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ARTICLE ORIGINAL
a
Laboratoire de bactériologie et virologie, hôpital militaire et universitaire Avicenne de
Marrakech, Marrakech, Maroc
b
Faculté de médecine et de pharmacie, université Mohammed V. Souissi, Rabat, Maroc
c
Faculté de médecine et de pharmacie, université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (M.C. El bouamri).
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2014.09.035
1166-7087/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Profil actuel de résistance aux antibiotiques des souches d’Escherichia coli 1059
Résultats. — Au cours de cette étude, 1472 entérobactéries uropathogènes ont été isolées
dont 924 souches non répétitives d’E. coli, soit une fréquence d’isolement globale de 63 %.
L’antibiorésistance des souches d’E. coli isolées a mis en évidence des taux de résistance à
l’amoxicilline (65 %), au sulfaméthoxazole-triméthropime (55 %), à l’association amoxicilline-
acide clavulanique (43 %), à la ciprofloxacine (22 %), à la gentamicine (14 %), aux nitrofuranes
(11 %), à l’amikacine (8 %) et à la fosfomycine (7 %). Le nombre de souches d’E. coli résis-
tantes aux céphalosporines de troisième génération « C3G » par production de -lactamases
à spectre élargi « BLSE » a été de 67, soit une fréquence moyenne de 4,5 % de l’ensemble
des entérobactéries uropathogènes isolées. Les résistances associées aux antibiotiques dans
le cas des E. coli productrices de BLSE étaient de 82 % pour la ciprofloxacine, 76 % pour le
sulfaméthozole-triméthropime, 66 % pour la gentamicine et 56 % pour l’amikacine. Aucune résis-
tance à l’imipénème n’a été enregistrée pour les souches d’E. coli isolées, soit une sensibilité
à l’imipénème de 100 %.
Conclusion. — La résistance aux antibiotiques des souches d’E. coli uropathogènes limite consi-
dérablement les options thérapeutiques et constitue donc un réel problème de santé publique.
L’actualisation régulière des statistiques de sensibilité aux antibiotiques des souches d’E. coli
permet une meilleure adaptation de l’antibiothérapie probabiliste aux données épidémiolo-
giques locales.
Niveau de preuve. — 5.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Summary Urinary tract infections (UTI) are a very common reason for consultation and pres-
E. coli; cription in current practice. Excessive or inappropriate use of antibiotics in treating urinary
Extended-spectrum tract infections is responsible for the emergence and spread of multiresistant uropathogenic
-lactamase; bacteria.
Resistance; Aim of the study. — To evaluate the isolation frequency and antibiotic resistance of uropatho-
Antibiotics genic Escherichia coli strains isolated at the Marrakech region.
Material and methods. — We conducted a retrospective study over a period of three years (from
1st January 2010 to 31 December 2012). It included all non-redundant uropathogenic E. coli
strains isolated in the microbiology laboratory of the Avicenne hospital of Marrakech, Morocco.
Results. — During this study, 1472 uropathogenic enterobacteriaceae were isolated including
924 non-repetitive E. coli strains, an overall isolation frequency of 63%. Antibiotic resistance
of isolated E. coli strains showed resistance rates to amoxicillin (65%), sulfamethoxazole-
triméthropime (55%), amoxicillin-clavulanic acid (43%), ciprofloxacin (22%), gentamicin (14%),
nitrofurans (11%), amikacin (8%) and fosfomycin (7%). The number of E. coli strains resistant
to C3G by ESBL production was 67, an average frequency of 4.5% of all isolated uropathoge-
nic enterobacteria. The associated antibiotic resistance in the case of ESBL-producing E. coli
were 82% for ciprofloxacin, 76% for sulfamethozole trimethoprim, 66% for gentamicin and 56%
for amikacin. No resistance to imipenem was recorded for the isolated E. coli strains, which
represents an imipenem sensitivity of 100%.
Conclusion. — Antibiotic resistance of uropathogenic E. coli strains limits treatment options and
therefore constitutes a real public health problem. The regular updating of antibiotic suscepti-
bility statistics of E. coli strains allows a better adaptation of the probabilistic antibiotic therapy
to local epidemiological data.
Level of evidence. — 5.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Matériel et méthodes
Nous avons mené une étude rétrospective sur une durée de
trois années (du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012).
Elle a porté sur 924 patients présentant une IU confirmée à
E. coli dans le laboratoire de microbiologie de l’hôpital Avi-
cenne de Marrakech qui comporte toutes les spécialités et
les consultations correspondantes en dehors de la pédiatrie.
Les échantillons urinaires proviennent de patients hospi-
talisés et de patients consultants en ambulatoire adressés
au laboratoire par les consultations au niveau de la même
institution hospitalière et des structures communautaires Figure 1. Test de synergie positif (aspect en bouchon de cham-
rattachées à l’hôpital. Toute souche bactérienne d’E. coli pagne). FEP : céfépime ; AMC : amoxicilline + acide clavulanique ;
ATM : aztréonam, CTX : céfotaxime.
isolée plus d’une fois chez un même patient et ayant le
même profil à l’antibiogramme n’a été prise en compte
qu’une fois. Tableau 1 Évolution des E. coli-BLSE selon les années.
Les examens cytobactériologiques des urines (ECBU) ont Année 2010 2011 2012
été fréquemment prescrits, par les cliniciens, chez les
patients présentant : Fréquence d’isolement (X %) 3 4 6
• un échec d’antibiothérapie probabiliste préalable ;
• une IU récidivante ;
• une pathologie sous-jacente ; Résultats
• une infection grave ;
• des brûlures et douleurs à la miction ; Au cours de cette étude, 1472 entérobactéries uropatho-
• une pollakiurie. gènes ont été isolées dont 924 souches non répétitives
d’E. coli, soit une fréquence d’isolement globale de 63 %. Les
Les résultats des ECBU validés par le biologiste sont souches d’E. coli uropathogènes ont été isolées essentielle-
ensuite communiqués au clinicien à qui revient la décision ment (86 %) chez des patients consultants en ambulatoire
de prescrire ou non une antibiothérapie selon les conditions (dispensaires, consultations externes et urgences).
de réalisation du prélèvement (par exemple : tenir compte L’antibiorésistance des souches d’E. coli non produc-
des risques de souillure de l’échantillon urinaire et de la trices de BLSE isolées a mis en évidence des taux moyens
colonisation), l’état clinique du patient (par exemple : IU de résistance à l’amoxicilline (65 %), au triméthropime-
symptomatique ou asymptomatique avec ou sans fièvre) et sulfaméthoxazole « TMP-SMX » (55 %), à l’AMC (43 %), à la
l’existence ou non d’une antibiothérapie préalable. ciprofloxacine (22 %), à la gentamicine (14 %), aux nitrofu-
Ont été retenus pour cette étude les prélèvements uri- ranes (11 %), à l’amikacine (8 %), à la fosfomycine (7 %) et à
naires répondant à une bactériurie significative supérieure l’imipénème (0 %) (Fig. 2).
ou égale à 105 UFC/mL (au-delà de 2 types de colonies dif- Les fréquences d’isolement des souches d’E. coli pro-
férentes, l’analyse n’est pas poursuivie sauf en situation ductrices de BLSE est passé de 3 % en 2010 à 6 % en 2012,
particulière et en concertation avec le clinicien) en présence soit une fréquence moyenne de 4,5 % (67/1472) par rapport
d’une leucocyturie supérieure ou égale à 104 éléments/mL. à l’ensemble des souches d’entérobactéries uropathogènes
Les seuils de bactériurie de 103 UFC/mL pour les cystites à (Tableau 1).
E. coli ont aussi été retenus. Les résistances aux antibiotiques usuels dans le cas des
L’identification des bactéries isolées a été basée sur E. coli productrices de BLSE étaient de 82 % pour la cipro-
l’étude de leurs caractères morphologiques, culturaux et floxacine, 76 % pour le TMP-SMX, 66 % pour la gentamicine,
biochimiques par méthode automatisée sur Microscan (Dade 56 % pour l’amikacine et 0 % pour l’imipénème (Tableau 2).
Behring®, Sacramento, États-Unis). Les critères de lec-
ture et d’interprétation sont ceux du comité de la société
française de microbiologie (CA-SFM) [2]. Discussion
La production de -lactamases à spectre élargi (BLSE),
détectée par l’automate, a été confirmée par la méthode de Le profil épidémiologique des bactéries uropathogènes
diffusion impliquant le test de synergie entre l’association varie d’une région à l’autre. De ce fait, la connaissance
amoxicilline + acide clavulanique « AMC » et une cépha- de l’épidémiologie locale ainsi que son évolution reste
losporine de troisième ou quatrième génération et/ou indispensable pour le choix d’une antibiothérapie de pre-
l’aztréonam. Cette synergie est caractérisée par une image mière intention efficace et adaptée pour chaque région.
en « bouchon de champagne » et signe la présence d’une Les résultats de notre étude ont mis en évidence une
BLSE (Fig. 1). forte implication des souches d’E. coli (63 %) dans les IU à
Profil actuel de résistance aux antibiotiques des souches d’Escherichia coli 1061
Figure 2. Les taux moyens de résistance des souches d’E. coli non productrices de BLSE isolées aux différents antibiotiques testés.
souches d’E. coli non productrices de BLSE (Tableau 2). Ceci [6] Matute AJ, Hak E, Schurink C, et al. Resistance of uropathogens
peut être expliqué par le fait que les gènes des BLSE, por- in symptomatic urinary tract infection in Leon, Nicaragua. Int
tés généralement par des plasmides, sont souvent associés J Antimicrob Agents 2004;23:506—9.
à des gènes de résistance aux antibiotiques, notamment aux [7] Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
aminosides et aux fluoroquinolones [17,18]. Recommandations pratiques : diagnostic et antibiothérapie
des infections urinaires bactériennes communautaires chez
Aucune résistance à l’imipénème n’a été mise en
l’adulte. Med Malad Infect 2008;38S:203—52.
évidence pour les souches d’E. coli identifiées, soit une sen- [8] ONERBA. Résistance bactérienne aux antibiotiques. Données
sibilité à l’imipénème de 100 %. Cependant, l’utilisation de l’observatoire national de l’épidémiologie de la résistance
rationnelle de cette molécule est obligatoire afin d’éviter bactérienne. Med Mal Infect 2005;35:155—69.
l’émergence de souches d’E. coli productrices de carbapé- [9] Tagajdid MR, Boumhil L, Iken M, Adnaoui M, Benouda A. Étude
nèmases. de la résistance des souches d’Escherichia coli isolées dans
les urines aux fluoroquinolones et aux céphalosporines de troi-
sième génération. Med Mal Infect 2010;40:70—3.
Conclusion [10] Cizman M, Orazem A, Krizan-Hergouth V, et al. Correlation bet-
ween increased consumption of fluoroquinolones in outpatients
L’émergence et la dissémination des bactéries uropatho- and resistance of Escherichia coli from urinary tract infections.
J Antimicrob Agents Chemother 2001;47:502—3.
gènes multirésistantes constituent un véritable problème
[11] Neuhausser MM, Weinstein RA, Rydman R. Antibiotic resis-
de santé publique et un véritable défi pour les biologistes, tance among Gram negative bacilli in US intensive care
les cliniciens, les hygiénistes et les autorités sanitaires. units: implications for fluoroquinolones use. JAMA 2003;289:
L’adoption d’une politique pour le bon usage des anti- 885—8.
biotiques, actualisée par des programmes réguliers de [12] Ling TK, Xiong J, Yu Y. Multicenter antimicrobial suscep-
surveillance de la sensibilité des bactéries aux antibiotiques, tibility survey of Gram negative bacteria isolated from
reste parmi les outils clés pour la diminution de l’ampleur du patients with community-acquired infections in the People’s
phénomène de la résistance bactérienne aux antibiotiques. Republic of China. Antimicrob Agents Chemother 2006;50:
374—8.
[13] Pitout JD, Nordmann P, Laupland KB, Poirel L. Emergence
of Enterobacteriacae producing extended-spectrum beta-
Déclaration d’intérêts lactamases (ESBLs) in the community. J Antimicrob Chemother
2005;56:52—9.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en [14] El Bouamri MC, Arsalane L, Kamouni Y, Berraha M, Zouhair
relation avec cet article. S. Évolution récente du profil épidémiologique des entérobac-
téries uropathogènes productrices de B-lactamases à spectre
élargi à Marrakech, Maroc. Prog Urol 2014;24:451—5.
Références [15] Hernandez JR, Martinez-Martinez L, Canton R, Coque TM, Pas-
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J Antimicrob Chemother 2000;46:S1—7. crob Agents Chemother 2005;49:2122—5.
[2] http://www.sfm-microbiologie.org/UserFiles/file/CASFM/ [16] Fouquet M, Morange V, Bruyère F. Évolution sur cinq ans des
CASFM 2013.pdf (site consulté le 06 novembre 2013). infections à germes produisant une B-lactamase à spectre
[3] Bruyère F, Cariou G, Boiteux JP, Hoznek A, Mignard JP, Escara- étendu. Prog Urol 2012;22:17—21.
vage L, et al. Généralités. Prog Urol 2008;18(Suppl. 1):S4—8. [17] De Champs C, Sirot D, Chanal C, Poupart MC, Dumas MP, Sirot
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