CONTRACTION DE TEXTE - Isabelle Gras

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 2

Contraction de texte

C- Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.


Parcours : Écrire et combattre pour l’égalité.

Texte d’Isabelle Gras, « Et pourtant, elles créent ! », L’Éléphant, n°17, janvier 2027

Vous résumerez ce texte en 193 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise :
votre travail comptera au moins 174 mots et au plus 212 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la n
de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.

« Comment les femmes auraient-elles jamais eu du génie alors que toute


possibilité d’accomplir une oeuvre géniale - ou même une oeuvre tout court - leur était
refusée ? », s’interroge Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe. Comprendre
pourquoi la création intellectuelle et artistique a si longtemps constitué un plafond de
verre pour les femmes implique de s’attarder sur les fondements de la société patriarcale.
Le patriarcat, qui repose sur la puissance de l’autorité paternelle, instaure une
di érenciation des rôles masculins et féminins très marquée, comme l’a analysé
l’anthropologue Françoise Héritier. Conformément à cette division sexuelle, les hommes
investissent les sphères sociales et politiques alors que la sphère privée et le foyer familial
relèvent des femmes. Dès lors, la création de l’esprit devient un attribut exclusivement
masculin, symbole de transcendance. La femme étant considérée uniquement à l’aune de
sa fonction reproductrice, elle n’a pas à se préoccuper de la fécondité de l’esprit.
Cette répartition sexuée des créations intellectuelles et charnelles participe ainsi à
la pérennisation du système patriarcal. Il faut cependant noter qu’en France, sous
l’Ancien Régime, la question de la création féminine se pose avant tout sous l’angle de
l’appartenance à l’ordre social. Ainsi, une créatrice issue de l’aristocratie est socialement
tolérée si elle se cantonne à l’amateurisme et ne prétend pas égaler le génie masculin.
Les « femmes savantes » suscitent des sentiments ambivalents, comme Molière l’a
montré de manière magistrale.
C’est à partir du XIXème siècle qu’on assiste à un durcissement de la
représentation de genre qui consacre l’idée d’une absence de génie féminin. Face au
poids des valeurs misogynes, « tout génie qui naît femme est perdu pour l’humanité »,
selon les mots de Stendhal. La création féminine est jugée aussi inutile que dangereuse,
théorie appuyée par des travaux médicaux visant à démontrer l’infériorité congénitale des
femmes. Conformément aux stéréotypes sexués, seuls les hommes ont des
prédispositions naturelles à être des génies, les femmes sont quant à elle cantonnées au
rôle de muse, objet passif de la création. Pour une femme, écrire et participer à l’aventure
de la pensée ont longtemps constitué un acte de subversion.

Page 1 sur 2
ff
fi
En analysant l’évolution de la gure de l’artiste dans La Poétique du mâle, Michelle
Coquillai, professeure de littérature, montre comment la création littéraire a ainsi été le
terrain d’exercice privilégie de la domination masculine. Jusqu’à la n du XVIIIème siècle,
l’acte de création fait référence à la création divine : l’homme a un pouvoir démiurgique
de création ex nihilo. […]
Être publiée est un acte délicat pour une femme car, en rendant ses textes visibles,
elle transgresse l’exigence d’humilité que lui impose sa société. À l’instar de Marie
d’Ajout, qui publie sous le nom de Daniel Stern, combien de femmes préféreront franchir
ce pas en choisissant un pseudonyme masculin ou l’anonymat ? Au-delà des contraintes
imposées, quelques-unes sont parvenues à s’a rmer comme créatrices, à l’instar des
artistes peintres Rosa Bonheur ou Berthe Morisot. Et même si, aux funérailles de George
Sand, Hugo déclare : « Je pleure une morte et je salue une immortelle », le mythe de
l’infériorité féminine reste solidement ancré dans la société du XIXème siècle. Les frères
Goncourt estiment d’ailleurs qu’« il n’y a pas de femmes de génie : lorsqu’elles sont des
génies, elles sont des hommes ». Investir le territoire de la création ne peut donc se faire
qu’en renonçant à une supposée nature féminine car les critères de légitimation restent
masculins. Pour contrer cette hostilité, Anna de Noailles fonde en 1904 le prix littéraire
Femina, dont le jury réunit des femmes de lettres. Comme Rimbaud l’annonçait de
manière prophétique : « Ces poètes seront ! Quand sera brisé l’in ni servage de la
femme, quand elle vivra pour elle et par elle, […] elle sera poète, elle aussi ! » Au XXème
siècle, l’étau du code civil se desserre et va permettre aux femmes de s’émanciper sur le
plan juridique, politique, économique et social. Simone de Beauvoir encourage les
femmes à conquérir leur autonomie et à bousculer l’ordre symbolique. C’est à cette
condition qu’elles pourront s’a rmer en tant que créatrices. Colette, Marguerite Duras,
Marguerite Yourcenar et Nathalie Sarraute se distinguent parmi les auteurs de la Pléiade
du XXème siècle. Les femmes accèdent en n à la reconnaissance de leur création. En
1981, lors de son discours de réception, Yourcenar, première femme à entrer à
l’Académie française, tient à rendre homme à la « troupe invisible de femmes », qui
auraient dû recevoir cet honneur avant elle.
772 mots

Notes :
-plafond de verre : limite ou obstacle invisible qui empêche d’aller au-delà d’un certain
niveau
-transcendance : ce qui relève de l’esprit, du spirituel, par opposition au corps, à la
matière
-à l’aune de : en fonction de
-pérennisation : maintien
-congénitale : biologique, de naissance
-subversion : révolte, renversement de l’ordre établi
-démiurge : divin
-ex nihilo : à partir de rien

Page 2 sur 2
ffi
fi
fi
ffi
fi
fi

Vous aimerez peut-être aussi