Rapport Beatt 2019-14-2
Rapport Beatt 2019-14-2
Rapport Beatt 2019-14-2
D’ENQUÊTE TECHNIQUE
sur la collision entre
un train express régional
et un ensemble routier surbaissé
survenue le 16 octobre 2019
sur le passage à niveau n° 70
à Boulzicourt (08)
Décembre 2021
Avertissement
L’enquête technique faisant l’objet du présent rapport est réalisée dans le cadre
des articles L. 1621-1 à 1622-2 et R. 1621-1 à 1621-26 du Code des transports
relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de
transport terrestre.
Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents. Sans préjudice,
le cas échéant, de l’enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à
collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les
causes certaines ou possibles de l’évènement, de l’accident ou de l’incident et,
s’il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité. Elle ne vise pas à
déterminer des responsabilités.
Glossaire
➢ AGC : Autorail à Grande Capacité
➢ ATESS : Acquisition et Traitement des Évènements de Sécurité en Statique ; dispositif enregistreur
équipant les motrices ferroviaires
➢ CD 08 : Conseil Départemental des Ardennes
➢ INPN : Instance Nationale des Passages à Niveau
➢ PK : Point Kilométrique
➢ PL : Poids Lourd
➢ PN : Passage à Niveau
➢ PSN : Programme de Sécurisation National [des PN]
➢ RD : Route Départementale
➢ SAL 2 : Passage à niveau à Signalisation Automatique Lumineuse et sonore complété de deux demi-
barrières automatiques
➢ TE : Transport Exceptionnel
➢ TER : Train Express Régional
➢ TGV : Train à Grande Vitesse
➢ VL : Véhicule Léger
Bordereau documentaire
Organisme auteur : Bureau d’Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT)
Titre du document : Rapport d’enquête technique sur la collision entre un train express régional et un ensemble
routier surbaissé survenue le 16 octobre 2019 sur le passage à niveau n° 70 à Boulzicourt (08)
Affaire n° BEATT-2019-14
N° ISRN : EQ-BEAT--20-11--FR
2 - LE CONTEXTE DE L’ACCIDENT...........................................................................................9
2.1 - Les conditions météorologiques.......................................................................................9
2.2 - Le passage à niveau n° 70...............................................................................................9
2.3 - La réglementation de la circulation des convois exceptionnels.....................................15
2.4 - La ligne ferroviaire entre Charleville-Mézières et Reims................................................16
ANNEXES....................................................................................................................................55
Annexe 1 : Décision d’ouverture d’enquête.............................................................................56
Annexe 2 : Principales références utilisées dans ce rapport...................................................57
Annexe 3 : Réglementation sur la circulation des convois exceptionnels...............................58
Synthèse
Le mercredi 16 octobre 2019, à 16 h 12, le Train Express Régional n° 840 808 en
provenance de Charleville-Mézières et à destination de la gare de Champagne-Ardenne
TGV, a percuté un ensemble routier surbaissé arrêté sur le passage à niveau n° 70 sur la
commune de Boulzicourt. Ce PN est équipé d’une signalisation automatique lumineuse et
sonore avec deux demi-barrières.
Le TER, qui circulait au moment du choc à la vitesse de 120 km/h, a déraillé mais ne s’est
pas renversé. Parmi les 63 occupants du train, 11 ont été blessés légèrement.
Le conducteur du convoi exceptionnel, qui était hors de son véhicule au moment du choc,
a également été légèrement blessé.
La cause directe de l’accident est l’arrêt du convoi exceptionnel surbaissé sur le
passage à niveau par son conducteur afin qu’il descende de sa cabine et
manœuvre les systèmes hydrauliques de la semi-remorque pour augmenter la
garde au sol du convoi.
Dans la suite de la mise en ligne du nouvel outil cartographique présent sur le site
internet Géoportail :
➢ mettre à jour les coordonnées des gestionnaires à prévenir avant le passage du
convoi ;
➢ n’afficher que les prescriptions générales et particulières associées à chaque section
visualisée ;
➢ réaliser un calculateur d’itinéraires adapté aux convois exceptionnels, qui identifierait
les points singuliers à traverser, notamment les passages à niveau.
Le BEA-TT invite les parties prenantes à mettre à jour les coordonnées que les
transporteurs doivent utiliser pour prévenir du passage des convois exceptionnels.
4
Le BEA-TT invite les gestionnaires des infrastructures routières et des ouvrages à
transmettre à la délégation à la sécurité routière les coordonnées de contact à jour
auxquelles les transporteurs de convois exceptionnels doivent se référer pour prévenir
de leur passage, en privilégiant des coordonnées génériques, comme des adresses de
messagerie électronique d’unité, plutôt que des coordonnées individuelles.
De plus, le BEA-TT constate plusieurs similitudes entre les circonstances de cet accident
et ceux du 21 avril 2015 au PN n° 41 à Nangis (77) et du 25 janvier 2011 au PN n° 222 à
Balbigny (42), qui ont chacun d’eux fait l’objet d’une enquête technique du BEA-TT.
Dans d’autres circonstances, les conséquences auraient pu être encore plus graves ;
c’est pourquoi le BEA-TT, dans une approche préventive, formule également une
recommandation adressée à SNCF Voyageurs sur l’étude de l’installation à bord des
trains d’un équipement autonome en énergie et automatique de déclenchement et
d’émission d’une alerte à destination des trains environnants lorsqu’un train subit un choc.
Recommandation R2 adressée à SNCF-Voyageurs (SNCF-V) :
Étudier la faisabilité de l’implantation, à bord des trains AGC, d’un système autonome en
énergie et automatique, qui, à la suite d’un choc, déclenche et émet une alerte à
destination du centre opérationnel de gestion de la circulation (COGC) associé à la ligne
d’exploitation, afin que celui-ci adapte les circulations des trains environnants.
Des modifications dans les gestes métiers des conducteurs ont été réalisées suite à cet
accident, avec notamment l’intégration dans les téléphones mobiles professionnels des
conducteurs d’un numéro prédéfini pour faciliter l’accès au service en charge de la
gestion des circulations, ainsi que l’ajout dans le référentiel des conducteurs d’un
nouveau geste métier de déclenchement de l’alerte radio.
Le BEA-TT invite les autres entreprises ferroviaires et gestionnaires d’infrastructures
ferroviaires à étudier l’opportunité de réaliser des mesures similaires.
5
1 - Les constats immédiats et l’engagement de l’enquête
6
Figure 3 : plan de situation de l’accident, vue aérienne
vue aérienne Géoportail-IGN, légendée BEA-TT
Figure 4 : la cabine du tracteur, la machine agricole transportée et l’avant du train après l’accident
photos SNCF
7
1.2 - Le bilan humain et le bilan matériel
Cette collision a occasionné des blessures légères à 12 personnes : l’agent de conduite
du train, 10 passagers du train et le conducteur de l’ensemble routier.
Le train, fortement endommagé, a déraillé mais est resté à cheval sur sa voie, en
engageant le gabarit de la voie de circulation voisine.
La circulation ferroviaire a été totalement interrompue sur les deux voies. Elle a été
rétablie le vendredi 18 octobre, soit deux jours après la collision, à vitesse réduite, puis, le
lundi 28 octobre à vitesse normale.
Les enquêteurs du BEA-TT ont contacté les autorités judiciaires. Ils se sont rendus sur
place et ont rencontré les enquêteurs de la Gendarmerie nationale et les représentants
de SNCF Réseau, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, et du conseil départemental
des Ardennes, gestionnaire de l’infrastructure routière.
Ils ont examiné le train impliqué ainsi que les épaves du tracteur routier et de la
semi-remorque surbaissée.
Ils ont recueilli le témoignage de l’agent de conduite du train impliqué, de celui du premier
train croiseur, du responsable régional de la sécurité des passages à niveau, mais aussi
d’une passagère du train et des responsables techniques nationaux du matériel
ferroviaire travaillant au technicentre de Nevers de SNCF Voyageurs. Ils ont analysé les
témoignages du conducteur du tracteur routier, du conducteur du véhicule pilote ainsi que
des responsables hiérarchiques de ces deux conducteurs.
Ils ont disposé de l’ensemble des pièces et documents nécessaires à leurs analyses,
notamment le dossier de l’enquête de flagrance diligentée par le procureur de la
République et menée par la brigade de recherches de Sedan de la Gendarmerie
nationale.
8
2 - Le contexte de l’accident
9
proximité d’un panneau d’entrée d’agglomération de Saint-Pierre-sur-Vence à quelques
mètres du PN, entraînent des vitesses effectives de franchissement plus faibles.
Les usagers routiers venant de l’ouest, ce qui est le cas de l’ensemble routier impliqué
dans l’accident, sont prioritaires par rapport aux autres usagers routiers.
Le profil en long de la RD 28A au niveau du passage à niveau est marqué par une
dénivellation significative, consécutive à la présence de voies ferrées en courbe. Ce
passage à niveau est classé comme PN à franchissement difficile.
Nota : Les pointillés jaunes sur la figure suivante ont été ajoutés pour matérialiser le bord
de chaussée et le profil de la route, ils ne sont pas présents sur le terrain.
10
Les véhicules qui empruntent cet axe sont très variés. Des véhicules légers croisent des
poids lourds ou encore des engins agricoles. Les derniers comptages disponibles réalisés
en janvier 2017 indiquent des valeurs de 746 veh/j, dont 4 % de trafic PL, soit une
trentaine de véhicules lourds par jour. La traversée du passage à niveau n’est ni présente
sur un itinéraire de ramassage scolaire, ni, normalement, de convois exceptionnels.
Le PN comporte également un
téléphone d’alerte en cas d’urgence
reliés aux services dédiés de SNCF
Réseau.
Photo BEA-TT
1 Cette étude permet au gestionnaire des infrastructures ferroviaires de tester le caractère franchissable du
passage à niveau par différents types de véhicules routiers, mais sans tester le cas d’un poids lourd
comportant une semi-remorque.
11
Dans le sens de circulation du convoi routier impliqué dans l’accident, les signaux
suivants sont présents :
➢ en amont du PN :
À 150 m À 100 m À 50 m À 25 m
➢ au droit du PN :
À gauche : un panneau
« DÉFENSE ABSOLUE DE
TOUCHER AUX FILS
ÉLECTRIQUES MÊME TOMBÉS
A TERRE – DANGER DE À droite : un signal composé d’un feu clignotant rouge, une sonnerie,
MORT » en raison de l’éventuelle une demi-barrière avec la lisse peinte en blanc et rouge. La ligne
chute des fils de la caténaire. ferroviaire étant à voies multiples, un panonceau « UN TRAIN PEUT EN
CACHER UN AUTRE » complète le dispositif.
12
➢ après les voies ferrées, à gauche dans le sens de circulation du PL :
Au moment de l’accident, ce passage à niveau ne figurait pas sur la liste2 des 153 PN
inscrits au 21 novembre 2019 au programme de sécurisation national (PSN), établie par
l’instance de coordination de la politique nationale d’amélioration de la sécurité des
passages à niveau (INPN).
2 Cette liste peut être téléchargée sur le site internet du ministère des transports.
13
Le moment de circulation du PN3 est de 26 110.
Dans le sens de circulation et sur la voie empruntée par le train impliqué dans l’accident,
le déclenchement de la fermeture du passage à niveau se fait par le franchissement des
détecteurs « pédales d’annonce » situés à environ 1 335 mètres en amont du PN. Le
délai d’annonce5 est de 32 secondes pour un train roulant à la vitesse maximale
autorisée, alors que le délai minimal réglementaire pour un PN à SAL 2 est de
20 secondes6.
3 Le moment de circulation est le produit arithmétique du nombre moyen journalier, calculé sur l’année, des
circulations ferroviaires par le nombre moyen journalier des circulations routières également calculé sur
l’année (cf. article 8 de l’arrêté du 18 mars 1991 relatif au classement, à la règlementation et à
l’équipement des passages à niveau).
4 Nota : la présence d’une dénivellation entre les deux rails résulte de la nécessité, pour faire tourner un
train, de contrer la force centrifuge qui l’entraînerait vers l’extérieur de la courbe. En tenant compte du
confort des voyageurs et de la vitesse de circulation des trains, la solution consiste à relever plus ou
moins le rail extérieur.
5 Le délai d’annonce est le temps entre le début de la séquence de fermeture, comprenant l’allumage des
feux rouges clignotants et l’activation de la sonnerie, et l’arrivée effective de la tête de train sur le PN.
6 Délai fixé réglementairement par l’article 10 de l’arrêté du 18 mars 1991 modifié.
14
2.3 - La réglementation de la circulation des convois exceptionnels
L’ensemble routier immobilisé sur le PN n° 70 est considéré du point de vue du Code de
la route comme un convoi exceptionnel compte tenu de ses caractéristiques
dimensionnelles et pondérales. D’une masse comprise entre 48 et 72 tonnes, d’une
largeur entre 3 et 4 mètres, d’une longueur totale inférieure à 25 mètres, ce convoi était
de deuxième catégorie7.
Les paragraphes suivants exposent l’analyse du BEA-TT sur le convoi accidenté. Les
éléments complémentaires relatifs à la réglementation sont placés en annexe 3.
15
2.4 - La ligne ferroviaire entre Charleville-Mézières et Reims
L’accident s’est produit sur le passage à niveau n° 70 situé au point kilométrique (PK)
132+153 de la ligne ferroviaire n° 205 000 qui relie Soissons (02) à Givet (08) en passant
par Reims (51) et Charleville-Mézières (08).
Chaque jour, 35 trains circulent sur cette ligne dans les deux sens 8 au niveau du
PN n° 70.
Les gares les plus proches du lieu de la collision où travaillent des agents de la circulation
du gestionnaire d’infrastructure ferroviaire SNCF Réseau sont Amagne-Lucquy (08)
située à 10 km au sud et Mohon (08) située à 5 km au nord du PN n° 70.
Les communications entre les trains et les agents de la circulation de SNCF Réseau
utilisent un système de radio sol-train de technologie GSM-R (Global System for Mobil
communication for Railway) indépendant des réseaux publics de téléphonie mobile.
16
3 - Le compte rendu des investigations effectuées
Sous le choc, la cabine et le châssis du poids lourd se sont désolidarisés et ont été
projetés sur la gauche de la voie ferrée dans le sens de circulation du train, le châssis
venant percuter un poteau supportant une caténaire. Le col de cygne, partie avant de la
semi-remorque, s’est détaché de l’arrière de la semi-remorque. Il a été projeté plusieurs
mètres en aval du passage à niveau, en contrebas du talus à droite dans un terrain d’un
riverain. L’arrière de la semi-remorque, resté sur le passage à niveau, a légèrement
pivoté et portait toujours l’engin agricole.
Quant au véhicule pilote du convoi, son conducteur indique l’avoir positionné au niveau
de l’échangeur n° 11 de l’autoroute A34, pour stopper la circulation des véhicules en
direction du passage à niveau.
17
3.2 - Les résumés des témoignages
Les résumés des témoignages sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des
déclarations orales ou écrites dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les
éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l’analyse des
événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre
les différentes déclarations ou entre ces déclarations et des constats ou des analyses
présentés par ailleurs.
Employé de la société de transport allemande depuis cinq mois, il déclare connaître son
matériel et son fonctionnement.
Chargée près de Reims le matin du jour de l’accident, la machine agricole doit être livrée
en Allemagne via la Belgique. Le matin de l’accident, lui et le conducteur du véhicule
pilote ont identifié l’itinéraire à suivre à partir d’une carte au format papier fournie par le
conducteur du véhicule pilote.
Après un arrêt de plusieurs heures du convoi suite à la fermeture de la route en lien avec
à un accident routier pour lequel le convoi routier est totalement étranger, le convoi
repart. Il indique avoir eu au moins une fois des doutes sur l’itinéraire suivi, compte tenu
des difficultés à manœuvrer dans certains virages serrés.
Il précise ne pas avoir été averti au préalable par le conducteur du véhicule pilote de la
difficulté à franchir le passage à niveau n° 70, mais indique que ce dernier lui a fait signe
d’agir sur les suspensions pour rehausser la garde au sol.
18
Le jour de l’accident, après avoir passé la nuit dans son véhicule, il s’était réveillé plus tôt
que prévu afin de terminer une escorte d’un autre convoi dans la région. Cette mission
matinale avait débuté à 5 h.
Une fois cette première mission terminée, il arrive vers 9 h au lieu de rendez-vous avec le
conducteur du convoi impliqué dans l’accident. En une dizaine de minutes, ils définissent
ensemble l’itinéraire qui sera suivi pour assurer le déplacement, en se basant uniquement
sur la carte nationale de 2e catégorie « 2TE48 » qu’il possède dans le véhicule pilote.
Pendant le voyage, il est en liaison constante par radio avec le conducteur du PL. Il
confirme pourtant ne pas parler de langue commune avec le conducteur du poids lourd.
Après un début de trajet sans difficulté, il confirme l’arrêt du convoi suite à un autre
accident. Avant de repartir il a demandé aux gendarmes présents si le convoi pouvait
emprunter la section de l’autoroute A34 parallèle à la route départementale initialement
prévue. Un gendarme a répondu que seuls les véhicules de moins de 4 mètres de haut
pouvaient emprunter cette section d’autoroute. D’après le conducteur du poids lourd qu’il
interroge à ce moment-là, le convoi mesure 4,30 mètres de haut. Le conducteur du
véhicule pilote reconnaît ne pas avoir consulté les services de l’État pour convenir de la
suite du parcours9 après cet arrêt imprévu.
Vers 15 h 20, le convoi est reparti. Il déclare avoir pensé suivre son itinéraire prévu qui
empruntait la RD 951. Il est conforté dans cette idée en retrouvant la mention de cette
route sur des panneaux de signalisation situés en aval du PN n° 70. Les virages serrés
de l’itinéraire ne l’ont pas surpris.
Il déclare avoir entendu le train siffler et avoir vu la collision en regardant dans son
rétroviseur. Il n’a pas été blessé lors de l’accident.
9 Cette obligation est prévue par la réglementation, selon les dispositions de l’article 18 de l’arrêté du
4 mai 2006 relatif aux transports exceptionnels. L’appel aux forces de l’ordre ou au service des transports
exceptionnels fait partie des enseignements reçus dans leur formation initiale par les accompagnateurs en
cas de perte de l’itinéraire ou d’arrêt imprévu sur l’itinéraire.
19
3.2.3 - Le conducteur du train express régional impliqué dans l’accident
Entré à la SNCF en 1995, il est conducteur de ligne depuis plus de 20 ans et titulaire
d’une licence de conducteur de train. Il est habilité à la conduite d’engins sur la section
entre Charleville-Mézières et Reims depuis 1997 et habilité sur ce matériel roulant depuis
2007.
Le jour de l’accident, il débute son service à 14 h 32. Le train n° 840 808 reliant Sedan à
Champagne-Ardenne TGV via Charleville-Mézières roule à l’heure à la vitesse de
140 km/h en approchant de Boulzicourt.
En se relevant après l’arrêt de la rame, le conducteur regarde par la fenêtre latérale droite
de la cabine et constate que son train a déraillé et qu’il engage l’autre voie. Il essaie alors
d’envoyer le signal d’alerte radio mais celui-ci ne fonctionne plus. Il constate que la
cabine, comme l’ensemble du train, n’est plus alimentée en énergie électrique.
L’unique objectif du conducteur est alors d’éviter le sur-accident par la collision avec un
éventuel train croiseur. Bien qu’étant blessé à la jambe, il sort rapidement de la rame,
allume une torche à flamme rouge et se rend à la distance de couverture d’obstacle de
1 500 m le plus vite possible.
Sur le trajet, il utilise son téléphone portable professionnel pour appeler un correspondant
à la gare de Charleville-Mézières afin de lancer l’alerte, dans le but d’arrêter la circulation
des trains.
À son arrivée vers son train, il aide les agents SNCF, les pompiers et les forces de l’ordre
arrivés entre temps à évacuer les passagers.
20
3.2.4 - Les passagers du train express régional impliqué dans l’accident
Le sifflet du train longuement utilisé a été entendu. Combiné au début du freinage
d’urgence, il a engendré le sentiment auprès de certains passagers que quelque chose
d’inhabituel allait arriver.
Les passagers situés à l’avant de la rame soulignent la violence du choc, ceux à l’arrière
n’ont parfois que très peu ressenti le choc. Plusieurs passagers à l’avant du train ont reçu
des éclats de verre résultant de la destruction de plusieurs parois intérieures, les vitres
extérieures du train ont été fissurées mais n’ont pas cédé.
Plusieurs passagers indiquent avoir voulu briser les vitres des fenêtres, à mains nues ou
avec les marteaux brise-vitre, mais ne pas y être parvenus. Certains expliquent que
l’ouverture de secours des portes n’a pas fonctionné, et qu’à un moment les portes ont
fini par s’ouvrir sans action particulière d’un passager.
Si certains passagers ont cherché à évacuer la rame côté entre-voies, d’autres leur ont
indiqué que pour des raisons de sécurité, il fallait évacuer côté piste, soit à l’extérieur des
voies ferrées. La dénivellation entre le plancher de la rame et le sol a pu présenter une
difficulté pour l’évacuation, sans toutefois être insurmontable.
Ayant évacué la rame, ils se sont rassemblés à quelques mètres du train, à l’abri des
arbres, car il pleuvait. Certains passagers craignaient que le train n’explose.
Le risque d’une collision par un train croiseur n’a pas été évoqué dans les témoignages.
Certains passagers sont même retournés à bord du train pour récupérer des effets
personnels.
Ils expliquent avoir prévenu les secours en appelant le 18 ou le 112 grâce à leurs
téléphones mobiles.
Aucun témoin n’indique avoir utilisé le téléphone d’urgence du passage à niveau. Un seul
passager s’est rendu jusqu’au PN et est revenu.
3.2.5 - Les riverains et les témoins du trajet emprunté par le convoi routier
Ce convoi a été identifié sur la RD 951, au nord de la commune de Poix-Terron, puis a
été aperçu par plusieurs témoins circulant en direction du nord sur la route communale
C5 entre les communes de Guignicourt-sur-Vence et Saint-Pierre-sur-Vence. Cette route
est pourtant interdite aux véhicules de plus de 3,5 tonnes et comporte la signalisation
adaptée.
Au moment du choc, le sifflet utilisé par le train pour prévenir de son arrivée a été
clairement entendu par des riverains, et la fumée dégagée par la torche à flamme rouge
utilisée par le conducteur du train impliqué a été aperçue par au moins un d’entre eux.
21
Figure 14 : signalisation de police d’interdiction aux véhicules de plus de 3,5 tonnes sur la VC5
photo et légende BEA-TT
Après avoir passé la ville de Rethel, circulant alors à la vitesse de 137 km/h, il a constaté
une coupure de tension électrique sur la caténaire. Comme le prévoit la procédure, il a
commandé le freinage du train et a immobilisé la rame au signal d’entrée de la gare de
Poix-Terron, environ à 6 km au sud de la position du train accidenté. Cette distance
pouvait être parcourue en 2 min 34 s à la vitesse de 140 km/h.
Une fois arrêté, il a vérifié visuellement que le pantographe était correctement positionné,
puis il s’est renseigné auprès de l’agent circulation de la coupure électrique. L’agent
circulation, au moment de cet appel, n’était pas encore informé de l’accident.
La tension électrique est revenue, s’est à nouveau coupée, puis est revenue une
deuxième fois. L’agent circulation, n’étant toujours pas informé de l’accident au PN n° 70,
l’a invité à repartir car son objectif était alors de tenter de combler le retard pris pendant
cet arrêt imprévu.
22
Figure 15 : illustration géographique de la situation lors de l’arrêt final du premier train croiseur
fond de carte Géoportail-IGN, légendé BEA-TT
Alors que son train était arrêté depuis plusieurs minutes, il a reçu un message vocal par
la radio sol-train « train 840 811, arrête-toi immédiatement ». Le conducteur a répondu
qu’il était arrêté depuis un moment. Il a ensuite été informé de l’accident et de la mise en
œuvre d’un arrêt de la circulation de longue durée des trains.
23
3.3 - Le convoi routier et les conducteurs de ce convoi
Le tracteur routier
24
À l’intérieur de la cabine du camion tracteur, un interrupteur
permet de modifier la position des suspensions des essieux
moteurs sur toute la plage de réglage entre la position
basse et la position haute. Un témoin sur le tableau de bord
indique que la hauteur n’est pas celle de la position
normale de conduite, définie en usine et non paramétrable
par le conducteur.
La semi-remorque
Elle comporte des parties amovibles qui permettent d’augmenter ainsi sa largeur de
fonctionnement depuis 2,540 m jusqu’à 3 m.
Sa longueur hors tout est modifiable entre 15,880 m et 21,080 m. Lors de l’examen de ce
véhicule, les enquêteurs du BEA-TT ont constaté qu’elle comportait une rallonge de
1,500 m dans le sens de la longueur.
À l’arrière sont positionnés trois essieux directionnels avec des roues jumelées.
La masse à vide de la semi-remorque est de 15 900 kg, sa masse maximale une fois
chargée est de 46 500 kg.
Ce véhicule se caractérise par une très faible garde au sol, de l’ordre de 15 cm,
modifiable grâce à des systèmes hydrauliques positionnés au niveau du col de cygne à
l’avant de la semi-remorque et au niveau des essieux arrière. La hauteur de l’arrière de la
25
semi-remorque peut ainsi être modifiée de −8 cm à +16 cm par rapport à la position
nominale de roulage en charge.
Le jour de l’accident, une machine agricole servant au ramassage des betteraves est
transportée par l’ensemble routier. Cette machine est de marque GRIMME, modèle
MAXTRON 620. Elle possède en configuration de transport une largeur de 3,300 m, une
longueur de 12,200 m, une hauteur de 4 m et une masse de 29 500 kg. Non heurtée lors
de la collision entre le train et le convoi routier, elle a pu être actionnée depuis sa cabine
de pilotage pour évacuer le passage à niveau.
26
Figure 18 : photo de la machine agricole quittant le PN n° 70 par ses propres moyens
après la collision
source Gendarmerie nationale
L’ensemble routier chargé possède une longueur totale de 21,230 m, une largeur totale
de 3,30 m du fait de son chargement, une faible garde au sol d’environ 0,15 m située au
plus bas de la semi-remorque, une hauteur totale d’environ 4,30 m et une masse totale
de l’ordre de 55 000 kg.
L’illustration suivante représente le convoi sur une route plate, alors que dans les faits, le
convoi franchissait un PN dénivelé. Les trois essieux du tracteur étaient en aval du point
haut, en descente, l’arrière de la semi-remorque était en amont du point haut et le train
circulait dans une courbe, les voies étaient à des hauteurs différentes. Seul le
positionnement longitudinal du convoi routier est ici fidèlement représenté.
27
Figure 20 : vue de droite illustrative du positionnement longitudinal des véhicules
au moment de la collision d’après les investigations
source BEA-TT
28
Le point de choc par le train sur la semi-remorque a été identifié au niveau du pivot
d’attelage et de la sellette. Ces éléments de liaison ont été arrachés du châssis du
tracteur routier. La partie avant de la semi-remorque, située devant le dispositif amovible
du col de cygne, a rompu. La semi-remorque a donc été scindée en deux.
La partie arrière de la semi-remorque portant l’engin agricole a été peu endommagée par
le choc. Elle a légèrement ripé, modifiant la position de l’engin agricole transporté, qui,
n’ayant pas été heurté par le train, a pu être évacué du site de l’accident sans dommage.
29
3.3.3 - Les conséquences pour le véhicule pilote du convoi
Le véhicule pilote, un véhicule utilitaire léger de marque Mercedes et de type Vito, n’était
pas à proximité immédiate du PN au moment de la collision. Aucun dégât n’a été
occasionné sur ce véhicule.
Après l’arrêt forcé, le convoi aurait dû poursuivre, suivant l’itinéraire 2TE48 que suivait le
convoi, sur la RD 951, puis la RD 66, la bretelle d’accès à l’A34 et enfin la section de
l’A34 entre les échangeurs 12 et 11 pour finalement retrouver la RD 951 en sortant à
l’échangeur n° 11, comme l’illustre le trajet en bleu sur la figure suivante.
Le conducteur du véhicule pilote indique avoir volontairement évité l’autoroute, car il avait
reçu l’information par un gendarme que cette section de l’A34 était limitée en hauteur à
4 m, alors que la hauteur du convoi était de 4,30 m. Les enquêteurs du BEA-TT ont
vérifié qu’aucune réelle limitation de hauteur ne concerne cette section d’autoroute et
qu’aucun panneau de signalisation ne laisse penser à une éventuelle restriction de
gabarit sur cette autoroute.
Le conducteur du poids lourd indique de son côté ne pas avoir emprunté la bretelle
d’entrée à l’A34, car elle était trop difficile d’accès du point de vue de la giration du
convoi. Le convoi a donc évité l’autoroute A34 et est resté sur la RD 66 pour franchir le
passage supérieur de l’échangeur n° 12. Il a ensuite emprunté la RD 66A et a circulé avec
difficulté dans un virage serré à droite, puis dans un virage serré à gauche.
30
Le convoi a ensuite rejoint la RD 28, est entré dans l’agglomération de Guignicourt-sur-Vence,
il a franchi le PN n° 69 et a traversé le village. Il a tourné à droite et a finalement emprunté
une route communale (VC 5) en direction de Saint-Pierre-sur-Vence, pourtant interdite
aux véhicules de plus de 3,5 tonnes et signalée comme telle.
Même si les capacités de giration du convoi routier sont améliorées grâce à la présence
d’essieux directionnels à l’arrière de la semi-remorque, l’analyse du chronotachygraphe
confirme l’itinéraire suivi par le convoi, notamment en identifiant le franchissement à très
basse vitesse des virages serrés en aval de l’échangeur n° 12 et par le franchissement
du PN n° 69 de Guignicourt-sur-Vence à faible vitesse également.
31
L’analyse du chronotachygraphe numérique du PL à l’approche du PN n° 70
32
L’immobilisation du poids lourd
sur le PN apparaît dans le
chronotachygraphe.
Les enquêteurs du BEA-TT ont cherché à évaluer la durée pendant laquelle le poids lourd
est resté arrêté sur le passage à niveau, afin de comprendre s’il s’y est engagé avant que
les feux rouges clignotants ne soient allumés.
33
3.4 - Le train et son conducteur
Ce train est à énergie exclusivement électrique et peut fonctionner sous une tension de
1,5 kV / courant continu ou 25 kV / courant alternatif, comme sur la section de ligne
concernée par l’accident.
D’une masse totale de 125 tonnes et d’une longueur totale de 57,4 mètres, ce train
comporte quatre bogies10.
Les opérations de maintenance sur cette rame ont été réalisées conformément au
référentiel ferroviaire de SNCF Mobilités. Les dernières opérations de maintenance
préventive de sécurité ont été réalisées en avril et juillet 2019. Quelques jours avant
l’accident, la rame a subi un choc avec des sangliers. Elle a été remise en état le
10 octobre 2019.
Enfin, ce matériel a été racheté par la région Grand-Est un mois avant l’accident, ce qui
explique que la rame possédait encore la sérigraphie de la région Normandie, précédent
propriétaire de ce matériel.
34
Figure 28 : illustration (en bleu) du trajet d’approche du train n° 840 808
fond de plan Géoportail-IGN, légendé BEA-TT
11 L’outil Acquisition et Traitement des Évènements de Sécurité en Statique (ATESS) permet d’étudier a
posteriori les principaux paramètres de la rame et de la conduite afin de comprendre les évènements qui
ont été susceptibles de compromettre la sécurité.
35
Figure 29 : courbe d’évolution de la vitesse du train en fonction de la distance parcourue
reconstitution du BEA-TT d’après les données du train
L’extérieur de la rame
Le choc s’est produit à l’avant de la motrice de tête. Les trains sont conçus 12 et fabriqués
pour faire face à des scénarios de collision avec d’autres trains ou avec des obstacles sur
les voies, dont des véhicules routiers.
12 Par exemple Norme NF EN 15227 « Applications ferroviaires – Exigences d’aptitude à la collision relatives
aux caisses des véhicules ferroviaires », publiée le 3 juillet 2020
36
Figure 30 : photo de l’avant d’une motrice équivalente et de la motrice accidentée
photos et légende BEA-TT
L’attelage automatique et
le coupleur électrique ont
été détruits.
Côté entre-voies, le ballast projeté sur les vitres extérieures les a fissurées, mais elles
n’ont pas cédé, protégeant ainsi les passagers.
Côté piste, la première paire de portes extérieures n’a pu être ouverte lors de
l’évacuation, car des éléments de l’encadrement ont été déformés suite au choc.
37
L’intérieur de la cabine de conduite
38
3.5 - L’analyse de plusieurs accidents impliquant un convoi exceptionnel
et un passage à niveau
Ces accidents mettent en évidence les enjeux relatifs au repérage et au respect des
itinéraires par les convois exceptionnels routiers, mais également aux actions à mener
sur la signalisation des passages à niveau à franchissement difficile et la formation des
conducteurs des convois.
39
4 - L’analyse du déroulement de l’accident et de l’intervention
des secours
À la mi-journée, alors qu’ils circulaient sur la RD 951 au nord de Poix-Terron (08), ils ont
été contraints de s’arrêter au niveau d’une aire de repos suite à un accident de la
circulation, étranger au convoi, survenu un peu plus loin. Après plus de deux heures
d’arrêt, le convoi s’est remis en mouvement sans que les conducteurs n’aient pris
l’attache des services préfectoraux délivrant les autorisations de circulation des convois
exceptionnels, comme le prévoit la réglementation dans le cas d’un arrêt imprévu de la
conduite. Cependant, au niveau de l’échangeur n° 12, le convoi n’a pas emprunté la
bretelle d’accès à la section de l’autoroute A34 qui faisait partie de l’itinéraire initialement
prévu.
Après avoir franchi le giratoire RD 951/RD 66, le convoi a circulé sur la RD 66, a franchi
le passage supérieur de l’autoroute A34, a cheminé lentement et difficilement à travers
plusieurs virages serrés, puis est entré dans l’agglomération de Guignicourt-sur-Vence
(08). Le convoi a ensuite traversé le passage à niveau n° 69, s’est engagé dans le village
et a enfin emprunté la voie communale VC 5 pourtant interdite aux véhicules de plus de
3,5 tonnes et comportant la signalisation réglementaire d’interdiction. Ni le conducteur du
véhicule pilote, ni le conducteur du poids lourd n’a respecté cette signalisation qui aurait
dû stopper le convoi, comme les formations initiales et continues des conducteurs le
précisent. Malgré cette interdiction, le convoi arrivait à Saint-Pierre-sur-Vence (08).
Le conducteur du poids lourd ne relevait que les suspensions des essieux arrière du
tracteur et commençait à franchir le passage à niveau à basse vitesse. Au milieu des
voies ferrées, il s’inquiétait que son convoi, à cause de la faible garde au sol de la
semi-remorque surbaissée, ne fut bloqué. Bien qu’étant au milieu du PN, il décidait alors
de descendre de sa cabine pour actionner tout d’abord les commandes des vérins
hydrauliques situés à l’avant puis les commandes situées à l’arrière de la semi-remorque
pour la relever.
40
Le TER n° 840 808, transportait une soixantaine de passagers. Il avait quitté
Charleville-Mézières à 16 h 05, circulait à l’heure et roulait à 136 km/h.
Le choc s’est produit à 16 h 12 min 42 s selon l’horaire de référence pris dans l’outil
d’enregistrement du train. L’avant du train a percuté l’arrière du tracteur routier au niveau
de la sellette.
Sous la violence du choc, le tracteur routier a été détruit, le châssis s’est séparé de la
cabine et a percuté un poteau supportant la caténaire. Les suspentes de la ligne aérienne
de contact se sont arrachées sur plusieurs mètres. L’alimentation électrique des voies
ferrées a disjoncté.
La semi-remorque a été coupée en deux, la partie avant avec le col de cygne s’est
retrouvée projetée plusieurs mètres en aval, en contrebas dans le jardin d’un riverain. La
partie arrière, qui portait toujours l’engin agricole, a légèrement ripé mais est restée sur le
passage à niveau.
41
Figure 32 : schéma illustratif de la vue de dessus de la situation juste après le choc
source BEA-TT avec image aérienne Géoportail-IGN
Le train a déraillé mais ne s’est pas couché. Des pierres du ballast ont été projetées
contre les fenêtres du train côté entre-voies. Celles en double vitrage ont protégé les
passagers et une à simple vitrage a explosé, laissant entrer des pierres du ballast dans
l’espace voyageur. Le coupleur électrique situé au-dessus de l’attelage automatique a été
très détérioré. La rame a été privée d’énergie électrique.
Après l’arrêt du train, l’agent de conduite a constaté que sa rame était déraillée et qu’elle
engageait le gabarit de la voie voisine. Il a actionné le bouton de déclenchement de
l’alerte radio et celui de l’alerte lumineuse. Mais, privée d’énergie, aucun signal n’a été
émis par la rame.
À l’intérieur de la rame, plusieurs passagers ont été blessés, notamment par des éclats
de verre issus de la casse de parois internes et par les conséquences du choc. Les
flammes produites par l’explosion du réservoir à carburant du poids lourd ont été vues par
plusieurs passagers qui ont craint un début d’incendie dans le train. Certains passagers
ont saisi des marteaux brise-vitre, d’autres ont réussi à ouvrir les portes du train côté
piste, à l’extérieur des voies ferrées.
Le conducteur du train, blessé à la jambe, est sorti de la rame et a allumé une torche à
flamme rouge pour lancer l’alerte.
42
Pendant sa course vers la distance de couverture, l’agent de conduite est passé devant
deux téléphones d’alarme situés de l’autre côté des voies. Concentré sur sa mission et
sur l’appel en cours avec son téléphone portable, il n’a pas utilisé ces équipements.
Moins de 10 minutes ont été nécessaires pour activer les signaux d’arrêts des trains.
Pendant ce temps, le premier train croiseur, qui était à énergie électrique, roulait lui aussi
à près de 140 km/h sur l’autre voie et se rapprochait du train accidenté. Ce train croiseur
a effectué des arrêts et des redémarrages au gré de la présence ou non du courant
électrique dans la caténaire. Après la troisième coupure et sans savoir qu’un accident
venait de se produire, l’agent de conduite du train croiseur a décidé d’arrêter
définitivement son train, car il estimait que la situation était anormale. Finalement, le train
croiseur a été stoppé à moins de 3 kilomètres du train accidenté, alors que l’alerte n’avait
pas encore été donnée.
Les passagers du train accidenté ont évacué la rame et ont réussi à prévenir les secours
en utilisant leurs téléphones mobiles.
Les pompiers et les forces de l’ordre de la Gendarmerie nationale ont été prévenus
respectivement à 16 h 13 et à 16 h 22 et ont engagé des moyens humains et matériels
importants.
Les premiers secours sont arrivés à pied au niveau du train accidenté à 16 h 41.
Après les premiers bilans de santé, les passagers ont été conduits au niveau du PN n° 70
puis accueillis dans une salle mise à disposition par la municipalité.
43
5 - L’analyse des causes et des facteurs associés, les
orientations préventives
44
5.2 - Les causes de l’accident et les facteurs associés
Les investigations réalisées sur le convoi routier, sur le train et sur les équipements du
passage à niveau n’ont révélé aucun indice pouvant conduire à retenir l’hypothèse d’un
problème technique comme cause ou facteur de la survenance de l’accident.
L’agent de conduite du train a respecté l’ensemble des procédures lors des phases de
conduite et en cas d’accident. Bien que blessé, il a lancé l’alerte et s’est rendu à la
distance de couverture d’obstacle pour éviter un sur-accident.
Plusieurs facteurs ont été identifiés vis-à-vis de la cause principale de cet accident.
Un grand nombre de règles de circulation n’ont pas été respectées, tant celles relatives
au transport exceptionnel, dans la préparation et la reconnaissance de l’itinéraire et la
délivrance d’une autorisation de circulation, que celles du Code de la route dans le
respect des interdictions locales de circulation.
La garde au sol de la semi-remorque n’a pas été portée à sa valeur maximale avant le
début du franchissement du PN. Elle n’a été que partiellement relevée à l’avant par une
action sur les suspensions arrière du camion tracteur, commandée depuis la cabine.
45
Après la collision, l’agent de conduite du train a été contraint de se rendre à la distance
de couverture d’obstacle pour assurer la protection de son train déraillé.
Cette situation s’est produite, tout d’abord parce qu’il n’était pas prévu dans la procédure,
qu’a appliqué fidèlement l’agent de conduite du train, de déclencher l’alerte radio avant la
collision.
Ensuite, suite à la collision, la rame était privée d’énergie électrique, ce qui a rendu la
radio sol-train inopérante.
Les investigations menées ont permis d’identifier plusieurs facteurs ayant pu jouer un rôle
dans l’évitement d’un sur-accident :
➢ le choc entre le train et l’ensemble routier a eu lieu à l’endroit le plus fragile de
l’ensemble routier, au niveau des essieux moteurs du tracteur routier, évitant ainsi un
choc avec la machine agricole transportée et des dégâts plus importants au niveau de
la motrice et donc des blessures plus graves pour l’agent de conduite et les passagers
du train ;
➢ le choc a entraîné des coupures de l’alimentation électrique de la voie ferrée, ce qui a
entraîné des arrêts multiples du premier train croiseur et la prise d’une décision d’arrêt
par prudence du conducteur de ce train, un peu plus d’une minute avant qu’il ne vienne
percuter le train accidenté ;
➢ le premier train croiseur était à énergie électrique, alors que le deuxième train croiseur
était à énergie thermique, donc insensible aux coupures électriques de la caténaire ;
compte tenu du délai de transmission de l’alerte de cet accident grave par les agents
de circulation vers les conducteurs des trains, le BEA-TT considère qu’un sur-accident
n’aurait très probablement pas pu être évité si le premier train-croiseur avait été à
énergie thermique ;
➢ le conducteur du train impliqué, bien que blessé, a pu effectuer la couverture de son
train déraillé et a appelé un correspondant SNCF pour lancer l’alerte.
Or, en prenant en compte le temps nécessaire pour que l’agent de conduite du train
accidenté lance l’alerte par téléphone (4 minutes après le choc) et pour que cette alerte
soit transmise à l’agent de conduite du premier train croiseur (moins de 10 minutes après
le choc), le BEA-TT considère que la conjonction aléatoire des disjonctions de la
caténaire et de la présence d’une propulsion exclusivement électrique du premier train
croiseur expliquent l’évitement d’un sur-accident par collision entre les deux trains.
46
cas échéant, à la prévenance15 des gestionnaires d’infrastructures ferroviaires ou
routières afin d’assurer la sécurité du déplacement du TE. Dans le passé, le BEA-TT a
enquêté sur plusieurs accidents entre un train et un convoi exceptionnel arrêté, bloqué ou
manœuvrant sur un passage à niveau.
Les documents utilisés pour concevoir l’itinéraire n’étaient pas adaptés aux
caractéristiques du convoi.
Aucun travail préparatoire sur le franchissement d’un passage à niveau difficile par un
convoi exceptionnel surbaissé n’a été réalisé. Les témoignages des conducteurs routiers
reflètent une complète non-prise en compte des enjeux de sécurité d’un franchissement
de PN, notamment en oubliant toute notion de temps de franchissement ou tout enjeu de
blocage d’un tel convoi sur un PN à franchissement difficile. La société de transport et
celle assurant le guidage du convoi n’ont notamment pas contacté le gestionnaire
ferroviaire pour convenir d’un mode de franchissement en sécurité.
Au-delà de ce facteur d’accident, il est apparu lors des investigations qu’au niveau du
département des Ardennes, l’échelle de représentation de la carte nationale 2TE48
pourrait être retravaillée pour permettre de visualiser plus simplement et plus précisément
que l’itinéraire TE emprunte la section de l’autoroute A34 entre les échangeurs n° 12
et n° 11, en continuité de la RD 951 qui s’interrompt entre ces échangeurs. C’est à cet
15 Le mot « prévenance » dans la réglementation sur la circulation des convois exceptionnels signifie que les
gestionnaires d’infrastructure doivent être prévenus du passage de certains convois en fonction des
exigences qu’ils ont formulées dans les cahiers de prescriptions associés aux itinéraires TE.
47
endroit que la divergence apparaît entre l’itinéraire prévu et l’itinéraire réellement suivi par
le convoi.
De plus, aucun passage à niveau n’est représenté sur cette carte papier.
Or, une recommandation avait été adressée à la DSCR dans le rapport d’enquête sur
l’accident au passage à niveau de Nangis en 2015 sur ce sujet. Il s’agissait de « Mieux
informer les entreprises de transports exceptionnels et leurs conducteurs de l’existence
de passages à niveaux présentant des difficultés de franchissement au sens de
l’article 12 de l’arrêté du 4 mai 2006 relatif notamment aux transports exceptionnels de
marchandises, en signalant ces passages à niveau comme points particuliers dans la
carte nationale des itinéraires de transport exceptionnel et dans les cartes interactives
équivalentes, et en avertissant systématiquement les gestionnaires des voiries
concernées ».
Les enquêteurs du BEA-TT ont pu constater que si certaines cartes départementales des
réseaux TE72, TE94 et TE120 comportent l’identification de certains passages à niveau,
en revanche aucun signalement n’était présent de manière systématique sur l’ensemble
des cartes nationales, notamment celles éditées au format papier et présentes dans les
cabines des tracteurs routiers.
48
Figure 35 : illustration du livret d’accompagnement de la carte 2TE48
Désormais les cinq réseaux routiers nationaux dédiés aux transports exceptionnels sont
visibles sur les cartes du géoportail.
Un des principaux avantages consiste à pouvoir zoomer sur un point particulier afin
d’éviter les erreurs d’itinéraires. L’exemple suivant concerne l’échangeur 12, celui où le
convoi aurait dû emprunter l’autoroute mais où il a poursuivi sur la route départementale.
16 https://www.geoportail.gouv.fr/actualites/une-cartographie-unique-pour-les-transports-exceptionnels
49
Figure 37 : illustrations des cartes des réseaux TE en zoomant sur l’échangeur n° 12
désormais présentes sur le site internet du géoportail
source : Géoportail-IGN
Cet outil permet de visualiser les passages à niveaux présents sur les itinéraires TE, ainsi
que les PN à franchissement difficile.
En cliquant sur les sections concernées, l’utilisateur visualise les prescriptions associées,
malheureusement pour tout le département concerné, et les coordonnées des
gestionnaires à prévenir avant le passage du convoi. Les enquêteurs du BEA-TT ont pu
constater que les coordonnées du gestionnaire pour la section d’autoroute A34 concernée
par l’accident n’avaient pas été mises à jour depuis la carte 2TE48. Or nous avons vu que
ces coordonnées étaient erronées.
50
Figure 39 : visualisation des prescriptions sur l’itinéraire 2TE48 suivi par le convoi
source : Géoportail-IGN
Dans la suite de la mise en ligne du nouvel outil cartographique présent sur le site
internet Géoportail :
➢ mettre à jour les coordonnées des gestionnaires à prévenir avant le passage du
convoi ;
➢ n’afficher que les prescriptions générales et particulières associées à chaque section
visualisée ;
➢ réaliser un calculateur d’itinéraires adapté aux convois exceptionnels, qui identifierait
les points singuliers à traverser, notamment les passages à niveau.
51
Ces lacunes de la part de professionnels du transport routier interrogent sur les
formations initiales et continues qu’ils ont suivi. L’absence de prise en considération du
risque d’un tel accident amène le BEA-TT à souhaiter que le retour d’expérience de cet
accident puisse être intégré dans les cursus de formation des accompagnants français
des convois exceptionnels.
Cette formation est assurée par des organismes qui ont pour cadre l’arrêté du 2 mai 2011
relatif aux modalités de mise en œuvre de la formation des conducteurs des véhicules
destinés à l’accompagnement des TE. La direction générale des infrastructures, des
transports et de la mer est en responsabilité sur les domaines de la formation des
accompagnants et sur les échanges avec les organisations professionnelles des
transports routiers.
Les enquêteurs du BEA-TT se sont rendus au Technicentre SNCF de Nevers qui est
l’atelier directeur pour les rames AGC et sert de référence pour entretenir et modifier les
rames de ce type. Ils ont pu échanger avec les responsables des différents aspects,
notamment la résistance au choc ou encore l’alimentation en électricité de la machine,
pour comprendre les investigations menées par la SNCF afin d’identifier la source de la
perte d’énergie.
Ces investigations font ressortir que la perte d’énergie de la rame impliquée est la
conséquence directe de la disjonction de dispositifs électriques de sécurité, notamment
des coupe-circuits et des relais.
Le couplage de deux rames nécessite une liaison mécanique réalisée grâce à l’attelage,
une liaison pneumatique notamment pour le système de freinage et une multitude de
liaisons électriques où transitent les commandes des moteurs et d’autres éléments. Ces
éléments sont communs à toutes les rames AGC qui circulent en France, ce qui permet
d’accrocher plusieurs rames et passer la composition du train d’une unité simple en
unités multiples, sans intervention humaine au niveau des attelages automatiques.
52
Il ressort de l’état actuel des investigations que plusieurs courts-circuits se sont produits
au moment du choc au niveau du coupleur électrique placé au-dessus de l’attelage
automatique, dessiné en rouge sur la figure suivante.
Figure 40 : illustration des trois fonctions concernées par le couplage de deux rames
et vue d’un coupleur électrique avec une configuration d’alimentation électrique
purement illustrative sur quelques pinoches
photo et légende BEA-TT
Les investigations menées conduisent à considérer que la protection installée n’a pas
permis d’éviter les courts-circuits. Il apparaît que certains connecteurs ont été
réalimentées en 72V, entraînant le déclenchement de la sécurité électrique de la rame,
synonyme de disjonctions et de perte en alimentation en énergie électrique des
équipements à bord, dont la radio sol-train.
Aucun élément technique ne permet d’écarter ce risque de mise hors service de la radio.
17 Le rapport d’enquête technique réalisée par le BEA-TT est consultable sur son site internet
53
La SNCF a engagé le déploiement d’un nouvel ordre de modification permettant d’une
part l’alimentation permanente et dédiée de la radio sans passer par le coupleur, et
déplaçant d’autre part plusieurs coupe-circuits en remorque donc à l’abri de toute collision
violente en cabine de conduite.
Malgré ces améliorations, les risques d’un sur-accident identifié dans les investigations à
cause du délai nécessaire constaté pour lancer l’alerte par téléphone, mais aussi de
l’éventualité de blessures graves de l’agent de conduite entraînant son incapacité à
enclencher l’alerte radio-sol train, amènent le BEA-TT à formuler une recommandation
relative à la mise en place d’un système de déclenchement d’alerte automatique et
indépendant.
Le référentiel des gestes métiers pour les conducteurs a été enrichi par un nouveau geste
visant à déclencher l’alerte radio dès la découverte de l’obstacle sur la voie et sans
attendre les éventuelles conséquences, dont le choc probable. Ce nouveau process est
l’aboutissement d’une étude sur les facteurs organisationnels et humains (FOH) conduite
par la Direction Traction au cours de l’année 2020. Les conducteurs de train ont été
formés lors du premier semestre 2021 et cette mesure a été intégrée à la documentation
métier le 13 juin 2021.
54
ANNEXES
55
Annexe 1 : Décision d’ouverture d’enquête
56
Annexe 2 : Principales références utilisées dans ce rapport
57
Annexe 3 : Réglementation sur la circulation des convois exceptionnels
Les acteurs impliqués dans la circulation d’un convoi exceptionnel
La réglementation, notamment les articles 2 et 13 de l’arrêté du 4 mai 2006 relatif aux transports
exceptionnels de marchandises, d’engins ou de véhicules et ensembles de véhicules comportant
plus d’une remorque définit les rôles des différents acteurs impliqués dans la circulation du convoi
exceptionnel :
– le pétitionnaire est celui qui demande l’autorisation de circuler, il peut réaliser cette demande
pour son propre compte ou pour compte d’autrui ;
– le chef de convoi :
« Pour chaque convoi, accompagné ou non, le chef de convoi doit être nommément désigné par
le transporteur. Il a autorité sur les différents intervenants et a pour mission, durant le transport :
– d’assurer le respect des consignes générales ou particulières, notamment les prescriptions
générales et particulières associées à la voirie et aux points singuliers empruntés, et
l'application des règles de franchissement contenues dans l'autorisation dont il a copie,
– d’assurer le respect, par le ou les conducteurs, des dispositions du Code de la route et de la
réglementation sociale,
- d’assurer, dans toute la mesure du possible, la sécurité des usagers de la route et celle du
convoi, le long de l’itinéraire,
– de coordonner les actions des différents intervenants.
Le chef de convoi doit parler et lire la langue française ou à défaut être accompagné d’une
personne parlant et lisant le français et capable de communiquer avec lui […] ».
58
Les règles de circulation des TE de deuxième catégorie
D’une façon générale, en fonction des besoins de transport et des itinéraires empruntés, un
convoi de 2ᵉ catégorie a besoin d’obtenir diverses autorisations pour circuler. Ces autorisations
sont définies réglementairement dans l’arrêté du 4 mai 2006 relatif aux transports exceptionnels.
Elles peuvent se cumuler et peuvent concerner un convoi avec des caractéristiques
dimensionnelles et pondérales similaires ou inférieures et des véhicules de transport différents :
➢ une autorisation permanente de circulation sur un réseau routier national appelé « 2TE48 ». Ce
réseau routier est identifié sur une carte nationale papier accompagnée d’un livret de
prescriptions. Ce réseau est accessible aux convois de la deuxième catégorie qui ont une masse
inférieure ou égale à 48 tonnes, ce qui n’était pas le cas du convoi impliqué dans l’accident. Les
extrémités du voyage, depuis le lieu de chargement ou jusqu’au lieu de livraison, doivent être
autorisées par des arrêtés de raccordement à ce réseau qui stipulent les routes et les conditions
de circulation que doit respecter le convoi.
➢ une autorisation permanente de circulation sur un réseau routier national appelé « TE72 ». Ce
réseau concerne les convois qui ont une masse totale inférieure ou égale à 72 tonnes. Il est
identifié comme l’agrégation nationale de chaque portion de réseau routier de chaque
département prise par arrêté préfectoral départemental. Chaque arrêté préfectoral est
accompagné d’une représentation cartographique des routes concernées et d’annexes listant les
points singuliers dont les passages à niveau. Cet arrêté mentionne également les prescriptions
générales et particulières, par exemple les contraintes de hauteur, le délai de prévenance du
gestionnaire routier ou encore les heures de circulation, associées à la circulation sur ces routes.
Les extrémités du voyage, depuis le lieu de chargement ou jusqu’au lieu de livraison, doivent être
couvertes par des arrêtés de raccordement qui stipulent les routes et les conditions de circulation.
➢ une autorisation permanente ou au voyage sur un itinéraire précis . Cette autorisation liste les
sections de routes et les prescriptions de circulation associées.
➢ les prescriptions générales et particulières présentes dans l’arrêté d’autorisation ou dans les
livrets de prescriptions accompagnant les cartes nationales des réseaux routiers adaptés aux TE ;
➢ les éléments de la signalisation routière mis en place par les gestionnaires pour indiquer les
décisions prises par les autorités détentrices du pouvoir de police de la circulation, notamment les
limitations de vitesse, les sens interdits ou encore les limitations de tonnage. Si le trajet nécessite
d’effectuer une manœuvre non autorisée, par exemple remonter à contresens une route d’accès à
un carrefour giratoire, le chef du convoi exceptionnel peut solliciter les forces de l’ordre pour, le
cas échéant, assurer la sécurité du déplacement ;
➢ le principe de reconnaissance préalable de l’itinéraire par le transporteur, afin d’identifier les
points particuliers qui vont potentiellement poser des questions de sécurité, comme le
franchissement d’un passage à niveau ;
➢ le principe de prévenance des gestionnaires routiers et ferroviaires, lorsque ceux-ci ont indiqué
dans les prescriptions générales ou particulières le délai minimum et les conditions de
prévenance. Le chef de convoi exceptionnel doit justifier en cas de contrôle avoir prévenu les
gestionnaires de son passage.
59
s’adapte pas aux différents usagers routiers qui les franchissent. Un PN aura toujours la même
séquence de fermeture.
La réglementation18 impose un délai minimal de 20 secondes entre le moment où les feux rouges
commencent à clignoter et la sonnerie à tinter, et le moment où le train franchit le passage à
niveau.
Pour éviter l’immobilisation d’un convoi sur le passage à niveau, la réglementation relative aux
convois exceptionnels donne des éléments d’appréciation pour que le transporteur puisse étudier
si le franchissement par son convoi se fait sans problème ou s’il doit prendre l’attache du
gestionnaire ferroviaire. Dans ce cas, l’objectif est de construire un cadre de franchissement
réduisant les risques, par exemple en faisant franchir le passage à niveau à un horaire où sont
absentes les circulations ferroviaires.
Ainsi, l’article 12 de l’arrêté du 4 mai 2006 stipule que « Les caractéristiques du convoi […]
doivent lui permettre de franchir les passages à niveau dans les délais maxima suivants :
7 secondes lorsque le passage à niveau est équipé ou non d’une signalisation automatique
lumineuse et sonore complétée par des demi-barrières […] ».
Un point particulier dans la réglementation, qui est repris dans les arrêtés d’autorisation, traite de
la question des convois surbaissés. Le gestionnaire ferroviaire réalise une étude TIPULES qui lui
permet de classer ou non le passage à niveau dans la catégorie des « PN à franchissement
difficile ». Des valeurs de garde au sol minimale sont édictées afin d’étudier au préalable si les
convois routiers peuvent franchir le PN dans les conditions de sécurité requises.
La liste des PN concernés est transmise annuellement par SNCF Réseau aux préfectures de
chaque département. Chaque PN concerné fait l’objet d’une signalisation routière particulière afin
d’attirer l’attention des usagers sur le caractère difficile du franchissement, particulièrement pour
les véhicules surbaissés.
Des cartes nationales des réseaux « 1TE » et « 2TE48 » sont éditées au format papier et vendues
par le centre d’études sur les réseaux, la mobilité et les aménagements (Cerema). Ces cartes,
mises à jour en 2013 et 2010, sont accompagnées d’un livret de prescriptions 19. Ces documents
doivent être présents à l’intérieur de la cabine du camion tracteur lorsque celui-ci emprunte un
itinéraire concerné par ces cartes.
Pour les trois autres réseaux nationaux « TE72 », « TE94 » et « TE120 », les arrêtés
préfectoraux, les cartes et les annexes pour chaque portion départementale de ces réseaux sont
téléchargeables gratuitement sur le site internet de la délégation à la sécurité routière du ministère
de l’intérieur. Le chef de convoi doit pouvoir présenter en cas de contrôle l’arrêté d’autorisation de
circulation ainsi que les cartes et les prescriptions des départements traversés lors du voyage.
L’extrait des cartes du réseau TE72 et les prescriptions associées aux départements traversés par
le convoi accidenté sont présentes sur le site internet de la délégation à la sécurité routière.
Enfin, lorsque les convois exceptionnels bénéficient d’un arrêté d’autorisation de circulation, cet
arrêté contient les prescriptions que doit suivre le convoi, notamment un rappel des précautions
pour franchir les passages à niveau.
60
Bureau d’Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
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Grande Arche - Paroi Sud
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