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Guillaume Kermouche
Mines Saint-Etienne
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All content following this page was uploaded by Guillaume Kermouche on 16 July 2015.
THÈSE
présentée devant
Spécialité : mécanique
par
Guillaume KERMOUCHE
Titre de la thèse :
Contribution à la modélisation
théorique et numérique des essais
d’indentation et de rayure
Soutenue le 2 décembre 2005 devant la commission d’examen
i
ii Remerciements
ont manifesté à propos de mon travail durant mes trois années de thèse à travers divers
colloques et conférences,
A Marie-Christine Baietto, directrice de recherche CNRS, et Sylvain Drapier, professeur
des universités, d’avoir accepté d’être examinateurs de cette thèse.
Par ailleurs, j’exprime toute ma reconnaissance envers toutes les personnes qui ont
contribué, par le biais de collaborations industrielles ou universitaires, à enrichir ce travail.
Je tiens plus particulièrement à remercier Vincent Jardret, président de Tribometrix pour
le temps et l’aide qu’il m’a accordés durant ces trois années.
Un grand merci aux différents membres du laboratoire pour cette ambiance frater-
nelle qui continuait bien au-delà des murs de l’école. A ce titre, j’accorde volontiers les
félicitations du jury aux anciens et nouveaux thésards : Alexandre, Matthieu, Gilles, Yong
Gang, les inséparables Nabil et Antoine, ... et Eric, mon ex-voisin de bureau qui a pu si
souvent me faire bénéficier de ses nombreuses compétences scientifiques.
Le moment est enfin venu de remercier Isabelle Pletto, secrétaire de la recherche, qui
s’investit tellement pour ses petits qu’elle en oublie ses horaires. Ce travail aurait proba-
blement été bien différent sans son aide.
Résumé
iii
Table des matières
Remerciements i
Résumé iii
Introduction ix
v
vi TABLE DES MATIÈRES
D Notations 161
E Bibliographie 163
Introduction
Présentation du contexte
ix
x Introduction
théorique et numérique de cet essai. L’objectif est d’améliorer la compréhension de cet es-
sai en s’appuyant sur des modélisations numériques complétées d’analyses théoriques afin
d’aboutir à des méthodes d’identification simples des lois de comportement des matériaux
en complément des méthodes déjà existantes.
Un autre domaine de la mécanique des surfaces concerne le comportement mécanique
des interfaces et, plus particulièrement, la résistance à l’usure abrasive. Cette résistance
peut être caractérisée par des tests d’usure ou de frottement reproduisant les conditions
réelles d’utilisation. Cependant, ces essais étant très coûteux et difficiles à analyser, une
alternative consiste à utiliser l’essai de rayure. Ce dernier permet de comprendre les
mécanismes de déformation des matériaux soumis à une sollicitation abrasive élémentaire.
Un des inconvénients majeurs de cet essai est la grande difficulté d’interprétation des
résultats étant donné la complexité des phénomènes mis en jeu. Le développement et l’uti-
lisation d’outils de type simulations numériques par éléments-finis est donc d’une aide
précieuse La seconde partie de ce document est dédiée à la modélisation théorique et
numérique de cet essai. Des simulations par éléments finis sont ainsi développées avec pour
objectif d’étudier les différents phénomènes mécaniques rencontrés en rayure.
cinématique, a un effet significatif. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication
dans la revue Wear [8]. L’influence de la vitesse de rayure sur le comportement à la
rayure des solides viscoélastiques et élastiques-viscoplastiques est aussi étudiée.
3. Le dernier chapitre de ce mémoire concerne l’usure des crayons de grappes par impact-
glissement [71]. Nous utilisons l’algorithme développé pour la simulation numérique
de la rayure de matériaux bicouches pour comprendre les effets d’un impact-glissement
sur un guide de grappes dont la surface est recouverte d’une couche mince de type
film de frottement. Les champs de contraintes et de déformations obtenus permettent
alors de dégager une première interprétation de l’usure des crayons de grappes.
1
Modélisation de l’essai d’indentation
L’analyse des essais de dureté est un des sujets les plus étudiés depuis que l’on s’intéresse
aux propriétés mécaniques de surfaces des matériaux. Le principe de cet essai de dureté est
le suivant : un pénétrateur supposé indéformable laisse une empreinte dans le matériau à
tester sous une charge donnée. Cette empreinte est ensuite mesurée pour calculer la dureté
définie comme la charge appliquée divisée par la taille de l’empreinte (voir figure 1.1).
Cette notion de dureté, dite par pénétration, a été introduite par Brinell [123]. Ce dernier
l’a développée pour vérifier la qualité de deux séries de lingots de fer. Pour cela, il prit des
lingots de chaque type, les écrasa avec une sphère en imposant la même charge et mesura
la taille de l’empreinte. Il s’avéra alors que les deux empreintes n’avaient pas la même taille
ce qui signifiait que la qualité des lingots n’était pas similaire pour les deux séries.
Il existe différents essais de dureté correspondant à différentes géométries de pénétra-
teurs 1 . Les plus connus sont les essais Vickers, Brinell, ... (voir figure 1.2). Les différents
types de mesures de dureté ont été développés indépendamment les uns des autres et
doivent être considérés comme correspondant à des caractéristiques sans lien entre elles.
Compte tenu des dimensions de ces duretés, elles pourraient s’exprimer en unités SI, par
exemple en MPa 2 . Toutefois, pour éviter toute comparaison illicite entre les valeurs de
dureté obtenues avec les différents essais, la norme ISO a introduit des unités spécifiques à
chaque essai (Brinell : HB, Vickers : HV)[37]. Suivant la nature et la dureté des matériaux
testés, certains essais sont plus recommandés que d’autres. Citons, par exemple, l’essai
Rockwell pour les matériaux très durs (Carbure, Acier trempé, ...).
La normalisation et l’utilisation massive de ces essais ont amené la dureté à être
considérée comme une caractéristique mécanique des matériaux au même titre que le mo-
1. Dans la suite de ce document, le terme pénétrateur sera remplaçé par le terme indenteur.
2. A l’exception de la dureté Rockwell qui est liée à la pénétration résiduelle
1
2 Modélisation de l’essai d’indentation
Fig. 1.1 – Essai de dureté à l’aide d’un indenteur à pointe pyramidale [134]
dule de Young ou la limite d’écoulement. Par exemple, la dureté apparaı̂t fréquemment sur
la même ligne que le module de Young lors de la description des propriétés mécaniques des
matériaux. Se pose alors la question : qu’est ce que la dureté d’un matériau?
Cette notion de dureté semble très simple à appréhender puisqu’elle fait appel au sens
élémentaire du toucher. En effet, pour évaluer la dureté d’un matériau, chacun d’entre
nous aura le réflexe d’exercer une pression pour sentir sa résistance [134]. Cependant,
si la mesure de dureté est facile, sa valeur n’a de sens que si l’on précise les conditions
et dispositifs de mesure. Concernant les alliages métalliques (aluminium, ...), la dureté
se rapporte essentiellement à leurs propriétés plastiques. En effet, elle est d’autant plus
importante que la limite d’écoulement plastique du matériau est grande. La dureté au sens
de Brinell semble donc convenir. En revanche, lors d’essais de dureté sur des matériaux
hyperélastiques comme les élastomères, il n’existe pas d’empreinte rémanente. Selon la
définition classique de la dureté, les caoutchoucs seraient infiniment plus durs que les
métaux !!
Meyer, et par la suite Tabor [122], suggère de définir la dureté des matériaux comme le
rapport entre la charge appliquée et la surface maximale de contact sous charge. La dureté
est alors la pression moyenne sous charge (ou pression moyenne de contact). Il justifie son
approche en remarquant que pour les indenteurs dit ’pointus’ (Vickers, Berkovitch, Rock-
well, cône, ...) et lorsque les matériaux testés sont élastoplastiques, la pression moyenne de
contact est indépendante de la charge appliquée. Ce phénomène est une des conséquences
du principe de similarité géométrique sur lequel nous reviendrons dans la suite de ce do-
cument. La notion de dureté est alors directement reliée à la notion de résistance à la
pénétration d’un indenteur et est ainsi une mesure des propriétés mécaniques du solide
indenté. Une des principales difficultés de cette définition est la mesure sous charge de
la surface de contact. Remarquons que cette définition de la dureté est similaire à celle
de Brinell lorsque les matériaux sont infiniment rigides (pas de retour élastique lors de la
décharge). Dans la suite de ce document, nous retiendrons cette définition pour
la dureté des matériaux.
En raison de sa facilité de mise en oeuvre et de son caractère non destructif, l’essai de
dureté est depuis longtemps utilisé pour caractériser certaines propriétés mécaniques des
matériaux comme l’élasticité, la plasticité, la viscosité et l’endommagement. Malheureu-
sement, à la facilité de mise en oeuvre de ces essais s’oppose la difficulté d’interprétation
des résultats d’un point de vue théorique. Dans un premier temps, des études théoriques
en plasticité parfaite [56][88] ont permis de relier, pour des aciers, la valeur de la dureté
à la limite d’écoulement. A partir d’études expérimentales, Tabor introduit le concept de
4 Modélisation de l’essai d’indentation
Depuis les travaux de Tabor [123], il est communément admis qu’il existe une rela-
tion entre l’essai d’indentation et un essai de caractérisation mécanique uniaxial de type
traction, compression ou cisaillement. Pourtant, cette relation si pratique est loin d’être
évidente. En effet, contrairement à l’essai de traction, l’essai de dureté est triaxial. Com-
ment peut-on alors aussi simplement réduire cet essai de manière à retrouver
les résultats d’un essai de traction ?
Hill [56] et Tabor [123] expliquent que dans le cadre de l’indentation de solides élasto-
plastiques homogènes, il existe des géométries d’indenteurs permettant de respecter le prin-
cipe de similarité géométrique. Celui-ci s’énonce : Quelle que soit la valeur de la pénétration
de l’indenteur, les champs de contraintes et de déformations sont géométriquement simi-
laires.
Il est nécessaire que les conditions aux limites en chargement satisfassent la condition de
similarité géométrique. En d’autres termes, l’indenteur doit être autosimilaire (voir figure
1.3). Les indenteurs de type pyramidaux, côniques et diédriques respectent cette condition,
contrairement aux indenteurs sphériques ou cylindriques. De plus, le premier contact doit se
faire en un point (pointe de l’indenteur dans le cas du cône) ou une ligne (dièdre). Le solide
indenté doit être homogène isotrope semi-infini. Pour simplifier la notation, l’expression
principe de similarité geométrique sera remplaçée par PGS 3 par la suite.
Pour simplifier, seul le cas de l’indentation cônique (et diédrique) est étudié dans ce
document. Dans la pratique, l’utilisation d’indenteur de type Berkovitch, Vickers ou Cube
Corner est préférée. Pour chacun de ces indenteurs, il est possible de déterminer un cône
équivalent en recherchant l’angle de cône 4 donnant le même volume de matière déformée.
Pour un indenteur Berkovitch (resp Cube Corner), l’angle de cône associé est 19,7◦ (47,7◦ ).
Formulation du PGS
Les grandeurs essentielles pour formuler les équations du contact dans le cas d’une
indentation cônique sont le rayon de contact a et la pénétration de l’indenteur h. Les
différentes caractéristiques géométriques sont décrites sur le schéma 1.4.
sion d’une cavité sphérique dans un solide élastoplastique semi-infini, ou encore comme le
rayon de contact ou la profondeur de pénétration dans le cadre de l’indentation cônique
ou diédrique. Généralement, les champs de contraintes et de déformations sont fonction de
~x et de c. Lorsque le principe de similarité géométrique est respecté, ces champs sont sim-
plement fonction de ~xc . Il est donc possible de raisonner sur une configuration équivalente
(appelée graphe unité par Hill[56]) en considérant c=1 et en effectuant la transformation
géométrique correspondante pour revenir à la configuration actuelle. Le PGS est illustré
sur la figure 1.5. Cette figure montre aussi que le rayon de contact à l’instant t semble être
un choix pertinent pour la longueur caractéristique dans le cadre de l’indentation cônique.
Notons qu’il existe une forte ressemblance entre l’étude des problèmes satisfaisant ce prin-
cipe de similarité géométrique et l’étude des problèmes dans une configuration stationnaire.
Nous verrons par la suite que l’essai de rayure peut faire partie de cette deuxième classe
de problèmes.
Fig. 1.5 – Exemple d’isocontours de déformation plastique cumulée obtenus lors de l’inden-
tation cônique de solides élastoplastiques pour différentes valeurs de la pénétration.
Les équations 1.1 et 1.2 conduisent à l’écriture d’une distribution de pression de contact
du type :
p(r,t) = σzz (r,0,t) = P (X) (1.3)
1.1 Indentation et dureté 7
~ (X,Z)
~u(r,z,t) = a(t).U (1.4)
La pénétration de l’indenteur est donnée par h(t) = uz (0,0,t). Une implication évidente
du PGS est que ha , le rapport entre la pénétration et le rayon de contact, est constant au
cours de la charge. La valeur de ha dépend des propriétés mécaniques du matériau indenté
et n’est donc pas forcément égale à tan(β).
Dans certains cas expérimentaux, la pression moyenne varie avec la charge appliquée. Il
existe plusieurs raisons à cela. Une d’elles est l’apparition de phénomènes liés aux effets
d’échelle (figure 1.6). Une autre concerne la présence d’un rayon de courbure à la place
de la pointe de l’indenteur (pointe émoussée). Dans ces deux cas, il suffit de choisir une
pénétration suffisamment grande par rapport à ces effets pour exploiter les résultats. Cette
variation se produit aussi lorsque les matériaux ont des gradients de propriétés. Un exemple
simple consiste à indenter un système substrat/couche. Le PGS n’est pas satisfait car il
existe une longueur caractéristique liée à l’épaisseur de la couche. Un autre exemple est la
mesure de dureté après trempe superficielle. Si la taille de l’indentation est de l’ordre de
l’épaisseur de la zone affectée, il est évident que le matériau ne peut être considéré comme
homogène. Pour tous ces cas, le PGS ne s’applique pas. Il convient donc de faire attention
à ces effets pour analyser les résultats des essais d’indentation.
Etant donné l’invariance de la pression moyenne et du rapport ha au cours de la phase
de chargement, l’évolution de la charge en fonction de la pénétration s’écrit :
F = Ch2 (1.6)
C est habituellement appelée courbure et est reliée à la pression moyenne par l’expression :
2
C h
pm = (1.7)
π a
8 Modélisation de l’essai d’indentation
Fig. 1.6 – A : Effets d’échelles observés expérimentalement lors d’essais d’indentation sur
du cuivre, B : Concept de geometrically necessary dislocations pour expliquer cet effet [100]
Une des conséquences du PGS est qu’il est possible de définir des distributions représen-
tatives de l’état de contraintes et de l’état de déformations relatives à l’essai d’indentation.
Ces distributions sont respectivement Σ(X,Z) et E(X,Z). Il est donc aussi possible de
définir des tenseurs de contraintes et déformations représentatifs de ces distributions. De
même, on peut définir un scalaire représentatif de ces tenseurs, adapté aux problèmes que
l’on traite. Ces grandeurs sont dénommées contrainte et déformation représentatives. Bien
évidemment, il existe une multitude de définitions dans le cas de l’indentation. Une écriture
intuitive est de considérer ces grandeurs au sens d’une moyenne sur un volume de matière
représentatif lié à la longueur caractéristique du problème (voir figure 1.7). Par exemple,
une écriture possible du tenseur de déformation représentatif est :
Z
kε
(εij )r = εij dV (1.8)
Vr Vr
métalliques, Tabor [122] et Johnson [67] ont proposé une expression de la contrainte
représentative et de la déformation représentative :
pm
σr = et εr = 0,2tan(β) (1.9)
3
Cette définition est une bonne approximation lorsque les matériaux peuvent être considérés
comme rigides plastiques (avec ou sans écrouissage) et lorsque β est suffisamment faible.
Existence du PGS
Le PGS s’applique lorsque les matériaux sont élastiques linéaires ou bien rigides par-
faitement plastiques et que la forme de l’indenteur remplit les conditions de similarité. Il
semble donc naturel de prolonger l’application du PGS aux matériaux élastoplastiques dans
un cadre général. De nombreuses études expérimentales et numériques montrent l’inva-
riance de la pression moyenne lors de l’indentation de matériaux élastoplastiques. De plus,
Cheng et Cheng [34] montrent, par une analyse dimensionnelle, que la pression moyenne est
constante au cours de l’indentation quelle que soit la valeur des propriétés élastoplastiques
du matériau. Dans la suite de ce document, il est admis que le PGS est satisfait quelle
que soit la valeur des propriétés élastoplastiques du solide indenté lorsque la
forme de l’indenteur suit la condition d’autosimilarité.
~
~v (r,z,t) = ȧ(t).Υ(X,Z) (1.11)
Comme leur nom l’indique, les essais de dureté classiques permettent seulement de
mesurer une valeur de dureté. L’intérêt des essais d’indentation (ou de dureté) instrumentée
est d’obtenir des informations complémentaires en enregistrant en continu l’évolution de la
force appliquée sur l’indenteur et l’évolution de la pénétration de celui-ci dans le matériau
considéré de façon simultanée (voir figure 1.9). L’essor des mesures de dureté instrumentée
a eu lieu dans les années 80 [107][90][41], principalement grâce au développement des
techniques de nano-indentation permettant de mesurer des valeurs de dureté pour des
enfoncements inférieurs au micron.
La technique d’indentation instrumentée permet de construire la courbe force-dépla-
cement de l’essai d’indentation (figure 1.10). Cette courbe est constituée de deux parties
distinctes : une courbe de charge, correspondant à la pénétration de l’indenteur, et une
courbe de décharge correspondant au retrait de l’indenteur. Sur cette courbe, on peut
déterminer différentes grandeurs liées à l’enfoncement de l’indenteur : ht l’enfoncement
maximal de l’indenteur, hr la profondeur rémanente de l’empreinte plastique et hr0 la
profondeur plastique sous charge (obtenue en traçant l’intersection entre la tangente à la
courbe de décharge au point d’enfoncement maximum et l’axe des abscisses).
La courbe de charge permet d’obtenir des informations sur les propriétés élastiques
et plastiques des matériaux [91]. Lors de la décharge, deux phénomènes peuvent être
12 Modélisation de l’essai d’indentation
observés. Au début, tout le solide subit un retour élastique. En fonction des propriétés
élastoplastiques des matériaux, il est possible qu’une partie du solide indenté plastifie une
nouvelle fois en décharge [67][74]. Toutefois, la courbe de décharge donne surtout des infor-
mations sur l’élasticité du matériau. Il existe de nombreux travaux [91] [41] [103] montrant
que la partie initiale de la courbe de décharge peut être utilisée pour déterminer le module
d’élasticité en utilisant la relation ci-dessous :
2 √
Kc = ρ √ E ∗ A (1.17)
π
avec Kc la rigidité de contact ou la pente initiale de décharge, A l’aire de contact à la fin de
la charge, ρ un facteur correctif prenant en compte la forme réelle de l’indenteur [104][128]
et E ∗ le module d’élasticité réduit de l’indenteur. Ce dernier est donné par :
1 1 − νe2 1 − νi2
= + (1.18)
E∗ Ee Ei
avec Ee , νe les propriétés élastiques de l’échantillon et Ei , νi les propriétés élastiques de
l’indenteur. Lorsque l’indenteur est infiniment rigide, E ∗ se réduit à 1−ν Ee
2 . La principale
e
1.1 Indentation et dureté 13
inconnue de l’équation 1.17 est l’aire de contact. Oliver et Pharr [103] ainsi que Loubet et
al [89] ont proposé des procédures pour déterminer directement l’aire de contact à partir
de la rigidité de contact. Toutefois, ces procédures ne fonctionnent que dans un domaine
d’utilisation restreint. Récemment, d’autres méthodes ont vu le jour à l’aide de l’analyse
dimensionnelle et de la simulation numérique par éléments-finis [38][34]. Mais, elles ne
fonctionnent encore que dans un cadre de travail particulier.
La dureté obtenue en considérant ces trois types d’utilisations est souvent différente. En ef-
fet, chaque échelle fait intervenir ses propres phénomènes physiques (densité de dislocations,
taille de grains, aspérités). A l’heure actuelle, il est possible de mesurer avec suffisamment
de précision la dureté et le module de Young des matériaux à ces différentes échelles. Un
1.2 Etude bibliographique 15
des enjeux actuels réside dans le développement de méthodes permettant de relier ces me-
sures de dureté au comportement mécanique des matériaux étudiés. Ainsi, il serait possible
d’identifier les propriétés mécaniques des matériaux localement à l’aide de cet essai.
Dans cette section, nous nous limiterons au cas des solides élastiques linéaires classiques.
Le problème de l’indentation cônique a été résolu par Love [92] et Sneddon [117]. Dans
ce cas, le PGS est satisfait. L’expression de la pression moyenne d’indentation (ou dureté)
s’écrit :
1 E
pm = tan(β) (1.19)
2 1 − ν2
Par référence au travail de Tabor [123], la contrainte représentative σr s’écrit σr = pγme ,
avec γe un scalaire arbitraire. La déformation représentative s’écrit, au sens de l’essai de
1
traction uniaxial, εr = 2∗γe ∗(1−ν 2 ) ∗ tan(β). Notons qu’il existe une infinité de valeurs pour
γe , et ainsi une infinité de couples (σr ,εr ) permettant de calculer la valeur correcte de la
pression moyenne. Dans la suite de ce document, la valeur de γe sera choisie de façon
judicieuse pour résoudre les problèmes en élastoplasticité.
Schéma
2 E h 4 E a 1 E
pm π 1−ν 2 a 3π 1−ν 2 R 2 1−ν 2
tan(β)
E E 1 3 2 E
F 2a 1−ν 2h 1−ν 2
R2 h2 π 1−ν 2
tan(β)h2
Tab. 1.1 – Expression de la pression moyenne pour divers indenteurs dans le cadre de
l’élasticité linéaire
Les expressions de la pression moyenne et de la force appliquée sur l’indenteur pour les
différentes formes d’indenteurs sont résumées dans le tableau 1.1. Les solutions reposent
sur un contact sans frottement entre l’indenteur et le solide. Il existe des solutions où le
16 Modélisation de l’essai d’indentation
frottement est pris en considération. Dans le cas du contact hertzien, Spence [118] montre
que le frottement introduit une augmentation de la force exercée sur l’indenteur.
Fig. 1.12 – Champ des lignes de glissement proposé par Hill [56] dans le cas de l’indentation
diédrique
2
pm = √ ∗ (1 + ψ) ∗ Y →= γp ∗ Y (1.20)
3
où Y est la limite d’élasticité (critère de von Mises), γp est le scalaire reliant la pres-
sion moyenne à la contrainte représentative (Y dans ce cas) et ψ l’angle du champ de
déformations semi-homogène (éventail EBC). ψ est relié à l’angle d’ouverture du dièdre
par l’équation :
cos(ψ)
cos(2 ∗ θ − ψ) = (1.21)
1 + sin(ψ)
Grunzweig [50] a généralisé la solution de Hill dans le cas d’un frottement non nul à
l’interface. Comme dans le cas de l’élasticité linéaire, la prise en compte du frottement
induit une augmentation de la pression moyenne d’indentation (ou dureté) et de la force
appliquée sur l’indenteur. Cette augmentation est très faible lorsque le dièdre est très ouvert
1.2 Etude bibliographique 17
(β proche de 0◦ ) mais peut devenir très importante lorsque le dièdre est pentu et/ou le
coefficient de frottement est grand (voir figure 1.13). Haddow et Johnson [53] ont établi
Fig. 1.13 – Dépendance de la pression moyenne vis à vis de l’angle d’ouverture de l’inden-
teur et du frottement interfacial. k étant la limite d’écoulement lors d’un essai en cisaille-
ment simple. Figure extraite de [67]
une solution comportant une zone morte entre l’indenteur et le massif, permettant ainsi de
modéliser le cas du contact collant. Ces solutions expliquent à quel point il est important
de minimiser le frottement entre l’indenteur et la pièce lorsque l’angle d’ouverture de
l’indenteur n’est pas assez important. De plus, elles montrent que la pression moyenne,
ou dureté, dépend de l’angle d’ouverture de l’indenteur ainsi que du frottement interfacial
La résolution des problèmes axisymétriques par la méthode des lignes de glissement
n’est possible que dans certaines conditions. Il est nécessaire de faire l’hypothèse que
la contrainte circonférentielle est égale à l’une des deux contraintes principales du plan
méridien (hypothèse de Haar-von-Karman). Le problème n’est alors soluble qu’en utilisant
un critère de plasticité de Tresca. Shield [116] justifie cette approximation dans le cas du
poinçonnement. Lockett [88], à l’aide d’une résolution numérique, traite l’indentation par
un cône pour certaines valeurs de β en considérant un frottement nul. Les résultats obtenus
sont résumés dans le tableau 1.2. La solution de Lockett coı̈ncide approximativement avec
celle de Shield quand β = 0. Ces travaux ont été complétés plus tard par Chitkara et Butt
[35] en utilisant un critère de frottement de type Tresca pour d’autres valeurs d’angles de
cône. Ces auteurs montrent que l’effet du frottement sur la dureté lors d’une indentation
18 Modélisation de l’essai d’indentation
Tab. 1.2 – Résultats obtenus par Lockett dans le cas de l’indentation cônique. k étant la
limite d’écoulement lors d’un essai en cisaillement simple (ou cisaillement limite)
Tabor [123].
Avec le développement des codes de calculs par éléments-finis durant ces dernières
années, il a été démontré que ce modèle n’est pas rigoureusement adapté à l’essai d’inden-
tation. Laval [85] et Angelelis [111] ont étudié l’évolution de la pression moyenne de contact
et l’aire de contact en fonction du facteur rhéologique pour un indenteur Berkovitch. Leur
approche est utilisable dans le cas des matériaux élastiques parfaitement plastiques [59].
20 Modélisation de l’essai d’indentation
Cheng et Cheng [34] ont appliqué les théorèmes de Vaschy-Buckingham [6] concernant
l’analyse dimensionnelle. Ils ont ainsi exprimé les grandeurs caractéristiques de l’inden-
tation (force, rayon de contact, pression moyenne, pente initiale de décharge, ...) à par-
tir de fonctions adimensionnelles. Pour simplifier leur étude, ils ont considéré la courbe
contrainte-déformation décrite ci dessous :
σ = Eε, pour ε ≤ YE
σ = κεn , pour ε ≥ YE
L’intérêt principal de cette loi est qu’elle permet d’approximer une large gamme de lois
d’écrouissage en limitant le nombre de paramètres (E, ν, Y et n). Cheng et Cheng montrent
que la force appliquée sur l’indenteur et la pression moyenne s’écrivent :
2 Y
F = Eh Πα ,ν,β (1.23)
E
tan2 (β)
Y
pm = E Πβ ,ν,β (1.24)
π E
avec Πα et Πβ des fonctions adimensionnelles. Ils prouvent ainsi qu’il existe de multiples
combinaisons de E, Y et n permettant d’obtenir la même valeur de pression moyenne d’in-
dentation. Grâce à l’utilisation de la méthode par éléments-finis, ils montrent qu’il existe
une valeur de déformation représentative telle que la pression moyenne soit indépendante
de l’écrouissage du matériau. Dans le cas d’un indenteur cônique d’angle β=22◦ , la valeur
de cette déformation est de l’ordre de 0.1. Notons que ce résultat est en bon accord avec
ceux de Tabor (équation 1.9).
L’un des intérêts de cette méthode est de proposer une démarche utilisable quel que
soit le comportement du matériau. Un des inconvénients majeurs est qu’il est nécessaire de
décrire toute la physique du problème pour l’utiliser. De nombreux auteurs ont proposé des
expressions pour ces fonctions à partir de l’utilisation intensive de calculs par éléments-finis.
Dao [38] a étudié le cas de l’indenteur Berkovitch 6 . Il introduit la fonction adimensionnelle
suivante :
C E∗
= Π1 ,n (1.25)
σr (εr ) σr
avec C le paramètre de la courbe de charge F = Ch2 . L’influence du coefficient de Poisson
est négligée. La figure 1.15 illustre la définition adoptée par cet auteur pour la relation entre
εr et σr . Il montre qu’une valeur de déformation représentative εr de 0,033 rend le ratio σCr
où D0 ,D1 ,D2 ,D3 sont des constantes (voir table 1.3).
Bucaille [23] ainsi que Chollacoop [36] ont étendu les travaux précédents à d’autres
formes d’indenteurs (voir table 1.3). Ils proposent de calculer une approximation de la
courbe contrainte-déformation des matériaux à partir de deux essais d’indentation en
22 Modélisation de l’essai d’indentation
β εr D3 D2 D1 D0
10◦ 0.017 -2.913 44.023 -122.771 119.991
19.7◦ 0.033 -1.131 13.635 -30.594 29.267
30◦ 0.0537 0.06463 -2.2102 21.589 -28.5741
40◦ 0.082 0.02937 -0.9324 8.4034 -7.532
47.7◦ 0.126 0.02842 -0.648 4.9036 -3.806
Tab. 1.3 – Constantes de l’équation 1.26 pour différentes valeurs de β selon Dao [38],
Bucaille [23] et Chollacoop [36]
Solides viscoplastiques
Considérons la loi de comportement d’un fluide non newtonien décrit par l’équation
suivante dans un cas uniaxial :
σ = K ε̇m (1.27)
Cheng et Cheng [34] démontrent à partir des techniques de l’analyse dimensionnelle que,
lorsque le matériau considéré suit le comportement ci-dessus, la pression moyenne d’inden-
tation s’écrit : !m
ḣ
pm = K Πδ (m,β) (1.28)
h
avec Πδ une fonction adimensionnelle de l’exposant de sensibilité à la vitesse de déformation
m et de l’angle d’attaque du cône β. Ce résultat permet ainsi de fournir une vérification
théorique des résultats expérimentaux de Lucas [93] qui avait observé une invariance de la
dureté lors de l’indentation en utilisant une cinématique à ḞF constant (voir figure 1.17).
Fig. 1.17 – Mesures de dureté obtenues sur l’indium pur par Lucas [93] en considérant une
cinématique de chargement à FḞ constant suivi d’un segment à force constante
L’exposant
m peut ainsi être déterminé par une régression linéaire sur la courbe ln(pm ) =
ḣ
f ln h comme l’a suggéré Lucas. Bertrand [15] propose d’appeler la valeur obtenue
24 Modélisation de l’essai d’indentation
avec cette régression linéaire l’index viscoplastique. Ce dernier est rigoureusement égal
à l’exposant de sensibilité à la vitesse de déformation m lorsque la loi de comportement est
celle décrite par l’équation 1.27. Lorsque les matériaux sont viscoélastiques et/ou élastiques-
viscoplastiques (polymères [51], ...), cette relation n’est pas évidente. Dans la suite de ce
document, la signification de cette grandeur fait l’objet d’une étude particulière dans le
cas de l’indentation des solides élastiques-viscoplastiques.
avec F0 , l’effort appliqué sur l’indenteur à t=0. D’un point de vue expérimental, la pé-
nétration de l’indenteur est égale à 0 pour t=0, ce qui implique que F0 = 0. Cependant,
pour effectuer un essai à ḞF constant, il est nécessaire que F0 soit supérieur à 0 (équation
1.30). Cela montre que ḣh ne peut être constant au début de l’essai. Le PGS n’est donc pas
rigoureusement satisfait et ainsi, la pression moyenne varie au début de l’essai. Dans le cas
26 Modélisation de l’essai d’indentation
des fluides non newtoniens, Cheng et Cheng [34] montrent que la vitesse de déformation
en indentation s’écrit :
ḣ −2αt Ḟ
= α 1 − exp (1.31)
h m F
La vitesse de déformation et la pression moyenne se stabilise après un temps de l’ordre de
m
2α
. Ce phénomène est représenté sur la figure 1.18.
Le PGS ne peut donc être rigoureusement satisfait lors de l’indentation de matériaux
à comportement dépendant du temps. Toutefois, la période, pendant laquelle la pression
moyenne d’indentation varie avec la pénétration est suffisamment faible pour négliger ce
phénomène lors d’essais expérimentaux. De plus, les effets d’échelles et les problèmes liés
aux défauts de pointe des indenteurs sont souvent bien plus préjudiciables.
Dans cette partie, un modèle pour l’indentation cônique et diédrique de solides élasto-
plastiques est proposé. Dans un premier temps, le cas des solides élastiques parfaitement
plastiques est traité. La solution est ensuite étendue au cas des solides écrouissables et
validée grâce à des simulations numériques par éléments-finis. Une méthode permettant
de déterminer la courbe contrainte-déformation à l’aide de plusieurs angles de cônes est
présentée. Ces résultats sont ensuite comparés aux méthodes issues de l’analyse dimension-
nelle (Dao [38], Bucaille [23], ...). Les effets du frottement sont aussi étudiés. Finalement,
l’utilisation de ce modèle sur des résultats de nano-indentation instrumentée est discutée.
Tabor explique que la déformation représentative est une fonction linéaire de tan(β) lorsque
les matériaux sont rigides plastiques. Considérons une définition similaire pour la déforma-
tion représentative plastique :
s’exprime :
1 Er
pm = tan(β) (1.38)
2 1 − νr2
avec νr , le coefficient de Poisson du matériau élastique représentatif. Compte tenu de 1.36,
1.37 et 1.38, γ s’écrit :
pm 1 1 tan(β)
γ= = (1.39)
Y 2 1 − νr (1 − ζ B) YE + ζ tan(β)
2
Dans cette équation, les termes inconnus sont le scalaire ζ et le coefficient de Poisson
représentatif νr . Dans le cas limite des matériaux rigides parfaitement plastiques, les
déformations élastiques sont nulles ( YE → +∞) et γ = γp . L’équation 1.39 donne alors
pour ζ :
1 1
ζ= (1.40)
2γp 1 − νr2
ζ dépend de γp et de νr . γp se détermine à partir des équations 1.20 et 1.21 pour le
dièdre et une approximation est donnée dans le cas du cône 9 dans la table 1.2. La dernière
inconnue est νr . Pour satisfaire le cas limite de l’élasticité, il est nécessaire que νr soit
égal à ν. Toutefois, rien n’indique que νr soit indépendant des propriétés mécaniques du
matériau et en particulier du rapport YE . Dans son étude visant à modéliser l’indentation
des matériaux rigides plastiques par des solides élastiques non linéaires, Hill [58] préconise
9. Rappelons que γp a été obtenu à l’aide d’un critère de plasticité de Tresca et en admettant l’hypothèse
de Haar-von-Karman.
1.3 Une solution approchée de l’indentation cônique et diédrique 29
une valeur de 0.5 pour le coefficient de Poisson. Une illustration simple de ces résultats est
de considérer γp égal à 3 comme le préconise Tabor [123] et un matériau rigide parfaitement
plastique YE = 0 et νr = 0.5. Les expressions de σr et εr sont alors :
pm
σr = et εr = 0,22tan(β) (1.41)
3
Ces expressions sont très proches de celles proposées par Tabor dans le cas des matériaux
rigides plastiques.
Dans cette partie, l’écrouissage est de nature isotrope. Lors d’un essai d’indentation, le
chargement est approximativement radial. L’exemple de l’expansion d’une cavité sphérique
sous l’indenteur illustre ce phénomène. Il n’est donc pas nécessaire de prendre en compte
le caractère cinématique de l’écrouissage. D’une manière générale, la courbe d’écrouissage
lors d’un essai de traction, s’écrit :
σ = Y + f (εp ); (1.42)
La principale difficulté de cette approche est que le rapport γ = pσmr n’est pas connu
dans le cas rigide plastique. Les travaux de Storäkers [119] et Larsson [82] montrent que,
lorsque l’écrouissage du matériau est une loi puissance du type σ = σ0 (εp )n avec σ0 et n
des constantes matériaux et lorsque le matériau considéré est rigide plastique, la pression
moyenne s’exprime par pm = B1 σ0 (B2 )n , avec B1 et B2 des constantes. On peut définir ici,
B1 comme γ et B2 comme εpr . Ces résultats permettent de valider l’hypothèse suivante :
lorsque les matériaux sont rigides plastiques, le rapport γ = pσmr est indépendant
de l’écrouissage du matériau et est donc égal à γp .
30 Modélisation de l’essai d’indentation
Néanmoins, Larsson [82] montre que la définition d’une seule contrainte représentative
n’est pas suffisante pour calculer correctement la pression moyenne lorsque la courbe σ − ε
est irrégulière. Dans certains cas, l’hypothèse précédente peut donc être remise en cause.
Le scalaire ζ s’écrit ainsi de la même façon que pour les matériaux élastiques parfaite-
ment plastiques (équation 1.40).
Dans cette partie, l’indentation par un cône d’un solide élastoplastique est simulée
à l’aide de la méthode des éléments-finis. Pour simplifier l’étude, une formulation axi-
symétrique du problème est utilisée. Les solides suivent une loi de comportement élasto-
plastique via un critère de plasticité de von Mises. Les calculs sont effectués en grandes
transformations à partir d’une formulation quasi-eulérienne [10]. Les grandeurs utilisées
sont eulériennes (tenseur des contraintes de Cauchy σ, ...) et la configuration est mise à
jour itérativement. Les grandes rotations sont prises en compte grâce aux taux de rotations
de Green-Naghdi. L’écrouissage est isotrope et est simplement dépendant de la déformation
plastique cumulée [87]. Les éléments utilisés sont des quadrilatères du premier ordre com-
portant quatre points d’intégrations et sous intégrés sur le volume pour prendre en compte
correctement la condition d’incompressibilité plastique. Le contact entre l’indenteur et la
1.3 Une solution approchée de l’indentation cônique et diédrique 31
pièce est géré à l’aide d’une méthode de pénalisation. Le frottement interfacial n’est pas
pris en compte. L’indenteur est rigide et piloté en déplacement. La ligne d’axisymétrie est
bloquée radialement pour satisfaire la condition d’axisymétrie et les dimensions du massif
sont suffisamment importantes pour pouvoir considérer un massif semi-infini. Celui-ci est
bloqué sur sa base. La pénétration maximum est fixée à 0,1 mm et la hauteur (suivant l’axe
d’indentation) des éléments est environ cinq fois plus petite que la pénétration maximum.
Un algorithme de remaillage dédié a été développé pour simuler les cas où le maillage est
trop distordu (voir annexe A). La gestion du contact nécessite une discrétisation de la
surface du massif. Le calcul de l’aire de contact s’effectue donc de façon discrète, ce qui
introduit une erreur sur le calcul de la pression moyenne d’indentation (Laursen [84]). Pour
cela, la largeur des éléments est calculée de telle manière que 40 noeuds soient en contact
pour la pénétration maximale (figure 1.21). Pour minimiser l’erreur, la pression moyenne est
calculée à la fin de l’indentation. Le logiciel éléments-finis utilisé est Systus/Sysweld[121].
obtenus en utilisant l’équation 1.39 sont quasiment confondus. L’accord entre le modèle
et la simulation numérique est donc satisfaisant. En revanche, il apparait clairement que
le modèle de Johnson [68] fournit des résultats moins précis que l’équation 1.39. Il existe
des améliorations du modèle de Johnson, mais celles-ci reposent, pour la plupart, sur une
correction de la pression moyenne dont la justification et l’utilisation ne sont pas forcément
vérifiées [67].
Considérons maintenant un solide élastoplastique dont l’écrouissage suit une loi de
Ramberg-Osgood :
σ = Y + κ(p)n (1.45)
avec p la déformation plastique cumulée. Les paramètres de cette loi sont Y=100 MPa,
κ=150 MPa et n=0,5. L’angle du cône utilisé est β=20◦ . Comme précédemment, plusieurs
simulations numériques ont été effectuées en considérant différentes valeurs pour le module
de Young E. Celui-ci varie de 500 MPa à 35000 MPa. La pression moyenne est tracée en
fonction de E sur la figure 1.23. Dans ce cas, on choisit γp = 2.8 et νr = 0.5. L’accord
entre la simulation numérique et le modèle est satisfaisant. Ces résultats ont été validés en
utilisant d’autres valeurs pour les paramètres β, Y, κ et n. La simulation numérique nous
a donc permis de valider le modèle développé dans la section précédente.
1.3 Une solution approchée de l’indentation cônique et diédrique 33
σr tan(β)
pm = γp ζ (1.46)
(1 − ζB) σEr + ζtan(β)
π(1 − ν 2 )
B = 1 − ν 2 (cone) ou B = √ (diedre) (1.47)
3
1 1
ζ= (1.48)
2γp 1 − νr2
34 Modélisation de l’essai d’indentation
ζ tan(β)pm
σr = (1.49)
γp ζ tan(β) − (1 − ζ B) pEm
σr
εr = (1 − ζB) + ζtan(β) (1.50)
E
Les valeurs de γp et β sont directement liées à la forme de l’indenteur et sont donc connues
a priori. Dans le cas du dièdre, γp est donné par l’équation 1.20. Dans le cas du cône, il
n’existe pas, à notre connaissance, de résolution analytique générale du problème (voir la
section 1.2.2 de ce document). Nous proposons les valeurs suivantes pour β=[10◦ , 20◦ , 30◦ ,
40◦ ] : γp = [3.0, 2.8, 2.6, 2.4]. En supposant νr = 0.5, les valeurs de B et ζ sont aussi connues.
Il suffit alors de mesurer expérimentalement la pression moyenne d’indentation pm et le
module de Young du matériau puis d’utiliser les équations 1.47 à 1.50 pour déterminer le
couple (σr ; εr ).
Ainsi, l’utilisation de différents angles d’indenteurs permet de déterminer différents
points de la courbe σ − ε du matériau. En effet, à chaque valeur de β, il est possible
d’associer un point de la courbe σ − ε. Par exemple, si on suppose que la loi d’écrouissage
du matériau indenté est une loi de Ramberg-Osgood (fonction de trois paramètres), il
faudrait utiliser au minimum trois angles d’indenteurs différents.
Validation numérique
Ces équations ont été validées à l’aide de simulations numériques par éléments-finis.
Pour cela, les courbes σ − ε des quatre matériaux suivants ont été utilisées :
1. Solide élastoplastique avec écrouissage linéaire (E=2500 MPa, Y=100 MPa, κ=1000
MPa)
2. Solide élastoplastique avec écrouissage de type Ramberg-Osgood (E=2500 MPa,
Y=100 MPa, κ=500 MPa et n=0,5)
3. Acier inoxydable AISI304L (identifié à partir d’essais de traction [8])
4. Acier AISI52100 trempé (identifié à partir d’essais de traction [109]
Chaque simulation numérique permet d’obtenir une valeur de pression moyenne d’in-
dentation pm . Les équations 1.47 à 1.50 permettent alors de calculer σr et εr . Pour chaque
matériau, cette procédure permet d’obtenir 20 points différents de la courbe σ−ε. La courbe
ainsi déterminée est comparée à la courbe σ − ε réelle, entrée en donnée des simulations
numériques, ainsi qu’à la courbe obtenue avec la méthode d’identification de Tabor [123].
Par commodité, la courbe obtenue avec la méthode d’identification proposée (méthode
LTDS) sera désignée par Cl , la courbe réelle par Cr , et la courbe obtenue avec la méthode
de Tabor par Ct . Le modèle numérique utilisé dans cette section est identique à celui utilisé
précédemment, sauf que les calculs sont réalisés dans une hypothèse de déformation plane.
Considérons le premier matériau (figure 1.24). Les points de Cl sont très proches de
ceux de Cr . Les équations proposées pour la détermination de σr et εr sont donc valides
pour ce matériau. Ct est aussi très proche de Cr . Ce résultat est surprenant car la méthode
de Tabor ne fonctionne que pour des angles β faibles et des matériaux rigides plastiques,
et dans ce cas, celle-ci se confond quasiment avec la méthode LTDS. On peut l’expli-
quer de la façon suivante : la méthode de Tabor sous-estime la déformation représentative
et sur-estime la contrainte représentative lorsque les déformations élastiques ne sont pas
négligeables. L’écrouissage étant linéaire, cette méthode semble donner de bons résultats
mais ce n’est qu’une apparence. Le second matériau ayant un écrouissage non linéaire, la
méthode de Tabor n’est plus adaptée. Pour celui-ci, la corrélation entre Cl et Cr est encore
très satisfaisante (figure 1.25).
Considérons l’acier inoxydable AISI304L (figure 1.26) et l’acier AISI52100 (figure 1.27)
traités thermiquement. Pour ces deux matériaux, la corrélation entre Cl et Cr est très
satisfaisante. Pour l’acier inoxydable, le modèle de Tabor fonctionne dans les premiers
niveaux de déformation. On l’explique par le fait que les propriétés élastoplastiques de
ce matériau sont telles que celui-ci peut être considéré comme rigide plastique. Pour les
niveaux de déformation plus importants, ce modèle ne fonctionne pas car il ne prend pas en
compte l’effet de β sur γp . Concernant l’acier AISI52100, le traitement thermique augmente
la limite d’élasticité du matériau. L’élasticité du matériau doit donc être prise en compte
pour calculer la contrainte représentative. Sur ce matériau, le modèle de Tabor sous-estime
logiquement σr (d’environ 30 pour cent).
Fig. 1.24 – Comparaison des courbes σ − ε obtenues avec la méthode de Tabor (Ct ), avec
la méthode proposée (Cl ) et la courbe réelle (Cr ). Solide élastoplastique avec écrouissage
linéaire (E=2500 MPa, Y=100 MPa, κ=1000 MPa)
Fig. 1.25 – Comparaison des courbes σ − ε obtenues avec la méthode de Tabor (Ct ), avec la
méthode proposée (Cl ) et la courbe réelle (Cr ). Solide élastoplastique avec écrouissage de
type loi puissance (E=2500 MPa, Y=100 MPa, κ=500 MPa et n=0,5)
1.3 Une solution approchée de l’indentation cônique et diédrique 37
Fig. 1.26 – Comparaison des courbes σ − ε obtenues avec la méthode de Tabor (Ct ), avec
la méthode proposée (Cl ) et la courbe réelle (Cr ). Acier inoxydable AISI304L identifié par
essai de traction
Fig. 1.27 – Comparaison des courbes σ − ε obtenues avec la méthode de Tabor (Ct ), avec
la méthode proposée (Cl ) et la courbe réelle (Cr ). Acier AISI52100 traité thermiquement
identifié par essai de traction
38 Modélisation de l’essai d’indentation
tement est d’augmenter la pression moyenne d’indentation (voir section 1.2.2). Lorsque β
est petit, de nombreux auteurs [67] [23] montrent que l’effet n’est pas important. Lorsque
ce n’est pas le cas, il est nécessaire de modifier les équations précédentes. Une première
approximation est d’utiliser une valeur de γp corrigée en fonction de la valeur du frottement
et de β. Cette approche permet d’améliorer le modèle précédent lorsque le frottement doit
être pris en considération. Toutefois, il est très difficile, expérimentalement, de connaı̂tre
la valeur du frottement entre l’indenteur et le matériau. Il est donc préférable de trouver
des solutions pour minimiser ce phénomène.
Nous avons néanmoins vérifié les effets du frottement sur cette approximation dans le
cas de l’indentation cônique. Le matériau modèle est l’acier AISI52100 trempé (identifié à
partir d’essai de traction [109]). Nous avons choisi d’utiliser pour cette étude des angles
de cônes de 10◦ , 20◦ , 30◦ et 40◦ . Les valeurs de γp utilisées, sans présence de frottement
interfacial, sont respectivement γp =[3, 2.8, 2.6 et 2.4].
Dans un premier temps, le contact est sans frottement. Les résultats obtenus sont tracés
sur la figure 1.28 sous la légende ’méthode classique’. Les résultats montrent que la méthode
classique (sans prise en compte du frottement interfacial) est satisfaisante lorsque le contact
est sans frottement. Dans un second temps, le contact est collant. La méthode classique
donne des résultats médiocres pour les angles de cônes de 20◦ , 30◦ et 40◦ . Johnson [67]
explique que dans les cas où le contact est collant, le ratio γp est d’environ 3 et dépend
peu de l’angle de cône (tant que β <30◦ ). Les simulations numériques d’Angelelis [111] ont
permis de confirmer cette hypohèse lorsque β ≈ 20◦ . Les résultats obtenus en considérant
cette modification, γp ≈ 3 pour chaque angle de cône, sont alors satisfaisants.
Les méthodes d’identifications reposant sur les travaux de Dao [38] (voir section 1.2.3,
équations 1.25 et 1.26)) proposent une valeur de déformation représentative εr très différente
de celle obtenue avec la méthode développée dans ce document (méthode LTDS). A titre
d’illustration, la méthode de Dao propose une valeur de 0.033 pour l’indenteur Berko-
vitch alors que la méthode LTDS propose une valeur de l’ordre de 0.08. Les points de la
courbe contrainte-déformation obtenus avec chaque méthode sont donc distincts. Ceci nous
conduit alors à remarquer le fait suivant :
Deux points distincts de la courbe contrainte-déformation du matériaux
peuvent être obtenus avec un seul indenteur (angle de cône).
1.3 Une solution approchée de l’indentation cônique et diédrique 39
Fig. 1.28 – Effet d’un contact collant sur la méthode développée dans ce document lors de
l’indentation d’un matériau de type acier AISI52100 trempé.
Nous avons alors vérifié cette observation à l’aide de la simulation numérique. Pour
cela, considérons les courbes contrainte-déformation des matériaux suivants :
Ces courbes ont été obtenues à partir d’essais de traction réalisés au Laboratoire de Tribo-
logie et Dynamique des Systèmes à l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Saint-Etienne (cinq
éprouvettes par matériaux). Elles sont représentées sur le graphique 1.29. Comme dans
l’étude précédente, celles-ci sont des paramètres d’entrée de la simulation numérique.
Nous avons choisi d’utiliser pour cette étude des angles de cônes de 10◦ , 20◦ , 30◦ et 40◦ .
Par commodité, la courbe obtenue avec la méthode d’identfication LTDS sera désignée par
Cl , la courbe réelle par Cr , et la courbe obtenue avec la méthode de Dao par Cd .
Les résultats obtenus avec ces deux méthodes sont tracés sur les graphiques 1.30, 1.31
et 1.32 et comparés à la courbe contrainte-déformation réelle de chaque matériau. Pour ces
trois matériaux, les deux méthodes fournissent des résultats satisfaisants, ce qui permet de
vérifier l’observation précédente. D’un point de vue pratique, la méthode de Dao repose
sur la détermination correcte de la courbure C. Sa mesure est le plus souvent réalisée par
une approximation des moindres carrés de la courbe de charge. Selon les échelles et les
gradients de propriétés mécaniques, cette approximation donne de mauvais résultats car
40 Modélisation de l’essai d’indentation
Fig. 1.29 – Courbes contrainte vraie - déformation vraie obtenues par essai de traction
l’évolution de l’effort appliqué sur l’indenteur n’est plus quadratique. Il est alors nécessaire
de prendre des précautions quant à la mesure de C. Il existe des améliorations de ce modèle
pour prendre en compte ces erreurs. Cao et Lu [28] ont proposé une méthode pour prendre
en compte les effets d’échelles de type Nix et Gao [100] sur la valeur de la courbure.
La méthode LTDS repose sur la mesure de la pression moyenne d’indentation pm , dont
l’évolution, en fonction de la pénétration, est obtenue expérimentalement. Il suffit donc
d’attendre que sa valeur se stabilise pour appliquer cette méthode.
Fig. 1.30 – Comparaison des courbes σ − ε obtenues avec la méthode de Dao (Cd ), avec la
méthode proposée (Cl ) et la courbe réelle (Cr ) pour l’alliage d’aluminium AU4G
1.3 Une solution approchée de l’indentation cônique et diédrique 41
Fig. 1.31 – Comparaison des courbes σ − ε obtenues avec la méthode de Dao (Cd ), avec la
méthode proposée (Cl ) et la courbe réelle (Cr ) pour l’alliage de cuivre et de zinc
Fig. 1.32 – Comparaison des courbes σ − ε obtenues avec la méthode de Dao (Cd ), avec la
méthode proposée (Cl ) et la courbe réelle (Cr ) pour l’acier inoxydable AISI316L
42 Modélisation de l’essai d’indentation
10. L’auteur postule une loi d’écrouissage de type loi puissance (équation 1.2.3)
1.3 Une solution approchée de l’indentation cônique et diédrique 43
Modèle de Loubet
F
hc = (1 + b) h − (1.53)
Kc
Quel modèle choisir ? Nous avons comparé les réponses de ces deux modèles dans le cas
de l’indentation de solides élastiques parfaitement plastiques avec un indenteur Berkovitch
à des résultats de simulations numériques par éléments-finis. L’évolution de l’aire de contact
pour une pénétration de 1 mm en fonction du rapport YE est tracée sur le graphique 1.34.
Pour des rapports YE > 0.02, le modèle d’Oliver et Pharr fournit des résultats satisfaisants.
Pour des rapports inférieurs, ce modèle sous-estime d’autant plus l’aire de contact que le
rapport YE est petit. Bien qu’il permette de représenter correctement les cas limites ( YE → 0
et YE → +∞), le modèle proposé par Loubet sur-estime l’aire de contact de manière
générale. Notons que pour des rapports YE = 0.1, les deux modèles sont en accord avec
les résultats de simulations numériques. Ce rapport correspond à celui de la silice fondue,
matériau de référence pour la nano-indentation.
Fig. 1.34 – Comparaison des modèles d’Oliver et Pharr [103] et Loubet [89] pour la mesure
de l’aire de contact sous charge avec un cône d’angle β=20◦
1.3 Une solution approchée de l’indentation cônique et diédrique 45
B) Résultats
Les courbes force-déplacement sont tracées sur le graphique 1.35. Le facteur correctif
ρ de l’équation 1.51 est encore un sujet ouvert. Troyon [128] montre qu’il dépend signi-
ficativement de la géométrie de l’indenteur et du matériau indenté. Pour un indenteur
Berkovitch presque parfait, il propose la valeur de 1.07, ce qui est en bon accord avec les
résultats de simulations numériques de Wang [129]. Ces essais ont été dépouillés en utili-
sant les méthodes d’Oliver et Pharr ainsi que la méthode de Loubet (voir table 1.4) et en
considérant ρ = 1.07.
Considérons l’alliage d’aluminium AU4G. L’écart type sur les mesures est inférieur
46 Modélisation de l’essai d’indentation
à 2 % des valeurs moyennes. Les essais peuvent donc être considérés comme reproduc-
tibles. La valeur de la courbure obtenue expérimentalement est proche de celle obtenue
numériquement. Par rapport aux résultats de simulation numérique, le module réduit E∗
et la dureté pm obtenus avec le modèle d’Oliver et Pharr sont supérieurs et ceux obtenus
en considérant le modèle de Loubet sont inférieurs. Ces résultats sont cohérents avec les
observations précédentes. En effet, le modèle d’Oliver sous-estime l’aire de contact pour
ce matériau et le modèle de Loubet la sur-estime. Les résultats de nano-indentation sur
l’alliage d’aluminium AU4G semblent, en première approche, cohérentes avec ses propriétés
macroscopiques. Les couples (σr ,εr ) calculés avec la méthode de Dao et la méthode LTDS
sont tracés sur le graphique 1.36. La corrélation entre les points obtenus expérimentalement
et la courbe de traction n’est pas satisfaisante, que ce soit avec la méthode de Dao ou la
méthode LTDS. Ces différences sont probablement une conséquence du choix des méthodes
de dépouillement mais aussi des différences entre les propriétés mécaniques locales du
matériau (essai d’indentation) et ses propriétés mécaniques macroscopiques (essai de trac-
tion).
Fig. 1.36 – Comparaison entre la courbe de traction de l’alliage aluminium AU4G et les
points déterminés par nano-indentation
Considérons le Laiton et l’acier inoxydable AISI316L. Pour ces deux matériaux, l’écart-
type sur les mesures expérimentales est assez important (de l’ordre de 10 % de la valeur
moyenne). D’une manière générale, la courbure déterminée expérimentalement est plus
élevée que celle obtenue numériquement (surtout pour l’acier inoxydable). Les valeurs de
dureté et de module réduit déterminées avec les deux méthodes de dépouillement montrent
clairement que les propriétés mécaniques locales sont très différentes des propriétés macro-
1.3 Une solution approchée de l’indentation cônique et diédrique 47
scopiques. Pour l’alliage de cuivre et de zinc, cet effet est problablement une conséquence
du mélange non homogène des phases de zinc et de cuivre à l’échelle de la sollicitation de
nano-indentation. Pour l’acier inoxydable, l’augmentation de dureté est typiquement un
effet d’écrouissage de surface lors de la préparation des échantillons. Les couples (σr ,εr )
calculés avec la méthode de Dao et la méthode LTDS sont donc logiquement éloignés de
la courbe de traction de ces matériaux 11 .
Ces résultats insistent sur la difficulté de vérifier à l’aide d’essais de nano-indentation
les différentes méthodes de caractérisation développées à partir de solutions théoriques
ou reposant sur des résultats de simulations par éléments-finis. La première difficulté est
la différence entre les propriétés mécaniques à l’échelle de la nano-indentation et les pro-
priétés mécaniques macroscopiques des matériaux. La seconde concerne l’incertitude liée
à la méthode de dépouillement des essais et plus particulièrement la mesure de l’aire de
contact entre l’indenteur et le massif.
1.3.8 Conclusion
Dans ce chapitre nous avons proposé une solution approchée de l’indentation cônique et
diédrique des solides élastoplastiques. Celle-ci permet de relier la pression moyenne d’inden-
tation aux propriétés mécaniques des matériaux. Elle est en bon accord avec les résultats
empiriques de Tabor dans le cas des matériaux rigides plastiques et permet de bien prendre
en compte les effets de l’élasticité sur la pression moyenne d’indentation (dureté). La notion
de dureté est très contreversée car deux matériaux ayant des propriétés élastoplastiques
très différentes peuvent avoir la même dureté. Il est donc préférable d’utiliser les notions de
contrainte et déformation représentatives pour comparer la qualité des matériaux en sur-
face. L’inversion de la relation précédente permet d’obtenir le couple (σr ; εr ) à partir de la
dureté du matériau et de son module d’élasticité. La simulation numérique a permis de va-
lider le fait que les valeurs de (σr ; εr ) ainsi obtenues correspondent effectivement à un point
de la courbe de traction du matériau considéré. La méthode d’identification proposée dans
ce document a été comparée avec succès avec la méthode de Dao [38]. Ces deux méthodes
sont en fait très complémentaires. En effet, elles permettent d’avoir accès à des informa-
tions concernant des niveaux de déformations très différents. Ainsi, il semble possible de
déterminer deux couples (σr ; εr ) avec un seul indenteur. Il est toutefois important de garder
à l’esprit que ces méthodes permettent seulement d’obtenir une approximation de la courbe
contrainte-déformation. Ces méthodes ont été ensuite appliquées sur des résultats d’essais
11. Par souci de simplification, les graphiques correspondant ne sont pas fournis dans ce document.
48 Modélisation de l’essai d’indentation
Lorsque les matériaux ont un comportement dépendant du temps, le PGS n’est satisfait
que si la vitesse de déformation en indentation hḣ est constante durant la charge et qu’il
n’existe pas de longueurs internes dans le problème. Il est ainsi possible de définir une dureté
au même sens que celle définie pour les matériaux élastoplastiques. Bien évidemment celle-
ci dépend des propriétés mécaniques mais aussi de la vitesse de déformation en indentation
ḣ
h
. C’est l’influence de ce dernier paramètre sur la valeur de dureté qui est étudiée dans ce
chapitre. Dans un premier temps, nous allons considérer le cas des fluides visqueux non
newtoniens (matériaux fondus). Ce cas est le plus simple car le champ de déformation
satisfait le principe de similarité géométrique pour toutes les conditions de chargement
[57][119]. Le second cas concerne les solides viscoélastiques linéaires (élastomères, ...). Il est
possible d’obtenir une solution analytique à condition que l’évolution du rayon de contact
avec le temps soit monotone croissante [86][113]. Il est alors possible de démontrer que le
champ de déformation respecte le principe de similarité géométrique pour toutes conditions
de chargements respectant cette condition 12 [49]. Pour ces deux types de comportement, le
champ de contrainte satisfait le PGS seulement si la vitesse de déformation en indentation
est constante au cours de la charge, ce qui est en bon accord avec les résultats de la
section 1.1.2. Le troisième type de comportement abordé concerne les solides élastiques-
12. Cette étude n’est pas développée dans ce document
1.4 Indentation cônique des solides à comportement dépendant du
temps 49
viscoplastiques de type Bingham-Norton (métaux à haute température, polymères à l’état
vitreux). Une approximation de la valeur de la dureté en fonction des propriétés mécaniques
est développée à partir de calculs par éléments-finis et des résultats précédents. Dans une
dernière partie, une méthode est proposée pour extraire l’exposant de sensibilité à la vitesse
de déformation des matériaux à partir de l’index de viscoplasticité [102].
εii = 0 (1.54)
2
Sij = K ṗ(m−1) Dij (1.55)
3
avec ṗ le taux de déformation plastique équivalent, m l’exposant de sensibilité à la vitesse de
déformation et K la consistance. L’exposant m peut varier entre 0 et 1. Lorsqu’il est proche
de 1, le fluide peut être considéré comme très visqueux. En revanche, lorqu’il est proche de
0, le fluide peut être considéré comme un solide rigide plastique de limite d’élasticité K. La
dépendance à la vitesse de déformation est alors très faible. Notons qu’il existe un point
singulier lorsque m et ṗ tendent tous les deux vers 0. La déformation est irréversible et le
fluide est incompressible. La loi de comportement uniaxiale s’écrit alors de façon similaire à
l’équation 1.27. Pour ce type de matériau, Cheng et Cheng [34] ont montré que la pression
moyenne s’écrivait : !m
ḣ
pm = K Πδ (m,β) (1.56)
h
h
= Πγ (m,β) (1.57)
a
avec Πγ une fonction adimensionnelle de l’exposant m et de l’angle d’attaque du cône β.
Nous proposons ci-dessous une expression approchée de ces fonctions à l’aide de simu-
lations numériques par éléments-finis. Les valeurs d’angles de cône sont [4◦ , 12◦ , 20◦ , 28◦ ,
36◦ ] et de sensibilités à la vitesse de déformation sont [0.05, 0.1, 0.2, 0.3, 0.4, 0.5, 0.75, 1.0].
Les valeurs obtenues pour Πγ sont tracées sur la figure 1.37. Ce graphique montre que le
ratio ha est une fonction linéaire de tan(β).
50 Modélisation de l’essai d’indentation
Fig. 1.37 – ratio ha en fonction de tan(β) pour différentes valeurs de la sensiblité à la vitesse
de déformation m
Lorsque m vaut 1, ha est égale à π2 tan(β) qui est la valeur obtenue avec les solides
élastiques linéaires. Le champ de déformation est alors similaire au champ de déformation
obtenu lors de l’indentation cônique d’un solide linéaire élastique incompressible. Lorsque m
est proche de 0, ha tend vers 0.78tan(β) qui est la valeur obtenue lorsque le solide est rigide
parfaitement plastique [35]. Le champ de déformation est alors similaire à celui obtenu lors
de l’indentation cônique d’un solide rigide parfaitement plastique. Nous avons choisi une
fonction exponentielle pour approximer l’évolution de ha en fonction de m (voir graphique
1.38).
h
= 0.78tan(β)exp(0.7 m) (1.58)
a
Considérons maintenant l’expression de Πδ . L’évolution de cette fonction en fonction
des paramètres m et tan(β) est tracée sur le graphique 1.39. Lorsque le fluide est newtonien
(m=1), Πδ est proportionnelle à tan(β). Lorsque m tend vers zéro alors Πδ décroit avec β ce
qui est cohérent avec le comportement asymptotique de type rigide plastique du matériau.
Rappelons à cet effet que Πδ est alors équivalent au ratio γp = pYm des solides rigides
parfaitement plastiques (voir chapitre 1.2, section 1.2.2). Pour approximer cette fonction,
nous avons choisi la forme suivante:
3 +A m2 +A m+A )
Πaδ = (tan(β))(A1 m 2 3 4
exp(B1 m3 + B2 m2 + B3 m + B4 ) (1.59)
1.4 Indentation cônique des solides à comportement dépendant du
temps 51
h
Fig. 1.38 – a tan(β)
en fonction de m
A1 A2 A3 A4 B1 B2 B3 B4
0.177 -0.35 1.24 -0.089 0.9545 -2.096 0.47 0.88
Πa
δ −Πδ
Fig. 1.40 – Erreur relative Er = 100 Πδ
en fonction de tan(β) et m
bien modéliser le comportement d’élastomères aux petites déformations. Dans le cas des
solides élastiques linéaires, l’évolution de la force exercée sur un indenteur cônique avec la
pénétration est donnée dans la table 1.1. En utilisant la méthode de Lee et Radok [86],
celle-ci s’écrit dans le cas viscoélastique :
Z t
∂a2
F (t) = 2πtan(β) G(t − t0 ) 0 dt0 (1.60)
0 ∂t
Le champ de déformation étant similaire dans le cas élastique et viscoélastique linéaire, le
rapport ha est constant durant la pénétration et est égale à π2 tan(β).
a 2 Z t ∂h
F (t) = 4πtan(β) G(t − t0 ) 0 hdt0 (1.61)
h 0 ∂t
Il existe plusieurs définitions pour la fonction de relaxation G(t). Cheng et Cheng [34] ont
considéré un solide de Kelvin-Voigt généralisé à une branche. Dans la suite, le modèle de
Maxwell généralisé a été choisi [130]. Les modèles rhéologiques associés sont représentés
sur la figure 1.41.
L’élément standard de Maxwell est composé d’un ressort G1 en série avec un amortisseur
de viscosité η1 (figure 1.41-gauche). Ce modèle permet de représenter le comportement de
fluide visqueux. La fonction de relaxation G(t) est donnée par l’équation suivante :
−t η1
G(t) = G1 e τ1 avec τ1 = (1.62)
G1
Dans un premier temps, considérons une vitesse de pénétration constante. On obtient alors :
a 2 −t
F (t) = 4πG1 tan(β) ḣ2 τ t − τ 2 1 − e τ (1.63)
h
54 Modélisation de l’essai d’indentation
ḣ
B) Influence de la vitesse de déformation en indentation h
ḣ
Fig. 1.42 – Evolution de la pression moyenne d’indentation en fonction de h
pour un solide
viscoélastique de Maxwell à 2 branches
2ατ1
ft (τ1 ,α) = (1.68)
1 + 2ατ1
Cheng et Cheng [34] et Sakai [113] ont étudié le cas d’un chargement linéaire dans le temps
du type ḣ constant. Ils montrent ainsi que lorsque ḣ tend vers zéro, le solide se comporte
comme un solide élastique linéaire de module de cisaillement G0 et lorsque ḣ tend vers
l’infini, le solide se comporte comme un solide élastique linéaire de module de cisaillement
G0 + G1 . Pour ces deux cas limites, les effets de ḣ et α sont les mêmes. La fonction de
transition associée à un tel type de chargement dépend des propriétés viscoélastiques, de
ḣ mais aussi du paramètre temps t. Ceci est une conséquence logique du fait que le PGS
n’est pas satisfait. Il est donc plus facile d’analyser des essais d’indentation avec α constant
plutôt qu’avec ḣ constant.
1.4 Indentation cônique des solides à comportement dépendant du
temps 57
à la vitesse de déformation en indentation. Pour effectuer cette étude, nous avons choisi
d’utiliser le modèle éléments-finis de la section 1.4.1.
ḣ
Fig. 1.45 – Distribution de la pression de contact pour différentes valeurs de h
valeurs de α et traçons la distribution de pression obtenue pour chacune de ces valeurs sur
le graphique 1.45. Pour les valeurs les plus petites de α, la distribution de pression corres-
pond exactement à celle obtenue en éliminant les caractéristiques visqueuses du matériau.
La valeur de la pression moyenne ainsi obtenue est désignée par Hep . Une approximation
de Hep en fonction des caractéristiques élastoplastiques peut être déterminée en utilisant
les développements du chapitre 1.3. Pour les valeurs les plus grandes, la distribution cor-
respond à celle obtenue lors de l’indentation cônique d’un solide élastique. La valeur de la
pression moyenne ainsi obtenue est désignée par Hel . L’expression de Hel est donnée par
l’équation 1.19. La pression moyenne d’indentation d’un solide élastique-viscoplastique de
type Bingham-Norton peut s’écrire :
ḣ
Fig. 1.46 – Transition de la pression moyenne avec h
Une expression de ft
A ce stade de l’étude, il est intéressant d’effectuer une étude paramétrique pour com-
prendre l’influence des différents paramètres de la loi de Bingham-Norton sur la fonction
de transition ft . Pour cela, chaque paramètre a été étudié indépendamment des autres.
Les paramètres matériaux de référence sont donnés dans le tableau 1.4.3. La consistance
K varie de 10 à 10000 M P a.sm . Le module de Young varie de 1500 MPa à 10000 MPa.
La limite d’élasticité Y varie de 10 à 100 MPa et l’exposant de sensibilité à la vitesse de
déformation m varie de 0.1 à 1. Les différentes fonctions de transition obtenues sont tracées
sur les graphiques 1.47, 1.48, 1.50 et 1.49.
L’effet de ces différents paramètres sur la fonction de transition sont :
L’influence de l’angle de cône n’a pas été étudiée dans le but de simplifier cette étude.
Les résultats des sections 1.4.3 et 1.4.2 nous suggèrent que β n’a pas d’influence sur la
pente de la fonction de transition ft . A partir de ces observations, nous proposons l’écriture
1.4 Indentation cônique des solides à comportement dépendant du
temps 61
Fig. 1.47 – Evolution de la fonction de transition ft avec ḣh en considérant E=2400 MPa,
Y=100 MPa, m=0.4 pour différentes valeurs de la consistance K
Fig. 1.48 – Evolution de la fonction de transition ft avec ḣh en considérant K=100 M P a.sm ,
Y=100 MPa, m=0.4 pour différentes valeurs du module de Young E
62 Modélisation de l’essai d’indentation
Fig. 1.50 – Evolution de la fonction de transition ft avec ḣh en considérant K=100 M P a.sm ,
E=2400 MPa, m=0.4 et différentes valeurs de la limite d’élasticité Y
1.4 Indentation cônique des solides à comportement dépendant du
temps 63
suivante :
f1 (β,K,E,m)αf2 (m)
ft (β,K,E,m,α) = (1.74)
1 + f1 (β,K,E,m)αf2 (m)
Cette expression a été choisie pour permettre de modéliser l’indentation de solides visco-
élastiques linéaires incompressibles de type Maxwell (équation 1.68). Pour cela, il suffit de
considérer f2 (1) = 1 et f1 (β,K,E,1) = 3KE
dans l’équation 1.74.
ft étant sans dimension alors :
L’équation précédente montre que f1 doit avoir la dimension suivante [T ]f2 . Une écriture
de f1 permettant de respecter ces conditions est :
m1 !f2 (m)
K
f1 (β,K,E,m) = f3 (β,m) (1.76)
E
f2m(m)
K
pm = Hel .f3 (β,m) .αf2 (m) (1.77)
E
En égalant l’expression précédente à l’équation 1.28 et en remarquant que Hel est propor-
tionnelle à E (équation 1.19), on obtient alors :
2(1 − ν 2 )
f2 (m) = m et f3 (m) = Πδ (β,m) (1.78)
tan(β)
Fig. 1.51 – Comparaison des fonctions de transition ft obtenues par simulations numériques
et par l’approximation développée dans ce document (E=4800 MPa, Y=100 MPa, K=100
M P a.sm ).
De nombreux auteurs [93][15] proposent d’identifier l’exposant de sensibilité à la vitesse
ḣ
de déformation m à partir de la pente de la courbe ln(pm ) en fonction de ln h . Cette
pente correspond à l’index de viscoplasticité [15] :
∂(ln(pm ))
Iv = (1.79)
∂(ln(α))
Il est rigoureusement égal à m dans le cas de fluides non newtoniens. Malheureusement,
lorsque les solides sont viscoélastiques ou élastiques-viscoplastiques, cette équivalence ne
peut plus être faite. Il suffit de remarquer que la courbe ln(pm ) en fonction de ln ḣh
n’est plus une droite. Il est alors nécessaire de prendre en considération les fonctions de
transitions ft précédentes. Par exemple, considérons un solide élastique-viscoplastique avec
une limite d’élasticité Y égale à 0. Cette simplification permet encore de bien reproduire le
comportement des métaux à température élevée [3] et les polymères solides [51]. L’évolution
de l’index de viscoplasticité Iv est tracée sur le graphique 1.52 en fonction de la vitesse de
déformation en indentation hḣ .
La figure 1.52 montre clairement que l’indice de viscoplasticité n’est pas constant dans
le cas des solides élastiques-viscoplastiques. En revanche, il existe des domaines de variation
1.4 Indentation cônique des solides à comportement dépendant du
temps 65
Lorsqu’il est inférieur à 0.1, l’équation 1.74 montre qu’il est possible de faire l’approxi-
m
ḣ
mation suivante ft ∝ h . Le solide se comporte alors comme un fluide non newtonien
et les résultats de la section 1.4.1 s’appliquent. Malheureusement, il est impossible de
connaı̂tre la valeur de ξ expérimentalement car les propriétés mécaniques du matériau ne
sont évidemment pas connues.
La procédure proposée est donc la suivante :
ḣ
1. essais d’indentation instrumentée à différentes valeurs de h
2. détermination de pm et E à partir des procédures habituelles [103][89]
3. le solide indenté est considéré comme un fluide non newtonien. Calcul des paramètres
K et m à partir des équations 1.59 et 1.56.
66 Modélisation de l’essai d’indentation
ḣ
h
0.0025 0.005 0.01 0.05 0.1
ξ 0.0006 0.0007 0.0008 0,001 0,0011
m
ḣ ḣ
4. calcul de ξ = f1 (β,K,E,m) h
pour chaque valeur de h
ayant permis de calculer
K et m.
5. si ξ ≤ 0.1 est inférieure à 0.1 pour chaque valeur de ḣh alors l’index de viscoplasticité
peut être considéré comme étant une bonne approximation de la sensibilité à la vitesse
de déformation m.
Illustrons cette procédure à partir des travaux expérimentaux de Lucas sur l’indium
[93]. La valeur de m obtenue à partir de ses résultats est m=0.14 et celle de K est 15.1
M P a.sm . Le module de Young de l’indium à 20◦ C est 110000 MPa. Les valeurs de ξ
obtenues pour chaque valeur de hḣ sont résumées dans le tableau 1.7. ξ est plus petit que
0.1 pour toutes les valeurs de ḣh utilisées dans l’identification de m. On peut donc conclure
que la valeur de Iv obtenue correspond effectivement à la sensibilité à la déformation m.
De plus, cette valeur est en bon accord avec les résultats de fluage obtenus par Weertman
[63] sur l’indium pur à température ambiante.
Malheureusement, il n’est pas possible d’utiliser cette procédure lorsqu’il existe une
limite d’élasticité initiale Y. Il faudrait en effet connaı̂tre la valeur de Hep . Un moyen
simple d’estimer cette valeur est de considérer un segment de chargement à pénétration
constante après le segment à vitesse de déformation constante (figure 1.53). La pression
moyenne diminuerait alors de pm jusqu’à Hep . Par conséquent, il suffirait de faire durer le
segment suffisamment longtemps pour que la pression moyenne se stabilise.
1.4.5 Conclusions
limites sont respectivement le cas élastique et le cas élastoplastique. La transition entre ces
deux types de comportement dépend directement des propriétés mécaniques du matériau.
L’influence de α sur un essai d’indentation est similaire à l’effet de la vitesse de déformation
sur un essai de traction, ce qui rejoint les observations de Lucas [93] et Cheng [34]. Une
expression analytique est proposée dans le cas viscoélastique et une approximation de cette
fonction est donnée dans le cas élastique-viscoplastique à partir de simulations numériques.
La signification de l’index de viscoplasticité a été étudiée. Celui-ci est indépendant de ḣh
dans le seul cas des solides viscoplastiques 13 . Cet index est alors égal à la sensiblité à la
vitesse de déformation m. Dans les cas viscoélastiques ou élastiques-viscoplastiques, cette
équivalence ne peut être faite. Néanmoins, nous avons montré qu’il existe des domaines de
variation de ḣh où la valeur de cet index est très proche de m. Nous avons donc proposé
une procédure permettant de vérifier a postériori si la valeur de m obtenue à partir de la
valeur de l’index de viscoplasticité est cohérente ou non.
∂Vz ḣ
ε˙r =∝ = (1.81)
∂z a
ḣ
ε˙r ∝ tan(β) (1.82)
h
Vérifions cette expression dans le cas des solides viscoplastiques de type fluides non newto-
niens. La propriété précédente nous explique que lorsque le PGS est satisfait, il est possible
de définir un solide rigide parfaitement plastique de limite d’élasticité σr permettant d’ob-
tenir la même valeur de pression moyenne d’indentation que le solide viscoplatique indenté.
Ainsi, on obtient :
pm
= σr = K ε˙r m (1.83)
γp
m1
Πδ (m,β) ḣ
ε˙r = (1.84)
γp h
avec Υ une fonction de m. Si on admet que γp varie peu avec β, ce qui est vrai lorsque
β n’est pas trop important, alors l’équation 1.82 est utilisable. Notons que la vitesse de
déformation représentative est alors dépendante de l’exposant de sensibilité à la vitesse de
déformation m.
Dans un cadre de travail plus général (solide viscoélastique, élastique-viscoplastique),
nous proposons l’expression suivante pour approximer la vitesse de déformation représen-
tative :
ḣ
ε˙r = λ(m)tan(β) (1.86)
h
avec λ une fonction de l’exposant de sensibilité à la vitesse de déformation m.
Ces résultats montrent clairement qu’il n’est pas possible de prédire la valeur de la
vitesse de déformation représentative a priori si l’exposant de sensibilité à la vitesse de
déformation n’est pas connu.
15. Elle est moins précise que celle développée dans la section 1.4.1
70 Modélisation de l’essai d’indentation
ḣ
χ = tan(β) (1.87)
h
L’équation 1.86 montre que la valeur de ce paramètre doit être la même pour chaque angle
de cône utilisé.
A) Validation numérique
Il est maintenant nécessaire de vérifier l’application de cette propriété ainsi que la forme
proposée pour l’expression de la vitesse de déformation représentative (équation 1.86). Pour
cela, nous avons choisi d’utiliser la même méthode de validation que celle utilisée dans la
section 1.3.4. Le modèle numérique est semblable à celui utilisé dans la section 1.4.3.
Considérons un solide élastique-viscoplastique dont les propriétés sont proches de celles
de certains polymères à température ambiante. Ces propriétés sont résumées dans le tableau
1.8. Trois valeurs de m différentes ont été étudiées.
Les propriétés mécaniques précédentes sont les paramètres d’entrée de la simulation
numérique. Ensuite, six simulations numériques sont effectuées, chacune avec un angle β
différent ( β=[ 4◦ , 8◦ , 12◦ , 16◦ , 20◦ , 24◦ ]). Dans cette étude, les indenteurs utilisés sont
des dièdres car la valeur de γp se détermine directement en utilisant les équations 1.20 et
1.21. Chaque simulation numérique donne pour résultat la valeur de la pression moyenne
d’indentation pm . Les équations 1.47 à 1.50 permettent alors de calculer σr et εr . Cette
procédure est utilisée pour six valeurs de χ = [0.2s−1 ,0.6s−1 ,2s−1 ,6s−1 ,20s−1 ,60s−1 ]. On
peut ainsi obtenir six courbes contrainte-déformation à vitesses de déformation différentes.
1.5 Identification des courbes contrainte-déformation à vitesse de
déformation constante 71
Les vitesses de déformation associées ne sont malheureusement pas connues. Les points
obtenus, lorsque la sensibilité à la vitesse de déformation m est égale à 1.0, sont tracés sur
le graphique 1.54. Les résultats obtenus avec m=0.4 et m=0.1 sont tracés respectivement
en graphiques 1.55 et 1.56. Pour chaque ensemble de points (même valeur de χ), il existe
une des courbes σ − ε du matériau s’en approchant (ligne continue).
Ces résultats peuvent être considérés comme satisfaisants et permettent donc de vérifier
la propriété admise précédemment ainsi que l’expression proposée pour la vitesse de défor-
mation représentative ε˙r (équation 1.86). Il est donc possible d’obtenir, à partir d’essais
d’indentation, les courbes contrainte-déformation à vitesse de déformation constante. La
principale inconnue étant la valeur de la vitesse de déformation associée à ces courbes
puisqu’elle dépend directement de la valeur de la sensibilité à la vitesse de déformation m.
Approximation de λ(m)
L’expression de λ(m) n’est pas connue dans le cas général. Nous proposons ci-dessous
une expression dans le cas de l’indentation cônique de solides élastiques-viscoplastiques.
Elle a été déterminée à partir de calculs éléments-finis.
Pour cela, les propriétés mécaniques du tableau 1.8 ont été utilisées. Les angles de
72 Modélisation de l’essai d’indentation
cônes sont β=[10◦ , 20◦ , 30◦ , 40◦ ] et les valeurs de γp associées sont respectivement γp =
[3,2.8,2.6,2.4]. Les valeurs de m étudiées sont m = [1.0,0.5,0.33,0.2,0.14,0.1,0.05]. Pour
chaque valeur de m et β, huit valeurs de χ différentes sont utilisées χ=[ 0.02 s−1 , 0.06 s−1 ,
0.2 s−1 , 0.6 s−1 , 2 s−1 , 6 s−1 , 20 s−1 , 60 s−1 ]. A partir des simulations numériques, on obtient
sept points pour λ. Ils correspondent aux différentes valeurs de m étudiées. L’évolution de
λ en fonction de m est tracée sur le graphique 1.57 et une expression approchée de celle-ci
s’écrit :
0.2
λ(m) = 0.44exp (1.88)
m
Dans cette section, nous proposons une procédure permettant de déterminer différentes
courbes contrainte-déformation à vitesse de déformation constante lorsque les solides suivent
un comportement élastique-viscoplastique.
74 Modélisation de l’essai d’indentation
Tab. 1.9 – Couples de valeurs de ḞF utilisables expérimentalement pour déterminer des
courbes contrainte-déformation à différentes vitesses de déformation par indentation ins-
trumentée
Une fois les différents essais effectués, il est possible de déterminer une valeur approchée
de la sensibilité à la vitesse de déformation à partir de la valeur de l’index de viscoplasticité
Iv (voir section 1.4.4). Rappelons que, suivant les valeurs de ḞF utilisées pour déterminer Iv ,
1.5 Identification des courbes contrainte-déformation à vitesse de
déformation constante 75
l’estimation de m peut être entachée d’une erreur significative. Il est préférable d’utiliser
les valeurs les plus petites possibles de ḞF pour effectuer cette identification. Par ailleurs,
nous conseillons d’utiliser les résultats de l’indenteur Berkovitch car les effets du frottement
sont moins importants.
Pour chaque valeur de χ étudiée, il est possible de déterminer une courbe contrainte
-déformation à vitesse de déformation constante. La vitesse de déformation associée est
approximée par l’équation :
0.2
ε˙r = 0.44exp χ (1.89)
m
ζtan(β)pm
σr =
γp ζtan(β) − (1 − ζB) pEm
σr
εr = (1 − ζB) + ζtan(β)
E
avec
B = 1 − ν2
1 1
ζ=
2γp 1 − νr2
type G’Sell et Jonas [52]. Cette loi peut être approximée par un formalisme élastique-
viscoplastique multiplicatif sans seuil de type von Mises dont la contrainte d’écoulement
s’écrit :
σ = Ke(hg εeq ) ε˙ m
2
eq (1.90)
Dans cette section, nous avons appliqué les méthodes précédentes sur des essais de
nanoindentation pratiqués sur des échantillons de polyméthacrylates de méthyle (PMMA).
Ces essais ont été effectués au Laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes à
l’Ecole Centrale de Lyon à l’aide d’un nano-indenter XP de la société MTS. Les conditions
expérimentales sont les suivantes :
Fig. 1.58 – Résultats de nanoindentation instrumentée sur PMMA pour différentes valeurs
de α = 12 ḞF , A - courbe de charge, B - Dureté en fonction de la pénétration
La principale incertitude de l’équation 1.51 est la valeur du facteur correctif ρ. Il n’est pas
connu dans le cas de l’indenteur Cube Corner. Pour l’estimer, nous avons extrapolé les
résultats de Wang [129] obtenus par simulation numérique pour différents angles de cône.
Nous obtenons approximativement ρ = 1.15. Les résultats de nanoindentation avec l’in-
denteur Berkovitch sont tracés sur le graphique 1.58. Ils montrent que la pression moyenne
d’indentation est effectivement constante au cours de la pénétration et qu’elle dépend de
la valeur de α = 21 FḞ . Ils confirment ainsi que le PMMA a un comportement dépendant du
temps et que sa dureté est indépendante de la pénétration lorsque l’évolution du charge-
ment est du type ḞF constant. Les valeurs numériques sont données dans le tableau 1.10
Ḟ
F
(s−1 ) 0.1 0.01 0.003
ξ 0.33 0.28 0.25
Tab. 1.11 – Calcul de ξ à partir des résultats de nanoindentation instrumentée avec une
pointe Berkovitch sur PMMA (voir tableau 1.10)
par une corrélation du graphique σr − ḞF de type loi puissance (y = Axm ). En appliquant
cette méthode au PMMA, on obtient m=0.1 (voir graphique 1.59-B). Cette valeur est en
bon accord avec celle déterminée par Bucaille [20]. Elle montre, une nouvelle fois, que
l’index de viscoplasticité ne correspond pas à la sensibité à la vitesse de déformation.
17. De plus, le caractère viscoélastique de ce matériau fait que le module d’élasticité déterminé en nano-
indentation dépend directement de la pulsation utilisée lors de la mesure de la rigidité de contact
80 Modélisation de l’essai d’indentation
parfait [51]. Par conséquent, la méthode de Dao peut s’appliquer. L’indenteur Berkovitch
permet donc d’identifier la consistance K de l’équation 1.90. Nous obtenons ici K=175
M P a.sm , ce qui est différent de la valeur de 200 M P a.sm proposée par Bucaille [20].
Les résultats de l’indenteur Cube Corner sont plus difficiles à exploiter. Les niveaux
de déformations sont suffisamment importants pour que le durcissement par orientation
des chaines joue un rôle dans la réponse du matériau lors de l’essai d’indentation. La
rhéologie du matériau n’est alors plus compatible avec la méthode de Dao (voir section
1.2.3). On peut toutefois remarquer que les niveaux de contraintes calculés avec cette
méthode semblent cohérents avec les résultats obtenus lors de l’indentation Berkovitch.
La méthode LTDS indique un niveau de déformations de l’ordre de 35 % ce qui permet
d’identifier le paramètre de durcissement hg . Nous obtenons ici hg =1. Bucaille propose
une valeur de 0.5 [20]. Les valeurs déterminées pour ces différents paramètres sont données
dans le tableau 1.12. Les deux courbes σ - ε sont tracées sur le graphique 1.60. La valeur
du paramètre W a été déterminée en dernier à partir des points obtenus avec la méthode
Dao et l’indenteur Berkovitch.
Pour vérifier ces résultats, nous avons simulé numériquement ces essais en prenant en
compte les paramètres du tableau 1.12 dans le cas de l’indentation Berkovitch. Les résultats
sont résumés dans le tableau 1.13. Ils sont satisfaisants compte tenu de l’incertitude sur
les méthodes de dépouillement. On peut remarquer que les paramètres rhéologiques pro-
posés par Bucaille sur-estiment les valeurs de la courbure et de la dureté. Ce phénomène
peut s’expliquer par une différence au niveau de la nature du matériau et de différences
éventuelles sur les conditions environnementales (température, taux d’humidité, ...). Tou-
tefois, les résultats obtenus sont très proches (voir tableau 1.12).
1.5 Identification des courbes contrainte-déformation à vitesse de
déformation constante 81
Tab. 1.13 – Comparaison entre les résultats de nanoindentation instrumentée et ceux de si-
mulations numériques sur le PMMA en considérant les paramètres identifiés précédemment
1.5.5 Conclusions
Dans ce chapitre, nous avons proposé une méthode pour extraire des courbes contrainte-
déformation à vitesse de déformation constante à partir d’essais d’indentation instru-
mentée. Elle repose sur l’utilisation des résultats obtenus sur l’indentation cônique de
solides élastoplastiques (voir chapitre 1.3). Nous supposons pour cela que le PGS permet
de considérer le solide indenté comme un solide élastoplastique. La principale inconnue est
la valeur de la vitesse de déformation associée à ces courbes. Pour cela, nous avons proposé
une expression pour la vitesse de déformation représentative. Elle dépend du paramètre ḣh ,
de l’angle de cône mais aussi de la sensibilité à la vitesse de déformation. Ces différentes pro-
priétés ont été vérifiées à partir de simulations numériques par éléments-finis. Pour illustrer
82 Modélisation de l’essai d’indentation
ces résultats, cette procédure a été appliquée sur des essais de nanoindentation pratiqués
sur des échantillons de polyméthacrylate de méthyle (PMMA). Ce matériau est idéalisé
comme élastique-viscoplastique avec une limite d’écoulement de type G’sell-Jonas [52].
Malgré toutes ces hypothèses simplificatrices, les résultats obtenus sont cohérents avec la
rhéologie des polymères vitreux [51]. Comme pour l’indentation des solides élastoplastiques
(chapitre 1.3), la source principale d’erreur est liée à la méthode de dépouillement de la
dureté et du module d’élasticité.
L’intéret de l’étude expérimentale sur le PMMA est d’illustrer l’application des différen-
tes méthodes d’identification des courbes contrainte-déformation par indentation instru-
mentée lorsque les matériaux ont un comportement dépendant du temps. Pour des raisons
pratiques, nous avons choisi d’utiliser des échantillons de polyméthacrylate de méthyl. Il
est important de noter que ce travail n’a pas pour objet de proposer une méthode d’identi-
fication dédiée aux polymères vitreux. En effet, la rhéologie de ces matériaux est trop com-
plexe pour être identifiée complètement par indentation instrumentée avec les méthodes
actuelles. Par exemple, comment prendre en compte correctement l’influence des propriétés
viscoélastiques des polymères vitreux? Quelle valeur du module d’élasticité faut-il utiliser
pour appliquer les méthodes développées dans ce document ? Un autre exemple est l’in-
fluence de la pression hydrostatique sur l’écoulement plastique des polymères vitreux. A
quel essai d’identification uniaxial (traction, compression, cisaillement) correspond alors la
rhéologie déterminée à l’aide de ces méthodes? Est-ce que la valeur de la pression hydro-
statique dépend de l’angle β ? Pour ce type de matériau, il est primordial de développer des
lois tridimensionnelles de comportement permettant de prendre en compte tous ces effets.
Ainsi, il serait possible d’améliorer les modèles développés dans ce mémoire.
2
Modélisation de l’essai de rayure
– usure de type ” Wedge ” (défoncement) (figure 2.1-a) : elle est caractérisée par l’appa-
rition d’un bourrelet en tête de sillon. Ce bourrelet s’accroı̂t au départ en corrélation
83
84 Modélisation de l’essai de rayure
Fig. 2.1 – Classification des principales composantes de l’usure abrasive, a) usure de type
”wedge” et ”ploughing” (gauche : première passe, droite : seconde passe), b) usure de type
”cutting”, c) usure de type ”cracking” [135]
– usure de type ” Cracking ” (fissuration) (figure 2.1-c) : elle se caractérise par l’ap-
parition de fissures en arrière de la pointe. Cette composante de l’usure est plus
dépendante de la ténacité du solide que de ses propriétés élastoplastique et concerne
donc principalement les matériaux fragiles.
Ces différents types d’abrasion se manifestent à des degrés variés selon les conditions
tribologiques, rhéologiques et cinématiques des interfaces en contact. On observera tout
d’abord le caractère local du processus d’abrasion : dans la zone immédiate du contact, le
matériau est fortement sollicité, tandis que, à distance relativement proche de cette zone,
le solide est soumis à des niveaux faibles de contraintes, dans le domaine de la réponse
élastique des structures ( figure 2.2).
Les modèles analytiques les plus simples et les plus utilisés pour comprendre l’usure
par abrasion reposent sur le rayage d’une surface par une particule abrasive de forme
connue [31]. Ils permettent d’expliquer qualitativement les effets des différents paramètres
mécaniques : pénétration, rhéologie du matériau abrasé, géométrie de l’indenteur. Cepen-
dant, il est difficile de les généraliser aux divers cas d’étude étant donné le nombre impor-
tant d’hypothèses simplificatrices sur lesquelles ils reposent. On comprend ici l’intérêt de
modéliser numériquement l’essai de rayure pour améliorer la compréhension des phénomènes
d’usure abrasive.
86 Modélisation de l’essai de rayure
Le frottement et l’usure
Ce modèle, établi par Bowden et Tabor [124] dans les années 50, ressemble à la théorie de
Coulomb mais en diffère sur deux points. D’une part, il fournit un mécanisme de dissipation
plus clair pour la part de frottement due aux aspérités. D’autre part, il donne une plus
grande importance à la composante adhésive, spécialement pour les surfaces non lubrifiées.
Il ne s’agit pas d’un modèle absolu de frottement, mais il représente un point de départ
intéressant pour l’étude du frottement. L’idée de Bowden et Tabor est d’intégrer ces deux
termes dans un même modèle de manière à ce que le labourage et l’adhésion deviennent
un simple processus de déformation. D’un point de vue phénoménologique, le coefficient
de frottement µtot se décompose en une part d’adhésion µa et une part de déformation µd
(dite part obstacle).
µtot = µd + µa (2.2)
De nos jours, l’essai de rayure est principalement utilisé pour comprendre les endom-
magements de contact [17],[18],[19] (écaillage des vernis, fissuration en sous couche, déla-
minage). Par exemple, les industries optiques, automobiles et chimiques s’intéressent en
premier lieu à la quantification de la résistance à la rayure des couches minces protectrices.
Les travaux de Bertrand [14], Demirci [40], Bucaille [20] et Jardret [65] démontrent l’impor-
tance de la rhéologie des matériaux sur les différents types d’endommagement observables
expérimentalement. Un des enjeux actuels est donc d’affiner la compréhension de la relation
entre la rhéologie des matériaux et leur résistance à la rayure (viscoélasticité, viscoplasti-
cité, écrouissage, ...). D’un point de vue expérimental, le nombre de paramètres mis en jeu
rend cette étude difficile et onéreuse [11]. La solution la plus intéressante consiste à utili-
ser la modélisation numérique par éléments-finis. Cependant, la rayure impose de prendre
en compte les phénomènes de grandes transformations et des domaines de maillage très
importants. Cette modélisation nécessite donc l’utilisation d’outils numériques spécifiques
(méthode de remaillage, gestion du contact, ...), ce qui explique le peu d’études à ce sujet
[20] [8].
2.1 La rayure, le frottement et l’usure 87
Dans la suite de cette partie, seules les rayures de type labourage sont
étudiées.
Dans certains cas, il est possible d’atteindre une phase stationnaire en rayure. Cela
dépend principalement des propriétés mécaniques des matériaux rayés et de la forme des
indenteurs [20]. Selon la loi de comportement du matériau, il y a création ou non d’un
bourrelet frontal, de bourrelets latéraux et d’un sillon résiduel après passage de l’indenteur
(figure 2.3).
Fig. 2.3 – A gauche - Rayure avec une sphère en phase stationnaire, A droite - Sillon
résiduel après un essai de rayage sur acier AISI316
Le procédé de rayure peut donc étre ”vu” comme l’écoulement d’un ”fluide” autour
d’un obstacle dans une configuration stationnaire. Il est possible de définir une configu-
ration ”équivalente” permettant de simplifier le problème. L’effet de ce principe de phase
stationnaire sur la rayure est alors similaire à l’effet du principe de similarité géométrique
88 Modélisation de l’essai de rayure
(PGS) sur l’essai d’indentation (voir chapitre 1.1, section 1.1.2). Dans cet esprit, on peut
donc définir des notions de déformation représentative εr , de contrainte représentative σr
et de vitesse de déformation représentative ε̇r au même titre que pour l’essai d’indentation.
La déformation représentative εr est fortement reliée à la forme de l’obstacle (sphère,
cône, ...) et à sa profondeur de pénétration h dans le solide rayé. Briscoe [17] suggère
donc d’utiliser les mêmes expressions que dans le cas de l’essai d’indentation. Felder [42]
estime toutefois que le niveau de déformations en rayure pour les métaux est cinq fois plus
important que celui en indentation. Dans le cas d’un indenteur sphérique, on obtient :
a
εr ∝ (2.3)
R
avec a le rayon de contact et R le rayon de l’indenteur.
La vitesse de déformation représentative est logiquement dépendante de la vitesse de
rayure. Par ailleurs, elle doit également dépendre de la forme de l’indenteur et de la pro-
fondeur de pénétration. Briscoe [17] suggère l’écriture suivante :
v
ε˙r = (2.4)
l
avec v la vitesse de l’indenteur et l la largeur du sillon résiduel. Ce modèle ne prend
malheureusement pas en compte explicitement la forme de l’indenteur rayant.
La notion de contrainte représentative est plus contreversée. Elle fait intervenir la notion
de dureté ou pression moyenne de contact. Quelle définition faut-il alors donner à la dureté
sous sollicitation de rayure?
Il existe deux notions différentes de dureté en rayure :
– La dureté dite ”rayure” correspond à l’effort normal sur la surface normale projetée.
C’est la notion de dureté la plus largement utilisée pour la rayure [17][21][46] :
Fn
Hn = (2.5)
Sn
De nombreux travaux montrent qu’il existe un rapport entre Hn et la dureté calculée
en indentation [66][11].
– Une autre définition pour la dureté est la notion de dureté tangentielle [102]. Elle
correspond à une adaptation directe de la notion de dureté en indentation. La rayure
pouvant être assimilée à une indentation tangentielle, il est alors naturel de définir la
dureté comme le rapport entre la force tangentielle et la surface tangentielle projetée :
Ft
Ht = (2.6)
St
2.1 La rayure, le frottement et l’usure 89
Ht se rattache à la définition classique de la dureté Brinell car elle prédit une dureté infinie
pour les matériaux purement élastiques. Dans ce document, nous utiliserons principale-
ment la notion de dureté rayure afin de prendre en compte les effets liés à l’élasticité des
matériaux.
Pratiquement, on suppose la phase stationnaire atteinte lorsque la force tangentielle et la
force normale appliquées sur l’indenteur ainsi que la surface de contact se stabilisent. Pour
cela, il est nécessaire que les conditions de chargement soient de type pénétration constante
ou force normale constante. Pour les matériaux qui présentent un comportement dépendant
du temps, une vitesse de rayure constante permet d’atteindre une phase stationnaire [17][65]
[46].
Les premières études théoriques de matériaux sous sollicitation de rayure ont concerné
les solides rigides parfaitement plastiques. Elles ont abouti à des solutions analytiques pour
des cas en déformation plane via la méthode des lignes de glissement. Cette méthode a été
décrite en détail par Hill [56]. Challen et Oxley [31] l’ont utilisée pour modéliser la rayure
d’une aspérité ”dure” de type dièdre sur une surface plus ”molle”. Ils obtiennent ainsi trois
régimes de frottement (modèle de la vague, usure abrasive, usinage).
L’essai de rayure étudié dans ce document correspond au modèle de la vague qui est
un régime stationnaire (voir figure 2.4-B). Le régime transitoire a été décrit par Johnson
[67]. Considérons pour cela un essai de rayure à force normale imposée.
La rayure se passe en deux phases. La première est la phase d’indentation correspondant
à l’établissement de la force appliquée. A la fin de cette phase, la pénétration du dièdre
est notée c0 . Le contact est alors symétrique. La seconde phase est la phase de glissement.
Elle est décrite par la figure 2.4-A. Selon l’analyse de Johnson, la répartition de pression de
contact est constante et vaut p. Le dièdre est animé d’une vitesse v tangentielle à la surface.
Au début, le contact est rompu à l’arrière du dièdre. Pour assurer l’équilibre mécanique,
la surface en contact doit alors croı̂tre. Le dièdre s’enfonce donc dans le massif (étape 2).
En se déplaçant tangentiellement, la surface de contact à l’avant de l’indenteur tend à
augmenter ce qui oblige le dièdre à remonter asymptotiquement vers la surface (étapes 3 à
6). Au bout d’un déplacement δ, le régime stationnaire est atteint. Le dièdre pousse alors
une vague de matière (voir figure 2.4-B).
90 Modélisation de l’essai de rayure
Fig. 2.4 – A- illustration de la phase stationnaire lors de la rayure d’un solide rigide par-
faitement plastique par un dièdre sous l’action d’une force normale constante, B- phase
stationnaire dite modèle de la vague [67]
Solides élastoplastiques
L’essai de rayure a d’abord été étudié sur les métaux. Pour ceux-ci, l’hypothèse sim-
plificatrice de solides rigides parfaitement plastiques est satisfaisante pour décrire correc-
tement l’essai. Cependant, Jardret [64][66] montre l’influence des déformations élastiques
2.1 La rayure, le frottement et l’usure 91
sur la rayure à partir d’essais expérimentaux. Pour cela, il utilise différents matériaux
E
dont le rapport H est différent, avec H la dureté (ou pression moyenne d’indentation) et
E
E le module de Young. Il quantifie alors l’influence du rapport H sur le rapport entre la
taille des bourrelets et la pénétration de l’indenteur. Plus particulièrement, les bourrelets
E
latéraux et frontaux augmentent avec le rapport H . Cette observation est similaire aux
résultats classiques d’indentation [85]. Par la suite, cette étude a été approfondie par Bu-
E
Fig. 2.5 – Vue de côté de la rayure pour différentes valeurs de X = Y
tan(β). Résultats
extraits de [20]
caille [20]. Il a étudié la rayure des matériaux élastiques parfaitement plastiques à l’aide
de simulations numériques par éléments finis. L’indenteur utilisé est un cône équivalent à
l’indenteur Berkovitch (β=19,7◦ ) et le frottement interfacial est nul. Il montre principale-
ment que le comportement à la rayure dépend fortement du rapport X = YE tan(β) appelé
facteur rhéologique [111]. Pour des valeurs importantes de ce rapport (X=1000), la rayure
est dite principalement ”plastique”. Un bourrelet frontal est créé ainsi que des bourrelets
latéraux. Pour des valeurs très faibles de ce rapport (X=1), la rayure est dite ”élastique”.
Le solide s’affaisse alors devant l’indenteur et la recouvrance élastique est augmentée (voir
figure 2.5). Cet auteur explique que le rapport HYn croit avec X de la même façon qu’en
indentation. Ces résultats soulignent le parallèle entre l’essai d’indentation et de rayure
pour ce type de rhéologie.
Il existe peu d’études sur les effets d’écrouissage lors d’une sollicitation de rayure.
Bucaille [20] et Felder [43] expliquent que cet effet se traduit principalement par une aug-
92 Modélisation de l’essai de rayure
mentation des déformations élastiques. Ainsi, plus le matériau peut s’écrouir et plus sa
résistance à la rayure est améliorée. Cette propriété est fondamentale pour les matériaux
polymères pour lesquels le durcissement est de type exponentiel. Cette étude sera reprise
dans ce document en différenciant les effets d’écrouissage isotrope et cinématique.
Fig. 2.6 – Vue de dessous de la rayure pour différentes vitesses de rayure sur matériaux
polymères. conditions expérimentales : indenteur sphérique et force normale imposée. Le
mouvement est de la droite vers la gauche. Résultats extraits de [46]
Avec l’utilisation accrue des matériaux polymères (industrie chimique, optique, auto-
mobile, ...), il existe, actuellement, une demande importante concernant la compréhension
du comportement à la rayure des solides viscoélastiques et/ou viscoplastiques. Les études
les plus connues à ce sujet sont principalement expérimentales [17][15]. Les travaux de
Briscoe [19] montrent que la dureté rayure augmente avec la vitesse de rayage de façon
significative. Briscoe explique ce phénomène par un durcissement visqueux du polymère
provenant de l’augmentation de la vitesse de déformation représentative. Gauthier [46] et
Lafaye [80] ont aussi observé le comportement à la rayure de ces matériaux en fonction de
la vitesse de rayure. Pour cela, ils ont utilisé un dispositif permettant de suivre l’évolution
2.2 Modélisation numérique de la rayure 93
de l’essai de rayure et d’obtenir des images in-situ de l’aire de contact entre la pointe et
l’échantillon (voir figure 2.6). Les rayures sont faites à force normale imposée avec des
indenteurs sphériques. Pour les vitesses les plus faibles, le contact est dissymétrique et
ressemble fortement à celui d’une rayure d’un solide élastoplastique. Pour les vitesses les
plus élevées, le contact se symétrise. La rayure est alors celle d’un solide élastique. Elle
semble donc transiter d’une rayure élastoplastique vers une rayure élastique en fonction
de la vitesse de rayure. Ils montrent aussi que la dureté rayure (ou pression moyenne nor-
male) augmente avec la vitesse et diminue avec la température [40]. Pour les matériaux
polymères, cela permet de tracer grâce à l’essai de rayure, et le principe d’équivalence
temps-température, des courbes maitresses de pression de contact [47]. Ainsi, l’équivalence
temps-température pour la rayure est conforme à celle observée en indentation [20].
La simulation numérique de la rayure est complexe car elle met en jeu des grands
déplacements, grandes rotations et grandes déformations de la matière. Un des obstacles
majeurs à l’utilisation de l’outil numérique vient des problèmes liés aux distorsions impor-
tantes des éléments sous le contact qui conduisent à la non convergence des calculs. Pour
y remédier, une méthode de remaillage dédiée spécifiquement à la simulation de l’essai de
rayure est présentée. Elle permet de reproduire la phase transitoire de la rayure jusqu’à la
phase stationnaire.
– phase d’indentation,
– phase de rayure à force normale imposée ou déplacement normal imposé.
L’axe d’indentation est ~z et l’axe de rayure est ~x. Notons que d’autres cinématiques sont
admissibles pour atteindre une phase stationnaire de la rayure (ou du processus de labou-
rage).
Le domaine de maillage est un parallélépipède rectangle bloqué sur sa base suivant ~z (
voir figure 2.7). Dans le cas des indenteurs axisymétriques, il existe une symétrie évidente
du problème dont le plan est (y=0). Le massif rayé étant un massif semi-infini, les longueur,
largeur et hauteur de celui-ci doivent être les plus importantes possibles. Nous verrons par
la suite que l’algorithme de remaillage permet d’imposer des valeurs très grandes pour ces
paramètres sans augmenter le nombre d’éléments du maillage.
Fig. 2.7 – A - cinématique de l’essai de rayure sur un AISI304L [8]; B - conditions aux
limites, le mouvement est de la gauche vers la droite
Conditions de contact
L’algorithme de contact repose sur l’utilisation de cibles rigides afin de faciliter la gestion
des grands déplacements entre l’indenteur et le matériau. Les inéquations du contact uni-
latéral, avec ou sans frottement interfacial, sont résolues par une méthode de pénalisation
[105][32]. Un des inconvénients de cette méthode est qu’elle autorise une interpénétration
des deux surfaces. Les inéquations du contact ne sont donc pas rigoureusement satisfaites.
Un de ses avantages est le temps de calcul.
D’un point de vue pratique, la prise en compte des phénomènes de contact unilatéral
2.2 Modélisation numérique de la rayure 95
induit de très fortes non linéarités et est souvent la cause de la non convergence des calculs
numériques. Ceci est principalement causé par les nombreux changements de statut des
noeuds de la surface de contact (contact, non contact). Pour améliorer la gestion du contact,
le pas de temps peut être estimé pour éviter que plusieurs noeuds changent de statut au
cours d’un même pas de calcul [32]. Dans le cas de l’essai de rayure, cette technique
est difficilement adaptable car elle imposerait des pas de temps très petits et donc des
temps de calcul très importants. Lorsqu’il existe un frottement interfacial, les non linéarités
sont bien plus importantes. En effet, les noeuds en contact peuvent osciller entre les trois
statuts : non contact, contact collant, contact frottant. Ce qui a des conséquences encore
plus néfastes sur la stabilité des calculs imposant des pas de temps bien plus faibles. Un
remède simple consiste à diminuer le nombre de noeuds en contact mais la physique de
l’essai n’est alors plus représentée correctement. Pour éviter ces difficultés, nous avons
choisi de ne pas considérer les effets d’un frottement interfacial.
Conditions de chargement
La cible étant rigide, il est plus pratique d’utiliser des conditions de chargement en
déplacement. Les rayures sont ainsi effectuées à profondeur imposée. La plupart des essais
expérimentaux sont pilotés à force normale imposée [47][15][65]. Cette différence n’est pas
très importante car ces deux conditions de chargement doivent théoriquement mener à
la même phase stationnaire. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons développé un al-
gorithme de régulation permettant de simuler numériquement des essais à force imposée.
L’idée repose sur la création d’un asservissement ”numérique” décrit par le schéma 2.8. A
chaque pas de calcul, la profondeur de pénétration de l’indenteur h est recherchée de façon
à ce que l’effort Fn appliqué sur l’indenteur respecte la consigne.
Fig. 2.8 – Schéma de régulation de l’indenteur en condition de force normale imposée lors
de la simulation numérique
96 Modélisation de l’essai de rayure
Considérons le processus de labourage qui résulte du glissement d’une aspérité très dure
sur une surface plane en acier austénitique inoxydable 304 [76]. L’aspérité est idéalisée sous
la forme d’un indenteur sphérique infiniment rigide de rayon R=2 mm. La pénétration
imposée est de l’ordre de 20 µm. Le contact entre l’indenteur et le massif est sans frotte-
ment. Pour cette application, il n’est pas nécessaire d’utiliser d’algorithme de remaillage.
Le matériau suit un comportement élastoplastique identifié à partir d’essais de traction
uniaxiale à 350◦ C sur des éprouvettes en 304L [8]. Le module de Young est égal à 172000
MPa, le coefficient de Poisson vaut 0,3. La courbe d’écrouissage peut être modélisée par
une loi de puissance de type Ramberg-Osgood :
Notons que la nature de l’écrouissage utilisé dans cette partie est isotrope. Deux types
d’essais sont simulés. Le premier est réalisé à force normale constante (Fz = 200N ). Cette
force est imposée pendant la phase d’indentation puis maintenue constante pendant le
rayage. Pour le deuxième essai, la profondeur de pénétration est maintenue constante. La
valeur de la profondeur de pénétration imposée est celle obtenue avec l’essai à force normale
imposée lorsque la rayure est en phase stationnaire. Les calculs à force imposée sont en
moyenne deux à trois fois plus longs que les calculs à déplacement imposé. Le modèle
réalisé comporte 4700 éléments et 5200 noeuds (voir figure 2.7). Les éléments utilisés sont
des parallélépipèdes linéaires à intégration sélective sur le volume pour prendre en compte
la condition d’incompressibilité plastique.
Le profil longitudinal de la rayure en phase stationnaire est représenté sur le graphique
2.9. Le profil obtenu avec la condition de force normale imposée est cohérent avec les
résultats classiques de rayure ”plastique”. L’indenteur s’enfonce au début de la phase de
rayage puis remonte jusqu’à ce que la phase stationnaire soit atteinte.
Le retour de la matière et le bourrelet avant sont les mêmes dans les deux cas de
chargement (voir figure 2.9). Il est donc possible de corréler deux essais avec des conditions
de chargement différentes à partir de leur phase stationnaire. La principale indétermination
est l’existence de la phase stationnaire pour le chargement spécifié.
2.2 Modélisation numérique de la rayure 97
Fig. 2.9 – Vue de côté de la rayure d’un indenteur sphérique sur un matériau de type
AISI304L pour deux conditions de chargement différentes
Lorsque les conditions de chargement sont plus sévères que dans l’application précédente,
il est nécessaire de recourir à une méthode de remaillage [20]. En effet, les grandes distor-
sions des éléments sous le contact invalident l’utilisation des modèles standards (figure
2.10).
La méthode que nous avons développée repose sur la gestion de zone de maillage à fortes
ou faibles concentrations d’éléments. L’originalité est que la taille et la position de ces zones
sont déterminées automatiquement au cours du calcul. Les facteurs pris en compte dans
ce calcul sont la position de l’indenteur, la taille de la surface de contact à l’avant et à
l’arrière de l’indenteur (voir figure 2.11).
Pour faciliter la gestion du contact, le nombre de noeuds en contact avec l’indenteur
reste constant au cours du rayage. Les zones de maillage sont donc mobiles et s’adaptent au-
tomatiquement à la position de l’indenteur. Grâce à cette technique, le nombre d’éléments
est indépendant de la taille du massif. De plus, les étapes de remaillage sont suffisamment
fréquentes au cours du calcul pour éviter que la distorsion des mailles soit trop importante.
Cet algorithme permet d’augmenter ou de diminuer le nombre de noeuds du modèle au
cours de la rayure. Les éléments utilisés sont des hexaèdres du premier ordre à intégration
sélective pour prendre en compte correctement la condition d’incompressibilité plastique.
98 Modélisation de l’essai de rayure
Fig. 2.10 – distorsion d’un mailage standard lors d’une rayure avec des conditions de charge-
ment sévères (massif de type 304, indenteur sphérique, coefficient de frottement interfacial
= 1.0)
Ce sont des éléments relativement bien adaptés à la simulation numérique des équations
des écoulements plastiques [44]. Ils posent néanmoins le problème de la discrétisation. Dans
les problèmes de mise en forme, les éléments les plus souvent utilisés sont des tétraèdres
car ils permettent de mailler facilement tous types de géométries [54].
Considérons l’étape de remaillage du schéma 2.11. Elle se décompose de la façon sui-
vante :
Une fois le nouveau maillage construit, il faut lui affecter les données de l’ancien
maillage. On parle de transport des quantités physiques du maillage source vers le maillage
cible. Deux types de variables à transporter doivent être distingués :
– les variables stockées aux points de Gauss des éléments (contrainte, déformation, ...)
Considérons les variables stockées au point de Gauss des éléments. Afin de nous ramener
à un transport par interpolation inverse, les valeurs de ces variables sont extrapolées aux
noeuds de l’ancien maillage en utilisant l’approximation par éléments finis [13]. Pour s’as-
surer que les contraintes verifient les conditions d’admissibilité plastique, cette opération
est effectuée en prenant en compte les propriétés plastiques du matériau (limite d’élasticité,
écrouissage). Pour chaque point de Gauss du nouveau maillage, on cherche alors l’élément
de l’ancien maillage le contenant. Les quantités physiques sont ensuite affectées par in-
terpolation inverse. Cette méthode ne permet malheureusement pas de satisfaire la loi de
comportement du matériau ainsi que l’équilibre mécanique. Il est alors nécessaire d’effec-
tuer un calcul de rééquilibrage. Le principe de celui-ci est de recalculer la distribution des
différentes grandeurs physiques à l’instant de remaillage. Hamel [54] propose d’utiliser une
technique, reposant sur l’approximation diffuse [98], pour le transport des données. Son
principal intérêt est qu’elle évite les erreurs dues à l’étape d’extrapolation nodale. Cepen-
dant, elle impose aussi l’utilisation d’un calcul de rééquilibrage pour assurer l’équilibre
mécanique. L’intégration de cette méthode pour simuler l’essai de rayure est une des pers-
pectives de ce travail.
Cet algorithme a été validé en comparant les résultats obtenus avec et sans remaillage
pour un cas ne nécessitant pas de remaillage. Pour cela, nous avons utilisé le modèle décrit
2.2 Modélisation numérique de la rayure 101
précédemment dans le cas de la rayure de l’acier AISI304L. L’indenteur est une sphère
indéformable de rayon 2 mm et la profondeur de pénétration lors de la rayure est de 25 µm.
Le nombre de mailles du modèle a été choisi de façon à éviter les erreurs numériques dues
à la discrétisation. L’évolution des efforts normaux et tangentiels en fonction de la distance
glissée est tracée sur le graphique 2.14. Ces grandeurs évoluent avec la distance glissée lors
du régime transitoire et se stabilisent ensuite (régime stationnaire). Les résultats obtenus
avec et sans remaillage sont quasiment confondus, ce qui permet de valider l’implémentation
de l’algorithme de remaillage développé dans ce document.
Fig. 2.14 – Comparaison des résultats de rayure sur AISI304L avec et sans méthode de
remaillage.
Un des inconvénients classiques des méthodes de remaillage est le temps CPU nécessaire
à l’opération de remaillage elle-même. Il est apparu que l’opération la plus lente était
le transport des quantités physiques et, plus particulièrement, l’étape de recherche des
éléments contenant les noeuds ou les points de Gauss du nouveau maillage. Pour cela,
un algorithme de tri spécialisé, reposant sur une numérotation particulière des noeuds et
des éléments, a été développé. Pratiquement, si le temps CPU est diminué à cause du plus
faible nombre de noeuds par rapport à un calcul sans remaillage (50000 noeuds en moyenne
pour un calcul sans remaillage, 10000 noeuds pour un calcul avec remaillage, voir figure
2.15-gauche), il existe une perte de temps CPU non négligeable provenant des étapes de
remaillage. Le principal intérêt de cette méthode est de pouvoir réaliser des rayures avec des
conditions de chargement extrêmes (impossibles à réaliser sans remaillage de la structure).
Par exemple, la figure 2.15-droite montre la rayure d’un massif élastoplastique par une
102 Modélisation de l’essai de rayure
Fig. 2.15 – A gauche - Maillage avec méthode de remaillage et sans méthode de remaillage,
A droite - Rayure avec une sphère d’un solide élastoplastique de propriétés mécaniques
Y=12 MPa et E=1020 MPa avec Rh = 0.95
Fig. 2.16 – Construction du nouveau maillage dans le cas du rayage d’un matériau bicouche
Fig. 2.17 – Rayure avec une sphère d’un solide composé de deux couches élastoplastiques
pour deux profondeurs de pénétration, A gauche : 5 fois l’épaisseur de la couche, A droite :
0.5 fois l’épaisseur de la couche. Dans les deux cas : Rh = 14
104 Modélisation de l’essai de rayure
Dans ce chapitre, des études qualitatives de l’influence des paramètres mécaniques sur la
rayure des matériaux sont présentées. Dans une première partie, l’influence de l’écrouissage
des solides élastoplastiques, que ce soit au niveau de sa nature (isotrope ou cinématique)
ou de son intensité, est analysée. Cette étude étant antérieure au développement de l’algo-
rithme de remaillage présenté au chapitre précédent, les conditions de chargement ont été
choisies de façon à éviter une trop grande distorsion des éléments. Dans une seconde par-
tie, la rayure des matériaux dépendant du temps (viscoélasticité, élasto-viscoplasticité) est
étudiée. Plus particulièrement, nous analysons les effets de la vitesse de rayure. Les résultats
obtenus dans ce chapitre sont essentiellement qualitatifs, contrairement aux résultats d’in-
dentation. En effet, en raison des importants temps de calcul et des nombreuses hypothèses
de modélisation, il est difficile de quantifier exactement les effets des différents paramètres
étudiés.
Pour expliquer les effets de l’écrouissage des matériaux sur le comportement en rayure
des solides élastoplastiques, il est nécessaire de tenir compte des propriétés élastiques
[20][66]. Pour les matériaux métalliques classiques, très ductiles, le cisaillement est maximal
juste en dessous de la surface de contact (figure 2.18-A). Ainsi la déformation plastique
est elle aussi maximum à cet endroit (figure 2.18-B). Cette répartition permet d’expli-
quer la forte orientation des grains en surface après un contact abrasif. Suivant les pro-
priétés mécaniques, un copeau peut se créer ainsi que des bourrelets de labourage. Pour des
matériaux plus élastiques, comme les polymères vitreux, le cisaillement est maximum en
sous couche (figure 2.19-A). La distribution des déformations plastiques est donc différente
(figure 2.19-B). Ceci permet d’expliquer l’apparition de fissures en sous couche lors de la
rayure de ce type de matériaux [40].
Cette étude étant essentiellement qualitative, nous avons essayé de décrire une large
gamme de propriétés mécaniques. Elles ne correspondent donc pas forcément à des ma-
tériaux réels. Nous avons étudié des solides de modules de Young E=100 GPa (laiton,
aluminium) et E=10 GPa (polymères). Pour simplifier, nous avons choisi d’utiliser un
écrouissage linéaire ce qui permet de n’avoir que trois paramètres à prendre en considération
(module de Young E, limite d’élasticité Y, pente d’écrouissage κ). La limite d’élasticité est
fixée à 100 MPa et nous avons considéré quatre valeurs pour la pente d’écrouissage [20
2.3 Etude phénoménologique 105
MPa, 100 MPa, 500 MPa, 2500 MPa]. Les conditions de chargement sont les suivantes :
Résultats
Dans un premier temps, nous avons comparé, pour chaque type d’écrouissage, les
déformées en rayure. Les résultats correspondant à l’écrouissage isotrope sont tracés sur
les graphiques 2.20 et 2.22. Ceux correspondant à l’écrouissage cinématique sont tracés sur
les graphiques 2.21 et 2.23.
Considérons le cas E=100 GPa avec un écrouissage isotrope (figure 2.20). La valeur de
la pente d’écrouissage κ influe très peu sur la recouvrance du matériau après rayure qui est,
par ailleurs, quasiment nulle. En revanche, le bourrelet avant et les bourrelets latéraux dimi-
nuent lorsque la pente d’écrouissage augmente. Etant donné le caractère incompressible de
la déformation plastique, on peut conclure à une augmentation des déformations élastiques
avec κ. Ceci est cohérent avec les notions de déformation et contrainte représentatives
2.3 Etude phénoménologique 107
(cf chapitre 2.1). Lorsque la nature de l’écrouissage change (figure 2.21), les tendances
Fig. 2.20 – Cas E=100 GPa et écrouissage isotrope, a) Vue de côté de la rayure, b) profil
résiduel de la rayure
sont similaires. Cependant, on peut noter que la recouvrance du matériau après rayure est
bien supérieure. Concernant la taille des bourrelets, on observe aussi une diminution plus
importante en fonction de la valeur de la pente d’écrouissage.
Fig. 2.21 – Cas E=100 GPa et écrouissage cinématique, a) Vue de côté de la rayure, b)
profil résiduel de la rayure
Considérons le cas E=10 GPa avec un écrouissage isotrope (figure 2.22). Les déforma-
tions élastiques sont plus importantes que dans le cas E=100 GPa, ce qui se traduit par
une amélioration de la recouvrance élastique après rayure et un affaissement du matériau à
l’avant de l’indenteur (avec la présence d’un léger bourrelet). Comme précédemment, ceci
s’amplifie avec l’augmentation de κ. Ces résultats sont cohérents avec les travaux de Bu-
caille [20]. Les notions de paramètres représentatifs de la rayure peuvent donc s’appliquer.
108 Modélisation de l’essai de rayure
Lorsqu’on change la nature de l’écrouissage (figure 2.23), les conclusions sont les mêmes
que précédemment.
Fig. 2.22 – Cas E=10 GPa et écrouissage isotrope, a) Vue de côté de la rayure, b) profil
résiduel de la rayure
Fig. 2.23 – Cas E=10 GPa et écrouissage cinématique, a) Vue de côté de la rayure, b)
profil résiduel de la rayure
hf
Recouvrance = 1 − (2.8)
h
avec hf la profondeur du sillon résiduel et h la pénétration de l’indenteur. Plus la re-
couvrance est importante et meilleure est la résistance à la rayure. Une autre grandeur
1. Dans la notion de résistance de rayure, on ne considère pas ici les phénomènes d’endommagement
2.3 Etude phénoménologique 109
Fig. 2.24 – Evolution de la recouvrance du matériau (a) et du ratio bourrelet latéral sur
pénétration (b) en fonction de la pente d’écrouissage
avec λ(t) une fonction croissante du temps. L’orientation du tenseur des contraintes en
tous points ne varie donc pas au cours du chargement (à l’exception des modes de rotation
de type corps rigides). L’essai d’indentation permet de satisfaire approximativement cette
condition lors de la phase de chargement. En revanche, ce n’est pas le cas pour l’essai
de rayure. Considérons, pour cela, les résultats obtenus avec les paramètres matériaux
suivants : E=100 GPa et κ=2500 MPa. L’évolution du tenseur des contraintes, dans une
bande de matière située dans l’épaisseur du massif, est représentée sur la figure 2.26. Elle
nous montre que l’orientation de ce tenseur varie de façon importante au cours de la
rayure. Pour l’écrouissage isotrope, l’écoulement plastique se produit lorsque la contrainte
de cisaillement dépasse la limite d’écoulement. La bande de matière a atteint sa forme finale
lors du passage de l’indenteur. Pour l’écrouissage cinématique, le matériau continue à se
déformer plastiquement après passage de l’indenteur. L’écoulement plastique s’explique par
le fait que l’orientation de la contrainte de cisaillement est différente lorsque la bande de
matière est à l’avant de l’indenteur ou à l’arrière de l’indenteur. Les directions d’écoulement
plastique sont alors, elles aussi, différentes d’où les différences entre les géométries finales de
cette bande de matière. Les grandeurs représentatives de ce phénomène sont les suivantes :
Rtq
– la déformation plastique cumulée p = 0 23 ε˙pij ε˙pij dt
2.3 Etude phénoménologique 111
Fig. 2.26 – Tenseur des contraintes dans une bande de matière au cours de la rayure
112 Modélisation de l’essai de rayure
q
2 p p
– la déformation plastique équivalente εpeq = ε ε
3 ij ij
La première permet d’étudier l’histoire plastique vécue par le matériau. En effet, chaque
nouvel écoulement plastique se traduit par une augmentation de la déformation plastique
cumulée. La seconde permet d’étudier l’état des déformations plastiques à l’instant t. Ces
deux grandeurs sont équivalentes dans les seuls cas de chargement proportionnel croissant
(essai de traction, ...). L’évolution de ces deux grandeurs en deux points du massif (situés
respectivement à 50 µm et 300 µm sous la surface) est tracée sur le graphique 2.27 en
fonction de la position de l’indenteur et de l’abscisse de ces points suivant la direction de
rayure (Xp : abscisse du point considéré, Xi : position de l’indenteur). Le solide exhibant un
écrouissage cinématique atteint une valeur de déformation plastique cumulée plus impor-
tante à la fin de la rayure. Ce graphique nous montre que ce solide continue à s’écouler plas-
tiquement après passage de l’indenteur ce qui n’est pas le cas lorsque l’écrouissage est iso-
trope. A la fin de la rayure, le point le plus proche de la surface a subi plus de déformations
plastiques. En revanche, l’état de déformation plastique résiduelle est plus faible lorsque
l’écrouissage est cinématique (voir graphique 2.27-B). En effet, la déformation plastique
équivalente diminue après passage de l’indenteur du fait de la réorientation des directions
d’écoulement plastique. On peut donc parler d’une pseudo-restauration des déformations
plastiques. L’effet est beaucoup plus prononcé pour le point à 50 µm de la surface ce qui
semble cohérent.
Cette évolution est typique d’une sollicitation cyclique en contact [67]. En effet, si on
considère le cas simple du glissement d’une aspérité sur un massif élastique, un petit élément
de matière situé à l’intérieur du solide va successivement subir un cisaillement dans un sens
2.3 Etude phénoménologique 113
puis dans l’autre (voir figure 2.28). Pour les matériaux élastoplastiques, cette inversion du
sens de cisaillement induit donc des écoulements plastiques différents suivant la nature de
l’écrouissage. Cet aspect cyclique a été souvent utilisé pour expliquer et quantifier l’usure
par fatigue oligocyclique des matériaux métalliques [69][73].
Fig. 2.28 – Contraintes lors du passage d’une aspérité rigide sur un massif élastique [48]
Discussion
Les effets de l’écrouissage peuvent être appréhendés par les notions de contrainte et
déformation représentatives. Dans cette étude, toutes les rayures sont effectuées avec la
même profondeur de pénétration. En première approximation, la déformation représentative
est donc la même pour chaque essai. Une augmentation de la pente d’écrouissage induit
une augmentation de la contrainte d’écoulement, donc une augmentation de la déformation
élastique représentative, d’où une diminution de la déformation plastique représentative.
En rayure, ce phénomène est observé par une amélioration de la recouvrance élastique,
une diminution des bourrelets latéraux et frontaux ainsi qu’une augmentation de la dureté
rayure. Bien que très simpliste, cette approche permet de comprendre l’intérêt d’utiliser
des matériaux admettant un fort durcissement pour améliorer la résistance à la rayure.
Cette conclusion est en bon accord avec les observations de Felder [43] et Bucaille [22] qui
montraient l’importance du durcissement des polymères sur leur résistance à la rayure.
Cependant, cette approche ne permet pas d’expliquer les différences observées lorsque la
nature de l’écrouissage change (isotrope → cinématique). Elles montrent que la sollicita-
tion de rayure est plus proche d’une sollicitation cyclique que d’une sollicitation monotone
[69] comme cela peut être le cas en indentation. Lorsque l’écrouissage est cinématique, le
changement d’orientation du cisaillement principal au fur et à mesure de la rayure induit
un écoulement plastique. Les directions d’écoulement changent elles aussi d’orientation lors
du passage de l’indenteur, ce qui se traduit par une pseudo-restauration des déformations
plastiques (phénomène d’autant plus important que l’intensité de la variable d’écrouissage
est grande par rapport à la limite d’élasticité initiale). Un autre exemple est la distribu-
tion de contraintes résiduelles après rayure (voir figure 2.30). Pour le cas E=100 GPa et
K=2500 MPa, les ordres de grandeurs et la répartition sont très différents. Dans le cas
de l’écrouissage isotrope, la contrainte σxx est positive juste en dessous du sillon résiduel
(traction), puis négative en sous couche. Pour l’écrouissage cinématique, c’est l’inverse qui
se produit. La contrainte de traction maximale dans le cas de l’écrouissage isotrope est de
l’ordre de 800 MPa tandis que dans le cas de l’écrouissage cinématique, elle est de l’ordre
de 30 MPa.
Rech [112] a observé que le procédé de toilage permettait d’obtenir des contraintes
résiduelles de compression en surface et il a attribué ce phénomène aux micro-rayures
ductiles des grains abrasifs. Il a expliqué que les contraintes résiduelles ne pouvaient pas
être d’origine thermique étant donné les faibles échauffements mesurés expérimentalement.
Notre étude montre que la distribution des contraintes résiduelles après rayure peut être très
2.3 Etude phénoménologique 115
Fig. 2.30 – Distribution des contraintes résiduelles σx x sans une section du sillon résiduel
pour le cas E=100 GPa et K=2500 MPa, A : écrouissage isotrope, B : écrouissage
cinématique
différente suivant les propriétés mécaniques des matériaux étudiés. Il n’est donc pas possible
de valider cette hypothèse pour expliquer les effets observés en toilage. En conclusion,
il est nécessaire de connaı̂tre la nature de l’écrouissage du matériau pour qualifier son
comportement à la rayure.
Fig. 2.31 – A : schéma rhéologique d’un solide viscoélastique linéaire de type Maxwell à 2
branches, B : relaxation du module de cisaillement du solide après un échelon de chargement
vitesse de rayure est très importante, il se comporte comme un solide élastique de module
de cisaillement G0 + G1 . Dans ces deux cas, le coefficient de frottement est quasiment nul
(figure 2.32-gauche) et la surface de contact à l’arrière de l’indenteur est très voisine de
celle à l’avant de l’indenteur (figure 2.32-droite). Ces figures montrent aussi qu’il existe une
vitesse de rayure critique correspondant à un coefficient de frottement maximum.
Fig. 2.32 – Rayure d’un solide viscoélastique linéaire, A - profil longitudinal pour différentes
vitesses de rayure, B - évolution du coefficient de frottement apparente et de la dureté rayure
en fonction de la vitesse de rayure
Solides élastiques-viscoplastiques
Fig. 2.33 – A : schéma rhéologique d’un solide élastique viscoplastique de type Bingham-
Norton [87], B : influence de la vitesse de déformation sur une courbe de traction
MPa. Ces propriétés sont proches de certains polymères vitreux. Dans cette étude, R=10
µm et h=3 µm. La vitesse de rayure varie de 0,1 µm/s à 1000 mm/s. Les résultats sont
tracés sur la figure 2.34. Lorsque la vitesse de rayure est très petite, le bourrelet frontal et
le coefficient de frottement sont maximaux (figure 2.34-gauche) et la surface de contact à
l’arrière de l’indenteur est minimale (figure 2.34-droite). Ces résultats sont caractéristiques
d’une rayure sur un solide élastoplastique [66][21]. Lorsque la vitesse de rayure est très
importante, il se comporte comme un solide élastique. Il n’y a pas de bourrelet frontal
mais plutôt un affaissement devant l’indenteur. Le coefficient de frottement est nul et la
surface de contact à l’arrière de l’indenteur est très proche de la surface de contact à l’avant
de l’indenteur. Cette transition de comportement avec la vitesse de rayure est cohérente
avec les observations expérimentales de Gauthier et Schirrer [47].
Indentation et rayure
Les résultats précédents montrent qu’il est effectivement possible de définir une vi-
tesse de déformation représentative ε̇r associée à la rayure de solides viscoélastiques ou
élastiques-viscoplastiques. Elle dépend de la vitesse de rayure, de la forme de l’indenteur
et de la pénétration de celui-ci. Evidemment, il est nécessaire que la rayure soit en phase
stationnaire. De ce fait, il existe une analogie entre les essais d’indentation où le principe
de similarité géométrique est satisfait et les essais de rayure en phase stationnaire. Dans
ces deux cas, on peut observer une transition du comportement du matériau qui dépend
de la vitesse de déformation représentative et des propriétés mécaniques, que le solide soit
viscoélastique ou élastique-viscoplastique (voir section 1.4 de ce document).
Afin de vérifier cette analogie, nous avons comparé les duretés rayures obtenues par
simulation numérique à celles obtenues en indentation à l’aide des expressions analytiques
du chapitre 1.4 en fonction de la vitesse de déformation équivalente (voir graphiques 2.35
et 2.36).
Pour l’essai de rayure, nous définissons la vitesse de déformation équivalente par av [17]
avec a le rayon de la surface de contact et v la vitesse de rayure. Pour l’essai d’indentation,
elle est donnée par : hḣ [93]. Notons que les résultats en rayure ont été obtenus avec des
2.3 Etude phénoménologique 119
indenteurs sphériques, contrairement aux résultats d’indentation qui ont été obtenus avec
des indenteurs côniques. Pour adapter les résultats du chapitre 1.4, il a été nécessaire de
définir des angles de cône β représentatifs des indenteurs sphériques utilisés en rayure.
L’angle β est calculé en égalant la pression moyenne d’indentation à une profondeur h d’un
solide élastique par une sphère de rayon R à la pression moyenne obtenue avec le cône
équivalent : r
8 h
tan(β) = (2.10)
3π R
Concernant le solide viscoélastique linéaire (graphique 2.35), la dureté rayure et la du-
reté indentation sont quasiment confondues. Ce résultat montre, d’une part, que la vitesse
de déformation représentative en rayure (au sens de Briscoe) est effectivement comparable
à celle définie en indentation, et d’autre part, que la pression moyenne de contact en rayure
a le même sens que la pression moyenne de contact en indentation 3 . On dispose ainsi des
différentes expressions analytiques développées pour l’essai d’indentation afin d’analyser
la rayure des solides viscoélastiques. Concernant le solide élastique-viscoplastique (gra-
phique 2.36), la dureté rayure et la dureté indentation sont très différentes. Ce phénomène
3. Attention, ce résultat n’est valable que lorsque l’essai de rayure est en phase stationnaire et que le
PGS est respecté dans le cas de l’essai d’indentation.
120 Modélisation de l’essai de rayure
2.3.3 Conclusions
Dans ce chapitre, des études qualitatives de l’influence des paramètres mécaniques sur
la rayure des matériaux ont été présentées. Elles montrent principalement que l’analyse
phénoménologique de l’essai de rayure peut être grandement simplifiée grâce aux notions
de contrainte et déformation représentatives et, ainsi, grâce à l’analogie avec l’essai d’inden-
tation. En effet, l’effet de l’écrouissage se traduit, comme en indentation, par une augmenta-
tion des déformations élastiques (diminution de la taille des bourrelets latéraux et frontaux,
amélioration de la recouvrance élastique) et une augmentation de la pression moyenne de
contact. Concernant les matériaux à comportement dépendant du temps, il existe une
analogie entre les essais d’indentation lorsque le principe de similarité géométrique est sa-
tisfait et les essais de rayure en phase stationnaire. Plus particulièrement, la transition
de la pression moyenne de contact en fonction de la vitesse de déformation représentative
s’écrit de la même façon en indentation et en rayure. Cette analogie permet donc d’affi-
ner la compréhension phénoménologique des essais de rayure en considérant les nombreux
travaux relatifs à l’essai d’indentation.
Cependant, il est nécessaire de garder à l’esprit que les sollicitations en indentation et
en rayure sont de natures différentes. Contrairement à l’indentation, des effets particuliers
sont obtenus suivant la nature de l’écrouissage (isotrope ou cinématique). La sollicitation
de rayure est donc plus proche d’une sollicitation cyclique que d’une sollicitation monotone.
De plus, si le frottement interfacial ne joue pas un rôle crucial en indentation (le chargement
étant quasiment radial), ce n’est pas le cas en rayure [80]. Une perspective de ce travail est
d’étudier l’influence du frottement interfacial sur le comportement en rayure des matériaux
grâce à la simulation numérique.
2.4 Application à l’usure des crayons de grappes 121
Le contrôle de la réaction des centrales nucléaires est assuré par des produits absorbants.
Afin d’éviter leurs dissolutions dans l’eau de la cuve, ces produits sont enfermés dans
des longues gaines d’acier inoxydable formant un crayon. Les crayons sont assemblés par
grappes, guidés de façon continue par des guides dans leur partie inférieure et par des cartes
de guidage dans la partie supérieure (figure 2.37-A et B). Dans le guidage discontinu, les
mouvements de fluides du circuit primaire provoquent le contact entre crayons et guides.
Il en résulte une usure des grappes et des guides de grappes de crayons combustibles. En
1998, une usure anormalement rapide a été détectée sur un certain nombre de grappes
d’arrêt équipant certains réacteurs allant jusqu’au percement d’un crayon 4 . L’expertise de
crayons (Cauvin [29]) venant de différentes centrales a mis en évidence des faciès composés
d’une multitude de petites cuvettes oblongues (centrale Golfech) ou circulaires (centrale
Bugey) dont la profondeur est de l’ordre du micromètre (voir figure 2.37-C).
L’usure des composants mécaniques présents dans les réacteurs nucléaires est étudiée
par un nombre important d’équipes industrielles et universitaires [131][101]. Les moyens
mis en oeuvre pour analyser ces systèmes tribologiques se placent sur une échelle allant du
tribomètre sphère-plan à des maquettes (échelle 1) d’une grappe de commande (Hermès
développée par le CEA) destinées à étudier l’usure des composants ou bien à déterminer les
paramètres d’excitation et de contact (Magaly développé par Framatome). A mi-chemin se
situent les tribomètres Aurore (voir figure 2.38) développés par Framatome. Ils permettent
[71] de reproduire à la fois le contact entre deux cylindres coaxiaux (basse pression) et
l’environnement d’une eau à haute température et sous pression (300◦ C et 150 bars).
Les travaux de Kaczorowski [71] sur Aurore montrent que le type de sollicitation
mécanique joue un rôle clé : les impacts avec glissement conduisent aux taux d’usure les
plus importants et à la formation des cupules. Le tube s’use alors plus que la bague et
présente une croissance linéaire du taux d’usure au cours du temps. Le roulement avec
glissement seul induit des phénomènes de type nivellement de surface alors que l’impact
seul conduit à une usure quasiment nulle. Kaczorowski met aussi en avant le rôle impor-
tant des rugosités et des films interfaciaux (oxyde et films de frottement) dont les duretés
confèrent un effet abrasif. Finalement, cet auteur propose un modèle s’appuyant sur la
répartition des points de contact. Il explique que l’impact avec glissement conduit à la
4. Des expertises datant de 1986 avaient déjà révélé le risque d’apparition de ce type d’usure.
122 Modélisation de l’essai de rayure
Fig. 2.37 – A : Vue d’ensemble d’une grappe de commande et de ses guidages, B : Repérages
des crayons par rapport à leurs positions sur la grappe de commande, C : Faciès d’usure
observés sur des crayons issus du réacteur de Golfech constitués de ”cupules” oblongues
[71][29]
formation de cupules résultant d’indentations par des grumeaux issus des films de frotte-
ment, qui peuvent localement adhérer au tube ou à la bague (voir figure 2.39). Le caractère
abrasif des grumeaux s’explique par la compaction du film formé sur le tube, ce film étant
composé d’éléments deux fois plus durs que le métal. Par un modèle rhéologique simple,
il montre que l’adhérence du film se fait préférentiellement sur la bague, ce qui pourrait
expliquer son taux d’usure généralement plus faible que celui du tube. Le film agit sur la
bague comme un élément protecteur et non comme un abrasif. Il suggère alors d’utiliser
une approche statistique, en admettant qu’une cupule est formée en un seul impact, pour
comprendre la nature, la forme et le développement de celle-ci.
Selon ce modèle, le phénomène de déformation est dominant. Or, les expertises montrent
un très faible niveau d’écrouissage sous la trace de la cupule, ce qui semble contradictoire.
De plus, ce modèle repose sur des longueurs de cupule de l’ordre de grandeur des longueurs
glissées lors de l’impact-glissement. Or, les travaux d’expertises de Kaiser [72] montrent que
les longueurs des cupules sont parfois bien inférieures à celles-ci. Les largeurs et longueurs
des cupules observées après essais Aurore sont décrites sur la figure 2.40. La profondeur
des cupules varie approximativement entre 2 µm et 5 µm.
Fig. 2.40 – A : cupule observée après un essai Aurore, B : histogramme des longueurs de
cupules, C : histogramme des largeurs de cupules, résultats extraits de [72]
124 Modélisation de l’essai de rayure
Dans ce chapitre, nous examinons les points de la thèse de Damien Kaczorowski sur
lesquels un approfondissement par une étude numérique mérite d’être conduit. Il s’agit soit
de résultats expérimentaux inexpliqués, soit d’hypothèses à valider. Encore faut-il pouvoir
conduire une étude numérique, dans un domaine où la validité d’une approche fondée sur
la MMC (Mécanique des Milieux Continus) est contestable. Plus particulièrement :
1. Pourquoi les impacts avec glissement sont plus sévères que les impacts purs?
2. Comment expliquer les faibles niveaux de déformations plastique sous les cupules?
3. Si l’hypothèse du grumeau dur est validée, comment peut-il se créer?
4. Quelle est l’influence du film de frottement?
5. Quelle est l’influence de l’environnement (eau pressurisée à 300◦ C)?
6. Quelle est l’influence de la rugosité?
Toutes ces questions sont étroitement liées et ne peuvent être traitées que partiellement
à l’aide de l’outil numérique que nous avons développé (voir chapitre 2.2). Un certain
nombre de résultats présentés dans la suite est illustré à partir des travaux expérimentaux
d’Anne-Laure Kaiser 5 . En particulier, certains travaux d’expertise de tubes usés ont permis
d’estimer les données d’entrée des différentes simulations numériques réalisées.
Nous proposons, dans cette partie, de simuler l’impact-glissement par un essai de rayure.
En effet, les paramètres dynamiques de l’impact jouent très peu sur la loi de comportement
mécanique du matériau étant donné les conditions environnementales (température de
300◦ C) et la nature des matériaux en présence (acier austénitique inoxydable). L’impact-
glissement peut donc être analysé à partir d’une simulation quasi-statique du phénomène.
Dans le même esprit, l’impact normal est simulé par un essai d’indentation normal. Une des
principales difficultés de cette étude est l’obtention des données d’entrée de la simulation
numérique (géométrie, comportement des matériaux, conditions de chargement).
Le matériau est un acier inoxydable austénitique de type AISI304L recouvert d’un film
de frottement. Ce film de frottement plus ou moins compact peut être observé notamment
sur les échantillons testés en impact avec glissement et dont les faciès d’endommagement
5. Etudiante en thèse Cifre avec Framatome travaillant sur le simulateur Aurore
2.4 Application à l’usure des crayons de grappes 125
sont de type cupule (voir figure 2.41). L’épaisseur de ce film est de l’ordre de 1 µm. Pour
simplifier l’étude, nous considérons que la surface de contact est plane.
Fig. 2.41 – Coupe métallographique d’une couche d’oxyde réalisée sur l’acier austénitique
inoxydable 304 en milieu REP [72]
Fig. 2.42 – A : zone dure sous la surface de contact [72], B : zone de déformation plastique
intense obtenue par simulation numérique sur AISI304L avec Ra = 0.15, C : idem avec
a
R
= 0.6
renseignent donc directement sur la largeur de contact. Elle est estimée ici à environ a =
15µm. La pénétration de l’aspérité dans le massif est calculée par la relation géométrique
√
h = R − R2 − a2 avec R le rayon de la sphère et a la largeur de contact 7 . La dernière
inconnue à déterminer est donc le rayon de courbure de l’aspérité. Pour cela, des essais
de rayure ont été simulés numériquement pour différentes valeurs de R, la rhéologie du
matériau ayant été obtenue par nanoindentation instrumentée (voir ci-après). Dans un
premier temps, nous considérons que la zone dure se crée aux endroits où la déformation
plastique cumulée est supérieure à 20 % 8 . La comparaison entre les résultats de simulations
numériques et la forme de la zone dure (voir figure 2.42) nous permet de conclure que le
rapport Ra est petit. Le contact est donc relativement plat. L’épaisseur de la zone dure nous
renseigne alors sur le rayon équivalent de l’aspérité en contact. Les différents paramètres
géométriques retenus pour la simulation de l’impact sont résumés ci dessous :
Dans cette étude, le frottement interfacial n’est pas pris en compte en raison de problèmes
numériques (cf chapitre 2.2) et de l’impossibilité d’évaluer sa valeur au cours de l’impact.
Les dernières données à déterminer sont les propriétés mécaniques des deux matériaux
(film de frottement et acier inoxydable austénitique AISI304L). Pour cela, des essais de
nanoindentation instrumentée ont été réalisés dans le cadre de la thèse de Kaiser [72] sur
des tubes frottés (après essais dans le simulateur Aurore). Les essais ont été effectués au
Laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes à l’Ecole Centrale de Lyon à l’aide
d’un nano-indenter XP de la société MTS.
Pour le substrat AISI304L, les conditions expérimentales sont les suivantes :
Les mesures de nano-dureté des films de frottement sont très complexes étant donnée
la difficulté à dissocier les réponses du substrat et du film. Kaiser montre par des essais
d’indentation normale (film + substrat) que le film a une dureté plus élevée que le subtrat
mais que cette dureté n’est pas aisément quantifiable. En revanche, des essais ont été
réalisés sur les zones dures sous la surface de contact (figure 2.42-A et 2.44-A). Nous
suggérons d’utiliser ces mesures pour déterminer la rhéologie du film de frottement. Cette
approximation, bien que très imprécise, permet de modéliser le comportement d’une couche
mince très dure. Les conditions expérimentales sont les suivantes :
Les valeurs moyennes des résultats de nano-indentation sont résumées dans le tableau
2.1. Les valeurs de dureté et de module réduit ont été obtenues en utilisant la méthode de
dépouillement de Loubet [89] (voir section 1.3.7). Les différentes valeurs des contraintes
et déformations représentatives ont été calculées à l’aide de la méthode de Dao [38] (voir
section 1.2.3) et de la méthode LTDS (voir section 1.3.4).
Pour le substrat, la dispersion sur les résultats de nano-indentation est satisfaisante.
En revanche, ce n’est pas le cas pour les zones dures pour lesquelles la dispersion est plus
importante. Typiquement la dureté mesurée varie entre 7 GPa et 9 GPa. Les propriétés
128 Modélisation de l’essai de rayure
Tab. 2.1 – Résultats de nano-indentation instrumentée sur l’acier AISI304L et sur la zone
dure sous la surface de contact
Fig. 2.43 – A : Indents réalisés sur l’acier AISI304L sur des tubes frottés, B : Courbe charge-
décharge, C : Courbes contrainte-déformation extraites par nanoindentation instrumentée
Fig. 2.44 – A : Indents réalisés sur une zone dure sous la surface de contact B : Courbe
charge-décharge, C : Courbe contrainte-déformation extraite par nanoindentation instru-
mentée
2.4 Application à l’usure des crayons de grappes 129
mécaniques extraites sont donc moins fiables que dans le cas du substrat. Ces propriétés
sont résumées dans le tableau 2.2. Les courbes contrainte-déformation correspondantes sont
tracées sur les graphiques 2.43-C et 2.44-C. Les propriétés de l’acier AISI304L sont bien
supérieures aux propriétés classiquement obtenues par essais de traction [8]. Ces différences
peuvent s’expliquer par un écrouissage de la surface lors du procédé de fabrication des tubes,
par le polissage mécanique avant les essais de nanoindentation, mais aussi par le durcisse-
ment du matériau lors des essais Aurore. Le comportement en rayure des matériaux étant
très dépendant des propriétés élastoplastiques (voir section 2.3.1), les résultats d’impact
seraient différents en considérant la loi classique de l’acier AISI304L. Cela montre l’intérêt
de l’essai de nanoindentation instrumentée pour extraire les propriétés mécaniques locales
des matériaux. Comme son nom l’indique, la zone dure a une limite d’écoulement plastique
bien supérieure à celle du substrat mais elle semble admettre très peu d’écrouissage. En
première approximation, on peut considérer que cette zone a un comportement mécanique
fragile.
Les isovaleurs de déformations plastiques cumulées pour ces trois cas sont tracées sur le
graphique 2.45. Dans le cas de l’impact normal, les déformations plastiques dans le substrat
sont peu importantes, autour de 3%. Dans le cas de l’impact glissement, les déformations
plastiques sont accentuées. Elles sont maximales en sous couche et atteignent une valeur
de 15% environ à cet endroit. Dans ces deux simulations, le film de frottement ne plastifie
pas. Dans le cas de l’impact-glissement sans film, les déformations plastiques sont bien
supérieures. La déformation plastique cumulée est maximale sous la surface et atteint une
130 Modélisation de l’essai de rayure
valeur de 30% environ à cet endroit. Le film de frottement agit donc comme une couche
protectrice lors de l’impact. En effet, il limite l’écoulement plastique du substrat et ainsi,
il limite les problèmes d’usure abrasive.
Les isovaleurs de contrainte moyenne 9 sont tracées sur le graphique 2.46. Dans le cas de
l’impact, l’ensemble film et substrat est en compression pure. La pression hydrostatique est
supérieure à 2000 MPa à certains endroits. Dans le cas de l’impact glissement, le film est
en tension pure. Le gradient de pression hydrostatique est très important dans le substrat.
Ce dernier est en tension en dessous de son interface avec le film de frottement et est
soumis à une forte pression hydrostatique en sous-couche. Cette pression hydrostatique est
du même ordre de grandeur qu’en impact normal. Dans le cas de l’impact-glissement sans
film, la distribution de contrainte moyenne en sous couche est similaire. En revanche, la
distribution en surface est différente. Dans ce cas, le matériau n’est soumis qu’à une faible
tension.
Kaczorowski [71] a montré que ce film de frottement n’est pas dense et qu’il se compacte
sous l’effet d’un nano-usinage [126]. La pression hydrostatique peut donc jouer un rôle
important sur sa résistance mécanique. D’un point de vue phénoménologique, la tension
importante dans le film peut se traduire par une désagrégation de celui-ci et, ainsi, une
diminution de son épaisseur. Le film ne remplissant alors plus son rôle de protection lors de
l’impact-glissement, les déformations plastiques seraient plus conséquentes dans le substrat.
– un angle de frottement interne qui définit le seuil d’écoulement des grains composant
le matériau granulaire,
– un angle de dilatance qui précise les directions d’écoulement,
– une cohésion caractérisant l’adhérence des particules entres elles.
Fig. 2.47 – A : critère de Drucker-Prager dans l’espace des contraintes principales, B : Com-
paraison entre la courbe d’indentation simulée avec les propriétés mécaniques du tableau
2.3 et la courbe expérimentale
Il n’existe, à notre connaissance, que très peu d’études sur l’indentation des solides
élastoplastiques suivant une loi de comportement de type Drucker-Prager. La plupart sont
principalement qualitatives [30][97] et ne permettent pas d’identifier de façon précise les
différents paramètres à partir d’un essai d’indentation. Dans cette étude, le couple de
paramètres (ψ1 , Y ) de l’équation 2.11 a été déterminé à partir de simulations numériques en
minimisant l’écart entre la courbe d’indentation simulée et la courbe réelle (voir graphique
2.47-B). Pour assurer l’unicité de solutions, ces paramètres ont été choisis de telle sorte
que la limite d’élasticité du matériau soit de 3.6 GPa pour une pression hydrostatique de
8 GPa. Les valeurs numériques sont données dans le tableau 2.3.
E (GPa) Y (MPa) ψ1
140 1360.0 0.0305
montrent les zones où le critère de plasticité est satisfait. Durant l’impact normal, le film
reste élastique, en raison de la forte pression hydrostatique. Durant l’impact-glissement, le
critère de plasticité est atteint dans le film au niveau de la périphérie de la zone de contact
et à l’arrière de l’indenteur. Il s’écoule donc plastiquement durant un impact-glissement.
Ce phénomène s’explique par les isovaleurs de contrainte moyenne (voir graphique 2.49).
En effet, la couche mince est soumise à une forte pression hydrostatique lors du passage
de l’indenteur. La valeur du taux de cisaillement à cet endroit n’est alors pas assez grande
pour créer un écoulement plastique du matériau. En revanche, cette couche est en tension
après passage de l’indenteur ce qui induit un écoulement plastique. La tension de la couche
s’explique qualitativement par l’écoulement plastique du substrat lors de la rayure. C’est
donc ce système ’couche mince sur substrat’ qui permet la dédensification du film pendant
la rayure.
Fig. 2.48 – zones où le critère de plasticité est atteint (zones claires), A : impact normal en
considérant un film de type Drucker-Prager, B : impact-glissement en considérant un film
élastoplastique classique, C : impact-glissement en considérant un film de type Drucker-
Prager
ces propriétés correspondent à la réalité. Une modélisation plus fine (modèle de comporte-
ment amélioré [24], utilisation de la méthode des éléments discrets pour modéliser le film
[62]) pourrait apporter de plus amples informations. Toutefois, cette étude montre que le
caractère granulaire du film de frottement joue un rôle lors de l’impact-glissement. En effet,
le simple fait de prendre en compte l’influence de la pression hydrostatique sur le critère de
plasticité permet d’expliquer qualitativement la possibilté d’écoulement plastique du film
lors d’un impact-glissement (figures 2.48-B et 2.48-C).
Discussion
Pour les différentes simulations d’impact-glissement (sans film, avec film élastoplastique
classique, avec film granulaire), l’effort normal de contact entre l’aspérité rigide et le
matériau étudié ont la même valeur : environ 1.5 Newton. Cette valeur est en bon accord
avec l’ordre de grandeur des efforts macroscopiques de contact lors des essais Aurore (du
Newton à la dizaine de Newton) étant donné le petit nombre d’aspérités en contact. Le
film de frottement influe donc peu sur les efforts normaux de contact.
Le film de frottement agissant comme une couche mince protectrice lors de l’impact,
les déformations plastiques sont bien plus faibles que dans le cas où le substrat est directe-
ment en contact. Ce phénomène permet d’expliquer le faible niveau d’écrouissage mesuré
expérimentalement sous la surface de contact. Il n’y a donc pas, a priori, de déformations
plastiques suffisamment importantes pour évacuer la matière par rayure abrasive lors de
2.4 Application à l’usure des crayons de grappes 135
l’impact-glissement.
Par rapport à l’impact normal, l’impact glissement provoque des niveaux de déforma-
tions plastiques plus élevés dans le substrat. De plus, le caractère granulaire du film de frot-
tement peut induire une éventuelle dédensification de celui-ci durant l’impact-glissement. Il
existe une zone où le film est en tension ce qui provoque un écoulement plastique de celui-
ci. Le film ne remplissant alors plus son rôle de protection lors de l’impact-glissement,
les déformations plastiques dans le substrat seraient plus élevées. Ceci permet d’expliquer
qualitativement pourquoi les impacts avec glissement sont plus dégradants que les impacts
normaux. Toutefois, les résultats de simulations numériques ne permettent pas d’affirmer
que la couche se dégrade totalement lors de l’impact-glissement. Il semblerait même qu’elle
garde son caractère de protection durant toute la rayure. En conclusion, le film de frotte-
ment ne joue peut-être pas le rôle d’abrasif proposé par Kaczorowski [71].
Ces résultats ne permettent pas, à eux-seuls, d’expliquer le phénomène d’usure en cu-
pule. Lors d’expertises de tubes frottés, Kaiser [72] a remarqué la présence de zones dures
sous la surface de contact (2.42-A) dont les dimensions sont voisines de celles des cu-
pules, à l’exception de leurs longueurs qui sont relativement inférieures. Ces zones sont
typiques de transformations tribologiques superficielles (TTS) provenant des déformations
plastiques lors des impacts. Sauger [115] explique ce type de transformation par une ap-
proche énergétique et une recristallisation du matériau [108]. De plus, il montre que ce
phénomène se produit en fretting [48] à partir d’une valeur critique de déformation plas-
tique cumulée. Dans son cas, un certain nombre de cycles est nécessaire avant production
de TTS. Dans le cas présent, Kaiser observe la présence de martensite en surface. La TTS
observée semble donc être une transformation martensitique. Comme la recristallisation,
ce type de transformation est piloté par les déformations plastiques et par la température.
Mumtaz [96] montre qu’à une température de 300◦ C, un niveau de déformation plastique
de 40 % permet la création de phase martensitique dans l’acier austénitique AISI304L.
En rayure, il est difficile d’obtenir, en une seule passe sur un acier inoxydable, de tels
niveaux de déformations plastiques sans arrachement de particules abrasives et la création
de sillons de labourage. Or, les expertises réalisées par Kaczorowski [71] ne montrent pas
la présence de sillons de type rayure abrasive. La création de ce type de zone dure en un
seul impact-glissement semble donc difficilement concevable. Les simulations numériques
présentées dans ce chapitre montrent que l’acier inoxydable est protégé par le film de frot-
tement et que le niveau de déformations plastiques est relativement faible (de l’ordre de 10
à 15 %) après un impact-glissement. Pour de telles valeurs, les déformations élastiques en
rayure sont importantes et la hauteur des bourrelets de labourage est faible. Une succes-
136 Modélisation de l’essai de rayure
Comme expliqué précédemment, les zones dures, appelées grumeaux dans la suite,
se créent par impact-glissement sous forme de TTS. Rappelons que la TTS ne résulte
pas du compactage de débris mais qu’elle se forme directement dans le massif par ef-
fets mécaniques. Ce type de mécanisme se rapproche des phénomènes d’érosion par parti-
cules solides sur des matériaux ductiles [133]. La présence de glissement lors de l’impact
est nécessaire pour atteindre des niveaux de déformations plastiques suffisants. L’angle
d’impact est un paramètre critique puiqu’il pilote l’intensité de cisaillement provenant du
glissement et de pression hydrostatique due à l’impact pur, nécessaire à la formation de
TTS. Kaiser [72] montre qu’il existe une valeur de cet angle où l’usure est maximale ce
qui confirme l’hypothèse de mécanisme de type érosion. Ses travaux montrent aussi l’im-
portance du coefficient de frottement lors de l’impact, l’effet de celui-ci se traduisant par
une augmentation du cisaillement dans le matériau (voir figure 2.50). Le film de frotte-
2.4 Application à l’usure des crayons de grappes 137
ment joue un rôle de protection en diminuant l’intensité des déformations plastiques et,
ainsi, en évitant la création de rayures abrasives lors de l’impact. Cependant, l’accumu-
lation d’impact-glissement au même endroit permet d’atteindre des niveaux suffisants de
déformations et ainsi la production de TTS.
Selon les cas, la TTS peut être bénéfique ou néfaste pour le système tribologique. Elle
peut significativement améliorer le comportement en fatigue des surfaces [99][2] ou, au
contraire, déteriorer les surfaces par la création de débris d’usure très abrasifs [45]. Dans le
cas présent, la formation des cupules semble se produire par décohésion de la particule dure.
Cette décohésion s’explique par la structure même de la zone transformée superficiellement.
Elle est composée de zones nanocristallisées, de différentes particules d’oxydes et, a priori,
de martensites. Les analyses EDX réalisées par Kaiser montrent la présence importante
d’oxygène à l’intérieur de cette zone, et surtout, à l’interface entre le grumeau et le métal
(figure 2.51). Cette présence d’oxygène explique une fragilité importante de l’interface. La
décohésion du grumeau en un seul impact semble donc être une hypothèse plausible.
Formation de la cupule
Il existe plusieurs explications pour les formes des cupules. La première concerne la
décohésion du grumeau qui laisse une empreinte dans le tube. Le grumeau est alors direc-
tement réduit en débris d’usure qui viennent alimenter le film de frottement ou qui sont
évacués hors du contact. Dans ce cas, la forme de la TTS détermine directement celle de
138 Modélisation de l’essai de rayure
Fig. 2.51 – Décohésion du grumeau lors d’un impact, A : image MEB du grumeau, B :
cartographie de l’oxygène dans la zone du grumeau, C : présence d’une interface fragile
entre le grumeau et le métal
la cupule. Les différences observées, cupules circulaires ou oblongues (voir figure 2.52-A),
s’expliquent par la dynamique et la cinématique des impacts. La seconde est l’adhérence
de ce grumeau sur la bague conformément au modèle proposé par Kaczorowski [71]. Le
grumeau est alors piégé dans le contact. Ce modèle repose sur une rayure ductile du tube
par le grumeau, après décohésion de celui-ci lors de l’impact. Il permet d’expliquer les
formes très allongées de cupules (voir figure 2.52-B).
représentative des observations MEB de Kaiser [72] (voir figure 2.53-A). Trois conditions
de chargement différentes ont été utilisées : très faible pénétration de l’aspérité impactante :
200 nm, faible pénétration : 500 nm, pénétration utilisée dans l’étude précédente : 1050 nm.
Les résultats sont représentés sur la figure 2.53.
Lors de la phase d’impact (phase d’indentation), la contrainte principale maximale
est très élevée dans le grumeau (près de 2000 MPa, figure 2.53-B). Ceci s’explique par
l’écoulement plastique du substrat lors de l’impact qui induit alors une tension dans le
grumeau. Suivant la valeur de sa tenacité, il peut alors directement se fissurer sous l’impact
et former des débris d’usure. Pour cette phase, les déformations plastiques dans le substrat
sont assez faibles (inférieures à 5 %, figure 2.53-C ). Elles ne sont pas suffisantes pour être
détectées par des images extraites de Microscopie Electronique à Balayage. Cela permet
ainsi d’expliquer les faibles niveaux d’écrouissage observés expérimentalement. Lors de la
phase de glissement, le grumeau se colle à l’aspérité impactante. Si celui-ci a été réduit en
débris d’usure lors de l’impact, il joue alors le rôle de film de frottement et la forme de la
cupule n’évolue plus. Si ce n’est pas le cas, il est piégé entre l’aspérité et le métal et ainsi
la cupule s’allonge par rayure abrasive. Quelle que soit la pénétration de l’aspérité lors
du glissement (ou la force normale d’impact), le grumeau se confine entre l’aspérité et le
métal. Les principales différences se situent au niveau de la distribution des déformations
plastiques. Pour une très faible pénétration (voir figure 2.53-D ), un bourrelet peut se créer
à l’avant de l’indenteur et la déformation plastique peut s’étendre. Pour une pénétration
plus importante (voir figure 2.53-F ), l’aspérité empêche la création d’un bourrelet avant.
La zone de déformations plastiques est moins étendue et beaucoup plus intense. Ceci peut
se traduire physiquement par la présence de bandes de cisaillement 10 et ainsi l’arrachement
de particules d’usure dans le métal. Lorsque le grumeau est très confiné, la force tangentielle
induite par la déformation du métal augmente avec la longueur de rayure. Le paramètre
physique pilotant la longueur de cupule dans ce cas est donc l’adhérence entre le grumeau
et l’aspérité impactante. Ce phénomène peut donc expliquer pourquoi les longueurs glissées
sont parfois plus grandes que les longueurs de cupule observées.
Oxydation de la cupule
par celui-ci), ce film passif est enlevé. La surface métallique exposée à la solution agressive
après passage du grumeau subit alors une corrosion importante tant que le film passif n’est
pas rétabli. Ce phénomène (voir figure 2.54) permet de lisser la forme de la cupule et de
transformer une partie du métal écroui en surface en un film de frottement (composé aussi
des différents débris d’usure présents dans le système tribologique).
Conclusions
Cette application nous montre l’intérêt d’utiliser la simulation numérique par éléments-
finis comme outil de modélisation locale des phénomènes physiques pour analyser certains
problèmes d’usure. Les algorithmes développés au chapitre 2.2 ont été utilisés pour expli-
quer les effets du film de frottement en impact pur et en impact-glissement. Les données
d’entrée des différentes simulations numériques réalisées ont été estimées à partir des exper-
tises de tubes usés [72]. Ces modélisations locales montrent que le film de frottement joue,
en effet, le rôle de couche protectrice en limitant les déformations plastiques du substrat lors
de l’impact. Ces déformations sont bien supérieures en impact-glissement mais ne sont pas
suffisantes pour expliquer une usure abrasive du tube. La prise en compte d’un modèle de
comportement de type matériau granulaire pour le film de frottement montre qu’il peut se
dédensifier au cours de l’impact. Toutefois, les niveaux de déformations calculés ne sont pas
suffisants pour expliquer une complète dédensification. Il n’a donc pas le rôle dégradant pro-
posé par Kaczorowski [71]. En revanche, une accumulation d’impact-glissement au même
endroit peut induire une transformation tribologique superficielle du métal étant donnée la
forte pression hydrostatique lors de l’impact et le niveau de déformation plastique atteint.
Ces zones dures, observées expérimentalement, sont formées par effets mécaniques, et ont
une forme voisine de celle des cupules. L’interface entre une zone dure, appelée grumeau,
et le métal est composée d’oxygène, ce qui la rend fragile. Ce phénomène s’explique par
l’environnement (eau pressurisée à 300◦ C). Lors des impacts-glissements, cette interface
142 Modélisation de l’essai de rayure
Bien que très répandus et très utilisés, que ce soit au niveau universitaire ou industriel,
les essais d’indentation et de rayure sont des essais dont l’interprétation mécanique est
très complexe. L’utilisation accrue ces dernières années, de la modélisation numérique par
éléments-finis a permis un essor considérable quant à la compréhension de ces essais.
La modélisation par éléments-finis de l’essai d’indentation est très classique aujour-
d’hui. C’est pourquoi, de nombreuses solutions approchées de cet essai ont été développées
en s’appuyant sur des résultats numériques. La plupart de ces solutions concernent les
matériaux élastoplastiques dont la loi d’écrouissage s’écrit sous la forme d’une loi de type
puissance et ne peuvent donc s’appliquer que sous certaines conditions. La première partie
de ce mémoire a été consacrée à la modélisation de cet essai. Elle a abouti au développement
de solutions approchées pour les différentes lois de comportement étudiées.
Dans le chapitre 1.3, nous avons proposé une solution approchée de l’indentation cônique
et diédrique des solides élastoplastiques. Elle permet de relier la pression moyenne d’in-
dentation aux propriétés mécaniques des matériaux. Cette solution est en bon accord avec
les résultats empiriques de Tabor dans le cas des matériaux rigides plastiques et permet
de bien prendre en compte les effets de l’élasticité sur la pression moyenne d’indenta-
tion (dureté). La méthode d’identification dérivée de cette solution a été comparée avec
succès à la méthode de Dao. Ces deux méthodes se révèlent très complémentaires, car
elles permettent d’avoir accès à des informations concernant des niveaux de déformations
très différents. Ainsi, il semble possible de déterminer deux points de la courbe contrainte-
déformation avec un seul indenteur. Leurs applications sur des résultats d’essais de nano-
indentation montrent la difficulté de vérifier expérimentalement ce type de méthodes étant
donné l’incertitude sur les propriétés mécaniques locales des matériaux. Cependant, ce
résultat démontre l’intérêt des essais de nano-indentation instrumentée pour obtenir la
rhéologie locale des matériaux qui est souvent bien différente de la rhéologie macrosco-
pique.
Avec l’utilisation de plus en plus fréquente des matériaux polymères dans l’indus-
trie, il existe une demande importante concernant l’interprétation des essais d’indentation
des matériaux exhibant un comportement dépendant du temps. A partir, d’une analyse
143
144 Conclusion générale
théorique, nous avons montré que la notion de dureté a un sens pour ces matériaux pour
certaines classes de cinématiques de chargement. On introduit alors la notion de vitesse
de déformation en indentation α = hḣ . L’effet de ce paramètre sur la valeur de la pres-
sion moyenne, communément appelée dureté, a été étudié dans le chapitre 1.4. Les solides
considérés sont des fluides non newtoniens, des solides viscoélastiques linéaires et des so-
lides élastiques-viscoplastiques. D’un point de vue général, la dureté augmente avec ḣh . Pour
les solides viscoélastiques et élastiques-viscoplastiques, la dureté appartient aux deux cas
limites correspondant respectivement à une vitesse de déformation infinie et une vitesse de
déformation quasi-nulle. Dans le cas du solide élastique-viscoplastique, les deux cas limites
sont respectivement le cas élastique et le cas élastoplastique. Une expression analytique est
proposée dans le cas viscoélastique et une approximation de cette fonction est donnée dans
le cas élastique-viscoplastique à partir de résultats numériques. La signification de l’index
de viscoplasticité a également été étudiée. Pour ces trois types de comportement, il existe
des domaines de variation de hḣ où la valeur de l’index de viscoplasticité est très proche
de la sensibilité à la vitesse de déformation m. Nous avons alors développé une procédure
permettant de vérifier à postériori si la valeur de m obtenue à partir de la valeur de l’index
de viscoplasticité est cohérente ou non.
Dans le chapitre 1.5, nous avons proposé une méthode pour extraire des courbes
contrainte-déformation à vitesse de déformation constante à partir d’essais d’indenta-
tion instrumentée. Celle-ci est une généralisation des résultats obtenus sur l’indentation
cônique de solides élastoplastiques (voir chapitre 1.3). Nous supposons pour cela que le
principe de similarité géométrique permet de considérer le solide indenté comme un solide
élastoplastique. Nous avons alors proposé une expression pour la vitesse de déformation
représentative. Cette dernière est fonction du paramètre ḣh , de l’angle de cône mais aussi
de la sensibilité à la vitesse de déformation. Pour illustrer ces résultats, cette procédure
a été appliquée sur des essais de nano-indentation pratiqués sur des échantillons de po-
lyméthacrylates de méthyle (PMMA), idéalisés comme élastiques-viscoplastiques avec une
limite d’écoulement de type G’sell-Jonas. Malgré toutes ces hypothèses simplificatrices, les
résultats obtenus sont cohérents avec la rhéologie des polymères vitreux.
Contrairement à l’essai d’indentation, il n’existe que peu d’études sur la modélisation
numérique par éléments-finis de l’essai de rayure. Ceci s’explique principalement par la
grande complexité des phénomènes mis en jeu. Un des obstacles majeurs à l’utilisation de
l’outil numérique vient des problèmes liés aux distorsions importantes des éléments sous le
contact qui conduisent à la non convergence des calculs. La seconde partie de ce document a
été consacrée à la modélisation de cet essai. Elle a abouti au développement d’une méthode
145
de remaillage robuste (chapitre 2.2) permettant de simuler la rayure des matériaux revêtus
dans des conditions de rayure sévère.
Le chapitre 2.3 présente des études qualitatives de l’influence des paramètres mécaniques
sur la rayure des matériaux. Ces études expliquent que l’analyse phénoménologique de l’es-
sai de rayure peut être grandement simplifiée grâce aux notions de contrainte et déformation
représentatives et, ainsi, grâce à l’analogie avec l’essai d’indentation. Concernant les maté-
riaux à comportement dépendant du temps, il existe une analogie entre les essais d’inden-
tation lorsque le principe de similarité géométrique est satisfait et les essais de rayure en
phase stationnaire. Plus particulièrement, la transition de la pression moyenne de contact
en fonction de la vitesse de déformation représentative s’écrit de la même façon en indenta-
tion et en rayure. Cette analogie permet donc d’affiner la compréhension phénoménologique
des essais de rayure en considérant les nombreux travaux relatifs à l’essai d’indentation.
Cependant, il est nécessaire de garder à l’esprit que les sollicitations en indentation et en
rayure sont de natures différentes. Contrairement à l’indentation, des effets particuliers
sont obtenus suivant la nature de l’écrouissage (isotrope ou cinématique). La sollicitation
de rayure est donc plus proche d’une sollicitation cyclique que d’une sollicitation monotone.
Finalement, nous avons appliqué la modélisation numérique de l’essai de rayure à l’usure
des crayons de grappes par impact-glissement (chapitre 2.4). Les algorithmes développés au
chapitre 2.2 ont été utilisés pour expliquer les effets du film de frottement en impact pur et
en impact-glissement. Ces modélisations locales montrent que le film de frottement joue, en
effet, le rôle de couche protectrice en limitant les déformations plastiques du substrat lors
de l’impact. Ces déformations sont bien supérieures en impact-glissement mais ne sont pas
suffisantes pour expliquer une usure abrasive du tube. Ainsi, il n’a pas le rôle dégradant
proposé par Kaczorowski. En revanche, une accumulation d’impact-glissement au même
endroit peut induire une transformation tribologique superficielle du métal étant donné la
forte pression hydrostatique lors de l’impact et le niveau de déformation plastique atteint.
Ces zones dures, observées expérimentalement, se détachent sous sollicitations mécaniques
et libèrent des grumeaux durs. Ces derniers peuvent alors, soit se décomposer sous forme
de débris d’usure en fonction de leur ténacité et des caractéristiques de l’impact, soit se
confiner entre les aspérités de la bague et créer une cupule allongée par rayure ductile.
Une poursuite de ce travail serait d’étendre les modéles développés dans ce mémoire à
d’autres types de rhéologie. Par exemple, nous avons vu que dans le cas des polymères vi-
treux, il est nécessaire de prendre en compte des paramètres supplémentaires comme l’effet
de la pression hydrostatique et des propriétés viscoélastiques. Un autre exemple concerne
l’identification des propriétés mécaniques de couches minces (film de frottement, ...) où il est
146 Conclusion générale
Cet algorithme a été utilisé sur des cas d’indentation de solides rigigdes parfaitement
plastiques (figures A.2) et sur des cas d’indentation de solides élastoplastiques revêtus
(figures A.3).
147
148 Un algorithme de remaillage dédié à l’indentation
B.1 Introduction
L’analyse et la compréhension des essais d’indentation est un des sujets les plus traitées
au cours de ces 50 dernières années concernant la caractérisation mécanique des surfaces.
D’un point de vue chronologique, cet essai est fortement lié à l’essai de dureté développé
au début du vingtième siècle. Depuis les travaux de Tabor, la définition de la dureté a
changé et est devenue la pression moyenne sous charge. Par opposition à l’indentation
cônique, lors d’une indentation sphérique, la pression moyenne pm évolue avec la charge
appliquée. Dans le cas des matériaux rigides plastiques, les études expérimentales de Meyer
[123] ainsi que l’analyse théorique de Hill [58] montrent que, lorsque la loi d’écrouissage
est une loi de puissance, alors l’évolution de la pression moyenne est une loi de puissance
de même exposant. La principale difficultée de l’analyse des essais d’indentation sphérique
est que le principe de similarité géométrique n’est pas respecté. En revanche, lorsque le
matériau est purement élastique ou rigide plastique et que le rayon de contact a est petit
devant le rayon de la bille R, Hill [58] introduit le principe de similarité suivant : L’intensité
du champ de déformation est proportionnelle au rapport Ra . Dans ce cas particulier, il est
possible de définir une contrainte représentative σr et une déformation représentative εr qui
se correspondent sur une courbe de traction. Les travaux de Hill valident aussi les résultats
empiriques de Tabor [123]:
pm a
σr = et εr = 0,2 (B.1)
2,8 R
Ce principe n’est malheureusement plus applicable dans le cas général des solides élastoplas-
tiques. Pour simplifier, considérons simplement un solide élastique parfaitement plastique
dont la limite d’élasticité est Y. Au début de l’indentation, c’est le régime élastique. Ce
régime est régi par les équations de Hertz. Celles-ci montrent que le principe précédent peut
s’appliquer. Le matériau réagit de façon élastique jusqu’à ce que le taux de cisaillement
dépasse la limite de cisaillement admissible. C’est le début du régime élastoplastique. Ce
régime commence lorsque la pression moyenne est de l’ordre de 1,1 fois la limite d’élasticité
du materiau. Le matériau plastifie alors localement sous l’indenteur. La plastification du
149
150 Indentation sphérique de solides élastoplastiques
matériau évolue avec la pénétration jusqu’à ce que les déformations élastiques deviennent
négligeables comparées aux déformations plastiques. C’est alors le commencement du
régime plastique. La pression moyenne est constante. Ces trois régimes sont illustrés
sur la figure B.1. Aujourd’hui, il existe des solutions fiables pour les régimes élastiques et
Fig. B.1 – Illustration des différents régimes lors de l’indentation sphérique d’un solide
élastoplastique parfait. A gauche - Plastification sous un indenteur sphérique [37], A droite
- Evolution de la pression moyenne avec Ra
Les résultats de Tabor sont séduisants car, à partir d’une seule indentation, il semble pos-
sible d’obtenir la courbe σ − ε du matériau. Toutefois, ces résultats sont seulement valides
dans le régime plastique. De plus, Herbert et Coll [55] montrent que ceux-ci ne donnent
pas de bons résultats sur l’alliage d’aluminium 6061-T6 en utilisant un nanoindenteur. De
nombreuses méthodes d’identification ont vu le jour depuis les travaux de Tabor. Cao et
Lu [26] ont adapté les approches de Cheng [34], Dao [38] et Bucaille [23] au problème de
l’indentation sphérique. Nous proposons, ci-dessous, une nouvelle méthode d’identification
reposant sur la solution approchée du problème de l’indentation sphérique.
B.2 Une solution approchée du problème de l’indentation sphérique
151
Dans cette partie, l’indentation par une sphère rigide d’un solide élastoplastique est
simulée à l’aide de calculs par éléments finis. Pour simplifier l’étude, une formulation axi-
symétrique du problème est utilisée. Le solide suit une loi de comportement élastoplastique
via un critère de plasticité de von Mises. L’écrouissage est isotrope. Les éléments utilisés
sont des quadrangles du premier ordre à intégration sélective pour prendre en compte
correctement la condition d’incompressibilité plastique. Le contact entre l’indenteur et la
pièce est géré à l’aide d’une méthode de pénalisation. Le frottement interfacial n’est pas
pris en compte. L’indenteur est piloté en déplacement et les dimensions du massif sont
suffisamment importantes pour pouvoir considérer un massif semi-infini. La hauteur (sui-
vant l’axe d’indentation) des éléments est environ cinq fois plus petite que la pénétration
maximum. La gestion du contact nécessite une discrétisation de la surface du massif. Le
calcul de l’aire de contact s’effectue donc de façon discrète, ce qui introduit une erreur
sur le calcul de la pression moyenne d’indentation. Pour cela, la largeur des éléments est
calculée de manière à avoir approximativement 40 noeuds en contact pour la pénétration
maximale. Les valeurs de pm au début de l’essai d’indentation peuvent donc être entachées
d’une erreur significative.
Considérons un matériau modèle élastique parfaitement plastique. La limite d’élasticité
est Y=100 MPa et les propriétés élastiques sont E=5000 MPa et ν = 0,3. L’évolution
de pm calculée par éléments finis est tracée en fonction du rapport Ra sur la figure B.2-
gauche. La pression moyenne calculée avec le modèle proposé en B.2.1 avec γp = 2,8
et νr = 0,3 est également tracée. Les résultats obtenus sont en excellent accord avec la
simulation par éléments finis. Le modèle de Johnson (équation B.2) fournit des résultats
B.3 Identfication de la courbe contrainte-déformation uniaxiale 153
moins précis. Les équations développées précédemment permettent donc de bien modéliser
l’indentation des matériaux élastiques parfaitement plastiques, et plus particulièrement, le
régime élastoplastique. Considérons à présent un solide élastoplastique écrouissable dont
la loi est de type Ramberg-Osgood : σ = Y + K(εp )n . Les propriétés élastoplastiques sont
E=196000 MPa, Y=300 MPa, K=400 MPa et n=0,5. Les courbes pm en fonction de Ra
obtenues par éléments finis et par le modèle proposé sont tracées sur la figure B.2-droite.
Les résultats du modèle proposé sont là encore en très bon accord avec la simulation par
éléments finis.
ζ Ra pm
σr = (B.6)
γp ζ Ra − (1 − ζB) pEm
σr a
εr = εer + εpr = (1 − ζB) +ζ (B.7)
E R
Expérimentalement, les valeurs de γp et R sont directement liées à la forme de l’indenteur
et sont donc connues a priori. En supposant les propriétés élastiques connues, les valeurs
154 Indentation sphérique de solides élastoplastiques
Fig. B.3 – Comparaison des courbes σ−ε. A gauche- Solide élastique parfaitement plastique,
A droite- solide élastoplastique écrouissable
B.4 Conclusion
Ce type d’écrouissage est le plus simple et autorise une bonne représentativité des
phénomènes lors de chargements monotones proportionnels. L’écrouissage se traduit, dans
l’espace des contraintes, par un ” grossissement ” du domaine d’élasticité (figure C.1). Le
critère de plasticité dépend alors d’une variable scalaire supplémentaire qui en général est
la déformation plastique équivalente cumulée notée p. Le critère de plasticité de von Mises
s’écrit alors :
f (σ) = J(σ) − Y − R(p) (C.1)
où R(p) est une fonction qui représente la dilatation du domaine d’élasticité et J(σ) est la
contrainte équivalente de von Mises. Ce modèle permet une représentation non linéaire de
l’écrouissage en fonction de la déformation plastique équivalente cumulée. Cette forme
d’écrouissage ne permet pas de reproduire l’anisotropie de comportement en traction-
compression et en particulier l’effet Baushinger. Ce modèle est donc tel quel inutilisable
pour la simulation de sollicitations cycliques.
157
158 Les différents types d’écrouissages
161
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