Dyslex
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Dyslex
Madame Francine Lussier détient une maîtrise en éducation et une maîtrise en psychologie ainsi qu'un
doctorat en neuropsychologie. Elle a travaillé quinze ans dans l'enseignement aux niveaux primaire et
secondaire. Après avoir pratiqué la neuropsychologie à l'hôpital Ste-Justine pendant quinze ans, ma
dame Lussier a décidé de consacrer tout son temps au Cenop-fl fondé par elle en 1993. Elle est, avec
madame Janine Flessas, co-auteur de plusieurs livres, dont Neuropsychologie de l'enfant, et de plu
sieurs tests d'évaluation.
Madame Janine Flessas est diplômée en psychologie scolaire et psychopédagogie spéciale de l'institut
de la Sorbonne en France. Elle fait carrière en neuropsychologie au Québec où elle est une pionnière
dans le domaine depuis 1969. Elle est, avec madame Francine Lussier, co-auteur de plusieurs livres,
dont Neuropsychologie de l'enfant, et de plusieurs tests d'évaluation.
Sur le plan étymologique, la dyslexie est un terme grand nombre de cas, l’origine de ces difficultés de
très général qui signale simplement l’existence de lecture s’inscrit dans une atteinte constitutionnelle
difficultés dans l’acquisition du langage écrit. Cepen touchant les mécanismes cérébraux de l’enfant. Ils
dant, tout bon pédagogue sait qu’un enfant n’a ap réservent à ces cas l’appellation de dyslexies ou de
pris à lire que s’il est à la fois capable de décoder et troubles spécifiques d’apprentissage de la lecture.
de comprendre ce qu’il lit. Apprendre à lire, c’est Pour ces enfants, un trouble de la relation maître-
apprendre à construire des significations à partir élève ou même la méthode de lecture utilisée en
d’une extraction d’indices et formuler des hypo classe ne sauraient être considérés comme des fac
thèses à partir de cette extraction ; c’est aussi utili teurs déterminants, même s’ils rendent la situation
ser, à chaque moment, l’information déjà recueillie éventuellement encore plus difficile à gérer pour
pour traiter la suite du message. (Estienne 1982, p. l’enfant dyslexique.
419).
Dans ce chapitre, nous aborderons donc successive
Malgré cette apparente complexité, comment expli ment les modèles neuro-anatomiques explicatifs de
quer que certains enfants y parviennent en quelques la dyslexie puis les modèles cognitivistes et géné
semaines seulement alors que d’autres, pourtant tiques. La symptomatologie de la dyslexie sera abor
tout aussi intelligents, souffriront toujours de ne pas dée par la suite, ainsi que celle de la dysorthogra
réussir à automatiser leur décodage ? phie. Suivra l’évaluation neuropsychologique pou
vant être proposée pour permettre un diagnostic dif
Psychologues et psychanalystes cherchent souvent férentiel entre un trouble général d’apprentissage et
des causes de nature psychoaffective ou psychoso une vraie dyslexie. L’approche rééducative sera fina
ciale à un certain nombre de difficultés de lecture. lement évoquée de façon très générale, dans ses
Les neuropsychologues, appuyés en cela par des re grands principes.
cherches scientifiques de plus en plus sophistiquées,
se montrent quant à eux convaincus que, dans un
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perte spécifique des facultés de décodage du lan sation anatomique des structures cérébrales. Celle-
gage écrit, consécutive à une lésion acquise du cer ci, d’étiologie possiblement dysgénétique, aurait
veau. Le patient de Dejérine ayant une lésion claire donc entravé chez ces patients la mise en place des
ment identifiable au niveau de la zone de jonction réseaux neuronaux complexes qui se constituent
entre les lobes temporal et occipital de l’hémisphère dans le cours habituel de la maturation cérébrale.
gauche, un premier modèle anatomo-fonctionnel vit Cette constatation confirmait par ailleurs l’hypo
le jour, selon lequel la faculté de lire résulterait de thèse d’Orton (1925), qui supposait que les difficul
l’interface entre la vision (lobe occipital) et le lan tés du dyslexique enfant pouvaient provenir d’un dé
gage (lobe temporal). La poursuite de ces travaux faut dans l’établissement de la latéralisation hémi
exploratoires tout au long du XX siècle amena no
E
sphérique.
tamment Geschwind en 1965 à identifier d’autres
zones cérébrales, apparemment tout aussi impli On peut objecter que les études de Galaburda n’ont
quées dans cette fonction. Geschwind fut alors à porté que sur un très petit nombre de patients, dont
même d’évoquer un modèle d’interaction entre ces le diagnostic de dyslexie n’a pu d’ailleurs être posé
diverses zones, permettant d’illustrer la complexité qu’a posteriori. Cependant, d’autres chercheurs tels
des mécanismes cérébraux impliqués dans l’acte de Livingstone et coll. (1991) ont également rapporté la
lecture. Habib et Robichon (1996) le résument ainsi : présence d’anomalies neuronales au niveau de la
l’information écrite arrive, en premier lieu, au niveau couche ventrale des corps genouillés latéraux. Or
des aires visuelles primaires d’où elle converge vers ceux-ci constituent des relais dans la transmission
les aires associatives visuelles de l’hémisphère des influx nerveux au long du nerf optique entre la
gauche. De là, elle parvient au gyrus angulaire rétine et le cortex primaire occipital. Les auteurs en
gauche, tout proche, plaque tournante entre le sys concluent à une anomalie du traitement visuel du
tème visuel et les aires du langage. L’étape suivante mouvement, qui se rencontre en effet chez certains
se ferait dans l’aire de Wernicke, où s’établiraient les dyslexiques.
liens entre mot et concept sémantique. Le mot ayant
subi un recodage phonologique et acquis un sens se D’autre part, plusieurs études en imagerie fonction
rait transféré à l’aire de Broca, qui programme les nelle (dont Paulesu et coll., 1996) utilisant conjointe
actes moteurs nécessaires à sa prononciation. De ment la TOMOGRAPHIE PAR ÉMISSION DE POSITONS (Pet) et la
récentes recherches (Démonet, 1997) accordent éga mesure des modifications des débits sanguins régio
lement à cette aire de Broca un rôle prépondérant au naux, ont pu mettre en évidence que le cerveau des
cours du développement dans la mise en place des dyslexiques ne traitait pas les sons de la langue de la
capacités de segmentation phonémique, dont on re même façon que celui des normo-lecteurs, par
connaît de plus en plus l’importance dans l’appren exemple dans une tâche de jugement de rimes sur
tissage de la lecture. entrée visuelle. En particulier, on observerait, chez
les premiers, une dysconnexion entre les régions
Avec le développement des techniques d’analyse postérieures du cerveau en charge de la reconnais
structurale des hémisphères cérébraux, notamment sance visuelle des mots et les régions antérieures en
de l’observation au microscope électronique au cours charge de la segmentation des mots en unités pho
d’une autopsie, Galaburda et Kemper (1979) s’in nologiques.
téressèrent particulièrement à des sujets décédés
accidentellement et reconnus antérieurement Dans le but de tester les théories cognitivistes pré
comme dyslexiques. Or, ils mirent en évidence chez sentées à la section suivante, des chercheurs, tels que
la plupart de ces patients une latéralisation fonction Rumsey et ses collaborateurs (1987), ont examiné,
nelle anormale, se traduisant notamment par une toujours en imagerie fonctionnelle, les structures cé
absence d’asymétrie du planum temporale (partie rébrales possiblement impliquées tout au cours du
supérieure du lobe temporal habituellement plus mécanisme de la lecture, en fonction de la complexi
large dans l’hémisphère gauche). Bien que cette ano té des mots (longueur, familiarité) et de leurs carac
malie puisse être retrouvée aussi chez un certain téristiques phonologiques. Rien ne leur permet en
nombre de sujets non-dyslexiques, l’association de core, toutefois, de confirmer clairement l’existence
celle-ci avec de nombreuses anomalies structurales de deux réseaux neuronaux indépendants cor
sous forme de dysplasies et de multiples ectopies respondant à des procédures distinctes de lecture,
(amas cellulaires en position anormale) renforçait tels que l’avancent les cognitivistes.
grandement, selon eux, l’hypothèse d’une désorgani
MODÈLES COGNITIVISTES
Le modèle linéaire conçu par Geschwind en 1965 troubles lexiques ne semblant pas pouvoir s’expli
avait, en effet, été rapidement remis en cause par les quer par un modèle unique.
théories naissantes des cognitivistes, dont les obser
vations à partir des années 1970 permettaient de dif L’un des premiers à évoquer un modèle pluraliste
férencier plusieurs formes bien particulières de des difficultés de lecture fut Morton (1969), dont les
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travaux se poursuivirent avec son collègue Patterson qui leur permet d’être stockés en mémoire, et elle est
(1980). Leur modèle des logogènes constitua un indispensable pour tout mot « irrégulier », c’est-à-
exemple classique des travaux des cognitivistes, dire dont la prononciation ne peut s’effectuer seule
illustrant l’acte de lecture comme la résultante de ment à l’aide de la correspondance graphèmes-pho
deux procédures plus ou moins indépendantes et nèmes. Une fois reconnus visuellement par la voie
s’assistant mutuellement, chacune ayant son propre d’adressage, ces mots accéderaient au système sé
seuil d’activation. Les deux procédures de Morton et mantique puis au système permettant de les articu
Patterson correspondent à deux voies, par lesquelles ler (grâce à la mémoire tampon phonologique).
un lecteur peut prononcer un même mot écrit. Elles
sont identifiées comme lexicale et phonologique, Ces premiers cognitivistes, tout comme leurs pré
chacune des opérations devant être réalisée selon décesseurs neuro-anatomistes, appuyaient leurs re
une succession linéaire. La voie lexicale permet une cherches presqu’exclusivement sur des observations
identification visuelle rapide des mots familiers, cliniques auprès de patients atteints de dyslexies
mais elle est également indispensable à la lecture de acquises, généralement à la suite de dommages céré
mots irréguliers. La voie phonologique s’appuie sur braux bien circonscrits.
un système de règles permettant la conversion gra
phèmes-phonèmes. Elle est indispensable à la lec Ultérieurement, d’autres chercheurs tels que Stuart
ture de non-mots et de mots nouveaux. L’inefficience et coll. (1988) et Seymour et coll. (1989), critiquant
de l’une ou de l’autre était considérée à l’origine des le modèle initial de Morton et Patterson, tentaient à
deux grandes formes de dyslexie. leur tour de concevoir d’autres schémas dans le but
de rendre compte plus spécifiquement des troubles
Ce modèle fut complexifié quelques années plus tard présentés dans le cadre des dyslexies dites dévelop
avec la collaboration de Patterson et Shewell (1987), pementales.
dont nous reproduisons une adaptation, provenant
de l’ouvrage de Grégoire et Piérart (1994). Seymour (1986) introduit une troisième voie, la voie
sémantique, qui éclaire la nature de certains troubles
Ce nouveau modèle introduit les notions aujourd’hui de lecture où le décodage s’effectue de façon fluide,
bien connues de procédures d’assemblage et d’adres mais sans que l’enfant saisisse vraiment le sens du
sage. La première (la voie de droite) exige une seg message écrit, ce qui est souvent le cas chez les
mentation de la séquence orthographique, chaque hyperlexiques. Inversement, un certain nombre de
segment étant par la suite mis en correspondance dyslexiques utilisent préférentiellement cette voie
avec des segments phonologiques. Ces derniers sont sémantique plutôt que les deux autres, ce qui
ensuite assemblés de manière à être articulés. Il s’a entraîne chez eux des erreurs de décodage, par anti
git donc de la voie d’assemblage. cipation parfois erronée du sens.
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stratégies. De plus, elle émet l’hypothèse que la lec primant la causalité directe qui reliait les trois stades
ture et l’orthographe se développent en décalage de entre eux de façon linéaire.
phase, servant à tour de rôle de stimulateur au déve Ainsi, l’actualisation du stade orthographique serait
loppement de la stratégie suivante. Tout se passerait tout autant la résultante des stratégies logogra
comme si la lecture donnait l’impulsion pour la stra phique qu’alphabétique. Ces deux dernières pour
tégie logographique, l’écriture pour la stratégie al raient ainsi se développer concurremment. Comme
phabétique et la lecture à nouveau pour la stratégie le présumait Frith, l’accès au stade orthographique
orthographique. reposerait donc bien sur la compétence du traite
ment phonologique, qui permet de prononcer des
Ce modèle qui semble, en effet, traduire fidèlement séquences de lettres particulières comme des syl
la progression des habiletés de maîtrise du langage labes. Mais il requerrait aussi la capacité logogra
écrit chez un lecteur « moyen » ne rend pas compte phique d’identifier visuellement ces sous-ensembles
toutefois des anomalies très particulières qui de caractères comme des structures stables, globale
peuvent être observées tant en lecture qu’en dictée ment reconnaissables d’un seul coup d’œil. Selon ce
chez des sujets dyslexiques. Chez ces derniers, il modèle, la dyslexie se caractériserait essentiellement
semble évident, en effet, que les six étapes de Frith par une difficulté à maîtriser les stratégies orthogra
ne se mettent pas en place dans un ordre strictement phiques requises pour accéder tant à une lecture
séquentiel et qu’elles ne peuvent, notamment, expli fluide qu’à une production écrite respectueuse des
quer les difficultés considérables d’un grand nombre règles. De plus, ce modèle rend mieux compte des
de dyslexiques à utiliser une stratégie alphabétique deux types de dyslexies habituellement identifiés : la
dans le décodage de non-mots, alors même que leurs dyslexie phonologique, qui entrave la mise en place
stratégies orthographiques se révèlent passablement initiale des stratégies alphabétiques, et donc la capa
fonctionnelles. cité de lire, et d’orthographier des non-mots et la
dyslexie lexicale qui entrave la reconnaissance vi
D’autres modèles, tels celui que Seymour et coll. suelle des formes logographiques impliquées notam
(1989), ont mis au point, en s’inspirant des théories ment dans la lecture des mots dits irréguliers, tels
de Frith, semblent beaucoup plus représentatifs de femme ou second et ne laisse souvent au sujet que la
la réalité des troubles de nature dyslexique, en sup possibilité de les écrire au son fam, cegon…
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de la dyslexie. Elle repose, en effet, toujours sur la domaines seront donc décrits à la lumière des re
nécessité de considérer ensemble ou isolément les cherches les plus éclairantes en dyslexie développe
troubles qui relèvent de la sphère du langage (voie mentale.
phonologique) et ceux qui appartiennent à la sphère
visuelle ou visuo-spatiale (voie lexicale). Ces deux
Selon Estienne (1982), le passage par la voie phono lexies profondes (acquises) de l’adulte cérébro-lésé,
logique exige du lecteur la transposition des carac on peut identifier des erreurs dérivationnelles (le su
tères alphabétiques perçus visuellement en leurs cor jet lit berger pour bergerie, par exemple, ou école
respondants linguistiques, ce qu’on nomme habi pour écolier), mais aussi à l’occasion des paraphasies
tuellement une conversion graphème-phonème. sémantiques (rivière pour ruisseau, par exemple),
Pour accomplir celle-ci, le lecteur débutant doit avoir où le décodage s’appuie fortement sur la voie sé
développé la conscience de la structure phonolo mantique identifiée par Seymour. L’utilisation du
gique interne propre aux mots de la langue parlée. contexte se révèle maximale, et plus le mot est fami
Chez le dyslexique, l’atteinte de cette habileté, qui lier, plus le lecteur aura de chances qu’il soit bien
semble effectivement confirmée par les recherches identifié. Inversement, la lecture de pseudo-mots,
en imagerie fonctionnelle décrites précédemment, devant nécessairement s’effectuer à travers une
entraverait sa capacité à segmenter le mot écrit en conversion rigoureuse graphème-phonème, se révèle
ses constituants phonologiques, l’empêchant par le souvent très fantaisiste, surtout lorsqu’il s’agit de
fait même d’avoir accès à des processus linguistiques polysyllabiques contenant des regroupements de
d’un niveau plus évolué nécessaires à la compréhen consonnes complexes et peu usuels (tel bradiscla
sion de ce qu’il lit. tru).
Certains auteurs, tels que Wimmer (1996), font Un autre déficit fréquemment rencontré chez ces
même de cette atteinte un bon prédictif de dyslexie dyslexiques toucherait l’attention et la mémoire au
dès le niveau de la maternelle. Il s’agirait plus spéci ditivo-séquentielle. Ces enfants présenteraient, en
fiquement de déficits au niveau de l’analyse segmen effet, un empan beaucoup plus faible que les enfants
tale de la parole (notamment discrimination pho normaux en répétition de séries de chiffres ou de
némique, jugement de similitudes entre rimes et ca mots, surtout s’il s’agit de pseudo-mots polysylla
pacité de suppression de phonèmes) et les re biques (Van Hout, 1994). Aucun déficit ne serait, par
cherches de Lacert et Sprenger (1997) ont démontré contre, identifié chez ces mêmes enfants dans des
que ce déficit est nettement corrélé avec l’ampleur tâches similaires en modalité visuelle, confirmant la
du trouble lexique. spécificité de leurs troubles dans la sphère langa
gière. Par ailleurs, ces difficultés sembleraient pro
Les travaux de Tallal et de ses collaborateurs (1996) venir d’une faiblesse de la mémoire de travail, néces
suggèrent également la présence d’un trouble très saire à la répétition subvocale des stimuli entendus,
spécifique de perception auditive chez ces enfants, à travers ce que Baddeley (1986) nomme la boucle
en particulier pour les phonèmes dont l’articulation articulatoire ou le système phonologique. Ils sont
ne dure pas plus de 40 millisecondes (tels le b et le p aussi fréquemment mis en relation avec un déficit
dans les syllabes ba, pa…), comparativement à ceux séquentiel qui touche notamment toute l’organisa
dont l’articulation se prolonge souvent au-delà de tion temporelle de ces enfants (Merzenich, 1996).
100 millisecondes (tels le m de ma). Un allongement
artificiel de la durée d’émission des sons brefs, avec Des troubles de nature proprement langagière ont
l’aide de l’ordinateur, pourrait améliorer la discrimi également pu être identifiés et ils touchent spécifi
nation de ces enfants, selon ses recherches. quement la rapidité de dénomination d’images, sur
tout lorsqu’il s’agit de stimuli répétitifs. Ces consta
À un dysfonctionnement marqué de cette voie pho tations ont été faites particulièrement par Denkla et
nologique correspond, en effet, ce que Boder a appe Rudel (1976) au moyen de leur test RAPID AUTOMATIZED
lé une dyslexie dysphonétique. D’autres équivalents NAMING (Ran test) et elles sont exposées dans un des
sont également retrouvés dans la littérature, tels une chapitres de Van Hout (1994). Dans ces tâches où le
dyslexie phonétique, phonologique ou même lin sujet doit nommer le plus rapidement possible
guistique. Ces sujets ont en commun une faible ap quatre séries de 50 items, présentées par catégories
préhension de la relation lettre-son et utilisent donc sémantiques (couleurs, lettres, objets, chiffres), les
majoritairement une stratégie de lecture par adres auteurs ont mis en évidence des temps de dénomina
sage, où les mots sont reconnus à partir d’indices vi tion beaucoup plus lents chez les dyslexiques que
suels parfois incomplets. Ainsi, comme dans les dys chez les enfants normaux. De plus, leur groupe de
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dyslexiques apparaissait également beaucoup moins corrélation directe entre ces deux types de troubles
performant dans cette tâche que celui qui était mais l’absence de déficit au Ran test pourrait être le
constitué d’enfants en difficultés beaucoup plus gé meilleur prédicteur de l’amélioration du décodage en
nérales d’apprentissage, dont l’âge de lecture s’ap lecture chez les élèves en difficultés de lecture au
prochait généralement de leur âge mental tel que dé premier cycle du primaire.
rivé à partir du WECHSLER INTELLIGENCE SCALE FOR
CHILDREN (Wisc III). Dans ce cas, la difficulté propre Il reste, enfin, à rappeler qu’un certain nombre de
aux dyslexiques ne dépendrait ni de la vitesse d’arti dyslexiques (environ 50 % selon Habib et coll., 1999)
culation, ni de la connaissance du vocabulaire, ni de ont présenté dès l’enfance un retard d’acquisition du
l’identification visuelle des stimuli, mais bien de leur langage oral, ce qui leur permet de situer la dyslexie
incapacité à accéder de façon automatique à l’image dans une sorte de continuum par rapport à la dysp
motrice des mots, nécessaire à leur dénomination hasie comme le pense Estienne (1982). Cependant,
rapide. Cette difficulté à acquérir des automatismes la grande majorité des dyslexiques ne sauraient être
faisait d’ailleurs partie de la définition de Debray considérés également dysphasiques, leurs difficultés
précédemment citée. Il est intéressant aussi de men langagières demeurant assez subtiles, et découlant le
tionner les travaux de Meyer et de ses collaborateurs plus souvent de leur trouble phonologique : le voca
(1998), qui ont poursuivi une étude longitudinale sur bulaire peut ainsi demeurer longtemps flou ou incer
trois groupes d’enfants de la maternelle à la 8 ème an tain, surtout au niveau de polysyllabiques peu
née de scolarité. En rétrospective, ils ont pu consta fréquents donc plus difficiles à mémoriser.
ter que leur groupe d’enfants dyslexiques (qui a
continué de manifester un retard important dans la Chez le dyslexique plus âgé, par contre, il serait rare
maîtrise de la lecture même après 8 ans de scolarité) ment possible d’en percevoir des indices, simple
avaient présenté des scores déficitaires à l’épreuve ment au cours d’une entrevue préliminaire à l’exa
de Denkla, tant en 3ème qu’en 5ème et en 8ème année. men lui-même. Bien au contraire, les sujets dys
[Note du transcripteur : cet article est canadien.] En lexiques ont de façon générale des forces significa
comparant par ailleurs les enfants « mauvais lec tives au plan du raisonnement, du jugement critique
teurs » avec le groupe précédent, ils ont pu mettre en et des capacités de synthèse et de conceptualisation
évidence que les troubles de segmentation phonolo en particulier, leur permettant l’accès aux cours uni
gique étaient communs aux deux groupes d’enfants versitaires, en dépit de leurs difficultés persistantes
dès le début de leur scolarité, tandis que le déficit de de décodage et de production écrite (Shaywitz 1996).
dénomination rapide n’apparaissait statistiquement
que chez les dyslexiques. Il n’y aurait donc pas de
La voie lexicale identifiée par Morton et Patterson trouble de mémoire visuo-spatiale à long terme) des
traduisait la procédure nécessaire à la reconnais formes logographiques correspondantes aux seg
sance en lecture rapide des mots familiers, et en par ments constitutifs des mots familiers. Or, ces seg
ticulier à la lecture de mots irréguliers. Telle que dé ments présenteraient une très grande diversité, l’au
crite précédemment dans le modèle à deux voies, elle teur ayant identifié plus de 400 combinaisons pos
a aussi reçu diverses appellations dans la littérature, sibles entre consonnes et voyelles, incluant les di- et
notamment la voie logographique (Seymour, 1990) les trigraphes (tr, gh, ngl, tch…).
ou encore la voie directe ou d’adressage (Ellis,
1989). Sans la maîtrise de cette voie, le lecteur serait Lorsque cette voie lexicale présente un dysfonction
toujours astreint à une stratégie alphabétique de nement marqué, le sujet peut recevoir un diagnostic
conversion graphème-phonème, qui se révèle passa de dyslexie dyséidétique (Boder), encore appelée
blement inefficace dans la lecture de phrases telles dyslexie morphémique ou de surface (Seymour,
que les poules du couvent couvent ou encore mon 1986). Ces sujets éprouvent donc une incapacité à
fils a cassé mes fils !… automatiser leur lecture, ne pouvant s’aider de
l’apparence visuelle du mot pour accéder à sa signifi
L’accès normal au stade orthographique supposerait cation. Tout se passe comme s’ils ne pouvaient récu
que le sujet ait acquis au préalable la capacité d’iden pérer en mémoire la prononciation qui est associée
tifier des regroupements de lettres, mémorisant leur au mot présenté. La difficulté sera d’autant plus
séquence dans les syllabes et mettant en correspon grande que les mots auront une orthographe irrégu
dance ces structures avec leur transcription phonolo lière, en particulier lorsque ceux-ci sont constitués
gique. Selon Seymour, la dyslexie lexicale serait es de graphèmes qui ne doivent pas être prononcés
sentiellement de nature morphémique, causée par comme dans les mots doigt ou sept, ou dont la pro
un défaut de reconnaissance visuelle (donc un nonciation ne respecte pas l’orthographe tels femme
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ou second, précédemment mentionnés. On parle (morphémiques), l’auteur parle ici de dyslexies d’a
alors d'erreurs de régularisation. Ce trouble, beau nalyse visuelle.
coup moins fréquent que le précédent, apparaît, par
contre, encore plus perturbateur pour l’accès à la si Ces difficultés de perception visuelle sont certaine
gnification du texte lu, car le rythme de lecture ne ment aussi à mettre en relation avec l’analyse que
peut que très difficilement s’accélérer, entravant fait Beaune (1987) du comportement oculomoteur
d’autant l’accès à la représentation mentale et au rai erratique de certains dyslexiques. En effet, cet auteur
sonnement inférentiel. rapporte les études de Javal (1978) selon lesquelles
la lecture normale s’effectue par des séries de sac
Cependant, cette voie lexicale s’appuie aussi sur une cades oculaires suivies de fixations du regard. Ces
analyse visuelle nécessaire à la reconnaissance du saccades s’opèrent de la gauche vers la droite, du
lexique visuel proposé. Un petit nombre de dys moins dans notre monde occidental, mais à diverses
lexiques présentant des difficultés majeures à ce ni reprises, le mouvement doit s’inverser, permettant le
veau, quelques études des fonctions perceptuelles se changement de lignes ou des retours en arrière. Ces
ront rapportées ci-dessous. derniers se produisent notamment lors de difficultés
de compréhension du texte lu. Ces stratégies de re
La lecture s’effectuant nécessairement au même titre gard prendraient environ de 4 à 5 ans pour se mettre
que toute analyse visuelle d’objets ou de scènes re en place et s’automatiser dans le cours du primaire
quiert l’intégrité du système neuronal visuel. Selon chez un enfant normal.
Seymour (1990), l’identification des formes écrites
(lettres ou mots) dépend à la fois de la typographie La durée moyenne des saccades, telle que rapportée
utilisée (notamment la taille des lettres), de la lon par Javal, serait d’environ 35 millisecondes et leur
gueur du mot présenté, de la fréquence d’usage de longueur de 8 à 9 caractères graphiques. Elles re
celui-ci et de sa congruence (selon que le mot présenteraient environ 10 % du temps de lecture
contient ou non des combinaisons consonantiques pendant lequel l’acuité visuelle est nécessairement
impossibles à lire ou une absence de voyelles). Si l’a amoindrie et leur rôle serait de focaliser l’œil sur le
nalyseur visuel conduit à une reconnaissance satis texte à lire afin d’obtenir une analyse visuelle tou
faisante des lettres ou des groupements de lettres ou jours optimale. Quant aux fixations, leur durée serait
encore des mots dans leur globalité, le traitement se d’environ 225 millisecondes et elles permettraient de
poursuivra sur les plans phonologique ou sé saisir simultanément jusqu’à une vingtaine de carac
mantique. tères. Il est facile de concevoir que plus le lecteur est
compétent, plus la durée de ses fixations est courte
Pour évaluer le fonctionnement de l’analyseur visuel, et moins il fait de retours en arrière. Par ailleurs,
Seymour propose au lecteur des tâches de pairages plus la longueur de ses saccades augmente, plus il est
visuels (de lettres ou de mots) et de lecture de mots en mesure de survoler son texte en lecture rapide.
isolés en utilisant des mesures de temps de réaction Des facteurs cognitifs de haut niveau, liés à la
pour chacun des mots identifiés, et en faisant varier compétence du lecteur et au niveau de difficulté du
les différentes caractéristiques physiques des formes texte, interfèrent donc avec la vitesse du décodage.
écrites tel que mentionné ci-dessus. Moins l’analy
seur visuel se révèle efficace dans son traitement de Beaune a pu observer que chez certains sujets pré
l’information, plus le temps de réaction s’allonge, sentant des difficultés de lecture, les saccades sont
donc plus faible est la compétence du lecteur. très courtes, tandis que leurs temps de fixation s’al
longent et qu’ils effectuent de fréquents retours en
De façon originale, Seymour a également proposé arrière. L’auteur rapporte également des travaux ef
des arrangements spatiaux de lettres inusités (mot fectués sur l’organisation du regard de jeunes dys
écrit sur deux lignes en alternance tels z i g z a g ou à lexiques, par enregistrement électro-oculographique.
la verticale), obligeant le lecteur à une démarche Ces sujets présenteraient fréquemment une moins
séquentielle (lettre à lettre), ce qui permet mieux bonne efficience oculomotrice qui s’expliquerait aus
d’évaluer la compétence du système visuel qu’une si par un déficit de la structuration spatiale, pouvant
démarche simultanée d’identification des mots. s’accompagner d’une sorte de dyspraxie du regard
chez certains d’entre eux : l’œil reste fixé sur un mot
L’auteur rapporte plusieurs cas de sujets dyslexiques ou un groupement de mots sans qu’il puisse s’en dé
(développementaux), où il a pu mettre en évidence tacher pour passer à la séquence suivante ou, au
une atteinte du traitement visuel comme cause ma contraire, les sauts s’effectuent de façon erratique.
jeure de leurs difficultés de lecture. Ces sujets pré Parfois, le sujet rapporte aussi percevoir une distor
sentent, en effet, un allongement très sensible de sion des lettres ou même avoir l’impression que
leur temps de réaction à la fois dans les activités de celles-ci se déplacent ou encore bondissent à l’exté
pairages visuels de mots et de décodage des arrange rieur de la page.
ments spatiaux inusités. Leur temps de lecture s’al
longe également de façon indûe en fonction de la Ces troubles évoquent en fait les problématiques
longueur des mots et de leur rareté d’utilisation. Par rencontrées par les enfants INFIRMES MOTEURS CÉRÉBRAUX
opposition aux dyslexies phonologiques et lexicales (Imc) (Mazeau, 1995), même lorsque leurs troubles
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neuro-visuels sont relativement modérés : difficul l’épreuve d’intelligence, justement en raison de leur
tés de contrôle volontaire des saccades, fatigue ra habileté sur les plans perceptuel et visuo-spatial.
pide en situation de lecture, errances de recherche Notre expérience clinique nous a, toutefois, permis
visuelle, etc, même si ces enfants ne peuvent être de rencontrer un certain nombre de dyslexiques de
considérés comme véritablement dyslexiques. type lexical, dont la problématique suggère à la fois
une atteinte spécifique de la reconnaissance visuelle
Quoiqu’il en soit, cette problématique apparaît plu des structures lexicales de base ainsi qu’une faible
tôt exceptionnelle, ce qui expliquerait que plusieurs efficience au plan de la poursuite oculo-motrice no
auteurs aient complètement nié l’incidence de tamment.
troubles perceptuels dans la symptomatologie des
dyslexies. Ils remettent particulièrement en cause la Certains auteurs ont également rapporté l’incidence
vieille hypothèse visuo-spatiale d’Orton (1925), selon de l’écriture en miroir chez les dyslexiques. Le lin
laquelle les deux hémisphères cérébraux entreraient guiste Lebrun (1990) expose, au contraire, dans son
en compétition, comme si le droit percevait les article, plusieurs cas de sujets non dyslexiques pré
lettres et les mots en miroir alors que le gauche les sentant cette particularité principalement chez de
renversait pour les orienter correctement. Ces jeunes gauchers. L’auteur en conclut aussi que la
mêmes auteurs rapportent également les travaux de tendance à l’inversion spatiale des lettres entre elles
Vellutino (1979), sur l’apprentissage des lettres hé (b pour d, par exemple) ou dans leur séquence à l’in
braïques, qui conclue que la difficulté essentielle des térieur d’un mot (not pour ton, par exemple) ne peut
dyslexiques n’est pas de différencier ces caractères que très rarement être considérée comme une diffi
entre eux mais d’effectuer l’appariement visuo-ver culté propre aux seuls dyslexiques, même si elle se
bal nécessaire pour prononcer les phonèmes cor présente chez certains d’entre eux. Cette inversion
respondants, ce qui évoque toujours une difficulté de proviendrait le plus souvent d’une tendance natu
pairage graphème-phonème propre aux dyslexiques relle et temporaire à balayer la ligne du regard de
phonologiques. Van Hout (1994) va même jusqu’à droite à gauche, propre à ces enfants, et qu’on aurait
conclure que l’hypothèse d’un déficit dans le traite souvent avantage à ne pas contrecarrer, selon cet au
ment visuo-spatial doit être généralement abandon teur.
née pour la dyslexie : au contraire, c’est l’hypothèse
opposée qui tendrait à prévaloir, puisque les dys De la même façon, les troubles de la latéralité,
lexiques présentent le plus souvent une supériorité comme ceux du schéma corporel ou une écriture dé
dans ce domaine. Les mêmes allégations se re fectueuse, sont considérés par Estienne (1982)
trouvent chez Shaywitz (1996), ainsi que chez Gré comme des facteurs associés occasionnellement, plu
goire et Piérart (1994), qui s’appuient le plus souvent tôt que des déficits en relation causale avec un
sur le fait que ces mêmes enfants ont tendance à trouble de nature dyslexique.
avoir un quotient non verbal supérieur au verbal à
LES DYSORTHOGRAPHIES
L’évaluation de l’orthographe semble avoir donné caractère beaucoup moins prévisible que la lecture,
lieu à beaucoup moins de recherches théoriques et en raison du grand nombre de variantes possibles
d’études cliniques que celle de la lecture. Ceci parait dans la transcription phonémique d’un même mot
dû au moins en partie au fait que la catégorisation (exemple police pourrait s’écrire pollisse, polisse,
des « fautes d’orthographe » se révèle très variable paulisse, potlice, etc). Ceci s’avère particulièrement
d’un auteur à l’autre, ces fautes étant le plus souvent vrai dans la langue française où, d’après l’étude de
inconstantes chez le même enfant d’une séance d’é Véronis (1988), le seul recours aux règles de conver
valuation à l’autre. Quel adulte, même normal et sion phonème-graphème ne permettrait d’écrire
cultivé, ne fait pas d’ailleurs encore à l’occasion cer qu’environ 50 % des mots de la langue ; on peut
taines erreurs, comme on peut le réaliser en effec donc considérer que la maîtrise de l’orthographe
tuant les dictées-pièges de Bernard Pivot ? L’écriture sollicite des ressources cognitives considérables.
correcte des mots de la langue présente, en effet, un
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trise de connaissances spécifiques qui dépassent de D’autres formes de dysgraphies ont également été
loin les simples règles de conversion phonèmes-gra répertoriées, toujours chez l’adulte :
phèmes. dysgraphies aphasiques (co-occurrence des
troubles du langage oral et du langage
Quant à la procédure d’assemblage en orthographe, écrit) ;
elle nécessiterait un recours à la mémoire tampon dysgraphies apraxiques (touchant l’acte d’é
phonologique pour effectuer une segmentation pho criture) ;
nologique et sélectionner une correspondance pos dysgraphies spatiales (perturbant les
sible graphémique (généralement, l’association la aspects spatiaux de l’écriture, tels l’emplace
plus courante phonème-graphème). Ce serait la voie ment des lettres ou des mots sur la ligne ou
habituellement utilisée pour écrire sous dictée un sur la feuille).
mot nouveau ou un nom propre inhabituel. La pro
duction écrite, résultant de ces deux procédures, s’ef Cependant, bien qu’un certain nombre de cas cli
fectuerait par l’activation des programmes moteurs niques aient permis d’identifier des déficits sélectifs
correspondants aux aspects spatiaux des lettres et à (au niveau de la lecture, de l’orthographe, de l’écri
leur déroulement temporel à l’intérieur des mots. ture ou de l’épellation), la pratique neuropsycholo
Elle serait largement automatisée. gique amène plutôt à rencontrer chez un même pa
tient des altérations fonctionnelles multiples. De
Dans le cas des adultes cérébro-lésés, des sympto plus, comme pour les troubles acquis de la lecture,
matologies différenciées correspondantes à ces deux Black et Behmann (1994) ont observé une impor
procédures ont pu être identifiées. Les auteurs tante variabilité d’un cas à l’autre dans la localisation
parlent alors plutôt de dysgraphies et on y retrouve des lésions cérébrales apparemment responsables
des dénominations similaires aux symptomatologies des dysorthographies acquises par leurs patients.
de lecture : Les modèles neuro-anatomiques demeureraient
dysgraphies lexicales (ou orthographiques, donc encore largement peu applicables à la compré
ou encore de surface), résultantes de l’at hension des mécanismes tant en lecture qu’en écri
teinte des procédures d’adressage. ture.
dysgraphies phonologiques, reflétant l’at
teinte des procédures d’assemblage ;
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De façon générale, par contre, les troubles de l’ortho nologique d’une dysorthographie lexicale. Cepen
graphe apparaissent au moins aussi sévères, sinon dant, le plus souvent, les erreurs commises se carac
plus, que les troubles de lecture chez les sujets dys térisent plutôt par leur grande diversité et le fait que
lexiques. Les auteurs parlent alors de dysorthogra celles-ci perdurent bien au-delà de la période nor
phie développementale, laquelle résulterait généra male d’apprentissage de ces habiletés, en particulier
lement d’une discontinuité entre les procédures al lorsque le sujet doit tenir compte des contraintes
phabétique et orthographique. Dans un grand contextuelles dans l’application des règles. Notre
nombre de cas, les erreurs du sujet proviendraient pratique nous amène, en effet, à considérer que la
de l’application d’une stratégie alphabétique souvent sévérité de certaines problématiques tant en lecture
inappropriée, en particulier pour les mots irrégu qu’en écriture, justifie entièrement à notre avis un
liers, dont l’enfant ne parvient pas à évoquer les re bilan neuropsychologique de toutes les fonctions
présentations orthographiques. Dans d’autres cas, éventuellement impliquées dans ces apprentissages.
alors que les mécanismes de lecture semblent s’être Le diagnostic d’une forme de dyslexie ou de dysor
bien installés, la persistance des erreurs lexicales thographie requiert une investigation plus ex
dans les productions écrites semble refléter une haustive qu’une simple analyse d’erreurs. C’est ce
forme de dysorthographie de surface sans dyslexie que nous traiterons dans la section suivante.
adjacente. Ainsi, comme pour les adultes, il est par
fois possible de différencier un dysorthographie pho
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PRINCIPES DE RÉÉDUCATION SUGGÉRÉS
Comme pour l’évaluation directe de la lecture et de la langue. Ils se sont même avérés en mesure d’effec
l’écriture, la prise en charge rééducative est le plus tuer, sans aide particulière, une activité d’inversion
souvent assumée par les orthophonistes et/ou par phonémique qui n’avait jamais été pratiquée dans les
les orthopédagogues. Nous référerons donc le lecteur séances d’entraînement précédentes.
aux ouvrages traitant spécifiquement des méthodes
de rééducation et ils sont légion. À titre indicatif, le Ainsi, non seulement les enfants du groupe expé
chapitre d’Estienne (1982) consacré au diagnostic de rimental dépassèrent-ils rapidement ceux du groupe
la dyslexie et à sa rééducation apparaît particulière contrôle dans leur capacité à décoder des non-mots,
ment bien documenté. Le lecteur trouvera également mais leurs habiletés de conscience phonologique
toute une section sur son traitement dans l’ouvrage pouvaient être considérées en fin de rééducation tout
de Anne Van Hout et Françoise Estienne (1994), qui à fait similaires à celles des enfants normaux débu
recouvre toutes sortes d’approches, des pédago tant leur première année. L’étude de Courcy et Bé
giques aux psychothérapeutiques, en passant par les land se poursuit à présent afin d’évaluer quels seront
cognitivistes et neurologiques. les effets à moyen et long terme d’un tel entraîne
ment sur les compétences ultérieures de ces enfants
Certaines pistes de recherches, de nature tant pré en lecture.
ventive que curative, sont également à mentionner
telle la découverte qu’une amélioration significative Le fait d’être neuropsychologues ne nous empêche
des performances en conscience phonologique, mais évidemment pas de considérer pour chaque enfant
aussi en lecture a été obtenue par Alexander et ses dyslexique la résonance intime du drame que consti
collaborateurs (1991) en entraînant les sujets à déve tue un échec scolaire, surtout pour un sujet intelli
lopper une conscience articulatoire. Ainsi, amener gent. Cependant, bien qu’un trouble de la relation
l’enfant dyslexique à prendre conscience de la posi maître-élève ou la persistance de graves problèmes
tion et des mouvements de ses organes bucco-pho familiaux puissent être des facteurs entravant l’ap
natoires (langue, dents et lèvres) dans la production prentissage scolaire, ils ne sauraient être considérés
d’un phonème, améliorerait ses capacités métacogni comme responsables d’une dyslexie, telle qu’elle a
tives et son efficience en lecture. été présentée dans ce chapitre. Ces conditions ne
sauraient être, en effet, que des conditions aggra
Travaillant auprès d’une clientèle d’enfants québé vantes et non déclenchantes.
cois francophones de 6 ans en risque d’éprouver des
difficultés spécifiques d’apprentissage de la lecture, Ceci dit, même lorsque tous les facteurs environne
Courcy et Béland ont mis sur pied un programme mentaux apparaissent favorables, le pronostic de ré
spécifique d’entraînement à la conscience phonolo éducation d’un dyslexique semble difficile à établir à
gique. Ces enfants ont été pairés à un groupe cont partir du simple bilan diagnostic. Les facteurs qui
rôle présentant des difficultés similaires, de même sembleraient les plus prometteurs pourraient être les
âge chronologique et de même niveau intellectuel, suivants :
sur la base d’examens tant psychologiques qu’ortho précocité de l’intervention (dès 7 ans,
phoniques. Leur groupe expérimental a participé à lorsque le trouble se manifeste de façon
un programme intensif d’une durée de dix semaines. massive) ;
Ce dernier comprenait des tâches variées et lu fréquence de la rééducation : chaque jour 30
diques, impliquant différentes manipulations qui minutes semble préférable à 2 heures, une
concernaient à la fois l’unité-syllabe et le phonème fois par semaine ;
(segmentation, fusion, inversion, etc). répétitivité des exercices : son but est d’auto
matiser les productions de l’enfant, pour af
L’originalité de cette démarche reposait, entre fecter le plus possible l’énergie sur des acti
autres, sur l’utilisation exclusive de non-mots afin de vités de raisonnement, de conceptualisation
mobiliser toute l’attention des sujets sur les caracté et de mise en place de stratégies associatives
ristiques sonores (phonologiques) du matériel verbal compensatoires ;
qui leur était proposé. De plus, une attention parti utilisation maximale de modalités multisen
culière était accordée au contrôle des structures syl sorielles : visuelle, auditive, tactile, kinesthé
labiques des stimuli présentés, pour les rendre très sique, pour créer de multiples entrées
similaires à celles de la langue française (CV, CVCV, mnésiques (mémoire contextuelle) et les
CVCCV…). charger de sens à travers des pictogrammes
ou des anecdotes ;
Comparativement au groupe contrôle, qui est de renforcement des fonctions préservées chez
meuré entièrement stationnaire au plan des habile l’enfant plutôt qu’acharnement systématique
tés de traitement phonologique, les enfants ayant bé à réduire ses déficits.
néficié de cette approche ont amélioré de façon très
significative leurs capacités de manipuler les sons de
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Ceci dit, nous pensons avec F. Estienne qu’il de tistiques soient entreprises pour objectiver et com
meure important d’éviter des traitements qui n’en fi parer les différentes méthodes de rééducation, sur
nissent pas, en établissant dès le départ un contrat tout si les procédures diagnostiques permettent de
de durée limitée entre l’enfant et le thérapeute, re plus en plus de sélectionner les critères sur lesquels
nouvelable d’un commun accord. Nous l’appuyons s’appuyer pour constituer des groupes homogènes.
également lorsqu’elle souhaite que des études sta
CONCLUSION
Un apprentissage réussi de la lecture et de l’ortho Le drame des sujets dyslexiques se joue, en effet, à la
graphe est de façon certaine la résultante de proces fois au niveau de la lecture et de l’écriture. Ne parve
sus mentaux complexes impliquant, ensemble ou nant pas à se libérer des exigences instrumentales
isolément, des capacités de segmentation pho propres au décodage ou à la transcription fidèle des
némique et de représentation orthographique des mots de la langue, leur pensée ne peut s’exprimer
mots de la langue. La mise en place de ces habiletés avec toute la souplesse que devrait permettre l’usage
suppose, par ailleurs, de la part du sujet qu’il puisse de l’écrit dans une démarche de réflexion et de men
développer, à travers l’expérience de plus en plus talisation. Pour que cette barrière ne demeure pas
précise de la structure orthographique de ces mots, insurmontable, tous les efforts sont requis tant au
des souvenirs d’évocations de nature auditive, vi niveau des chercheurs que des cliniciens pour ac
suelle et/ou kinesthésique (graphesthésique). Plus la céder à une véritable compréhension de ces problé
réactivation de ces souvenirs s’effectuera de façon matiques et identifier, au cas par cas, les meilleures
automatisée, plus la recherche nécessaire de la signi stratégies qui devraient permettre d’améliorer l’effi
fication sera rendue possible tant au lecteur qu’au cience des comportements de lecture aussi bien que
scripteur. d’écriture.
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