Hésiode, Théogonie-La Naissance Des Dieux, Rivages, Paris, 1993.
10
Homère, Iliade, traduction de Eugène Lasserre, GF Flammarion, Paris, 2000.
9
de la tromperie. L'enfant ainsi épargné est Zeus qui grandira loin de ses parents. Une fois

parvenu à l'âge adulte, ce dernier décide de libérer ses frères et sœurs. Avec Gaïa, il s'arrange

pour les faire recracher à son père. Celui-ci vomit alors tout ce qu'il avait ingurgité jusque là,

y compris la pierre qui l'a abusé. Par ses caractéristiques, Cronos préfigure l’ogre primaire

qui sera utilisé dans certaines peintures noires. Il existe également un équivalent scandinave :

le troll. Ce dernier est présenté comme un géant horrible, hirsute et redoutable, considéré

comme le maître des bois. Il est décrit comme étant doté de plusieurs têtes et d’un appétit

pour le moins féroce. A la différence de l’ogre des contes traditionnels, il possède des

pouvoirs magiques. Tout comme lui, il cherche à dévorer le jeune héros mais échoue

régulièrement dans son entreprise. Ses vaines tentatives le conduisent généralement à sa mort

ainsi qu’à celle de la quasi-totalité de sa famille, comme dans Le Petit Poucet11.

Depuis longtemps, la figure de l’ogre est directement liée à l’anthropophagie. Ce rapport

deviendra par la suite la caractéristique principale du stéréotype apparu dans les contes

traditionnels qui feront de lui un mangeur d’enfants. De plus, les anthropophages sont, d’un

point de vue historique, souvent des personnages de grande taille, inspirant la crainte, tout

comme l’ogre des contes traditionnels.

b. Le conte, littérature orale et populaire

Jusqu’à une époque récente, la littérature de nos provinces est restée orale et populaire.

De génération en génération, les paysans, les colporteurs et les compagnons de professions

diverses se sont transmis un patrimoine ancestral de contes, de légendes, de récits mythiques,

de traditions, en l’enjolivant au gré de leur fantaisie, en le faisant vivre dans leur temps, leurs

propre univers et leur façon de penser. Les sociétés traditionnelles ont en effet toujours

produit un flot ininterrompu de contes et légendes. L’une des circonstances de la vie sociale

11
Charles Perrault, illustrations de Gustave Doré, Le Petit Poucet, Le Livre de Poche, Paris, 2006.
10
les plus favorables à la circulation des contes était la veillée. Raconté le soir, autour d’un feu,

par les vieux, les conteurs, les troubadours… le conte est « la parole de la nuit ». La veillée,

populaire et familiale, rassemblait aussi bien les adultes que les enfants et le conte tenait lieu

de spectacle et de discours moral. C’est de cette manière que ce répertoire a traversé des

millénaires, de bouche à oreilles, d’oreilles à bouche.

Afin de témoigner de cette tradition orale des contes de fées, C. Perrault fait ouvrir son

édition originale de 1697 sur le frontispice d’Antoine Clouzier (cf. annexe) : il représente à

cet égard une femme qui file le coton au coin du feu tout en racontant des histoires ; deux

enfants et un adulte l’écoutent attentivement. Une pancarte fixée à la porte de la chambre de la

fileuse la désigne du nom de « ma mère l’Oye ». Celle-ci est un personnage fictif populaire

incarnant une campagnarde de qui viendraient ces contes. La conteuse est ainsi représentée

sous les traits d’une vieille femme. En effet, depuis Platon, ces récits sont supposés relever

exclusivement de la parole des femmes. On les appelait « contes de bonne femmes » ou

encore « contes de ma mère l’Oye » donnant l’image de récits à l’usage des enfants véhiculés

par les mères, les grands-mères ou les nourrices. Cependant, à partir du moment où les contes

de tradition orale furent recueillis, on put noter la prédominance marquée des conteurs sur les

conteuses. En effet, souvent, les contes étaient dits par des hommes. Ils n‘étaient

spécifiquement associées aux femmes et à un auditoire enfantin que dans l’esprit des citadins.

La fonction des contes dans la tradition orale européenne est de faire passer le temps,

autant que possible, avec plaisir. Mais rien n’empêche que ces histoires soient reprises et

utilisées dans un cadre éducatif ou une visée morale. On sait que pour Charles Perrault et son

temps, l’agréable se doit d’être encadré par l’utile : « la morale, chose principale dans toute

sorte de fables et pour laquelle elles doivent être faites », affirme la préface de la quatrième

édition de ses Contes en vers, contes de traditions orale qu’il a retranscrits et adaptés.

11
3 HISTORIQUE DU CONTE

1 Le moyen âge

passage de l’oral à la langue romane donc mouvement de transcription par écrit d’un

fonds légendaire oral.

- les lais de Marie de France à l’origine pièces en vers destinés à être chantés.

Reprise de légendes et contes celtiques : la geste arthurienne, Tristan et Yseult ( Le lai du

chèvrefeuille)

- des formes proches du conte, de la fable : le roman de Renart véritable roman avec

plusieurs branches, dimension satirique évidente, tourne en dérision les seigneurs et

puissant. Brun l’ours, Isengrin, le loup.

2 Le XVIIème : Perrault Madame d’aulnoy

Grande période des salons littéraires. Premier salon crée par la marquise de Rambouillet

en 1606.

Des lieux de rencontre autour d’une grande dame spirituelle, s’y côtoient poètes, hommes de

lettres, d’église, hommes politiques. On y cultive avant tout l’art de raconter mais on

recherche aussi une littérature qui diverge de la littérature officielle : GRANDE MODE DU

CONTE

On va s’intéresser aux contes des pauvres, mais en les débarrassant de tout ce qu’ils

peuvent avoir de choquant et de rustique pour des oreilles raffinées. Travail d’édulcoration du

conte : les éléments les plus païens sont évacués fée vielle dame en robe blanche plus les fées

de la tradition celtique. Disparaissent les références aux conditions de vie misérables du

12
peuple, disparaissent les personnages et héros populaires. Nécessité de ne pas froisser

l’église : disparition des personnages fantastiques : diable, mort, loup garou, fantômes, Mort.

( on retrouve quelques uns de ces éléments chez Perrault : la famine, le fils laboureur du chat

botté)

Naissance du conte littéraire : un genre littéraire même non reconnu, qui relève de la

littérature de distraction et qui a conservé du conte le squelette, la structure narrative.

Deux auteurs célèbres : Madame d’Aulnoy (recueils de contes de fées) et Charles Perrault

Les contes de Perrault

Fils d’avocat, appartient à la riche bourgeoisie parisienne. Protégé par Fouquet, partisan

convaincu de Louis XIV, mène une carrière de poète officiel, célèbre la gloire du roi en des

odes lyriques. Tournant vers 54 ans, perd sa femme, veuf avec quatre enfants. En disgrâce,

querelle des anciens et des modernes où il prend parti pour les modernes

Il publie d’abord un recueil de contes en vers : Grisélédis, Peau d’âne, Les souhaits ridicules.

Publication de son grand recueil : les contes de la mère l’Oye en 1697

Qu’est-ce qui fait l’originalité de ces contes ?

- les marques d’oralité, comme si Perrault essayait de reconstituer un parler rustique,

un langage des campagnes d’autrefois : » tire la chevillette », le soleil poudroie et

l’herbe verdoie, le dialogue entre le loupe et le petit chaperon rouge

- la disparition des détails trop grivois : le petit chaperon rouge se déshabille, est prise

d’une envie d’uriner, la teigne et la gale dont souffre le maître du chat dans le chat

botté

- les morales

La Belle au bois dormant vante les mérites d’un mariage tardif

Le petit poucet : chante les vertus du clan familial

13
Entre ces deux contes : définition de la bonne épouse :

Douce honnête : les fées

Pas trop curieuse, Barbe bleue

Plus aimable que belle : Cendrillon

Se méfier des galants : le PCr

Pour les garçons : utiliser au mieux son intelligence et son savoir faire pour remplacer la

fortune.

Des préceptes qui se coulent dans la morale et la société du XVIIème

XVIII

Le XVIIIème marque un changement d’orientation, de sensibilité, grande vogue des contes

des mille et une nuits : exotisme, sentimentalisme.

Deux directions différentes :

- Les contes d’écrivains

Cf Voltaire

Angus Martin, spécialiste de la littérature des Lumières :

« Le XVIIIe siècle a trouvé dans cette façon ironique et spirituelle d’aborder le récit

merveilleux le moyen à la fois de condamner cette littérature frivole et de se délecter

des jeux libres de l’imagination »12 .

- La littérature édifiante

Dans un autre sens le conte de fée sert de cadre à une littérature édifiante à

usage pédagogique où s’illustre au premier chef Marie Leprince de Beaumont.

12
Ibid,p. 43.
14
Pionnière de la littérature de jeunesse elle insère dans ses contes de fées des

dialogues moraux entre une institutrice et ses élèves.

La belle et la bête

Autre auteur : Madame de l’Aulnoy

Elle débute dans le monde des Lettres par un roman intitulé Histoire d’Hyppolite

comte de Douglas (1690). Mais on se souviendra d’elle comme l’auteur qui, avec

Perrault également, donna aux Contes de Fées le coup d’envoi retentissant qu’on lui

connaît à ce jour. C’est ainsi qu’en l’espace de trois années (1696-1699) elle publie

huit volumes de Contes dont Contes de Fées, Nouveaux contes de fées ou encore Les

fées à la mode. A travers ces différents volumes on trouve des textes qui nous sont

connus tels que L’oiseau bleu ou encore La Belle aux cheveux d’or.

XIX

Autre grand recueil de contes : contes pour les enfants et la maison 1812 : Jacob et Wilhem

Grimm

En 1829 auront publié à peu près deux cents contes.

Deuxième fonds de contes connus à l’heure actuelle : Le vaillant petit tailleur, Hansel et

Gretel, les musiciens de Brême, blanche neige

Deux savants érudits qui semblent avoir poursuivi plusieurs objectifs :

- garder les dernières traces d’un âge d’or archaïque, porche de l’état de nature

- instruire et divertir les enfants (XIXème période de la reconnaissance de l’enfant :

ils peuvent s’adresser à lui directement)

15
- faire revivre l’esprit du peuple touche souvent une symbolique archaïque : le rouge

et le blanc, la neige et le sang représentation du diable, de la mort.

Des différences importantes par rapport à l’univers de Perrault :

- on retrouve les personnages de pauvre valet, d’humbles gens qui avaient disparu des

contes du XVII : Celui qui voulait connaître la peur, Le fidèle serviteur, Jean le

teigneux

- reviennent des personnages censurés : les jolies fées proprettes sont remplacées par

les vieilles dames de la forêt tantôt bonnes tantôt méchantes, retour des divinités

païennes, ondines, nixes, nains les animaux et végétaux dotés de pouvoirs magiques.

- Une symbolique mystique, religieuse : les sept corbeaux

Hans Christian Andersen

Contemporain des frères Grimm.

Auteur de contes toujours lus à l’heure actuelle :

- le vilain petit canard

- le vaillant soldat de plomb

- la petite fille aux allumettes

- la petite sirène

- la reine des neiges

Particularités des contes d’Andersen ?

1835 : contes racontés pour les enfants

immense succès de l’auteur qui a trente ans alors, succès qui ne se démentira jamais.

Dans sa vie, il aura écrit plus de 150 contes, outre des romans et des poèmes.

16
Particularité d’Andersen : un créateur. Il ne crée pas à partir de rien, mais il ne se contente pas

de transcrire par écrit comme les frères Grimm ou de broder sur une trame appartenant à un

récit collectif : Perrault. Ses contes relèvent de l’invention.

Cependant, l’oral y tient une grande place. Andersen contait beaucoup aux enfants de son

entourage et les marques de l’oral sont très visibles dans les contes :

« Bon, nous commençons » au début de la reine des neiges

les onomatopées : « pip pip » « coin coin » dans le vilain petit canard

des contes qui se caractérisent aussi par l’humour.

Ex : les habits neufs de l’empereur : deux escrocs font croire au roi et à sa cour qu’ils tissent

des vêtements que seuls les gens de goût peuvent voir. Le roi parade tout nu.

Une thématique particulière : Le vaillant soldat de plomb

Une histoire au milieu des jouets : un soldat de plomb amoureux d’une ballerine en papier

Dénouement : plomb et papier fondus ensemble forment un cœur.

Vision du monde spécifique : pas la fin heureuse ou cruelle des contes traditionnels pas

désespérée non plus, une sorte d’humanisme, de foi en l’amour malgré tout.

En même temps on retrouve chez lui un folklore et une mythologie propres au Danemark et

aux pays du nord : les trolls, les corbeaux, les sorcières, les vampires (la reine des neiges).

Développement du conte dans la littérature de jeunesse : Hachette Hetzel..etc

XX

L’entre-deux-guerres : Marcel Aymé

En 1939, déjà connu pour de nombreux romans et nouvelles, Marcel Aymé publie un recueil

d’histoires intitulé « contes du chat perché »

17
Là encore succès immédiat, louanges de la critiques.

Contes d’auteur, comme Andersen, au carrefour du conte, de la fable, de la nouvelle.

Comme dans les fables, les animaux parlent et sont souvent plus intelligents que les hommes

Deux héroïnes deux petite filles Delphine et Marinette :qui rappellent beaucoup les petites

filles des contes. L’école et les jeux occupent une grande place, elles gardent les vaches et

travaillent à la ferme

Mélange entre des éléments surnaturels et un quotidien, celui du monde rural des années 1930

Dans l’éléphant les fillettes jouent à l’arche de Noé mais il n’y a pas d’éléphant alors une

poule se transforme en éléphant.

Dans Les boîtes de peinture, les animaux de la ferme se transforment selon le dessin qu’en

font les petites.

Dans la buse et le cochon, le cochon prend les ailes de la buse et s’envole au moment où les

parents allaient l’égorger.

Originalité dans l’imagination mais aussi dans la vision du monde. Beaucoup de tendresse

pour tous les personnages, pas de manichéisme.

Les animaux sont extrêmement solidaires entre eux et avec Delphine et Marinette, mais

chacun possède son caractère : le coq et le paon sont insupportables de vanité. Les parents

sont cruels mais par nécessité, la vie est dure.

L’après 68 : Pierre Gripari : les contes de la rue Broca (1925-91)

Comme chez Marcel Aymé, des créations littéraires qui s’amusent à reprendre des éléments

des contes traditionnels pour faire une sorte de synthèse entre le quotidien et le surnaturel

L’action se passe dans deux rues de Paris : la rue Broca, la rue Mouffetard. On retrouve papa

Saïd qui tient une épicerie avec ses deux enfants et tout l’univers quotidien du Paris des

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années soixante. Mais on y trouve une sorcière, des ogres, le père Lustucru et la mère

Michelle.

Beaucoup de dialogues de place accordée à l’oral. en même temps beaucoup d’humour.

Conclusion

- Dans la littérature de jeunesse, les contes sont souvent présents sous forme de

parodies, de réécritures : un conte peut en cacher un autre de Road Dahl

- Pourtant très grand succès des contes populaires des séries comme Contes et

légendes de….Nathan, ou Mille ans de contes Milan, des anthologies régionales, des

relations écrites de contes Claude Seignolle. Ce succès est peut-être dû au sentiment

du public et des enfants qu’il s’agit là d’une culture nationale, d’un patrimoine,

produit du terroir.

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