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Pesticides, agriculture, environnement.

Réduire
l’utilisation des pesticides et en limiter les impacts
environnementaux. Résumé
Jean-Noel J.-N. Aubertot, Jean Marc J. M. Barbier, Alain Carpentier,
Jean-Noël Gril, Laurence L. Guichard, Philippe P. Lucas, Serge Savary, Marc
Voltz, Isabelle I. Savini

To cite this version:


Jean-Noel J.-N. Aubertot, Jean Marc J. M. Barbier, Alain Carpentier, Jean-Noël Gril, Laurence L.
Guichard, et al.. Pesticides, agriculture, environnement. Réduire l’utilisation des pesticides et en
limiter les impacts environnementaux. Résumé. [0] INRA. 2005, 8 p. �hal-03148883�

HAL Id: hal-03148883


https://hal.inrae.fr/hal-03148883
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Expertise scientifique collective

Pesticides, agriculture
et environnement
Réduire l’utilisation des pesticides
et limiter leurs impacts environnementaux

L
es progrès dans la protection des plantes ont largement contribué à l’augmentation des rendements et à la
Colloque de restitution - 15 décembre 2005

régularité de la production. Les pesticides chimiques de synthèse, faciles d’accès et d’emploi, relativement
peu chers, se sont révélés très efficaces et fiables dans un nombre important de cas, sur de grandes surfaces.
Valorisant les prix élevés et les débouchés garantis par la Politique agricole commune (PAC), l’agriculture française
a développé des systèmes de culture "intensifs", fondés sur la recherche de hauts rendements et un recours massif
à ces produits phytosanitaires. La France est ainsi aujourd’hui le troisième consommateur mondial de pesticides. Or
cette utilisation élevée de pesticides est remise en question par la prise de conscience de leurs impacts négatifs sur
l’environnement, voire sur la santé de l’homme, qui se traduit par un renforcement progressif de la réglementation.
C’est dans ce contexte que les ministères chargés de l’agriculture et de l'écologie ont demandé à l’INRA et au Cemagref
d’organiser une expertise collective pour établir un état des lieux des connaissances disponibles sur cette problémati-
que. Le champ retenu pour l’expertise couvre les conditions d’utilisation des pesticides en agriculture, les moyens d’en
réduire l’emploi et d’en limiter les impacts environnementaux. Il exclut les aspects relatifs à la santé humaine, et se limite
aux usages agricoles des pesticides. Ce champ, très vaste, de l’expertise a nécessité la mobilisation d’une trentaine
d’experts de différentes disciplines (agronomie, protection des plantes, sciences du sol, hydrologie, bioclimatologie,
écotoxicologie, économie, sociologie...), et d’origines institutionnelles diverses (INRA, Cemagref, IRD et BRGM).
Le travail, suivi par un comité de pilotage, s’est fondé sur les publications scientifiques mondiales, dont les experts
ont extrait, discuté et assemblé les éléments pertinents pour éclairer les questions posées par les commanditaires.
L’expertise a ainsi produit une mise en perspective inédite des composantes biotechniques et économiques de
l’utilisation des pesticides, et des connaissances sur lesquelles pourraient se fonder des actions visant à réduire les
impacts et le niveau de cette utilisation. Elle a également relevé les lacunes dans les connaissances et les recher-
ches à développer pour accompagner ces changements.
L’expertise a donné lieu à la rédaction d’un rapport et d’une synthèse d’une soixantaine de pages, dont les principales
conclusions sont présentées ici.

1
Le contexte de l’expertise
Enjeux et échéances des politiques publiques

Une réglementation de plus Les risques


en plus exigeante pour la production agricole

D epuis le début des années 80, l’Union euro-


péenne a progressivement encadré l’utilisation
des pesticides par diverses réglementations visant à
L es systèmes agricoles fondés sur le recours aux
pesticides sont aujourd’hui confrontés à la réduc-
tion du nombre de substances actives disponibles et
réduire les impacts avérés pour l’environnement et efficaces. En effet, le processus de ré-homologation
les risques plausibles pour la santé humaine : instau- des produits engagé par l’Union européenne avec la
ration de normes concernant les teneurs maximales Directive 91/414/CE a déjà conduit au retrait du mar-
en pesticides pour l’eau potable et les aliments, ins- ché de nombreuses molécules. Par ailleurs, l’usage
cription des préoccupations environnementales dans massif des pesticides produit une érosion de leur ef-
la PAC, renforcement des critères toxicologiques et ficacité, analogue à celle que connaissent les antibio-
écotoxicologiques pour l’homologation des produits tiques en médecine ; or les perspectives de mise au
phytopharmaceutiques (Directive 91/414/CE). Plus point de nouvelles molécules actives pouvant les rem-
récemment a été adoptée une Directive cadre sur placer sont aujourd’hui limitées.
l’eau (DCE), qui fait obligation aux États-membres de
Enfin, la société accepte de moins en moins l’éventuali-
parvenir d’ici 2015 à un "bon état" écologique et chi-
té de risques pour la santé humaine et l’environnement.
mique de leurs "masses d’eau".
Les consommateurs pourraient se tourner davantage
Une Directive cadre sur les pesticides (DCP) est ac- vers des produits alimentaires issus de formes d’agri-
tuellement en cours d’élaboration. Elle sert déjà de culture plus respectueuses de l’environnement comme
guide, au niveau national, à un Plan interministériel le font déjà d’autres pays, qui représentent des marchés
de réduction des risques liés aux pesticides, qui de- à l’exportation pour les producteurs français.
vrait être rendu public prochainement.
La question d’une limitation de l’utilisation des pestici-
des est posée depuis plus de 20 ans. Les démarches
de sensibilisation des agriculteurs et les actions ba-
sées sur le volontariat ont montré leurs limites. Les ré-
sultats obtenus au Danemark, une baisse de 40% des
quantités utilisées mais surtout du nombre de traite-
ments moyen par hectare, montrent qu’il est possible
de réduire sensiblement la consommation de pestici-
des à condition de mener une politique volontariste.

2
Les résultats de l’expertise
Pesticides et environnement : des contaminations inévitables

Des contaminations sulter de l’action conjuguée de divers facteurs (pollu-


tions multiples, dégradations physiques des milieux...).
et des impacts environnementaux On dispose donc rarement de l’ensemble des données
difficiles à quantifier nécessaires pour établir les relations de causalité en-
tre une utilisation de pesticides, une contamination ca-

P our les eaux, compartiment de l’environnement le


mieux surveillé, les dispositifs d’observation ont
montré une contamination d’une proportion élevée
ractérisée du milieu et un impact environnemental.

des sites de mesure. Ces dispositifs, hétérogènes, ne


Une première nécessité :
constituent toutefois que des systèmes d’alerte, qui réduire la dispersion des pesticides
ne permettent pas une quantification précise des con- dans l’environnement
taminations et des évolutions de la qualité des eaux.
Ils ne peuvent notamment pas détecter les pics de
pollution qui peuvent survenir lorsque des précipita- P our les pouvoirs publics, les obligations les plus
immédiates sont le respect des normes de con-
tamination des eaux par les pesticides : normes en
tions importantes ont lieu après les traitements.
vigueur pour les eaux de boisson, normes à venir
Les dispositifs de mesures sont encore très fragmentai-
(DCE) pour toutes les "masses d’eau", de surface et
res pour l’air et les pluies ; ils montrent cependant déjà
souterraines. L’air et les sols pourraient à terme être
de réelles contaminations. Ils sont inexistants pour les
également concernés. La première option technique
sols, qui jouent pourtant un rôle central dans la réten-
consiste à intervenir sur la dispersion des pesticides
tion et le transfert des molécules vers d’autres milieux.
dans l’environnement et sur les moyens de limiter leur
Par définition, toxiques pour certains êtres vivants, transfert vers les milieux aquatiques.
même à très faibles doses, les pesticides ont néces- Il est d’abord possible de limiter sensiblement la dis-
sairement des effets sur les organismes non-cibles et persion des pesticides lors de l’application, par le
les écosystèmes. Ces effets, qui peuvent être étudiés choix des adjuvants associés aux molécules actives,
expérimentalement, sont connus. L’interdiction des le choix du type de pulvérisateur employé et surtout
molécules les plus toxiques ou persistantes a sup- son réglage, le respect de certaines conditions mé-
primé de fortes mortalités d’organismes non-cibles. téorologiques... La mise en place et le contrôle de ces
Mais il subsiste des effets directs non létaux sur la dispositions restent toutefois difficiles.
reproduction, les comportements de prédation, etc.,
La connaissance des principaux processus qui dé-
qui ont ensuite des effets indirects, et différés, sur les
terminent le devenir des pesticides dans l’environne-
réseaux trophiques, la biodiversité...
ment (rétention sur la matière organique et dégrada-
La mise en évidence de ces effets biologiques sur le tion dans le sol, entraînement par les eaux...) permet
terrain est néanmoins difficile : la faiblesse des dispo- ensuite de proposer des mesures susceptibles de
sitifs de surveillance actuels ne permet de détecter réduire les transferts, notamment vers les eaux su-
qu’un faible pourcentage des perturbations, les effets perficielles. Ainsi sont a priori favorables toutes les
observés sont souvent peu spécifiques et peuvent ré- conduites de cultures et aménagements qui accrois-

3
sent le taux de matières organiques du sol, favorisent sultent. Il est ainsi impossible de prévoir les temps
l’infiltration et la rétention des eaux au niveau de la de transferts vers les eaux souterraines, et donc les
parcelle, ou interceptent les ruissellements (zones délais de réponse à une modification des pratiques
tampons enherbées...). Cependant, l’efficacité réelle phytosanitaires.
de ces mesures dépend beaucoup des conditions lo-
En tout état de cause, les techniques correctives ne
cales et climatiques.
peuvent avoir qu’une efficacité partielle, et ne suffi-
Plus on élargit l’échelle considérée, de la parcelle ront donc vraisemblablement pas pour réduire, par-
au bassin versant ou au bassin d’alimentation d’une tout et de manière significative, les contaminations
nappe, moins on dispose de modèles pour prévoir des eaux. D’où la nécessité d’envisager une réduc-
les transferts et les taux de contamination qui en ré- tion d’utilisation des pesticides.

Pesticides et agriculture : la cohérence d'un système

Une utilisation des pesticides encore connaissance des pratiques reste encore trop limitée

mal connue à une analyse statistique du nombre de traitements,


sans prise en compte des interactions entre techni-

L a France, 1er consommateur de pesticides de


l’Union, est encore au 4e rang européen pour la
ques ni compréhension de leurs déterminants.

consommation de pesticides par hectare cultivé (hors


Certains systèmes de culture génèrent
surfaces en herbe). La tendance observée à une bais-
se des tonnages vendus est principalement due au des risques phytosanitaires élevés
remplacement de produits anciens par de nouvelles
molécules, actives à des doses d’emploi beaucoup
plus faibles ; elle peut donc ne pas correspondre à
L ’application de pesticides est motivée par l’exis-
tence de risques de développement de bio-agres-
seurs (adventices, maladies fongiques, insectes rava-
une diminution du recours aux pesticides et de ses
geurs...). Ces risques sont d’autant plus forts que le
impacts. De nouveaux indicateurs doivent devenir
bio-agresseur rencontre, sur de vastes surfaces et de
accessibles, tels que le nombre de traitements par
hectare, autant que possible renseigné pour chaque manière continue dans le temps, des conditions favora-
substance. Les données publiées sont des chiffres bles à son développement. Or les systèmes de culture
agrégés au niveau national. Aucune régionalisation spécialisés et intensifs accroissent ces risques : la mo-
des données de consommation de pesticides n’est noculture ou la succession de cultures ayant le même
disponible actuellement. cycle de végétation ne permettent pas de rompre les
cycles de développement des bio-agresseurs, la végé-
Quelques productions apparaissent très consom-
tation dense favorise la propagation des maladies, la
matrices de pesticides : les cultures maraîchères,
fertilisation forte profite aussi aux adventices, l’aban-
l’arboriculture fruitière et la vigne (par l’intensité des
don du labour ne permet plus l’enfouissement profond
applications), les céréales et le colza (par l’étendue
des graines d’adventices ou des agents pathogènes...
des surfaces concernées). Le nombre de traitements
appliqués sur une culture dépend des conditions ré- Dans ces conditions qui maximisent les risques sani-
gionales, mais elle est aussi corrélée positivement au taires, les pesticides apparaissent, fort logiquement,
rendement visé et/ou au prix du produit récolté. La nécessaires et très efficaces.

4
Mais l’emploi répété, sur de grandes surfaces, d’une une utilisation plus raisonnée des pesticides et à mettre
même substance active, conduit rapidement au dé- au point des outils d’aide à la décision dans ce domai-
veloppement de populations du bio-agresseur visé ne. Ce "raisonnement" de l’emploi des pesticides peut
résistantes au pesticide. Actuellement, en France, conduire à supprimer quelques traitements systémati-
toutes les productions (grandes cultures, arboricultu- ques. Mais c’est surtout le raisonnement du choix des
re fruitière, vigne) sont confrontées à ces problèmes produits utilisés, des doses et des conditions d’appli-
de résistance, qui concernent la plupart des familles cation qui est susceptible de réduire significativement
chimiques de pesticides. les quantités utilisées. Cependant, cette démarche
apparaît limitée tant que l’on reste dans des systèmes
de culture générant des risques phytosanitaires impor-
La dépendance de la production tants. Par ailleurs, le coût de cette pratique est élevé :
agricole vis-à-vis des pesticides surveillance assidue des parcelles fortes consommatri-
ces de temps de travail qualifié, risque de pertes impor-

C ette logique technique des systèmes de culture


intensifs est confortée par le faible coût relatif
des pesticides par rapport aux prix d’autres facteurs
tant en cas d’erreur de diagnostic, risques pour les cul-
tures suivantes si le non-traitement conduit au maintien
de populations résiduelles de bio-agresseurs...
de production et des productions agricoles elles-mê-
mes. A contrario, les techniques plus économes en Le "raisonnement" des traitements ne constitue
pesticides, plus complexes à mettre en œuvre, génè- qu’une phase transitoire dans une stratégie de réduc-
rent des coûts directs et indirects non négligeables, tion du recours aux pesticides, dans la mesure où le

liés notamment à l’acquisition de l’information que maintien de la pression des bio-agresseurs peut me-

nécessite leur mise en œuvre (formation, temps d’ob- nacer sa durabilité.

servation au champ, achat d’analyse ou de conseil...).


Elles sont aussi réputées plus "risquées", au sens où Les "alternatives" à la lutte chimique:
les rendements et marges brutes obtenus seraient pas de solutions prêtes à l’emploi
plus variables, ce qui n’est pas toujours vérifié (voir le
cas du blé évoqué ci-dessous).

La dépendance technique et économique de la pro-


L es agriculteurs sont demandeurs de "techniques
alternatives" à l’emploi des pesticides qui soient
aussi faciles à utiliser, efficaces et bon marché que
duction agricole vis-à-vis des pesticides est plus ou les traitements phytosanitaires, plus durables tech-
moins prononcée selon les cultures. Elle est renforcée niquement, et qui ne remettent pas en cause leurs
par les exigences de la distribution et des consom- objectifs de rendement élevé. Or il n’existe aucune
mateurs, de produits "zéro-défaut" et se conservant technique répondant à ce cahier des charges.
longtemps. Le fait que conseil en protection phytosa-
Les résistances génétiques "totales" des variétés à
nitaire, vente des intrants et collecte des récoltes sont
des bio-agresseurs, substitut "idéal", se sont révé-
de plus en plus assurés par les mêmes structures ne
lées sujettes au même contournement rapide par le
favorise pas non plus le développement d’alternatives
bio-agresseur ciblé que les pesticides ; il en est ainsi
qui réduiraient cette dépendance.
pour les techniques de lutte "totales", chimiques ou
biologiques. Les procédés physiques, tels que le dés-
L’utilisation "raisonnée" herbage mécanique ou thermique, échappent à ce

des pesticides : ne pas surestimer risque, mais ils sont souvent plus consommateurs de
temps de travail (et d’énergie) que la pulvérisation,
les effets attendus ou inapplicables sur de grandes surfaces, comme les

L es instituts techniques et des structures de conseil filets de protection.


cherchent depuis plusieurs années à promouvoir Les autres techniques, variétés partiellement ré-

5
sistantes, lutte biologique, travail du sol..., ont une référentiels, qui sont définis pour des territoires trop
efficacité partielle. Elles permettent un contrôle des vastes pour prendre en compte la diversité des situa-
bio-agresseurs à condition d’être utilisées en combi- tions de production, et ne prennent généralement pas
naison, et associées à des choix de systèmes de cul- en compte les interactions entre techniques.
ture et de gestion des états de la culture qui réduisent L’approche intégrée peut être illustrée par l’exemple
les risques de développement des bio-agresseurs. La des variétés de blé "rustiques" cultivées selon des itiné-
panoplie des méthodes mobilisables est alors large, raires techniques "bas intrants". Une réduction limitée
et la combinaison optimale est à déterminer en fonc- de l’objectif de rendement permet d’adopter une con-
tion des situations de production concernées. duite de la culture qui réduit les risques phytosanitaires
et les consommations de pesticides. Les performances
La production intégrée : économiques sont en moyenne comparables à celles
de systèmes plus intensifs (et supérieures lorsque le
une démarche nécessaire prix du blé baisse) ; leur variabilité n’est pas accrue.

L a notion de "technique alternative" apparaît donc


peu pertinente ; il faut lui préférer celle de "stratégie
alternative" de protection des cultures. Cette dernière
L’agriculture biologique, du fait de son renoncement
à l’emploi des pesticides de synthèse, est fortement
engagée dans cette voie, mais on pourrait aussi con-
repose sur la mise en œuvre, construite au cas par cas, cevoir d’autres systèmes, qui tendraient vers le "zéro-
de quelques principes d’action au premier rang des- pesticides" sans s’interdire l’utilisation d’engrais de
quels figure la prévention des risques phytosanitaires. synthèse et le recours occasionnel à un traitement
C’est l’objectif de la "production intégrée", qui réintègre, phytosanitaire en cas d’échec des mesures prophy-
mais sur des bases scientifiques et techniques renou- lactiques et curatives non chimiques.
velées, la gestion des bio-agresseurs dans la concep-
La gestion des questions phytosanitaires est à ré-en-
tion des systèmes de culture, voire de production.
visager plutôt sous l’angle de la "santé des systèmes
Cette démarche va au-delà des "bonnes pratiques de culture" que du point de vue de la "lutte contre les
agricoles", répertoriées dans des codes, chartes ou ennemis des cultures".

Les moyens nécessaires à une politique de réduction


d'utilisation des pesticides

L es informations concernant la consommation de


pesticides et la manière dont ils sont utilisés, la con-
tamination des milieux et les impacts sur les écosystè-
cides doit-il être envisagé comme un objectif volonta-
riste. D’autant plus qu’il va à l’encontre d’un système
dont la cohérence technico-économique explique le
mes, et éventuellement sur la santé publique, sont en- succès. Tenter de faire évoluer ce système nécessite
core trop lacunaires ou incertaines pour pouvoir réaliser de modifier le contexte réglementaire et économique
à court terme une analyse coûts/bénéfices globale de (rapports de prix, relation au sein des filières agro-
l’utilisation des pesticides, sur laquelle devrait, idéale- alimentaires) et au-delà, de mobiliser les différents
ment, se fonder une éventuelle politique de régulation. acteurs concernés, agriculteurs, industriels, pouvoirs
Aussi l’objectif de réduction des utilisations de pesti- publics, consommateurs.

6
des produits phytosanitaires ; encouragement à une
Les instruments mobilisables
implication forte des Instituts techniques et du Déve-

D ivers instruments sont envisageables. loppement agricole ; actions de sensibilisation des ci-
toyens-consommateurs aux enjeux environnementaux
 Les outils réglementaires. Ils concernent le
et sanitaires des réductions d’emploi de pesticides…
renforcement des critères d’homologation des pestici-
des, le développement d’un suivi post-homologation,
des obligations telles que le contrôle technique pério- Les conditions d’une politique
dique des pulvérisateurs ou l’instauration d’un "permis
de traiter" général, des restrictions locales à l’utilisation
des pesticides dans des zones sensibles, l’application
U ne politique de réduction des utilisations de pes-
ticides devrait se traduire par :

de la conditionnalité des aides européennes.  le développement d’un système d’observation


renforcé sur les usages et les impacts environnemen-
 Les incitations économiques à adopter des pra-
taux, et le renseignement régulier d’indicateurs per-
tiques plus économes en pesticides. Parce que les
tinents pour le suivi de l’évolution des performances
systèmes de subventions à l’utilisation de techniques
environnementales des pratiques agricoles ;
souhaitables sont onéreux à élaborer et à contrôler, et
peu incitatifs à plus long terme, ils doivent être tran-  la fixation d’objectifs de moyen-long terme, et la
sitoires et réservés à la phase d’adoption de nouvel- montée en puissance progressive mais programmée
les techniques. Une option complémentaire, à la fois des moyens (taxe notamment) pour laisser le temps
peu coûteuse à mettre en œuvre et envisageable de aux acteurs économiques de s’adapter au nouveau
manière permanente, est l’instauration d’une taxation contexte ;
des pesticides. Son taux, comme l’atteste l’expérien-  la réalisation d’une expertise socio-économique,
ce danoise, devrait être suffisamment élevé pour être à l’instar de celle réalisée au Danemark, c’est-à-dire
dissuasif vis-à-vis de l’emploi de pesticides, et incita- d’un diagnostic préalable de la situation, impliquant
tif, y compris à plus long terme, au développement de des praticiens et des acteurs économiques (filières
méthodes alternatives. Des aides directes au revenu agricoles, secteur de l’approvisionnement…) ;
peuvent s’avérer nécessaires pour compenser les
 le développement de la recherche, pour concevoir
pertes financières de certains agriculteurs.
et mettre au point de nouveaux moyens de contrôle
 Des mesures plus restrictives dans les zones sen- des bio-agresseurs, et acquérir davantage de réfé-
sibles (périmètres de protection des captages d’eau, rences sur le fonctionnement des agro-écosystèmes.
espaces d’intérêt écologique, zones péri-urbaines ou Ces recherches doivent associer des approches fon-
de production aquacole…). Elles s’avèrent nécessai- damentales, des travaux pluridisciplinaires et des ré-
res lorsqu’une réduction plus forte de l’utilisation des seaux d’expérimentation locaux. Elles devraient être
pesticides doit être obtenue ; elles doivent être assor- stimulées par le développement de la demande socia-
ties d’aides compensatoires. le dans ce sens, dont la faiblesse, jusqu'à maintenant,
 Des mesures d’accompagnement pour faciliter explique en partie le déficit actuel des connaissances.
la conversion à d’autres stratégies de protection des
plantes. La gamme des actions est large : formation
spécifique des agriculteurs et des conseillers à des
démarches de protection des cultures plus comple-
xes et acquisition des connaissances nécessaires au
déploiement de méthodes de lutte diversifiées ; inci-
tation au développement du conseil (public ou privé)
en protection des cultures, indépendant de la vente

7
Une expertise scientifique collective réalisée

par l'INRA et le Cemagref

à la demande du ministère de l'Agriculture et de la Pêche (MAP)

et du ministère de l'Écologie et du développement durable (MEDD)

Pour en savoir plus Contacts


 Aubertot J.N., J.M. Barbier, A. Carpentier, J.J. Gril, L.  Philippe Lucas, INRA
Guichard, P. Lucas, S. Savary, I. Savini, M. Voltz (eds), 2005, [email protected]
Pesticides, agriculture et environnement : réduire l’utilisation  Jean-Joël Gril, Cemagref
des pesticides et limiter leurs impacts environnementaux, [email protected]
synthèse du rapport d’expertise, 64 p.  Claire Sabbagh, INRA
 La "synthèse" et le rapport d’expertise sont disponibles Unité Expertise scientifique collective
sur les sites de l'INRA et du Cemagref. [email protected]
 Gérard Brugnot, Cemagref
www.inra.fr Chargé de mission Expertise
Décembre 2005

www.cemagref.fr [email protected]

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