Prise en Charge de L'accident Ischémique Cérébral

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Réanimation 2002 ; 11 : 502-8

© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés


S1624069302002864/SSU

MISE AU POINT

Prise en charge de l’accident ischémique cérébral


du sujet jeune en urgence : aspects étiologiques
et thérapeutiques

A. Goupil1*, B. Bourghol1, N. Derouet2, C. Savio3, P. Bourrier2


1
Service d’explorations fonctionnelles du système nerveux, centre hospitalier, 194, avenue Rubillard, 72037 Le Mans
cedex 1, France; 2 Service d’accueil et d’urgences, centre hospitalier, 194, avenue Rubillard, 72037 Le Mans cedex 1,
France; 3 Service d’aide médicale urgente, service mobile d’urgence et de réanimation, centre hospitalier, 194, avenue
Rubillard, 72037 Le Mans cedex 1, France

(Reçu le 30 juin 2002 ; accepté le 19 juillet 2002)

Résumé
Introduction. – L’accident cérébral ischémique (AIC) du sujet âgé de moins de 55 ans représente 10 % des accidents
vasculaires cérébraux tous âges confondus. Contrairement à celle du sujet plus âgé, l’incidence annuelle tend à
augmenter mais le pronostic vital et fonctionnel est meilleur.
Actualités et points forts. – L’étiologie des AIC du sujet jeune est dominée par les dissections artérielles, les
cardiopathies emboligènes et l’athérosclérose. Dans 30 à 40 % des cas, aucune cause n’est retrouvée. La prise en
charge en urgence repose sur le contrôle des fonctions vitales et le dépistage des complications aiguës. Le scanner
cérébral, sans injection de produit de contraste, est indispensable pour éliminer une hémorragie cérébrale. Les
indications de la thrombolyse intraveineuse par rt-PA impliquent un délai d’admission inférieur à trois heures après le
début des symptômes dans un centre hospitalier référent.
Perspectives et projets. – La prise en charge rapide dans les unités neurovasculaires permettrait à l’avenir de réduire
les risques liés aux complications et de débuter la rééducation le plus tôt possible afin d’améliorer le pronostic de ces
patients. En attendant la multiplication de ces unités, il faut dès maintenant optimiser la prise en charge par toutes les
filières de soins actuelles. La diffusion de recommandations consensuelles est indispensable. © 2002 Éditions
scientifiques et médicales Elsevier SAS

accident ischémique cérébral / étiologie / sujet jeune / thrombolyse intraveineuse / urgence

Summary – Emergency care in young patients with acute stroke.


Introduction. – Acute ischemic stroke of patients less than 55 year old, represents 10% of the ischemic stroke in the
general population. By contrast with the incidence in older patients, the annual incidence is on the increase but the vital
and functional prognosis is better.
News horizons and prospects. – Etiologies of stroke in young patients are dominated by cervical artery dissections,
heart disorders and arterioscleroses. No cause is found in 30 to 40% of the cases. Care to emergency patients involves
the control of the vital constants and the detection of acute complications. Brain imaging by scanner without injection
is compulsory to eliminate a brain hemorrhage. The indications of intravenous thrombolysis by rt-PA are subordinated
to an admission delay within three hours after the beginning of the symptoms in stroke centers. In the forthcoming years,
the care in neurovascular units will allow to reduce risks related to complications and to begin rehabilitation as soon as

*Correspondance et tirés à part.


Adresse e-mail : [email protected] (A. Goupil).
AVC ischémique du sujet jeune en urgence 503

possible to improve the prognosis of these patients. Meanwhile, we have to improve the management care as early as
possible in trained units. Recommendations by consensus are essential. © 2002 Éditions scientifiques et médicales
Elsevier SAS

emergency / etiology / intravenous thrombolysis / ischemic stroke / young patient

ÉPIDÉMIOLOGIE Tableau I. Étiologie des AIC selon la classification TOAST [5].


Étiologie
Les accidents ischémiques cérébraux (AIC) du sujet TOAST I Athérome
jeune représentent 10 % des AIC tous âges confondus TOAST II Cardiopathie emboligène
[1]. Après 45 ans, les accidents ischémiques cérébraux TOAST III Lacune
(AIC) sont cinq fois plus nombreux que les accidents TOAST IV Autres causes*
TOAST V Indéterminée
hémorragiques [2] alors que la proportion est la même Bilan incomplet
avant 45 ans. Nous excluons l’hémorragie méningée et Causes multiples
la thrombose veineuse cérébrale (TVC) même si celle-ci Bilan négatif
peut mimer un AIC. La TVC touche la femme jeune et AIC : accident ischémique cérébral ; TOAST : Trial of Org 10172
se révèle par des céphalées, des crises comitiales et un in Acute Stroke Treatment.
déficit moteur à bascule [3]. L’incidence de l’AIC du * Autres causes : dissections artérielles, affections hématologiques
sujet jeune est variable selon les études en raison de la et désordres immunologiques.
limite d’âge prise en compte (45 ou 55 ans). Elle est
estimée entre 3 à 10/100 000 aux États-Unis et entre 13
à 24/100 000 en Europe [1]. Les patients de 45 à 55 ans
sont particulièrement exposés du fait de la fréquence de 40 ans en moyenne par des céphalées, des cervical-
accrue de l’athérosclérose et du tabagisme dans cette gies, un signe de Claude-Bernard Horner, des acouphè-
tranche d’âge. Contrairement à celle du sujet âgé qui nes, des dysesthésies dans le territoire du V1, une
diminue, l’incidence reste stable ou même augmente paralysie des dernières paires crâniennes ou une amau-
chez l’adulte jeune. Cela est probablement lié aux amé- rose monoculaire. Tout AIC « douloureux » doit faire
liorations diagnostiques (meilleure détection des AIC évoquer le diagnostic de dissection. L’examen Doppler
de petite taille par l’imagerie par résonance magnétique, continu permet de faire le diagnostic d’une sténose
IRM) mais aussi à la difficulté d’une prévention pri- serrée ou d’une occlusion de l’artère carotide interne. Le
maire efficace des facteurs de risque chez le sujet jeune Doppler cervical couplé à l’échographie et le Doppler
[4]. transcrânien permettent de diagnostiquer sténoses et
occlusions artérielles, de préciser le siège et l’extension
d’une occlusion et d’en rechercher la cause (athérome,
ÉTIOLOGIE dissection, thrombus endoluminal) [7]. L’IRM, l’angio-
graphie par résonance magnétique (angio-MR), l’arté-
Les causes des AIC de l’adulte jeune sont réparties en riographie cérébrale ou le scanner hélicoïdal affirment le
cinq diagnostics principaux selon la classification diagnostic [8, 9].
TOAST, Trial of Org 10172 in Acute Stroke Treatment,
utilisée dans la plupart des études sur les AIC [5, 6]
Cardiopathies emboligènes
(tableau I). Les plus fréquentes sont les dissections
artérielles, les cardiopathies emboligènes et l’athérosclé-
rose. La proportion d’AIC d’étiologie indéterminée La fréquence est de 12 à 34 % [10]. Les arguments
reste importante, variable selon les études, de 30 à 40 % cliniques et paracliniques évocateurs d’un AIC d’ori-
[2, 4, 6] et dépend autant des moyens diagnostiques mis gine cardiaque sont décrits dans le tableau II. Les car-
en oeuvre que des critères d’imputabilité du diagnostic. diopathies emboligènes sont réparties selon leur risque
élevé ou modéré (tableau III). Seules les cardiopathies
emboligènes à risque élevé ont une imputabilité cer-
Dissections cervicales artérielles taine dans l’AIC. La fibrillation auriculaire (FA) est
rarement en cause dans les AIC du sujet jeune, repré-
La fréquence varie de 20 à 25 % [2, 4]. Elles sont sentant seulement 1 à 10 % des cardiopathies emboli-
post-traumatiques ou spontanées sur artère saine, plus gènes, alors qu’elle est responsable de 60 % des AIC
rarement associées aux artériopathies (dysplasies fibro- d’origine cardiaque tout âge confondu [11]. La fré-
musculaires ou élastopathies). Elles sont révélées à l’âge quence des événements asymptomatiques non détectés
504 A. Goupil et al.

Tableau II. Signes évocateurs d’un AIC d’origine cardiaque [4]. Athérosclérose
Absence d’AIT précurseurs dans le même territoire vasculaire
Antécédents d’AIC corticaux dans d’autres territoires vasculaires C’est la troisième cause d’AIC de l’adulte jeune. Les
Début brutal et déficit d’emblée maximal signes cliniques d’appel sont des accidents ischémiques
Troubles de la vigilance dans 30 % des cas
Mise en évidence d’une cause cardiaque emboligène transitoires précessifs ipsilatéraux et la présence d’un
Occlusion artérielle distale sans athéromatose d’aval souffle cervical. La fréquence est de 10 % si l’on consi-
Infarctus cortical hémorragique dans le territoire sylvien ou dère un degré de sténose artérielle intra ou extracrâ-
vertébrobasilaire nienne d’au moins 50 % correspondant au territoire
AIT : accident ischémique transitoire ; AIC : accident ischémique cérébral atteint [10]. Les AIC liés à l’athérosclérose sont
cérébral. exceptionnels avant l’âge de 30 ans, mais augmentent
avec l’âge et la présence de facteurs de risque tels que
tabagisme, dyslipidémie, diabète, hypertension arté-
Tableau III. Classification des cardiopathies emboligènes [5]. rielle (HTA), migraine et contraception orale [4, 6].
Risque élevé L’AIC migraineux est défini par la présence habituelle
Valve prothétique mécanique d’une migraine avec aura, la persistance d’un déficit
Rétrécissement mitral avec fibrillation auriculaire neurologique persistant plus de sept jours ou la pré-
Fibrillation auriculaire sence d’une lésion ischémique dans la zone appropriée
Thrombus de l’oreillette / de l’auricule gauche
Maladie du sinus
et l’absence d’autres causes d’AIC. Le risque relatif
Infarctus du myocarde récent (< 4 semaines) d’AIC de la femme jeune sous contraceptifs oraux est
Thrombus du ventricule gauche faible mais ce risque augmente avec l’association tabac
Akinésie du ventricule gauche et HTA [17]. Le risque d’AIC est plus élevé en postpar-
Myxome de l’oreillette tum [18]. L’hyper-homocystinémie semble aussi être
Endocardite infectieuse un facteur de risque d’athérosclérose [19].
Risque modéré
Prolapsus de la valve mitrale
Calcifications de l’anneau mitral Autres causes
Rétrécissement mitral sans fibrillation auriculaire
Contraste spontané de l’oreillette gauche Il s’agit des affections hématologiques, représentant
Foramen ovale perméable 5 % des AIC, par la modification de l’hémostase ou
Anévrisme du septum inter-auriculaire
l’hyperviscosité sanguine qu’elles entraînent. Le syn-
Flutter auriculaire
Fibrillation auriculaire paroxystique drome des anticorps anti-phospholipides est une autre
Valve prothétique biologique cause [18]. Les déficits en protéine C et S, acquis ou
Endocardite thrombotique non bactérienne familiaux, sont des marqueurs de thrombose veineuse
Insuffisance cardiaque congestive et le risque artériel reste incertain [20]. Les accidents
Hypocinésie du ventricule gauche lacunaires liés à une artériolopathie cérébrale hyperten-
Infarctus du myocarde > 4 semaines et < 6 mois
sive sont beaucoup moins fréquents que chez les sujets
plus âgés (respectivement 2 % et 15 %). Les autres
causes sont les artérites inflammatoires et la prise de
toxiques tels que les opiacés et la cocaïne.
[12] et la faible rentabilité en général de l’enregistre-
ment du rythme cardiaque selon la technique de Holter
[11] peuvent en partie expliquer cette différence. Cer- PRISE EN CHARGE DE L’AIC EN URGENCE
taines anomalies telles que le foramen ovale perméable
(FOP) ou l’anévrisme du septum interauriculaire Elle nécessite le contrôle des fonctions vitales, la mise en
(ASIA) ont un rôle emboligène incertain. Le FOP est route du traitement spécifique, la prévention et le trai-
significativement plus fréquent dans les AIC de l’adulte tement des complications. Le transport du patient doit
jeune que dans la population générale [13]. Son rôle est se faire le plus rapidement possible vers l’hôpital dans le
évoqué par le mécanisme de l’embolie paradoxale, c’est- service d’accueil et d’urgences (SAU) le plus proche,
à-dire le passage d’un caillot veineux dans la circulation après appel du centre 15. Le transport doit être médi-
générale [14, 15]. Il existe un lien significatif entre la calisé en cas de troubles de la conscience avec un score
présence d’une hyperexcitabilité auriculaire (facilité de de Glasgow inférieur à 8/15. En cas de nausées et
déclenchement de FA) et l’existence de FOP et d’ASIA vomissements, il peut s’agir d’un infarctus cérébelleux
dans l’AIC de l’adulte jeune. La survenue de FA spon- oedémateux avec recours au traitement chirurgical en
tanée est alors possible avec formation de thrombus urgence. À l’admission au SAU, l’HTA constatée ne
intracardiaque et embolie à travers le FOP [16]. doit pas être traitée sauf s’il y a oedème aigu du pou-
AVC ischémique du sujet jeune en urgence 505

mon, dissection aortique ou infarctus du myocarde saignement intratumoral, une encéphalite, une throm-
aigu. L’hyperthermie et l’hyperglycémie doivent être bose veineuse cérébrale et une hémorragie sous-
traitées. arachnoïdienne peuvent être suspectés. Les signes
Si le patient est admis au SAU moins de trois heures précoces d’ischémie cérébrale doivent être recherchés. Il
après le début des symptômes, dans un centre hospita- s’agit de l’atténuation de la densité des noyaux gris
lier référent, il faut systématiquement envisager la centraux ou du ruban insulaire, de l’absence de diffé-
thrombolyse intraveineuse par recombinant tissue plas- rentiation blanc-gris et de l’effacement des sillons.
minogen activator rt-PA. Les moyens requis pour ces L’IRM en urgence dans la prise en charge de l’AIC (à la
centres accueillant les AIC aigus sont décrits dans les place du scanner) devient indispensable mais n’est pas
tableaux IV et V. Le patient est alors confié au médecin encore utilisée en routine. Elle établit le diagnostic de
compétent en neurologie vasculaire de garde [21]. L’exa- façon très sensible et spécifique avec les séquences
men clinique évalue la fonction respiratoire et cardio- FLAIR et de diffusion, et permet même de détecter une
circulatoire. L’examen neurologique évalue la sévérité hémorragie éventuelle. L’IRM mesure l’étendue de la
et le territoire de l’AIC et établit le score clinique du pénombre ischémique (zone susceptible de récupérer
NIHSS (National Institute of Health Stroke Score) [22]. lors de la thrombolyse) et la sévérité des lésions isché-
La sévérité de l’AIC et son pronostic sont corrélés à la miques déjà constituées, facteur essentiel du risque
sévérité du déficit neurologique. Une hémiplégie mas- hémorragique au cours de la thrombolyse [23].
sive avec déviation de la tête et des yeux, des troubles de L’angio-RM du polygone artériel de la base du crâne
la vigilance, un signe de Babinski bilatéral (atteinte peut montrer une éventuelle occlusion en précisant son
controlatérale), une asymétrie pupillaire sont des fac- siège. La rapidité d’exécution des différentes séquences,
teurs de mauvais pronostic [3]. L’examen cardio- environ dix minutes, ne doit pas faire oublier les contre-
vasculaire recherche une origine cardiaque, aortique ou indications de l’IRM et le fait que le patient doit rester
artérielle cérébrale. Afin de ne pas retarder le scanner, le totalement immobile, ce qui pose le problème de la
bilan de première intention est réduit au minimum sédation. La thrombolyse doit être débutée après le
avec NFS et plaquettes, ionogramme sanguin, glycé- consentement éclairé du patient ou de son plus proche
mie, TP, TCA, INR, ECG et saturation en oxygène [3]. parent (en cas d’aphasie). La dose à injecter est de
Le scanner cérébral sans injection de produit de 0,9 mg/kg sans dépasser 90 mg, avec 10 % de la dose en
contraste, réalisé en urgence, recherche une hémorragie bolus, suivi d’une perfusion de 60 minutes avec sur-
intracérébrale. D’autres affections telles qu’un abcès, un veillance de la pression artérielle. La mise en route de la
thrombolyse exige que les 11 conditions (recomman-
dations de la Société française neurovasculaire, tableau
Tableau IV. Minimum requis pour l’accueil des AIC en urgence [7].
VI) soient respectées en totalité [21]. Le risque d’hémor-
Scanner disponible 24 h/24 ragie intracérébrale symptomatique est multiplié par
Recommandations écrites pour le traitement des AIC et procédures 3,2. Les facteurs de risque sont un déficit neurologique
opératoires écrites
Collaboration étroite entre neurologues, internistes, neuroradiolo- sévère, des signes précoces au scanner montrant une
gues et neurochirurgiens dans l’évolution et le traitement ischémie de plus du tiers du territoire de l’artère syl-
Personnel infirmier spécialisé et formé vienne, un effet de masse et un âge supérieur à 80 ans
Rééducation précoce avec orthophonie, ergothérapie et kinésithé- [22]. Une formation neurovasculaire est indispensable
rapie pour le médecin prenant la décision de la thrombolyse
Réseaux de soins formalisés avec services de rééducation
Examen ultrasonographique disponible dans les 24 h (y compris [21] portant sur le score du NIHSS, la reconnaissance
Doppler transcrânien) des signes précoces d’ischémie sur le scanner et le pro-
Électrocardiographie et échocardiographie dans les 24 h tocole de traitement de l’HTA. La thrombolyse dans les
Examens de biologie avec bilan de coagulation et gaz du sang dissections ne semble pas comporter de risques spécifi-
Surveillance continue de la pression artérielle, glycémie et tempé- ques, soit par voie intraveineuse, soit par thrombolyse
rature corporelle
intra-artérielle locale [24]. Les occlusions aiguës du
tronc basilaire peuvent être traitées par traitement intra-
artériel dans certains centres disposant du plateau tech-
Tableau V. Moyens supplémentaires requis pour les Unités d’Urgen-
ces Neurovasculaires [7].
nique adéquat [22].
Au-delà de trois heures après le début des symptômes,
Imagerie par résonance magnétique/ angiographie par résonance
magnétique la thrombolyse intraveineuse par rt-PA est contre-
IRM de diffusion et perfusion indiquée. Le patient bénéficie également rapidement
Échocardiographie transœsophagienne du scanner cérébral. L’examen Doppler continu et trans-
Angiographie cérébrale crânien recherche rapidement une cause artérielle, sur-
Doppler transcrânien tout si une dissection carotidienne est suspectée pour
506 A. Goupil et al.

Tableau VI. Indications et contre-indications de la thrombolyse intraveineuse. Recommandations de la Société française neurovasculaire [21].
- Le traitement de l’AIC par la streptokinase est à l’origine d’une surmortalité par hémorragie cérébrale. Nous déconseillons l’utilisation de la
streptokinase dans l’AIC en dehors du cadre d’un essai clinique.
- Le traitement de l’AIC par le rt-PA, moins de 3 h après le début des symptômes, accroît les chances des malades de regagner leur indépendance
sans augmenter leur mortalité. L’efficacité du traitement au-delà de la troisième heure n’est pas établie. Le traitement ne doit pas être
administré si l’heure de début des symptômes ne peut être déterminée avec précision.
- Le traitement par le rt-PA n’est pas recommandé chez les malades qui présentent un des critères d’exclusion de l’essai du NINDS : traitement
anticoagulant oral en cours ou INR > 1,7 ; traitement par héparine au cours des 24 h précédant l’AIC et allongement du TCA,
plaquettes < 100 000/mm ; un autre AVC ou un traumatisme crânien sévère au cours des trois mois précédents ; pression artérielle
systolique > 185 ou pression artérielle diastolique >110 au moment d’administrer le traitement ; déficit neurologique en voie de régression ou
mineur ; antécédent d’hémorragie intracrânienne ; glycémie < 0,5g/L ou > 4g/L ; crise d’épilepsie lors de l’installation de l’AIC ; hémorragie
digestive ou urinaire au cours des 21 j précédents ; infarctus du myocarde récent ; ponction récente d’un vaisseau non compressible.
- L’effet favorable du rt-PA apparaît malgré une augmentation de l’incidence des hémorragies cérébrales graves chez les malades traités. Le
risque d’hémorragie cérébrale grave est particulièrement élevé chez les patients avec scanner montrant des signes étendus d’ischémie (plus du
tiers du territoire de l’artère cérébrale moyenne), la thrombolyse est alors déconseillée.
- Le traitement est à éviter en cas de score supérieur à 22 sur l’échelle du NIHSS ou en cas de coma profond du fait de l’incidence plus élevée
d’hémorragie cérébrale grave symptomatique.
- L’incidence de hémorragies cérébrales graves est accrue chez les sujets âgés. Le rapport bénéfice/risque du traitement doit être soigneusement
évalué chez les patients de plus de 80 ans.
- Nous ne pouvons faire de recommandations chez les femmes enceintes et les malades de moins de 18 ans car ils étaient exclus des essais
cliniques.
- Les traitements antihypertenseurs doivent être utilisés avec prudence dans un contexte d’ischémie cérébrale aiguë selon un protocole précis
décrit.
- Les résultats obtenus dans le cadre des essais cliniques n’ont été reproduits en pratique courante que dans les centres spécialisés dans la prise
en charge des AVC. Nous recommandons que la prescription de rt-PA dans le traitement de l’AIC soit réservé aux neurologues dont la
compétence neurovasculaire est reconnue. Nous recommandons que le traitement soit administré dans les unités neurovasculaires avec une
surveillance continue de l’état neurologique et de la tension artérielle.
- Le traitement ne doit être administré que dans un environnement permettant la prise en charge immédiate d’une complication
hémorragique. Toute aggravation neurologique pendant l’administration du rt-PA impose son arrêt immédiat et la pratique d’un scanner
cérébral. En cas de complication hémorragique, une prise de sang doit être effectuée pour les tests d’hémostase.
- Les patients traités par anticoagulant oral et ceux traités par héparine et qui ont un allongement du TCA au moment de la survenue de l’AIC
ne doivent pas être traités. Le risque d’hémorragie cérébrale ne semble pas augmenté chez les malades qui suivent un traitement par aspirine
lorsque L’AIC est survenu. Ces patients peuvent être traités par rt-PA. En l’absence de données suffisantes, il n’est pas possible de faire les
recommandations concernant les malades traités par d’autres antiplaquettaires que l’aspirine. Tous les traitements antiplaquettaires et les
traitements par héparine sont contre-indiqués au cours des 24 h suivant l’administration du rt-PA.
AIC : accident ischémique cérébral ; NINDS : National Institute of Neurological Disorders and Stroke ; NIHSS : National Institute Health
Stroke Score.

débuter l’héparinothérapie [3]. Si cet examen est nor- brales (même hémorragiques) et les déficits connus en
mal, une cause cardiaque est possible. L’échocardiogra- protéine C et S et résistance à la protéine C activée.
phie trans-thoracique doit alors être réalisée rapidement Aucun agent neuroprotecteur n’a fait la preuve de son
en cas de suspicion d’endocardite infectieuse, de pré- efficacité [22].
sence de prothèse valvulaire, d’embolies systémiques
multiples, et de suspicion de dissection aortique [3]. PRÉVENTION ET TRAITEMENT DES COMPLICATIONS
L’échographie transœsophagienne peut se réaliser de
façon moins urgente, à la recherche d’anomalies septa- Ceci joue un rôle très important dans la prise en charge
les cardiaques, d’un thrombus ou d’un contraste spon- de l’AIC. Le premier geste est la pose d’une perfusion
tané de l’oreillette gauche et est plus sensible en cas intraveineuse de sérum physiologique pour permettre
d’AIC d’étiologie indéterminée [25]. Le traitement anti- toute injection urgente. La première complication en
plaquettaire par aspirine à la dose de 100 à 300 mg/j est fréquence est la fausse route avec pneumopathie de
indiqué après un AIC, quel qu’en soit le type, en déglutition qui s’observent chez les patients avec trou-
l’absence de contre-indications. Le traitement par hépa- bles de la vigilance ou bien avec un réflexe nauséeux ou
rine non fractionnée à fortes doses ou par héparine de du voile du palais altéré. L’alimentation orale doit être
bas poids moléculaire (HBPM) n’est pas recommandé retardée de 48 heures avec mise en place d’une sonde
systématiquement pour tous les AIC. Les indications de nasogastrique au-delà de ce délai. Les troubles de déglu-
l’héparine sont, par accord professionnel, les cardiopa- tition peuvent être détectés par vidéofluoroscopie chez
thies à fort risque de récidive embolique, les dissections 50 % des patients dans les premiers jours. Le maintien
artérielles, les sténoses athéromateuses symptomatiques de la fonction vésicale est essentiel en cas de rétention
avec AIC en évolution, les thromboses veineuses céré- aiguë d’urines (par sonde ou par cathéter suspubien).
AVC ischémique du sujet jeune en urgence 507

Toute infection urinaire doit être traitée mais le traite- de la dépendance. Le bénéfice est observé indépendam-
ment prophylactique n’est pas justifié. La prévention de ment de l’âge, du sexe et de la gravité de l’AIC ; il se
l’embolie pulmonaire et de la thrombose veineuse pro- maintient jusqu’à dix ans après et les patients qui sur-
fonde est capitale, l’embolie pulmonaire étant respon- vivent n’ont pas de risque accru de récidive ou de
sable de 25 % des décès après AIC [21]. La tachypnée et handicap à long terme [26].
la douleur thoracique sont de bons signes cliniques à
détecter. Il est recommandé le port de bas de conten- CONCLUSION
tion veineuse et la prescription d’HBPM entre 7 500 et
10 000 UI toutes les 12 heures en traitement préventif, L’AIC du sujet jeune, comme tout AIC, est une urgence
mais le risque hémorragique cérébral de l’HBPM par thérapeutique [22]. La recherche d’une dissection arté-
rapport à l’héparine non fractionnée n’est pas connu. rielle cervicale ou d’une cardiopathie emboligène est
La prévention des escarres de décubitus est nécessaire. une priorité, mais l’origine reste indéterminée dans plus
Les crises d’épilepsie doivent être traitées par les benzo- d’un tiers des cas. Le recours à la thrombolyse par le
diazépines, mais il n’y a pas d’indication de prévention rt-PA ne doit s’opérer que si de nombreuses conditions
primaire systématique. Une autre complication est sont réunies avec un délai de moins de trois heures,
l’œdème cérébral ischémique qui survient entre 24 et l’absence de critères d’exclusion et la nécessité d’un
48 heures après l’AIC, il peut conduire à l’engagement environnement médical adapté. La recherche et le trai-
cérébral et au décès deux à quatre jours après. Il est tement des complications aiguës et tardives sont essen-
mesuré par la pression intracrânienne (PIC). L’éléva- tiels. Le pronostic vital et fonctionnel est meilleur que
tion de la PIC entraîne des mesures thérapeutiques de celui de la personne âgée. La prise en charge active en
surélévation de la partie haute du corps et un traitement unités spécialisées est un atout pour permettre de réduire
par agents hyperosmolaires [3]. La chirurgie décom- le plus possible la mortalité et le handicap séquellaire.
pressive peut être indiquée en cas d’infarctus sylvien
malin (sujet jeune avec atteinte de l’hémisphère non RÉFÉRENCES
dominant) ou infarctus cérébelleux œdémateux.
1 De Bray JM, Maugin D, Alecu C, Dubas F. Accidents ischémi-
ques cérébraux du sujet jeune (< 45 ans). Aspects cliniques et
PRONOSTIC étiologiques. Angéiologie 1999 ; 51 : 61-4.
2 Mas JL, Bogousslasvky J. Accidents vasculaires cérébraux de
l’adulte jeune. In : Bogousslavsky J, Bousser MG, Mas JL, Eds.
Le pronostic vital et fonctionnel des AIC du sujet jeune Accidents vasculaires cérébraux. Paris : Doin ; 1993. p. 575-82.
est meilleur que celui de la personne âgée. La mortalité 3 Boulliat J, Bourrier P, Haegy JM, Heautot JF, Hoflinger P,
Lavere S, et al. Les accidents vasculaires cérébraux dans les
à la phase aiguë (dans les 30 jours) varie de 5 à 8 % services d’accueil et d’urgence. VIIe Conférence de consensus.
(20 % chez le sujet âgé). Elle est liée à l’œdème cérébral Réanim Urg 1997 ; 6 : 491-602.
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rable avec un handicap minime ou modéré qui dépend tors. Classification of subtype of acute ischemic stroke. Defini-
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10 % mais peut être plus importante en de cardiopa- 35-41.
6 Ducrocq X, Lacour JC, Debouverie M, Bracard S, Girard F,
thies emboligènes ou d’athérosclérose. En revanche, le Weber M. Accidents vasculaires cérébraux ischémiques du sujet
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indéterminée ou lié à une dissection. Enfin, la dépres- Rev Neurol (Paris) 1999 ; 155 : 575-82.
7 Woimant F, Hommel M, Adnet Bonte C, Baldauf E, Chedru F,
sion est fréquente (50 %) ainsi que la non reprise de Cohen A, et al. Société Française Neuro-Vasculaire. Recom-
l’activité professionnelle [4]. mandations pour la création d’Unités neurovasculaires. Rev
Neurol (Paris) 2001 ; 157 : 1447-56.
Tout patient avec un AIC, quel que soit son âge ou 8 Leclerc X, Godefroy O, Sahli A, Lucas C, Leys D, Pruvo JP.
l’étiologie de l’AIC devrait être pris en charge dans une Helical CT for the diagnosis of extracranial internal carotid
unité spécialisée ou mieux neurovasculaire avec pré- artery dissection. Stroke 1996 ; 27 : 461-6.
sence d’un personnel médical et paramédical qualifié et 9 Lévy C, Laissy JP, Raveau V, Amaranco P, Servois V, Bous-
ser MG, et al. Carotid and vertebral artery dissections : three-
début de la rééducation le plus rapidement possible [7]. dimensional time-of-flight MR angiography and MR imaging
Par rapport à une prise en charge dans une unité conven- versus conventional angiography. Radiology 1994 ; 190 :
tionnelle, la mortalité diminue de 20 %, principale- 97-103.
10 Mas JL. Foramen ovale perméable, anévrisme du septum inter-
ment par réduction des complications intercurrentes auriculaire. et accident ischémique cérébral. Ann Cardiol
survenant entre la première et troisième semaine de Angéiol 1996 ; 45 : 531-7.
prise en charge, surtout les complications liées au décu- 11 Cohen A, Blanchard B, Chauvel C, Lucas C. Causes cardiaques
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fonctionnel est amélioré avec réduction du handicap et 12 Page RL, Wilkinson WE, Clair WK, Mc Carthy EA, Prit-
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