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Pensez-vous que les écrivains ont raison d'utiliser l'animal

pour faire réfléchir le lecteur à la condition humaine ?

Procédez ainsi : 1° analysez les termes du sujet ; 2° cherchez des arguments


accompagnés d'exemples d'oeuvres en réfléchissant à tous les textes que nous avons
lus en classe (et en convoquant votre culture personnelle) ; 3° classez vos
arguments du plus simple au plus complexe.

1. Analyse du sujet :

« utiliser l’animal » : l’animal ne serait donc qu’un moyen, un prétexte et non la


finalité de la réflexion, ce qui est contestable. Ce ne serait donc pas l’animal qui
serait réfléchi mais l’humain à travers l’animal. L’animal serait le détour nécessaire
pour réfléchir la condition humaine. L’animal en tant qu’animal ne serait pas pris
en compte.

L’animal est une catégorie générique qui cache de multiples espèces et individus,
qui n’ont rien de commun entre eux. Si l’on considère que certains animaux, par
leur morphologie, leur espèce, leur filiation génétique, leur degré d’intelligence ou
de sensibilité, sont proches des humains, cela suppose-t-il que d’autres seraient
impropres à faire réfléchir sur l’humain ? Tous les animaux peuvent-ils faire
réfléchir à l’humanité ou certains plus que d’autres ?

Le risque est d’utiliser l’animal dans un sens anthropomorphique, en niant sa


spécificité animale pour le rapprocher de l’humain. Les différences sont gommées
par rapport aux ressemblances, et l’animal n’est envisagé que dans son analogie
avec l’humain.

Faire réfléchir le lecteur : ce recours à l’animal aurait un objectif didactique. Ce


serait le détour nécessaire pour provoquer la réflexion du lecteur, non sur l’animal,
mais sur la condition humaine. En effet, passer par l’animal pourrait avoir plusieurs
vertus : s’adresser à l’imaginaire enfantin du lecteur, favoriser la distanciation
critique par le plaisir de la lecture, répondre à l’exigence classique de placere,
docere, movere (plaire, instruire, émouvoir) ; montrer aux humains à quel point
l’animal est un exemple de perfection pour le pousser à s’amender en blessant son
orgueil (Montaigne) ; faire réfléchir à la frontière franche ou au contraire ténue
(selon les perspectives) entre l’humain et l’animal.

La condition humaine est l’ensemble des caractéristiques qui définissent


l’humanité à la différence de l’animalité. Cette expression assez vague désigne tout
ce qui fait de l’humain un être humain, différent donc de l’animal. Dans la
perspective du sujet, il s’agit de savoir en quoi l’animal permet de mieux définir
l’être humain. Mais on peut contester cette expression en faisant valoir que la
condition humaine n’est peut-être pas aussi simple à séparer de la condition
animale, dès lors que l’humanité participe elle aussi du règne animal.

1. Noter les arguments + exemples en les hiérarchisant au brouillon.


Pensez-vous que les écrivains ont raison d'utiliser l'animal pour faire
réfléchir le lecteur à la condition humaine ?
o Oui car (on justifie le sujet) :
 l’animal permet de rendre ludiques les fables. Les moralités
imprègnent d’autant mieux l’esprit du (jeune) lecteur qu’elles
sont insérées dans un récit vivant et imagé. Par exemple, La
Fontaine compare Le loup et le chien pour faire réfléchir son
lecteur à la liberté : le chien sert son maître, il est attaché mais
il mange à sa faim ; le loup pour rien au monde ne renoncerait à
sa liberté quand il voit les coups infligés au chien. Il est facile
pour le lecteur de s’identifier à l’un ou à l’autre et de réfléchir
aux mérites respectifs de la servitude et de la liberté.
 Le recours à l’animal permet aussi de montrer à quel point les
humains se sont éloignés de leur nature originelle. C’est l’idée
défendue par Rousseau à la suite de la Boétie. L’auteur
du Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes,
pense que l’humain, en sortant de l’état de nature, a quitté la
nécessité pour le règne de la liberté ; or la liberté l’a conduit, le
plus souvent, à s’éloigner de sa nature, par orgueil et amour-
propre ; de façon contre-intuitive, Rousseau en vient donc à
regretter l’état de bêtise animale, limitée dans ses actes à sa
complexion et à son instinct. La Boétie, quant à lui, fait
« monter en chaire » les animaux pour rappeler aux humains le
sens de la liberté. Alors que la plupart acceptent volontairement
de se soumettre au joug d’un seul, l’auteur rappelle que les
animaux sont les premiers à se battre naturellement pour leur
liberté, citant ces éléphants prêts à troquer leurs défenses pour
le prix de leur indépendance. Les animaux sont alors pris en
exemple, comme chez Montaigne, de sagesse. Mais chez La
Boétie, ils ne sont qu’un argument rhétorique, l’auteur ne
brillant pas par ses connaissances zoologiques.
 D’ailleurs, les auteurs s’éloignent parfois grandement des
mœurs animales. L’animal ne devient alors qu’un outil
argumentatif, détaché de toute réalité. Ainsi, La Bruyère dans
un chapitre de ses Caractères en vient à imaginer une guerre de
chats pour signifier à ses lecteurs aristocrates l’absurdité de la
guerre. Il faut en passer par la représentation absurde
d’animaux constitués en armée et cherchant la gloire pour
espérer – vainement, en fait – obliger les nobles à cesser de
s’entretuer pour la gloire.
 Ce texte de La Bruyère montre la limite du recours aux
animaux pour faire réfléchir les humains sur la condition
humaine, tant les hommes semblent rétifs à modifier leurs
comportements.

II Cependant, le recours à l’animal fait aussi réfléchir aux frontières floues


entre l’humain et les animaux (on réfléchit aux limites du sujet) :

 Si toute une tradition a recours aux animaux pour justifier la domination


humaine, d’autres s’interrogent sur la frontière qui sépare l’humain de
l’animal. Dès lors, il serait réducteur de réduire l’animal à un moyen pour
faire réfléchir l’être humain sur sa condition. En effet, l’humain partage avec
l’animal une condition commune, qui est celle d’être un être vivant, soumis
aux lois de l’espace et du temps. Exemple de JC Bailly Le Parti-pris des
animaux : visiter un zoo, c’est faire une expérience inédite du temps, c’est
ressentir (et non pas seulement réfléchir) la relativité du temps.
 L’intelligence, longtemps dévolue à l’espèce humaine, n’est pas l’apanage
de celle-ci. Recourir aux animaux, c’est donc remettre en cause l’orgueil de
notre espèce, la remettre à sa juste place. Cf Apologie de Raymond Sebond,
Montaigne fustige l’amour-propre des humains qui se croient supérieurs et
croient que l’animal lui obéit, alors que c’est plutôt le contraire. + exemple
du crocodile et du roitelet. Cf aussi Lettre à Mme de La Sablière de La
Fontaine avec l’exemple du cerf à la chasse, qui remet en cause le privilège
de l’intelligence humaine (même si l’animal ne pense pas qu’il pense) et la
cruauté humaine à la chasse.
 Le recours aux animaux peut aussi dépasser la réflexion sur la condition
humaine, si l’intention est de magnifier la nature, de faire prendre conscience
aux humains, non pas de leur condition, mais du monde dans sa globalité,
dans sa beauté parfois. C’est le cas d’écrivains comme Chateaubriand
(perspective religieuse dans Le Génie du christianisme), de Genevoix
(Bestiaire sans oublis, Rroû) ou de Colette (La Maison de Claudine, Les
Vrilles de la vigne…).
 Enfin, l’animal choisi est toujours porteur de sens. Il faut moins considérer
l’animal en tant que tel que les animaux pris dans leur spécificité et leur
individualité. Comparer un roi à un lion, le peuple au mouton en dit long sur
la structure sociale de la société d’Ancien régime. Le lecteur est amené à
chercher des principes d’analogie entre tel règne animal et le règne humain.
Le cas des métamorphoses illustre la réversibilité du règne animal et de
l’espèce humaine : être transformé en un chat monstrueux dans La Belle et
la Bête, c’est inviter le lecteur à explorer sa part de bestialité. Se comparer à
de la vermine comme dans la nouvelle de Kafka, c’est chercher, par
l’écriture, à expérimenter un devenir-animal, un devenir-vermine, qui
permette d’éprouver et de faire éprouver au lecteur l’intensité d’une
métamorphose et de s’interroger sur la part d’humanité de chacun des
personnages : Gregor Samsa ne serait-il pas, en définitive, le plus
monstrueux mais le plus humain, et sa famille ne serait-elle pas la définition
même du parasite ? Ainsi le choix précis d’un animal ou d’une catégorie
d’animal permet de faire réfléchir le lecteur à la condition humaine dans sa
fragile différence avec le règne animal.
1. Puis rédiger l’introduction (accroche, explication des mots-clefs qui
mènent à la problématique, annonce éventuelle du plan), le
développement et la conclusion (vous pouvez penser dès le brouillon à
une bonne idée à garder pour la conclusion).

Pour rappel, vous n’êtes pas obligés de développer deux parties. L’important est la
solidité de vos arguments et de vos exemples, la qualité de leur enchaînement, la
force de conviction de l’ensemble.

1. Je me relis !

Autre exemple de plan (fait en cour avec le groupe de vendredi)

I Certes, le recours aux animaux permet aux lecteurs d’envisager


différemment leur condition

1. L’utilisation des animaux permet à certains écrivains de faire réfléchir le


lecteur de façon plaisante et détournée :
1. Exemple : les Fables de La Fontaine mettent en scène des animaux
aux caractéristiques humaines (anthropomorphisme) qui renvoient aux
lecteurs leurs qualités et leurs défauts. Le Lièvre et la tortue ; Le loup
et le chien (sur la question de la liberté).
2. Ex : Le Roman de Renart ;
3. => cf le placere, movere, docere (plaire, émouvoir, instruire)
2. Recourir aux animaux facilite l’expression de sentiments comme l’empathie
ou la compassion dans le but de persuader le lecteur et de le renvoyer à sa
condition humaine. Cf le movere.
1. Certains animaux sont associés à des valeurs positives (comme le
Lion qui représente la noblesse) ou négatives (par ex le rat). Le lecteur
est amené à s’identifier et à éventuellement se remettre en question.
Ex : Le Livre de la jungle de Kipling (singe malicieux / Kaa le serpent
associé à la manipulation…).
3. Le détour par les animaux peut aussi faire réfléchir au fonctionnement de nos
sociétés et à la notion de liberté :
1. La Ferme des animaux de George Orwell : fable animalière qui
critique le stalinisme.
2. Discours de la servitude volontaire de La Boétie : l’auteur rappelle
aux lecteurs à quel point les humains sont oublieux de leur liberté, en
faisant « monter en chaire les animaux », en montrant que ceux-ci
n’oublient jamais le prix de leur liberté. Cf ex des éléphants.
4. Finalement, les animaux sont souvent utilisés par les écrivains dans des
stratégies argumentatives, où leurs caractéristiques zoologiques ne sont
guère prises en compte.
1. Ex Les Caractères de La Bruyère où l’auteur dénonce la guerre en
imaginant une bataille entre chats, idée des plus farfelues…

Transition (sans sauter de ligne) : Tous ces exemples montrent que les écrivains
utilisent principalement les animaux comme un moyen de faire réfléchir le lecteur,
sans véritablement prendre en compte l’animal dans sa différence et la question de
la frontière entre l’humain et les animaux.

II Mais cette approche est trop anthropomorphique pour envisager l’animal


dans son altérité et l’humain dans son animalité.

1. Certains penseurs mettent en lumière cet anthropocentrisme qui rabat


l’animal sur l’humain, sur du connu, sans jamais considérer l’animal
autrement qu’un moyen.
1. Ex Les Essais, Apologie de Raymond Sebond. Montaigne reproche
aux humains leur présomption, leur prétention à tout savoir. Il prend
l’exemple de sa chatte dont il avoue être incapable de savoir si elle a
une intériorité et de quel type de psychisme elle est doté.
2. Les analogies sont souvent trop simplistes, réduisant la complexité du monde
animal.
1. Ex : cf les stéréotypes associés à certains animaux (cf les travaux de
Michel Pastoureau sur Le Loup, le Corbeau etc…) Le lion = roi des
animaux.
3. Certains écrivains parviennent à faire ressentir l’altérité de l’animal (l’animal
en tant qu’animal) :
1. Maurice Genevoix Bestiaire de l’oubli, le sens de l’observation des
bêtes chez Colette ;
2. Le Parti-pris des animaux de J-C Bailly où l’auteur relate son
expérience de la relativité du temps au contact des animaux de la
ménagerie du Jardin des Plantes.
ous le souhaitez, à d'autres auteurs.

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