Rapport Beatt 2019-14-2

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RAPPORT

D’ENQUÊTE TECHNIQUE
sur la collision entre
un train express régional
et un ensemble routier surbaissé
survenue le 16 octobre 2019
sur le passage à niveau n° 70
à Boulzicourt (08)
Décembre 2021
Avertissement

L’enquête technique faisant l’objet du présent rapport est réalisée dans le cadre
des articles L. 1621-1 à 1622-2 et R. 1621-1 à 1621-26 du Code des transports
relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de
transport terrestre.

Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents. Sans préjudice,
le cas échéant, de l’enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à
collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les
causes certaines ou possibles de l’évènement, de l’accident ou de l’incident et,
s’il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité. Elle ne vise pas à
déterminer des responsabilités.

En conséquence, l’utilisation de ce rapport à d’autres fins que la prévention


pourrait conduire à des interprétations erronées.

Glossaire
➢ AGC : Autorail à Grande Capacité
➢ ATESS : Acquisition et Traitement des Évènements de Sécurité en Statique ; dispositif enregistreur
équipant les motrices ferroviaires
➢ CD 08 : Conseil Départemental des Ardennes
➢ INPN : Instance Nationale des Passages à Niveau
➢ PK : Point Kilométrique
➢ PL : Poids Lourd
➢ PN : Passage à Niveau
➢ PSN : Programme de Sécurisation National [des PN]
➢ RD : Route Départementale
➢ SAL 2 : Passage à niveau à Signalisation Automatique Lumineuse et sonore complété de deux demi-
barrières automatiques
➢ TE : Transport Exceptionnel
➢ TER : Train Express Régional
➢ TGV : Train à Grande Vitesse
➢ VL : Véhicule Léger

Bordereau documentaire

Organisme auteur : Bureau d’Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT)

Titre du document : Rapport d’enquête technique sur la collision entre un train express régional et un ensemble
routier surbaissé survenue le 16 octobre 2019 sur le passage à niveau n° 70 à Boulzicourt (08)
Affaire n° BEATT-2019-14

N° ISRN : EQ-BEAT--20-11--FR

Proposition de mots-clés : passage à niveau, collision, transport exceptionnel


SOMMAIRE
SYNTHÈSE....................................................................................................................................4

1 - LES CONSTATS IMMÉDIATS ET L’ENGAGEMENT DE L’ENQUÊTE.................................6


1.1 - Les circonstances de l’accident........................................................................................6
1.2 - Le bilan humain et le bilan matériel..................................................................................8
1.3 - L’engagement et l’organisation de l’enquête....................................................................8

2 - LE CONTEXTE DE L’ACCIDENT...........................................................................................9
2.1 - Les conditions météorologiques.......................................................................................9
2.2 - Le passage à niveau n° 70...............................................................................................9
2.3 - La réglementation de la circulation des convois exceptionnels.....................................15
2.4 - La ligne ferroviaire entre Charleville-Mézières et Reims................................................16

3 - LE COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES...........................................17


3.1 - L’état des lieux après l’accident......................................................................................17
3.2 - Les résumés des témoignages.......................................................................................18
3.3 - Le convoi routier et les conducteurs de ce convoi.........................................................24
3.4 - Le train et son conducteur..............................................................................................34
3.5 - L’analyse de plusieurs accidents impliquant un convoi exceptionnel et un passage à
niveau.......................................................................................................................................39

4 - L’ANALYSE DU DÉROULEMENT DE L’ACCIDENT ET DE L’INTERVENTION DES


SECOURS....................................................................................................................................40
4.1 - Le contexte local.............................................................................................................40
4.2 - Le déroulement de l’accident..........................................................................................40
4.3 - L’alerte et l’organisation des secours.............................................................................43

5 - L’ANALYSE DES CAUSES ET DES FACTEURS ASSOCIÉS, LES ORIENTATIONS


PRÉVENTIVES.............................................................................................................................44
5.1 - Le schéma des causes et des facteurs associés...........................................................44
5.2 - Les causes de l’accident et les facteurs associés..........................................................45
5.3 - L’identification d’orientations préventives dans la situation post-accident.....................45
5.4 - L’enjeu de la préparation et de la reconnaissance d’un itinéraire adapté au convoi
exceptionnel.............................................................................................................................46
5.5 - La perte de la radio sol-train suite à la collision.............................................................52

ANNEXES....................................................................................................................................55
Annexe 1 : Décision d’ouverture d’enquête.............................................................................56
Annexe 2 : Principales références utilisées dans ce rapport...................................................57
Annexe 3 : Réglementation sur la circulation des convois exceptionnels...............................58
Synthèse
Le mercredi 16 octobre 2019, à 16 h 12, le Train Express Régional n° 840 808 en
provenance de Charleville-Mézières et à destination de la gare de Champagne-Ardenne
TGV, a percuté un ensemble routier surbaissé arrêté sur le passage à niveau n° 70 sur la
commune de Boulzicourt. Ce PN est équipé d’une signalisation automatique lumineuse et
sonore avec deux demi-barrières.
Le TER, qui circulait au moment du choc à la vitesse de 120 km/h, a déraillé mais ne s’est
pas renversé. Parmi les 63 occupants du train, 11 ont été blessés légèrement.
Le conducteur du convoi exceptionnel, qui était hors de son véhicule au moment du choc,
a également été légèrement blessé.
La cause directe de l’accident est l’arrêt du convoi exceptionnel surbaissé sur le
passage à niveau par son conducteur afin qu’il descende de sa cabine et
manœuvre les systèmes hydrauliques de la semi-remorque pour augmenter la
garde au sol du convoi.

Plusieurs facteurs ont pu jouer un rôle dans la survenance de l’accident :


➢ le conducteur du convoi exceptionnel et le conducteur du véhicule pilote
l’accompagnant n’ont ni préparé, ni demandé d’autorisation, ni reconnu, ni suivi un
itinéraire adapté et autorisé à un convoi possédant de telles caractéristiques ;
➢ le conducteur du convoi exceptionnel n’a pas augmenté en amont du PN la garde au
sol de son convoi au maximum de ses capacités.

Fort heureusement, le train a heurté le convoi routier au niveau le plus fragile de la


structure, le col de cygne de la semi-remorque, réduisant la gravité des blessures des
occupants du train. La présence d’un véhicule pilote n’a pas permis de faciliter ce
transport exceptionnel, dont le conducteur était de nationalité allemande, étranger à la
langue et aux procédures françaises.

L’organisation, la préparation et la réalisation de ce transport exceptionnel ont été


déficientes par manque d’outils adaptés et de respect des simples règles du Code de la
route.

Au vu de ces éléments, le BEA-TT formule une recommandation adressée à la délégation


à la sécurité routière sur les informations fournies par l’État aux transporteurs routiers
relatives aux itinéraires que peuvent emprunter les convois exceptionnels :
Recommandation R1 adressée à la délégation à la sécurité routière (DSR) :

Dans la suite de la mise en ligne du nouvel outil cartographique présent sur le site
internet Géoportail :
➢ mettre à jour les coordonnées des gestionnaires à prévenir avant le passage du
convoi ;
➢ n’afficher que les prescriptions générales et particulières associées à chaque section
visualisée ;
➢ réaliser un calculateur d’itinéraires adapté aux convois exceptionnels, qui identifierait
les points singuliers à traverser, notamment les passages à niveau.

Le BEA-TT invite les parties prenantes à mettre à jour les coordonnées que les
transporteurs doivent utiliser pour prévenir du passage des convois exceptionnels.

4
Le BEA-TT invite les gestionnaires des infrastructures routières et des ouvrages à
transmettre à la délégation à la sécurité routière les coordonnées de contact à jour
auxquelles les transporteurs de convois exceptionnels doivent se référer pour prévenir
de leur passage, en privilégiant des coordonnées génériques, comme des adresses de
messagerie électronique d’unité, plutôt que des coordonnées individuelles.

Le BEA-TT formule également une invitation relative au retour d’expérience de cet


accident.

Le BEA-TT invite la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer


en coordination avec la délégation à la sécurité routière à présenter aux organisations
professionnelles des transports routiers et aux organismes de formation des
accompagnateurs des convois exceptionnels le retour d’expérience relatif à cet
accident, notamment l’usage du téléphone d’alerte en cas d’urgence du passage à
niveau.

De plus, le BEA-TT constate plusieurs similitudes entre les circonstances de cet accident
et ceux du 21 avril 2015 au PN n° 41 à Nangis (77) et du 25 janvier 2011 au PN n° 222 à
Balbigny (42), qui ont chacun d’eux fait l’objet d’une enquête technique du BEA-TT.

Dans le train, la perte de la radio sol-train, résultant de la coupure en énergie de cet


équipement de sécurité suite à la collision, n’est pas une cause de l’accident et n’a pas eu
de conséquence aggravante sur l’accident. Le sur-accident a été évité notamment grâce
à l’action combinée de l’agent de conduite du train accidenté, pourtant physiquement
blessé, et de l’agent de conduite du premier train croiseur.

Dans d’autres circonstances, les conséquences auraient pu être encore plus graves ;
c’est pourquoi le BEA-TT, dans une approche préventive, formule également une
recommandation adressée à SNCF Voyageurs sur l’étude de l’installation à bord des
trains d’un équipement autonome en énergie et automatique de déclenchement et
d’émission d’une alerte à destination des trains environnants lorsqu’un train subit un choc.
Recommandation R2 adressée à SNCF-Voyageurs (SNCF-V) :
Étudier la faisabilité de l’implantation, à bord des trains AGC, d’un système autonome en
énergie et automatique, qui, à la suite d’un choc, déclenche et émet une alerte à
destination du centre opérationnel de gestion de la circulation (COGC) associé à la ligne
d’exploitation, afin que celui-ci adapte les circulations des trains environnants.

Le sujet peut concerner l’ensemble des acteurs du système ferroviaire et notamment


différents types de matériels roulants.
Le BEA-TT invite l’EPSF à accompagner les échanges entre les entreprises ferroviaires,
les gestionnaires des infrastructures ferrées, les constructeurs des matériels roulants et
les équipementiers, pour faire émerger les lignes directrices d’un système autonome et
automatique d’alerte qui pourraient devenir une spécification technique recommandée
pour tout type de matériel.

Des modifications dans les gestes métiers des conducteurs ont été réalisées suite à cet
accident, avec notamment l’intégration dans les téléphones mobiles professionnels des
conducteurs d’un numéro prédéfini pour faciliter l’accès au service en charge de la
gestion des circulations, ainsi que l’ajout dans le référentiel des conducteurs d’un
nouveau geste métier de déclenchement de l’alerte radio.
Le BEA-TT invite les autres entreprises ferroviaires et gestionnaires d’infrastructures
ferroviaires à étudier l’opportunité de réaliser des mesures similaires.

5
1 - Les constats immédiats et l’engagement de l’enquête

1.1 - Les circonstances de l’accident


Le mercredi 16 octobre 2019, à 16 h 12, le Train Express Régional (TER) n° 840 808 en
provenance de Charleville-Mézières et à destination de la gare de Champagne-Ardenne
TGV, avec 63 personnes à bord, a percuté un convoi exceptionnel sur le passage à
niveau n° 70 situé sur la commune de Boulzicourt dans les Ardennes. Ce convoi était
composé d’un tracteur routier et d’une semi-remorque surbaissée transportant une
machine agricole et il bénéficiait d’un accompagnement par un véhicule pilote.

Figure 1 : plan de situation de l’accident, à l’échelle de la région


carte Géoportail-IGN, légendée BEA-TT

Figure 2 : plan de situation de l’accident, à l’échelle de la commune


carte Géoportail-IGN, légendée BEA-TT

6
Figure 3 : plan de situation de l’accident, vue aérienne
vue aérienne Géoportail-IGN, légendée BEA-TT

Figure 4 : la cabine du tracteur, la machine agricole transportée et l’avant du train après l’accident
photos SNCF

7
1.2 - Le bilan humain et le bilan matériel
Cette collision a occasionné des blessures légères à 12 personnes : l’agent de conduite
du train, 10 passagers du train et le conducteur de l’ensemble routier.

La semi-remorque surbaissée du convoi exceptionnel a été coupée en deux, le tracteur


routier a été détruit, la machine agricole transportée n’a pas été heurtée.

Le train, fortement endommagé, a déraillé mais est resté à cheval sur sa voie, en
engageant le gabarit de la voie de circulation voisine.

Les installations du passage à niveau et l’infrastructure ferroviaire, notamment un poteau


caténaire, des traverses, le ballast et des équipements électriques ont été
endommagées. De nombreux débris, parfois de masse importante, ont été projetés sur
les terrains des riverains, endommageant des constructions mais épargnant les
habitations.

La circulation ferroviaire a été totalement interrompue sur les deux voies. Elle a été
rétablie le vendredi 18 octobre, soit deux jours après la collision, à vitesse réduite, puis, le
lundi 28 octobre à vitesse normale.

1.3 - L’engagement et l’organisation de l’enquête


Au vu des circonstances de cet accident, le directeur du bureau d’enquêtes sur les
accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert le 18 octobre 2019 une enquête
technique en application des articles L. 1621-1 à L. 1622-2 et R. 1621-1 à R. 1621-26 du
Code des transports.

Les enquêteurs du BEA-TT ont contacté les autorités judiciaires. Ils se sont rendus sur
place et ont rencontré les enquêteurs de la Gendarmerie nationale et les représentants
de SNCF Réseau, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, et du conseil départemental
des Ardennes, gestionnaire de l’infrastructure routière.

Ils ont examiné le train impliqué ainsi que les épaves du tracteur routier et de la
semi-remorque surbaissée.

Ils ont recueilli le témoignage de l’agent de conduite du train impliqué, de celui du premier
train croiseur, du responsable régional de la sécurité des passages à niveau, mais aussi
d’une passagère du train et des responsables techniques nationaux du matériel
ferroviaire travaillant au technicentre de Nevers de SNCF Voyageurs. Ils ont analysé les
témoignages du conducteur du tracteur routier, du conducteur du véhicule pilote ainsi que
des responsables hiérarchiques de ces deux conducteurs.

Ils se sont entretenus avec les personnes responsables de la supervision nationale du


réseau de télécommunication « radio sol-train » de SNCF Réseau.

Ils ont disposé de l’ensemble des pièces et documents nécessaires à leurs analyses,
notamment le dossier de l’enquête de flagrance diligentée par le procureur de la
République et menée par la brigade de recherches de Sedan de la Gendarmerie
nationale.

8
2 - Le contexte de l’accident

2.1 - Les conditions météorologiques


Le mercredi 16 octobre 2019 était une journée pluvieuse, avec une température minimale
de 9 °C et une température maximale de 14 °C d’après Météo-France.

Des averses se produisaient, la couche nuageuse recouvrait entièrement le ciel, le soleil


n’était pas visible. Au moment de la collision, les infrastructures routières et ferroviaires
étaient humides.

Aucun phénomène de brouillard n’a été observé au moment de l’accident. La visibilité et


les conditions de conduite étaient correctes.

2.2 - Le passage à niveau n° 70

2.2.1 - Les caractéristiques générales des infrastructures routières


Le passage à niveau n° 70, situé hors agglomération et sur le territoire de la commune de
Boulzicourt, permet la traversée des voies ferrées par la route départementale RD 28A
gérée par le conseil départemental des Ardennes (CD 08). Cette route de desserte locale
relie le village de Champigneul-sur-Vence, situé à 2 km au nord-ouest du PN, à
l’échangeur n° 11 de l’autoroute A34.

La commune de Saint-Pierre-sur-Vence est localisée à quelques mètres à l’ouest du PN.


Le demi-échangeur routier n° 11 avec l’autoroute A34 est situé à environ 150 mètres à
l’est du PN. L’agglomération de Boulzicourt est située encore plus à l’est, de l’autre côté
de l’autoroute.

Figure 5 : vue aérienne des infrastructures à proximité du PN n° 70


vue aérienne Géoportail-IGN , légendée BEA-TT

La vitesse maximale autorisée sur la RD 28A, en l’absence de limitation spécifique, était


de 80 km/h. Toutefois, la configuration des lieux, notamment une faible largeur de la
route, la présence d’un passage à niveau, le profil en long marqué sur le PN et la

9
proximité d’un panneau d’entrée d’agglomération de Saint-Pierre-sur-Vence à quelques
mètres du PN, entraînent des vitesses effectives de franchissement plus faibles.

Sur le PN n° 70, la largeur de la route de 4 m ne permet pas à deux véhicules de se


croiser aisément. Un régime d’alternat règle les priorités et a été mis en place sur le
terrain par l’implantation d’un panneau C18 depuis Saint-Pierre-sur-Vence et d’un
panneau B15 depuis Boulzicourt.

Figure 6 : panneaux C18 (à gauche) et B15 (à droite)


source BEA-TT

Les usagers routiers venant de l’ouest, ce qui est le cas de l’ensemble routier impliqué
dans l’accident, sont prioritaires par rapport aux autres usagers routiers.

De chaque côté d’approche du passage à niveau, la route comporte un virage prononcé.


La longueur de traversée du PN par la route est de 10 mètres. Cette route permet le
franchissement de deux voies ferrées.

Le profil en long de la RD 28A au niveau du passage à niveau est marqué par une
dénivellation significative, consécutive à la présence de voies ferrées en courbe. Ce
passage à niveau est classé comme PN à franchissement difficile.

Nota : Les pointillés jaunes sur la figure suivante ont été ajoutés pour matérialiser le bord
de chaussée et le profil de la route, ils ne sont pas présents sur le terrain.

Figure 7 : illustration du profil en long de la route au droit de ce PN


photo et légende BEA-TT

10
Les véhicules qui empruntent cet axe sont très variés. Des véhicules légers croisent des
poids lourds ou encore des engins agricoles. Les derniers comptages disponibles réalisés
en janvier 2017 indiquent des valeurs de 746 veh/j, dont 4 % de trafic PL, soit une
trentaine de véhicules lourds par jour. La traversée du passage à niveau n’est ni présente
sur un itinéraire de ramassage scolaire, ni, normalement, de convois exceptionnels.

Figure 8 : illustrations de deux catégories de véhicules empruntant le PN n° 70


photos BEA-TT

2.2.2 - Un PN avec difficulté de franchissement pour les véhicules surbaissés


Les résultats de l’étude « TIPULES »1 réalisée par SNCF Réseau ont conduit à
considérer que ce passage à niveau est à franchissement difficile pour les convois à
faible garde au sol. À ce titre, il fait partie de la liste des PN à profil difficile transmise par
SNCF Réseau au conseil départemental des Ardennes en mai 2019 et bénéficie d’une
signalisation routière d’approche particulière.

2.2.3 - La signalisation routière


Le PN n° 70 possède un système de signalisation automatique lumineuse et sonore, avec
quatre feux rouges clignotants, comportant deux demi-barrières (SAL 2).

Le PN comporte également un
téléphone d’alerte en cas d’urgence
reliés aux services dédiés de SNCF
Réseau.

Photo BEA-TT

1 Cette étude permet au gestionnaire des infrastructures ferroviaires de tester le caractère franchissable du
passage à niveau par différents types de véhicules routiers, mais sans tester le cas d’un poids lourd
comportant une semi-remorque.

11
Dans le sens de circulation du convoi routier impliqué dans l’accident, les signaux
suivants sont présents :

➢ en amont du PN :
À 150 m À 100 m À 50 m À 25 m

- panneau de danger A7 qui - panneau de danger


précise la présence d’un AB2 qui indique la - une balise J10 à - un panneau d’indication
passage à niveau muni de présence d’une une bande, C18 qui informe l’usager
barrières et gardé intersection, l’usager positionnée à 50 arrivant par la route du
étant sur la voie mètres en amont du sens prioritaire.
- panonceau « SIGNAL prioritaire (très ancien), passage à niveau.
AUTOMATIQUE »
- une balise J10 à deux
- panneau de danger A2a (de bandes qui indique la
gamme plus petite) qui indique présence du passage à
la présence d’une dénivellation niveau 100 mètres en
sur la route aval
- panonceau M9z
« VÉHICULES SURBAISSÉS
ATTENTION »

- une balise J10 à trois bandes


positionnée habituellement
150 m en amont du PN

➢ au droit du PN :

À gauche : un panneau
« DÉFENSE ABSOLUE DE
TOUCHER AUX FILS
ÉLECTRIQUES MÊME TOMBÉS
A TERRE – DANGER DE À droite : un signal composé d’un feu clignotant rouge, une sonnerie,
MORT » en raison de l’éventuelle une demi-barrière avec la lisse peinte en blanc et rouge. La ligne
chute des fils de la caténaire. ferroviaire étant à voies multiples, un panonceau « UN TRAIN PEUT EN
CACHER UN AUTRE » complète le dispositif.

12
➢ après les voies ferrées, à gauche dans le sens de circulation du PL :

un feu clignotant rouge

2.2.4 - Les caractéristiques générales du passage à niveau


Ce passage à niveau est situé dans un environnement péri-urbain peu dense. Dans le
sens de circulation du convoi routier, le PN survient après un virage à droite à la limite
des terrains construits.

Figure 9 : photo du virage à droite précédant le PN


photo et légende BEA-TT

Au moment de l’accident, ce passage à niveau ne figurait pas sur la liste2 des 153 PN
inscrits au 21 novembre 2019 au programme de sécurisation national (PSN), établie par
l’instance de coordination de la politique nationale d’amélioration de la sécurité des
passages à niveau (INPN).

Deux voies ferrées électrifiées traversent le PN n° 70. La hauteur du fil de contact de la


caténaire par rapport à la chaussée étant supérieure à 6 mètres, le PN ne fait pas l’objet
de dispositions particulières en termes de signalisation routière de limitation de gabarit en
hauteur.

2 Cette liste peut être téléchargée sur le site internet du ministère des transports.

13
Le moment de circulation du PN3 est de 26 110.

En application du programme d’actions pour le traitement de la sécurité des passages à


niveau décidé par le Gouvernement en 2008, le PN n° 70 a fait l’objet d’un diagnostic de
sécurité en date du 19 avril 2018. Ce diagnostic, réalisé en commun par le conseil
départemental des Ardennes et SNCF Réseau signale :
➢ que l’interdiction de franchissement du PN par des véhicules surbaissés est
matérialisée par des panneaux de signalisation ;
➢ que le PN est proche d’un ouvrage d’art de franchissement d’un cours d’eau ;
➢ qu’un dos d’âne est présent mais qui est présenté comme sans possibilité de
diminution de la hauteur, compte tenu de la présence des voies ferrées dans une
courbe4.

Dans le sens de circulation et sur la voie empruntée par le train impliqué dans l’accident,
le déclenchement de la fermeture du passage à niveau se fait par le franchissement des
détecteurs « pédales d’annonce » situés à environ 1 335 mètres en amont du PN. Le
délai d’annonce5 est de 32 secondes pour un train roulant à la vitesse maximale
autorisée, alors que le délai minimal réglementaire pour un PN à SAL 2 est de
20 secondes6.

Pour un train en approche du PN n° 70, cette infrastructure sera visible environ à


250 mètres, compte tenu de la courbe de la voie ferrée, dont le rayon est proche de
900 mètres. À une vitesse maximale de 140 km/h, cette distance sera parcourue en un
peu plus de six secondes.

Figure 10 : photo de la courbe à gauche de la voie ferrée 260 mètres avant le PN


photo et légende BEA-TT

3 Le moment de circulation est le produit arithmétique du nombre moyen journalier, calculé sur l’année, des
circulations ferroviaires par le nombre moyen journalier des circulations routières également calculé sur
l’année (cf. article 8 de l’arrêté du 18 mars 1991 relatif au classement, à la règlementation et à
l’équipement des passages à niveau).
4 Nota : la présence d’une dénivellation entre les deux rails résulte de la nécessité, pour faire tourner un
train, de contrer la force centrifuge qui l’entraînerait vers l’extérieur de la courbe. En tenant compte du
confort des voyageurs et de la vitesse de circulation des trains, la solution consiste à relever plus ou
moins le rail extérieur.
5 Le délai d’annonce est le temps entre le début de la séquence de fermeture, comprenant l’allumage des
feux rouges clignotants et l’activation de la sonnerie, et l’arrivée effective de la tête de train sur le PN.
6 Délai fixé réglementairement par l’article 10 de l’arrêté du 18 mars 1991 modifié.

14
2.3 - La réglementation de la circulation des convois exceptionnels
L’ensemble routier immobilisé sur le PN n° 70 est considéré du point de vue du Code de
la route comme un convoi exceptionnel compte tenu de ses caractéristiques
dimensionnelles et pondérales. D’une masse comprise entre 48 et 72 tonnes, d’une
largeur entre 3 et 4 mètres, d’une longueur totale inférieure à 25 mètres, ce convoi était
de deuxième catégorie7.

Les paragraphes suivants exposent l’analyse du BEA-TT sur le convoi accidenté. Les
éléments complémentaires relatifs à la réglementation sont placés en annexe 3.

2.3.1 - Les acteurs impliqués dans la circulation d’un convoi exceptionnel


Dans le cas de l’accident étudié dans ce rapport, il apparaît que la société de transport
est basée en Allemagne, que celle assurant l’accompagnement du convoi est basée en
France, et qu’aucune désignation formalisée d’un chef de convoi, parmi le conducteur du
véhicule d’accompagnement et le conducteur du poids lourd, par le transporteur n’a été
retrouvée par les enquêteurs.

2.3.2 - Les règles de circulation des TE de deuxième catégorie


Le transporteur possédait une autorisation permanente de circulation sur le réseau routier
national appelé « TE72 », avec un raccordement concernant un lieu de chargement
différent de celui du jour de l’accident. La RD 28 A est une route exclue du réseau TE72.

Le transporteur ne possédait pas d’autorisation sur un itinéraire précis. Le transporteur


n’a pas respecté la signalisation de police et d’avertissement présente en amont du
passage à niveau, alors que les convois exceptionnels doivent s’y conformer.

Il n’a procédé ni à une reconnaissance préalable de l’itinéraire, alors que la


réglementation l’impose, ni à la prévenance des gestionnaires routiers et ferroviaires
avant son passage.

2.3.3 - Les règles de franchissement des passages à niveau par un TE


Le transporteur n’a pas respecté l’obligation de s’assurer qu’il pouvait franchir le passage
à niveau en 7 secondes. Il n’a pas pris l’attache du gestionnaire des infrastructures
ferroviaires pour étudier les capacités de franchissement de son convoi.

Les enquêteurs du BEA-TT notent que le PN n° 70 était à franchissement difficile et que


la signalisation routière particulière composée d’un panneau de danger A2a indiquant une
dénivellation sur la route et d’un panonceau M9z, était en place au moment de l’accident.

Figure 11 : panneau A2a avec un panonceau M9z en approche du PN n° 70

7 La réglementation définit trois catégories de transports exceptionnels selon leurs caractéristiques


dimensionnelles et pondérales.

15
2.4 - La ligne ferroviaire entre Charleville-Mézières et Reims
L’accident s’est produit sur le passage à niveau n° 70 situé au point kilométrique (PK)
132+153 de la ligne ferroviaire n° 205 000 qui relie Soissons (02) à Givet (08) en passant
par Reims (51) et Charleville-Mézières (08).

La section de ligne où s’est produite la collision comporte deux voies électrifiées en


25 kV. Elle supporte des circulations de trains de voyageurs et des trains de fret avec une
vitesse maximale autorisée fixée à 140 km/h pour les trains de voyageurs.

Chaque jour, 35 trains circulent sur cette ligne dans les deux sens 8 au niveau du
PN n° 70.

Les gares les plus proches du lieu de la collision où travaillent des agents de la circulation
du gestionnaire d’infrastructure ferroviaire SNCF Réseau sont Amagne-Lucquy (08)
située à 10 km au sud et Mohon (08) située à 5 km au nord du PN n° 70.

Les communications entre les trains et les agents de la circulation de SNCF Réseau
utilisent un système de radio sol-train de technologie GSM-R (Global System for Mobil
communication for Railway) indépendant des réseaux publics de téléphonie mobile.

Figure 12 : plan de situation de l’accident, du point de vue ferroviaire


fond de carte Géoportail-IGN, légendé BEA-TT

8 Source SNCF (base de données ARMEN)

16
3 - Le compte rendu des investigations effectuées

3.1 - L’état des lieux après l’accident


Le train arrivant du nord-est a percuté l’ensemble routier au niveau des essieux arrière du
tracteur routier. Le TER, après l’activation du freinage d’urgence, s’est arrêté 380 mètres
en aval du passage à niveau, après avoir déraillé.

Sous le choc, la cabine et le châssis du poids lourd se sont désolidarisés et ont été
projetés sur la gauche de la voie ferrée dans le sens de circulation du train, le châssis
venant percuter un poteau supportant une caténaire. Le col de cygne, partie avant de la
semi-remorque, s’est détaché de l’arrière de la semi-remorque. Il a été projeté plusieurs
mètres en aval du passage à niveau, en contrebas du talus à droite dans un terrain d’un
riverain. L’arrière de la semi-remorque, resté sur le passage à niveau, a légèrement
pivoté et portait toujours l’engin agricole.

Figure 13 : photo illustrant les positions finales du VL et du TER après le choc


image initiale Gendarmerie nationale, légendée BEA-TT

Quant au véhicule pilote du convoi, son conducteur indique l’avoir positionné au niveau
de l’échangeur n° 11 de l’autoroute A34, pour stopper la circulation des véhicules en
direction du passage à niveau.

17
3.2 - Les résumés des témoignages
Les résumés des témoignages sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des
déclarations orales ou écrites dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les
éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l’analyse des
événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre
les différentes déclarations ou entre ces déclarations et des constats ou des analyses
présentés par ailleurs.

3.2.1 - Le conducteur de l’ensemble routier surbaissé


De nationalité allemande, habitant en Allemagne et titulaire du permis CE, il n’est pas
familier de l’itinéraire emprunté. Il ne parle ni le français ni l’anglais et ne comprend pas
ces deux langues. Avec le conducteur du véhicule pilote, il communique par des mots
simples « en langage d’un bébé anglophone ».

Employé de la société de transport allemande depuis cinq mois, il déclare connaître son
matériel et son fonctionnement.

Chargée près de Reims le matin du jour de l’accident, la machine agricole doit être livrée
en Allemagne via la Belgique. Le matin de l’accident, lui et le conducteur du véhicule
pilote ont identifié l’itinéraire à suivre à partir d’une carte au format papier fournie par le
conducteur du véhicule pilote.

Après un arrêt de plusieurs heures du convoi suite à la fermeture de la route en lien avec
à un accident routier pour lequel le convoi routier est totalement étranger, le convoi
repart. Il indique avoir eu au moins une fois des doutes sur l’itinéraire suivi, compte tenu
des difficultés à manœuvrer dans certains virages serrés.

Il précise ne pas avoir été averti au préalable par le conducteur du véhicule pilote de la
difficulté à franchir le passage à niveau n° 70, mais indique que ce dernier lui a fait signe
d’agir sur les suspensions pour rehausser la garde au sol.

Il déclare avoir, depuis le poste de conduite, rehaussé la garde au sol de l’arrière du


tracteur routier avant de s’engager sur le passage à niveau. Après avoir franchi très
lentement les premiers mètres du PN, il estime qu’il est nécessaire de rehausser
également la semi-remorque. Il stoppe donc le convoi pourtant situé sur les voies ferrées,
descend de sa cabine et actionne le système hydraulique au niveau du col de cygne.

Pendant cette manœuvre, il entend la sonnerie du PN et voit les barrières se fermer. Il


entend alors le train qui sort de la courbe et a juste le temps, en courant, de quitter le PN
avant le choc.

Le conducteur du PL a été physiquement légèrement blessé lors de l’accident et a été


marqué psychologiquement par la collision.

Les dépistages de l’alcoolémie et de l’usage de produits stupéfiants auxquels il a été


soumis se sont révélés négatifs.

3.2.2 - Le conducteur du véhicule pilote du convoi routier


De nationalité française, habitant en Loire-Atlantique et titulaire d’un permis de conduire B
valide, il travaille dans l’entreprise de guidage de convois exceptionnels, basée en
France, depuis quatre ans. Il a suivi une formation initiale de cinq jours pour assurer ce
type de mission.

Il n’est pas familier de l’itinéraire emprunté.

18
Le jour de l’accident, après avoir passé la nuit dans son véhicule, il s’était réveillé plus tôt
que prévu afin de terminer une escorte d’un autre convoi dans la région. Cette mission
matinale avait débuté à 5 h.

Une fois cette première mission terminée, il arrive vers 9 h au lieu de rendez-vous avec le
conducteur du convoi impliqué dans l’accident. En une dizaine de minutes, ils définissent
ensemble l’itinéraire qui sera suivi pour assurer le déplacement, en se basant uniquement
sur la carte nationale de 2e catégorie « 2TE48 » qu’il possède dans le véhicule pilote.

Pendant le voyage, il est en liaison constante par radio avec le conducteur du PL. Il
confirme pourtant ne pas parler de langue commune avec le conducteur du poids lourd.

Il précise bien n’avoir « aucune responsabilité » vis-à-vis de l’ensemble routier escorté


puisqu’il « ne fait que l’escorter et lui ouvrir la route ». « Chaque chauffeur sait ce qu’il a
à faire et se doit de respecter les différents arrêtés ».

Après un début de trajet sans difficulté, il confirme l’arrêt du convoi suite à un autre
accident. Avant de repartir il a demandé aux gendarmes présents si le convoi pouvait
emprunter la section de l’autoroute A34 parallèle à la route départementale initialement
prévue. Un gendarme a répondu que seuls les véhicules de moins de 4 mètres de haut
pouvaient emprunter cette section d’autoroute. D’après le conducteur du poids lourd qu’il
interroge à ce moment-là, le convoi mesure 4,30 mètres de haut. Le conducteur du
véhicule pilote reconnaît ne pas avoir consulté les services de l’État pour convenir de la
suite du parcours9 après cet arrêt imprévu.

Vers 15 h 20, le convoi est reparti. Il déclare avoir pensé suivre son itinéraire prévu qui
empruntait la RD 951. Il est conforté dans cette idée en retrouvant la mention de cette
route sur des panneaux de signalisation situés en aval du PN n° 70. Les virages serrés
de l’itinéraire ne l’ont pas surpris.

Une centaine de mètres avant le PN n° 70, il a arrêté le convoi et a indiqué au conducteur


du poids lourd la présence du passage à niveau. Il lui a demandé, en faisant des gestes,
d’augmenter la garde au sol de l’ensemble routier. Le conducteur du PL lui a répondu
« OK ».

Il déclare ne connaître ni les procédures particulières à mener avant de franchir un


passage à niveau, d’autant plus pour un PN à profil difficile, ni la durée maximale de
franchissement des passages à niveau de 7 secondes, imposée par l’arrêté du
4 mai 2006 dans son article 12. Il précise que « je n’ai pas de procédure particulière à
mettre en place. C’est du bon sens. ».

Il déclare avoir entendu le train siffler et avoir vu la collision en regardant dans son
rétroviseur. Il n’a pas été blessé lors de l’accident.

Les dépistages de l’alcoolémie et de l’usage de produits stupéfiants auxquels il a été


soumis se sont révélés négatifs.

9 Cette obligation est prévue par la réglementation, selon les dispositions de l’article 18 de l’arrêté du
4 mai 2006 relatif aux transports exceptionnels. L’appel aux forces de l’ordre ou au service des transports
exceptionnels fait partie des enseignements reçus dans leur formation initiale par les accompagnateurs en
cas de perte de l’itinéraire ou d’arrêt imprévu sur l’itinéraire.

19
3.2.3 - Le conducteur du train express régional impliqué dans l’accident
Entré à la SNCF en 1995, il est conducteur de ligne depuis plus de 20 ans et titulaire
d’une licence de conducteur de train. Il est habilité à la conduite d’engins sur la section
entre Charleville-Mézières et Reims depuis 1997 et habilité sur ce matériel roulant depuis
2007.

Le jour de l’accident, il débute son service à 14 h 32. Le train n° 840 808 reliant Sedan à
Champagne-Ardenne TGV via Charleville-Mézières roule à l’heure à la vitesse de
140 km/h en approchant de Boulzicourt.

À la sortie de la dernière courbe à environ 250 avant le PN n° 70, il découvre le convoi


exceptionnel arrêté sur le PN. Il déclenche le freinage d’urgence du train et actionne le
sifflet une première fois. Son attention est focalisée sur le conducteur du tracteur routier
descendu sur les voies ferrées.

Ne constatant aucune réaction de la part du conducteur du poids lourd, il actionne donc


une deuxième fois le sifflet du train pour « tenter de sauver la vie de cette personne ». Le
conducteur du PL se retourne et plonge hors des voies.

Le conducteur du train quitte son siège et se réfugie derrière celui-ci, en position


accroupie. Le choc très violent l’a projeté dans la cabine de conduite.

En se relevant après l’arrêt de la rame, le conducteur regarde par la fenêtre latérale droite
de la cabine et constate que son train a déraillé et qu’il engage l’autre voie. Il essaie alors
d’envoyer le signal d’alerte radio mais celui-ci ne fonctionne plus. Il constate que la
cabine, comme l’ensemble du train, n’est plus alimentée en énergie électrique.

L’unique objectif du conducteur est alors d’éviter le sur-accident par la collision avec un
éventuel train croiseur. Bien qu’étant blessé à la jambe, il sort rapidement de la rame,
allume une torche à flamme rouge et se rend à la distance de couverture d’obstacle de
1 500 m le plus vite possible.

Sur le trajet, il utilise son téléphone portable professionnel pour appeler un correspondant
à la gare de Charleville-Mézières afin de lancer l’alerte, dans le but d’arrêter la circulation
des trains.

Au bout de 8 minutes de fonctionnement, le combustible de la torche est épuisé, il


l’abandonne donc sur la voie et, n’ayant parcouru que la moitié du chemin, il poursuit sa
course.

Arrivé quasiment à la distance de couverture d’obstacle, il reçoit l’information que la zone


de l’accident est dorénavant protégée par la signalisation ferroviaire, mais il n’a pas
d’information sur la présence d’un éventuel train croiseur qui aurait déjà franchi les
signaux ferroviaires. Conformément à la procédure, il pose les trois pétards à griffe sur
les rails de la voie voisine et retourne vers sa rame en appelant le responsable de son
service d’astreinte.

À son arrivée vers son train, il aide les agents SNCF, les pompiers et les forces de l’ordre
arrivés entre temps à évacuer les passagers.

Le conducteur du train a été légèrement blessé et marqué psychologiquement suite à cet


accident.

Les dépistages de l’alcoolémie et des produits stupéfiants auxquels il a été soumis se


sont révélés négatifs.

20
3.2.4 - Les passagers du train express régional impliqué dans l’accident
Le sifflet du train longuement utilisé a été entendu. Combiné au début du freinage
d’urgence, il a engendré le sentiment auprès de certains passagers que quelque chose
d’inhabituel allait arriver.

Plusieurs passagers ont vu le convoi routier bloqué sur le PN.

Les passagers situés à l’avant de la rame soulignent la violence du choc, ceux à l’arrière
n’ont parfois que très peu ressenti le choc. Plusieurs passagers à l’avant du train ont reçu
des éclats de verre résultant de la destruction de plusieurs parois intérieures, les vitres
extérieures du train ont été fissurées mais n’ont pas cédé.

Certains décrivent un début de panique puisque certains passagers craignaient que le


train ait commencé à prendre feu.

Le déraillement du train n’a globalement pas été perçu.

Plusieurs passagers indiquent avoir voulu briser les vitres des fenêtres, à mains nues ou
avec les marteaux brise-vitre, mais ne pas y être parvenus. Certains expliquent que
l’ouverture de secours des portes n’a pas fonctionné, et qu’à un moment les portes ont
fini par s’ouvrir sans action particulière d’un passager.

Si certains passagers ont cherché à évacuer la rame côté entre-voies, d’autres leur ont
indiqué que pour des raisons de sécurité, il fallait évacuer côté piste, soit à l’extérieur des
voies ferrées. La dénivellation entre le plancher de la rame et le sol a pu présenter une
difficulté pour l’évacuation, sans toutefois être insurmontable.

Ayant évacué la rame, ils se sont rassemblés à quelques mètres du train, à l’abri des
arbres, car il pleuvait. Certains passagers craignaient que le train n’explose.

Le risque d’une collision par un train croiseur n’a pas été évoqué dans les témoignages.
Certains passagers sont même retournés à bord du train pour récupérer des effets
personnels.

Ils expliquent avoir prévenu les secours en appelant le 18 ou le 112 grâce à leurs
téléphones mobiles.

Aucun témoin n’indique avoir utilisé le téléphone d’urgence du passage à niveau. Un seul
passager s’est rendu jusqu’au PN et est revenu.

3.2.5 - Les riverains et les témoins du trajet emprunté par le convoi routier
Ce convoi a été identifié sur la RD 951, au nord de la commune de Poix-Terron, puis a
été aperçu par plusieurs témoins circulant en direction du nord sur la route communale
C5 entre les communes de Guignicourt-sur-Vence et Saint-Pierre-sur-Vence. Cette route
est pourtant interdite aux véhicules de plus de 3,5 tonnes et comporte la signalisation
adaptée.

Au moment du choc, le sifflet utilisé par le train pour prévenir de son arrivée a été
clairement entendu par des riverains, et la fumée dégagée par la torche à flamme rouge
utilisée par le conducteur du train impliqué a été aperçue par au moins un d’entre eux.

21
Figure 14 : signalisation de police d’interdiction aux véhicules de plus de 3,5 tonnes sur la VC5
photo et légende BEA-TT

3.2.6 - Le conducteur du premier train croiseur


Nota : il est apparu dans les investigations que plusieurs trains croiseurs circulaient en
direction du PN n° 70. Au moment de la collision, ce premier train croiseur, du même
modèle que le train impliqué dans l’accident et à énergie exclusivement électrique, est
situé à environ 7 km du passage à niveau. Il s’arrêtera à environ 3 km du train accidenté.

Après avoir passé la ville de Rethel, circulant alors à la vitesse de 137 km/h, il a constaté
une coupure de tension électrique sur la caténaire. Comme le prévoit la procédure, il a
commandé le freinage du train et a immobilisé la rame au signal d’entrée de la gare de
Poix-Terron, environ à 6 km au sud de la position du train accidenté. Cette distance
pouvait être parcourue en 2 min 34 s à la vitesse de 140 km/h.

Une fois arrêté, il a vérifié visuellement que le pantographe était correctement positionné,
puis il s’est renseigné auprès de l’agent circulation de la coupure électrique. L’agent
circulation, au moment de cet appel, n’était pas encore informé de l’accident.

La tension électrique est revenue, s’est à nouveau coupée, puis est revenue une
deuxième fois. L’agent circulation, n’étant toujours pas informé de l’accident au PN n° 70,
l’a invité à repartir car son objectif était alors de tenter de combler le retard pris pendant
cet arrêt imprévu.

Après le redémarrage de son train, alors en phase d’accélération, la tension de la


caténaire s’est coupée pour la troisième fois. À ce moment, le conducteur du train
croiseur a estimé que la situation n’était pas normale. Il a déclenché un freinage
énergique en cherchant à s’arrêter à un endroit facile d’accès pour mettre en œuvre une
éventuelle évacuation des passagers. Une fois à l’arrêt à environ 3 km du train accidenté
il a vérifié si un problème électrique ne provenait pas de sa rame en abaissant et en
remontant le pantographe. Cette distance pouvait être parcourue en 1 min 17 s à la
vitesse de 140 km/h.

22
Figure 15 : illustration géographique de la situation lors de l’arrêt final du premier train croiseur
fond de carte Géoportail-IGN, légendé BEA-TT

Alors que son train était arrêté depuis plusieurs minutes, il a reçu un message vocal par
la radio sol-train « train 840 811, arrête-toi immédiatement ». Le conducteur a répondu
qu’il était arrêté depuis un moment. Il a ensuite été informé de l’accident et de la mise en
œuvre d’un arrêt de la circulation de longue durée des trains.

Il a activé le mode secours de la batterie afin d’augmenter l’autonomie en énergie de la


rame désormais privée de l’alimentation électrique par la caténaire. Il a géolocalisé son
train grâce à son téléphone portable professionnel et a informé sa hiérarchie et les
secours de sa position. Puis des agents SNCF sont arrivés pour évacuer les passagers
avec les secours.

23
3.3 - Le convoi routier et les conducteurs de ce convoi

3.3.1 - Les caractéristiques du convoi routier


L’ensemble routier, immatriculé en Allemagne, est composé d’un tracteur routier et d’une
semi-remorque surbaissée transportant une machine agricole.

Le tracteur routier

Le tracteur routier est de marque DAF, de modèle XF 510. Sa première immatriculation


date de juin 2015. Son contrôle technique au moment de l’accident était valide. Aucun
dysfonctionnement sur le véhicule n’a été mentionné, que ce soit avant la survenue de
l’accident ou au moment de la collision. Il comporte un chronotachygraphe dont les
données ont pu être exploitées. Ce véhicule comporte trois essieux dont deux essieux
moteurs à roues jumelées. Avec sa motorisation diesel et sa boîte de vitesse
automatique, il possède une puissance de 510 chevaux, une masse à vide de 10 153 kg,
une masse maximale de 26 000 kg et une masse totale roulante autorisée de 68 000 kg.
Il mesure 6,920 m de longueur et 2,550 m de largeur.

Figure 16 : schéma du tracteur routier avec les principales dimensions en mm


source DAF, légendé BEA-TT

Les suspensions pneumatiques du tandem arrière peuvent être réglées en trois


positions : une position basse essentiellement pour les actions de maintenance de
l’engin, une position route en fonctionnement nominal dans laquelle le haut de la sellette
est à une hauteur de 1 280 mm par rapport au sol et une position haute pour franchir
certains points singuliers. La position haute permet de lever l’arrière du véhicule de
+13 cm par rapport à la position route.

24
À l’intérieur de la cabine du camion tracteur, un interrupteur
permet de modifier la position des suspensions des essieux
moteurs sur toute la plage de réglage entre la position
basse et la position haute. Un témoin sur le tableau de bord
indique que la hauteur n’est pas celle de la position
normale de conduite, définie en usine et non paramétrable
par le conducteur.

La semi-remorque

La semi-remorque est de marque FAYMONVILLE, de modèle MEGAMAX et immatriculée


en Allemagne.

Elle comporte des parties amovibles qui permettent d’augmenter ainsi sa largeur de
fonctionnement depuis 2,540 m jusqu’à 3 m.

Sa longueur hors tout est modifiable entre 15,880 m et 21,080 m. Lors de l’examen de ce
véhicule, les enquêteurs du BEA-TT ont constaté qu’elle comportait une rallonge de
1,500 m dans le sens de la longueur.

Figure 17 : schéma de la semi-remorque avec les principales dimensions maximales en mm


source FAYMONVILLE, légendée BEA-TT

À l’avant, un système de fixation par col de cygne amovible permet le chargement et


déchargement des engins transportés.

À l’arrière sont positionnés trois essieux directionnels avec des roues jumelées.

La masse à vide de la semi-remorque est de 15 900 kg, sa masse maximale une fois
chargée est de 46 500 kg.

Ce véhicule se caractérise par une très faible garde au sol, de l’ordre de 15 cm,
modifiable grâce à des systèmes hydrauliques positionnés au niveau du col de cygne à
l’avant de la semi-remorque et au niveau des essieux arrière. La hauteur de l’arrière de la

25
semi-remorque peut ainsi être modifiée de −8 cm à +16 cm par rapport à la position
nominale de roulage en charge.

La hauteur de l’avant de la semi-remorque ne peut


être réglée qu’au niveau des commandes du
système hydraulique situées au niveau du col de
cygne.

La hauteur de l’arrière de la semi-remorque ne peut


être réglée qu’au niveau des commandes du
système hydraulique situées au niveau du train
arrière.

Ce matériel est particulièrement adapté aux transports d’imposants engins de travaux


publics ou engins agricoles.

Sa première immatriculation date de juin 2013. Son contrôle technique au moment de


l’accident était valide. Aucun dysfonctionnement sur le véhicule n’a été mentionné ni par
le propriétaire, ni par le conducteur, que ce soit avant la survenue de l’accident ou au
moment de la collision.

La machine agricole transportée

Le jour de l’accident, une machine agricole servant au ramassage des betteraves est
transportée par l’ensemble routier. Cette machine est de marque GRIMME, modèle
MAXTRON 620. Elle possède en configuration de transport une largeur de 3,300 m, une
longueur de 12,200 m, une hauteur de 4 m et une masse de 29 500 kg. Non heurtée lors
de la collision entre le train et le convoi routier, elle a pu être actionnée depuis sa cabine
de pilotage pour évacuer le passage à niveau.

26
Figure 18 : photo de la machine agricole quittant le PN n° 70 par ses propres moyens
après la collision
source Gendarmerie nationale

L’ensemble routier constitué

L’ensemble routier chargé possède une longueur totale de 21,230 m, une largeur totale
de 3,30 m du fait de son chargement, une faible garde au sol d’environ 0,15 m située au
plus bas de la semi-remorque, une hauteur totale d’environ 4,30 m et une masse totale
de l’ordre de 55 000 kg.

Figure 19 : schéma illustratif de l’ensemble routier avec la longueur exprimée en mm


source BEA-TT

3.3.2 - Les dégâts occasionnés à l’ensemble routier surbaissé


Le point de choc entre le train et l’ensemble routier surbaissé a été identifié grâce au
témoignage du conducteur du train et aux impacts relevés sur les véhicules, au niveau
des deux essieux moteurs du tracteur routier et de la partie avant de la semi-remorque.

L’illustration suivante représente le convoi sur une route plate, alors que dans les faits, le
convoi franchissait un PN dénivelé. Les trois essieux du tracteur étaient en aval du point
haut, en descente, l’arrière de la semi-remorque était en amont du point haut et le train
circulait dans une courbe, les voies étaient à des hauteurs différentes. Seul le
positionnement longitudinal du convoi routier est ici fidèlement représenté.

27
Figure 20 : vue de droite illustrative du positionnement longitudinal des véhicules
au moment de la collision d’après les investigations
source BEA-TT

Le tracteur routier a subi


d’importants dommages
lors du choc. La cabine de
conduite s’est détachée du
châssis.

Figure 21 : vue des dégâts sur la cabine du tracteur routier


photo Gendarmerie nationale, légendée BEA-TT

Les deux essieux moteurs,


le moteur et d’autres
éléments, dont le réservoir
de carburant, se sont
désolidarisés du châssis et
ont été projetés contre un
poteau supportant une
caténaire. La boule de feu
qu’évoquent les témoignages
des passagers du train
résulte probablement de
l’explosion du réservoir de
carburant du tracteur
routier.

Figure 22 : vue des dégâts sur le châssis du tracteur routier


photo Gendarmerie nationale, légendée BEA-TT

28
Le point de choc par le train sur la semi-remorque a été identifié au niveau du pivot
d’attelage et de la sellette. Ces éléments de liaison ont été arrachés du châssis du
tracteur routier. La partie avant de la semi-remorque, située devant le dispositif amovible
du col de cygne, a rompu. La semi-remorque a donc été scindée en deux.

La partie avant a été


projetée plusieurs
mètres en aval du
PN, en contrebas du
talus, dans le jardin
d’un riverain.

La partie arrière de la semi-remorque portant l’engin agricole a été peu endommagée par
le choc. Elle a légèrement ripé, modifiant la position de l’engin agricole transporté, qui,
n’ayant pas été heurté par le train, a pu être évacué du site de l’accident sans dommage.

photo Gendarmerie nationale

29
3.3.3 - Les conséquences pour le véhicule pilote du convoi
Le véhicule pilote, un véhicule utilitaire léger de marque Mercedes et de type Vito, n’était
pas à proximité immédiate du PN au moment de la collision. Aucun dégât n’a été
occasionné sur ce véhicule.

3.3.4 - Le trajet d’approche du convoi routier et l’analyse du chronotachygraphe


Le convoi routier a débuté son trajet par le chargement de l’engin agricole sur la
commune de La Veuve (51), qui devait être livré en Allemagne, suivant ensuite un
itinéraire traversant les départements de la Marne, puis des Ardennes, puis en rejoignant
la Belgique via la ville frontière de Gué-d’Hossus (08). Comme indiqué précédemment, le
trajet suivi a été établi à partir de la carte nationale « 2TE48 » et correspond à l’itinéraire
programmé dans les trois premiers quarts du parcours.

Après l’arrêt forcé, le convoi aurait dû poursuivre, suivant l’itinéraire 2TE48 que suivait le
convoi, sur la RD 951, puis la RD 66, la bretelle d’accès à l’A34 et enfin la section de
l’A34 entre les échangeurs 12 et 11 pour finalement retrouver la RD 951 en sortant à
l’échangeur n° 11, comme l’illustre le trajet en bleu sur la figure suivante.

Mais l’itinéraire suivi, représenté en rouge, diverge au nord de la commune de


Poix-Terron (08). Après être reparti de son arrêt imposé par la fermeture de la RD 951, le
convoi routier est arrivé à l’échangeur n° 12 via la RD 66, mais il n’a pas emprunté la
bretelle d’accès à l’A34.

Figure 23 : illustration en bleu du trajet prévu du convoi et en rouge du trajet réel


carte Géoportail-IGN, légendée BEA-TT

Le conducteur du véhicule pilote indique avoir volontairement évité l’autoroute, car il avait
reçu l’information par un gendarme que cette section de l’A34 était limitée en hauteur à
4 m, alors que la hauteur du convoi était de 4,30 m. Les enquêteurs du BEA-TT ont
vérifié qu’aucune réelle limitation de hauteur ne concerne cette section d’autoroute et
qu’aucun panneau de signalisation ne laisse penser à une éventuelle restriction de
gabarit sur cette autoroute.

Le conducteur du poids lourd indique de son côté ne pas avoir emprunté la bretelle
d’entrée à l’A34, car elle était trop difficile d’accès du point de vue de la giration du
convoi. Le convoi a donc évité l’autoroute A34 et est resté sur la RD 66 pour franchir le
passage supérieur de l’échangeur n° 12. Il a ensuite emprunté la RD 66A et a circulé avec
difficulté dans un virage serré à droite, puis dans un virage serré à gauche.

30
Le convoi a ensuite rejoint la RD 28, est entré dans l’agglomération de Guignicourt-sur-Vence,
il a franchi le PN n° 69 et a traversé le village. Il a tourné à droite et a finalement emprunté
une route communale (VC 5) en direction de Saint-Pierre-sur-Vence, pourtant interdite
aux véhicules de plus de 3,5 tonnes et signalée comme telle.

L’analyse du chronotachygraphe du poids lourd à proximité de l’échangeur n° 12

Même si les capacités de giration du convoi routier sont améliorées grâce à la présence
d’essieux directionnels à l’arrière de la semi-remorque, l’analyse du chronotachygraphe
confirme l’itinéraire suivi par le convoi, notamment en identifiant le franchissement à très
basse vitesse des virages serrés en aval de l’échangeur n° 12 et par le franchissement
du PN n° 69 de Guignicourt-sur-Vence à faible vitesse également.

Figure 24 : illustration en bleu du trajet prévu du convoi et en rouge du trajet réel


carte Géoportail-IGN, légendée BEA-TT

Figure 25 : vitesse du tracteur routier près de l’échangeur n° 12 d’après le chronotachygraphe

31
L’analyse du chronotachygraphe numérique du PL à l’approche du PN n° 70

L’analyse de ces données permet d’identifier de courts arrêts du conducteur du PL peu


avant le franchissement du PN. Ces arrêts peuvent être interprétés, à partir des
déclarations du conducteur du PL, comme des instants de réflexion sur la trajectoire à
suivre pour franchir le passage à niveau, voire des secondes utilisées pour, selon le
conducteur du poids lourd, rehausser les suspensions du tracteur routier.

Figure 26 : vitesse du tracteur routier à l’approche et sur le PN n°70


d’après l’enregistrement du chronotachygraphe

Au début du dernier virage à


droite, 60 mètres avant le PN
n° 70, le poids lourd marque
l’arrêt pendant 6 secondes.

32
L’immobilisation du poids lourd
sur le PN apparaît dans le
chronotachygraphe.

L’analyse du chronotachygraphe du poids lourd pour le franchissement du PN n° 70

Les enquêteurs du BEA-TT ont cherché à évaluer la durée pendant laquelle le poids lourd
est resté arrêté sur le passage à niveau, afin de comprendre s’il s’y est engagé avant que
les feux rouges clignotants ne soient allumés.

L’enregistrement des vitesses du poids lourd par le chronotachygraphe s’arrête à


16 h 13 min 55 s. D’après le témoignage du conducteur du tracteur routier, l’arrêt
d’enregistrement des vitesses ne provient pas du choc avec le train, ce que confirme
l’enregistrement.

Le choc dans le référentiel temporel du chronotachygraphe, identifié par un évènement


relatif à des coupures des circuits électriques du véhicule, se situe à 16 h 14 min. Cet
évènement n’est pas enregistré avec une précision temporelle supérieure à la minute.

33
3.4 - Le train et son conducteur

3.4.1 - Le matériel roulant ferroviaire impliqué


Le train express régional n° 840 808, constitué de deux motrices Z 27 527 en tête au
moment de la collision et Z 27 528 en queue au moment de la collision encadrant une
remorque, est une rame automotrice tri-caisses de type ZGC 27 500.

Fabriquée par le constructeur Bombardier et mise en service en novembre 2005, cette


rame, comme toutes celles assurant le service voyageur TER de cette ligne, est exploitée
par l’entreprise ferroviaire SNCF Mobilités à l’époque de l’accident, devenue SNCF
Voyageurs en 2020.

Ce train est à énergie exclusivement électrique et peut fonctionner sous une tension de
1,5 kV / courant continu ou 25 kV / courant alternatif, comme sur la section de ligne
concernée par l’accident.

D’une masse totale de 125 tonnes et d’une longueur totale de 57,4 mètres, ce train
comporte quatre bogies10.

Les opérations de maintenance sur cette rame ont été réalisées conformément au
référentiel ferroviaire de SNCF Mobilités. Les dernières opérations de maintenance
préventive de sécurité ont été réalisées en avril et juillet 2019. Quelques jours avant
l’accident, la rame a subi un choc avec des sangliers. Elle a été remise en état le
10 octobre 2019.

Enfin, ce matériel a été racheté par la région Grand-Est un mois avant l’accident, ce qui
explique que la rame possédait encore la sérigraphie de la région Normandie, précédent
propriétaire de ce matériel.

Figure 27 : exemple de rame Bombardier série ZGC 27500


photo SNCF

3.4.2 - Le trajet d’approche du train


Le jour de l’accident, le train n° 840 808 a quitté aux heures programmées la gare de
Sedan à 15 h 41, puis celle de Charleville-Mézières à 16 h 05. Aucun élément perturbateur
n’est signalé par l’agent de conduite avant l’accident.

10 Un bogie est un ensemble de 2 essieux et comporte donc 4 roues.

34
Figure 28 : illustration (en bleu) du trajet d’approche du train n° 840 808
fond de plan Géoportail-IGN, légendé BEA-TT

3.4.3 - L’analyse de l’enregistreur de bord


Le poste de conduite du TER n° 840 808 comporte un outil d’enregistrement des
paramètres de conduite11 qui a pu être exploité. Cet outil enregistre des évènements, qui
sont localisés dans l’espace avec une résolution de 10 mètres, et dans le temps avec une
résolution de 2 secondes.

L’analyse des données enregistrées permet d’identifier, dans le référentiel temporel du


train :
➢ le démarrage de la gare de Charleville-Mézières à 16 h 05 min 06 s ;
➢ une vitesse d’approche du PN n° 70 stabilisée à 136 km/h donc inférieure à la vitesse
maximale autorisée de 140 km/h sur cette section de voie ;
➢ la première utilisation du sifflet du train à 16 h 12 min 38 s ;
➢ l’activation du freinage d’urgence du train à 16 h 12 min 38 s, à une vitesse de 136 km/h
et à une distance de 200 m du PN n° 70 ;
➢ une seconde utilisation du sifflet du train à 16 h 12 min 40 s, à une vitesse de 133 km/h
et à une distance de 110 m du PN n° 70 ;
➢ le relâchement de la commande du sifflet à 16 h 12 min 42 s, à une vitesse de 124 km/h
et à une distance de 30 m du PN n° 70 ;
➢ le choc à la vitesse de 120 km/h à 16 h 12 min 42 s.
➢ les données postérieures au choc sont considérées comme inexploitables.

Le freinage d’urgence a donc permis à ce train, qui roulait au début de la séquence à la


vitesse de 136 km/h, de s’arrêter en 580 mètres.

11 L’outil Acquisition et Traitement des Évènements de Sécurité en Statique (ATESS) permet d’étudier a
posteriori les principaux paramètres de la rame et de la conduite afin de comprendre les évènements qui
ont été susceptibles de compromettre la sécurité.

35
Figure 29 : courbe d’évolution de la vitesse du train en fonction de la distance parcourue
reconstitution du BEA-TT d’après les données du train

Aucune mention de l’émission du signal d’alerte lumineuse ou du signal d’alerte radio


n’est présente dans l’enregistreur de bord, ce qui est cohérent avec le témoignage de
l’agent de conduite du train, qui a indiqué que la machine n’a pas pu émettre ces alertes.

3.4.4 - L’analyse des enregistrements de vidéoprotection


La rame est équipée d’un système de vidéoprotection à l’intérieur de l’espace voyageurs.
Toutefois, suite au choc et à la perte en alimentation électrique de la rame, seules les
images antérieures à la collision ont pu être enregistrées par le système. Elles
n’apportent aucune information utile sur le choc ou les évènements postérieurs à la
collision.

3.4.5 - Les dégâts occasionnés au train suite à la collision


La collision entre l’avant de la motrice du TER et l’ensemble routier a provoqué de
nombreux et importants dégâts au train.

L’extérieur de la rame

Le choc s’est produit à l’avant de la motrice de tête. Les trains sont conçus 12 et fabriqués
pour faire face à des scénarios de collision avec d’autres trains ou avec des obstacles sur
les voies, dont des véhicules routiers.

Pour assurer la sécurité des occupants du train, certaines zones de la structure de la


rame sont renforcées pour éviter les déformations à l’intérieur du train ; d’autres zones
sont au contraire conçues pour absorber une partie de l’énergie de la collision, et se
déformer, diminuant d’autant l’énergie transmise aux passagers lors de la collision. Les
photos suivantes mettent en perspective des éléments de sécurité passive d’une motrice
équivalente à celle impliquée dans l’accident, ainsi que les conséquences du choc de
l’accident étudié.

12 Par exemple Norme NF EN 15227 « Applications ferroviaires – Exigences d’aptitude à la collision relatives
aux caisses des véhicules ferroviaires », publiée le 3 juillet 2020

36
Figure 30 : photo de l’avant d’une motrice équivalente et de la motrice accidentée
photos et légende BEA-TT

L’attelage automatique et
le coupleur électrique ont
été détruits.

photo Gendarmerie nationale, légendée BEA-TT

Certaines déformations de la caisse de la rame ont entraîné un déplacement ou une


courbure de certaines vitres extérieures. L’utilisation d’un double vitrage a permis de
préserver l’intérieur de l’espace voyageurs vis-à-vis de ces dégâts.

Côté entre-voies, le ballast projeté sur les vitres extérieures les a fissurées, mais elles
n’ont pas cédé, protégeant ainsi les passagers.

Côté piste, la première paire de portes extérieures n’a pu être ouverte lors de
l’évacuation, car des éléments de l’encadrement ont été déformés suite au choc.

37
L’intérieur de la cabine de conduite

Le pare-brise blindé s’est fissuré


sans céder.
Le capot recouvrant le pupitre s’est
déplacé, éjectant la casquette de
son emplacement qui, dans son
mouvement, a été arrêtée par le
siège du conducteur derrière lequel
il s’était réfugié.

Le conducteur a déclaré avoir


déclenché l’alerte radio, le bouton
d’alerte a été enfoncé.
Cependant, cette commande est
restée sans effet puisqu’aucun
signal d’alerte radio n’a été émis
par la rame.

L’intérieur des espaces voyageurs

La porte coulissante, localisée juste


derrière la cabine de conduite, est restée
coincée suite au choc dans une position
qui ne laisse qu’un espace de 20 cm de
largeur environ.
Cet élément a pu gêner l’évacuation de
certains passagers du train et la sortie de
l’agent de conduite.

Plusieurs parois intérieures vitrées sont


brisées. De nombreux morceaux de verre
et d’autres matériaux sont au sol.
Plusieurs fenêtres ont été cassées suite à
l’action des voyageurs lors du début de la
phase d’évacuation du train.
Plusieurs fenêtres côté voie n’ont pas été
complètement brisées sous l’action des
voyageurs, seule la vitre intérieure a cédé
(photo).

38
3.5 - L’analyse de plusieurs accidents impliquant un convoi exceptionnel
et un passage à niveau

3.5.1 - L’enquête du BEA-TT sur la collision avec un train de marchandises à


Balbigny (42)
Le 25 janvier 2011, peu après 8 h, la semi-remorque d’un convoi exceptionnel transportant
des poutres en acier se bloque sur le passage à niveau n° 222 à Balbigny (42).
L’ensemble routier s’est très probablement engagé sur le PN sans avoir accru au
maximum la garde au sol de la semi-remorque. La collision avec un train de
marchandises engendrera des blessures légères à l’agent de conduite du train et des
dégâts matériels importants. Les recommandations concernent d’une part la modification
de la réglementation sur la circulation des convois exceptionnels, d’autre part la
signalisation des passages à niveau à franchissement difficile et enfin l’information des
professionnels des transports routiers sur les enjeux de franchissement des passages à
niveau par les convois exceptionnels.

3.5.2 - L’enquête du BEA-TT sur la collision avec un train de voyageurs à


Nangis (77)
Le 21 avril 2015 vers 8 h 40, la semi-remorque d’un convoi exceptionnel transportant du
matériel agricole se bloque sur le passage à niveau n° 41 à Nangis (77). Le conducteur
de l’ensemble routier a notamment ignoré des interdictions locales de circulation. La
collision avec un train de voyageurs engendrera des blessures graves à trois personnes,
dont l’agent de conduite du train, ainsi que des blessures légères à 40 autres personnes.
Les dégâts matériels sont très importants. Les recommandations formulées concernent la
modification de la garde au sol du convoi et l’usage du téléphone d’urgence du passage à
niveau.

3.5.3 - La collision avec un train de voyageurs à Caluso en Italie


Le 23 mai 2018 vers 23 h 20, un train régional entre en collision avec un convoi routier
exceptionnel composé d’un tracteur et d’une semi-remorque bloqué à un passage à
niveau à Caluso, près de Turin en Italie. Deux personnes, dont l’agent de conduite du
train décèdent suite à cet accident, et près d’une vingtaine sont blessées. Le rapport
d’enquête établi par la Direzione generale per le investigazioni ferroviarie e marittime est
téléchargeable en italien.

Ces accidents mettent en évidence les enjeux relatifs au repérage et au respect des
itinéraires par les convois exceptionnels routiers, mais également aux actions à mener
sur la signalisation des passages à niveau à franchissement difficile et la formation des
conducteurs des convois.

39
4 - L’analyse du déroulement de l’accident et de l’intervention
des secours

4.1 - Le contexte local


Le mercredi 16 octobre 2019 était une journée pluvieuse, avec une température minimale
de 9 °C et une température maximale de 14 °C d’après Météo-France. Le soleil n’était
pas visible, la couche nuageuse recouvrant entièrement le ciel. Au moment de la collision,
les infrastructures routières et ferroviaires étaient humides, aucun phénomène de
brouillard n’était observé, des averses se succédaient et la visibilité était correcte.

4.2 - Le déroulement de l’accident


Le convoi routier composé d’un véhicule pilote et d’un semi-remorque surbaissé
transportant un engin agricole circulait depuis 10 h du matin dans le département de la
Marne puis dans celui des Ardennes. Les conducteurs suivaient un itinéraire qu’ils avaient
défini le matin même en utilisant la carte nationale des itinéraires de transports
exceptionnels dite carte 2TE48, inadaptée à ce convoi au regard de sa masse.

À la mi-journée, alors qu’ils circulaient sur la RD 951 au nord de Poix-Terron (08), ils ont
été contraints de s’arrêter au niveau d’une aire de repos suite à un accident de la
circulation, étranger au convoi, survenu un peu plus loin. Après plus de deux heures
d’arrêt, le convoi s’est remis en mouvement sans que les conducteurs n’aient pris
l’attache des services préfectoraux délivrant les autorisations de circulation des convois
exceptionnels, comme le prévoit la réglementation dans le cas d’un arrêt imprévu de la
conduite. Cependant, au niveau de l’échangeur n° 12, le convoi n’a pas emprunté la
bretelle d’accès à la section de l’autoroute A34 qui faisait partie de l’itinéraire initialement
prévu.

Après avoir franchi le giratoire RD 951/RD 66, le convoi a circulé sur la RD 66, a franchi
le passage supérieur de l’autoroute A34, a cheminé lentement et difficilement à travers
plusieurs virages serrés, puis est entré dans l’agglomération de Guignicourt-sur-Vence
(08). Le convoi a ensuite traversé le passage à niveau n° 69, s’est engagé dans le village
et a enfin emprunté la voie communale VC 5 pourtant interdite aux véhicules de plus de
3,5 tonnes et comportant la signalisation réglementaire d’interdiction. Ni le conducteur du
véhicule pilote, ni le conducteur du poids lourd n’a respecté cette signalisation qui aurait
dû stopper le convoi, comme les formations initiales et continues des conducteurs le
précisent. Malgré cette interdiction, le convoi arrivait à Saint-Pierre-sur-Vence (08).

Au niveau de la signalisation d’avertissement située 150 mètres avant le passage à


niveau, le conducteur du véhicule pilote indiquait par gestes au conducteur du poids lourd
de surélever son ensemble routier pour franchir le passage à niveau n° 70. Sans vérifier
que le conducteur du poids lourd avait bien exécuté la manœuvre, le conducteur du
véhicule pilote franchissait le passage à niveau n° 70 et se positionnait en aval du PN, au
niveau de l’échangeur n° 11 de l’A34, pour arrêter les usagers venant en sens inverse.

Le conducteur du poids lourd ne relevait que les suspensions des essieux arrière du
tracteur et commençait à franchir le passage à niveau à basse vitesse. Au milieu des
voies ferrées, il s’inquiétait que son convoi, à cause de la faible garde au sol de la
semi-remorque surbaissée, ne fut bloqué. Bien qu’étant au milieu du PN, il décidait alors
de descendre de sa cabine pour actionner tout d’abord les commandes des vérins
hydrauliques situés à l’avant puis les commandes situées à l’arrière de la semi-remorque
pour la relever.

40
Le TER n° 840 808, transportait une soixantaine de passagers. Il avait quitté
Charleville-Mézières à 16 h 05, circulait à l’heure et roulait à 136 km/h.

Environ 250 mètres avant le passage à niveau, le conducteur du train a aperçu la


présence du convoi exceptionnel arrêté sur le passage à niveau, il actionnait alors le
freinage d’urgence et le sifflet du train. Le conducteur du poids lourd, positionné à l’avant
de la semi-remorque, ne bougeait pas malgré ce premier avertissement sonore. Le
conducteur du train activait une seconde fois le sifflet du train peu de temps avant la
collision. Le conducteur du poids lourd alerté quittait alors en courant les voies ferrées. Le
conducteur du train se réfugiait derrière son siège juste avant la collision.

Le choc s’est produit à 16 h 12 min 42 s selon l’horaire de référence pris dans l’outil
d’enregistrement du train. L’avant du train a percuté l’arrière du tracteur routier au niveau
de la sellette.

Figure 31 : schéma de la collision vue de dessus


source BEA-TT avec image aérienne Géoportail-IGN

Sous la violence du choc, le tracteur routier a été détruit, le châssis s’est séparé de la
cabine et a percuté un poteau supportant la caténaire. Les suspentes de la ligne aérienne
de contact se sont arrachées sur plusieurs mètres. L’alimentation électrique des voies
ferrées a disjoncté.

La semi-remorque a été coupée en deux, la partie avant avec le col de cygne s’est
retrouvée projetée plusieurs mètres en aval, en contrebas dans le jardin d’un riverain. La
partie arrière, qui portait toujours l’engin agricole, a légèrement ripé mais est restée sur le
passage à niveau.

41
Figure 32 : schéma illustratif de la vue de dessus de la situation juste après le choc
source BEA-TT avec image aérienne Géoportail-IGN

Le train a déraillé mais ne s’est pas couché. Des pierres du ballast ont été projetées
contre les fenêtres du train côté entre-voies. Celles en double vitrage ont protégé les
passagers et une à simple vitrage a explosé, laissant entrer des pierres du ballast dans
l’espace voyageur. Le coupleur électrique situé au-dessus de l’attelage automatique a été
très détérioré. La rame a été privée d’énergie électrique.

Après l’arrêt du train, l’agent de conduite a constaté que sa rame était déraillée et qu’elle
engageait le gabarit de la voie voisine. Il a actionné le bouton de déclenchement de
l’alerte radio et celui de l’alerte lumineuse. Mais, privée d’énergie, aucun signal n’a été
émis par la rame.

À l’intérieur de la rame, plusieurs passagers ont été blessés, notamment par des éclats
de verre issus de la casse de parois internes et par les conséquences du choc. Les
flammes produites par l’explosion du réservoir à carburant du poids lourd ont été vues par
plusieurs passagers qui ont craint un début d’incendie dans le train. Certains passagers
ont saisi des marteaux brise-vitre, d’autres ont réussi à ouvrir les portes du train côté
piste, à l’extérieur des voies ferrées.

Le conducteur du train, blessé à la jambe, est sorti de la rame et a allumé une torche à
flamme rouge pour lancer l’alerte.

À 16 h 15, il est parti en courant muni de ses agrès de sécurité à la distance de


couverture des obstacles, située 1 500 mètres en aval de sa position, afin d’alerter les
conducteurs de train croiseur d’un obstacle sur les voies pouvant entraîner un
sur-accident.

À 16 h 16 il a appelé avec son téléphone portable professionnel un agent SNCF Mobilités


de la gare de Charleville-Mézières pour lancer l’alerte. Cette alerte a été relayée auprès
des agents de circulation des gares encadrant la section de voie concernée.

42
Pendant sa course vers la distance de couverture, l’agent de conduite est passé devant
deux téléphones d’alarme situés de l’autre côté des voies. Concentré sur sa mission et
sur l’appel en cours avec son téléphone portable, il n’a pas utilisé ces équipements.

Moins de 10 minutes ont été nécessaires pour activer les signaux d’arrêts des trains.

Pendant ce temps, le premier train croiseur, qui était à énergie électrique, roulait lui aussi
à près de 140 km/h sur l’autre voie et se rapprochait du train accidenté. Ce train croiseur
a effectué des arrêts et des redémarrages au gré de la présence ou non du courant
électrique dans la caténaire. Après la troisième coupure et sans savoir qu’un accident
venait de se produire, l’agent de conduite du train croiseur a décidé d’arrêter
définitivement son train, car il estimait que la situation était anormale. Finalement, le train
croiseur a été stoppé à moins de 3 kilomètres du train accidenté, alors que l’alerte n’avait
pas encore été donnée.

Le conducteur du train croiseur a reçu à 16 h 22 le message par la radio sol-train de


s’arrêter en urgence et a répondu que son train était déjà arrêté.

Les passagers du train accidenté ont évacué la rame et ont réussi à prévenir les secours
en utilisant leurs téléphones mobiles.

Vers 16 h 24, le conducteur du train accidenté est arrivé à distance de couverture et a


posé les pétards sur les rails de la voie opposée à celle de son train.

Vers 16 h 41, il a finalement rejoint son train.

4.3 - L’alerte et l’organisation des secours


Les secours ont été appelés très rapidement, tout d’abord par un riverain pour un
incendie au niveau du passage à niveau, puis par un témoin arrivé sur le passage à
niveau et par plusieurs passagers du train.

Les pompiers et les forces de l’ordre de la Gendarmerie nationale ont été prévenus
respectivement à 16 h 13 et à 16 h 22 et ont engagé des moyens humains et matériels
importants.

Les premiers secours sont arrivés à pied au niveau du train accidenté à 16 h 41.

Après les premiers bilans de santé, les passagers ont été conduits au niveau du PN n° 70
puis accueillis dans une salle mise à disposition par la municipalité.

Le conducteur de l’ensemble routier, l’agent de conduite du train et 10 passagers du train


parmi 63 personnes à bord ont été conduits à l’hôpital avec des blessures légères.

43
5 - L’analyse des causes et des facteurs associés, les
orientations préventives

5.1 - Le schéma des causes et des facteurs associés


Les investigations conduites permettent d’établir le schéma ci-après qui synthétise le
déroulement de l’accident et en identifie les causes et les facteurs associés.

Figure 33 : schéma des causes et des facteurs associés


source BEA-TT

44
5.2 - Les causes de l’accident et les facteurs associés
Les investigations réalisées sur le convoi routier, sur le train et sur les équipements du
passage à niveau n’ont révélé aucun indice pouvant conduire à retenir l’hypothèse d’un
problème technique comme cause ou facteur de la survenance de l’accident.

L’agent de conduite du train a respecté l’ensemble des procédures lors des phases de
conduite et en cas d’accident. Bien que blessé, il a lancé l’alerte et s’est rendu à la
distance de couverture d’obstacle pour éviter un sur-accident.

La cause directe de l’accident est l’arrêt du convoi exceptionnel surbaissé sur le


passage à niveau par son conducteur afin qu’il descende de sa cabine et
manœuvre les systèmes hydrauliques de la semi-remorque pour augmenter la
garde au sol du convoi.

La signalisation d’approche, basée sur des panneaux de danger accompagnés de


panonceaux placés à 150 m du PN n° 70 dont la distance est rappelée par deux balises
J10 n’est pas en cause. Cette signalisation indique la présence d’un passage à niveau à
franchissement difficile pour les véhicules surbaissés.

Plusieurs facteurs ont été identifiés vis-à-vis de la cause principale de cet accident.

Un grand nombre de règles de circulation n’ont pas été respectées, tant celles relatives
au transport exceptionnel, dans la préparation et la reconnaissance de l’itinéraire et la
délivrance d’une autorisation de circulation, que celles du Code de la route dans le
respect des interdictions locales de circulation.

La garde au sol de la semi-remorque n’a pas été portée à sa valeur maximale avant le
début du franchissement du PN. Elle n’a été que partiellement relevée à l’avant par une
action sur les suspensions arrière du camion tracteur, commandée depuis la cabine.

Vis-à-vis de ces facteurs identifiés et compte tenu de la gravité de l’accident, le BEA-TT


est conduit à rechercher des objectifs d’amélioration de la sécurité dans les thèmes
suivants :
➢ simplifier l’accès et mettre à jour les informations fournies par l’État aux transporteurs
et à leurs accompagnateurs pour qu’ils préparent plus facilement l’itinéraire qu’ils
veulent emprunter et pour qu’ils préviennent les gestionnaires d’infrastructure de leur
passage lorsque c’est nécessaire ;
➢ faire profiter du retour d’expérience de cet accident aux organismes chargés de la
formation des accompagnants des convois exceptionnels.

Ces thèmes seront traités au paragraphe 5.4.

5.3 - L’identification d’orientations préventives dans la situation


post-accident
La violence du choc entre le TER et le convoi routier a sollicité plusieurs éléments de
sécurité de la rame, tels les absorbeurs de choc, la structure renforcée de la cabine de
conduite ou encore la solidité des vitres extérieures. Certains éléments ont rempli leurs
rôles, d’autres auraient pu encore mieux atteindre les objectifs de sécurité assignés,
comme le système permettant d’émettre l’alerte via la radio sol-train.

45
Après la collision, l’agent de conduite du train a été contraint de se rendre à la distance
de couverture d’obstacle pour assurer la protection de son train déraillé.

Cette situation s’est produite, tout d’abord parce qu’il n’était pas prévu dans la procédure,
qu’a appliqué fidèlement l’agent de conduite du train, de déclencher l’alerte radio avant la
collision.

Ensuite, suite à la collision, la rame était privée d’énergie électrique, ce qui a rendu la
radio sol-train inopérante.

Les investigations menées ont permis d’identifier plusieurs facteurs ayant pu jouer un rôle
dans l’évitement d’un sur-accident :
➢ le choc entre le train et l’ensemble routier a eu lieu à l’endroit le plus fragile de
l’ensemble routier, au niveau des essieux moteurs du tracteur routier, évitant ainsi un
choc avec la machine agricole transportée et des dégâts plus importants au niveau de
la motrice et donc des blessures plus graves pour l’agent de conduite et les passagers
du train ;
➢ le choc a entraîné des coupures de l’alimentation électrique de la voie ferrée, ce qui a
entraîné des arrêts multiples du premier train croiseur et la prise d’une décision d’arrêt
par prudence du conducteur de ce train, un peu plus d’une minute avant qu’il ne vienne
percuter le train accidenté ;
➢ le premier train croiseur était à énergie électrique, alors que le deuxième train croiseur
était à énergie thermique, donc insensible aux coupures électriques de la caténaire ;
compte tenu du délai de transmission de l’alerte de cet accident grave par les agents
de circulation vers les conducteurs des trains, le BEA-TT considère qu’un sur-accident
n’aurait très probablement pas pu être évité si le premier train-croiseur avait été à
énergie thermique ;
➢ le conducteur du train impliqué, bien que blessé, a pu effectuer la couverture de son
train déraillé et a appelé un correspondant SNCF pour lancer l’alerte.

Or, en prenant en compte le temps nécessaire pour que l’agent de conduite du train
accidenté lance l’alerte par téléphone (4 minutes après le choc) et pour que cette alerte
soit transmise à l’agent de conduite du premier train croiseur (moins de 10 minutes après
le choc), le BEA-TT considère que la conjonction aléatoire des disjonctions de la
caténaire et de la présence d’une propulsion exclusivement électrique du premier train
croiseur expliquent l’évitement d’un sur-accident par collision entre les deux trains.

Dans une démarche préventive cohérente avec les dispositions de la directive


européenne sur la sécurité des chemins de fer communautaires13, le BEA-TT émet une
orientation pour augmenter la probabilité que soit émis un signal d’alerte après une
collision, indépendamment de la gravité des blessures occasionnées à l’agent de
conduite ou de la sévérité des dégâts au matériel ferroviaire. Cette orientation sera
présentée dans le paragraphe 5.5.

5.4 - L’enjeu de la préparation et de la reconnaissance d’un itinéraire


adapté au convoi exceptionnel
Les transports exceptionnels, parce qu’ils possèdent des caractéristiques hors norme,
font l’objet d’une réglementation dédiée14. Cette réglementation est basée sur la
délivrance d’autorisations de circulation et sur le respect par le transporteur de plusieurs
obligations relatives à la préparation de l’itinéraire, à la reconnaissance de celui-ci et, le
13 La directive européenne 2004/49/CE est téléchargeable sur le site internet de la Commission européenne.
14 Le texte réglementaire de référence est l’arrêté du 4 mai 2006 modifié, consultable sur le site internet
Légifrance.

46
cas échéant, à la prévenance15 des gestionnaires d’infrastructures ferroviaires ou
routières afin d’assurer la sécurité du déplacement du TE. Dans le passé, le BEA-TT a
enquêté sur plusieurs accidents entre un train et un convoi exceptionnel arrêté, bloqué ou
manœuvrant sur un passage à niveau.

L’analyse de l’accident de Boulzicourt met en lumière des carences significatives dans la


préparation de l’itinéraire du convoi exceptionnel.

Les documents utilisés pour concevoir l’itinéraire n’étaient pas adaptés aux
caractéristiques du convoi.

La reconnaissance préalable de l’itinéraire n’a manifestement pas été réalisée alors


qu’elle aurait pu éviter au convoi d’emprunter des routes non adaptées, voire interdites à
un véhicule avec de telles caractéristiques dimensionnelles et pondérales.

Aucun travail préparatoire sur le franchissement d’un passage à niveau difficile par un
convoi exceptionnel surbaissé n’a été réalisé. Les témoignages des conducteurs routiers
reflètent une complète non-prise en compte des enjeux de sécurité d’un franchissement
de PN, notamment en oubliant toute notion de temps de franchissement ou tout enjeu de
blocage d’un tel convoi sur un PN à franchissement difficile. La société de transport et
celle assurant le guidage du convoi n’ont notamment pas contacté le gestionnaire
ferroviaire pour convenir d’un mode de franchissement en sécurité.

5.4.1 - Un sujet déjà identifié dans l’accident de Balbigny en 2011


Les investigations lors de l’enquête sur l’accident de Balbigny en 2011 avaient mis en
lumière le fait que la réglementation sur la circulation des transports exceptionnels
comportait des dispositions qui laissent aux transporteurs « une certaine marge
d’appréciation ou qui sont difficilement compréhensibles, notamment, en termes de garde
au sol à respecter ». Le rapport comportait une proposition rédigée ainsi « Ces
dispositions pourraient par exemple reposer sur des exigences de longueur ou de
tonnage ».

Une recommandation avait été émise à la délégation à la sécurité et à la circulation


routières pour « modifier les règles de franchissement des voies ferrées qui y figurent à
l’article 12 (nota : de l’arrêté du 4 mai 2006) afin de les rendre plus facilement applicables
par les transporteurs ». À la date de publication de ce rapport, la DSCR, devenue depuis
la délégation à la sécurité routière DSR, n’avait pas communiqué de réponse suite à cette
recommandation. Les enquêteurs du BEA-TT ont pu étudier l’article 12 en question et
constatent que son contenu n’a pas été changé sur ce sujet depuis 2011.

5.4.2 - L’identification des passages à niveau à franchissement difficile sur les


cartes des réseaux TE au moment de l’accident
Le jour de l’accident, l’itinéraire prévu a été planifié par les conducteurs des véhicules
routiers en examinant la carte nationale « 2TE48 » au format papier. Pour rappel, cette
carte n’était pas adaptée à ce convoi.

Au-delà de ce facteur d’accident, il est apparu lors des investigations qu’au niveau du
département des Ardennes, l’échelle de représentation de la carte nationale 2TE48
pourrait être retravaillée pour permettre de visualiser plus simplement et plus précisément
que l’itinéraire TE emprunte la section de l’autoroute A34 entre les échangeurs n° 12
et n° 11, en continuité de la RD 951 qui s’interrompt entre ces échangeurs. C’est à cet

15 Le mot « prévenance » dans la réglementation sur la circulation des convois exceptionnels signifie que les
gestionnaires d’infrastructure doivent être prévenus du passage de certains convois en fonction des
exigences qu’ils ont formulées dans les cahiers de prescriptions associés aux itinéraires TE.

47
endroit que la divergence apparaît entre l’itinéraire prévu et l’itinéraire réellement suivi par
le convoi.

De plus, aucun passage à niveau n’est représenté sur cette carte papier.

Or, une recommandation avait été adressée à la DSCR dans le rapport d’enquête sur
l’accident au passage à niveau de Nangis en 2015 sur ce sujet. Il s’agissait de « Mieux
informer les entreprises de transports exceptionnels et leurs conducteurs de l’existence
de passages à niveaux présentant des difficultés de franchissement au sens de
l’article 12 de l’arrêté du 4 mai 2006 relatif notamment aux transports exceptionnels de
marchandises, en signalant ces passages à niveau comme points particuliers dans la
carte nationale des itinéraires de transport exceptionnel et dans les cartes interactives
équivalentes, et en avertissant systématiquement les gestionnaires des voiries
concernées ».

Les enquêteurs du BEA-TT ont pu constater que si certaines cartes départementales des
réseaux TE72, TE94 et TE120 comportent l’identification de certains passages à niveau,
en revanche aucun signalement n’était présent de manière systématique sur l’ensemble
des cartes nationales, notamment celles éditées au format papier et présentes dans les
cabines des tracteurs routiers.

Figure 34 : illustration de l’échelle de la carte 2TE48 aux environs du lieu de l’accident


source Cerema, légende BEA-TT

5.4.3 - Les coordonnées des services gestionnaires


Pour que les gestionnaires des infrastructures ferroviaires ou routières puissent être
informés du passage d’un convoi exceptionnel, leurs coordonnées sont indiquées dans le
livret accompagnant la carte « 2TE48 ». Des essais réalisés par la Gendarmerie nationale
ont montré que personne ne répondait au numéro indiqué pour la section A34 dans le
livret des prescriptions associé à cette carte.

48
Figure 35 : illustration du livret d’accompagnement de la carte 2TE48

5.4.4 - La récente mise en ligne d’un outil cartographique


Cette situation a évolué fin mars 2021 avec la mise en ligne d’un outil cartographique
unique pour les transports exceptionnels sur le site internet du géoportail16.

Désormais les cinq réseaux routiers nationaux dédiés aux transports exceptionnels sont
visibles sur les cartes du géoportail.

Figure 36 : illustrations des cartes des réseaux TE sur la région de l’accident


désormais présentes sur le site internet du géoportail
source : Géoportail-IGN

Un des principaux avantages consiste à pouvoir zoomer sur un point particulier afin
d’éviter les erreurs d’itinéraires. L’exemple suivant concerne l’échangeur 12, celui où le
convoi aurait dû emprunter l’autoroute mais où il a poursuivi sur la route départementale.

16 https://www.geoportail.gouv.fr/actualites/une-cartographie-unique-pour-les-transports-exceptionnels

49
Figure 37 : illustrations des cartes des réseaux TE en zoomant sur l’échangeur n° 12
désormais présentes sur le site internet du géoportail
source : Géoportail-IGN

Cet outil permet de visualiser les passages à niveaux présents sur les itinéraires TE, ainsi
que les PN à franchissement difficile.

Figure 38 : exemple d’identification visuelle d’un passage à niveau à franchissement difficile


sur un itinéraire de transport exceptionnel au sud de Rouen
source : Géoportail-IGN

En cliquant sur les sections concernées, l’utilisateur visualise les prescriptions associées,
malheureusement pour tout le département concerné, et les coordonnées des
gestionnaires à prévenir avant le passage du convoi. Les enquêteurs du BEA-TT ont pu
constater que les coordonnées du gestionnaire pour la section d’autoroute A34 concernée
par l’accident n’avaient pas été mises à jour depuis la carte 2TE48. Or nous avons vu que
ces coordonnées étaient erronées.

50
Figure 39 : visualisation des prescriptions sur l’itinéraire 2TE48 suivi par le convoi
source : Géoportail-IGN

Le BEA-TT salue le travail réalisé afin de fournir aux transporteurs et aux


accompagnateurs des convois un outil de visualisation simplifié. Dans une approche
préventive de la sécurité le BEA-TT recommande d’aller encore plus loin dans
l’intégration des données et dans la simplification des informations délivrées :

Recommandation R1 adressée à la délégation à la sécurité routière (DSR) :

Dans la suite de la mise en ligne du nouvel outil cartographique présent sur le site
internet Géoportail :
➢ mettre à jour les coordonnées des gestionnaires à prévenir avant le passage du
convoi ;
➢ n’afficher que les prescriptions générales et particulières associées à chaque section
visualisée ;
➢ réaliser un calculateur d’itinéraires adapté aux convois exceptionnels, qui identifierait
les points singuliers à traverser, notamment les passages à niveau.

Le BEA-TT invite les gestionnaires des infrastructures routières et des ouvrages à


transmettre à la délégation à la sécurité routière les coordonnées de contact à jour
auxquelles les transporteurs de convois exceptionnels doivent se référer pour prévenir
de leur passage, en privilégiant des coordonnées génériques, comme des adresses de
messagerie électronique d’unité, plutôt que des coordonnées individuelles.

5.4.5 - La formation des accompagnants des convois exceptionnels


Les investigations menées ont permis d’identifier de nombreuses et profondes lacunes de
la part des acteurs de ce transport exceptionnel. En particulier, les règles de base qui
participent à la sécurité de ces transports n’ont pas été respectées. L’itinéraire n’a pas été
correctement planifié, il n’a pas fait l’objet d’une demande d’autorisation de circulation
pourtant obligatoire pour ce type de convoi, l’itinéraire n’a pas été reconnu et les
gestionnaires n’ont pas été prévenus.

51
Ces lacunes de la part de professionnels du transport routier interrogent sur les
formations initiales et continues qu’ils ont suivi. L’absence de prise en considération du
risque d’un tel accident amène le BEA-TT à souhaiter que le retour d’expérience de cet
accident puisse être intégré dans les cursus de formation des accompagnants français
des convois exceptionnels.

Cette formation est assurée par des organismes qui ont pour cadre l’arrêté du 2 mai 2011
relatif aux modalités de mise en œuvre de la formation des conducteurs des véhicules
destinés à l’accompagnement des TE. La direction générale des infrastructures, des
transports et de la mer est en responsabilité sur les domaines de la formation des
accompagnants et sur les échanges avec les organisations professionnelles des
transports routiers.

Le BEA-TT invite la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer


en coordination avec la délégation à la sécurité routière à présenter aux organisations
professionnelles des transports routiers et aux organismes de formation des
accompagnateurs des convois exceptionnels le retour d’expérience relatif à cet
accident, notamment l’usage du téléphone d’alerte en cas d’urgence du passage à
niveau.

5.5 - La perte de la radio sol-train suite à la collision

5.5.1 - La perte de l’alimentation de la rame en énergie


SNCF Réseau possède une infrastructure de télécommunication propre, appelée GSM-R,
qui est basée sur une technologie possédant de nombreux points communs avec celles
des réseaux historiques 2G de téléphonie mobile. Concrètement, les rames sont
équipées en émission et en réception de signaux électromagnétiques qui transitent par
des antennes-relais positionnées sur des points hauts situés non loin des voies ferrées.

Le poste central de supervision de la radio sol-train à Paris Saint-Lazare confirme la


disponibilité du réseau radio le jour de l’accident aux alentours du PN n° 70. L’impossibilité
de transmettre l’alerte radio aux trains environnants provient donc de l’incapacité pour la
rame du TER impliqué dans l’accident à émettre l’alerte.

Les enquêteurs du BEA-TT se sont rendus au Technicentre SNCF de Nevers qui est
l’atelier directeur pour les rames AGC et sert de référence pour entretenir et modifier les
rames de ce type. Ils ont pu échanger avec les responsables des différents aspects,
notamment la résistance au choc ou encore l’alimentation en électricité de la machine,
pour comprendre les investigations menées par la SNCF afin d’identifier la source de la
perte d’énergie.

Ces investigations font ressortir que la perte d’énergie de la rame impliquée est la
conséquence directe de la disjonction de dispositifs électriques de sécurité, notamment
des coupe-circuits et des relais.

Le couplage de deux rames nécessite une liaison mécanique réalisée grâce à l’attelage,
une liaison pneumatique notamment pour le système de freinage et une multitude de
liaisons électriques où transitent les commandes des moteurs et d’autres éléments. Ces
éléments sont communs à toutes les rames AGC qui circulent en France, ce qui permet
d’accrocher plusieurs rames et passer la composition du train d’une unité simple en
unités multiples, sans intervention humaine au niveau des attelages automatiques.

52
Il ressort de l’état actuel des investigations que plusieurs courts-circuits se sont produits
au moment du choc au niveau du coupleur électrique placé au-dessus de l’attelage
automatique, dessiné en rouge sur la figure suivante.

Figure 40 : illustration des trois fonctions concernées par le couplage de deux rames
et vue d’un coupleur électrique avec une configuration d’alimentation électrique
purement illustrative sur quelques pinoches
photo et légende BEA-TT

Lors de la collision au PN n°70, le coupleur électrique était au cœur du choc violent et a


été profondément détérioré. Plusieurs connecteurs sous tension ont été mis en contact
avec d’autres non alimentés, entraînant l’apparition de courts-circuits dans le réseau
électrique de la rame.

5.5.2 - L’incident de Serqueux avait fait l’objet d’une enquête technique


Le sujet de la perte de la radio sol-train avait déjà été identifié dans l’enquête du BEA-TT
sur l’incident de Serqueux en 201517. Le train impliqué, également un AGC, avait entre
autres perdu son alimentation en énergie électrique à la suite d’un choc de l’attelage
automatique avant et du coupleur électrique positionné au-dessus. De même, l’alerte
radio n’avait pas pu être lancée par l’agent de conduite. Le BEA-TT avait émis la
recommandation à destination de la SNCF de « modifier le circuit électrique de la rame
pour garantir l’alimentation en énergie des principaux organes de sécurité, dont la
radio ».

Faisant suite à la recommandation, SNCF Mobilités avait rédigé un ordre de modification


des rames de type AGC, qui consistait du point de vue électrique à isoler certains
connecteurs lorsque l’attelage n’était pas en fonction. Le coupleur électrique de la rame
impliquée dans l’accident de Boulzicourt avait été modifié suivant les prescriptions.

Les investigations menées conduisent à considérer que la protection installée n’a pas
permis d’éviter les courts-circuits. Il apparaît que certains connecteurs ont été
réalimentées en 72V, entraînant le déclenchement de la sécurité électrique de la rame,
synonyme de disjonctions et de perte en alimentation en énergie électrique des
équipements à bord, dont la radio sol-train.

Au moment de la rédaction de ce rapport, la SNCF conduisait toujours des investigations


pour en déterminer les causes.

Aucun élément technique ne permet d’écarter ce risque de mise hors service de la radio.

17 Le rapport d’enquête technique réalisée par le BEA-TT est consultable sur son site internet

53
La SNCF a engagé le déploiement d’un nouvel ordre de modification permettant d’une
part l’alimentation permanente et dédiée de la radio sans passer par le coupleur, et
déplaçant d’autre part plusieurs coupe-circuits en remorque donc à l’abri de toute collision
violente en cabine de conduite.

Malgré ces améliorations, les risques d’un sur-accident identifié dans les investigations à
cause du délai nécessaire constaté pour lancer l’alerte par téléphone, mais aussi de
l’éventualité de blessures graves de l’agent de conduite entraînant son incapacité à
enclencher l’alerte radio-sol train, amènent le BEA-TT à formuler une recommandation
relative à la mise en place d’un système de déclenchement d’alerte automatique et
indépendant.

Recommandation R2 adressée à SNCF Voyageurs :


Étudier la faisabilité de l’implantation, à bord des trains AGC, d’un système autonome en
énergie et automatique, qui, à la suite d’un choc, déclenche et émet une alerte à
destination du centre opérationnel de gestion de la circulation (COGC) associé à la ligne
d’exploitation, afin que celui-ci adapte les circulations des trains environnants.

Puisque le sujet peut concerner l’ensemble des acteurs du système ferroviaire et


notamment différents types de matériels roulants, le BEA-TT formule l’invitation suivante.
Le BEA-TT invite l’EPSF à accompagner les échanges entre les entreprises ferroviaires,
les gestionnaires des infrastructures ferrées, les constructeurs des matériels roulants et
les équipementiers, pour faire émerger les lignes directrices d’un système autonome et
automatique d’alerte qui pourraient devenir une spécification technique recommandée
pour tout type de matériel.

5.5.3 - Deux mesures prises par SNCF Voyageurs suite à l’accident


Depuis le 28 novembre 2019, les téléphones mobiles professionnels des conducteurs ont
en mémoire une numérotation prédéfinie pour faciliter un accès direct au service chargé
de la gestion des circulations (SGC), qui est en capacité de prendre les mesures
d’urgence destinées à arrêter les circulations. Cette évolution est intégrée à la
documentation métier depuis le 14 juin 2020.

Le référentiel des gestes métiers pour les conducteurs a été enrichi par un nouveau geste
visant à déclencher l’alerte radio dès la découverte de l’obstacle sur la voie et sans
attendre les éventuelles conséquences, dont le choc probable. Ce nouveau process est
l’aboutissement d’une étude sur les facteurs organisationnels et humains (FOH) conduite
par la Direction Traction au cours de l’année 2020. Les conducteurs de train ont été
formés lors du premier semestre 2021 et cette mesure a été intégrée à la documentation
métier le 13 juin 2021.

Le BEA-TT invite les autres entreprises ferroviaires et gestionnaires d’infrastructures


ferroviaires à étudier l’opportunité de réaliser des mesures similaires.

54
ANNEXES

Annexe 1 : Décision d’ouverture d’enquête

Annexe 2 : Principales références utilisées dans ce rapport

Annexe 3 : La réglementation de circulation des convois exceptionnels

55
Annexe 1 : Décision d’ouverture d’enquête

56
Annexe 2 : Principales références utilisées dans ce rapport

Pour la signalisation routière


➢ arrêté du 18 mars 1991 modifié relatif au classement, à la réglementation et à
l’équipement des passages à niveau ;
➢ arrêté du 24 novembre 1967 modifié relatif à la signalisation des routes et des
autoroutes ;
➢ instruction interministérielle sur la signalisation routière du 22 octobre 1963 modifiée.

Les convois exceptionnels dans le Code de la route


➢ Article R.311-1 : il définit les différents types de véhicules
➢ Articles R.312-1 à R.312-3 : ils définissent les poids et les conditions de réception par
les services-des mines
➢ Article R.312-4 : il fixe le poids total autorisé en charge maximum par type de véhicule
➢ Article R.312-5 : il fixe la charge maximum autorisée à l’essieu
➢ Article R.312-6 : il fixe la charge maximum autorisée par groupes d’essieux
➢ Article R.312-10 : il fixe la largeur maximum autorisée par type de véhicules
➢ Article R.312-11 : il fixe la longueur maximum autorisée par types de véhicules
➢ Article R.312-20 : il fixe la largeur maximum du chargement
➢ Article R.312-21 : il fixe le dépassement de chargement arrière maximum autorisé
➢ Article R.312-22 : il fixe le dépassement de chargement avant maximum autorisé
➢ Article R.321-17 : il concerne la double réception du service des mines pour les
véhicules dont les dimensions ou le poids excèdent les limites réglementaires
➢ Article R.322-2 : il définit la carte grise des véhicules réceptionnés sous couvert de
l’article R.321-17
➢ Articles R313-1 à R313-32 : ils définissent l’éclairage et la signalisation des véhicules
par type de véhicule

Sur la circulation des transports exceptionnels


➢ arrêté du 4 mai 2006 modifié relatif aux transports exceptionnels de marchandises,
d’engins ou de véhicules et ensembles de véhicules comportant plus d’une remorque.

Sur les guideurs des convois exceptionnels


➢ Décret n° 2011-335 du 28 mars 2011 relatif à l’accompagnement des TE
➢ Arrêté du 4 avril 2011 modifiant l’arrêté du 4 mai 2006 relatif aux TE
➢ Arrêté du 2 mai 2011 relatif aux modalités de mise en oeuvre de la formation des
conducteurs des véhicules destinés à l’accompagnement des TE

57
Annexe 3 : Réglementation sur la circulation des convois exceptionnels
Les acteurs impliqués dans la circulation d’un convoi exceptionnel
La réglementation, notamment les articles 2 et 13 de l’arrêté du 4 mai 2006 relatif aux transports
exceptionnels de marchandises, d’engins ou de véhicules et ensembles de véhicules comportant
plus d’une remorque définit les rôles des différents acteurs impliqués dans la circulation du convoi
exceptionnel :

– le pétitionnaire est celui qui demande l’autorisation de circuler, il peut réaliser cette demande
pour son propre compte ou pour compte d’autrui ;

– le permissionnaire est en possession des documents lui autorisant la circulation ;

– le transporteur « assure le transport du chargement. Il est responsable de la circulation du


convoi dans le respect des règles et désigne un chef de convoi. » ;

– le chef de convoi :

« Pour chaque convoi, accompagné ou non, le chef de convoi doit être nommément désigné par
le transporteur. Il a autorité sur les différents intervenants et a pour mission, durant le transport :
– d’assurer le respect des consignes générales ou particulières, notamment les prescriptions
générales et particulières associées à la voirie et aux points singuliers empruntés, et
l'application des règles de franchissement contenues dans l'autorisation dont il a copie,
– d’assurer le respect, par le ou les conducteurs, des dispositions du Code de la route et de la
réglementation sociale,
- d’assurer, dans toute la mesure du possible, la sécurité des usagers de la route et celle du
convoi, le long de l’itinéraire,
– de coordonner les actions des différents intervenants.
Le chef de convoi doit parler et lire la langue française ou à défaut être accompagné d’une
personne parlant et lisant le français et capable de communiquer avec lui […] ».

– l’accompagnateur, dont la présence obligatoire peut être prescrite dans l’autorisation de


circulation soit pour la totalité de l’itinéraire, soit pour le franchissement de points particuliers. Ces
accompagnateurs ont suivi des formations initiales et continues dont le contenu est précisé dans
l’arrêté du 2 mai 2011 relatif aux modalités de mise en œuvre de la formation professionnelle
initiale et continue des conducteurs des véhicules destinés à l'accompagnement des transports
exceptionnels. Les organismes chargés de dispenser ces formations sont ceux qui ont été agréés
pour dispenser les formations initiales (FIMO) et continues (FCO) des conducteurs des véhicules
affectés aux transports routiers de marchandises ou de voyageurs. Sont distingués :
– le conducteur du véhicule de guidage ayant suivi une formation initiale de 63 heures en
9 jours et une formation continue de 7 heures en une journée. L’équipe de guidage a pour rôle
de faciliter le passage du convoi, dans le respect de règles de circulation et de sécurité de
l’ensemble des usagers de la route. Pour cela, elle indique aux autres usagers les règles de
conduite spécifiques au passage du convoi dans la circulation générale.
– le conducteur d’un véhicule de protection ayant suivi une formation initiale de 21 heures en
3 jours et une formation continue de 7 heures en une journée. Les véhicules de protection, qui
doivent respecter les dispositions du Code de la route, ont pour rôle de signaler la présence
d’un convoi, d’indiquer aux autres usagers les règles de conduite spécifique pour le
franchissement de points singuliers, d’assurer la préservation du patrimoine et la réalisation
des tâches annexes au transport.

58
Les règles de circulation des TE de deuxième catégorie
D’une façon générale, en fonction des besoins de transport et des itinéraires empruntés, un
convoi de 2ᵉ catégorie a besoin d’obtenir diverses autorisations pour circuler. Ces autorisations
sont définies réglementairement dans l’arrêté du 4 mai 2006 relatif aux transports exceptionnels.
Elles peuvent se cumuler et peuvent concerner un convoi avec des caractéristiques
dimensionnelles et pondérales similaires ou inférieures et des véhicules de transport différents :

➢ une autorisation permanente de circulation sur un réseau routier national appelé « 2TE48 ». Ce
réseau routier est identifié sur une carte nationale papier accompagnée d’un livret de
prescriptions. Ce réseau est accessible aux convois de la deuxième catégorie qui ont une masse
inférieure ou égale à 48 tonnes, ce qui n’était pas le cas du convoi impliqué dans l’accident. Les
extrémités du voyage, depuis le lieu de chargement ou jusqu’au lieu de livraison, doivent être
autorisées par des arrêtés de raccordement à ce réseau qui stipulent les routes et les conditions
de circulation que doit respecter le convoi.
➢ une autorisation permanente de circulation sur un réseau routier national appelé « TE72 ». Ce
réseau concerne les convois qui ont une masse totale inférieure ou égale à 72 tonnes. Il est
identifié comme l’agrégation nationale de chaque portion de réseau routier de chaque
département prise par arrêté préfectoral départemental. Chaque arrêté préfectoral est
accompagné d’une représentation cartographique des routes concernées et d’annexes listant les
points singuliers dont les passages à niveau. Cet arrêté mentionne également les prescriptions
générales et particulières, par exemple les contraintes de hauteur, le délai de prévenance du
gestionnaire routier ou encore les heures de circulation, associées à la circulation sur ces routes.
Les extrémités du voyage, depuis le lieu de chargement ou jusqu’au lieu de livraison, doivent être
couvertes par des arrêtés de raccordement qui stipulent les routes et les conditions de circulation.
➢ une autorisation permanente ou au voyage sur un itinéraire précis . Cette autorisation liste les
sections de routes et les prescriptions de circulation associées.

Les convois exceptionnels ainsi autorisés ne peuvent circuler qu’en respectant :

➢ les prescriptions générales et particulières présentes dans l’arrêté d’autorisation ou dans les
livrets de prescriptions accompagnant les cartes nationales des réseaux routiers adaptés aux TE ;
➢ les éléments de la signalisation routière mis en place par les gestionnaires pour indiquer les
décisions prises par les autorités détentrices du pouvoir de police de la circulation, notamment les
limitations de vitesse, les sens interdits ou encore les limitations de tonnage. Si le trajet nécessite
d’effectuer une manœuvre non autorisée, par exemple remonter à contresens une route d’accès à
un carrefour giratoire, le chef du convoi exceptionnel peut solliciter les forces de l’ordre pour, le
cas échéant, assurer la sécurité du déplacement ;
➢ le principe de reconnaissance préalable de l’itinéraire par le transporteur, afin d’identifier les
points particuliers qui vont potentiellement poser des questions de sécurité, comme le
franchissement d’un passage à niveau ;
➢ le principe de prévenance des gestionnaires routiers et ferroviaires, lorsque ceux-ci ont indiqué
dans les prescriptions générales ou particulières le délai minimum et les conditions de
prévenance. Le chef de convoi exceptionnel doit justifier en cas de contrôle avoir prévenu les
gestionnaires de son passage.

Les règles de franchissement des passages à niveau par un TE


Le franchissement d’un passage à niveau par un convoi exceptionnel constitue, de part les
masses et les vitesses des véhicules concernés, un enjeu de sécurité majeur. Plusieurs accidents
très graves se sont déjà produits entre un ensemble routier soit bloqué, soit arrêté, soit
manœuvrant, et un train arrivant sur un passage à niveau. En effet, les caractéristiques du convoi
exceptionnel, notamment s’il est surbaissé, peuvent rendre le franchissement du passage à
niveau compliqué et très lent. Or, le système de fonctionnement des passages à niveau ne

59
s’adapte pas aux différents usagers routiers qui les franchissent. Un PN aura toujours la même
séquence de fermeture.

La réglementation18 impose un délai minimal de 20 secondes entre le moment où les feux rouges
commencent à clignoter et la sonnerie à tinter, et le moment où le train franchit le passage à
niveau.

Pour éviter l’immobilisation d’un convoi sur le passage à niveau, la réglementation relative aux
convois exceptionnels donne des éléments d’appréciation pour que le transporteur puisse étudier
si le franchissement par son convoi se fait sans problème ou s’il doit prendre l’attache du
gestionnaire ferroviaire. Dans ce cas, l’objectif est de construire un cadre de franchissement
réduisant les risques, par exemple en faisant franchir le passage à niveau à un horaire où sont
absentes les circulations ferroviaires.

Ainsi, l’article 12 de l’arrêté du 4 mai 2006 stipule que « Les caractéristiques du convoi […]
doivent lui permettre de franchir les passages à niveau dans les délais maxima suivants :
7 secondes lorsque le passage à niveau est équipé ou non d’une signalisation automatique
lumineuse et sonore complétée par des demi-barrières […] ».

Un point particulier dans la réglementation, qui est repris dans les arrêtés d’autorisation, traite de
la question des convois surbaissés. Le gestionnaire ferroviaire réalise une étude TIPULES qui lui
permet de classer ou non le passage à niveau dans la catégorie des « PN à franchissement
difficile ». Des valeurs de garde au sol minimale sont édictées afin d’étudier au préalable si les
convois routiers peuvent franchir le PN dans les conditions de sécurité requises.

La liste des PN concernés est transmise annuellement par SNCF Réseau aux préfectures de
chaque département. Chaque PN concerné fait l’objet d’une signalisation routière particulière afin
d’attirer l’attention des usagers sur le caractère difficile du franchissement, particulièrement pour
les véhicules surbaissés.

L’information des transporteurs sur les règles de circulation à suivre


Pour préparer leur itinéraire, les transporteurs de convois exceptionnels peuvent récupérer les
informations relatives à la circulation des convois, notamment les contraintes de gabarit ou les
itinéraires dédiés aux TE, à partir de plusieurs sources.

Des cartes nationales des réseaux « 1TE » et « 2TE48 » sont éditées au format papier et vendues
par le centre d’études sur les réseaux, la mobilité et les aménagements (Cerema). Ces cartes,
mises à jour en 2013 et 2010, sont accompagnées d’un livret de prescriptions 19. Ces documents
doivent être présents à l’intérieur de la cabine du camion tracteur lorsque celui-ci emprunte un
itinéraire concerné par ces cartes.

Pour les trois autres réseaux nationaux « TE72 », « TE94 » et « TE120 », les arrêtés
préfectoraux, les cartes et les annexes pour chaque portion départementale de ces réseaux sont
téléchargeables gratuitement sur le site internet de la délégation à la sécurité routière du ministère
de l’intérieur. Le chef de convoi doit pouvoir présenter en cas de contrôle l’arrêté d’autorisation de
circulation ainsi que les cartes et les prescriptions des départements traversés lors du voyage.
L’extrait des cartes du réseau TE72 et les prescriptions associées aux départements traversés par
le convoi accidenté sont présentes sur le site internet de la délégation à la sécurité routière.

Enfin, lorsque les convois exceptionnels bénéficient d’un arrêté d’autorisation de circulation, cet
arrêté contient les prescriptions que doit suivre le convoi, notamment un rappel des précautions
pour franchir les passages à niveau.

18 Cf. article 10 de l’arrêté du 18 mars 1991 modifié relatif au classement, à la réglementation et à


l’équipement des passages à niveau, consultable sur le site internet Légifrance.
19 Ces cartes sont en vente sur le site internet du Cerema.

60
Bureau d’Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre


Grande Arche - Paroi Sud
92055 La Défense cedex
Téléphone : 01 40 81 21 83
Télécopie : 01 40 81 21 50
[email protected]
www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr

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