Fourcade (2010) GRH Mix Social

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De la Gestion des Ressources Humaines à l'Animation des

Relations Humaines. Le cas des entreprises artisanales


Colette Fourcade, Virginie Gallego, Marion Polge, Lynda Saoudi
Dans Management & Avenir 2010/10 (n° 40), pages 141 à 157
Éditions Management Prospective Editions
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.040.0141
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De la Gestion des Ressources Humaines à
l’Animation des Relations Humaines. Le cas
des entreprises artisanales

par Colette Fourcade53, Virginie Gallego54,


Marion Polge55 et Lynda Saoudi56
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Résumé

Peut-on parler de gestion des ressources humaines dans les entreprises


artisanales ? Des études menées dans ces entreprises y révèlent une
particularité des relations humaines. On peut dès lors s’interroger sur la
pertinence d’appliquer à l’artisanat les pratiques constatées dans les PME.
Pour lever cette hypothèque, nous proposons d’établir un Mix des Relations
Humaines intégrant à la fois des variables internes et externes du système
relationnel.
Abstract

Can we speak about management of human resources in the craft


companies? Studies led among these companies reveal there a peculiarity
of human relations. From then on, we can wonder about the relevance to
apply to the craft sector practices used in SME (Small and Medium-sized
Enterprises). To raise this mortgage, we suggest establishing a Mix of
Human Relations jointly integrating internal and external variables inside the
relational system.

« C’est peut-être chez les artisans qu’il faut aller chercher les preuves les plus
admirables de la sagacité de l’esprit, de sa patience et de ses ressources »
(Diderot, 1751). L’artisan57 puise ses ressources au cœur de son entreprise
mais aussi au cœur de son territoire. Se définissant lui-même comme un Chef
d’Orchestre animateur d’une équipe de collaborateurs, l’artisan est néanmoins
poussé à devenir un Homme Orchestre portant plusieurs « casquettes »:
commercial, technicien, gestionnaire… Les difficultés de délégation couplées au
besoin de maîtrise des décisions/actions conduisent les artisans à centraliser les
opérations. Les travaux en sciences de gestion témoignent de la centralité de
son rôle, en s’intéressant à son profil ou encore à sa stratégie58.

53. Colette Fourcade, Maître de Conférences HDR honoraire, Université Montpellier I, MRM-ERFI, [email protected]
54. Virginie Gallego, Maître de Conférences, Université de Grenoble, CERAG, membre associé ERFI, [email protected]
55. Marion Polge, Maître de Conférences HDR, Université Montpellier I, MRM-ERFI, [email protected]
56. Lynda Saoudi, Professeur, ESC Clermont-Ferrand, CRCGM, membre associé ERFI, [email protected]
57. L’entreprise artisanale se définit comme étant une Très Petite Entreprise (TPE) valorisant un métier à partir de la maîtrise qu’en
détient son dirigeant (Polge, 2008). Sont considérées comme artisanales, les entreprises de moins de dix salariés exerçant un métier
de production, de transformation ou de service inscrites au registre des métiers.
58. Cf. en particulier les travaux de Marchesnay, Fourcade et Polge.

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40

Mais qu’en est-il des pratiques de gestion des ressources humaines ? Comment
les artisans d’aujourd’hui, placés dans un contexte de crise peuvent-il porter la
casquette de responsable des ressources humaines ? Quelles formes de relations
développent-ils avec leurs collaborateurs et leurs partenaires ? Au final, peut-on
véritablement parler de GRH dans l’entreprise artisanale ? C’est à cet ensemble
de questions que nous tenterons d’apporter des éléments de réponses.

Dans cette perspective, nous avons mobilisé en tant que référentiel théorique les
travaux relatifs à la GRH dans les petites entreprises et plus particulièrement nous
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avons choisi comme point d’appui de notre réflexion ceux menés par Mahé de
Boislandelle sur le Mix social en PME. Il montre que des différences significatives
existent entre organisations de taille très petite et moyenne, lorsque l’on traite
du domaine de l’humain dans l’entreprise. Qu’en est-il alors pour les très petites
entreprises (TPE) que représentent les entreprises artisanales ?

La réponse à cette interrogation nous conduit à formuler notre problématique en


ces termes : Peut-on appliquer en l’état aux entreprises artisanales les apports
du Mix social ?

Notre réflexion s’appuie sur une étude de terrain menée à la demande de


l’Institut Supérieur des Métiers dans deux régions, Languedoc-Roussillon et
Provence-Alpes-Côte d’Azur (sur quatre départements : Hérault, Gard, Vaucluse
et Bouches du Rhône). Nous présentons ici les résultats issus de cette étude, en
nous attachant plus spécifiquement au cas de trois entreprises artisanales, qui se
sont penchées sur les problématiques humaines au sein de leur entreprise. Ces
résultats s’enrichissent des apports retirés des séminaires collectifs menés dans
le Club des dirigeants de la région Languedoc-Roussillon59.

Notre propos s’ordonne selon deux temps : en premier lieu, nous délimiterons
notre cadre théorique de référence fondé sur le croisement entre GRH et artisanat.
Dans un second point, nous exposerons et discuterons les résultats de l’étude de
terrain, à la lumière d’une méthodologie de recherche collaborative. Les premiers
apports de cette recherche mettent en lumière l’intérêt d’adopter une démarche
en termes d’animation des relations humaines dans le secteur de l’artisanat.

1. La GRH dans les entreprises artisanales : entre défis et


singularité

L’analyse des spécificités de la GRH dans les entreprises artisanales nous


conduit dans un premier temps à questionner la pertinence d’appliquer le cadre
référentiel « classique » de la GRH à l’analyse de la dimension humaine en
TPE. La prise en considération de ces particularités amène à esquisser un cadre
59. Le Club des dirigeants LR appartient au réseau Artisanat-Université ® initié par l’Institut Supérieur des Métiers en 2002.

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De la Gestion des Ressources Humaines à
l’Animation des Relations Humaines. Le cas
des entreprises artisanales

théorique débouchant sur une proposition de recherche qui place le relationnel


au cœur du processus stratégique.

1.1. Le cadre de la GRH répond-il aux besoins des entreprises


artisanales ?
Les travaux sur la GRH dans les petites entreprises ont été initiés par Henri Mahé
de Boislandelle dans son ouvrage fondateur de 1988. A sa suite, de nombreux
auteurs se sont intéressés à ces problématiques, mais il faut bien remarquer que
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la plupart des travaux portent sur la moyenne entreprise.

L’approche de la GRH dans les entreprises artisanales exige de se pencher sur


ses spécificités. La très petite entreprise, TPE, comme la PME, est caractérisée
par une taille limitée, la centralisation de sa gestion, une faible spécialisation des
tâches, une stratégie intuitive ou peu formalisée, un système d’information interne
peu complexe ou peu organisé et un système d’information externe simple (Julien,
1997). Mais il apparaît que certains de ces critères se trouvent accentués dans
les TPE. Des auteurs parlent à ce propos « d’effet de grossissement » (Mahé de
Boislandelle, 1998). A titre d’exemple, plus la taille de l’entreprise est petite, plus
la centralisation du pouvoir opérée par le dirigeant sera forte. L’un de ces critères
semble néanmoins faire exception : dans l’entreprise artisanale, un recentrage
peut être opéré sur le cœur de métier à travers un processus d’externalisation
d’une partie des activités. On a alors affaire à une forte spécialisation des tâches
et une convergence des compétences, visant à améliorer la cohérence de
l’organisation.

Au-delà de l’accentuation de certains traits caractéristiques, il semble bien qu’un


clivage conséquent existe entre TPE et ME du point de vue des mécanismes
d’ajustement. On est donc conduit à mettre en question le fait que la GRH soit
de même nature pour ces deux types d’entreprises. Becker et Gerhart (1996)
affirment qu’il n’y a pas de « recette magique » en ce qui concerne les pratiques
à appliquer, si ce n’est de mettre en place un système de GRH conçu pour aider
l’entreprise à atteindre ses objectifs opérationnels et stratégiques.

Dans cette optique, la prise en considération de la dimension humaine dans


l’entreprise ne se limite pas aux aspects les plus immédiats et les plus urgents
des organisations (rémunération et emplois) ; elle nécessite de développer une
attitude dynamique, qui vise à « identifier les salariés détenteurs des compétences
clés ou stratégiques de l’entreprise pour optimiser leur management » (Trepo et
Ferrary, 1998). Ces mutations singulières semblent produire simultanément de
nouvelles aspirations individuelles caractéristiques d’une société hypermoderne
émergente : l’excès, l’urgence, l’éphémère, la créativité, le dépassement de soi...
(Plane, 2000).

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40

Nous proposons d’adosser notre cadre théorique à un modèle global d’analyse et


d’action s’inscrivant dans le champ des PME : le « Mix social »60 élaboré par Mahé
de Boislandelle (1998). Cette approche retient un modèle de gestion intégrée
des ressources humaines axé sur des politiques définies autour de l’emploi, de
la rémunération, de la valorisation et de la participation. Il utilise à cet effet de
nombreux indicateurs quantitatifs qui permettent le diagnostic et l’intégration
des ressources humaines au cœur du système de gestion de l’entreprise. Nous
rappelons à la suite les différentes dimensions retenues par le modèle du Mix
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social.

La politique d’emploi repose sur la connaissance de la population employée et


sur l’évaluation comparée des besoins et des ressources en personnel. Elle se
traduit par différentes démarches et procédures à suivre :
- les démarches d’analyse des postes visent à clarifier les attributions, les
responsabilités et les missions dévolues à un poste ;
- les démarches de qualification des postes participent à la recherche d’équité
des rémunérations, mais également à la détermination des salaires de base, à la
comparaison entre entreprises, au contrôle de la rémunération et à la négociation
des salaires…

Il convient de remarquer que le recrutement en PME constitue une sorte de


domaine réservé du dirigeant (Mahé de Boislandelle, 1998). Cet aspect fait l’objet
d’une « accentuation » en entreprise artisanale. Le chef d’entreprise privilégie
bien davantage son intuition personnelle que l’appréciation objective des critères
exigés pour le poste. Nombre de travaux en ce domaine soulignent la faible
possibilité de recours, faute de moyens, aux cabinets de recrutement, le dirigeant
privilégiant le relationnel ou le « bouche à oreille ». Une autre caractéristique des
pratiques du recrutement en PME réside dans le fait que celles-ci ne reflètent
pas toujours une réelle volonté d’anticipation en vue d’acquérir ou de développer
des compétences. Dans la plupart des situations, la décision de recruter est
soit subie (en cas de démission du titulaire de poste), soit mal formulée, dans
la mesure où elle cache souvent un problème organisationnel que l’on espère
résoudre en changeant les collaborateurs. Trois sources à l’origine de la
procédure de recrutement peuvent être soulignées : le départ, la création de
poste et l’accroissement du volume de l’activité. Les deux premières relèvent de
considérations qualitatives, résidant dans l’analyse de l’adéquation formation-
emploi : un départ peut introduire un déséquilibre dans la sphère des compétences
disponibles ; la création de poste peut provenir d’un déficit de compétences face
aux nouvelles exigences requises par un service. La troisième source est d’ordre
quantitatif, renvoyant à l’accroissement de la charge d’activité, qui peut d’ailleurs
être temporaire.

60. Le modèle du « Mix social » a été créé par H. Mahé de Boislandelle en 1988. Le modèle est présenté dans l’ouvrage intitulé GRH
dans les PME, Edition Economica, 1988 (2ème édition en 1998), 463 p.

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De la Gestion des Ressources Humaines à
l’Animation des Relations Humaines. Le cas
des entreprises artisanales

On distingue également plusieurs types de départs : les départs volontaires


(démission) et les départs involontaires (retraite, décès…) ; les départs définitifs
(sorties définitives de l’unité de l’entreprise) et les départs non définitifs ou
temporaires (tels les congés de maternité).

Ainsi, la gestion des carrières fait partie intégrante de la gestion prévisionnelle


du personnel pour laquelle, il s’agit de prévoir, prévenir et gérer les risques
afin, si possible, de les transformer en opportunités pour les hommes et pour
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l’entreprise.

La politique de rémunération concerne l’ensemble des allocations monétaires ou


en nature versées au titre du travail accompli ou de l’appartenance à l’entreprise.
Peretti (2009) offre une visualisation de la pyramide des rémunérations en
distinguant 4 masses : la rémunération directe, les périphériques de rémunération,
les périphériques rapprochés et les périphériques éloignés.

A l’évidence, la plupart des salariés de PME ne peuvent bénéficier d’avantages


sociaux comparables à ceux offerts par les grands groupes. Valax (1999) souligne
que les moyens les plus couramment utilisés pour déterminer le salaire en PME
sont l’ajustement à la capacité de payer de l’entreprise, l’établissement d’une
structure salariale, l’ajustement aux pratiques des entreprises concurrentes et la
négociation des conventions collectives. La liberté de négociation est en effet au
cœur de la rémunération.

Selon Dolan (1990), dans les premières années d’activités d’une PME, les
préoccupations relatives au personnel et à la rémunération ne semblent pas retenir
l’attention des propriétaires dirigeants, du moins à ce stade du développement de
l’entreprise. Cette attitude entraînerait souvent le départ de salariés de grande
qualité.

La politique de valorisation recouvre l’ensemble des actions voulues ou


acceptées par l’entreprise, se traduisant, d’une part par un enrichissement
du salarié à partir de son savoir, son savoir-faire, son savoir-être, son confort
matériel et psychologique, d’autre part, par la perception d’une reconnaissance
sociale liée à un statut et à des avantages de carrière. La valorisation des
ressources humaines peut se manifester concrètement par trois types d’actions :
l’appréciation des qualités des collaborateurs (à travers le bilan de compétences,
l’entretien annuel et l’évolution), le développement de la formation du personnel
(formation continue ou professionnelle, formelle et informelle) et l’amélioration
des conditions de travail (sécurité, hygiène, confort, équipements sociaux et
œuvres).

En revanche, il existe des carences ou des « handicaps » en matière de formation


dans les PME (Géhin, 1986), qui tiennent principalement à l’absence d’une

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40

structure de formation interne à l’entreprise, à la faiblesse des possibilités de


carrière et de promotion interne qu’elles offrent, au risque de fuite des salariés
envoyés en formation. Par ailleurs, le faible intérêt des dirigeants de PME pour la
formation semble être lié à la difficulté de former ces dirigeants eux-mêmes (Le
Boterf et Chataignier, 1987). Selon Mahé de Boislandelle (1998), l’attitude des
dirigeants de PME à l’égard de la formation se détermine par la prédominance
de la gestion intuitive, d’une fermeture d’esprit, et d’une attirance faible pour la
complexité cognitive.
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La politique de participation représente la forme supérieure de la valorisation.
Elle se définit par rapport au partage plus ou moins étendu du pouvoir de gestion
entre le dirigeant et le personnel. Elle s’appuie sur les systèmes d’information et
de communication en vigueur au sein de l’entreprise. Elle peut être encouragée
par certaines dispositions du droit du travail, imposant une participation instituée
des représentants du personnel. Plus généralement, elle est favorisée par les
choix d’organisation et les types de management qui facilitent la consultation et
la coopération systématique du personnel.

L’analyse menée par Mahé de Boislandelle le conduit à établir une relation entre
les résultats économiques de l’organisation en termes d’emploi, de rémunération,
etc… et les politiques mobilisées par le Mix (emploi, rémunération, valorisation,
participation). En effet, ces actions, qu’elles soient menées séparément ou
conjointement, produisent non seulement des effets directs dans chacun des
domaines précités, mais encore des effets indirects sur le plan des performances
sociales et économiques :

- du point de vue du climat social : il se traduit par des jugements synthétiques


de valeur qui se fondent sur des observations, des impressions, des indices, voire
même à travers des indicateurs. Le climat social est un concept fréquemment
utilisé par lequel on entend habituellement un ensemble de circonstances dans
lesquelles on vit ; une situation morale. On considère que le climat social de
l’entreprise peut être évalué par des indicateurs tels l’absentéisme, la rotation du
personnel, les revendications, les conflits sociaux ;

- du point de vue de l’image sociale : elle représente l’idée, favorable ou


défavorable, que le public se fait des conditions de travail, de rémunération,
d’épanouissement, de valorisation, etc…, que réserve une entreprise à son
personnel. La qualité de l’image sociale peut être saisie au travers de divers
signes ou indicateurs selon que l’on considère le public ou le personnel. L’image
sociale externe résulte de l’attractivité de l’entreprise, de la notoriété sociale et
de la notoriété économique ;

- en termes de performances technico-économiques : il s’agit essentiellement


des performances économiques liées à la performance sociale. Seule la

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De la Gestion des Ressources Humaines à
l’Animation des Relations Humaines. Le cas
des entreprises artisanales

performance humaine relative a une signification : performance comparée


aux autres, mais aussi et surtout rapprochée des performances techniques et
économiques de l’entreprise. Elle permet de juger des efforts accomplis, des
réserves possibles, et du chemin à parcourir selon la stratégie adoptée.

L’approche ainsi développée par Mahé de Boislandelle permet d’étayer une


analyse globale de la gestion des ressources humaines, fondée sur une batterie
d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs visant à évaluer les effets directs et indirects
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du Mix social.

La démarche de diagnostic social proposée par l’auteur permet ainsi, d’une part
l’évaluation des politiques de ce Mix, en comparant les résultats obtenus au
regard des objectifs visés ; d’autre part, l’adoption de mesures correctives, voire
la formulation de changements stratégiques. Elle vise deux objectifs :
- améliorer la performance sociale de l’organisation par une cohérence interne ;
- renforcer sa cohérence externe avec les autres « Mix » (marketing Mix…)
composant le système général de gestion.
A travers cette analyse, l’auteur cherche à mettre en relation la performance
sociale - mesurée par le niveau d’adhésion et de satisfaction des acteurs -, et la
performance humaine - rendement économique des ressources humaines -.

Le Mix social est un modèle couramment mobilisé en PME. Il permet de repérer


de façon concrète les axes de la politique RH. Il convient toutefois de remarquer
que le repérage de ces axes est plus délicat à opérer dans des organisations
ayant un effectif inférieur à 10 salariés dans la mesure où la GRH y est bien
entendu présente, mais de manière plus floue et informelle. En effet, elle est
fondée sur des mécanismes sensoriels et intuitifs déclinés dans l’urgence.

Par ailleurs, les entreprises artisanales, n’ayant pas nécessairement d’objectif


de croissance en termes de taille, vont favoriser le développement de relations
à l’extérieur de l’entreprise (Fourcade et Polge, 2006, 2008). Cette orientation
s’exprime à travers l’implication dans des réseaux formels ou informels, la
participation à diverses manifestations. Il s’ensuit que l’approche des questions
relatives à l’humain dans les entreprises artisanales semble devoir être traitée
sous l’angle de l’animation des relations humaines (Fourcade et Polge, 2008).
On est ainsi conduit à parler, par analogie au Mix social, d’un Mix des relations
humaines : celles-ci apparaissent en effet être au cœur de l’organisation que
constitue une entreprise artisanale.

147
40

1.2. Le relationnel au cœur du système humain de l’entreprise


artisanale
L’entreprise artisanale existe pour et par l’humain, et ceci pour deux raisons
majeures (Fourcade et Polge, 2008 ; Polge, 2010) :

- la première est liée aux savoir-faire et savoirs tacites, qui se trouvent au cœur
du métier de l’entreprise artisanale. Détenus par l’artisan, son conjoint, ses
collaborateurs et l’équipe organisationnelle dans son ensemble, ils expliquent le
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maintien en compétitivité ;

- la seconde renvoie à la faiblesse de l’effectif des entreprises artisanales, qui


renforce la personnalisation des relations dans et hors de l’entreprise. Les
Relations Humaines (RH) apparaissent essentielles pour comprendre les choix
organisationnels, partenariaux, commerciaux, juridiques…

Les travaux de Fourcade et Polge montrent que la compréhension des relations


humaines dépasse le clivage entre l’interne (gestion des ressources) et l’externe
(analyse de l’environnement). Cette posture de travail détermine plusieurs enjeux,
car il s’agit de traiter des « relations » et non de la « gestion des ressources ».

En premier lieu, le retrait du mot « gestion » signifie que les relations existent
de fait, au delà de la mise en œuvre d’outils. Nous observons les relations et
leurs évolutions pour mieux les intégrer à une démarche stratégique prospective.
Le rôle des individus qui représentent l’entourage de l’artisan ne peut pas être
inséré dans un outil de gestion, compte tenu de sa complexité. A titre d’exemple,
la relation avec les enfants qui souhaitent reprendre l’entreprise va conduire le
dirigeant à construire sa trajectoire stratégique selon les développements post-
reprise qu’il espère. S’il est possible de comprendre ce processus de prise
décision familial, il n’est pas envisageable de le systématiser dans un objectif
d’intégration à une démarche purement gestionnaire. L’affect et les schèmes
mentaux traduisent à la fois une complexité et une singularité trop importantes
pour adopter une démarche instrumentale. Tout au plus, nous pouvons proposer
des principes de décision intégrant des éléments transdisciplinaires.

En second lieu, il convient de souligner que les relations humaines concernent


indifféremment l’interne et l’externe de l’entreprise. La forte perméabilité des
frontières de l’entreprise artisanale implique que la prise de décision doit être
menée en intégrant conjointement ces deux aspects. Ce mode de réflexion offre
plusieurs axes explicatifs : le fort esprit communautaire de l’artisanat lie fortement
le dirigeant à ses confrères ; le rôle de la famille, que certains de ses membres
travaillent ou non dans l’entreprise, explique les aspirations futures ; enfin, la
relation privilégiée au territoire (géographique ou stratégique) permet à l’artisan
de concevoir et opérationnaliser un mode d’action quasi collectif.

148
démarche instrumentale. Tout au plus, nous pouvons proposer des principes de décision
intégrant des éléments transdisciplinaires.
En second lieu, il convient de souligner que les relations humaines concernent
indifféremment l’interne et l’externe de l’entreprise. La forte perméabilité des frontières de
De l’entreprise
la Gestion des que
artisanale implique Ressources
la prise de décision doit Humaines à
être menée en intégrant
l’Animation des Relations Humaines. Le cas
conjointement ces deux aspects. Ce mode de réflexion offre plusieurs axes explicatifs : le fort
esprit communautaire de l’artisanat lie fortement le dirigeant à ses confrères ; le rôle de la
desfamille,
entreprises
que certains de sesartisanales
membres travaillent ou non dans l’entreprise, explique les
aspirations futures ; enfin, la relation privilégiée au territoire (géographique ou stratégique)
permet à l’artisan de concevoir et opérationnaliser un mode d’action quasi collectif.

La figure 1 propose une grille d’analyse rassemblant les différentes dimensions de relations
La figure 1 propose une grille d’analyse rassemblant les différentes dimensions
humaines.
de relations humaines.

Figure 1. L’artisan
Figure et les relations
1. L’artisan humaines
et les relations (adapté
humaines de Fourcade
(adapté et Polge,
de Fourcade 2008)
et Polge, 2008)
Qualitatif
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Nature

Nombre Artisan Intensité


Quantitatif Confiance

Variété

L’artisan peut s’appuyer sur ces relations humaines pour impulser sa stratégie.
L’artisan peut s’appuyer
L’appartenance sur ces
à un réseau relations
permet humaines
d’avoir accès pour impulser
à des informations et dessa stratégie. sur
connaissances
L’appartenance
un secteur etàà un
des réseau
occasionspermet
d’affairesd’avoir
; on peutaccès
évoquer,à àdes
titre informations etdudes
d'exemple, le cas réseau
connaissances
de relationssur
entreun secteur
managers de et à des occasions
différentes divisions, quid’affaires
détermine un ; on peutsurévoquer,
impact le partage de
à titre l’information,
d’exemple, le la cas du d’objectifs
création réseau destratégiques
relations communs
entre managers
et partagés,deainsi
différentes
que sur les
évolutions
divisions, des liaisonsun
qui détermine interimpact
unités (Tsai,
sur le2000). Ainsi,de
partage un l’information,
acteur possédantlauncréation
riche réseau
d’objectifs stratégiques communs et partagés, ainsi que sur les évolutions des 
liaisons inter unités (Tsai, 2000). Ainsi, un acteur possédant un riche réseau
social  pourra régler de manière informelle plutôt que formelle, bon nombre
d’opérations, et réduira d’autant les coûts de transaction. L’objectif consiste à
ancrer les relations autour des intérêts et avantages communs. Les relations
personnelles facilitent la construction de relations d’alliance.

Le dirigeant cherche à mobiliser, voire optimiser, ses contacts (alliances, réseaux


professionnels ou amicaux) pour arriver à ses fins, en maximisant le rendement
de son capital humain et de ce fait : « son réseau social peut représenter un
actif puissant, tant pour les individus, que pour les communautés d’individus »
(Putman, 2000). Il ne suffit pas en fait de connaître « beaucoup de monde »,
mais bien plutôt de s’adosser à un réseau efficace. Il apparaît donc essentiel de
comprendre, de valoriser et d’animer ces relations dans une approche globale.
Ainsi, le soulignement des particularités de la dimension humaine dans la TPE
artisanale conduit à passer de l’approche en termes de gestion des ressources
humaines, à une démarche qui privilégie l’animation des relations humaines.
C’est l’aspect que nous allons développer à la suite.

149
40

2. L’animation des relations humaines par la pratique :


discussion autour de paroles d’artisans

Le processus méthodologique retenu s’articule autour de deux méthodes de


recueil des données : il est présenté dans un premier temps, avant de considérer
et discuter les résultats de la recherche. Nous montrerons ainsi la particularité de
chaque artisan face à la question des relations humaines (RH)61 et les implications
académiques de notre travail.
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2.1. Le club des dirigeants LR : entre recherche actée et récits de
vie
La démarche suivie concerne deux chantiers de recherche menés
consécutivement. Le premier a conduit d’une part à détecter et estimer l’écart
entre principes et contenu de la GRH (notions, techniques et pratiques), d’autre
part, à configurer la représentation de l’humain par l’artisan. Le second a consisté
à approfondir la compréhension des logiques d’animation des RH à travers
l’étude de plusieurs cas d’entreprises artisanales62. Nous exposons à la suite les
principes méthodologiques de notre démarche.

La première phase d’étude s’inscrit dans le cadre d’une recherche collaborative


(David, 2000) dans un milieu particulier (Huberman et Miles, 1994) : le Club des
dirigeants Languedoc-Roussillon. Sa finalité vise à co-construire des outils d’aide
à la décision stratégique grâce à la co-participation des membres du club à la
fois au choix des thèmes de travail et aux méthodes adoptées (Polge, 2009).
Cette méthode de co-construction a pu être qualifiée « de recherche actée ».
Rassemblant une quinzaine d’artisans installés en Languedoc-Roussillon, le
Club se réunit en quatre séminaires annuels.

Les membres du Club, artisans, universitaires et institutionnels s’impliquent


ensemble en apportant chacun leurs compétences au programme de
recherche.

Créé depuis huit ans, le Club a permis l’exploration de plusieurs questionnements


de recherche novateurs. L’approche longitudinale qu’il propose révèle également
les questions récurrentes pour les artisans. Le rôle de l’humain et les difficultés
de compréhension des mécanismes d’ajustement tant internes qu’externes en
font partie. Dans le cadre de l’étude de plusieurs problématiques, nous avons
constaté les difficultés des artisans sur différents points :
-- la notion de GRH ainsi que les techniques qu’elle implique, sont
redoutées, voire rejetées ;
-- le lien à l’autre est considéré comme essentiel, mais il est appréhendé
61. Dans la suite de ce texte, RH désignera les Relations Humaines.
62. Chacun de ces chantiers s’inscrit dans un travail collaboratif avec l’Institut Supérieur des Métiers.

150
De la Gestion des Ressources Humaines à
l’Animation des Relations Humaines. Le cas
des entreprises artisanales

de façon élargie. L’artisan s’attache plus aux implications de la relation


qu’à son origine ou son contexte ;
-- l’ambivalence existant dans le ressenti de la RH est notable : les
artisans apprécient l’enrichissement par le lien à l’autre, mais ils expriment
simultanément une inquiétude quant à leur manque de repères. S’ils
rejettent la dimension instrumentale, ils se trouvent confrontés à des
échecs faute de rigueur et d’utilisation d’outils adaptés.
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Les chercheurs associés aux travaux du Club ont pris conscience de l’intérêt
d’approfondir cette problématique liée à l’humain auprès de certains artisans.
Dans une enquête réalisée pour l’ISM sur les profils des jeunes artisans, nous
avons introduit un focus sur la notion de RH. Une douzaine d’entretiens semi-
directifs a ont été réalisée et confrontée aux résultats obtenus dans le cadre du
Club. Dans notre présentation nous avons retenu trois entreprises illustrant les
trois logiques dominantes qui ont émergé de cette étude.

Tableau 1. Présentation de la population étudiée


Nom de
Mat Ruf Houl
l’entreprise
Age du dirigeant 21 40 38

Date de création
2007 2008 2007
de l’entreprise
Fabrication de
Fabrication et
Activité Art et décoration de la table. matériel d’optique :
pose de meubles
principale Bagagerie, maroquinerie vente et montage de
Décoration
lunettes
Localisation Péri Urbain Urbain Urbain

Particuliers : 10%
Clientèle Particuliers et professionnels
Professionnels : 90% Particuliers

Opérations de
Oui, ossature bois Oui, les parapluies Non
sous-traitance
Marché National National et international Local
Nombre de
9 4 1
salariés

L’étude de ces entreprises permet d’apporter certains éléments de réponse à


notre problématique : la question se pose donc de l’application du Mix social aux
entreprises artisanales. Doit-on l’adapter ou, plus loin, le transformer ?

2.2. Discussions autour du mix social


Si l’on considère les quatre axes du Mix social, il semble bien qu’ils n’apparaissent
pas de façon identique dans les entreprises artisanales observées.

151
40

- Il ressort tout d’abord que la politique de rémunération n’est pas centrale.


Elle est établie lors de l’entrée d’un salarié dans l’entreprise, essentiellement en
fonction des capacités de l’entreprise et bien entendu du poste.

Certains artisans ont développé des modalités d’incitation financière individuelle


afin de stimuler les comportements productifs des membres de l’entreprise, quel
que soit leur niveau hiérarchique ou leur fonction.
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« S’ils respectent les délais, ils ont des primes sur la production ».
« Pour la fidéliser, elle a un bon salaire avec des primes à la clé».

- La politique de recrutement apparaît aléatoire et incertaine. Les artisans


recrutent des connaissances, des amis ou des membres de la famille. L’aspect
affectif omniprésent ressenti dans le cadre du club se confirme dans la seconde
étude.

« La vendeuse travaillait déjà ici, c’est quelqu’un de confiance, j’ai décidé de la


garder »

Il est à noter que les dirigeants de TPE n’externalisent pas la procédure de


recrutement, compte tenu du coût perçu comme trop élevé (effet de grossissement).
Il est parfois très difficile de se séparer d’un salarié, quand bien même celui-ci
n’apparaît pas compétent, car cela entraîne qu’il faudra le remplacer. Le temps
consacré au recrutement et l’incertitude associée au renouvellement du personnel
s’avèrent dissuasifs.

« L’homme clé de l’entreprise, c’est un chef d’atelier qui a une longue expérience
(plusieurs décennies) »
« J’ai choisi de conserver à leur poste les salariés du cédant car ils connaissent
le métier »

- La participation, directe, informelle et non structurée ne répond à aucune


démarche systématisée. Les artisans ont instauré auprès de leurs salariés une
certaine proximité fondée sur la politique de « la porte ouverte » et la confiance.

« Je leur fait entièrement confiance, ils ouvrent et ferment l’entreprise; je n’ai


jamais eu aucun problèmes »
« Je lui confie le magasin les yeux fermés, elle a de l’expérience et les clients la
connaissent »

- Enfin, concernant la valorisation, la formation est généralement informelle


(entre anciens et nouveaux) et il n’y a que très peu d’entretiens entre le dirigeant
et les salariés du fait notamment de la proximité permanente : ils peuvent se

152
De la Gestion des Ressources Humaines à
l’Animation des Relations Humaines. Le cas
des entreprises artisanales

parler à tout moment. L’élément central réside dans l’amélioration des conditions
de travail. L’investissement dans de nouveaux locaux et la sécurité des salariés
constituent le cœur de la préoccupation.

« On a aménagé les locaux pour éviter les pertes de temps et on mise beaucoup
sur la sécurité et l’hygiène ; on fait également des réunions de groupe pour
informer les salariés »
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Au total, le Mix social adapté aux entreprises artisanales peut se résumer selon
deux orientations (Tableaux 2 et 3) : l’organisation et le réseau.

La particularité du mode d’animation des artisans se traduit par une pondération


et une signification différente des variables du Mix social. Au-delà de l’importance
du critère taille, la relation au métier et la maîtrise des compétences déforme le
sens donné au Mix.

Le Tableau 2 montre pour chaque artisan, soit l’absence d’indicateurs, soit la


connotation particulière attribuée par les dirigeants. Les données issues des
recherches menées dans le Club des dirigeants complètent le tableau.

Tableau 2. L’artisan, au cœur de son organisation


Mat Ruf Houl Club

Fondé sur les Fondé sur les Difficultés de


Recrutement - recommandations recommandations recrutement et de
des clients du cédant fidélisation

Fondée sur
Rémunération
Rémunération la prime de
- attractive -
productivité
Management Management Difficultés de
Participation
délégatif délégatif déléguer
Valorisation Amélioration des conditions physiques et psychiques de travail­

Les artisans semblent privilégier des pratiques tournées vers un management


favorisant le relationnel, l’affectivité et l’émotivité. Elles s’apparentent à un
« management de la confiance » (Dejoux, 2001) ou encore à un « management
de proximité » basé sur le contact quotidien, la reconnaissance et les rencontres
informelles (Tableau 3).

153
40

Tableau 3. L’artisan, au cœur de son réseau


Mat Ruf Houl Club
Fournisseurs,
Fournisseurs, Entrepreneurs,
Clients, clients, Chambre
Réseau structuré clients, Chambre Chambre de
fournisseurs de métiers,
de métiers métiers
artisans
Réseau non Connaissances
Amis
structuré des parents
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Ces rencontres conduisent l’artisan à nouer des relations privilégiées avec les
acteurs du territoire. Il ne s’agit plus seulement d’une approche organisationnelle,
mais d’une approche territoriale des relations humaines ; trois formes sont à
distinguer :
-- Entreprise Mat : le dirigeant développe de nombreuses relations avec
ses partenaires : fournisseurs, clients, Chambre de métiers. Il bénéficie
du réseau de ses parents, toujours présents dans l’entreprise.
-- Entreprise Ruf : le dirigeant, commercial à l’origine, a tissé avec son
environnement des relations qui lui sont essentielles aujourd’hui : clients,
fournisseurs…
-- Entreprise Houl : Sa stratégie de croissance externe lui a permis de
développer ses relations sur le plan régional.

Structuré ou non, le réseau d’appartenance de l’artisan se compose d’acteurs


dont la proximité s’apprécie selon la nature et l’intensité perçue et non selon
une activité répondant à une classification managériale. Le ressenti personnel
prévaut sur la proximité fonctionnelle.

Le discours des artisans interrogés dans la seconde enquête, confirme


l’interférence entre les relations humaines externes et internes dans les enjeux
de l’entreprise.

Ce phénomène d’atténuation des frontières organisationnelles s’opère d’autant


plus facilement que le recours aux outils de GRH est quasi-absent. Le pilotage
intuitif suit ainsi des principes identiques en interne et externe.

Au regard de ces résultats, nous proposons l’esquisse d’un Mix des Relations
Humaines.

2.3. Pour un Mix des Relations Humaines


L’artisanat offre nouvel éclairage au Mix social élaboré par Mahé de Boislandelle.
Notre étude confirme son intérêt dans la compréhension du système humain en
élargissant son application au-delà du périmètre de l’entreprise.

154
De la Gestion des Ressources Humaines à
l’Animation des Relations Humaines. Le cas
des entreprises artisanales

Sa signification apparaît néanmoins modifiée dans la pondération des axes et dans


les pratiques sous-jacentes à chacun d’entre eux. Les éléments contextuels dans
lesquels s’instaurent les relations, leurs dimensions qualitatives et quantitatives
(Fourcade et Polge, 2010) n’y sont pas étrangers.

Le tableau 4 propose une synthèse du Mix des RH et de ses spécificités.

Sur le plan pratique, nos résultats confirment la diversité des comportements


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et des ressentis des artisans face à la question de l’humain. L’absence d’une
véritable méthode de travail des artisans renforce la dispersion des résultats.
L’ignorance ou le rejet des moyens existants apparaissent au travers de l’ensemble
de nos données. A ce stade d’avancement de notre recherche, il apparaît difficile
de concilier les caractéristiques de spécificité et les éléments de diversité des
entreprises artisanales pour élaborer des propositions constructives d’animation
des relations humaines.

Un travail d’ajustement de l’existant et de construction de nouveaux indicateurs


semble indiquer la voie des futures recherches.

Tableau 4. Mix des Relations Humaines


Dimension des RH
Axes du Mix Spécificités
Interne Externe
Recrutement fondé sur l’affect et la
Emploi Oui Oui
cooptation
Rémunération Oui Non Dépend de la capacité de l’entreprise
La proximité favorise les échanges, mais
Participation Oui Oui problèmes de délégation en interne, de
confiance en externe
Informelle, non structurée et permanente
Valorisation Oui Oui
Fort ressenti communautaire de l’artisanat
Pratique essentielle et continue
Réseau Oui Oui Réseau de compétences, de
connaissances, de réalisation

Notre approche fait émerger des implications académiques : les entreprises


artisanales sont-elles des PME, voire même des TPE comme les autres ? L’axe
de travail que nous avons retenu dans cet article révèle que l’artisan, influencé
par son approche métier et sa communauté de pratiques, suit un processus
de prise de décision particulier. Il nous appartient d’étudier la teneur de cette
particularité et de nous efforcer d’en circonscrire les contours.

155
40

Conclusion

Les résultats issus des séminaires de recherche et des entretiens semi-directifs


ont mis en lumière les problématiques liées à l’humain dans les entreprises
artisanales. Plus précisément, ils ont fait émerger une GRH « élargie » que nous
avons qualifiée d’animation des relations humaines. Le Mix Social a fait l’objet
d’une adaptation à la TPE, prenant la forme d’un Mix des Relations Humaines.
Cette recherche présente néanmoins un caractère exploratoire et la généralisation
des résultats reste à prendre avec précaution dans la mesure où chaque
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entreprise artisanale apparaît unique. Nous nous proposons donc d’approfondir
cette première approche en nous fixant comme objectif la construction d’un outil
permettant l’accompagnement des artisans dans l’animation de leurs relations
humaines.

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