Le Nègre de Surinam Lecture Linéaire
Le Nègre de Surinam Lecture Linéaire
Le Nègre de Surinam Lecture Linéaire
Le nègre de Surinam
chapitre XIX, « En approchant de la ville […] il entra dans Surinam ».
Voltaire est un auteur du XVIIIème siècle, siècle des Lumières. Le siècle des Lumières est le siècle
des remises en question, fondées sur la raison et l'idée de liberté. Les philosophes sont engagés
contre les oppressions religieuses, morales et politiques. Ils combattent l'irrationnel, l'arbitraire, la
superstition. Voltaire est un philosophe qui écrit contre l'intolérance (et contre notamment le
fanatisme religieux). Pour lui, il ne peut y avoir de progrès de l'humanité et de la civilisation sans
tolérance. Il est engagé au service de la vérité, de la justice, de la liberté de penser.
Candide est un conte philosophique.
Le personnage principal, Candide, parcourt le monde pour mettre à l'épreuve la philosophie
optimiste de son ami Pangloss, certain de vivre dans le meilleur des mondes possible. Au sortir de
l’Eldorado (pays mythique où tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, que Candide
quitte néanmoins par vanité et amour), Candide retrouve la réalité du mal dans toute son horreur en
découvrant le nègre de Surinam (→ colonie hollandaise en Guyane ).
Problématique :
Dans quelle mesure le recours à l’ironie permet-il à Voltaire de dénoncer efficacement l’esclavage?
Mouvements :
1/ « en approchant ( …) où je te vois » = découverte de l'esclave
2/ « j'attends (…) sucre en Europe » = horreurs de l'esclavage
3/ « cependant (…) horrible » = réquisitoire contre esclavage
4/ « Ô Pangloss » → fin = désillusion et apprentissage de Candide
I/
→ L'esclave est "étendu par terre"l.1, alors que Candide est debout = situation d'infériorité.
La position physique révèle ici la position sociale.
L'esclave est immobile, il attend son maître, alors que Candide est en mouvement. Cette attitude
reflète leur condition: l'un est libre de ses mouvements, l'autre pas.
→ Surprise de la première phrase = aspect vestimentaire et l'amputation de la jambe et d'un bras mis
sur le même plan = distorsion ironique.
Impression de ne pas faire de différence entre un vêtement déchiré et une amputation.
Décalage entre l'objectivité du constat et l'horreur de la situation décrite pour surprendre le lecteur,
et l'interpeller.
2/
→ Parole à l'esclave pour susciter l'intérêt du lecteur, et l'émouvoir = Registre pathétique
→ L'esclave apparaît résigné.
- attitude de soumission: "J'attends mon maître"
– acceptation de son sort : "c'est l'usage"
→ « toile » = ironie = on l'utilise pour les marchandises. Ici = habit de l'esclave réduit au statut de
marchandise.
→ Explication calme de l'usage, qui renvoie au Code noir = l.8 à 10 : parallélisme de construction :
"quand nous" … "on nous": absence d'émotion de l'esclave
+ ton faussement détaché (quasi administratif) = renforce l’horreur de la situation = "je me suis
trouvé dans les deux cas" l.10 = mis en accusation du Code Noir par Voltaire.
→ Emploi 1e personne pluriel = « nous » = tous les esclaves.
→ "on" = les maîtres en général
→ "vous" = les européens, et ici plus particulièrement les français. Ce sont eux les responsables du
malheur de l’esclave. « c'est à ce prix là que vous mangez du sucre »
+ ironie sur emploi du mot "prix" = jeu entre le sens concret de "prix", c'est-à-dire le coût, et le sens
abstrait, négatif, qui est celui du châtiment, de la peine = Relation établie entre les mutilations de
l'esclave et possibilité pour les européens de manger du sucre = distorsion entre condition
inhumaine des esclaves et plaisir de manger du sucre.
3/
→L'esclave intègre à son discours un souvenir personnel, les paroles de sa mère au discours direct =
rappel émouvant du passé = registre pathétique
Propos positifs de la mère sur l'esclavage et encourage son fils à faire confiance aux seigneurs
blancs = parent leurrés sur esclavage.
+ Contradiction entre optimisme de la mère et situation de l'esclave
→L'énumération « les chiens, les singes et les perroquets » accentue cette contradiction: au lieu
d'avoir trouvé la fortune, il se trouve plus malheureux qu'un animal.
→ Dénonciation hypocrisie des prêtres.
Contradiction entre le précepte "nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs" et la pratique
de l'esclavage
+ raisonnement logique de l'esclave : « je ne suis pas généalogiste » et « vous m’avouerez » = le
discours des prêtres ne correspond pas à leurs actes
= bon sens et lucidité de l'esclave + ironie de Voltaire
Complicité religion/esclavagisme = Critique de la religion
4/
→ Dernière réplique de Candide :
Registre pathétique : Sensibilité du personnage → pour critiquer l’esclavage : la pitié + l’horreur
Remise en question de l’optimisme
→ Redéfinition subjective de la philosophie optimisme «Tout est au mieux dans le meilleur des
mondes possibles» devient «soutenir que tout est bien quand on est mal»
= antithèse «bien»/«mal» = l’absurdité de la théorie
→ les deux dernières propositions marquent la douleur que ressent Candide =il pleureX2 : «il
versait des larmes» «et en pleurant»
Conclusion
Dans un récit où l'ironie masque volontairement le pathétique, Voltaire place son héros devant la
forme la plus élaborée de l'horreur et l'inhumanité : celle de l’esclavage qui est un mal causé par le
politique et le religieux. Il dépasse ici, le problème spécifique de la philosophie optimiste en prenant
position face aux différentes formes de l'intolérance en les combattant.
(Les limites de la critique voltairienne :Candide quitte le nègre de Surinam en pleurant. Mais il ne
délivre pas le malheureux de son sort et ne cherche pas à obtenir son affranchissement. Le héros
n’est animé par aucun esprit de révolte)