Texte 1 - Baudelaire - Une Charogne - Lecture Linéaire

Télécharger au format docx, pdf ou txt
Télécharger au format docx, pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 5

Lecture linéaire 1 – Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, « Une charogne »

INTRODUCTION

1. Amorce :
 « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». C’est ainsi que Baudelaire se pose en poète alchimiste dans l’« Ebauche
d’un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du mal » (1861). La modernité de l’esthétique baudelairienne consiste à
extraire la beauté du Mal. Et le titre de son recueil est en effet paradoxal puisque le mal ne donne habituellement pas lieu à
la beauté. Les « fleurs » désignent donc par métaphore des poèmes issus de la corruption du monde et de la souffrance de
l’écrivain.
 Les Fleurs du mal font scandale à leur publication, et Baudelaire sera condamné en août 1857 pour « délit d’outrage à la
morale publique et aux bonnes mœurs », preuve que la société du Second Empire n’est pas prête à une telle nouveauté
poétique. Même si « Une charogne » ne fait pas partie des pièces condamnées, on comprend pourquoi elle a pu choquer.

2. Présentation :
 « Une charogne » se situe dans la première section du recueil, intitulée « Spleen et Idéal », après une série de pièces dans
lesquelles il est essentiellement question de la femme.
 Le poème « Une charogne » se veut moderne. D’une part par la forme puisqu’il s’agit d’un poème composé de 12
quatrains d’alexandrins alternés avec des octosyllabes, aux rimes croisées. D’autre part sur le fond car ce poème illustre le
projet novateur du poète : atteindre la beauté poétique même par le biais du mal.

3. Problématique :
 Comment Baudelaire cherche-t-il ici à transformer en beauté la laideur de la charogne tout en donnant une leçon sur le
temps et le rôle du poète ?

4. Mouvements et titres :
 1er mouvement : strophe 1 > évocation du souvenir d’une promenade du poète avec la femme aimée et de leur découverte
 2ème mouvement : strophes 2 à 9 > description de la charogne
 3ème mouvement : strophes 10 à 12 > adresse à la femme aimée promise à la même mort et à la même décomposition que
la charogne

LECTURE
« Charogne » est un texte versifié. Je dois faire attention à plusieurs choses :
 Respecter le nombre de syllabes par vers : ici alternance entre alexandrins et octosyllabes (attention donc à la règle du
« e » muet qui ne se prononce pas en fin de vers. Dans le vers, si le mot terminant par « e » muet est suivi d’un mot
commençant par une consonne, il se prononce. En revanche, si le mot terminant par un « e » muet est suivi d’une voyelle,
il est prononcé avec la syllabe suivante
Ex : « les / jam/be/s en /l’air/ com/me u/ne/ fem /me / lu / brique »
 Attention aux liaisons
 Attention à ne pas s’arrêter systématiquement à la fin du vers : tenir compte de la ponctuation.

ANALYSE LINEAIRE

Avant de commencer notre analyse du premier mouvement, intéressons-nous au titre

TITRE :
1. terme surprenant, « charogne » = cadavre en décomposition. Apparaît comme peu poétique et provocateur
2. terme désagréable avec des sonorités dures : ch / r / gn
3. Article indéfini « une » = Intrusion d’un élément nouveau + on se demande de qui ? de quoi est-ce le cadavre ? place
d’emblée poème sous le signe du mystère

MOUVEMENT 1 (STROPHE 1) : LE POETE S’ADRESSE A LA FEMME AIMEE ET POSE LE CADRE DU


SOUVENIR INVOQUE

v.1 Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme


1. « rappelez-vous » > remémoration d’un souvenir avec impératif « rappelez » et avec l’emploi du verbe « voir » au passé
simple (« vîmes »)
2. adresse directe à la femme avec l’impératif + avec le pronom « vous « + Rappel du souvenir partagé confirmé par la
proposition subordonnée relative « que nous vîmes qui réunit les deux personnes par l’emploi du pronom « nous » + « mon
âme » : Groupe nominal mis en valeur, car il se trouve à la fin du vers. Apostrophe typiquement galante avec l’utilisation
du terme affectif « âme » doublé du possessif « mon ».
3. « l’objet » : chose introduite de façon détournée pour le lecteur avec un terme au sémantisme vague. L’objet ne sera
d’ailleurs révélé qu’au vers 3. Eux (poète et la femme) semblent en revanche savoir de quoi il s’agit puisqu’il y a
l’utilisation de l’article défini « l’ »

v.2 Ce beau matin d'été si doux = Cadre temporel


1. Souvenir se précise avec l’emploi du démonstratif « ce » : il fait référence à un matin en particulier
2. introduction du cadre bucolique avec deux ajds mélioratifs « beau » et « doux », ce deuxième étant renforcé par
l’adverbe intensif « si ». Cadre qui va contraster avec la description à venir.

v.3 Au détour d'un sentier une charogne infâme = Cadre spatial


1. v.3 > la locution prépositionnelle « au détour d’ » marque la surprise, l’inattendu et l’article indéfini « un » dans « un
sentier » accentue effet de surprise
2. v.3 > enfin arrive la signification de « l’objet » du vers 1. Contraste entre la mort avec la charogne et le matin et l’été du
vers précédent.
3. v.3 > Adj « infâme » renforce l’horreur de l’apparition d’autant plus qu’il contraste à la rime avec un mot positif, tendre,
doux qu’est « mon âme ». Premier indice de l’analogie entre la charogne et la femme avec la rime « mon âme » /
« infâme » dès le début du poème.

v.4 Sur un lit semé de cailloux


1. CC de lieu avec périphrase « sur un lit semé de cailloux » qui désigne le sentier
2. polysémie du terme « lit » > renvoie au lit mortuaire et au lit amoureux (féminisation et érotisation du cadavre) >
amour et mort (éros et thanatos). Deuxième indice dès la première strophe du rapprochement entre mort et amour
qu’on verra au troisième mouvement.

Ainsi, le premier mouvement qui correspond à la première strophe introduit un souvenir, une narration d’un souvenir et
une relation intime. Cependant on se rend compte que le poète détourne immédiatement le cliché galant.

MOUVEMENT 2 : (STROPHES 2 A 9) : DESCRIPTION DE LA CHAROGNE

Texte Procédé Effet / interprétation


Strophe 2 Titre : la deuxième strophe présente paradoxalement la charogne comme une chair vivante.
Cela est visible :
 v.5 Les jambes en 1. A travers la comparaison avec une prostituée au vers 5 (« comme une femme lubrique) et
l'air, comme une par sa posture (« les jambes en l’air »). D’ailleurs de nombreuses comparaisons tout au
femme lubrique, long du texte seront présentes pour décrire la charogne de façon vivante (ex : vers 14, 21
 v.6 Brûlante et ou 26)
suant les poisons, 2. Par l’emploi de « Brûlante » (participe présent en emploi adjectivé d’où l’accord) et «
 v.7 Ouvrait d'une suant » (participe présent) > valeur durative, spectacle qui est en train d’être remémoré et
façon nonchalante qui renforce l’aspect macabre
et cynique 3. Par l’usage du verbe d’action « ouvrait » et par la personnification – « ouvrait d’une façon
 v.8 Son ventre nonchalante et cynique » la comparant à une personne dépravée en train de se mouvoir.
plein 4. Par le substantif « Exhalaisons » qui sont les gaz qui s’échappent de la charogne, qui lui
d'exhalaisons. donne sans doute un mouvement. Rajoute aussi une dimension olfactive répugnante à ce
tableau
Ainsi, dans cette deuxième strophe, la charogne est présentée dans une posture associant
l’érotique (la charogne exhibe ses entrailles comme une femme son sexe) et le macabre

Strophe 3 et 4 Titre : la troisième et la quatrième strophes enrichissent le cadre réaliste et soulignent le


goût pour la provocation du poète, en faisant regarder le cadavre en décomposition par le
 v.9 Le soleil soleil et le ciel : il amorce alors la transmutation de l’objet charogne en œuvre d’art
rayonnait sur cette
pourriture, 1. v. 9 > Antithèse « soleil » / « pourriture » : fusion du beau / laid, vie/mort. Mise en
 v.10 Comme afin lumière d’un élément horrible.
de la cuire à point, 2. v.10 > Comparaison culinaire « cuire à point » : très provocateur, comme si on pouvait
 v.11 Et de rendre imaginer manger la charogne (ce que fera d’ailleurs la chienne à la strophe 9).
au centuple à la Impression dégoûtante.
grande Nature 3. v.11 > la charogne revient à la Terre quand elle se décompose (qu’on imagine en cendres
 v.12 Tout ce avec l’image du soleil et de la cuisson) et qui vient la nourrir. Cycle de la vie inexorable.
qu'ensemble elle Personnification de la nature avec la majuscule + nature mise en relief avec l’adj
avait joint ; « grande ». Au vers 12 le verbe d’action « joindre » montre le pouvoir unificateur de la
Nature. En fait le poète à l’image de la Nature redonne vie lui aussi à une chair morte
 v.13 Et le ciel grâce à sa poésie.
regardait la 4. v.13 > oxymore « carcasse superbe » > on a un aperçu du projet baudelairien > extraire
carcasse superbe du laid la beauté grâce à la poésie. Cette dernière rend compte de l’association entre un
 14 Comme une sujet macabre, voire écœurant, qui devient beau du fait de sa transposition poétique au
fleur s'épanouir. point de provoquer une inversion / un renversement puisque la charogne ne regarde pas
 v.15 La puanteur le ciel mais elle devient l’objet que l’on regarde, objet poétique dont la beauté est mise
était si forte, que en lumière (visible avec la personnification du soleil qui « regarde » la « carcasse
sur l'herbe superbe »
 v.16 Vous crûtes 5. v.14 > la comparaison « comme une fleur » renvoie par son comparant au titre du recueil
vous évanouir. Les Fleurs du Mal, dont le projet est d’extraire du Mal de belles choses
métaphoriquement représentées par les « fleurs ». Ici, un sujet affreux (un corps en
décomposition) peut devenir « superbe ». Il y a un paradoxe puisqu’on a de la chair
morte à laquelle le poète redonne vie tout comme la Nature redonnera vie à la charogne
(cf. vers 11 et 12)
6. v. 15 > revient sur l’odeur nauséabonde de la charogne « puanteur », renforcée par
l’adverbe intensif « si ».
7. v.16 > L’horreur de la scène est renforcée par la réaction de la femme : « vous crûtes
vous évanouir ». (« cr », « r », sonorités désagréables accompagnent le désagrément
causé). Décalage entre un langage précieux, une belle tournure pour désigner ce qui peut
être un vomissement. Par ailleurs on peut imaginer la provocation de Baudelaire avec le
verbe « crûtes » qui fait penser à « cru » (et l’image de la cuisson du vers 10) ou encore
« croute » rajoutant du dégoût au spectacle.

Strophe 5 Titre : la cinquième et sixième strophes soulignent la vision d’horreur qu’était la charogne
 v.17 Les mouches mais le cadavre subit une autre transformation : à la fois il perd son unité mais il reprend
bourdonnaient sur vie
ce ventre putride, 1. en fait, ce que l’on pouvait encore voir dans les strophes précédentes disparaît sous le
 v.18 D'où sortaient grouillement des larves (utilisation des pluriels > « mouches », « bataillons », « larves ».
de noirs bataillons Ces termes contrastent avec l’unité précédente (« objet », « une charogne », « cette
 v.19 De larves, qui pourriture », « une carcasse »). Le nombre important de larves est renforcé au vers 21 par la
coulaient comme un reprise dans le pronom « tout cela » et le sera aussi au vers 25 par « ce monde ».
épais liquide 2. On retrouve une métaphore guerrière des armées de larves avec la périphrase – « noirs
 v.20 Le long de ces bataillions / De larves » (l’horreur est soulignée par le rejet). Au vers 18 l’adjectif « noirs »
vivants haillons. est polysémique désignant à la fois la couleur des mouches, des larves mais aussi le nombre
important recouvrant sans doute toute la surface du cadavre
Strophe 6 3. On a des comparaisons avec l’eau au vers 19 et 21 « qui coulaient comme un épais
 v.21 Tout cela liquide », « comme une vague » qui confèrent une impression de jaillissement. Impression
descendait, montait de coulure qu’on ne peut arrêter renforcée par les enjambements (1 strophe = 1 phrase)
comme une vague, 4. La carcasse semble reprendre vie grâce :
o aux Nombreux verbes de mouvements – « descendait, montait », « s’élançait »,
 v.22 Ou s'élançait
en pétillant ; +« sortait », « coulait »
 v.23 On eût dit que o aux deux gérondifs« en pétillant » et « en se multipliant » qui expriment à la fois la
le corps, enflé d'un manière et la simultanéité
souffle vague, o aux termes « vivants » et « souffle »
 v.24 Vivait en se 5. le « vague » du vers 21 est un substantif qui signifie « mouvement comparé à celui des
multipliant flots » et le « vague » du vers 23 est associé au terme « souffle » pour montrer que la
carcasse semble légèrement se soulever sous l’effet de la vermine qui la ronge

Strophe 7 Titre : Dans la septième strophe, cette fois la vie triomphe. Au milieu de la vision
 v.25 Et ce monde d’horreur on trouve un quatrain très lyrique en décalage avec ce qui précède. Il ne s’agit
rendait une étrange plus de provoquer en liant le beau et le laid mais de faire émerger une nouvelle forme de
musique, poésie : montrer que de la laideur surgit la beauté (alchimie poétique)
 v.26 Comme l'eau 1. v.25 > « monde » terme qui rassemble toute la vermine qui ronge la charogne
2. rime « musique » et « rythmique » montre que ces bruits rendent une musique
courante et le vent, « étrange » : la beauté semble triompher
 v.27 Ou le grain 3. les comparaisons du bruit des larves avec des éléments naturels (l’eau et le vent au vers
qu'un vanneur d'un 26) et les activités agricoles du « vanneur » et de son « van » sont déroutantes.
mouvement o pour l’eau on a l’impression qu’elle est immuable, qu’elle est tjs là mais pourant elle
rythmique ne cesse de « courir » , de fuir et chaque goutte en remplace une autre
 v.28 Agite et tourne o pour l’image du vanneur : n a l’impression que lorsqu’on écoute cette charogne,
dans son van. chaque larve d’insecte est une graine sur le point de germer, une nouvelle vie qui
s’apprête à prendre son envol.
Ainsi, on a l’idée d’une Nature vivante, la vie qui circule, en perpétuelle renouvellement !

Strophe 8 Titre : La strophe 8 semble prendre acte de cette métamorphose. La charogne est devenue
 v.29 Les formes objet poétique, objet artistique. Elle assimile la métamorphose de la charogne à l’ébauche
s'effaçaient et d’un peintre sur une toile :
n'étaient plus qu'un 1. La charogne perd presque de sa réalité et semble disparaître « s’effaçaient », « n’était
rêve, plus qu’un rêve ». Le poète va devoir la recomposer avec ses « souvenirs » (v.32)
 v.30 Une ébauche 2. Poursuite du vocabulaire de l’art : « ébauche », « toile », « artiste ». Cela amorce la
lente à venir, conclusion du texte, où c’est la poésie, l’art qui vient donner une forme éternelle aux
 v.31 Sur la toile sentiments éphémères.
oubliée, et que 3. « l’artiste achève » : la fonction de l’artiste serait de rassembler les souvenirs éparpillés,
l'artiste achève les fixer pour l’éternité sur sa toile ou dans un poème.
 v.32 Seulement par
le souvenir.

Strophe 9 Titre : Après deux strophes artistique, la strophe 9 rappelle brutalement la réalité :
 v.33 Derrière les 1. v.33 > On retrouve l’évocation du cadre initial avec un élargissement du champ avec le
rochers une chienne CCL « derrière les rochers » + le « nous » v.34 renvoie à celui du début (c’est le couple
inquiète d’amoureux)
 v.34 Nous regardait 2. après l’art, évocation très réaliste ici avec les termes « chienne », « squelette »,
d'un œil fâché, « morceau ».
 v.35 Épiant le 3. Retour à la description réaliste et à la réalité de la scène. Le choix du féminin pour
moment de l’animal n’est sans doute pas anodin. Au-delà de l’aspect purement rythmique du vers, la
reprendre au chienne peut aussi évoquer la prostituée, et participer ainsi d’un tableau dégradant et
squelette grinçant de la femme. Rappel strophe 1 on a l’adjectif « cynique » qui
 v.36 Le morceau étymologiquement est ce qui se rapporte au chien.
qu'elle avait lâché. 4. Reprendre … / le morceau : continuité vie / mort… la mort nourrit la vie comme le
squelette nourrit la chienne

Ainsi, la description de la charogne, particulièrement réaliste est également marquée par la force des images poétiques. Ce sont
elles qui finissent par transformer la charogne … jusqu’à la faire disparaître au bénéfice de l’acte de peindre ou d’écrire. Ce
n’est plus la charogne qui est au centre du poème mais l’art, la poésie.

MOUVEMENT 3 (STROPHES 10 A 12) : UNE LEÇON SUR LA MORT ET SUR L’ART DU POETE

Texte Procédé Effet / interprétation


Strophe 10 Titre : le poète opère une analogie entre la femme et la charogne
 v.37 – Et
pourtant vous 1. v.37 > Rupture du récit et retour au dialogue (tiret +adresse directe au destinataire
serez semblable avec lepronom « vous »). Le poète passe du souvenir de la découverte du cadavre avec sa
à cette ordure, bien-aimée à la décomposition à venir de cette dernière avec le futur de certitude (action qui
 v.38 A cette va se réaliser : « serez »
horrible 2. v.37 > Introduction nette de la comparaison entre la charogne et la femme « semblable à ».
infection, Elle est comparée à une « ordure » ce qui crée une image violente
 v.39 Etoile de 3. v.38 > poursuite de la comparaison avec deux termes durs : « horrible » et « infection » qui
mes yeux, soleil renvoie à la maladie. La diérèse sur le terme « infection », allonge l’impression de saleté
de ma nature, 4. v.39 > termes galants avec images traditionnelles désignant la femme dans un parallélisme de
 v.40 Vous, mon construction. La femme est lumière comme le montre « étoile » ou « soleil » qui permet un
ange et ma contraste saisissant avec la pourriture.
passion ! 5. v.40 : apostrophe « vous », + toujours images traditionnelles avec « ange » (la femme est une
créature céleste. Diérèse également à « passion ». qui rime avec « infection ». Encore une fois
association amour / mort, beauté / pourriture.

Strophe 11 Titre : la strophe 11 explicite le rapprochement entre la femme et la charogne


 v.41 Oui ! telle
vous serez, ô la 1. v.41 > affirmation avec ponctuation forte (exclamation) : confirmation presque joyeuse, assez
reine des grâces, enjouée du fait que la femme va devenir comme la charogne. « Telle » permet de continuer la
 v.42 Après les comparaison + rappel de la mort à venir inéluctable toujours avec le futur de certitude (« vous
derniers serez »)
sacrements, 2. v.41 > apostrophe lyrique avec le « ô » vocatif. Apostrophe. Encore image coutoise avec la
 v.43 Quand vous femme supérieur à l’homme (qui est son vassal) + tournure hyperbolique pour souligner sa
irez, sous l'herbe beauté + association de la femme aux Grâces (déesses de la beauté dans la mythologie). On
et les floraisons relève cependant le goût de la provocation et de l’ironie baudelairienne qui fait rimer :
grasses, « grâces » / « grasses »
 v.44 Moisir 3. v.42 et 43 > la mort est d’abord évoquée par des euphémismes « derniers sacrements » ou
parmi les « irez sous l’herbe ». Cependant l’image de la décomposition est très crue au vers 44 avec la
ossements. moisissures et les squelettes.
4. v.43 > « irez » > tjs futur de certitude sur le sort de la femme

Strophe 12 Titre : la 12ème strophe, elle sous-entend de façon ironique que si la belle ne répond pas à l’amour
 v.45 du poète, au moins son poème demeurera … et continuera à chanter cet amour non reçu et la
Alors, ô ma poésie
beauté ! dites à la 1. v.45 > « alors » > adverbe apporte la conclusion.
vermine 2. v.45 > nouvelle apostrophe lyrique avec le « ô » vocatif (« ô ma beauté »). Insistance sur les
 v.46 Qui vous attributs physiques de la dame. Idée que la beauté deviendra laideur et que c’est le poète qui
mangera de va pouvoir immortaliser la beauté de la femme.
baisers, 3. v.45 > impératif présent « dites » , présent qui rend réelle / présente cette mort, comme si elle
 v.47 Que j'ai était déjà là.
gardé la forme et 4. v.46 > « mangera de baisers » > employée au sens métaphorique c’est le poète qui embrasser
l'essence divine la femme mais au sens propre c’est bien la vermine qui se nourrira de la chair de la femme
 v.48 De mes une fois qu’elle sera morte
amours 5. v.47 > 1ère occurrence du « Je » qui se détache du « nous » précédemment employé.
décomposés ! Dissociation poète / femme. Si elle est « mangé, lui garde sa forme originelle comme le
montre le verbe « garder ».
6. v.47 > le poète par opposition à la femme appartient au domaine du « divin » puisque son
« essence divine » ce sont ses vers.
7. v.48 > ainsi, l’artiste est celui qui recompose ce que la mort a « décomposé ». Il unit / donne
une forme à ce qui se désagrège.

CONCLUSION

1. Réponse à ma problématique et bilan :

 Baudelaire renouvelle la poésie amoureuse. En effet, il propose un jeu de contraste beauté/ laideur et propose une
comparaison audacieuse entre la femme et la charogne. Il évoque alors une mort fatale à venir, mort réduite à la
décomposition charnelle, qui appelle, en réaction, à une vie immédiate intense ! )
 Baudelaire renouvelle donc le topos du « carpe diem » (« cueille le jour » en latin, formule du poète Horace dans les Odes
qui défend une philosophie du temps présent où il faut jouir des plaisirs quotidiens) et celui du « memento mori »
(souviens-toi que tu vas mourir). Sa poésie provocante se révèle particulièrement créatrice : une poésie capable de tirer du
beau de ce qu’il y a de plus répugnant, et une poésie capable de transmuter la mort en vie, en œuvre d’art !
o Il renouvelle ici par la provocation : le corps en putréfaction est décrit de façon réaliste et crue.
o Surtout, recevant l’héritage de la Renaissance et des Romantiques, il montre une poésie nouvelle capable de
transmuter le réel : l’alchimie poétique est à l’œuvre. La charogne s’efface pour devenir œuvre d’art, pour devenir
« fleurs du mal ». La charogne devient objet poétique. La boue s’est transformée en or. Et l’or ici c’est la poésie !

2. Ouverture : De nombreux poèmes dans Les Fleurs du mal rappellent le caractère inéluctable de la mort. C’est la cas
notamment de « L’Horloge » ou encore de « Danse macabre ».

Vous aimerez peut-être aussi