Accompagner L'insertion Professionnelle Des Jeunes Au Niger: État Des Lieux Et Pistes D'action
Accompagner L'insertion Professionnelle Des Jeunes Au Niger: État Des Lieux Et Pistes D'action
Accompagner L'insertion Professionnelle Des Jeunes Au Niger: État Des Lieux Et Pistes D'action
Accompagner l’insertion professionnelle des jeunes au Niger : état des lieux et pistes d’action. Études et Travaux en ligne no 26
d’instrumentalisation politique. L’insertion socioprofessionnelle des
jeunes représente un réel enjeu d’avenir pour la sous-région. téléchargeables gratuitement
sur le site du Gret : www.gret.org
Plusieurs travaux ont été menés sur la formation professionnelle et
rubrique Ressources en ligne.
l’apprentissage des jeunes en Afrique, mais la problématique de leur
insertion socioprofessionnelle n’a, jusqu’à présent, pas été véritablement
traitée. Pourtant, ces dernières années, des expérimentations
d’accompagnement global et personnalisé des jeunes pour favoriser Cette collection est dirigée
par Christian Castellanet
Anne Le Bissonnais
leur insertion professionnelle et leur accès à l’autonomie ont vu le jour
dans plusieurs pays, notamment en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en et Danièle Ribier.
Mauritanie et au Niger.
Ce document est une première formalisation de la réflexion sur ces
Accompagner l’insertion
approches d’accompagnement global des jeunes en Afrique. Il est axé
sur un pays, le Niger, mais il s’inscrit dans une perspective plus large.
Il poursuit un triple objectif : faire connaître la situation des jeunes
nigériens aujourd’hui, leurs difficultés en matière d’accès à l’emploi ;
dresser un état des lieux des réponses qui existent au Niger en matière
d’emploi, de formation et d’insertion sociale pour les jeunes ; relater
l’expérience récente de création d’un centre d’appui à l’insertion
globale des jeunes au Niger et donner un éclairage sur les autres
expérimentations en cours dans la sous-région afin de partager
professionnelle des jeunes au Niger
les acquis et les questionnements, notamment sur les perspectives
de pérennisation et d’extension de ces dispositifs.
Il espère ainsi contribuer à la prise de conscience de l’enjeu de
l’insertion socioprofessionnelle des jeunes en Afrique de l’Ouest, et
État des lieux et pistes d’action
alimenter la réflexion des acteurs impliqués dans le secteur.
Référence du document :
Le Bissonnais Anne, Accompagner l’insertion professionnelle des jeunes au Niger : état des lieux et
pistes d’action. Coll. Études et travaux, série en ligne n° 26, Éditions du Gret, www.gret;org, 2010, 64 p.
Anne Le Bissonnais est socio-économiste. Elle travaille depuis vingt ans dans le domaine du
développement local et de l’insertion, en France (ADIE) et en Afrique (Iram). Entre 1998 et 2008, elle a
été conseillère, puis directrice d’une mission locale francilienne. En 2009, elle a engagé une recherche
action sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes au Niger. Aujourd’hui consultante, elle poursuit ses
travaux sur ces questions d’emploi et d’insertion, au Nord et au Sud.
Résumé
Sommaire
Résumé…………………………………………………………………………………………………………… 3
Préface……………………………………………………………………………………………………………. 7
Introduction………………………………………………………………………………………………………. 9
L’INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE DES JEUNES AU NIGER, UN ENJEU MAJEUR………………… 13
Le contexte du Niger, un pays pauvre, une population très jeune…………………………………… 13
Une pauvreté croissante malgré des potentialités de développement économique ........... 13
Une population très jeune ............................................................................................................... 13
Un tissu économique faible, un marché du travail contraignant ............................................. 14
L’insertion des jeunes, un enjeu majeur pour le pays ................................................................. 16
Des jeunes en quête d’insertion professionnelle et sociale…………………………………………….. 18
Souleymane, Awa, Boubacar, Hadiza, Abdoulaye : des trajectoires d’insertion difficiles ... 18
Une majorité de jeunes peu ou pas du tout scolarisés, un accès difficile à la formation .... 21
Des jeunes éloignés du monde du travail et de l’entreprise ..................................................... 22
Des difficultés sociales, financières et de mobilité ...................................................................... 26
Des difficultés multiples et qui interagissent entre elles .............................................................. 28
EMPLOI, FORMATION ET INSERTION SOCIALE :
UNE PRÉOCCUPATION RÉCENTE, DES RÉPONSES ENCORE INSUFFISANTES….……………………….. 30
Une politique de l’emploi récente, des réponses limitées……………………………………………… 30
Le ministère de la Fonction publique et du Travail et l’Agence nationale ..................................
pour la promotion de l’emploi (ANPE) ....................................................................................... 30
Les dispositifs d’appui à la création d’entreprise ........................................................................ 31
Une offre de formation professionnelle insuffisante 32
L’offre publique et privée de formation professionnelle et technique .................................... 32
Les limites de l’offre de formation professionnelle au Niger ...................................................... 35
Des actions nombreuses dans le domaine de l’insertion sociale……………………………………… 37
L’expérimentation d’un centre d’appui à l’insertion socioprofessionnelle des jeunes à Niamey 38
Un espace d’accueil, d’orientation et d’accompagnement des jeunes .............................. 38
Les jeunes accueillis .......................................................................................................................... 38
Les réponses apportées et les premiers résultats ......................................................................... 39
Les perspectives de l’expérimentation ......................................................................................... 44
Un manque de coordination des interventions en faveur de l’insertion,
l’enjeu de dispositifs d’accompagnement global……………………………………………………… 45
Préface
L’emploi des jeunes en Afrique de l’Ouest est devenu un enjeu de première importance pour les
décideurs politiques du Sud1 et du Nord. En effet, la forte augmentation du nombre de jeunes et leur
concentration dans les villes en raison de l’exode rural font craindre des troubles sociopolitiques si le
problème de l’insertion professionnelle et sociale de ces jeunes n’est pas traité.
Un contexte de croissance économique, s’accompagnant de création d’emploi, est assurément
une condition nécessaire pour faciliter l’accès de nombreux jeunes à une activité salariée ou
entrepreneuriale et ainsi à un revenu décent. Dans des contextes de croissance économique
insuffisante, comme c’est le cas actuellement en Afrique de l’Ouest, tout ce qui peut être fait dans le
domaine de l’emploi est à encourager, notamment le développement de micro et petites entreprises
dans le secteur informel ou semi-formel, car celles-ci représentent une part importante voire croissante
du PIB et de l’emploi dans la région.
Toutefois l’expérience montre que cela n’est pas suffisant. Il est également nécessaire de travailler à
l’amélioration du lien entre les formations – trop souvent coûteuses et peu adaptées–, les profils des
jeunes – notamment les plus défavorisés –, et les besoins du marché du travail –en particulier ceux des
entreprises du secteur informel.
Mettre en relation et accompagner les jeunes pour faciliter leur intégration professionnelle peut
contribuer à développer des opportunités d’emplois. Il s’agit de mieux connaître le marché local du
travail, de créer des synergies entre les différents acteurs du territoire et d’améliorer l’adéquation entre
les formations, les besoins des jeunes et ceux des entreprises et enfin d’outiller les jeunes pour leurs
démarches de recherche d’emploi.
Face à cet enjeu, les réponses restent timides et conçues le plus souvent de manière peu
concertée. Les acteurs de l’éducation et de la formation professionnelle essaient de plus en plus de
prendre en compte les attentes des milieux professionnels pour définir une offre de formation adaptée
aux besoins du marché du travail. Certains acteurs de la microfinance essaient de promouvoir le
concept d’inclusion financière des jeunes2 afin de faciliter leur accès à des produits et services
financiers adaptés.
Pourtant, en échangeant avec de jeunes Africains et avec les acteurs du développement
intervenant en appui au secteur privé, au secteur de l’éducation et de la formation professionnelle ou
à la mise en œuvre de politiques sociales, on peut aisément constater qu’il existe un besoin pour des
dispositifs pouvant offrir de manière décentralisée des services multiples d’appui à l’insertion. Ces
services doivent être accessibles aux jeunes les plus démunis et capables de faire l’interface entre les
jeunes, les employeurs, les structures publiques et privées de formation, les collectivités locales, les
fournisseurs de services aux entreprises (financiers et non financiers), etc.
L’étude menée par Anne Le Bissonnais vient donc au bon moment. Elle présente le grand intérêt de
poser une première pierre dans la réflexion sur les enjeux de l’insertion socioprofessionnelle des jeunes
au Sud et les moyens de l’améliorer.
Program » - http://www.makingcents.com/ourWork/yfsLink.php
Cette étude a été réalisée en lien avec le Gret qui travaille depuis plusieurs années sur l’insertion
professionnelle des jeunes dans le cadre de ses activités d’appui aux entreprises et de formation
professionnelle. Depuis 2009, des échanges se sont tenus régulièrement entre les dispositifs de Niamey
au Niger qu’Anne Le Bissonnais accompagnait et le centre d’appui Cap Insertion à Nouakchott en
Mauritanie, mis en œuvre par le Gret dans le cadre d’un programme financé par l’AFD et associant le
CFSI et Essor.
L’étude de l’initiative développée dans la ville de Niamey par l’association nigérienne Afrique
Fondation Jeunes met en évidence l’intérêt de créer des dispositifs offrant une gamme étendue de
services susceptibles de traiter la multiplicité des contraintes à l’insertion. Largement illustré d’exemples
concrets de jeunes Nigériens confrontés à la difficulté d’accéder à un emploi, ce document situe bien
la problématique dans le contexte d’un pays sahélien classé parmi les plus pauvres de la planète.
Ce travail a également le grand mérite de mettre en évidence les multiples contraintes à l’insertion
socioprofessionnelle et les capacités d’autant moins grandes à les lever que le niveau de pauvreté du
milieu dont sont issus les jeunes est élevé et/ou qu’il s’agit de femmes. Ainsi, l’accès à la formation et à
l’information, les moyens de déplacement ou le logement sont d’autant plus difficiles à trouver que les
milieux d’origine sont modestes, ce qui renforce les inégalités devant l’accès à l’emploi.
Partant de l’analyse de l’expérience nigérienne et en s’appuyant sur des expériences en cours
dans d’autres pays africains - Mauritanie, Sénégal et Côte-d’Ivoire, Anne Le Bissonnais argumente
ensuite en faveur de la création et de l’institutionnalisation de dispositifs d’accompagnement à
l’insertion socioprofessionnelle des jeunes. Il s’agit là effectivement d’un enjeu essentiel. Si les
expérimentations en cours continuent de démontrer leur pertinence en matière d’insertion, elles sont
encore trop récentes pour avoir fait preuve de leur efficacité. Par ailleurs, la question de leur
pérennisation reste largement posée : quelles sont les ressources financières nécessaires, d’où peuvent-
elles provenir, quel ancrage institutionnel est-il souhaitable pour ces dispositifs situés à l’interface entre
des acteurs publics (nationaux et territoriaux) et privés, etc. ?
Enfin cette étude bénéficie de l’expérience acquise par son auteure dans sa pratique de l’insertion
socioprofessionnelle en France à travers la direction d’une mission locale. Elle démontre sa capacité à
prendre le recul nécessaire pour examiner et analyser ses pratiques comme elle l’a déjà montré dans
un récent ouvrage3 et sa bonne connaissance des pays africains et des problématiques de
développement auxquelles ils sont confrontés.
3 Voir : Le Bissonnais A, Les missions du possible. Avec et pour les jeunes en parcours d’insertion, Éditions Apogée, Rennes, 2009.
Introduction
L’Afrique de l’Ouest est confrontée aujourd’hui à une augmentation du chômage des jeunes,
notamment dans les villes. Il devient de plus en plus long et difficile de s’insérer dans la vie active et
atteindre l’âge adulte – c'est-à-dire obtenir un emploi, une autonomie résidentielle et s’installer en
couple. L’accroissement démographique, la proportion grandissante des jeunes urbains, l’exode rural
et la crise économique sont autant de facteurs qui aggravent la situation de la jeunesse africaine,
contribuant aux risques d’exclusion, de tensions sociales, d’instrumentalisation politique et de
radicalisation. Comme le soulignait déjà le centre de recherche DIAL en 2007 dans le numéro de sa
revue Dialogue consacré à l’emploi des jeunes en Afrique, « la conjonction entre une pression
démographique forte et les faibles perspectives d'emploi des jeunes est porteuse de risques majeurs
pour le continent africain et ses voisins : la criminalité, l'instabilité politique et les flux migratoires sont en
effet alimentés par la disponibilité d'un grand nombre de jeunes sans perspectives. »4
L’insertion socioprofessionnelle des jeunes représente donc un enjeu majeur dans la plupart des
pays de la sous-région.
Plusieurs travaux ont été réalisés sur la question de la formation professionnelle et de l’apprentissage
en Afrique de l’Ouest5. D’autre part, les études sur les enfants des rues ou plus largement sur les
difficultés sociales des jeunes africains sont relativement nombreuses6. En revanche, la problématique
de l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, incluant les champs de l’emploi, de la formation, de
l’orientation et du social n’a, jusqu’à présent, pas été véritablement traitée. En effet, l’insertion des
jeunes est nécessairement multidimensionnelle, faisant intervenir de nombreux acteurs économiques et
sociaux dans un système complexe d’interrelations entre marché du travail, politiques publiques de
formation et d’emploi et dispositifs d’aide.
Or, depuis quelques années, dans le cadre des interventions de terrain, au sein des projets, les
réflexions se multiplient sur ce sujet, partant de l’hypothèse qu’une approche sectorielle ne suffit plus et
que l’accès à l’emploi des jeunes demande un travail plus global et personnalisé
d’accompagnement, pour les aider – selon les cas – à s’informer, s’orienter, connaître les métiers,
découvrir le monde de l’entreprise et préparer leur recherche d’emploi, construire un projet
professionnel ou reprendre une formation. C’est cette prise en compte de la dimension systémique de
l’insertion qui permettrait de mieux accompagner les jeunes vers l’emploi. Ce travail
d’accompagnement doit être mené à l’échelle locale et en partenariat avec l’ensemble des acteurs
de l’insertion. Parallèlement, il y a nécessité à agir sur les politiques publiques, au niveau de l’État et des
collectivités territoriales, qui touchent à l’insertion des jeunes.
Les expérimentations dans ce domaine que l’on observe en Afrique de l’Ouest depuis environ cinq
ans sont à l’image des dispositifs créés en France dans les années 19807. Chaque expérience est
spécifique, avec une ancienneté, un statut et des modalités d’intervention et de financements
de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les missions locales de juillet 2010, qui souligne notamment que « les performances
des missions locales tiennent au caractère doublement intégrateur qui fait leur originalité : « intégrateur de moyens », du fait de
leur cofinancement par l’État et les collectivités locales, et « intégrateur de services », de par leur objectif d’accompagnement
global des jeunes (emploi, formation, logement, santé, mobilité, culture, sport) », cité in plabbe.wordpress.com, septembre 2010.
différents, mais leur objectif, globalement, est de favoriser l’insertion professionnelle et l’accès à
l’autonomie des jeunes, à partir d’un accompagnement global et personnalisé. Tout en construisant
une méthode d’accueil, d’orientation et de suivi des jeunes, il s’agit aussi, dans chaque contexte, de
développer pour eux les opportunités de se former, de découvrir les métiers et l’entreprise, de trouver
un emploi ou de créer leur propre activité économique et d’accéder ainsi à l’autonomie.
En Côte-d’Ivoire, les missions locales des plates-formes de services (PFS) ont été mises en place en
2005 pour contribuer à réduire le chômage des jeunes. Mis en place par quatre organismes publics
nationaux (le Fonds de développement de la formation professionnelle (FDFP), l´Agence nationale de
formation professionnelle (AGEFOP), l´Agence d´étude et de promotion de l´emploi (AGEPE) et le
Fonds national de solidarité pour la promotion de l´emploi jeune (FNS)) et financé en grande partie par
la Coopération française, ce dispositif national mène des actions d´identification, d’information et
d´orientation des jeunes vers l’emploi, salarié ou non. Elles s’appuient sur les territoires pour développer
l’activité économique et l’offre d’insertion.
Au Sénégal, à Saint-Louis, le Centre régional de ressources pour l’emploi des jeunes (CRREJ) a pour
objectif depuis 2006 de développer un service d’information, d’orientation et d’accompagnement des
jeunes vers l’emploi, dans une logique de partenariats et de « faire faire ».
En Mauritanie, le Groupe de recherche et d’échanges technologiques (Gret) teste depuis mi 2008
un dispositif d’appui à l’insertion des jeunes des quartiers périphériques de la capitale. Ce projet,
Centre d’appui à l’insertion des jeunes de Nouakchott – CAP Insertion, est financé par l’Agence
française de développement (AFD).
Au Niger, l’ONG nigérienne Afrique fondation jeunes (AFJ), basée à Niamey, a entamé, début 2008,
un travail d’accueil, de formation et d’emploi des jeunes, en partenariat avec l’ONG Swisscontact. Elle
a démarré en octobre 2009 l’expérimentation d’un centre d’appui à l’insertion des jeunes permettant
la découverte des métiers, l’orientation professionnelle, les mises en relation dans les domaines de la
formation, de l’emploi, de la création d’activités économiques et de l’insertion sociale et
l’accompagnement des jeunes tout au long de leur parcours.
Ces expériences au Sud sont encore récentes et expérimentales ; aucun travail de capitalisation
n’a jusqu’à présent été réalisé. Ce document est une première formalisation de la réflexion sur ces
approches d’accompagnement global des jeunes en Afrique. Il est axé sur un pays, le Niger, mais il
s’inscrit dans une perspective plus large, dans l’objectif de partager les acquis et les questionnements
avec les autres expérimentations en cours dans la sous-région.
Le travail présenté ici est le résultat de la recherche-action que j’ai pu mener au Niger de janvier
2009 à mai 2010. Ayant travaillé pendant dix ans dans le réseau des missions locales en France, j’étais
particulièrement intéressée, à mon arrivée au Niger, par la question de l’insertion des jeunes dans ce
pays. Le contexte y est sans doute encore plus difficile que dans les autres pays de la sous-région :
l’accroissement démographique y est très élevé, contribuant à une augmentation forte de la
proportion des jeunes dans la population nigérienne ; les opportunités d’emploi sont faibles et l’offre de
formation professionnelle est réduite. L’hypothèse de départ était qu’un dispositif d’orientation et
d’accompagnement global des jeunes pouvait contribuer à la diminution du chômage et à une
meilleure insertion socioprofessionnelle de la jeunesse nigérienne.
Après avoir identifié les acteurs (services publics, collectivités locales, centres de formation,
fédérations professionnelles, associations, etc.) jouant un rôle dans les différents champs de l’insertion
(emploi, formation, insertion sociale), j’ai réalisé un certain nombre d’entretiens, à Niamey (ministère de
la Formation professionnelle, ministère Jeunesse et Sports, ANPE, Commune 1 de Niamey, centres de
formation, associations etc.). J’ai pu effectuer également des observations de terrain et des entretiens
auprès de plusieurs dizaines de jeunes demandeurs d’emploi ou de formation qui m’ont permis de
mieux connaître leur situation en matière de qualification, d’expérience professionnelle, leurs difficultés
et leurs aspirations. Enfin, j’ai travaillé pendant huit mois comme bénévole au sein de l’AFJ à la mise en
place d’un centre d’appui à l’insertion des jeunes (construction de la méthodologie et des
documents-supports, recrutement et formation de conseillers d’insertion, démarrage des premiers
ateliers de recherche d’emploi, création d’une boîte à outils pour les conseillers, etc.). Pendant toute
cette période, j’ai échangé régulièrement avec la direction de l’Insertion au ministère de la Formation
professionnelle sur les perspectives d’institutionnalisation d’un dispositif d’orientation et
d’accompagnement des jeunes à l’insertion.
Le Niger, avec une superficie de 1 267 000 km2, est un pays totalement enclavé au cœur de
l’Afrique de l’Ouest. Le port le plus proche est à plus de 1 000 km de la capitale.
À prédominance rurale et disposant de ressources naturelles limitées, le pays connaît un
phénomène de pauvreté qui s’est amplifié dans les années 1990. Sur 89 % de son territoire, le Niger
reçoit moins de 350 mm de pluie par an, avec de fortes irrégularités qui entraînent la récurrence de
sécheresses. En janvier 2010, le pays était encore confronté à un risque de crise alimentaire grave,
comparable à celle de 2005. Le revenu par habitant est d’environ 600 USD, faisant du Niger l’un des
pays les plus pauvres du monde, classé dernier selon le rapport 2009 des Nations unies sur l’indice de
développement humain (IDH). Selon ce même rapport, 85 % de la population nigérienne vit
actuellement en dessous du seuil de pauvreté (deux dollars par jour).
Néanmoins, le Niger dispose des réserves d’uranium parmi les plus riches du monde, ainsi que de
gisements d’or et de pétrole. Le prix de l’uranium a récemment augmenté grâce à la reprise du
secteur de l’énergie nucléaire. Par ailleurs, le pays a des vastes troupeaux d’animaux recherchés pour
leur viande (les bœufs azawak) ou leur peau (les chèvres rousses de Maradi) et un fort potentiel
d’irrigation, déjà en partie exploité pour les oignons violets de Galmi. L’artisanat d’art nigérien est l’un
des plus riches de l’Afrique. Le secteur du bâtiment et des travaux publics connaît actuellement une
croissance de plus de 5 %, croissance qui devrait se poursuivre dans les années à venir8.
Le Niger possède également des atouts dans le secteur touristique mais difficilement exploitables
actuellement en raison des tensions dans le Nord et de l’instabilité politique qui s’installe dans le pays.
La croissance économique était de 5,9 % en 2008. Le secteur primaire représente 40 % du PIB, le
secteur secondaire 14 % et le secteur tertiaire, dominé par le secteur informel, 46 %.
La population du Niger était de 14 692 000 habitants en 2009 (sources INS) et connaît un taux de
croissance démographique très élevé (3,3 %). Ce taux, l’un des plus élevés du monde, entraîne une
pression croissante sur les ressources, une dégradation des sols et des tensions sociales.
La densité moyenne est de 11,2 habitants au km2, avec une concentration dans la partie Sud du
pays : les trois quarts de la population vivent sur un quart du territoire national.
La population nigérienne est encore essentiellement rurale (80 % vivant en milieu rural) ; le
phénomène d'urbanisation est important, même s’il demeure encore limité par rapport aux autres pays
de la sous-région. Le taux d’urbanisation était estimé à 20,4 % en 2010. La population est aussi de plus
en plus jeune. Avec un indice synthétique de fécondité de 7,1 enfants par femme et une espérance
de vie à la naissance de 58 ans en 2009, l'une des spécificités du Niger est la jeunesse de sa population
(66 % a moins de 25 ans et près de 52 % a moins de 15 ans). En milieu urbain, les jeunes âgés de 15 à
34 ans représentent environ 35 % de la population totale. À Niamey, cette proportion serait encore
supérieure.
Au Niger, le secteur formel est très limité. Au total, on dénombrait 3 575 entreprises enregistrées en
2007, employant 54 010 salariés et dont la plupart étaient concentrées à Niamey (71 % étaient
localisées dans la région de Niamey). Près de 90 % de ces entreprises avaient moins de 20 salariés. Un
peu plus de 8 % d’entre elles avaient entre 20 et 100 salariés. 2 % seulement (soit 72 entreprises) avaient
un effectif de plus de 100 salariés dont 13 entreprises de plus de 500 salariés9.
En 2008, le chiffre était de 4 181 entreprises enregistrées, dont la moitié étaient des entreprises
individuelles, avec une capacité faible de création d’emplois.
La fonction publique a, quant à elle, quasiment cessé d’embaucher de façon permanente depuis
près de vingt ans, même si, en raison des besoins, notamment dans les domaines de l’éducation et de
la santé, elle recrute des contractuels et des jeunes diplômés dans le cadre du service civique.
La contribution du secteur informel10 au produit intérieur brut (PIB) est donc en augmentation depuis
les années 1980, en partie en raison de cet effondrement du secteur public. Elle se situe aujourd’hui
entre 60 et 75 % du PIB. La taille de l’économie informelle est en partie responsable de la faible pression
fiscale ; le ratio recettes fiscales/PIB est l’un des plus faibles en Afrique subsaharienne – 10,6 % en 2006 –
qui est loin de l’objectif de l’UEMOA (17 %). Cette faiblesse de la fiscalité rend le Niger extrêmement
dépendant de l’aide extérieure et diminue sa capacité à financer l’infrastructure et les services publics
nécessaires pour appuyer le secteur privé.
Ce secteur informel n’est pas uniforme. Trois catégories au moins peuvent être distinguées :
- le secteur intermédiaire ou « de transition », dans lequel les entreprises sont soumises à la patente.
Elles ne payent pas d’impôt sur les bénéfices ; la comptabilité est très simplifiée. Les travailleurs ne sont
pas immatriculés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) ;
- le secteur informel localisé, caractérisé par la petite patente municipale (ou non) et l’existence
d’un local fixe ;
- le secteur informel non localisé qui comprend les activités ambulantes, de rue ou de marché ; elles
sont parfois soumises à la patente municipale.
Globalement, ce secteur est caractérisé par des entreprises de petite taille, des techniques de
production artisanale, une main-d’œuvre formée sur le tas, une production à la fois autoconsommée
et marchande et surtout le non-respect de la réglementation du travail. Enfin, le secteur informel
manque de sources de financement, financement qui reste principalement assuré par l’épargne
individuelle, les appuis familiaux ou par le système des tontines traditionnelles.
Le faible niveau d'instruction des acteurs du secteur constitue également un handicap, notamment
pour communiquer avec l'environnement institutionnel. Il n’existe pas de cadre permettant de favoriser
les rencontres et la défense des intérêts de ces acteurs. Dans l’artisanat, on peut noter cependant le
poids que représente aujourd’hui la Fédération nationale des artisans (FNAN).
9Ministère de la Fonction publique et du Travail, ANPE, ONEF (décembre 2008) : Annuaire des statistiques du travail.
10Le secteur informel, selon les définitions du BIT ou de la Banque mondiale, est caractérisé par son absence de réglementation
et de fiscalité.
Dans la mesure où le secteur privé formel ou « classique » et le secteur public offrent peu
d’opportunités d’intégration dans la vie professionnelle, c’est le secteur informel qui procure l’essentiel
des emplois (environ 75 % des emplois au Niger) et des revenus aux populations urbaines du Niger. À
Niamey, selon l’étude PARSTAT de 2002, les 74 116 unités recensées de production informelle des
activités marchandes non agricoles de la capitale généraient 101 000 emplois11 ; les travailleurs de ce
secteur sont répartis essentiellement dans le commerce (produits alimentaires majoritairement),
l’artisanat de production et l’artisanat de services (restauration ambulante notamment). Les unités sont
globalement petites (la taille moyenne des unités informelles est de 1,4 personnes par établissement) et
les salaires très faibles, lorsqu’ils existent. Du fait de la taille réduite des unités informelles et du poids
écrasant de l'auto-emploi, le taux de salarisation (ratio rapportant le nombre de salariés au nombre
total d'actifs) est de 10,5 %. Selon une étude du BIT, en milieu urbain, en 1995, 51 % des employés
étaient sans rémunération, 47,5 % ayant un salaire ne dépassant pas 15 000 francs CFA12. Pour les
auteurs de l’étude PARSTAT de 2002 qui admettent que « la mesure des revenus dans le secteur
informel pose de redoutables problèmes de mesure et d'interprétation », la rémunération mensuelle
moyenne, calculée sur l'ensemble des actifs du secteur informel, était de 52 700 francs CFA.
Aujourd’hui, même s’il est difficile d’obtenir des données précises, il est reconnu que la grande
majorité des travailleurs du secteur informel non agricole, et en particulier les jeunes, reçoivent une
rémunération très inférieure au salaire minimum légal13. Ces revenus ne suffisent pas à couvrir les
besoins d’un jeune, même célibataire, qui n’habite plus dans sa famille. Le loyer mensuel d’une
chambre dans un « célibatorium » à Niamey s’élève à environ 15 000 francs CFA et le sac de riz,
permettant de se nourrir pendant un mois, coûte environ 18 000 francs CFA. Dans ces conditions, il est
impossible de vivre sans être dépendant de son entourage. Lorsque le jeune est marié et père de
famille, la situation est pire, même si la femme exerce alors souvent des petites activités de survie. Pour
les jeunes peu ou pas du tout qualifiés qui n’ont souvent la possibilité d’accéder à un emploi que dans
ce secteur informel, les conditions de travail sont souvent extrêmement difficiles. Inexpérimentés, ils sont
souvent mal traités par les patrons et ne jouissent pratiquement d’aucun droit légal. Les recrutements
dans ces ateliers ou ces petites entreprises se font souvent grâce à l’entourage familial ou aux réseaux
de relations sociales ; les engagements ne sont bien sûr pas formalisés, les rémunérations sont non
seulement réduites mais aussi très irrégulières et aléatoires et les emplois sont rarement pérennisés.
Lorsque l’atelier ferme, le jeune ne dispose d’aucune attestation de travail ou de formation.
Les offres dans le secteur formel sont surtout accessibles aux diplômés des écoles supérieures du
secteur tertiaire (comptables, gestionnaires, etc.), qui ont souvent reçu un enseignement très général
et théorique, pas toujours adapté aux besoins des employeurs. Les grandes entreprises (travaux publics,
téléphonie, mines, etc.) ou les ONG importantes, concentrées à Niamey et dans les villes secondaires
les plus importantes du pays, ont globalement du mal à recruter et à fidéliser leur personnel. Certains
secteurs en développement, comme ceux du bâtiment et des travaux publics, par exemple,
connaissent un déficit de main-d’œuvre qualifiée (maçons, plombiers, conducteurs d’engins, etc.).
Les opportunités économiques sont globalement limitées et beaucoup de secteurs sont saturés en
raison notamment d’une demande solvable réduite. Beaucoup de jeunes ne trouvent pas d’emploi
dans la filière où ils ont été formés ; c’est le cas, par exemple, de la menuiserie bois pour les garçons et
de la couture pour les filles. Les compétences techniques et de gestion manquent dans tous les
11AFRISTAT, Le secteur informel dans la communauté urbaine de Niamey (CUN) : performance, insertion et
perspectives. Enquêtes réalisées dans le cadre du projet PARSTAT, financé par l'UEMOA, et avec l’aide scientifique
de DIAL, 2002.
12 Gasarian J. et Maldonado C., Secteur informel : fonctions macro-économiques et politiques gouvernementales :
le cas du Niger, OIT, (1998).
13Le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est au Niger d’un peu plus de 28 000 francs CFA, c’est-à-dire
environ 42 euros par mois (pour une durée de travail de 40 heures par semaine). Source ANPE Niger.
secteurs de l’économie nigérienne. Plusieurs études ont été réalisées14 afin que soient identifiés les
créneaux ou les métiers porteurs ; mais les moyens ne sont pas mis pour améliorer le niveau des
qualifications et l’adéquation entre les besoins des entreprises ou de l’économie et les formations
proposées.
Avec un taux d’alphabétisation pour les adultes qui ne dépasse pas 28 % en 2009, avec des milliers
de jeunes très faiblement scolarisés et avec des créations d’emplois qui n’augmentent pas, le
chômage des jeunes nigériens s’aggrave d’année en année. Dans les villes et particulièrement à
Niamey, qui représente plus d’un million d’habitants, la question du chômage des jeunes est devenue
alarmante15.
Au total, la population active est estimée à environ 5 500 000 personnes âgées de 15 à 64 ans, dont
48,4 % d’hommes et 51,6 % de femmes. Plus de 62 % de la population active sont sans instruction et
seulement 0,6 % de cette population ont un niveau d’instruction supérieur. La population active
occupée serait de 3 400 000 personnes dont 67,2 % d’hommes et 32,8 % de femmes.
Selon les chiffres de l’ANPE, repris dans un certain nombre de rapports, le taux de chômage est
estimé à environ 18 % de la population active en 2009, contre 16 % en 2005. Il est plus important en
milieu urbain (21,4 %) qu’en milieu rural (16,7 %). Les femmes sont les plus touchées, avec un taux de
30 %, contre 15 % environ pour les hommes. Les 15-29 ans enregistrent le taux le plus élevé (24 %). En
général, les personnes les plus exposées au chômage possèdent un faible niveau d’instruction. 16
En réalité, ces taux sont probablement supérieurs. Mais il est impossible d’obtenir des données
fiables du chômage selon la définition du BIT (les chômeurs sont les personnes en âge de travailler qui
sont sans emploi, disponibles et actives dans leurs recherches de travail). Au Niger particulièrement, la
frontière entre chômage et sous-emploi (c'est-à-dire la situation dans laquelle sont les personnes qui
travaillent à temps partiel et qui souhaiteraient travailler davantage) est difficile à établir. Et les jeunes
nigériens sont très touchés par le sous-emploi, visible et invisible et par les petits boulots qui ne sont pas
rémunérés. Nous ne pouvons nous fonder que sur des estimations données notamment par catégories
d’âge ou de situation socioprofessionnelle. Selon la direction de l’Insertion professionnelle des jeunes
au ministère de la Formation professionnelle, un million et demi de jeunes de 13 à 19 ans sont en dehors
du système éducatif et sans emploi et plus de 50 000 diplômés sont au chômage. Chaque année,
4 000 jeunes environ sortiraient du système de formation initiale sur le marché du travail17.
Le risque d’insécurité et de délinquance lié à l’inactivité des jeunes est de plus en plus mis en avant,
notamment par les organisations internationales. Selon Jean Lieby, responsable de l’unité protection
de l’enfant au Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), « au Niger, le nombre élevé de jeunes
fait de ce groupe une force potentiellement explosive »18. Marthe Diarra Doka souligne quant à elle
dans son étude commanditée par la Coopération danoise 19 que le sort de la jeunesse nigérienne
14Salaou Nouhou, (mars 2006), Étude d’identification des créneaux économiques porteurs d’emplois ou d’activités
génératrices de revenus, PAFPCA. Hambally Yacouba (avril 2007), Étude sur les filières porteuses d’emploi dans la
communauté urbaine de Niamey. ANPE.
15 La région de Niamey, qui équivaut à la communauté urbaine de Niamey, compte 1 222 066 habitants selon les
estimations 2010 de l’Institut national de la statistique, in www.ins.ne, « Population du Niger estimée en 2010 ».
16 Voir Perspectives économiques en Afrique (2010), in AfricanEconomicOutlook.org (BAD, OCDE, CEA-ONU) et
Programme d’action triennal de promotion de l’emploi des jeunes au Niger (2010-2012), MJS-MFP/T-MFPT-MPJE,
octobre 2009.
17 Projet de plaidoyer pour un appui à la mise en œuvre des programmes de promotion d’emploi en cours à l’ANPE,
2009-2012, ministère de la Fonction publique et du Travail, ANPE, Service des programmes d’emploi.
18 « Les Jeunes, une « bombe à retardement démographique », article de l’IRIN (Integrated Regional Information
devient de plus en plus « préoccupant pour le Gouvernement (…) du fait du nombre élevé des jeunes
évoluant dans une situation de précarité professionnelle qui constitue à n'en point douter une menace
permanente pour la quiétude sociale ».
Selon une étude de 2005 publiée par les Nations unies, le Gouvernement nigérien et la Banque
mondiale, 25 000 enfants survivaient dans les rues, en majorité seuls, et plus de 4 000 d’entre eux
vivaient dans la rue à plein temps.
À l’heure actuelle, la situation en matière de délinquance dans les villes nigériennes est encore loin
d’être celle d’autres grandes villes africaines. Avant tout, le chômage et le sous-emploi ont comme
conséquence une insertion socioprofessionnelle plus difficile qui se traduit par un allongement des
périodes de transition vers l’autonomie financière, familiale et résidentielle. Au sens de la Charte
nationale de la jeunesse du Niger, le terme « jeune » se définit comme l’ensemble des personnes âgées
de 14 à 30 ans. Mais, comme dans beaucoup d’autres pays d’Afrique, le concept de jeunesse s’étend
au Niger jusqu’à 35 ans20. Les programmes d’appui aux jeunes sont souvent accessibles au-delà de 30
ans. Le mariage, qui constitue en Afrique une étape essentielle vers l’âge adulte, est retardé pour les
garçons, en raison du manque d’emplois et de revenus. Selon le recensement de la population 2001,
près de 80 % des jeunes de 15 à 25 ans résidant à Niamey étaient encore célibataires. Les
dépendances vis-à-vis de l’entourage sont fortes. Même parmi la catégorie des jeunes diplômés, les
trajectoires d’insertion sont retardées. D’après l’étude récente sur les jeunes diplômés21 (qui peuvent
être âgés de 15 à 35 ans et même plus), près de 58 % d’entre eux (filles et garçons confondus) étaient
célibataires et pour 45 % d’entre eux, les dépenses de logement étaient prises en charge par les plus
proches parents et 25 % par leur conjoint. Les proportions pour la prise en charge des dépenses de
nourriture étaient similaires.
Cette question de l’insertion socioprofessionnelle devient depuis quelques années un enjeu majeur
pour le pays. L’une des priorités du programme cadre pour l’insertion professionnelle des jeunes, dans
le cadre de la stratégie de réduction de la pauvreté en 2002, était de « réduire le chômage,
notamment des jeunes et des femmes », en développant un « système efficace d’insertion et de
formation professionnelle ».
Dans le cadre de sa Stratégie de développement accéléré et de réduction de la pauvreté (SDRP
2008-2012) et du Plan national de l’emploi (PNE), le Niger s’est fixé des objectifs en matière de
développement de l’économie et de réduction du chômage, notamment celui des jeunes. Le
programme d’action triennal de promotion de l’emploi des jeunes au Niger (2010-2012), élaboré en
octobre 200922, constatant que le chômage et le sous-emploi des jeunes sont parmi les principaux
problèmes du Niger, propose une stratégie interministérielle visant à « promouvoir la formation et
l’insertion d’au moins 100 000 jeunes d’ici 2012 ».
Pour la direction de l’Insertion professionnelle des jeunes, précédemment citée, « en nous inscrivant
dans le cadre du processus de mise en œuvre de la SDRP en général et du programme de
modernisation et de développement de l’enseignement et de la formation professionnelle et
technique (EFPT), il apparaît indispensable de mettre en place un mécanisme partagé de coordination
méthodologique des interventions des acteurs publics et privés de promotion de l’insertion
socioéconomique des jeunes »23.
20 Pour la Charte africaine de la jeunesse, adoptée en 2006, « jeune » signifie toute personne âgée de 15 à 35 ans.
21 Agence nationale pour la promotion de l’emploi (ANPE), Institut national de la statistique (INS), Rapport du
recensement des diplômés sans emploi de novembre 2009.
22 Programme d’action triennal de promotion de l’emploi des jeunes au Niger (2010-2012), MJS-MFP/T-MFPT-MPJE,
octobre 2009.
23 Note relative à la création d’un dispositif global de cohésion institutionnelle pour l’insertion professionnelle des
jeunes au Niger, direction de l’Insertion professionnelle des jeunes, ministère de la Formation professionnelle et
technique, juin 2009.
Les petites histoires de vie présentées ici sont celles de jeunes rencontrés dans le cadre de mon
travail de recherche-action, à l’occasion d’ateliers réalisés à l’AFJ ou lors de mes visites dans les
centres de formation (AFJ, Centre Agapè24, Centre éducatif du Musée); les difficultés que ces jeunes
rencontrent reflètent celles que vivent les jeunes de Niamey, des garçons et filles en général de faible
niveau scolaire (niveau ne dépassant pas la classe de quatrième), ayant vécu des expériences de
petits boulots ou d’emploi dans le secteur informel ou de formations courtes, et qui, au moment où les
entretiens ont été réalisés, se trouvaient encore en recherche d’insertion dans la vie professionnelle.
Jeune homme de 27 ans, habitant le quartier de Yantala à Niamey, Souleymane a arrêté l’école en
1995, en classe de CM2 ; son père étant décédé et sa mère résidant près de Dosso, il loge dans une
location qu’il partage avec un ami pour un loyer de 15 000 francs CFA par mois. Il a commencé en
1998 la mécanique automobile dans un atelier du quartier Lacouroussou pour un patron qui le payait
20 000 francs CFA par mois. L’atelier ayant fermé, il a ensuite fait des ménages chez un oncle pour une
rémunération de 40 000 francs CFA par mois puis chez une tante pendant quatre ans, pour un salaire
très faible (parfois aucun salaire) mais qui le logeait. En 2004, il a démarré la menuiserie métallique dans
un atelier de Yantala. Il a appris le métier « sur le tas » et appréciait ce qu’il faisait. Il travaillait « comme
un fou », dit-il, estimant « qu’il faisait du bon travail ». D’après lui, l’atelier fonctionnait bien et le patron
faisait des bénéfices ; pourtant, Souleymane ne gagnait que 500 francs CFA par jour, à peine de quoi
se nourrir.
Il a donc décidé de quitter l’atelier mais il souhaite aujourd’hui poursuivre la menuiserie métallique,
continuer à se former, apprendre à « fabriquer de nouveaux modèles », à développer des idées et à
faire des devis. Son rêve, c’est de devenir un jour patron, « pour gérer mon atelier et bien rétribuer mes
apprentis ».
24Agapè Niger est une ONG créée en 2008 avec le soutien notamment du Comité français de secours à l'enfance
(CFSE) et dont l’un des objectifs est la création à Niamey d'un centre de formation professionnelle aux métiers de la
boulangerie. Quatre promotions de 8 jeunes environ ont déjà été formées.
Souleymane fait partie de ces jeunes garçons qui, très tôt sortis du système scolaire, n’ont eu que la
possibilité d’effectuer des petits boulots ou d’entrer dans le secteur informel et qui sont confrontés alors
à la dépendance vis-à-vis des « patrons ». Ils ont acquis des compétences pratiques parfois dans
plusieurs métiers mais ne possèdent aucune reconnaissance, aucun diplôme ou attestation et ne
disposent pas non plus de fonds propres leur permettant de créer leur activité économique. Ils
manquent aussi des connaissances de base et des savoirs théoriques nécessaires pour mettre en
œuvre et développer une activité.
Awa, jeune fille de 15 ans et demi, habite le quartier Yantala, à côté du marché. Elle a du mal à
s’exprimer en français. En effet, elle a arrêté l’école en 2005, alors qu’elle était en classe de CM1,
parce que sa tante voulait qu’elle reste à la maison pour faire la vaisselle et le ménage. Ses parents
étant divorcés, elle a été obligée de rester avec son père, vendeur de voitures et la sœur de celui-ci,
vendeuse de soumbala. Elle ne s’entend pas avec sa tante et cherche à se rendre chez sa mère, qui
habite le quartier de Bukoki avec ses deux frères. Son cousin lui a parlé de l’AFJ ; elle s’y est rendue il y
a un an.
« Quand je suis venue, je ne connaissais rien : lecture un peu, français un peu ». Elle a demandé à
entrer en formation couture car sa tante ne lui avait parlé que de cette filière mais elle n’aime pas la
couture ; elle voulait faire restauration. Avant de démarrer, elle a fait un an de remise à niveau en
français et un peu en calcul. Elle a effectué un test en hygiène corporelle. Et elle a pu entamer sa
formation professionnelle il y a un mois : « J’adore la restauration. Je sais que je vais trouver là-dedans,
gagner des bénéfices ». Elle souhaiterait ouvrir plus tard un petit restaurant car elle sait que son père ne
voudra pas qu’elle travaille à l’extérieur, dans un hôtel ou un restaurant de la ville. Il aimerait bien, en
revanche, qu’elle travaille dans une famille, « chez les Blancs » notamment.
« Je suis pauvre. Je n’ai pas les moyens. Si je veux aller dans un restaurant, pour tester et avoir des
idées, on ne me laisse pas entrer ».
Awa a donc du mal à se faire une idée concrète des réalités du métier de cuisinier. Elle sait aussi qu’à
son âge, elle ne peut faire de stage pratique en entreprise. En réalité, pour l’instant, elle mise tout sur la
formation et espère qu’elle pourra ensuite accéder à un emploi.
Pour Awa, les difficultés sont multiples : elle est très jeune, son âge l’empêchant de trouver un stage
pratique ; son niveau scolaire est faible et ne permet pas une acquisition rapide des compétences
professionnelles ; sa famille, et en particulier son père, restreint ses choix professionnels, d’autant qu’elle
a choisi un secteur d’activité, la restauration, dont les horaires et les conditions de travail sont très
contraignants, particulièrement pour les femmes. Souhaitant rejoindre sa mère, elle est aussi dans une
période d’instabilité, notamment géographique. Son parcours d’insertion sera long et exigera un travail
d’accompagnement portant sur les différents freins qu’elle rencontre et sur l’apprentissage de
l’autonomie.
Boubacar Sani, jeune haoussa de 25 ans, né dans un village près de Dosso, est arrivé à Niamey en
2002, avec sa famille. Le père est bigame et alterne des périodes avec chacune de ses femmes, à
Niamey et à Dosso. Ils habitent actuellement dans le quartier populaire de Bukoki. Boubacar a arrêté
l’école en 2007 lorsqu’il était en 4ème. Il avait des difficultés à suivre sa scolarité en raison des grèves et
de ses problèmes financiers (son père, animateur dans une radio locale, ne gagne que 40 000 francs
CFA par mois et sa mère est sans emploi). Il souhaitait s’inscrire dans une école privée car c’est ce
qu’avaient fait ses amis, mais son père ne pouvait pas la financer. Il a fait quelques « petits boulots » ; Il
a aidé par exemple à vendre du lait et gagnait 500 à 1 000 francs CFA tous les trois jours. Depuis deux
ans, il travaillait tous les dimanches à l’entretien du grand cimetière. Il n’avait pas de salaire ; il était
payé en nature, en nourriture. Un programme d’aide conduit par l’ONG Africare a contacté le groupe
de jeunes qui travaillait avec lui au cimetière pour leur proposer une formation.
Au cours de l’entretien qu’il a eu avec les responsables du programme, Boubacar a expliqué qu’il
voulait apprendre la couture ; selon lui, c’est le seul métier qui permet de gagner beaucoup. Il y a
quatre mois, on l’a appelé pour lui dire que la formation allait commencer, au sein de l’AFJ. Il a donc
démarré et se dit satisfait de ce qu’il apprend. Il aime particulièrement la coupe et prendre les
mesures. Avec une formation de 45 jours, il a conscience qu’il n’aura pas acquis les compétences
nécessaires pour le métier et qu’il aura besoin de se constituer une expérience, notamment dans le
cadre de stages pratiques. « Si, quand j’ai fini, je ne peux pas être embauché tout de suite par un
patron, j’aimerais faire des « entraînements » (stages pratiques). Mais je n’ai pas d’espoir ». En effet, il
est justement très difficile de trouver des stages. Il pense que s’il se rend seul dans un atelier de couture
pour faire part de sa candidature, on va le considérer comme un voleur.
Issu du monde rural, Boubacar a pris beaucoup de retard dans sa scolarité qu’il a interrompue
avant la classe de troisième. Il n’a aucune expérience professionnelle et n’a effectué que des « petits
boulots ». Il a obtenu l’opportunité de se former grâce à l’intervention d’une ONG mais dans un secteur
saturé et qui n’offre que peu de débouchés, surtout lorsqu’il s’agit de formations aussi courtes. Comme
beaucoup de jeunes de milieu défavorisé, il est confronté à la difficulté de trouver un stage pratique
dans un atelier ou une entreprise, n’ayant aucune relation ni aucune connaissance des démarches à
suivre pour se présenter à un éventuel employeur. Le manque de confiance en lui est aussi un frein qui
l’empêche de prendre des initiatives.
Âgée actuellement de 21 ans, Hadiza a quitté l’école en classe de 5ème. Elle habite à Niamey depuis
toujours, dans le quartier de Sonni, près de Katako avec ses parents et ses jeunes frères et sœurs. Entre
2005 et 2007, elle a été envoyée au Burkina Faso chez sa sœur étudiante mariée à un Burkinabé, qui lui
a confié la gestion d’un télécentre à Ouagadougou. Ce télécentre ayant fermé, elle est revenue à
Niamey chez ses parents ; son père lui a parlé d’une formation en couture au foyer féminin de son
quartier, dont il connaissait la directrice. Elle a dit oui car elle n’avait pas d’autres idées. Ce n’était pas
son projet (« avant, il n’y avait pas de projet ») mais elle a suivi avec assiduité sa formation à partir
d’octobre 2007 et obtenu son diplôme en juillet 2009. Son père, entrepreneur à Niamey, a financé
l’inscription au Centre (18 500 francs CFA la première année et 22 500 francs CFA la deuxième année).
Au centre, elle a également appris la pâtisserie et a apprécié de confectionner madeleines et biscuits ;
la directrice du foyer féminin lui a parlé du centre de formation en boulangerie Agapè ; elle l’a aidée à
effectuer les démarches nécessaires pour l’entrée en formation. Après la remise de son dossier, elle a
fait un entretien avec les responsables et formateurs et a été sélectionnée. Même si elle aime la
couture (elle continue à coudre, parfois le soir, chez un voisin tailleur), elle pense que ce domaine est
aujourd’hui saturé à Niamey (« toutes les filles font de la couture ») alors que la boulangerie manque de
personnel.
Hadiza a effectué sa formation en boulangerie-viennoiserie d’août à décembre 2009. Ne sachant pas
conduire un vélo, elle s’y est rendue en taxi, grâce à l’aide d’Agapè. De l’avis de tous, elle s’est
montrée très motivée : elle est sortie première ex-æquo de sa promotion. À la sortie, en décembre, elle
a réalisé une période d’essai d’une semaine dans une boulangerie importante du quartier Terminus.
Elle en a gardé un très mauvais souvenir, en raison notamment des horaires de nuit très contraignants
et de l’absence d’encadrement et d’accompagnement des responsables de l’établissement : elle n’a
pas pu poursuivre.
Actuellement, elle réalise un stage de trois semaines non rémunéré dans la boulangerie d’Agapè (son
repas de midi est payé) ; elle a décidé de faire ce stage pour ne pas oublier ce qu’elle a appris et
parce qu’elle ne veut pas rester chez elle et « s’asseoir à ne rien faire ». Pour la suite, elle n’a pas de
piste ; elle dit ne pas avoir de contact pour entrer chez un boulanger. Elle a réalisé son CV dans le
cadre d’un atelier avec l’AFJ ; avant, elle ne savait pas ce qu’était un CV. Elle sait maintenant que
cela est utile pour son dossier et pour chercher un emploi mais elle n’a pas encore fait de démarche
de recherche (« Je ne connais personne où aller ») ; elle pense que les responsables d’Agapè vont lui
trouver un travail. En attendant, elle ira aider sa mère à la maison.
Hadiza est dans une situation différente. De niveau scolaire peu élevé, elle a pu cependant, grâce
au soutien de sa famille, acquérir des expériences professionnelles significatives. Aidée dans ses
démarches et financièrement par son père, elle a réussi à s’intégrer et à progresser dans des milieux de
travail différents. Les réseaux de relation ont été importants dans sa trajectoire. On voit aussi dans cet
exemple que la question de l’orientation professionnelle est fondamentale ; elle a d’abord été
orientée vers une formation couture car l’opportunité existait, mais sans lien avec un objectif
professionnel concret et dans un secteur saturé. L’orientation ensuite vers la boulangerie a été réalisée
également par opportunité et il est clair que le projet professionnel devra alors être travaillé pour
résoudre les problèmes de mobilité et de conditions de travail qui s’avèrent difficiles dans ce secteur
pour une femme. Encore jeune, elle doit aussi apprendre à devenir plus autonome dans ses choix et
ses démarches.
Abdoulaye, jeune nigérien de 16 ans, habite à Niamey depuis 2007, dans le quartier de Yantala. Né à
Agadez, il est allé à l’école jusqu’à l’âge de 12 ans. Il a interrompu sa scolarité alors qu’il était en classe
de CM2, sa mère voulant qu’il arrête pour faire un métier manuel. Elle estimait qu’il perdait son temps à
l’école et souhaitait qu’il devienne mécanicien pour gagner sa vie. Elle l’a envoyé dans la capitale,
espérant qu’il entre dans l’atelier de mécanique de son oncle. Ce dernier ayant quitté la capitale,
Abdoulaye s’est rendu chez un autre de ses oncles, garde du corps du président Tandja. Un autre
parent menuisier lui a parlé de l’AFJ ; il s’est alors inscrit et a pu intégrer la formation « mécanique deux-
roues » dans cette ONG en septembre 2008, pour deux ans ; il a d’abord suivi un module de formation
théorique de deux mois, puis un stage pratique de trois mois dans un atelier à côté du marché Yantala
bas.
Aujourd’hui, il poursuit sa formation théorique et a démarré des activités de réparation dans le cadre
de l’atelier coopératif. Il aime réparer et apprendre, dit-il. Ce métier lui plaît et il veut monter son propre
atelier de mécanique mais n’a pas de fonds propres. Le peu d’argent que lui verse son oncle, de
façon irrégulière, ne suffit pas à la constitution progressive d’une épargne.
Abdoulaye fait partie des jeunes envoyés par les parents dans la capitale pour trouver un métier.
Hébergé par des oncles, il a pu trouver l’opportunité pour démarrer une formation dans une filière qu’il
aime. Si son projet professionnel se confirme, c’est un domaine d’activité dans lequel il pourra
probablement trouver un emploi stable, soit dans un atelier de la ville, soit en créant sa propre
entreprise. S’il se lance dans la création d’activité, il lui faudra rechercher l’appui nécessaire pour la
constitution de son dossier et à la recherche de financement.
Ces quelques portraits illustrent à la fois la diversité des trajectoires et la récurrence des problèmes
que rencontrent ces jeunes ; ils montrent aussi leur volonté de s’en sortir et de ne pas « rester chez soi »,
acceptant les rares opportunités qui s’offrent à eux pour se former ou acquérir de l’expérience, même
si elles sont souvent difficiles, aléatoires et peu rémunératrices.
Une majorité de jeunes peu ou pas du tout scolarisés, un accès difficile à la formation
La question du post-primaire et de l’offre de formation destinée aux jeunes qui n’ont pas intégré ou
qui ont abandonné le système éducatif se pose de façon cruciale au Niger.
Le taux brut de scolarisation au primaire25 (TBSP) est de 67,8 % (avec un écart de 20 points entre filles
et garçons) en 2008-2009 mais le taux brut de scolarisation au secondaire (TBSS) premier cycle n’est
que de 16,6 % et au secondaire deuxième cycle de 3,4 %. Selon le ministère de l’Éducation nationale,
25 Le taux brut de scolarisation est le nombre total d’élèves ou d’étudiants inscrits dans un niveau d’enseignement
donné, quel que soit leur âge, exprimé en pourcentage de la population du groupe d’âge officiel correspondant à
ce niveau d’enseignement. Source : « Un bon départ », Rapport mondial de suivi sur l’EPT 2007, Éducation et
protection de la petite enfance, éditions Unesco.
le Niger compte plus de quatre millions d’analphabètes, soit 86 % des personnes de plus de 15 ans ; les
trois quarts de ces analphabètes (soit trois millions) sont des femmes. Dans les milieux les plus
défavorisés, la plupart des jeunes et particulièrement des jeunes filles sont analphabètes ou ne
maîtrisent pas le français.
Les niveaux très faibles de scolarisation et de qualification sont en grande partie dus à des ruptures
de scolarité ou de formation pour des raisons financières. Les jeunes sont souvent obligés d’arrêter
l’école pour aider leur famille à subvenir aux besoins. Parfois, ils ne peuvent poursuivre seulement à
cause des habits qu’il faut payer. Les familles ont souvent du mal à assumer à la fois des frais de
scolarité ou de formation et les dépenses quotidiennes. Dans un certain nombre de familles et plus
particulièrement en milieu rural, l’éducation et la formation ne sont pas perçus comme un
investissement pour l’avenir. Le coût des transports pour se rendre dans les centres représente une
difficulté supplémentaire qui devient parfois insurmontable. Pour les jeunes filles, le phénomène de
déscolarisation est aggravé par le mariage précoce ; au Niger, une jeune adolescente sur deux est
déjà mariée à 15 ans. À 17 ans, une sur deux est soit enceinte, soit déjà mère (source Unicef). Elles
deviennent alors « femmes au foyer », prises toute la journée dans les différentes tâches ménagères au
moins jusqu’à ce que les enfants soient en âge d’aller à l’école. Même lorsqu’elles ne sont pas mariées,
les jeunes filles, dans les milieux défavorisés, en ville comme à la campagne, doivent aider la famille et
s’occuper de la maison et des petits frères et sœurs.
La majorité des jeunes que nous avons interrogés ou rencontrés ont été très peu scolarisés. Parmi les
jeunes reçus en premier entretien à l’espace d’accompagnement de l’AFJ, les niveaux de
scolarisation ou de qualification sont très faibles puisque près de 90 % d’entre eux n’ont pas dépassé le
niveau collège. Les jeunes ayant quitté l’école plusieurs années avant leur inscription au Centre ne
possèdent plus le niveau de formation qu’ils avaient à la sortie. Beaucoup de jeunes ayant fréquenté
le collège savent à peine écrire. Les connaissances acquises ont été oubliées, notamment en français
et en mathématiques, ce qui rend difficile le travail d’orientation vers les formations demandées car, le
plus souvent, les jeunes ne disposent pas des bases nécessaires pour le suivi d’une formation
professionnelle. Beaucoup de jeunes filles ne parlent pas le français et sont totalement analphabètes.
On retrouve les proportions connues sur le plan national.
Ce très faible niveau de formation des jeunes est un frein majeur à l’insertion professionnelle. Il rend
indispensable la mise en place d’actions préalables à la qualification ou à l’emploi, notamment dans
le domaine de l’alphabétisation ou de la remise à niveau.
Le manque ou l’absence totale d’information sur les secteurs d’activités, les métiers et l’offre de
formation par filière est l’une des difficultés rencontrées par les jeunes. Ils ignorent les possibilités
éventuelles de formation, surtout lorsque qu’ils sont sortis du système scolaire.
Seuls, les élèves de troisième encore scolarisés sont informés de l’existence des centres de formation
professionnels par le biais de conseillers pédagogiques du ministère qui se déplacent dans les
établissements scolaires. Il ne s’agit pas d’une information sur les filières et les contenus de formation
mais sur le nombre de places à pourvoir dans ces centres et leur répartition dans les régions. Les
parents remplissent une fiche de vœux pour leurs enfants et, en fonction des résultats scolaires (il faut
avoir 11 ou 12 sur 20 de moyenne), les jeunes sont acceptés ou non. C’est ce que l’on appelle
« l’orientation sur dossiers ». Par ailleurs, le ministère de la Formation professionnelle et technique
organise des concours chaque année en septembre. Un communiqué transmis à la radio informe des
dates et des lieux de passage de ces concours. La plupart des jeunes, en particulier en milieu rural,
n’accèdent pas à ces informations.
Les centres ne sont pas choisis en fonction des métiers auxquels ils forment mais souvent en fonction
des conditions financières qu’ils offrent. Les stagiaires peuvent obtenir une bourse (14 000 francs CFA
pour préparer le CAP ; 20 000 francs CFA pour le BEP) et il existe des systèmes d’internat dans certains
cas. Les deux centres qui préparent au BEP (CFPA de Zinder et centre technique de Kalmaharo)
représentent 95 % des demandes dans la mesure où les bourses versées sont les plus intéressantes.
Selon le directeur de l’insertion au ministère de la Formation professionnelle, « une campagne de
valorisation de la formation professionnelle est nécessaire » et pour le directeur des examens et des
concours de ce même ministère, « la question de l’information est un véritable problème ; comment la
diffuser à tous les jeunes compte tenu de l’absence de moyens. Et comment informer sur les filières
d’activités pour éviter que les jeunes entrent dans les centres de formation sans aucun projet ».
À l’heure actuelle, il n’existe pas encore de lieux où sont rassemblées, de manière régulière et
actualisée, les informations sur l’offre de formation dans le pays, sur les organismes de formation publics
et privés, et sur les filières d’activités concernées. En outre, les occasions de discussion avec des
professionnels sur les opportunités de métiers, sur le marché du travail, les visites d’entreprises ou
d’ateliers sont très rares. En général, les familles n’accompagnent pas ces jeunes vers les opportunités
de formation et lorsqu’elles voudraient le faire, elles ne disposent pas non plus de l’information
nécessaire.
Ainsi, le plus souvent, lorsque le jeune trouve une piste de formation ou d’emploi, les choix sont faits
« par défaut » ; on saisit l’opportunité que le parent ou que l’ONG du quartier a proposée. Dans le
meilleur des cas, on cherche à s’orienter dans un domaine que l’on connaît, que l’on visualise. Le plus
souvent, il s’agit de métiers très répandus, la couture ou la menuiserie par exemple, qui sont privilégiés
par les ONG et sont en grande partie saturés. La méconnaissance des métiers est encore plus grande
pour les jeunes filles qui ont moins d’opportunités de sorties et de rencontres avec le monde du travail.
En conséquence, ces jeunes n'ont dans l’ensemble aucun projet professionnel précis, faute d'une
connaissance suffisante des secteurs d'activités et des possibilités offertes.
Dans la base de données de l’AFJ, il est frappant de voir la pauvreté des choix de métier proposés
par les jeunes : ils se limitent à huit ou dix secteurs : la couture, la mécanique, la menuiserie, la
restauration, la plomberie, l’électricité, le transit-douane ou le maraîchage. « L’informatique » est aussi
très fréquemment citée, les jeunes ignorant totalement les métiers possibles dans ce secteur d’activités
et les prérequis pour y accéder.
Cette question de la découverte des métiers et de l’orientation professionnelle commence à être
prise en compte ; c’est une piste désormais mentionnée dans différentes études sur les questions
d’emploi en Afrique26 ou dans des rapports concernant plus spécifiquement le Niger. Le ministère de la
Formation professionnelle et technique et la Coopération luxembourgeoise, impliquée dans les
questions de formation professionnelle, soulignent l’importance de « la promotion de l’orientation
professionnelle des jeunes » dans leur programme de modernisation et de développement de l’EFPT27.
Swisscontact Niger, ONG spécialisée notamment sur les questions de formation professionnelle, met
l’accent dans son document de phase 2007-2008 sur « la mise en place d’une offre de type « office
d’orientation professionnelle », permettant aux jeunes d’accéder à l’information sur les métiers, sur les
possibilités de formation, sur les débouchés ainsi que sur les différents types d’appuis existants ».28
Dans ce contexte, il semble indispensable de créer des lieux offrant une information et une
documentation sur les métiers, les filières de formation, les organismes de formation dans le pays mais
aussi de développer des méthodes et des outils (ateliers de découverte des métiers, stages pratiques)
permettant une approche concrète des secteurs d’activités.
26 Walther R. et Tamoifo M. (janvier 2009), L’itinéraire professionnel du jeune africain », Les résultats d’une enquête
auprès de jeunes leaders africains sur les dispositifs de formation professionnelle post-primaire, document de travail,
N° 78, AFD, Paris.
27 Amadou Oumarou (juillet 2009), « Les enjeux et les perspectives des appuis à la formation professionnelle », Lux
En effet, améliorer l’orientation professionnelle et la découverte des métiers permet d’élargir les
choix des jeunes, de construire des véritables projets professionnels, de rendre plus efficace
l’intégration en formation et de faciliter l’accès à l’emploi.
L’absence de réseaux et la difficulté à trouver des stages pour les jeunes défavorisés
La plupart des jeunes expriment leur souhait de réaliser un stage, conscients que celui-ci permet de
mettre en pratique les cours et de faire reconnaître leur savoir-faire. C’est une notion utilisée non
seulement par les jeunes diplômés mais aussi par ceux qui ont un faible niveau de scolarisation.
Beaucoup ont conscience qu’effectuer des stages pratiques est souvent un moyen important d’entrer
dans le monde du travail, de valoriser ses connaissances théoriques et d’enrichir son CV. Il s’agit
souvent d’une première étape vers un recrutement ou au moins vers l’emploi. Il peut aussi s’avérer utile
pour vérifier un projet professionnel avant de s’engager dans une formation. Or, faute de relations, la
grande majorité des jeunes nigériens ne peut accéder aux stages. « Il faut avoir le bras long », « Je ne
connais personne » sont des expressions qui reviennent constamment chez les jeunes. Même pour
obtenir un stage, il faut avoir des réseaux relationnels. Avec l’augmentation du chômage, il semble
que la pratique du « piston » est devenue prépondérante pour obtenir un emploi ou un stage. « Cette
pratique profondément injuste de pistonner une catégorie de Nigériens déjà privilégiés de par leur
statut social est très répandue au Niger. Hier cachée, aujourd’hui pratiquement exhibée au vu et au su
de tout le monde, cette pratique couramment appelée le PACC (parent, amis, connaissance et
connaissances) est devenue un symbole de puissance et de fierté ».29
Cette question de l’importance du capital social pour l’emploi n’est pas nouvelle ; comme le
souligne DIAL dans le numéro de sa revue Dialogue consacré à l’emploi des jeunes en Afrique30, dans
un pays où la croissance est peu riche en emploi, « ce sont en général les jeunes, dépourvus de
réseaux sociaux et d'expérience et ne sachant pas comment faire valoir leurs qualités auprès des
employeurs, qui ont le plus de difficultés à trouver un emploi ».
Il n’existe pas de système d’accompagnement des jeunes qui permettrait l’aide à la construction
du projet professionnel ou à la recherche de stage, permettant de pallier cette absence de réseaux
relationnels. Par ailleurs, lorsqu’un jeune parvient à entrer en formation professionnelle, il n’est pas suivi
pendant son cursus et n’est pas accompagné non plus à la sortie de sa formation. L’absence
d’accompagnement postformation est un problème que l’ensemble de nos interlocuteurs souligne.
Aucun travail n’est réalisé avec le jeune sur une poursuite de la formation, une réorientation éventuelle,
l’accès à l’emploi ou à la création d’entreprise.
Pour les jeunes peu ou pas du tout qualifiés, et en particulier pour les jeunes filles, les opportunités
d’accès à l’emploi durable sont très faibles.
Les jeunes garçons exercent ou cherchent un petit boulot (vente de cigarettes ou de journaux dans
la rue, petite manutention, etc.). Parfois, ils trouvent une place « d’apprenti » dans un atelier où ils ne
gagnent quasiment rien. L’apprentissage, comme on le verra plus loin, n’est pas une solution
d’insertion au Niger. Le contrat d’apprentissage existe dans le Code du Travail nigérien ; dans la réalité,
les patrons ne signent aucun contrat ; les jeunes apprentis sont le plus souvent exploités, ne disposant
d’aucun statut, ne recevant aucune rémunération régulière ni aucune formation pratique (en général,
les savoir-faire sont peu diffusés) ou théorique.
Certains jeunes ont plus de chances en obtenant la possibilité de vendre des cartes téléphoniques
dans la rue, activité « en vogue » depuis l’explosion des téléphones portables et qui semble assez
lucrative (le jeune perçoit entre 3 % et 5 % du montant de la carte vendue). D’autres, enfin, partent à
29Maharou Habou O., cité dans « Recensement des jeunes, faut-il croire à la fin du calvaire ? », Éducation, opinions,
18 novembre 2009.
30 In Dialogue, la Lettre d’information de DIAL, n° 27, juillet 2007.
l’étranger, au Nigeria ou au Togo, et se lancent dans le commerce, le plus souvent avec un parent. Ils
en reviennent parfois avec un sentiment d’échec et en ne parvenant pas à valoriser cette expérience.
Les jeunes filles, lorsqu’elles ne sont pas contraintes de rester toute la journée dans le foyer,
secondent parfois leur mère dans une activité génératrice de revenus (AGR) ou se lancent dans leur
propre petite activité économique (vente de savon ou de beignets, confection et vente de draps,
confection de tresses, etc.), qui, en général, ne leur suffit pas à acquérir une autonomie financière. Ces
différentes activités ne permettent pas aux jeunes de se constituer une expérience professionnelle ni
d’accéder à un emploi et à des revenus stables. En conséquence, les jeunes hommes ne peuvent pas
envisager de se marier et de créer une famille et les jeunes femmes ne peuvent accéder à
l’indépendance économique, ce qui pose de graves difficultés, même quand elles sont mariées,
notamment lorsque survient un divorce ou le décès du mari.
Les jeunes diplômés31 ont, en général, davantage d’expérience. Mais pour eux aussi, les parcours
d’insertion sont longs et difficiles. Beaucoup ont enchaîné plusieurs périodes de stages, avec de très
faibles rémunérations. Disposant parfois de contacts, ils parviennent en effet à intégrer des stages en
entreprises mais sans arriver à les transformer en emploi durable.
Halimatou a fait ses études au Centre de formation en télécommunications de Niamey d’où elle est
sortie en 2002 avec un diplôme de niveau Bac professionnel. Elle s’est mariée en 2004 et habite à
Niamey depuis cette date. Passionnée par les métiers de la téléphonie, elle voudrait être agent de
réseau. Durant cinq ans, elle a enchaîné les périodes de stage. « Même pour postuler à un stage, il faut
connaître quelqu’un », affirme-t-elle. Elle a déposé ensuite des dossiers de candidature pour être
recrutée dans les trois entreprises les plus importantes de téléphonie à Niamey : Orange, Zain et
Moove ; elle n’a pour l’instant décroché aucun entretien. En attendant, elle essaye de se perfectionner
en micro-informatique. Heureusement, son mari a un emploi qui lui permet de subvenir à leurs besoins.
Ces jeunes s’inscrivent parfois à l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi (ANPE) mais les
quelques offres proposées concernent en général des candidats dotés d’une expérience qu’ils ne
possèdent pas. L’Agence peut leur proposer des stages en alternance dans le cadre du Programme
d’insertion des jeunes diplômés (PIJD) (voir plus loin). Plus souvent, ils déposent un dossier auprès du
ministère de l’Enseignement supérieur pour un poste en service civique dans une administration.
Certains peuvent enchaîner quatre ou cinq années de ces dispositifs, faiblement rémunérés,
prolongeant ainsi de plusieurs années leur transition vers l’autonomie. Les rémunérations pour le service
civique ont été augmentées et sont passées de 50 000 à 75 000 francs CFA par mois depuis janvier
2010. Mais les jeunes interrogés se plaignent tous d’être toujours dans des conditions de travail difficiles.
Ne disposant parfois même pas d’une chaise, ils regrettent surtout de ne pas être encadrés, de n’avoir
rien à faire et de ne rien apprendre pendant des mois. Dans la plupart des cas, ils restent dans ce
dispositif car c’est la seule possibilité pour eux de se positionner sur les concours de la fonction
publique. D’autres jeunes espèrent devenir « volontaires de l’éducation », c’est-à-dire des contractuels
qui remplacent progressivement les enseignants et qui sont très mal payés. En théorie, la durée du
service civique est de deux ans ; dans la réalité, il est peu fréquent aujourd’hui que les jeunes soient
recrutés à l’issue de ces deux ans. Beaucoup sont renouvelés dans le cadre du service civique. L’État
embauche de moins en moins de façon permanente depuis une quinzaine d’années. Ainsi, ces
« civicards à vie », comme on les appelle parfois, ne parviennent plus à construire de véritables projets
professionnels en adéquation avec leur projet de vie.
31 Les jeunes diplômés au chômage au Niger seraient 50 000 selon la direction de l’Insertion au ministère de la
Formation professionnelle mais ce chiffre tombe à environ 8 000 selon le récent recensement réalisé par l’INS et
l’ANPE (rapport du recensement des diplômés sans emploi de novembre 2009), à partir de critères plus restrictifs (les
jeunes titulaires d’un bac général par exemple ne sont pas pris en compte).
Globalement, la plupart des jeunes ne sont pas préparés à rechercher un emploi. Hormis certains
jeunes diplômés inscrits à l’ANPE ayant suivi les ateliers de recherche d’emploi, ils ne savent pas
comment procéder et ne connaissent pas les démarches à suivre. Non seulement ils n’ont pas accès
aux offres d’emploi lorsqu’elles existent mais ils ne savent pas se présenter devant un employeur
potentiel et défendre une éventuelle candidature. Très peu, même parmi les plus qualifiés, savent
rédiger un CV, une lettre de motivation ou effectuer un entretien d’embauche.
Parmi les jeunes reçus à l’AFJ, non scolarisés ou scolarisés jusqu’au collège, quasiment aucun
n’avait de CV lors de son inscription ni ne savait d’ailleurs ce qu’était un CV. Or, pouvoir retracer sa
trajectoire scolaire, ses expériences, même si elles sont peu nombreuses, et savoir parler de ses
motivations est important lorsque l’on soumet une candidature pour entrer en formation, en emploi ou
même en stage, dans le secteur formel comme dans le secteur informel. Les jeunes diplômés, s’ils ont
en général réalisé leur CV, ne savent pas, pour la plupart, rédiger une lettre de motivation ou défendre
leur candidature.
Concernant la création d’entreprises ou d’activités économiques, peu de jeunes ont un véritable
projet ou même une idée. Certains, qualifiés ou non, pourraient créer leur propre activité mais, en
général, ils ne possèdent pas le savoir-faire minimum dans un domaine et ne disposent pas des
contacts ou de l’entourage pouvant les aider à mobiliser les ressources pour démarrer.
Jeune homme de 27 ans, Moussa est en quatrième année d’agronomie à la faculté de Niamey. En
première, au lycée, il avait suivi des cours d’informatique, une heure par semaine pendant trois mois. Il
a ainsi acquis les bases du traitement de texte. Lorsqu’il était en terminale, son père, entrepreneur en
bâtiment, l’envoyait faire des copies et des petits travaux de saisie dans les cybercafés de la capitale ;
les frais de déplacement étant importants, l’idée lui est venue de créer son propre cybercafé. Il a
commencé à en parler avec son père et au sein du fada (cf. page suivante) dont il faisait partie. Alors
qu’il était en première année à la faculté d’agronomie, un de ses neveux venu d’Algérie décida de lui
prêter son ordinateur portable pour qu’il démarre son centre dans un petit local appartenant à son
père dans le quartier Dar Salam. Avec sa mobylette, il se déplaçait dans les autres centres pour réaliser
les photocopies ou l’impression des travaux de saisie que ses premiers clients lui demandaient. Un
coopérant belge remarqua alors sa boutique et lui proposa de le former aux logiciels de montage
vidéo. La confiance étant établie, il lui confia du matériel qui permit au jeune homme d’augmenter ses
activités.
Aujourd’hui, Moussa est autonome. Son centre fonctionne bien ; il emploie plusieurs personnes, vend
des prestations de formation en micro-informatique. Parallèlement, il poursuit ses études d’agronomie
et pour mener de front ses différentes activités, il dort très peu. Mais il « tient » car son vrai projet
professionnel est de travailler dans le développement rural.
L’exemple de Moussa est celui d’une « success story », celui d’une trajectoire particulière, liée au
contexte favorable dans lequel il a grandi. Son père, entrepreneur, lui a permis de réaliser ses études et
a facilité le démarrage de son activité économique. Par ailleurs, doté d’une réelle volonté
d’entreprendre, il a su entretenir des réseaux relationnels nécessaires pour la construction des étapes
de son projet d’entreprise. J’ai pu rencontrer d’autres jeunes créateurs d’entreprises au « parcours
réussi ». Ces exemples, même s’ils existent, ne sont pas représentatifs de ce que vit la très grande
majorité des jeunes nigériens, issus de familles pauvres.
Beaucoup de jeunes connaissent une précarité financière importante. La pauvreté ou les difficultés
familiales sont souvent à l’origine de leur rupture scolaire. Sans accès à l’information, sans moyen de
transport (mobylette ou vélo) et sans pouvoir se payer le taxi, ils n’ont pas non plus eu la possibilité
d’accéder aux opportunités éventuelles de formation professionnelle ou d’emploi. Le taxi collectif n’est
pas onéreux au Niger. Cependant, la course revient à 200 francs CFA et s’il faut se déplacer tous les
jours pour suivre une formation non rémunérée, par exemple, il devient impossible de réunir la somme
nécessaire. La marche devient le seul moyen de déplacement qui devient difficile lorsque les distances
dépassent 5 ou 8 km. Les retards engendrent alors des exclusions. Cette problématique de la mobilité
est d’ailleurs encore accentuée pour les jeunes filles, limitées dans leurs déplacements par les pères ou
les maris. Les jeunes mères de famille sont confrontées également au problème de garde de leurs
enfants. Lorsqu’elles n’ont pas la petite sœur ou la cousine pour s’en occuper, elles n’ont, en général,
pas les moyens de payer une « nounou » et ne peuvent donc prendre le temps des démarches de
recherche d’emploi.
La plupart des jeunes résident dans leur famille ou chez un parent. Parfois, les difficultés familiales
(séparation des parents, départ du père, maladie de la mère, etc.) engendrent des situations de
précarité financière plus importante et d’instabilité psychologique qui freinent davantage l’insertion de
certains jeunes. Ils perdent confiance en eux, sont parfois obligés de trouver les solutions aux problèmes
des parents et ne peuvent se concentrer sur leurs propres projets. La situation des jeunes filles est plus
compliquée encore lorsque leurs choix professionnels ou leurs projets sont restreints par les pères ou les
maris.
Les jeunes en rupture familiale, les orphelins, ceux qui sortent de prison ou les jeunes talibés (élèves
d’écoles coraniques) sont particulièrement touchés par la misère et vivent souvent dans la rue (en
permanence ou dans la journée). Par rapport à d’autres pays de la sous-région, le nombre des « jeunes
des rues » est encore peu important. À Niamey, ces groupes d’enfants « sans domicile fixe » sont
repérables dans les lieux où ils dorment comme le grand marché ou l'autogare de Wadata.32
Mais la pauvreté se généralise parmi la jeunesse nigérienne dans son ensemble. Sans habiter dans
la rue, les jeunes sont dans des situations de précarité souvent difficiles à vivre. Ils ont le sentiment d’être
rejetés et stigmatisés par les adultes avec lesquels ils ne communiquent plus. Lorsqu’ils ne sont pas
considérés comme de futurs délinquants, ils sont vus comme des jeunes ne cherchant pas à s’en sortir,
passant leur temps à boire le thé, tard dans la soirée. La réalité est qu’ils n’ont souvent pas de chambre
ou de pièces pour dormir, juste peut-être un coin de la terrasse qu’ils rejoindront le soir dans la nuit. Le
fait de se réunir en fadas33, associations informelles de jeunes, très nombreuses dans les quartiers de
Niamey (et dans l’ensemble du pays), est un moyen pour ces jeunes de parler de leurs difficultés,
parfois de s’aider mutuellement et de réaliser des activités collectives (organisation de tournois de foot,
de fêtes ou de mini-concerts de rap). Pour les jeunes filles, que l’on rencontre très rarement dans ces
fadas, une des façons de s’entraider est d’intégrer des tontines34, permettant de démarrer des petites
activités génératrices de revenus ou de réaliser des achats, pour une fête par exemple.
Nombreux sont les jeunes garçons ou les jeunes femmes que nous avons rencontrés notamment lors
des ateliers CV de l’AFJ qui font partie d’un fada, d’une tontine ou d’une autre forme d’association. Ils
ont du mal à en parler car ils ont l’impression que ces appartenances sont mal considérées par les
adultes. Les fadas sont en effet vus par beaucoup comme des lieux d’oisiveté. Il s’agit pourtant d’un
des rares moyens pour ces jeunes de se retrouver et de s’entraider, en milieu urbain particulièrement.
Les situations de précarité que l’on retrouve aujourd’hui chez les jeunes entrainent une impossibilité
de se projeter dans l’avenir et de construire un projet professionnel et un projet de vie. La période de
transition vers l’âge adulte, marquée par l’obtention d’un emploi, l’installation en couple et la prise
d’autonomie résidentielle, est de plus en plus longue. Pourtant, malgré les préjugés, les jeunes
32 Voir à ce sujet l’étude d’Olivier de Sardan J.-P. et Tidjani A. (1998), Les enfants de la rue à Niamey, Études et
travaux, Lasdel, N°6, qui analyse la situation des « enfants de la rue » au sens strict, c'est-à-dire des enfants dormant
dans la rue (kan sinda nankanya, en zarma : littéralement « qui n'ont pas d'endroit où dormir »), qui se distinguent de
la plupart des « enfants dans la rue », qui passent leurs journées ou travaillent dans la rue mais qui réintègrent le soir
un domicile normal (c'est le cas de la très grande majorité des mendiants, dont beaucoup sont des talibés - élèves
d'écoles coraniques -, des cireurs de chaussures ou des vendeurs de journaux).
33 Les fadas sont des clubs informels de 10 à 30 jeunes environ ; ils ont fait leur apparition dans les années 1990 avec
le montant est remis à tour de rôle à chaque membre. Le montant des versements varie en fonction du pouvoir
d’achat des membres. On rencontre l’addaché en milieu haoussa ou la foyandi tontine, en langue zerma.
cherchent à s’en sortir et font preuve souvent d’une énergie étonnante ; ils sont capables d’effectuer
de longs trajets à pieds et acceptent les petits boulots proposés. Ils disposent d’une expérience de vie,
de capacités de débrouille et de mémorisation ainsi que d’habilités manuelles qu’ils ont développées
en exerçant des activités de bricolage ou de récupération. L’enjeu est de faire reconnaître ces jeunes
comme une ressource indispensable à la société nigérienne et notamment aux opérateurs
économiques.
Les difficultés que nous avons évoquées plus haut et dont parlent les jeunes au cours des entretiens
mettent en évidence l’existence des interactions qui existent entre les différentes problématiques.
Interactions, car on ne sait pas toujours quelle difficulté est cause ou conséquence des autres
difficultés.
L’absence de compétences freine l’accès à l’emploi - Les niveaux très faibles de qualification sont
le résultat des difficultés à accéder à la formation - L’absence d’emploi et donc de revenus entraîne
une impossibilité d’accéder à la formation, souvent coûteuse - Le coût des transports est aussi un frein
à l’entrée en emploi ou même en stage - Sans emploi, pas de revenus et donc pas d’accès à la
mobilité - Le manque d’accès à l’information limite les possibilités d’intégration dans des formations -
L’absence de réseaux relationnels restreint les opportunités d’insertion - Les difficultés financières et les
problèmes de famille engendrent des ruptures de scolarité ou de formation, etc.
On voit bien ici la question du cercle vicieux et de ces interactions qui nécessitent de prendre en
compte les différents facteurs qui freinent ou facilitent l’insertion professionnelle. Il apparaît alors
comme indispensable, si l’on veut contribuer à résoudre le problème du chômage des jeunes, de
travailler simultanément sur les problématiques d’information, d’orientation professionnelle, de
formation, d’emploi, de mobilité, de médiation familiale et d’insertion sociale. Il ne s’agit pas d’assister
les jeunes en prenant en charge l’ensemble de leurs difficultés mais de les prendre en compte,
d’identifier avec eux le frein majeur (ou les freins majeurs dans certains cas) et de les aider à le
débloquer. Parfois, en agissant sur le frein de la mobilité, on peut rompre le cercle vicieux et permettre
une entrée en formation qui sera le point de départ d’un parcours d’insertion choisi par un jeune. Pour
un autre jeune, ce sera une mise en relation avec un employeur qui permettra d’enclencher le
processus d’insertion. Pour un autre, l’accès à un module de formation en bureautique facilitera
l’intégration dans un poste de travail. Un travail de médiation familiale, une discussion avec un jeune
mari, par exemple, pourra débloquer une situation et permettre l’intégration en formation d’une jeune
femme.
Dans la mesure où les jeunes font face à des problématiques et à des contraintes différentes, le
chemin qui leur permet d’avancer ne passe pas par les mêmes étapes pour tous. Chaque jeune
nécessite un suivi particulier car aucune histoire, aucun projet n’est identique. En outre, les parcours ne
sont jamais linéaires. Les étapes et la durée de ces parcours varient en fonction de plusieurs facteurs
(instabilité, événement familial, problèmes de mobilité, changement d’orientation, etc.). Pour certains,
l’accompagnement pourra ne durer que quelques mois, le temps de préparer une entrée en
formation qui sera concluante ; pour d’autres, plus en difficulté, il se prolongera plusieurs années,
alternant expériences de travail, formation, redéfinition du projet professionnel, etc.
Absence
de mobilité
Manque de
Problème de qualification
ressources
financières
Problème Absence de
de santé
Emploi projet
et autonomie
et
Problème d’accès
à l’information
Comme le soulignait Bertrand Schwartz, fondateur des missions locales en France, en 1981, « Il
convient de créer des lieux susceptibles de concerner tous les aspects de la vie sociale et individuelle
des jeunes. Cela doit permettre de traiter les différents aspects d’un même problème et, pour sa
solution, de réaliser toutes les interconnexions souhaitables ».
Ainsi, créer des espaces d’accueil et d’accompagnement global des jeunes en Afrique de l’Ouest
est un moyen de contribuer à leur insertion socioprofessionnelle en agissant, dans la durée et de façon
individualisée, sur l’ensemble des difficultés des jeunes, et en construisant avec eux et à partir de leurs
ressources les étapes de leur parcours d’accès à l’emploi. Non seulement ces jeunes disposent d’une
volonté réelle de s’en sortir et de capacités à partir desquelles il faut partir pour les accompagner mais
ils ont également des aspirations, des envies ou des projets qu’il faut mobiliser et sur lesquels il faut
s’appuyer. Ce travail de construction de dispositifs d’accompagnement ne pourra pas se faire de
façon efficace sans une politique cohérente de l’État en matière de formation et d’insertion
socioprofessionnelle des jeunes.
Ce n’est que dans les années 1990, à partir du moment où la crise économique et les programmes
d’ajustement structurel ont eu pour conséquence l’apparition du chômage, que le Gouvernement
nigérien s’est préoccupé réellement du problème de l’emploi. C’est en 1996 qu’il a révisé le Code du
Travail et mis en place l’Agence pour la promotion de l’emploi (ANPE) comme organe d’exécution de
la politique nationale de l’emploi. Établissement public à caractère administratif doté de la
personnalité morale et de l’autonomie financière, l’Agence est placée sous la tutelle et le contrôle du
ministère de la Fonction publique et du Travail. Elle a pour rôle d’une part d’aider les demandeurs à
trouver un emploi et, d’autre part, d’aider les employeurs à identifier ou trouver les profils
correspondants à leurs besoins.
L’inscription comme demandeur d’emploi auprès de l’ANPE est gratuite et obligatoire (articles 10,
11 et 12 du Code du Travail du Niger). L’Agence aide les demandeurs d’emploi à définir leur profil, à
élaborer un dossier de candidature (élaboration du CV et de la lettre de motivation) et à mieux
connaître le marché de travail. Elle organise des ateliers et des techniques de recherche d’emploi qui
sont suivis essentiellement par les demandeurs d’emploi les plus qualifiés. Les conseillers emploi peuvent
également aider à l’orientation professionnelle.
L’Agence accompagne également les employeurs à mieux définir les profils des candidats à
recruter et joue le rôle d’intermédiation entre les demandeurs et les entreprises (réception et
présélection des dossiers pour l’employeur). À la différence de ce qui se passe dans les cabinets privés,
les prestations y sont totalement gratuites.
L’ANPE a mis en place plusieurs programmes pour faciliter l’insertion dans l’emploi et notamment :
- le Programme d’insertion des jeunes diplômés (PIJD) : le premier volet consiste à placer les jeunes
diplômés de 16 à 30 ans dans les entreprises du secteur « moderne », pour un stage de 6 mois
reconductible. L’objectif est l’embauche ou l’acquisition d’une première expérience permettant une
meilleure recherche d’emploi. Le deuxième volet vise à placer les jeunes diplômés dans des entreprises
avec des contrats de travail où les charges salariales sont supportées par l’employeur et l’ANPE, afin de
faciliter leur recrutement à terme ;
- le Programme d’insertion dans les petites et moyennes entreprises (PIPME) concerne les jeunes
sans qualification de 15 à 35 ans. Il s’agit de stages de 6 mois, soit en ateliers ou en centres de
formation, soit dans des PME, avec l’objectif d’une intégration ensuite dans l’entreprise. Les jeunes ont
une indemnité de 15 000 francs CFA, permettant d’assurer au moins les frais de déplacement. La
formation est sanctionnée par une attestation.
Pour ces deux programmes, l’ANPE prend en charge les primes de stage.
Par ailleurs, il existe deux programmes d’appui pour les demandeurs qui expriment des besoins
d’auto-emploi : le Programme d’appui aux initiatives d’emploi indépendant (PAIEI) et le Programme
d’appui à la création d’emplois ruraux (PACER). Un programme de formation ou programme de
reconversion des chômeurs concerne également aujourd’hui les primodemandeurs.
L’une des principales limites de l’Agence est qu’elle ne dispose pas des moyens ni de l’organisation
nécessaires pour toucher les chômeurs les plus défavorisés et les moins qualifiés. Les ateliers de
recherche d’emploi (ARE), animés par les conseillers, sont suivis essentiellement par les demandeurs
d’emploi les plus qualifiés. En 2008, 64 stagiaires seulement en un an ont été placés dans le cadre du
PIPME, dont 52 à Niamey et 12 dans les antennes ANPE (Agadez, Zinder et Tillabéry). Environ 40 % des
stagiaires placés ont bénéficié d’un recrutement à l’issue de leur stage.
Au total, en 2009, 21 430 demandeurs d’emploi étaient inscrits à l’ANPE. Les jeunes de 18 à 29 ans
représentent près de 50 % de ce total. Il s’agit essentiellement des jeunes diplômés.
5 299 offres d’emploi ont été enregistrées en 2009, dont 5 282 ont été satisfaites. Les offres récoltées,
qui proviennent par exemple d’ONG comme PLAN ou CARE ou des sociétés telles que les entreprises
de téléphonie, concernent en général des candidats dotés d’une expérience d’au moins deux ans.
L’ANPE a également une fonction d’observation et d’analyse de l’emploi ; elle a créé
l’Observatoire de l’emploi et de la formation (OEF) qui réalise des études, notamment sur
l’identification de secteurs porteurs sur le plan national et régional. L’objectif est en principe d’orienter
les décisions stratégiques de l’État, du secteur privé et des institutions d’enseignement, de recherche et
de formation. En réalité, les articulations entre les ministères concernés ne sont pas faites, notamment
entre le ministère de la Fonction publique et du Travail et celui de la Formation professionnelle et
technique. Les études réalisées respectivement35 n’ont pas fait l’objet d’échanges ou de concertation.
Elles ne sont quasiment pas diffusées, ni exploitées.
Les agences d’intérim sont encore peu développées au Niger. On peut citer parmi les cabinets de
placement officiellement reconnus des entreprises comme Management for Entreprise Consult,
SOPLAMO et COSEF. Elles reçoivent les dossiers, les sélectionnent, mènent les entretiens, négocient et
gèrent souvent le salaire.
Dans la très grande majorité des cas, les recrutements sont directement effectués par l’employeur
sans passer par l’ANPE ou par un cabinet de placement.
35 Étude sur « les filières porteuses d’emploi dans la communauté urbaine de Niamey » et celle sur « l’identification
des créneaux économiques porteurs d’emplois ou d’activités génératrices de revenus », citées en annexe 1.
Entreprendre au Niger (EAN) est une structure d’appui mise en place dans le cadre du Projet
PNUD/BIT d’appui au Programme cadre national de promotion du secteur privé pour appuyer la
création et le développement des micro et petites entreprises. Depuis 1997, elle accompagne les
promoteurs dans la réalisation des études de faisabilité, le montage des dossiers, la recherche de
financements, le suivi des entreprises et la formation des promoteurs.
Le Comité international pour le développement des peuples (CISP Niger), ONG qui intervient au
Niger depuis 2004, met en œuvre, dans le cadre d’un cofinancement avec l’Union européenne, un
projet visant l'insertion des jeunes qui passe notamment par l’accompagnement à la création
d’entreprise en lien avec les autres structures d’appui à l’entreprenariat (notamment Entreprendre au
Niger pour l’aspect technique et la Banque régionale de solidarité pour l’appui financier).
Le Centre Afrika Obota (CAO) est présent dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ; il mène au
Niger une action d’appui aux jeunes porteurs de projets axée essentiellement sur la formation et le
montage des dossiers de création ; la ligne de crédit est apportée par ASUSU (IMF) et le fonds de
garantie est financé par Oxfam Québec. Le programme d’appui au développement de
l’entreprenariat des jeunes (PADEJ) est en cours de renouvellement pour 2010.
Globalement, les institutions de microfinance, relativement nombreuses à Niamey, sont plutôt
réticentes à accorder des crédits aux jeunes créateurs, estimant qu’ils n’ont pas suffisamment
d’expérience et qu’ils ne disposent pas de garantie.
Il n’est pas facile d’avoir des chiffres précis sur le nombre de projets de création d’entreprise par des
jeunes, appuyés, financés et ayant véritablement démarré. Il n’existe pas de statistiques ou de
données écrites permettant de consolider des informations sur l’ensemble des programmes d’aide à la
création d’entreprise. Mais il est probable que le nombre de créations ne dépasse pas la centaine par
an. Par ailleurs, beaucoup s’accordent à reconnaître qu’il n’existe pas de suivi réel des jeunes
créateurs financés. Une fois l’activité économique démarrée, il est difficile de savoir combien de temps
elle aura perduré.
L’offre privée se développe fortement depuis les années 2000 : en 2009, il existait 68 établissements
privés, dont 37 à Niamey. Ces établissements assurent essentiellement des formations dans le secteur
tertiaire mais quelques initiatives dans des secteurs plus porteurs sont à noter : le lycée technique privé
Wangari, à Niamey et le lycée technique privé de Maradi qui offrent des formations dans le secteur
industriel ; l’ONG Nigetech, qui est devenue opérateur de formation, notamment pour le Programme
d’appui à la formation professionnelle continue et à l’apprentissage (BIT/UE) (voir plus bas). On peut
mentionner aussi le centre de formation en boulangerie Agapè, financé notamment par une ONG
française, qui offre des formations professionnelles de quatre mois permettant d’obtenir un emploi dans
les boulangeries et le centre Gidan Gwaninta pour la restauration et la garde d’enfants notamment,
appuyé par le CADEV (Caritas Niger).
Mais, globalement, les formations mises en place par les ONG sont souvent concentrées sur des
secteurs classiques, par exemple la couture pour les filles et la menuiserie pour les garçons.
Suite aux deux phases I et II du projet Nigetech, le Niger a négocié une troisième phase du projet
avec l’Union européenne (UE) dénommée programme d’appui à la formation professionnelle continue
et à l’apprentissage (PAFPCA). Le PAFPCA, démarré en janvier 2006, a pour objectif notamment de
mettre en place un programme pilote d’apprentissage par l’alternance au profit des apprentis.
Appuyé par le BIT, le programme mène donc actuellement une expérimentation qui concerne une
centaine de jeunes dans le pays. À Niamey, il s’agit de 45 apprentis répartis dans trois filières de
formation : la plomberie (avec l’ONG Nigetech et le Centre du Musée comme opérateurs), la
mécanique poids lourds (avec le CFPTR et l’ONG Nigetech) et la maroquinerie (avec le CMCAN); à
Zinder, l’expérimentation concerne la filière maintenance en matériel audiovisuel avec trois ateliers
(télévision, vidéo et satellite).
Ce programme représente un montant de 1,8 millions de francs CFA par apprenti sur trois ans.
L’expérience est certes limitée sur le plan quantitatif mais elle est intéressante, notamment sur le
plan méthodologique ; plusieurs acteurs sont impliqués, dont la Fédération nationale des artisans du
Niger (FNAN), qui a joué un rôle essentiel dans la mise en place du programme, dans le
développement des compétences des apprentis et dans le suivi des contrats d’apprentissage. Par
ailleurs, un travail important est en cours de réalisation en matière de validation des acquis et de
certification. Les certificats de qualification professionnelle mis en place sont également ouverts aux
maîtres d’apprentissage, permettant des perspectives d’adhésion plus grandes de la part
d’employeurs potentiels.
Une offre encore récente et insuffisamment adaptée aux besoins des employeurs
Les centres de formation sont encore peu nombreux, concentrés principalement à Niamey et mal
équipés. Dans l’ensemble, les formateurs ne sont pas suffisamment qualifiés. « Au public, l’effectif
enseignant est à 64 % constitué d’agents non titulaires. Au privé, les vacataires sont légion. La majorité
des enseignants du public comme du privé est constituée de diplômés sortis de l’enseignement
supérieur manquant de formation pédagogique et d’expérience en entreprise. La principale cause
réside dans l’absence de structure de formation pédagogique au Niger (…) ».38
Quant au suivi pédagogique, il est assuré aujourd’hui, pour toutes les filières, par cinq inspections
régionales récemment créées (arrêté n°115 MFPT/DEFPT du 21 octobre 2008), manquant encore de
moyens.
Le constat fait par tous est que les formations techniques et professionnelles proposées ne sont pas
suffisamment en adéquation avec les besoins des entreprises et ne préparent pas assez à l’intégration
dans l’emploi. Les connaissances acquises ne sont pas valorisées. De nombreux secteurs d’activités se
plaignent de ne pas pouvoir trouver ni fidéliser une main-d’œuvre qualifiée (métiers du bâtiment ou de
l’électromécanique notamment). C’est notamment le cas dans des secteurs en relatif développement
comme l’hôtellerie-restauration, le secteur du BTP ou de l’électromécanique. Mais il faut également
souligner que les entreprises accordent encore peu de place à la gestion de leurs ressources humaines
et rares sont celles qui acceptent de formaliser des contrats de travail. Le secteur des métiers du
bâtiment (maçons, carreleurs, plombiers, couvreurs, etc.) connaît un déficit particulièrement important
de main-d’œuvre qualifiée. Celui des travaux publics et des mines également. Il est par exemple très
difficile de trouver des conducteurs d’engins au Niger. Un programme est en cours (AFD/ANPE) en
prévision du développement des offres dans le secteur minier.
Dans la plupart des cas, les formations sont considérées comme trop générales et théoriques et ne
correspondent pas aux attentes des chefs d’entreprise. Certaines compétences transversales (maîtrise
du français, bureautique, etc.) ne sont pas intégrées dans ces formations. Le stage n’est réalisé que
par un faible nombre de jeunes du fait de la rareté de l’offre, du manque de liens entre les centres de
formation professionnelle et les entreprises et de la méconnaissance des démarches à effectuer. Il
n’existe pas d’accompagnement « post formation » ; les projets des jeunes ne sont pas travaillés : faut-il
poursuivre la formation, se réorienter, chercher un emploi, s’orienter vers une création d’entreprise ou
l’auto-emploi ?
L’offre réduite de formation publique engendre une forte sélection. Les jeunes tentent de se tourner
vers les centres de formation privée et se heurtent aux coûts élevés des inscriptions.
milieu urbain. La formation professionnelle dans le secteur informel en Afrique, ministère des Affaires étrangères, juin
1999.
extrêmement précises et fixent de façon claire les rapports entre l’apprenti et le patron, de même que
leurs tâches respectives.
« Le système sahélien est, lui, plus souple et plus « ouvert »: l’entrée dans l’apprentissage est
indéterminée et peut intervenir à n’importe quel moment du parcours individuel. Elle ne constitue pas
non plus une étape et en cela, se démarque de l’institutionnalisation de l’apprentissage observable en
pays côtier. De même, la sortie peut s’effectuer sans être conditionnée par des acquis précis. Elle ne
débouche pas davantage sur une entrée « automatique » dans la vie professionnelle. Les rapports
entre apprentis et patrons semblent aussi, en termes d’apprentissage, moins « normalisés » ou plus
justement, assujettis à des normes sociales qui gouvernent les rapports entre individus dans tous les
secteurs de la vie et non seulement dans celui du travail.
Cette relative « fermeture » ou « ouverture » des systèmes montre ainsi, en premier lieu, que
l’apprentissage n’a pas le même statut dans les différents pays et ne participe pas de la même
manière à l’insertion socioprofessionnelle des apprentis.
Dans les pays sahéliens, la souplesse et l’ouverture des systèmes apparaissent comme des facteurs
d’innovation, de capitalisation de savoir-faire. »40 Les auteurs du rapport cité décrivent ainsi, à partir des
pays étudiés (Bénin, Mali, Sénégal), les avantages et les inconvénients des deux types de
fonctionnement identifiés. Même si des évolutions, notamment au Sénégal, sont en cours depuis 1999,
date à laquelle a été rédigée l’étude, il est intéressant de voir comment les systèmes fonctionnent
différemment d’un contexte à un autre et peuvent avoir des répercussions sur les modes d’insertion
professionnelle des jeunes africains.
Le système nigérien quant à lui est totalement souple et « traditionnel ». Les « apprentis » sont très
nombreux dans le pays mais le contrat d’apprentissage, inscrit dans le Code du Travail nigérien, n’est
pas utilisé par les employeurs. La formation théorique est inexistante et les savoir-faire sont rarement
transmis. Les conditions de travail sont telles que les jeunes se retrouvent dans des situations de
précarité empêchant les possibilités d’initiative individuelle ou de capitalisation. L’apprentissage au
Niger ne constitue donc pas actuellement un mode d’insertion professionnelle, comme il peut l’être
dans d’autres pays d’Afrique, même lorsqu’il reste traditionnel. L’entrée dans l’apprentissage
traditionnel, c'est-à-dire l’intégration dans un atelier ou une microentreprise de type familial se fait pour
les jeunes garçons en fonction des opportunités et de façon très aléatoire de même que la sortie qui se
fait lorsque l’atelier ferme (les ateliers de mécanique, menuiserie, plomberie, etc., sont souvent tenus
par des Béninois, des Togolais ou des Burkinabés qui repartent parfois dans leur pays au bout de
quelques années) ou lorsque le jeune a trouvé une autre opportunité plus lucrative. Aucune attestation
n’étant en général délivrée à la sortie, la difficulté est alors pour eux de justifier leurs acquis. Les jeunes
trouvent parfois une opportunité dans un atelier d’un autre secteur d’activité. Faute de savoir-faire
suffisants et de fonds propres, ils ne peuvent créer leur propre atelier. Certains, lorsqu’ils ont
l’information et les moyens financiers, tentent d’intégrer des centres de formation permettant d’obtenir
un diplôme ou une attestation.
L’expérimentation d’un dispositif d’apprentissage par alternance mentionnée plus haut, menée par
le PAFPCA (Niger/BIT/Union européenne) et à laquelle participe la FNAN, est donc particulièrement
intéressante. En effet, les organisations professionnelles doivent nécessairement participer à la
structuration d’un système d’apprentissage formel (définition des règles, statuts, validation des
acquis…). Cette expérience ne concerne actuellement qu’une centaine de jeunes pour l’ensemble
du pays ; elle a permis cependant de contribuer à la maîtrise des méthodes et des outils de
l’alternance et à la création d’un comité national et de comités régionaux de l’apprentissage
améliorant la concertation entre les acteurs dans ce domaine.
Le chantier de l’apprentissage, nécessairement lourd et coûteux, reste immense.
40 Les apprentissages en milieu urbain. La Formation professionnelle dans le secteur informel en Afrique, ministère des
Affaires étrangères, juin 1999.
En conclusion de cette partie, on peut dire que l’offre de formation s’est développée au Niger ces
dernières années, mais reste très insuffisante compte tenu des besoins. Elle n’est pas encore non plus
suffisamment adaptée aux besoins des entreprises ni toujours tournée vers les secteurs qui recrutent. En
outre, cette offre est quasi inaccessible aux jeunes ayant quitté très tôt le système éducatif. Dans ce
contexte, il apparaît nécessaire de développer les formations courtes, à l’image de ce qui s’est fait à
partir du début des années 2000 dans le cadre de la formation initiale professionnalisante (FIP), et un
système d’apprentissage moderne au Niger, avec une véritable alternance entre formation pratique
et formation théorique.
Enfin, il n’existe pas de dispositifs d’information sur l’offre de formation et d’orientation permettant
aux jeunes de travailler sur leur choix de métier et leur besoins en qualification. Plusieurs projets de
création de guichets d’information et d’orientation ont été imaginés par le ministère de la Formation
professionnelle (ou du ministère de l’Insertion des jeunes précédemment) mais n’ont pas abouti ; le
projet de guichet a été repris par le ministère de la Jeunesse et des Sports qui souhaite aujourd’hui les
mettre en place dans les centres de jeunes.
Les projets ou les initiatives dans le domaine de l’insertion sociale sont relativement nombreux au
Niger et en particulier à Niamey ; elles sont portées par les services publics ou municipaux (ministère de
la Jeunesse et des Sports, Communauté urbaine de Niamey) ou menés par des ONG et des
associations (Caritas développement Niger ou l’association Tournoi grandes vacances – TGV, par
exemple). Le Projet d’appui à la réinsertion des enfants en difficultés (PARED) mène un certain nombre
d’actions en faveur des enfants en rupture familiale et sociale ou enfants des rues, des mineurs
détenus, des enfants poliomyélitiques, des enfants issus de familles démunies et des talibés.
Une cinquantaine d’associations d’aide à l’enfance et aux jeunes sont regroupées au sein d’un
collectif, la Coalition nigérienne des associations en faveur de l’enfance (CONAFE). L’ONG nigérienne
SongES, spécialisée dans le renforcement des capacités, a joué un rôle très important dans la
structuration et l’appui à ces organisations.
Plusieurs de ces associations ont mis en place des ateliers de formation professionnelle destinés
notamment aux jeunes des rues. D’autres se sont lancées dans le microcrédit avec les conséquences
négatives que l’on rencontre lorsqu’une telle activité n’est pas gérée de façon suffisamment
professionnelle.
Le ministère de la Jeunesse et des Sports, quant à lui, pilote les centres de jeunes (anciennes
samarias) qui organisent des activités de loisirs et des animations sportives ou culturelles. À Niamey,
certains de ces centres doivent héberger les guichets d’information et d’orientation, mentionnés plus
haut).
Enfin, le ministère de la Justice a la responsabilité des services éducatifs Justice et Prévention
(SEJUP), qui sont des centres publics apportant depuis 2005, aux jeunes très en difficulté de moins de 18
ans, des services d’éducation, de prévention et d’assistance judiciaire. Ces jeunes peuvent recevoir
dans ces centres une formation professionnelle ou des repas gratuits. La création de ces centres fait
partie des réformes juridiques, soutenues par l’Union européenne et l’Unicef en 2003, qui ont modifié la
manière dont la Justice traite les jeunes délinquants. Auparavant, les mineurs étaient incarcérés et
jugés avec les adultes. Aujourd’hui, les jeunes sont jugés dans l’un des onze tribunaux pour mineurs du
pays, et quatre prisons possèdent un quartier réservé aux mineurs. Le problème qui demeure est celui
de l’insertion professionnelle de ces jeunes après leur incarcération ou après leur prise en charge par
les SEJUP ou les autres associations caritatives.
L’association nigérienne Afrique fondation jeunes (AFJ), créée à Niamey en 2007, a lancé avec
l’ONG Swisscontact, dès le début de l’année 2008, ses premières actions en matière d’accueil et de
formation des jeunes. Au 30 juin 2009, près de 2 000 jeunes avaient été reçus et identifiés, dont 62 % de
femmes. Le principe était celui de l’accès libre au centre, implanté dans la Commune 1 de Niamey et
connu de la population essentiellement par le bouche à oreille. Plus de 450 jeunes étaient entrés en
formation (essentiellement en petite restauration, couture, mécanique deux-roues et maraîchage).
Cette première phase a permis de mieux connaître la situation des jeunes, d’appréhender la diversité
des profils et de mieux évaluer leurs besoins. Le constat a été que l’accès à l’emploi des jeunes et, en
particulier, de ceux qui n’ont aucune formation, demandait un travail plus global et personnalisé
d’accompagnement, incluant des fonctions d’écoute, d’information, de découverte des métiers et
d’orientation professionnelle, de préparation à la recherche d’emploi, de médiation, de mise en
relation avec des employeurs ou des centres de formation.
Ainsi, suite à notre rencontre et aux échanges que nous avons eus avec son coordinateur,
Ousmane Dan Tata, l’AFJ a décidé de développer la fonction d’accompagnement global des jeunes
et de structurer le centre en espaces distincts mais articulés entre eux : à côté de l’espace formation
qui assure la mise en place de formations professionnalisantes (mécanique deux-roues, maraîchage,
électricité, restauration, couture) et de formations transversales (alphabétisation, remises à niveau,
bureautique), et de l’espace activités économiques qui gère les ateliers coopératifs/entreprises écoles,
et la préparation à la création d’entreprise, un espace accueil, orientation et accompagnement a été
créé. Il a véritablement démarré ses activités en octobre 2009, après le recrutement de trois nouveaux
conseillers d’insertion. Avec deux anciens permanents de l’association, une équipe de cinq conseillers
s’est constituée, formée progressivement aux entretiens d’écoute, d’orientation et de suivi et à la
construction de partenariats.
Du 1er octobre 2009 au 31 mars 2010, l’espace accueil, orientation, accompagnement de l’AFJ a
reçu 567 jeunes en premier entretien d’identification. Les conseillers ont également réalisé des
entretiens d’identification pour 84 jeunes orientés directement par une ONG américaine (AED) vers
l’espace formation de l’AFJ.
Plus de 94 jeunes ont ainsi été nouvellement accueillis chaque mois, octobre et novembre ayant
connu l’affluence la plus importante dans la mesure où il s’agissait de la période de rentrée scolaire
durant laquelle de nombreux jeunes se retrouvent sans solution au sein de l’Éducation nationale ou de
la formation professionnelle.
L’analyse du public accueilli fait apparaître une majorité de jeunes filles, des jeunes issus de la
Commune 1 mais aussi des autres communes de Niamey, et des niveaux scolaires très faibles. Sur les
567 jeunes reçus en premier entretien, 321 sont des filles (56,6 %) contre 246 garçons (43,3 %). La très
grande majorité des jeunes (près de 70 %) ont entre 16 et 25 ans ; 115 jeunes ont entre 26 et 35 ans et
56 jeunes ont moins de 16 ans.
Géographiquement, 314 jeunes (55,3 % du public identifié) viennent de la Commune 1, située à
l’ouest de la communauté urbaine de Niamey. À l’intérieur de cette commune, le quartier le plus
représenté est celui de Yantala41, dans lequel est implantée l’AFJ. 157 jeunes proviennent de la
41 Le quartier Yantala est situé à l’ouest de Niamey ; il est composé de trois sous-quartiers (Yantala Bas, Yantala Haut
et Yantala Recasement), sa population est d’environ 70 000 habitants. Quartier précolonial très ancien, il est
Commune 2 (27,6 %), commune voisine, les autres jeunes provenant des trois autres communes de
Niamey. Un certain nombre de jeunes viennent de quartiers éloignés de Yantala, comme Harobanda
(rive droite) ou Talladje, ce qui pose un problème de mobilité pour des jeunes qui, dans leur très grande
majorité, n’ont aucun moyen de transport. Seuls quelques-uns, essentiellement des garçons, possèdent
un vélo ou une moto.
Les jeunes ont des niveaux de scolarisation ou de qualification très faibles puisque 10,5 % d’entre
eux n’ont jamais été scolarisés, 30,5 % ont arrêté l’école en primaire, un peu plus de 47 % ont fréquenté
le collège (très rarement avec un brevet obtenu en fin de troisième). À peine 6 % ont fréquenté le
lycée ou l’université. 4,5 % des jeunes ont suivi une formation professionnelle. Les jeunes diplômés sont
donc très peu nombreux.
Le travail principal de l’espace repose sur l’accueil et le suivi individualisé des jeunes de 15 à 35 ans
tout au long de leur parcours d’insertion. J’appelle « parcours » le cheminement que va faire un jeune
avec un conseiller d’insertion professionnelle et qui va passer par différentes étapes mises en place
conjointement. Cet accompagnement démarre à partir d’un premier entretien approfondi (au-delà
de l’identification) et peut se prolonger jusqu’à l’entrée en emploi stable. Le « parcours » fait partie de
la « trajectoire » d’un jeune qui, elle, a démarré avant l’accompagnement par un conseiller et se
prolongera au-delà. Dans la mesure où les difficultés des jeunes interagissent entre elles, les conseillers
travaillent simultanément sur l’accès à l’information, l’orientation professionnelle, la remise à niveau, la
formation, la prise en compte des difficultés sociales ou familiales, la mobilité, la création d’entreprise
ou l’entrée en stage. Il est donc important qu’ils prennent le temps de l’identification et de l’écoute
pour chaque jeune en particulier. Selon les cas, les réponses et les propositions faites ne seront pas les
mêmes. Les parcours seront tous différents.
Les jeunes sont d’abord accueillis tous les matins sans rendez-vous au siège de l’AFJ. Ils sont reçus
par les conseillers dans le cadre d’un premier entretien, appelé « entretien d’identification » ; il s’agit
essentiellement de connaître la situation personnelle du jeune, sa première demande, d’établir une
première fiche d’identification et de lui expliquer les réponses que peut apporter l’AFJ. Les éléments de
la fiche d’identification sont intégrés dans la base de données informatisée, permettant d’analyser les
profils des jeunes accueillis et de suivre les projets de chacun.
Les jeunes sont ensuite invités à se rendre à une information collective qui a lieu deux fois par
semaine (cette périodicité peut être réduite dans les périodes de moindre affluence). Animée par
deux conseillers, cette rencontre, d’une durée d’une heure trente environ, permet d’informer les jeunes
sur les différentes activités du centre, d’échanger avec eux sur les objectifs de l’AFJ et de leur faire
visiter les différents ateliers existant dans le centre : 472 jeunes ont assisté à une réunion d’information
collective durant le semestre, c'est-à-dire 83 % des jeunes venus en entretien d’identification. Ce
pourcentage élevé montre une motivation importante des jeunes et un intérêt à prolonger la
démarche au-delà de l’identification.
S’ils souhaitent poursuivre après l’information collective, les jeunes sont convoqués à un deuxième
entretien individuel qui marque le démarrage réel de leur accompagnement avec un conseiller
référent qui va les suivre, de façon individuelle, tout au long de leur parcours. 389 jeunes ont été reçus
dans ce cadre. Ces entretiens approfondis permettent de faire le point sur les projets du jeune, ses
difficultés et ses besoins et de construire les premières étapes du parcours. Parfois, l’orientation peut se
faire rapidement sur des prestations internes ou externes. Une mise en relation avec un centre de
formation, une entreprise ou un autre partenaire compétent peut être effectuée.
considéré comme un « quartier-village », populaire, et où tout le monde se connaît et se côtoie. Ses activités
économiques sont principalement axées vers l’agriculture, l’artisanat et le petit commerce.
Dans d’autres cas, plusieurs entretiens vont être nécessaires avant qu’il ne soit possible de proposer
une étape de parcours. Dans tous les cas, le suivi sera indispensable. L’accompagnement peut être
plus ou moins long selon les situations et le nombre d’entretiens sera différent pour chacun. Lors du
semestre, 333 entretiens de suivi ont été réalisés, certains jeunes ayant pu bénéficier de plusieurs
entretiens de suivi. Certains entretiens ont été effectués sur le lieu de la formation ou du stage. Le
travail de suivi et d’accompagnement a fortement augmenté au cours des derniers mois (264
entretiens au premier trimestre 2010 contre 69 au 4ème trimestre 2009). La progression est exponentielle
dans la mesure où cet accompagnement concerne davantage de jeunes chaque mois, même si le
nombre de nouveaux inscrits diminue. Au total, les cinq conseillers ont réalisé 1 289 entretiens
individuels en moins de six mois (deux conseillers n’ont démarré qu’à la mi-octobre), c'est-à-dire près
de 43 entretiens en moyenne par conseiller et par mois. C’est un travail important, sachant que les
conseillers interviennent également sur les ateliers collectifs (informations collectives, ateliers CV, etc.)
et sur la construction des partenariats (visites d’ONG ou de centres de formation pour formaliser les
modalités d’entrée pour les jeunes, par exemple).
Un dossier est ouvert pour chaque jeune accompagné, dans lequel sont réunis les différents
documents le concernant (fiche d’identification, fiche projet, fiche de liaison, CV, documents de suivi
comme les bulletins de notes des centres de formation, etc.).
Tidjani est né à Niamey en 1988. Son père était marabout et sa mère ménagère. Aujourd’hui orphelin, il
habite dans le quartier Gaweye, rive droite (Commune V) ; il loge chez un des ses oncles maternels qui
est manœuvre. Ses frères et sœurs sont mariés et vivent au « village » près de Torodi.
Il a quitté l’école en classe de CM2 ; il a travaillé ensuite un peu dans un garage automobile (un an),
dans un atelier de menuiserie (4 mois) et dans l’entretien-ménage. Il n’aimait pas la mécanique et ne
pensait pas trouver un emploi dans ce secteur : « Même si tu fais le garage quatre ans, tu ne trouves
pas de travail » ; il gagnait à peine 4 000 francs CFA par mois. En outre, l’atelier était situé dans le
quartier Dar Salam, loin de chez lui et on lui avait volé son vélo. Il a donc arrêté l’expérience.
Tidjani s’est ensuite rendu à l’AFJ, dont lui avaient parlé ses amis du quartier. Il a parlé à son conseiller
de son projet de devenir boulanger, métier qu’il veut exercer depuis qu’il a 19 ans et dont il a eu
connaissance par un ami lui-même boulanger. Son conseiller a vérifié sa motivation au cours de
plusieurs entretiens et lui a parlé du centre de formation Agapè qui forme en quatre mois des jeunes à
la boulangerie-viennoiserie. Une nouvelle promotion était en cours de recrutement pour décembre
2009. Tidjani affirme que s’il n’y avait pas eu son conseiller Boubacar, il n’aurait pas connu ce centre et
n’aurait pas pu faire les démarches pour l’entrée en formation. Il fallait venir avec un parent et ce
n’était pas possible. « Avec mon oncle, j’aurais trop attendu ».
Avec son conseiller, il a constitué le dossier pour l’entrée en formation ; ils ont réalisé le CV ensemble,
écrit une lettre de demande et réuni les documents d’identité. Il a passé un entretien de sélection
avec les responsables du centre de formation puis a réalisé un court stage d’observation dans une
boulangerie pour confirmer sa motivation. Il est entré en formation en janvier 2010. Aujourd’hui, il se
plaît particulièrement dans cet apprentissage. Il aime pétrir, faire le façonnage, la cuisson. Il a
commencé à confectionner des croissants et des pains au lait. Il est confiant dans l’avenir : « avec le
diplôme, je peux gagner mon pain ». Le centre Agapè est maintenant reconnu et les stagiaires
trouvent en général un emploi à l’issue de la formation. Il sait aussi qu’il est suivi par son conseiller et
que lorsque la formation s’achèvera, Agapè et Boubé l’accompagneront vers les opportunités
d’emploi qui se présenteront et l’aideront à entrer en contact avec les grandes boulangeries de
Niamey.
Tidjani avait un projet professionnel mais il ne disposait pas des informations et des contacts pour le
mettre en œuvre ; il s’agissait donc pour le conseiller de vérifier le projet et sa faisabilité puis de repérer
l’organisme de formation adapté et de réaliser la mise en relation. Le travail d’accompagnement a
aussi consisté à préparer avec le jeune le processus de sélection et les démarches d’inscription dans le
centre.
Dans la mesure où l’accès à l’information est difficile à Niamey et où les occasions de rencontres
avec des professionnels et de discussions sur les opportunités de métiers sont très rares, les jeunes ou
leurs parents choisissent le plus souvent une formation ou un métier « par défaut ». Le travail
d’orientation et de découverte des métiers est donc essentiel pour les conseillers. Il peut se faire de
plusieurs façons et doit s’adapter aux niveaux et aux situations des jeunes. Il peut s’agir de faciliter
42 Sur ces questions, voir Le Bissonnais A., Les missions du possible. Avec et pour les jeunes en parcours d’insertion,
que nous connaissons. Dans le réseau des missions locales en France, on considère qu’il est difficile pour un
conseiller de suivre plus de 200 ou 300 jeunes simultanément.
l’accès à l’information en s’aidant des supports existants. Pour cela, l’AFJ met en place
progressivement un espace ressources : un classeur de l’offre de formation à Niamey a notamment été
réalisé, avec des fiches par organismes de formation ; un classeur est également disponible
comprenant différents outils de techniques de recherche d’emploi et les adresses de sites Internet pour
les recherches d’offres. Des fiches métiers simplifiées sont en cours de réalisation.
Par ailleurs, dans le cadre des entretiens de suivi, le conseiller aide le jeune à formuler son projet
professionnel en partant de ses atouts, de ses centres d’intérêt et de ses capacités d’apprentissage. Le
terme de « projet » ne doit pas être pris dans un sens trop ambitieux. L’idée est d’amener le jeune à
pouvoir se projeter dans l’avenir en l’aidant à repérer ses points forts et ses ressources et à formuler ses
envies et ses idées. À partir d’un rêve, d’une idée ou d’une activité réalisée qui a plu, on peut
commencer à construire un projet. Évidemment, ce travail est plus ou moins difficile selon les jeunes.
Nous avons rencontré des jeunes filles n’ayant jamais fréquenté l’école, qui semblaient n’avoir
absolument aucune idée, ni aucun souhait. Il faut alors envisager des étapes préalables (comme par
exemple l’alphabétisation en partant du quotidien de ces jeunes filles) avant de reprendre
l’élaboration du projet.
Des outils sont en cours d’élaboration permettant d’améliorer ce travail d’orientation
professionnelle. Ces documents supports seront également utilisés dans le cadre des ateliers projets ou
de découverte des métiers qui doivent démarrer en 2010, permettant aux jeunes de mieux se
connaître, d’évaluer leurs aptitudes par rapport à un choix de métier mais aussi d’avoir une approche
plus diversifiée et concrète de filières d’activités. Ces ateliers alternant phases de travail individuel et
phases de travail collectif seront destinés à des jeunes de niveaux scolaires moyens (au moins niveau
collège) n’ayant aucun projet ou ayant un projet nécessitant une validation, dans l’objectif de
construire des projets professionnels réalistes et réalisables et de rendre plus cohérentes et plus
efficaces les entrées en formation ou en stage.
Lorsque le projet professionnel du jeune est validé, les conseillers effectuent avec lui une recherche
des actions de formation les plus adaptées et une mise en relation du jeune concerné avec le centre
de formation identifié. Ce travail suppose de connaître l’offre de formation à Niamey, qui est limitée.
Lorsque la formation existe dans le secteur choisi, le conseiller prend contact avec l’organisme et
effectue la mise en relation. Si le jeune est admis, les modalités de suivi du jeune sont établies. Dans
certains cas, un coup de pouce financier peut s’avérer indispensable pour payer par exemple les frais
d’inscription ou une partie des frais de transport. Les différentes pistes de financement sont alors
recherchées par le conseiller. Un dossier « Coup de pouce » peut être monté si le projet est solide (voir
plus loin).
Lorsque le niveau du jeune est trop faible, des orientations en formations préparatoires sont faites
(en remise à niveau ou en alphabétisation). Des sessions de formation en multimédia peuvent être
aussi une façon d’améliorer des compétences qui seront utiles dans le cadre de formations
professionnalisantes.
Bien sûr, l’espace accueil, orientation, accompagnement est aussi en lien permanent avec
l’espace formation de l’AFJ pour réfléchir aux entrées dans les filières existantes et aux nouvelles filières
à mettre en place dans un contexte de pauvreté de l’offre, notamment dans des secteurs qui
manquent de main-d’œuvre qualifiée (métiers du bâtiment par exemple).
Comme il a été dit plus haut, effectuer des stages pratiques est souvent un moyen important
d’entrer dans le monde du travail et d’enrichir son CV. Les conseillers aident donc les jeunes à trouver
des pistes de stages en leur donnant des adresses et des conseils. Le CV est alors souvent utile dans le
cadre de sa recherche de stage. Réaliser le CV est aussi un moyen de retracer les différentes étapes
de sa scolarité ou de son expérience professionnelle et de vie (participation à une association par
exemple). Il permet souvent au jeune de retrouver une certaine confiance en lui et de mieux défendre
ensuite sa candidature. Les conseillers ont mis en place des ateliers CV une fois par semaine. 177
jeunes ont participé à ces ateliers durant le semestre, avec en moyenne une dizaine de jeunes par
session. Il s’agissait essentiellement de jeunes de niveau primaire ou collège, ayant une maîtrise
minimum du français et de l’écriture et pour lesquels ces ateliers ont été une façon de valoriser leurs
atouts et leurs expériences, même si ces dernières étaient en général très limitées.
L’objectif est de développer progressivement les formations en technique de recherche d’emploi, y
compris pour les plus diplômés qui n’ont pas eu l’occasion de se préparer à ces techniques. Un « club
jeunes diplômés » a été mis en place début janvier 2010 afin de partager sur les méthodes de
recherche d’emploi, de s’exercer aux entretiens d’embauche et d’échanger des contacts. Six
séances ont eu lieu durant le trimestre, auxquelles ont participé 20 jeunes au total. Ce club fonctionne
de façon très interactive avec un « noyau dur » d’une dizaine de jeunes diplômés qui participent à
l’animation de ces séances. Ces différents ateliers sont un moyen pour que les jeunes prennent
confiance en eux et ne restent pas isolés dans leur recherche.
Par ailleurs, les conseillers essayent d’orienter vers des opportunités de stage ou d’emploi, lorsque le
projet professionnel est défini. Ces opportunités sont encore rares (seuls quelques jeunes ont été
recrutés) et il est nécessaire de travailler notamment avec l’ANPE à la prospection d’entreprises
susceptibles d’embaucher et d’organiser ensuite conjointement le recueil et la diffusion des offres
d’emploi. Depuis le mois de mars 2010, l’Agence transmet ses offres chaque semaine aux conseillers
qui sélectionnent celles qui sont susceptibles d’intéresser les jeunes suivis. C’est une première étape vers
une collaboration plus importante qui devrait concerner le démarchage auprès des employeurs
potentiels. Le partenariat avec l’ANPE pourrait également se développer dans le cadre du Programme
d’insertion des jeunes diplômés (PIJD) et du Programme d’insertion dans les petites et moyennes
entreprises (PIPME) : il s’agirait pour les conseillers de présélectionner les jeunes intéressés par les offres
de ces programmes en fonction des critères fixés. Une première expérience est en cours pour le
recrutement en stage PIPME de 60 jeunes dans les stations Total de la capitale ; une vingtaine de
dossiers ont déjà été présélectionnés par les conseillers AFJ. Les jeunes concernés (essentiellement des
garçons, de niveau 3ème) pourraient démarrer le stage en mai ou juin 2010.
Dans le domaine de l’accompagnement à la création d’entreprise, seuls quatre jeunes ont été aidés
dans le cadre de leurs projets (explications sur les premières démarches à réaliser et mises en relation
avec les interlocuteurs concernés). Si la question de la mobilisation des ressources et de l’aide aux
démarches fait partie des freins sur lesquels les conseillers peuvent agir, le problème de l’acquisition des
savoir-faire et de « l’esprit d’entreprise » est plus complexe et ne peut être résolu à court terme. Il passe
notamment par une nécessaire augmentation des opportunités pour les jeunes nigériens d’acquérir une
formation et une expérience professionnelle et des idées de création d’activités.
Compte tenu des difficultés financières et familiales des jeunes reçus, le travail des conseillers est
aussi de contribuer à lever ces freins qui font obstacle à l’insertion professionnelle. Il ne s’agit pas de
faire le travail des travailleurs sociaux mais de mobiliser les ressources existantes en faveur des jeunes
qui en ont besoin. Ainsi, les mises en relation avec les partenaires de l’insertion sociale peuvent
permettre de résoudre des difficultés financières, de santé (y compris psychologique), ou de médiation
familiale. Un état des lieux de ces organismes a été réalisé et une première réunion organisée en juin
2009. Les premiers partenariats sont en cours de construction, notamment avec des associations
comme Caritas Niger.
Par ailleurs, un fonds « Coup de pouce » a été créé, permettant des cofinancements pour accéder
à une formation ou à la mobilité. Alimenté en grande partie par des dons privés, ce fonds est destiné à
cofinancer des projets individuels de jeunes de 16 à 30 ans qui s’inscrivent dans un parcours d’insertion
professionnelle. Ainsi, les jeunes peuvent bénéficier d’une aide financière d’un montant variable (en
fonction du projet et de la situation du jeune) pouvant aller jusqu’à 50 000 francs CFA maximum et
permettant de contribuer à payer des frais d’inscription pour une formation, des frais de tenue
professionnelle, des frais de déplacement pour les premiers mois de formation ou de stage, une
participation à l’achat d’un vélo, etc.
Les dossiers sont préparés par les jeunes avec leur conseiller référent et sont étudiés par un comité
composé de personnes ressources compétentes (représentants de l’État, de la Commune 1 de
Niamey, de la formation professionnelle et de la société civile) et sont sélectionnés en fonction de la
motivation et du sérieux des projets. Les jeunes bénéficiaires s’engagent à apporter une contrepartie
(transmission d’un savoir, organisation d’un événement, par exemple). Les conseillers assurent le suivi
des jeunes dans le cadre de leur travail d’accompagnement.
Dans le domaine de la vie associative, de la citoyenneté et de l’implication des jeunes dans leur
quartier ou leur commune, des réflexions sont en cours, notamment avec l’espace projets et vie
associative de l’AFJ. Un atelier photo a démarré, animé par un photographe bénévole, permettant
d’initier certains jeunes aux techniques de la photographie numérique. À travers la réalisation d’un
reportage photo, ils développent en même temps un autre regard sur leur ville.
Des actions pourraient également être réalisées, notamment avec les centres de jeunes, pilotés
conjointement par le ministère Jeunesse et Sports et la Commune.
En six mois seulement, entre octobre 2009 et mars 2010, l’expérimentation de l’espace d’accueil,
d’orientation et d’accompagnement des jeunes au sein de l’AFJ a donné des résultats intéressants. Les
conseillers ont réalisé un travail important d’accueil et d’identification et ont démarré les premières
activités d’orientation et de suivi des jeunes. Les entretiens d’orientation professionnelle et d’élaboration
des parcours ont abouti aux premières mises en relation avec les partenaires de la formation, de l’emploi
et de l’insertion sociale. Au total, durant le semestre, 324 jeunes ont été orientés vers des actions de
formation ou d’emploi, dont 151 en alphabétisation, français ou remise à niveau ; 142 vers des actions de
formation professionnelle et 31 vers des emplois ou des stages (en général rémunérés). 61 jeunes
(essentiellement des jeunes filles) sont effectivement entrés en alphabétisation, français ou remise à
niveau ; 97 sont entrés en formation (dont 35 en formation bureautique) et 24 sont entrés en emploi (sans
contrat formalisé) ou en stage (dont seulement 3 avec une convention de stage).
Par ailleurs, 7 jeunes ont bénéficié du fonds « Coup de pouce » et 7 jeunes ont été orientés vers des
partenaires de l’insertion sociale.
Enfin, des outils ont été élaborés et les premiers ateliers (de technique de recherche d’emploi
notamment) ont été mis en place. Ce premier bilan montre la pertinence d’une réponse globale en
matière d’appui à l’insertion. La méthodologie, les outils et les savoir-faire construits sont à améliorer et
à consolider mais ils peuvent désormais servir de référence dans le cadre d’une extension d’un
dispositif plus large d’accompagnement socioprofessionnel des jeunes.
L’expérimentation met également en évidence la nécessité de développer les partenariats locaux
permettant d’élargir les opportunités pour les jeunes de se former, d’accéder à l’emploi ou de créer
leur propre activité économique.
autonomie et de contribuer à la rupture de la « fracture numérique » pour des jeunes qui n’ont, jusqu’à
présent, aucun accès aux nouvelles technologies d’information et de communication.
La mise en place d’une ou deux antennes sera testée en lien avec les partenaires institutionnels et
de terrain.
Dans l’objectif d’une meilleure synergie avec les acteurs locaux et d’une mutualisation des
ressources, les partenariats dans les champs de la formation, de l’emploi (particulièrement avec
l’ANPE, dans le cadre notamment des programmes PIPME et PIJD et de la prospection d’entreprises),
de l’insertion sociale et avec la Commune 1 de Niamey (dans le cadre notamment d’actions
communes telles que les chantiers d’insertion dans le domaine de la récupération des déchets ou du
reboisement) seront développés et formalisés.
Des actions en matière d’insertion des jeunes existent donc au Niger mais sont concentrées
principalement dans les grandes villes et sont insuffisantes dans le domaine de l’emploi et dans celui
de la formation professionnelle. En outre, elles sont dispersées. Les différentes actions publiques en
faveur des jeunes sont gérées par cinq ministères : celui de la Fonction publique et du Travail44, celui de
la Formation professionnelle et technique45, celui de la Jeunesse et des Sports, celui des Jeunes
Entrepreneurs46 et celui des Affaires sociales et de la Famille47, pour une moindre mesure (foyers
féminins, par exemple). Les interventions de ces ministères ne sont pas coordonnées entre elles mais ne
le sont généralement pas non plus avec les projets des ONG nationales ou internationales.
De l’avis de plusieurs de nos interlocuteurs et en particulier de la direction de l’Insertion au ministère
de la Formation professionnelle, le manque de coordination entre les différents dispositifs, projets ou
initiatives limite l’incidence qu’ils pourraient avoir s’il existait une transversalité et une mise en synergie.
D’un côté, les jeunes ne connaissent pas ou n’ont pas les moyens d’accéder aux offres de formation
ou d’emploi. De l’autre, les institutions concernées par la question de l’insertion des jeunes rencontrent
des difficultés pour toucher les jeunes les plus défavorisés.
L’ANPE, par exemple, qui a du mal à toucher le public le plus en difficulté dans le cadre de ses
programmes d’insertion, pourrait développer des partenariats avec des organismes touchant ces
catégories de jeunes. L’information sur ces actions pourrait être transmise à ces jeunes et leur
accompagnement pourrait se faire conjointement. Les associations d’insertion sociale, dont le rôle
n’est pas la formation professionnelle ou l’octroi de microcrédits et qui parfois se lancent dans ces
activités sans les compétences requises, auraient intérêt à travailler en lien avec les organisations
professionnelles lorsque les jeunes expriment un besoin dans ces domaines. Les centres de formation,
quant à eux, pourraient s’appuyer sur ces associations pour assurer des accompagnements conjoints,
souvent nécessaires lorsque les jeunes sont issus de milieux défavorisés. Le directeur de l’Insertion au
ministère de la Formation professionnelle et technique fait le constat de la dispersion des interventions
des acteurs publics et privés de l’insertion socio-économique. Pour le responsable du service des
programmes de l’emploi (SPE) à l’ANPE, le « manque de coordination entre les différents acteurs du
marché du travail nuit à leur efficacité ».
Par ailleurs, les réponses en termes d’emploi, de formation et d’insertion sociale sont mal adaptées
et insuffisantes et doivent être développées dans le cadre des politiques publiques.
Enfin, il apparaît comme évident qu’un dispositif global accueillant les jeunes en insertion
permettrait de mieux les orienter vers les partenaires et les dispositifs adaptés, de mieux les suivre
pendant et après les différentes étapes de leur parcours et de jouer le rôle de mise en synergie des
acteurs localement. L’expérimentation menée par l’AFJ est la première dans ce domaine au Niger.
Compte tenu des premiers résultats et de l’intérêt qu’elle suscite en particulier auprès des jeunes mais
aussi auprès des partenaires techniques (centres de formation et ANPE notamment), il est important
que ce type de dispositif d’accompagnement puisse être consolidé et étendu.
Comme le constate le directeur de l’Insertion au ministère de la Formation professionnelle, il semble
« indispensable de mettre en place un mécanisme partagé de coordination méthodologique des
interventions des acteurs publics et privés de promotion de l’insertion socioéconomique des jeunes ».
Une réponse globale en matière d’appui à l’insertion, à l’image de l’espace d’accueil,
d’orientation et d’accompagnement expérimenté par l’AFJ, pourrait servir de référence dans le cadre
d’une action plus large portée par l’État, comportant la mise en place d’un dispositif national
d’accompagnement des jeunes mais aussi la contribution à la construction d’une politique publique
cohérente en direction de la jeunesse.
Avant même le Niger, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont expérimenté des dispositifs d’appui
dans le domaine de l’accueil, de l’orientation et de l’accompagnement des jeunes vers l’emploi, en
intégrant un certain nombre de services, plus ou moins nombreux selon les cas. Le dispositif des plates-
formes de services (PFS) en Côte-d’Ivoire est l’un des plus anciens et le Centre régional de ressources
pour l’emploi des jeunes (CREEJ), au Sénégal, a été créé en 2006 par le conseil régional de Saint-Louis.
En Mauritanie, le projet CAP Insertion est mis en œuvre par le Gret depuis mi-2007. La connaissance
que nous avons de ce projet et les échanges que nous menons régulièrement ensemble depuis plus
d’un an permettent de partager sur les résultats et les perspectives de ces expérimentations
mauritanienne et nigérienne en termes de pérennisation et d’institutionnalisation48.
Le travail d’expérimentation d’un centre d’appui à l’insertion à Niamey s’inscrit donc dans une
perspective plus large de réflexion sur la création et l’institutionnalisation de dispositifs similaires en
Afrique de l’Ouest. Quelle offre de services apporter aux jeunes ? Avec quel ancrage institutionnel ?
Comment pérenniser et étendre les interventions ? Comment s’étendre sans perdre en efficacité ?
Autant de questionnements qui méritent d’être partagés avec les autres expérimentations en cours
dans la sous-région.
L’expérience des plates-formes de services (PFS) en Côte-d’Ivoire est sans doute la plus ancienne
en Afrique de l’Ouest. Ce dispositif national d´insertion professionnelle et de promotion de l´emploi des
jeunes a été mis en place par quatre organismes publics nationaux, le Fonds de développement de la
formation professionnelle (FDFP), l´Agence nationale de formation professionnelle (AGEFOP), l´Agence
d´étude et de promotion de l´emploi (AGEPE) et le Fonds national de solidarité pour la promotion de
l´emploi jeune (FNS).
Durant la phase expérimentale (2005-2008), financée en grande partie par la Coopération
française, des actions d´identification, d’information et d´orientation des jeunes vers des activités de
type « activité génératrice de revenus » ou vers l’emploi salarié ont été menées. Sept territoires
volontaires (Gagnoa, Issia, Bouaflé, Sikensi, Songon, Bingerville et Attécoubé) ont construit leur dispositif
d’insertion à partir de la constitution du comité local, piloté par les élus avec la participation des
48 La partie sur le projet Cap Insertion à Nouakchott a été rédigée par Sandra Barlet et Estelle Mille, du Gret ; celle
sur l’institutionnalisation est le résultat d’un travail de réflexion mené par Sandra Barlet, du Gret, et moi-même.
acteurs socioéconomiques du territoire, puis de l’écriture du Plan local d’insertion (PLIJ) reprenant les
opportunités du territoire et posant des orientations pour l’insertion des jeunes par l’activité
économique (IAE), et enfin par l’ouverture d’un guichet d’accueil, cœur du dispositif local, appelé
mission locale.
Certains territoires ont bénéficié de l’implantation de « passerelles d’insertion » où les jeunes les plus
éloignés de l’emploi peuvent construire leur projet tout en assurant des activités d’intérêt général pour
l’environnement du territoire, voire peuvent être professionnalisés dans une activité agropastorale
retenue dans le PLIJ. L’ensemble de ces éléments constitue la Plate-forme de services locale (PFS-L).
L’évaluation49 fait apparaître que 18 035 jeunes ont visité les sept missions locales, qui ont accompagné
2 648 d´entre eux jusqu´à l´étape d´orientation vers une filière professionnelle donnée. 801 jeunes ont
pu être insérés à l´aide des outils et mesures d’insertion développés par la PFS.
Début 2009, après un Atelier interministériel validant la PFS comme outil national d’insertion, la
structure faîtière (PFS-CI) du réseau des PFS-L prend le statut d’association reconnue d’utilité publique,
menant des activités de service public au bénéfice des collectivités territoriales volontaires et motivées
pour disposer d’un outil complet d’insertion sur leur territoire. Le plan 2010 de déploiement prévoit
l’implantation de 8 nouvelles PFS-L sur le territoire de la Côte-d’Ivoire avec l’appui du Projet d’appui à
la sortie de crise, sur don de l’IDA.
Au Sénégal, le Centre régional de ressources pour l’emploi des jeunes (CRREJ), créé en 2006, a pour
objectif de développer un service d’information, d’orientation et d’accompagnement des jeunes vers
l’emploi dans une logique de partenariats et de « faire faire ». Porté par le conseil régional de Saint-
Louis et soutenu par les conseils régionaux de Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées, le
centre est animé par une équipe légère de conseillers chargés d’accompagner les jeunes
individuellement dans leur parcours d’insertion.
Dispositif
49 Esmel Beugré Jean-Paul, Diagnostic et évaluation des « missions locales » de la plate-forme de services (PFS Côte
d’Ivoire), BIT Abidjan, décembre 2009.
Conseil régional de Saint-Louis, Centre régional de ressources pour l’emploi des jeunes (CRREJ), bilan quantitatif et
50
qualitatif 2008.
Principales réalisations
Durant l’année 2008, le CRREJ a accompagné 591 jeunes, dont 548 nouveaux jeunes. Plus de 71 %
des jeunes accueillis étaient peu ou pas du tout qualifiés, 40 % non alphabétisés ou avec un niveau
scolaire inférieur au niveau 5ème.
- 932 entretiens individuels ont été effectués ;
- 74 ateliers de formation ont été organisés ;
- 245 jeunes ont été suivis dans le cadre du service création d’entreprise, dont 108 jeunes inscrits
dans une dynamique de création d’activité économique ;
- 1 179 visites ont été enregistrées à l’espace documentation et multimédia ;
- 396 jeunes ont trouvé une solution à leur problématique de départ (dans le domaine de la
formation, de l’emploi ou de la création d’activité).
Le CRREJ joue par ailleurs un rôle d’animation territoriale et partenariale dans la région de Saint-
Louis. Doté d’une base de données de jeunes importante et d’une bonne connaissance des acteurs
de l’emploi et de la formation sur le territoire, il doit faire office de veille au conseil régional pour la
définition et la mise en œuvre de politiques locales de formation, d’insertion professionnelle et d’emploi
des jeunes. Il réfléchit actuellement aux conditions de son développement et de sa pérennisation.
Dispositif
Le projet Centre d’appui à l’insertion des jeunes de Nouakchott – CAP Insertion a pour objectif de
tester un dispositif d’appui à l’insertion professionnelle des jeunes des quartiers périphériques de la
capitale. Il s’appuie sur une expérience pilote menée par le Gret dans le cadre du programme Twize
dans le quartier de Basra depuis 2007.
Ce dispositif, mis en œuvre par le Groupe de recherche et d’échanges technologiques (Gret)
depuis mi-2007, est depuis 2009 et pour deux ans et demi financé par l’Agence française de
développement (AFD) dans le cadre d’un nouveau dispositif de financement des ONG françaises, la
Facilité d’innovation sectorielle des ONG (FISONG). Il s’intègre dans un programme plus large associant
deux autres ONG françaises, Essor et le Comité français pour la solidarité internationale (CFSI).
Les enjeux de ce projet sont doubles :
- démontrer l’intérêt d’une offre de services globale, décentralisée, adaptée pour
faciliter l’insertion des jeunes des quartiers périphériques tant du point de vue des jeunes que du
point de vue des entreprises ;
- identifier les conditions de pérennisation technique, financière et institutionnelle de ce dispositif.
Le projet est mis en œuvre par une équipe technique constituée d’un conseiller technique, d’un
coordinateur, d’un chargé de relations entreprises et de six conseillers en insertion. Elle est appuyée par
les ressources humaines du Gret sur place et en France.
Le projet CAP Insertion associe différents acteurs :
Les jeunes et les organisations de jeunes des zones d’intervention sont la cible directe du dispositif.
Chaque antenne leur propose différents services, notamment : accueil, information sur l’emploi et la
formation, bilan socioprofessionnel, aide à la définition d’un objectif professionnel, élaboration d’un
parcours d’insertion, apprentissage des techniques de recherche d’emploi, appui/conseil individualisé,
51 Cette partie a été rédigée par Sandra Barlet et Estelle Mille, du Gret.
Principales réalisations des 18 premiers mois (de janvier 2009 à juin 2010)52
Par ailleurs, le dispositif a réitéré sa volonté de travailler en étroite concertation avec les institutions
chargées de la formation et de l’insertion professionnelles.
Au Niger ou en Mauritanie, le principe des centres d’appui est de s’adresser à tous les jeunes des
territoires d’intervention, quels que soient leur sexe et leur niveau de formation (jeunes déscolarisés,
jeunes diplômés, jeunes apprentis, jeunes en rupture familiale, démunis ou sans difficultés majeures). Les
agences publiques de l’emploi (ANPE au Niger et ANAPEJ en Mauritanie) ne touchent que très peu de
jeunes ; elles n’ont pas les moyens d’accompagner les publics éloignés de l’emploi, en particulier ceux
provenant des quartiers ou des milieux défavorisés. À l’image de ce qu’a construit le réseau des
missions locales en France, les centres d’appui à l’insertion des jeunes peuvent être partenaires de ces
agences dans le cadre des politiques nationales de l’emploi et mettre en place des conventions de
cotraitance définissant les missions de chacun.
Les centres d’appui ont de façon générale vocation à contribuer aux évolutions des politiques de
l’emploi et de la formation. La connaissance qu’ils ont des situations des jeunes, à travers les activités
menées et le recueil d’informations dans les bases de données, fait de ces dispositifs des observatoires
incontournables de la jeunesse utiles aux institutions. En outre, la constitution de comités de pilotage ou
de suivi permet de faire exister des cadres d’échange et de concertation interinstitutionnelle sur les
politiques publiques en faveur des jeunes (augmentation de l’offre de formation, amélioration de la
qualité de celle-ci, meilleure information sur les filières d’activités et l’offre existante, liens avec les
acteurs économiques, etc.).
Dans les deux expérimentations menées au Niger et en Mauritanie, on retrouve les fonctions
suivantes, plus ou moins développées selon les cas mais considérées comme prioritaires et déjà mises
en place :
- accueil de proximité au siège et dans les antennes de quartiers (pour Cap Insertion) ;
- entretiens d’écoute, d’information et d’orientation par un conseiller : bilan de la situation du
jeune (personnelle, etc., de son parcours antérieur (formation, expérience professionnelle et
personnelle), de ses envies, motivations et difficultés ; définition des premières étapes à réaliser ;
- suivi individualisé et dans la durée avec un conseiller référent : conseils et orientation des jeunes
en fonction des besoins identifiés, mise en relation avec les partenaires concernés (centres
d’alphabétisation, centres de formation, Agence nationale pour l’emploi, entreprises, dispositifs
d’aide à la création d’entreprise, centres de santé...) ;
- préparation des jeunes à l’entrée en formation et appui aux démarches de candidature
(préparation aux tests d’entrée, aux concours, etc.) ;
- préparation à l’entrée en emploi (ateliers de recherche d’emploi, rédaction de CV, etc.) ;
53Labbé Philippe (dir.) et Abherve Michel, L’insertion professionnelle et sociale des jeunes, ou l’intelligence pratique
des missions locales, Éditions Apogée, Rennes, 2005, p. 10.
La possibilité de pérenniser ces dispositifs nouveaux, notamment au Niger et en Mauritanie, doit être
analysée en fonction de quatre critères :
- L’incidence des dispositifs en matière d’insertion des jeunes. C’est en effet la qualité des
réponses apportées par les centres d’appui, l’intérêt que leur porteront les jeunes et les
employeurs qui seront déterminants.
- La professionnalisation des équipes : les conseillers et le personnel d’encadrement devront
disposer de l’ensemble des compétences et des outils permettant de fournir les services aux
jeunes et de gérer de manière performante les centres, une fois l’appui extérieur ou l’assistance
technique retirés. Le métier de conseiller est nouveau et spécifique ; outre les compétences
Le cas du Niger
Plusieurs hypothèses d’extension sont envisageables à partir de l’expérimentation AFJ. Une option
serait que la structure AFJ s’accroisse et s’étende sur le plan national avec la création d’antennes. Une
autre option serait que de nouvelles structures locales indépendantes se créent, reliées ou non à un
réseau. Il nous semble que l’une des hypothèses les plus réalistes pour pérenniser et étendre le dispositif
au Niger serait de l’adosser à une institution publique, chargée de l’insertion des jeunes. En effet, l’AFJ,
ONG nigérienne qui a pour objectif d’œuvrer dans les domaines de l’insertion des jeunes mais aussi de
la formation en général ou de la protection de l’environnement, n’a ni les moyens, ni la vocation à
créer des centres d’appui à l’insertion des jeunes dans l’ensemble du pays. D’autre part, il existe
actuellement peu d’opérateurs privés nigériens susceptibles de porter de tels dispositifs. En revanche,
la direction de l’Insertion au ministère de la FP mène depuis plusieurs années une réflexion sur les
réponses à apporter en matière d’orientation, de formation et d’accompagnement des jeunes vers
54 Korten, David C., (juin 2006), L’intervention sociale comme processus d’apprentissage, Coopérer aujourd’hui
n°48, Gret.
l’emploi. Elle s’était orientée récemment, dans le cadre d’une réflexion avec l’ONG Swisscontact, vers
la mise en place de plates-formes de services, étendue à l’ensemble du pays dans un cadre
interinstitutionnel. La direction de l’Insertion considère aujourd’hui que l’expérimentation d’un centre
d’appui menée par l’AFJ peut servir de référence dans le cadre d’une stratégie d’extension et de
pérennisation du dispositif. Il s’agirait d’une stratégie conduite par l’État en partenariat avec les
communes et les partenaires de la société civile, en particulier avec l’ONG Swisscontact, qui dispose
déjà dans le pays d’une expertise dans ces domaines de la formation et de l’insertion professionnelle.
Dans une démarche de minimisation des coûts, les centres de jeunes (anciennes samarias),
cogérés par l’État et les communes, ou d’autres centres mis en place par des ONG, pourraient
héberger ces espaces d’accueil, d’orientation et d’accompagnement des jeunes ; les conseillers (au
minimum trois par centre), recrutés dans un premier temps dans le cadre du service civique ou en tant
que contractuels, démarreraient par une période de six mois de stage, d’abord au sein du centre
d’appui de l’AFJ à Yantala pour une période d’observation puis de pratique ; ils seraient formés sur les
aspects théoriques (problématique de l’emploi et de l’insertion, démarche de l’accompagnement
global, contexte institutionnel) et pratiques (utilisation des outils, animation d’ateliers, montage de
partenariats).
Les centres d’appui à l’insertion des jeunes ou les plates-formes de services seraient créés dans les
huit régions du Niger, en commençant par Niamey, avec au total trois centres (Communes 1 et 2,
Communes 3 et 4 et Commune 5), puis Maradi, Zinder, Tahoua, Dosso et Tillabéry et enfin Diffa et
Agadez (deux régions beaucoup moins peuplées).
Chaque centre régional pourrait créer des antennes de proximité, notamment dans les
départements, et en lien avec les services déconcentrés de l’État, selon les besoins et l’étendue du
territoire. Une convention spécifique serait mise en place systématiquement avec les agences de
l’ANPE lorsqu’elles existent (Zinder, Agadez, Tillabéry)55, définissant les prérogatives de chacun et les
modalités de partenariat. Des comités de pilotage seraient mis en place localement, comprenant les
différents partenaires institutionnels, techniques et financiers.
Le cas de la Mauritanie
En Mauritanie, la piste privilégiée serait aussi de rattacher le dispositif à l’une des institutions
publiques intervenant dans le secteur, cela présentant l’avantage de lui permettre de compléter ses
interventions en termes de zones d’intervention et de publics touchés.
Avec le changement de Gouvernement de 2009 consécutif à l’arrivée en 2008 du général Aziz à la
tête de la République islamique de Mauritanie, un ministère de l’Emploi et de la Formation
professionnelle a été créé. L’ancrage du dispositif est envisagé à ce niveau, reste à préciser comment
et auprès de quelle structure. Un audit est actuellement mené qui doit permettre de redéfinir les rôles
et responsabilités des acteurs publics chargés de l’emploi et de la formation professionnelle, et pour le
dispositif de préciser son ancrage.
55 La direction générale de l’ANPE est basée à Niamey. Il n’existe actuellement que trois antennes interrégionales :
celle de la zone Nord, basée à Agadez, qui couvre également la région de Tahoua ; celle du Centre Est, basée à
Zinder, qui couvre également Maradi et Diffa et celle de la zone Ouest, basée à Tillabéry, qui couvre également la
région de Dosso.
Conclusion
La jeunesse nigérienne est caractérisée par un niveau de scolarisation très faible, un taux de
chômage très élevé et des difficultés d’insertion socioprofessionnelle fortes. Cela se traduit par des
périodes de transition vers l’autonomie plus longues, un accès au mariage retardé et des
dépendances financières renforcées. La principale cause du chômage et du sous-emploi qui
s’étendent aujourd’hui au Niger est évidemment le manque de dynamisme de son économie. Mais,
même dans ce contexte, les problèmes d’insertion des jeunes, y compris ceux des jeunes diplômés,
sont aggravés par un certain nombre de facteurs comme leur manque de compétences et
d’expérience professionnelle, par l’insuffisance de l’offre de formation, la faiblesse du dispositif
d’apprentissage et la pauvreté des opportunités de stages et d’emploi dans les secteurs publics et
privés. Les difficultés de mobilité, de santé ou d’instabilité familiale rendent souvent encore plus
complexe la problématique de l’insertion professionnelle. Enfin, alors que les offres d’appui sont rares,
l’absence de dispositif d’information et d’orientation professionnelle et le manque de concertation
entre les acteurs de l’insertion ne permettent pas d’agir efficacement. Certains organismes de
formation professionnelle, qui disposent pourtant de peu de places, ne parviennent pas à les pourvoir
en totalité.
Depuis peu, les autorités nigériennes s’accordent à reconnaître que ces difficultés rencontrées par
les jeunes constituent un risque de déstabilisation sociale important. Elles semblent avoir pris la mesure
de l’enjeu en initiant en 2009 un programme d’action triennal de promotion de l’emploi des jeunes au
Niger (2010-2012). Aujourd’hui, l’instabilité politique et l’absence de moyens financiers dans ce
domaine n’incitent pas à l’optimisme et les réponses à court et moyen termes restent limitées ; l’enjeu
est pourtant à la fois de construire des actions concrètes dans le cadre de dispositifs expérimentaux et
de contribuer à définir et à mettre en œuvre une politique globale et cohérente d’insertion des jeunes
reposant sur la mobilisation de tous les acteurs concernés : l’État, les collectivités locales, la société
civile et les opérateurs économiques.
Au Niger, comme ailleurs en Afrique de l’Ouest, des expérimentations sont en cours et produisent
déjà des résultats intéressants. À Niamey, l’AFJ a créé un espace d’accueil, d’information et
d’accompagnement des jeunes que la direction de l’Insertion au ministère de la Formation
professionnelle souhaiterait prendre comme référence pour créer un dispositif national. En Côte-
d’Ivoire, les plates-formes de services – missions locales sont en cours d’institutionnalisation ; au Sénégal,
le CRREJ, porté par une collectivité territoriale, en partenariat avec plusieurs conseils régionaux en
France, est un service accessible aux jeunes de la région de Saint-Louis. En Mauritanie, CAP Insertion,
porté par le Gret, est présent dans la capitale, Nouakchott, avec un fonctionnement pour le moment
à la fois indépendant et en lien avec la politique publique sectorielle.
Dans un objectif global d’appui à l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, des actions sont
menées en matière d’information, d’écoute, d’orientation, de construction d’un projet professionnel,
d’accompagnement vers la formation et l’emploi. Avec des modalités différentes, ces dispositifs se
placent dans une logique d’interface entre les jeunes, les institutions, les centres de formation, les
opérateurs économiques et, dans certains cas, les structures d’appui social. Ils se situent également
dans une démarche de construction de partenariats avec ces organismes et de développement des
opportunités d’insertion professionnelle. Ils innovent en développant les notions d’approche globale ou
systémique de l’insertion, comme l’avaient fait, dans un contexte différent, certains dispositifs au Nord,
tel que le réseau des missions locales en France il y a plus de 25 ans.
Au cours des six premiers mois de l’expérimentation nigérienne, 567 jeunes ont été nouvellement
accueillis dans le centre de l’AFJ (sans qu’aucune publicité n’ait été faite), 1 289 entretiens individuels
ont été réalisés par les cinq conseillers. Près de 200 jeunes ont participé à des ateliers de techniques de
recherche d’emploi. 324 jeunes ont été orientés vers des actions de formation ou d’emploi et 182
jeunes sont effectivement entrés en formation, en emploi ou en stage. Compte tenu du contexte et du
niveau de qualification des jeunes concernés, ces premiers résultats montrent la pertinence d’un tel
service. Il est bien évidemment trop tôt pour établir une réelle évaluation de ce dispositif, évaluation
nécessairement systémique qui devra prendre en compte un ensemble d’indicateurs permettant de
mesurer la dimension globale de l’insertion, et de mesurer également les effets en termes de
développement de l’offre locale de formations et d’emplois.
Ces dispositifs ouest-africains demeurent encore pour la plupart expérimentaux, limités
géographiquement et fragiles financièrement (particulièrement dans le cas nigérien). Le métier de
conseiller d’insertion professionnelle, qui exige des compétences professionnelles spécifiques et un sens
fort de l’engagement, est nouveau dans ces pays. Les outils et les savoir-faire sont à renforcer, dans
une perspective de professionnalisation des équipes. Surtout, les dispositifs doivent faire la preuve de
leur efficacité dans leurs contextes respectifs et analyser les conditions de leur pérennisation.
Ainsi, ce premier travail de capitalisation réalisé à partir de l’expérience nigérienne en appelle
d’autres. Il engage également les différents acteurs de ces dispositifs à échanger sur les méthodes et
les outils dans un objectif de mutualisation et de partage, tenant compte des spécificités de chaque
contexte.
Il serait en effet intéressant de poursuivre la production d’études et de travaux de capitalisation, le
recueil de références de terrain et la diffusion de référentiels techniques. Sans chercher bien sûr à
reproduire des modèles ou à appliquer des recettes standardisées, le partage d’expériences
permettrait d’aider à la réflexion et à la professionnalisation des équipes et notamment des conseillers.
Un certain nombre de savoir-faire, de méthodes et d’outils utilisés par le réseau des missions locales en
France peuvent et sont déjà exploités. Des documents-supports (notamment dans le domaine des
techniques de recherche d’emploi) sont également échangés entre le Niger et la Mauritanie. Ces
échanges pourraient se développer dans le cadre d’un réseau à construire, permettant d’organiser
notamment des ateliers et des formations mutualisées et pourquoi pas des liens plus formalisés entre
structures au Sud et entre structures du Sud et du Nord.
À partir de ce travail de professionnalisation et de recherche d’efficacité des dispositifs, l’enjeu sera
donc d’abord d’évaluer les résultats et d’estimer les effets produits, de préciser les montages
institutionnels, de rationaliser les outils et méthodes, puis de mesurer l’efficience avant d’envisager de
changer d’échelle. Pour le ministère de la Formation professionnelle au Niger, ces services
d’accompagnement des jeunes et d’appui à l’insertion professionnelle doivent s’étendre et devenir
accessibles à l’ensemble du public concerné, dans le cadre d’une mission de service public. Dans
chaque contexte, la réussite de ces actions dépendra du processus engagé et de la façon dont
chaque étape aura été construite et consolidée, en lien avec tous les acteurs des territoires
d’intervention.
Bien évidemment, l’avenir de ces dispositifs sera également lié à l’engagement politique des
pouvoirs publics et des bailleurs de fonds.
Annexe 1.
Bibliographie
Labbé Philippe (dir.) et Abhervé Michel, L’insertion professionnelle et sociale des jeunes, ou
l’intelligence pratique des Missions Locales, Editions Apogée, Rennes, 2005.
Le Bissonnais A., Les missions du possible. Avec et pour les jeunes en parcours d’insertion,
Éditions Apogée, Rennes, 2009.
Ministère de la Fonction publique et du Travail, ANPE, ONEF : Annuaire des statistiques du
travail, décembre 2008.
MJS-MFP/T-MFPT-MPJE (octobre 2009), Programme d’action triennal de promotion de
l’emploi des jeunes au Niger (2010-2012).
Huyghe Mauro Annick (coord.), Les apprentissages en milieu urbain. La formation
professionnelle dans le secteur informel en Afrique, ministère des Affaires étrangères, juin
1999.
Olivier de Sardan J.-P. et Tidjani A., Les enfants de la rue à Niamey, Études et travaux, Lasdel,
n° 6, 1998.
Salaou Nouhou, Étude d’identification des créneaux économiques porteurs d’emplois ou
d’activités génératrices de revenus, PAFPCA, mars 2006.
Schwartz Bertrand, Labbé Philippe, Association nationale des directeurs de missions locales,
Rapport sur l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. 1981 : naissance de l’insertion.
Éditions Apogée, 2007.
Secrétariat exécutif plate-forme de services CI, Le dispositif et la démarche PFS-CI,
Présentation, mars 2010.
Swisscontact Niger et Service de développement du Lichtenstein (LED), Formation et emploi
des jeunes au Niger. Document de phase 2007-2008.
SongES, Enfance en difficulté au Niger, 4 fascicules, janvier 2009.
Unicef, présentation sur le Niger.
Walther R. et Filipiak E. (avec le concours de), Nouvelles formes d’apprentissage en Afrique
de l’Ouest, Notes et documents n° 33, AFD, Paris, 2008.
Walther R. et Tamoifo M., L’itinéraire professionnel du jeune africain. » Les résultats d’une
enquête auprès de jeunes leaders africains sur les dispositifs de formation professionnelle
post-primaire, document de travail, n° 78, AFD, Paris, janvier 2009.
Sites
Site de l’ANPE du Niger : www.anpe-niger.ne
Site de l’Institut national des Statistiques (Niger) : www.ins.ne
Site du Gret : www.gret.org
Site des PFS Côte d’Ivoire : www.pfs-ci.org
Site du CNML en France : www.cnml.gouv.fr
Site de l’ANDML en France : www.andml.info.com
Annexe 2.
Liste des sigles
Annexe 3.
Le réseau des missions locales en France :
service public de l’insertion des jeunes
Présentes sur l’ensemble du territoire national, les 470 missions locales exercent une mission
de service public de proximité avec un objectif essentiel : permettre à tous les jeunes de 16 à
25 ans de surmonter les difficultés qui font obstacle à leur insertion professionnelle et sociale.
Ainsi, chaque année, plus d’un million de jeunes sont accompagnés par les missions locales.
Des services proposés aux jeunes dans trois domaines : professionnel, social et vie sociale
Le métier des missions locales : accueil et entretien avec les jeunes, réseau avec les
partenaires locaux
L’accueil de proximité est primordial pour les missions locales qui ont mis en place plus de
5 000 lieux ouverts au public. Les jeunes se rendent à la mission locale de manière volontaire
et sont accueillis immédiatement pour une première réponse à leur demande ou un premier
entretien avec un conseiller.
L’accompagnement en entretien est le principal mode d’intervention. C’est au cours de
l’entretien que le conseiller aide le jeune à s’orienter et détermine avec lui les moyens à
mobiliser pour réaliser toutes ses démarches.
Afin d’apporter aux jeunes tous les services nécessaires pour lever les freins à l’insertion, la
mission locale dispose d’un réseau de partenaires locaux : entreprises, organismes de
formation, service public de l’emploi, services de santé, de logement et d’action sociale,
services publics locaux, collectivités, associations, etc.
Accompagner l’insertion professionnelle des jeunes au Niger : état des lieux et pistes d’action. Études et Travaux en ligne no 26
d’instrumentalisation politique. L’insertion socioprofessionnelle des
jeunes représente un réel enjeu d’avenir pour la sous-région. téléchargeables gratuitement
sur le site du Gret : www.gret.org
Plusieurs travaux ont été menés sur la formation professionnelle et
rubrique Ressources en ligne.
l’apprentissage des jeunes en Afrique, mais la problématique de leur
insertion socioprofessionnelle n’a, jusqu’à présent, pas été véritablement
traitée. Pourtant, ces dernières années, des expérimentations
d’accompagnement global et personnalisé des jeunes pour favoriser Cette collection est dirigée
par Christian Castellanet
Anne Le Bissonnais
leur insertion professionnelle et leur accès à l’autonomie ont vu le jour
dans plusieurs pays, notamment en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en et Danièle Ribier.
Mauritanie et au Niger.
Ce document est une première formalisation de la réflexion sur ces
Accompagner l’insertion
approches d’accompagnement global des jeunes en Afrique. Il est axé
sur un pays, le Niger, mais il s’inscrit dans une perspective plus large.
Il poursuit un triple objectif : faire connaître la situation des jeunes
nigériens aujourd’hui, leurs difficultés en matière d’accès à l’emploi ;
dresser un état des lieux des réponses qui existent au Niger en matière
d’emploi, de formation et d’insertion sociale pour les jeunes ; relater
l’expérience récente de création d’un centre d’appui à l’insertion
globale des jeunes au Niger et donner un éclairage sur les autres
expérimentations en cours dans la sous-région afin de partager
professionnelle des jeunes au Niger
les acquis et les questionnements, notamment sur les perspectives
de pérennisation et d’extension de ces dispositifs.
Il espère ainsi contribuer à la prise de conscience de l’enjeu de
l’insertion socioprofessionnelle des jeunes en Afrique de l’Ouest, et
État des lieux et pistes d’action
alimenter la réflexion des acteurs impliqués dans le secteur.