Newsletter Projet VIHeillir Edition 8
Newsletter Projet VIHeillir Edition 8
Newsletter Projet VIHeillir Edition 8
Le projet VIHeillir est une expérience pilote dont le but est d’orienter les décisions des politiques de santé. VIHeillir se propose
d’améliorer les dispositifs de prise en charge des PVVIH âgées de plus de 50 ans au Cameroun et au Sénégal en intégrant la
prise en charge des cinq comorbidités prioritaires durant les visites de routine, adaptant les stratégies qui ont fait leurs preuves
pour les soins du VIH et en utilisant le plus possible les dispositifs déjà existants entre la clinique et la communauté. Le projet
est mis en œuvre :
• au Cameroun, à l’Hôpital Militaire Yaoundé et à l’Hôpital de District de Bafia
• au Sénégal, au Centre régional de recherche et de formation à la prise en charge clinique de Fann (CRCF) , au
Centre de traitement ambulatoire (CTA) du CHU de Fann et au Service de prise en charge du VIH du programme
sida des Forces Armées de l'Hôpital Militaire de Ouakam (HMO)
Les 5 comorbidités prises en charge par le projet sont : le diabète, l’hypertension artérielle, les lésions précancéreuses du col
de l’utérus chez la femme et les hépatites B et C
L’impact espéré du projet est la réduction de la mortalité et l’amélioration de la qualité de vie des PVVIH de plus de 50 ans.
Les bénéficiaires de ce projet sont les PVVIH de plus de 50 ans qui consultent dans les services de prise en charge identifiés
pour la mise en place du projet, le personnel soignant (médical et paramédical) et les acteurs communautaires (associations
identifiées).
EDITORIAL
Par Laura CIAFFI & Gabrielle LABORDE
Oui, nous sommes en retard. Cette newsletter qui couvre le trimestre de juillet à septembre a pris du retard
et on s’en excuse.
Mais ce retard nous permet de vous donner deux excellentes nouvelles : le projet VIHeillir a eu une
prolongation de 9 mois dans son format actuel, on va donc continuer les activités cliniques et communautaires
jusqu’au mois de Juin 2024.
De plus, la soumission à l’appel d’offre 2023 d’Expertise France pour une phase 2 du projet a été accueillie
favorablement et VIHeillir 2 se prépare, avec de nouvelles configurations que nous vous présenterons dans une
prochaine newsletter.
Dans ce numéro vous trouverez les informations sur les activités du projet pour le trimestre au Cameroun et
au Sénégal, mais aussi le témoignage des femmes vivant avec le VIH qui ont vécu l’expérience d’une maladie grave;
l’hépatite C pour celle du Cameroun et le cancer du col pour celle du Sénégal.
Le cancer du col, dont on parle beaucoup dans nos newsletters reste une maladie insuffisamment connue :
son dépistage n’est pas encore entré dans les habitudes des femmes. De leur côté, peu d’hommes recommandent ce
dépistage à leur épouse. Il nous faut réfléchir à la manière d’impliquer davantage les hommes et les femmes dans
cette démarche, et également comment les encourager à faire vacciner leurs filles, afin d’atteindre l’éradication d’ici
à 2030 comme nos pays s’y sont engagés.
Les personnes âgées sont au centre de nos actions : la Journée Internationale de la Personne âgée, a été
célébrée au Cameroun avec quelques jours d’anticipation. Une journée amusante, dynamique et éducative : pendant
8 heures presque 100 personnes se sont mises au défi d’apprendre de nouvelles choses, de passer du bon temps et
d’échanger : merci à tous ceux qui nous ont aidés à l’organisation de cette journée.
Mais « personne âgée » signifie aussi fragilité, et Dr El Hadj Bara Diop, chef de projet VIHeillir au Sénégal
nous éclaire sur ce sujet. La fragilité constitue en effet un facteur de risque majeur pour la perte d’autonomie. Mais
si la fragilité est identifiée à temps, la perte d’autonomie peut être retardée grâce à des interventions simples.
Nous en profitons pour vous souhaiter, et cette fois bien en avance, de merveilleuses fêtes de Noël et un
Nouvel An riche d’initiatives pour promouvoir le VIEILLISSEMENT EN BONNE SANTE.
Pour plus d’informations et si vous avez des contributions pour la prochaine édition, visitez nos comptes
Facebook ( VIHeillir) et Twitter (@VIHeillir) ou écrivez-nous à [email protected]
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PROJET VIHEILLIR - Edition N° 8
FOCUS
VIHEILLIR CELEBRE LA 33E EDITION DE LA JOURNEE MONDIALE DE LA PERSONNE AGEE AU
CAMEROUN SOUS LE THEME “AGES, FORTS & EN SANTE”
des activités qui voulaient contribuer à l’ épanouissement
personnel : activités qui amusent, informent, promeuvent
une bonne santé et un bien être pour passer une journée de
fête et d’affirmation des droits pour un vieillissement dans la
dignité.
Dans le verdoyant village NOAH, sis au quartier d’Etoudi à
Yaoundé, le RDV été fixé à 8 heures pour une journée
organisée en collaboration avec les partenaires de VIHeillir :
Positive Generation, APAN, AFASO, Pourquoi Pas,
ACADIAH, AFSU, ARIPIA et UFSA avec leurs 12
encadreurs et le CTA de l’Hôpital Militaire de Yaoundé
avec 2 encadreurs. Ces partenaires ont participé à la
mobilisation, l’orientation et l’organisation permettant le
bon déroulement d’une journée dense en évènements.
Incontournable et toujours présent, le staff du site de
coordination de l’ANRS avec 9 personnes a assuré
Pour la célébration de la journée internationale du 1er
l’organisation de l’accueil, des pauses et du repas avec
Octobre, cette année sur le thème « Tenir la promesse de la
grande professionnalisme.
Déclaration universelle des Droits de Humains pour les
personnes âgées à travers les générations », VIHeillir a La journée a commencé tôt avec la prise des paramètres
(tension artérielle et glycémie à jeun) suivie d’un petit
organisé une journée de mobilisation autour d’un des droits
déjeuner selon la tradition : bouillie et beignets. Ce premier
listés dans la déclaration des Nations Unies sur les Droits
passage a permis de relever quelques problèmes de tension
Humains de la personne âgée: le droit à l’épanouissement
et de glycémie élevées avec réaction rapide de la
personnel.
responsable de ACADIAH et éducation à la prévention pour
Les personnes âgées devraient pouvoir saisir toutes les
tout le monde.
opportunités leur permettant de développer pleinement leur
Par la suite, les 85 participants (58 femmes et 27 hommes)
potentiel.
d’un âge moyen de 65.2 ans, se sont répartis dans les 9
Elles devraient avoir accès aux ressources éducatives,
ateliers disponibles pour deux heures d’épanouissement et
culturelles, spirituelles et récréatives de la société.
d’amusement:
La journée d’activités visait à donner l’opportunité de
- Atelier mémoire : 10 personnes (69 ans d’âge moyen)
pratiquer des activités pour améliorer son état de santé
encadrées par le neurologue Dr Atza Daniel se sont
(mémoire/équilibre, exercice physique, activités ludiques),
concentrées dans des épreuves d’évaluation et stimulation de
sensibiliser les personnes âgées de plus de 60 ans et leur
la mémoire.
accompagnants sur le « les droits des personnes âgées » et
passer une journée amusante et de bien-être.
Le projet, en partenariat avec le village Noah, a mis en place 3
PROJET VIHEILLIR - Edition N° 8
- Atelier équilibre : 5 personnes (66 ans d’âge moyen) se Avant de passer à table, une séance d’information a eu lieu.
sont réunies autour de Mme Beatrice Mamgno,
Mme KITIO de la CNPS a présenté aux participants les
physiothérapeute qui les a fait s’exercer sur la vitesse des
droits des personnes retraitées et leurs ayants droit. Des
changements de direction et dans des positions défiant la
allocations et du soutien sont disponibles en différentes
gravité;
situations de détresse pour les affiliés à la CNPS.
- Atelier Tai Chi : grâce à Maitre Simon NGOK BENI, 10
M. Leon de Positive Generation a informé tout le public sur
personnes de (68.3 and d’âge moyen), ont pu découvrir cet
le fonctionnement et la prise en charge prévue par la
art martial doux, pratiqué depuis des siècles en Chine et
Couverture Santé Universelle au Cameroun pour les
connu pour ses effets bénéfiques sur la santé;
populations ciblées en cette première phase
- Atelier secourisme : Deux professionnels de la Croix d’implémentation, qui n’incluent malheureusement pas
Rouge Camerounaise ont assuré la formation aux gestes de encore les personnes âgées.
premiers secours à 10 personnes (65.8 ans d’âge moyen);
M. Calice TALOM de REDS (Réseau Ethique et Droits
- Atelier Création Artistique : sous le lead bienveillant de Sida) est revenu sur le thème de la journée, favorisant une
Mme Albertine de AFSU, 10 femmes (62.4 ans d’âge discussion sur la déclaration universelle des droits de la
moyen) ont appris à créer des foulards avec décoration en personne âgée et sur l’importance de l’épanouissement
perles; personnel.
- Atelier Jeu d’adresse (Molky) : Inventé en Finlande, ce jeu La journée s’est terminée avec un repas accompagné de
a attiré 6 personnes âgées (67.3 ans d’âge moyen). musique : les hits des années ’60-’80 qui ont inspiré les
Encadrées par M. Achille d’AFSU, elles se sont lancées danses des nostalgiques et des passionnés.
dans le défi, après un moment d’appropriation des règles;
Certaines institutions ont répondu à notre invitation: La
- Atelier jeux de table : le Songoh et le damier ont inspiré 5 Direction de Lutte contre la Maladie du MINSANTE, le
personnes âgées (70 ans d’âge moyen). Cet atelier basé sur GTR Centre du CNLS qui nous a fourni les tests VIH (aucun
des jeux bien connus au Cameroun, a été choisi par les dépistage n’a été fait faute de temps), l’OMS et
personnes avec des difficultés de mobilité pour démontrer NOLFOWOP.
qu’on peut s’amuser même sans avoir besoin de trop bouger;
Un grand merci est adressé à tous ceux qui ont rendu
- Atelier chant : Maitre de Chorale à la Cathédrale de possible cette journée de bonheur.
Yaoundé, Mme Dominique BIKOBO a animé un groupe de
Retrouvez la vidéo de cette journée ici : https://fb.watch/
10 personnes (66.3 ans. d’âge moyen). Les chansons du
ossgAVJxO5/?mibextid=ZbWKwL
répertoire des années d’antan ont passionné les participants;
Les ateliers ont été victimes de leurs succès, jugés courts par
les participants, qui auraient voulu participer à plus d’un
atelier. En effet; au bout de deux heures les participants
étaient déjà sollicités et briefés pour prendre part à la
CHASSE AU TRESOR, organisée par Mme Raffaella
ANSELMI. Il s’agissait de repérer, via la résolution de
devinettes, les questions cachées. Les réponses correctes aux
questions permettaient d’identifier 9 lettres qui, mises dans
le bon ordre, devaient donner un mot magique :
VIHEILLIR. Les membres du groupe de Molky ont 4
remporté la partie et ont reçu le lot gagnant. PROJET VIHEILLIR - Edition N° 8
VIHEILLIR AU CAMEROUN
DERNIER TRIMESTRE: ON CONSOLIDE MEME SI ON ETEND
Ce trimestre était le dernier de la 1ère phase de vieillissement reste nouveau au niveau des services VIH et
VIHeillir, mais à cause des retards de mise en œuvre, une de la communauté.
période de 9 mois sans budget additionnel a été acceptée.
De ce fait, nous avons renforcé l’orientation et
Néanmoins, toutes les activités du trimestre ont été
l’accompagnement des personnels communautaires afin de
planifiées afin de consolider les acquis et renforcer les
promouvoir les activités retenues, dans le respect des
éléments non encore acquis notamment le transfert de
normes et surtout d’assurer la prestation de services de
compétences à la clinique et en communauté. Nous avons
qualité dans chaque association. Les évaluations sur le
donc organisé:
respect des procédures de prise de paramètres montrent déjà
• Une supervision formative sur l’approche ICOPE à une bonne évolution avec une prise en compte des
l’UPEC de Bafia pour le dépistage des troubles recommandations faites par les superviseurs, ce constat
fonctionnels étant également valable en clinique (service de maternité).
Par ailleurs, la maîtrise et la mise en œuvre de l’approche
• Un deuxième passage de supervisions formatives
ICOPE ne sont pas complètement acquises.
dans 5 associations à Bafia et à Yaoundé.
Il s’agit ici de construire l’approche communautaire avec les
• Une supervision au service de maternité à l’Hôpital
associations, stimuler l’imagination pour davantage
de District de Bafia pour améliorer la qualité du INNOVER : l’équipe et les experts sont mobilisés pour
dépistage du cancer du col de l’utérus. poursuivre les adaptations et améliorations. Comme dirait la
Toujours conscients que le désengagement sera inéluctable sagesse africaine : « c’est la cendre que l’on croit éteinte
à un moment ou à un autre, le transfert des compétences qui brûle la maison ». Avec un peu de patience tout arrivera
demeure essentiel. Rappelons que le concept d’intégration à point nommé.
de la prise en charge (PEC) des comorbidités et du
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PROJET VIHEILLIR - Edition N° 8
VIHEILLIR AU CAMEROUN
VISITE SIDACTION
En Juillet, VIHeillir Cameroun a reçu la visite de Sidaction
(qui finance le volet recherche anthropologique de VIHeillir
au Cameroun comme au Sénégal) afin de mieux cerner les
mécanismes de mise en œuvre du projet. Corinne Le
Huitouze, Responsable des programmes régionaux et Olivia
Sylla, Responsable médicale, ont ainsi pu participer à la
séance de sport matinal et la prise de paramètres
l'association POURQUOI PAS Humanitaire.
Par la suite, une réunion de travail s’est tenue avec l'équipe
de coordination du projet, le personnel de l'hôpital militaire
et les acteurs de la recherche anthropologique au sein du
Site ANRS | MIE Cameroun.
Leur retour sur le projet est plutôt positif et leurs conseils
ont été bénéfiques à toutes les équipes.
Une vidéo qui documente cette visite est disponible ici :
https://fb.watch/ostSoOFyEs/?mibextid=ZbWKwL
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PROJET VIHEILLIR - Edition N° 8
VIHEILLIR AU SENEGAL
LES ACTIVITES CLINIQUES
La cohorte sénégalaise de VIHeillir comprend 373 Cela est dû au fait que l’hépatite C ne représente pas une
personnes âgées d’au moins 50 ans. Les personnes sont priorité de santé publique au Sénégal, la prévalence est
âgées en moyenne de 59 ans (le plus âgé a 81 ans), les faible et les soignants sensibilisent peu les patients à cet
femmes sont les plus nombreuses (63%). La durée médiane examen, au demeurant payant et pas toujours disponible en
de traitement antirétroviral est de 13 ans, la majorité des routine. Aucun patient testé n’a été diagnostiqué porteur
personnes vivent donc avec leur traitement depuis très d’une hépatite C.
longtemps. Le dépistage et la prise en charge des
• Lésions précancéreuses du col de l’utérus : durant ce
comorbidités ont été poursuivis.
trimestre, le dépistage chez les femmes s’est poursuivi,
• Hypertension artérielle : tous les patients ont été dépistés, grâce aux consultations faites par le Pr Gassama, le
35% d’entre eux ont été diagnostiqués avec une HTA et gynécologue, qui profite de ces séances pour former les
parmi eux 85% reçoivent un traitement. médecins du CTA et du CRCF. En fin septembre 2023, 122
femmes, c’est-à-dire un peu plus de la moitié des femmes
• Diabète : 90% des patients ont eu une glycémie, 10% du projet, ont été dépistées par Inspection visuelle du col
d’entre eux ont été diagnostiqués diabétiques et 94% des (IVA). Deux patientes ont bénéficié d’une intervention
patients diagnostiqués sont traités. chirurgicale (hystérectomie) dans le cadre de VIHeillir
l’une en juin et l’autre en décembre 2022. Toutes les deux
• Hépatites : le taux de dépistage de l’hépatite B a ont été prises en charge par le projet. Parmi les patientes, 3
progressé, 58% des patients ont eu un test rapide. Parmi femmes convoquées pour l’IVA n’ont pas pu en bénéficier
eux, 10% ont été diagnostiqués porteurs d’une hépatite B car après interrogation et examen au spéculum , il a été
chronique et tous reçoivent le traitement adéquat. Le constate qu’elles ont subi une hystérectomie.
dépistage de l’hépatite C reste très faible (6% des patients).
La notion de « fragilité » est entrée progressivement de 75 ans, près de 40% des plus de 80 ans et jusqu’à 60% au-
dans le vocabulaire gériatrique du fait de l’identification delà de 90 ans. Dans le service de gériatrie du CHU de Fann,
d’une population de personnes âgées à plus grand risque de au Sénégal, l’un des seuls du pays, 33% des patients étaient
mortalité et ayant un excès de morbidités avec incapacité en état de fragilité en 2022. Le VIH constitue un facteur de
secondaire. risque supplémentaire de fragilité pour les personnes âgées.
Le syndrome de fragilité recouvre à la fois un ensemble de Néanmoins, la fragilité est un processus dynamique poten-
signes cliniques et un processus croissant de vulnérabilités tiellement réversible, grâce au dépistage précoce par une
qui prédispose au déclin fonctionnel. Le sujet âgé fragile est évaluation gériatrique multidimensionnelle et la mise en
une personne dont les capacités à faire face à une agression place d’interventions pharmacologiques ou non, qui peuvent
même minime sont réduites et dont l’équilibre est instable. Il ralentir ou inverser le processus de fragilité. L’OMS a mis
est à haut risque de décompensation et de perte d’autonomie en place « le programme ICOPE (soins intégrés pour les per-
à l’occasion d’une pathologie aigue, d’un effet indésirable sonnes âgées) » pour prévenir la dépendance et garder le
d’un médicament ou d’un stress d’ordre socio-affectif. plus longtemps possible les capacités fonctionnelles des per-
sonnes âgées.
Le syndrome de fragilité augmente le risque de dépendance.
Au niveau mondial, le nombre de personnes âgées dépen- L’approche ICOPE identifie des domaines de capacités in-
dantes était de 350 millions en 2010, on estime qu’elles se- trinsèque qui comprennent : la cognition, la nutrition, la vue,
ront à près de 500 millions d’ici 2030 et plus de 600 millions l’ouïe, la mobilité et l’humeur. L’OMS a mis en place un
en 2050. outil simple et rapide, reproductible dans le temps, qui s’ap-
puie sur des tests et des questions permettant de mesurer ces
La prévalence de la fragilité varie selon les pays, l’âge et le
capacités intrinsèques. Les soignants doivent être formés
sexe de personnes, mais aussi selon les outils utilisés, qui
pour évaluer régulièrement les fonctions des personnes
présentent une grande hétérogénéité. Globalement on consi-
âgées. L’approche ICOPE comprend cinq étapes dont la pre-
dère que la fragilité augmente avec l’âge, elle touche 5% des
mière peut être réalisée par les aidants et les associations, et
personnes âgées de plus 65 ans, 20% des personnes de plus
les suivantes par des professionnels de santé.
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PROJET VIHEILLIR - Edition N° 8
QUELQUES CHIFFRES CLES
PRESENTATION DE LA COHORTE AU 30 SEPTEMBRE 2023
L’inclusion effective des patients a commencé le 22 juin
2021 au Cameroun et le 10 août 2021 au Sénégal. Les
données présentées sont celles collectées jusqu’au 30
septembre 2023.
Au cours de cette période, 1655 personnes âgées de 50 ans
plus vivant avec le VIH (PAvVIH) ont été enregistrées dans
le cadre du projet, soit 1282 au Cameroun et 373 au
Sénégal. Le nombre des visites dans VIHeillir s’est
considérablement réduite au fil du temps. Seules 57
inclusions ont eu lieu dans le dernier semestre malgré le
grand nombre des PAvVIH activement suivies a dans les
sites de prise en charge et pas encore enregistrés.
Cette figure présente la somme des visites (inclusions et
visites de suivi) par semestre dans les deux pays.
La réduction des activités cliniques est évidente dans les deux pays.
Il sera nécessaire de booster la captation et l’enregistrement des visites de suivi au Cameroun parce qu’à l’heure actuelle,
30% des patients enregistrés n’ont pas été revus, contrairement au Sénégal où 95% des patients enregistrés ont au moins une
visite de suivi. Ce suivi régulier permet la réalisation des dépistages et la fidélisation des patients au programme.
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PROJET VIHEILLIR - Edition N° 8
TEMOIGNAGES
Christine (prénom d’emprunt) est une patiente du projet VIHeillir vivant avec le VIH et suivie à l’Hôpital militaire de
Yaoundé. Elle a été dépistée positive à l’hépatite C et a bénéficié du traitement financé par le projet.
CAMEROUN
depuis le mois de mars que j’ai commencé à prendre le
traitement et on conseille après le traitement d’observer
encore 3 mois avant de faire le contrôle. Par la grâce de Dieu
et les conseils des médecins nous sommes rassurés.
SENEGAL
Je m’appelle Mariatou (le prénom est fictif), j’ai 73 L’opération coûtait cher, presque un million de FCFA. Mes
ans. J’ai découvert que j’avais le VIH deux ans après la mort filles ont voulu vendre leurs bijoux, même si ça ne
de mon mari. J’avais à peu près 55 ans. Ça m’a fait un choc représente pas beaucoup, mes fils ont emprunté de l’argent.
terrible, il m’a fallu du temps pour accepter ma maladie. J’ai Malgré ça, ça ne suffisait pas. Madjiguène (responsable des
six enfants, trois garçons et trois filles. Mon mari était activités communautaires du projet au Sénégal) m’a dit que
mécanicien, moi j’ai enseigné dans le privé avant d’avoir le projet allait prendre l’opération en charge. J’étais
mes enfants. Je n’ai parlé de ma maladie qu’à mon fils ainé. contente !
Aux autres non. A personne, sauf à une amie qui est comme
Ça a un peu duré avant l’opération, moi j’étais pressée, je
une sœur. Sinon, j’ai honte, je ne veux pas que les gens
voulais me débarrasser de ça. Finalement, je suis rentrée à la
sachent.
clinique, on m’a opérée. C’était le 24 décembre, il y a
Actuellement je n’ai aucun revenu, ce sont mes enfants qui presque un an.
m’aident. Mais les filles sont mariées et les garçons font
Après l’opération j’ai eu un peu mal. Je suis restée trois
seulement des petits boulots.
jours à la clinique, puis je suis rentrée. Je suis restée au lit
Je suis dans le projet VIHeillir depuis deux ans. Un jour, le une semaine pour me reposer, puis je me suis levée, ça allait.
médecin qui me suit ici m’a envoyée faire un examen J’étais vraiment soulagée.
gynécologique. On a découvert qu’il y avait une plaie à
Maintenant ça fait presque un an, j’ai fait un contrôle, le
l’utérus et qu’il fallait faire d’autres analyses. J’ai fait
docteur m’a dit que ça va. Vraiment, je remercie les
beaucoup d’analyses. Finalement, le docteur a dit qu’il y
médecins, Madjiguène et le projet, grâce à vous je suis en
avait quelque chose dans l’utérus et qu’il fallait opérer pour
vie et je peux m’occuper de mes petits-enfants. Sais-tu que
l’enlever. J’ai eu très peur, j’avais peur de l’opération, peur
j’ai sept petits-enfants ?
d’avoir mal et peur de mourir. Mes enfants aussi étaient
inquiets. J’ai demandé au docteur « Pour enlever mon
utérus, ça ne va pas faire mal ? » C’est la première fois que
Propos recueillis par Madjiguène Gueye & Gabrièle
j’avais une opération. Mais le docteur m’a rassurée, il m’a
Laborde-Balen
dit « Maman, il ne faut pas avoir peur, ça va aller ».
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PROJET VIHEILLIR - Edition N° 8
ET SI ON PARLAIT DE LA RECHERCHE
Soins intégrés du VIH, du diabète et de l’hypertension en Afrique Sub-Saharienne(INTE-AFRICA) : un essai pragmatique, con-
trôlé avec randomisation par grappes
Enfin un essai clinique qui montre avec toute la rigueur de analysés à l'aide d'équations d'estimation généralisées dans
la science l’intérêt de l’intégration des soins du VIH et des le population en intention de traiter. Cet essai est enregistré
maladies métaboliques. auprès de l'ISCRTN 43896688.
Rien de mieux que ces résultats pour montrer les avantages
et l’intérêt d’intégrer les soins du VIH avec les maladies Résultats
métaboliques pour le bénéfice d’une population plus large.
Entre le 30 juin 2020 et le 1er avril 2021, nous avons réparti
au hasard 32 établissements de santé (17 en Ouganda et 15
Contexte en Tanzanie) aux soins intégrés ou aux soins standard avec
En Afrique subsaharienne, l'offre de soins de santé pour les 7028 participants éligibles. Parmi les participants avec
maladies chroniques est fragmentée. Le but de cette étude diabète, hypertension, ou les deux, 2 298 (75,8 %) sur 3 032
était de déterminer si la prise en charge intégrée du VIH, du étaient des femmes et 734 (24,2 %) sur 3 032 étaient des
diabète et de l'hypertension entraînait une amélioration des hommes. Des participants avec le VIH seul, 2 365 (70,3 %)
taux de rétention dans les soins des personnes atteintes de sur 3 365 étaient des femmes et 1 000 (29,7 %) sur 3 365
diabète ou d'hypertension sans affecter négativement les étaient des hommes. Le suivi a duré 12 mois. Parmi les
taux de suppression virale du VIH parmi les personnes participants souffrant de diabète, d'hypertension ou des
séropositives par rapport aux soins verticaux standard dans deux, la proportion de personnes vivantes et retenues en
des établissements de santé de taille moyenne et grande en soins à la fin de l'étude, était de 89,0 % en soins intégrés et
Ouganda et Tanzanie. de 89,8 % en soins standards. Les différences de risque
étaient –0,65 % (IC 95 % –5,76 à 4,46 ; p=0,80) non ajustés
et –0,60 % (–5,46 à 4,26 ; p=0,81) ajustés. Parmi les
Méthodes participants séropositifs, la proportion ayant une charge
virale plasmatique inférieure à 1 000 copies par ml était de
Dans INTE-AFRICA, un essai pragmatique, randomisé et 97,0 % en soins intégrés et 97,3% en soins standards. Les
contrôlé, nous avons réparti au hasard des structures de différences étaient de –0,37 % (IC 95 % unilatéral –1,99 à
soins de santé primaire en Ouganda et en Tanzanie pour 1,26 ; pnon-infériorité<0,0001 non ajusté) et –0,36 % (–
fournir soit des soins intégrés pour le VIH, le diabète et 1,99 à 1,28 ; pnon-infériorité<0,0001 ajusté).
l’hypertension, soit des soins standard. L'allocation aléatoire
a été stratifiée par location (région et urbaine, péri-urbaine
et rurale), niveau d'infrastructure et par pays, avec une Interprétation
méthode de randomisation par blocs permutée. Dans le
groupe de soins intégrés, les participants atteints du VIH, du En Afrique subsaharienne, les services intégrés de soins
diabète ou de l'hypertension ont été gérés par les mêmes chroniques pourraient atteindre un niveau élevé de soins
agents de santé, utilisaient la même pharmacie, avaient des pour les personnes souffrant de diabète ou d'hypertension
dossiers médicaux conçus de manière similaire, partageaient sans nuire aux résultats pour les personnes vivant avec le
les mêmes zones d'enregistrement et d'attente et disposaient VIH.
d'un service de laboratoire intégré. Dans le groupe de soins
standard, les services ont été fournis verticalement pour Traduit de l’abstract:
chaque condition. Les patients étaient éligibles pour
participer à l'essai s'ils vivaient avec le VIH, le diabète ou Integrated management of HIV, diabetes, and hypertension in
l'hypertension confirmés, étaient âgés de 18 ans ou plus, sub-Saharan Africa (INTE-AFRICA): a pragmatic cluster-
randomised, controlled trial
vivaient dans la zone desservie par l’établissement de santé
et étaient susceptibles de rester dans la zone pendant 6 mois. Sokoine Kivuyo*, Josephine Birungi*, Joseph Okebe*, Duolao
Les critères de jugement primaires étaient la rétention dans Wang, Kaushik Ramaiya, Samafilan Ainan et al
les soins (fréquentation d'une clinique au cours des 6 Lancet 2023; 402: 1241–50
derniers mois de suivi de l'étude) pour les participants avec
le diabète ou l’hypertension (testé pour la supériorité) et la
suppression de la charge virale plasmatique pour les
personnes séropositives (> 1 000 copies par mL ; testés pour
la non-infériorité, avec marge de 10 %), ces résultats ont été
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PROJET VIHEILLIR - Edition N° 8
Directrice de publication
Dr. Laura CIAFFI, Coordonnatrice Internationale
Rédaction :
Dr. El Hadj Bara DIOP, Chef de Projet, Sénégal
Géraldine MANIRAKIZA, Chef de Projet, Cameroun
Dr. Gabriele LABORDE BALEN, Consultante Expertise France
Dr. Bernard TAVERNE, Coordinateur Nord ANRS Sénégal
Dr. Saidou MADIBO, Suivi Evaluation CNLS
Regine CHEUKA, Superviseur des activités communautaires
Cédric NOUMBISSIE N., Responsable communication
Crédit images
Equipe du projet
Montage graphique
Cédric NOUMBISSIE N., Responsable communication
Contacts :
Site de coordination de l’ANRS Cameroun
Hôpital Central de Yaoundé
BP : 16237
Téléphone : (237) 694 92 67 86
Email : [email protected]
VIHeillir
@VIHeillir
Le projet VIHeillir bénéficie du soutien de L’Initiative mise en œuvre par Expertise France