Ephypend :

Estimation des propriétés hydriques des matériaux biosourcés

dans le domaine pendulaire, de la préfabrication à la vie en œuvre

Direction de thèse : F. Collet, Université de Rennes, LGCGM ([email protected])

Co-direction : T. Colinart, Université de Bretagne Sud, IRDL ([email protected])
Co-encadrement : M. Bart, Université de Rennes, LGCGM ([email protected])
Partenaire industriel : Y. Lehagre, Kannwood

Contexte et enjeux du projet

En France, le secteur du bâtiment représente 43 % des consommations d’énergie et 23 %
des émissions de gaz à effet de serre. Différentes réglementations et incitations sont mises
en place pour réduire ces empreintes environnementales, aussi bien pour les bâtiments
neufs que pour les bâtiments existants. Par exemple, la réglementation environnementale
RE2020 fixe des objectifs en termes de consommations d’énergie et d’empreinte carbone,
celle-ci étant liée à la fois aux composants du bâtiment, la phase chantier, l’aménagement
de la parcelle et aux consommations d’eau et d’énergie pendant la vie en œuvre. La
réponse à ces enjeux environnementaux passe donc par la conception de l’enveloppe et le
choix des matériaux, en vue notamment de minimiser à la fois les besoins énergétiques et
l’empreinte carbone des bâtiments.
Parmi les solutions techniques envisageables, les bétons de chanvre présentent des
performances hygrothermiques permettant de contribuer à la minimisation des besoins
énergétiques tout en assurant un bon niveau de confort intérieur. De plus, leur part
biosourcée constitue une ressource renouvelable et un puit de carbone. Ces matériaux
bénéficient de règles professionnelles. Ils peuvent être mis en œuvre sur site par moulage
ou par projection en association avec une ossature porteuse, le plus souvent en bois.
Récemment, ces matériaux ont également été mis en œuvre sous forme de blocs ou de
panneaux préfabriqués, technique qui permet à la fois de mieux maitriser la qualité de
fabrication et de répondre à l’enjeu de massification la production.
Pour poursuivre le développement de cette filière de préfabrication, il faut toutefois lever
certains verrous liés à l’humidité. En premier lieu, il est nécessaire de sécuriser la
production, en particulier à travers la problématique du séchage du matériau. Cette étape
est cruciale pour envisager l’industrialisation de la production. En second lieu, il convient
d’évaluer la reprise d’humidité sur le chantier avant ou suite à la pose des enduits pour
éviter tout risque pathologique. Enfin, il s’avère nécessaire de lever le questionnement
concernant les risques de condensation interne, en particulier à l’interaction avec
l’ossature bois. Par ailleurs, il convient d’appréhender la performance hygrothermique de
ce type de paroi au regard des études réglementaires.
Cette thèse, en partenariat avec l’entreprise Kannwood, portera sur l’étude de panneaux
préfabriqués de bétons de chanvre. Ces panneaux sont constitués d’un corps en béton de
chanvre, d’un panneau de contreventement et d’une couche de laine isolante. Ils
comprennent également une ossature en bois. Pour le béton de chanvre, deux types de
liants sont considérés : des liants à base de chaux et des liants à base d’argile en vue de
réduire l’empreinte environnementale.
Problématique scientifique abordée
A différents stades de sa vie, le béton de chanvre peut se confronter à des niveaux
d’humidités élevés qui peuvent être préjudiciables quant à la durée de vie du matériau :
• Lors de la fabrication, une quantité minimale d’eau est requise pour s’assurer
d’une bonne rhéologie du mélange liant-chanvre. Le chanvre ayant une forte
capacité d’absorption d’eau, il absorbe de l’eau très rapidement après le mélange
puis la restitue progressivement, ce qui conduit à des temps de séchage
relativement élevés. Mesurer et de comprendre les phénomènes de séchage au
sein du matériau hétérogène qu’est le béton de chanvre sont des enjeux essentiels.
• Après livraison à nus sur le chantier, les panneaux préfabriqués peuvent être
exposés aux intempéries, notamment à la pluie, conduisant à une absorption d’eau.
Dans un second temps, ces panneaux sont mis en place et recouvert d’un enduit
qui constitue un apport d’eau qui est absorbé par la paroi support.
• Lors de la vie du bâtiment, les enveloppes sont sujettes à des conditions variables
de température et d’humidité relative, dont certaines peuvent conduire à des
risques de condensation interstitielle.
Pour chacun de ces stades, le matériau présente une humidité élevée, bien plus
importante que celle du domaine hygroscopique, mais moindre à celle du domaine
capillaire : l’eau est dans le domaine pendulaire. Dans ce domaine, la description des
transferts couplés de chaleur et d’humidité reste mal maitrisée, notamment en raison
d’une méconnaissance des propriétés de transfert et de leur dépendance avec les
variables d’état.

L’objectif de cette thèse consiste donc à traiter les transferts d’humidité dans le béton de
chanvre dans le domaine pendulaire. Il s’agira alors de développer des protocoles de
caractérisation spécifiques à ces zones d’humidité, les protocoles actuels étant
développés pour le domaine hygroscopique ou le domaine capillaire, mais, à notre
connaissance, pas pour le domaine pendulaire. Pour mener à bien cette étude, le(la)
doctorant(e) s’appuiera d’une part sur une méthode inverse développée au LGCGM
consistant à déterminer des isothermes de sorption et des propriétés de transfert liquide
et vapeur dans le domaine hygroscopique. Actuellement, cette méthode permet
d’identifier les branches d’adsorption et de désorption ainsi qu’une valeur de
perméabilité à la vapeur à partir d’un essai MBV classique (cycles 8 heures à 75 %HR
suivies de 16 heures à 33 %HR). D’autre part, le(la) doctorant(e) s’appuiera sur
l’expérience accumulée par l’IRDL sur la mesure de la conductivité thermique des isolants
humides. Actuellement, des analyses fiabilisées pour des mesures dans le domaine
hygroscopique ont montré l’importance des transferts de masse lors d’une mesure de
conductivité thermique en régime permanent. L’enjeu pour le(la) doctorant(e) consistera
alors à définir les protocoles expérimentaux et les techniques d’analyse permettant
d’accéder aux propriétés hydriques et thermiques du domaine pendulaire.

Ces propriétés nouvellement évaluées permettront de reconsidérer les cas d’études

mentionnés ci-dessous dans le but d’évaluer les performances multi-physiques du béton
de chanvre mis en œuvre dans le panneau préfabriqué :
 • Concernant la question du séchage, il sera d’une part possible d’évaluer les
cinétiques de manière plus fiable pour différents types de liants (qui
nécessiteraient plus ou moins d’eau lors de la mise en œuvre) ou pour différentes
conditions assurées par des systèmes bas carbone (séchage solaire par exemple).
D’autre part, les interactions avec les autres composants de la paroi (ossature,
contreventement) pourront être élucidées dans le but garantir une fiabilité de
mise en œuvre du panneau préfabriqué.
• Concernant la reprise d’humidité, il s’agit de déterminer les quantités d’eau
maximales qui peuvent être absorbées sur chantier et de statuer sur la nécessité
ou non de réaliser un gobetis de protection sur le béton de chanvre. Si une telle
solution est envisagée, son efficacité sera évaluée.
• Concernant le risque de condensation interstitielle, il s’agit à la fois de démontrer
la performance hygrothermique de la paroi et d’évaluer les conditions conduisant
à des risques afin d’optimiser la composition de la paroi en questionnant en
particulier la nécessité d’un frein vapeur et la position de l’isolant.

Principales étapes du projet

Les principales étapes du projet sont les suivantes :
• Réalisation d’un état de l’art
• Prise en main des modèles et des techniques inverses – Application sur un cas
théorique
• Développement d’expériences adaptées pour une estimation des propriétés
hydriques dans le domaine pendulaire
• Poursuite du développement de la méthode inverse pour une estimation de des
propriétés hydriques en fonction de l’humidité relative.
• Études expérimentales et numériques à l’échelle de la paroi sur les problématiques
de séchage, de reprise d’humidité et de condensation interstitielle

Approches méthodologiques et techniques envisagées

Outre les approches méthodologiques usuelles sur la caractérisation multi-physique des
matériaux de construction, cette thèse inclura le développement d’un protocole de
caractérisation des propriétés hydriques dans le domaine pendulaire. Elle pourra
s’appuyer sur le développement en cours à l’IRDL concernant la mesure locale d’humidité
par spectroscopie d’impédance électrique. Elle inclura également la poursuite du
développement mené au LGCGM d’une méthode inverse d’identification des paramètres
hygriques à partir de mesures dynamiques.
A l’échelle du panneau préfabriqué, le comportement hygrothermique sera étudié d’un
point de vue expérimental et numérique. Sur le volet expérimental, le projet pourra
s’appuyer sur les dispositifs d’enceinte bi-climatique, les veines de séchage et la
métrologie disponibles au LGCGM et à l’IRDL. Sur le volet numérique, le projet pourra
s’appuyer sur le code de calcul développé au LGCGM ou sur l’expérience de l’IRDL sur
l’utilisation de codes commerciaux.
Présentation des moyens mobilisés pour le projet
• LGCGM :
o Moyens techniques : bancs expérimentaux nécessaires à la caractérisation
multi-physique (presse, armoires climatiques, CT mètre) et à l’étude
expérimentale à l’échelle paroi (enceinte bi-climatique), code interne pour la
simulation du comportement hygrothermique des matériaux et des parois 1D
(TMC), méthode inverse pour l’identification des isothermes de sorption et de
la perméabilité à la vapeur ;
o Moyens humains : direction de thèse F. Collet, co-encadrement M. Bart,
support d’un technicien
• IRDL :
o Moyens techniques : bancs expérimentaux nécessaires à la caractérisation
multi-physique (DVS, HFM, plaque chaude gardée) et à l’étude expérimentale
à l’échelle paroi (enceinte bi-climatique), codes commerciaux pour la
simulation du comportement hygrothermique des matériaux et des parois 2D
(WUFI, Comsol), méthode de mesure de l’humidité par spectroscopie
d’impédance électrique
o Moyens humains : co-direction de thèse T. Colinart, support ingénieur de
recherche, collaboration avec Gurvan Le Quentrec (thèse sur mesure
humidité)

Partenaire supplémentaire du projet

Cette thèse sera réalisée en partenariat avec l’entreprise Kannwood qui la co-financera.
Cette entreprise a été lauréate du prix Crisalide Eco-Activités 2022, catégorie Transition
Énergétique pour son projet de panneaux préfabriqués en béton de chanvre.