Chapitre 7 :
LES CONSTRUCTIONS DU VERBE. LA FONCTION OBJET
Bibliographie sélective :
- pour commencer simplement : définition des « COD, attribut, COI, COS, Cplt d’agent» à
l’entrée « Fonction » dans le document Notions de linguistique et de stylistique, section
« Syntaxe » (M. Braud) ;
- dans le document commun Exercices de linguistique française, La phrase simple (Violaine
Giacomotto), Étude sur les parties du discours et sur les fonctions, Troisième exemple :
« vous ferez l’étude des compléments du verbe dans le texte suivant ») ;
- N. Baccus, GF, Partie II (Les fonctions), partie Complément d’agent, p. 85-86, et
complément d’objet, p. 91-93 ;
- F. Mercier-Leca, 35QGF, A. Colin, 2e partie (Le verbe), question 11 (comment reconnaître
les Cts du verbe ?, p. 99-114), 13 (Comment distinguer la fonction complément d’objet et la
fonction attribut ?, p. 123-131), 15 (Comment analyser les verbes à la forme pronominale ?,
p. 136-144).
Nous allons détailler en deux chapitres (7 et 8) les cinq types principaux de construction du
verbe :
– intransitive lorsque le groupe verbal se limite au verbe, Pierre dort ;
– transitive directe quand s’ajoute au verbe un élément nominal, Pierre écrit une lettre ;
– transitive indirecte quand l’élément nominal est introduit par une préposition, Pierre se
souvient de ses vacances ;
– transitive à deux compléments, Pierre écrit (1) une lettre (2) à Marie ;
– attributive lorsque cet élément peut être un adjectif, Pierre reste silencieux, Pierre est un
taciturne.
– transitive attributive : Pierre trouve Corinne délicieuse.
Par raccourci d’expression, on utilise souvent ces termes pour catégoriser les verbes eux-
mêmes, mais il s’agit plutôt de leurs classes d’emplois, car le même verbe pris en différents
sens peut appartenir à plusieurs de ces classes : Les enfants jouent vs Pierre joue son dernier
centime vs Marie joue de la guitare vs Paul joue la comédie à Jeanne.
1. Les différentes constructions
Les verbes dits intransitifs ne peuvent pas être complétés, dans la mesure où ils représentent
des procès clos sur eux-mêmes et n’ont besoin, pour prendre sens, que d’un actant initial,
d’une source, d’un sujet : par exemple éternuer, récidiver, boursicoter, etc. Leurs groupes
verbaux ne peuvent contenir que certains adverbes : J’éternue beaucoup, Pierre a encore
récidivé, Marie boursicote passionnément... On ne peut pas, à propos de ces actions, poser la
question « Qu’ / Qui est-ce que ? » : *Qui as-tu éternué ? *Qu’as-tu éternué ? *Qui est-ce
que tu as éternué ? *Qu’est-ce que tu as éternué ?
1. 1. Ce dernier critère est fondamental pour analyser certaines constructions litigieuses
mettant notamment en œuvre des verbes de sens spatial ou temporel qui impliquent un ou des
complément(s) sans pour autant pouvoir être considérés comme transitifs : ainsi peut-on dire
aussi bien Pierre a marché tout court que Pierre a marché cent kilomètres ou Pierre a marché
d’Avignon à Montpellier, mais pas poser la question *Qu’est-ce que Pierre a marché ? ni
*Qu’a-t-il marché ? Il en va de même pour Marie vient de Barcelone, Paul a passé deux
semaines ici, L’épreuve a duré une heure, etc.
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Les grammaires hésitent sur le classement de ces constructions, mais il vaut mieux les
considérer comme intransitives et traiter leur élément nominal comme un complément
essentiel (= ni objet ni de phrase) construit directement (L’épreuve a duré une heure /
combien ?), ou indirectement (Marie vient de Barcelone / d’où ?).
1. 2. On nomme constructions à objet interne celles où un complément, construit
directement, est ajouté à des verbes habituellement intransitifs, dont le sémantisme ne suppose
pas ou même exclut en principe tout complément, par exemple aller dans son sens de
déplacement : on ne va ordinairement pas quelque chose, mais d’un endroit à un autre, or on
rencontre des constructions comme Pierre va son chemin ou son petit bonhomme de chemin
ou, dans le cas de la tortue de La Fontaine, « elle va son train de sénateur » (= à un certain
rythme). Ces termes ne peuvent pas formellement être considérés comme des compléments
d’objet – ils ne sont pas pronominalisables : elle va son train de sénateur : *elle le va –, mais
sont dits objets internes parce qu’ils appartiennent au même domaine sémantique que le
verbe ou à sa famille lexicale dans le cas de Paul vit sa vie ou une vie de bâton de chaise...
Pour autant, ces compléments ne reprennent pas forcément le sens du verbe, mais introduisent
des spécifications qui auraient pu être véhiculées par d’autres types de constructions : Paul vit
à sa guise, conformément à ses conceptions personnelles, comme il l’entend, etc. Ces
constructions sont souvent figées, mais on rencontre des occurrences littéraires où l’auteur
intensifie le procès qu’il évoque grâce à ce procédé : « Elle parle une parole douce comme
une figue » (Giono).
1. 3. Par opposition, les verbes construits transitivement peuvent, ou parfois doivent,
obligatoirement être complétés dans la mesure où ils représentent des procès qui supposent
logiquement, en plus de l’actant sujet, un autre point d’impact, une cible, un objet : je ne peux
pas dire *Pierre trompe tout court, il faut forcément que Pierre trompe quelqu’un ou que
Pierre se trompe de chemin.
Cependant, de nombreux verbes dits transitifs sont susceptibles d’être employés absolument,
sans complément explicite, dans des constructions qu’on nomme transitives absolues, avec
ou sans effet de sens spécifique :
– tantôt l’objet est contextuellement restituable : par exemple, dans une conversation, Je vois
(ce que vous voulez dire), Je sais (ce que vous venez de me dire), Répète (ce que tu viens de
dire), Regarde (ce que je te montre)...
– tantôt l’absence de complément concentre l’information sur le procès lui-même : Je mange
vs Je mange une pomme, ou Je chante vs Je chante une carmagnole, etc.
– tantôt la non spécification du complément crée des sens dérivés intégrant le trait d’habitude
ou de disposition permanente : Il boit = Il est alcoolique, Elle ne voit plus = Elle est aveugle,
Vous conduisez = Vous savez conduire.
Rappel de la définition du complément de verbe donnée par V. Giacomotto dans le document
commun Exercices de linguistique française, [La phrase simple (Violaine Giacomotto), Étude
sur les parties du discours et sur les fonctions, Troisième exemple : « vous ferez l’étude des
compléments du verbe dans le texte suivant »] :
« On appelle complément du verbe un constituant du syntagme verbal qui se trouve dans la
dépendance syntaxique et sémantique du verbe. Le complément du verbe se distingue du
complément de phrase non par son sens mais par son caractère obligatoire (sa suppression
modifie le procès du verbe) et par sa place fixe à droite du verbe. Les compléments du verbe
regroupent de ce fait les compléments d’objet de la grammaire traditionnelle, les attributs
mais aussi de nombreux compléments prépositionnels essentiels du verbe n’entrant ni dans
l’une, ni dans l’autre de ces catégories. » Il faudrait ajouter : « et que la grammaire
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traditionnelle analyse comme des compléments circonstanciels. » Nous verrons dans les
chapitres suivants comment s’organise cette intégration de certains compléments
circonstanciels traditionnels à la notion de « Compléments du verbe ».
2. Les constructions transitives directes : la fonction COD
Les constructions transitives directes sont celles qui s’opèrent par contact direct entre le verbe
et son complément d’objet direct, couramment abrégé COD ; elles répondent à la question
« Qui / Qu’est-ce que ? ». Du point de vue sémantique, le rapport instauré par le verbe entre
les actants sujet et objet a été abusivement assimilé par la grammaire traditionnelle à une
action du premier sur le second, alors que la transitivité peut recouvrir un rapport de
localisation (Le belvédère domine la ville, La police investit l’immeuble, Marie a quitté
l’appartement) ou un rapport de cause à conséquence (L’imprévoyance de Paul lui a valu /
causé / occasionné bien des soucis, L’intervention de Jeanne a suscité / provoqué l’hilarité
générale)...
En fait, c’est la conjonction de quatre critères formels qui permet d’identifier
syntaxiquement la construction transitive directe :
2. 1. Déplacement : Le COD n’est pas librement déplaçable par rapport au verbe ; dans la
phrase assertive, il lui est obligatoirement postposé, sauf quand il prend la forme d’un pronom
personnel : je peux dire que Je mange une pomme, mais pas *Une pomme je mange, et
réciproquement, que Je la mange, mais pas *Je mange la. Ce critère est très important, parce
qu’il permet de distinguer le COD de certains compléments de phrase construits sans
préposition : par exemple, Je mange la nuit peut sans problème devenir La nuit je mange ; ce
déplacement permet de dire que la nuit n’est pas l’objet de manger, mais un circonstanciel
(dont la valeur de temps peut être spécifiée par la préposition pendant).
2. 2. Commutation / Substitution : Le syntagme nominal COD peut être remplacé par un
pronom personnel antéposé de forme COD, à savoir le, la ou les, alors que les formes sujet,
il(s) et elle(s), sont impossibles.
2. 3. Commutation : Le COD ne peut jamais commuter avec un adjectif, ce qui distingue
radicalement la construction transitive directe de l’attributive : je peux dire Marie observe le
conférencier, mais pas *Marie observe éloquente, alors que je peux aussi bien dire Pierre est
le conférencier que Pierre est éloquent (cf. cours 6).
2. 4. Passivation : Les constructions transitives directes peuvent subir la transformation
passive, le COD devenant sujet passif : par exemple, Le chat mange les souris peut être
retourné en Les souris sont mangées par le chat. Ce critère connaît de notables exceptions, en
particulier avoir et pouvoir, mais il permet de distinguer radicalement les constructions
transitives d’autres constructions directes introduisant les compléments essentiels des verbes
coûter, mesurer, peser, valoir et vivre : par exemple, Nathalie pèse cinquante kilos ne peut
pas être inversé en *Cinquante kilos sont pesés par Nathalie. En revanche, on retrouve la
transitivité dans Nathalie a pesé un kilo d’oranges, passivable en Un kilo d’oranges a été pesé
par Nathalie.
2. 5. Nous avons observé qu’on doit considérer comme régime le SN suivant certaines
constructions particulières comme l’impersonnel il faut ou le présentatif il y a. Ce SN répond
bien à la question Que faut-il ? ou Qu’y a-t-il ? mais pas à tous les autres critères. À partir de
Il faut des heures de travail, je ne peux pas produire *Des heures de travail sont fallues. À
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partir de Il y a des éclairs, je ne peux pas produire *Il les y a... C’est donc la conjonction des
quatre critères précédents, et seulement elle, qui permet de parler de construction transitive
directe et de fonction COD.
Rappel : les propositions subordonnées complétives qui complètent un verbe, assurent la
fonction COD :
Je souhaite que tu viennes (/ ta venue).
Il en va de même pour les subordonnées interrogatives indirectes :
Je ne sais si je viendrai demain.
Dites-moi qui vous êtes.
Je ne sais pourquoi,/ mon esprit amer,/ d’une aile inquiète et folle,/ vole vers la mer.
(Verlaine)
Ainsi que pour les subordonnées relatives sans antécédent :
J’aime qui m’aime.
Attention aux possibles erreurs : lorsqu’on trouve la suite verbe + SN, le SN peut être :
- COD : J’aime Corinne.
- attribut : Je suis Corinne.
- complément essentiel : Le cours a duré deux heures.
- complément d’objet interne : Laisse-moi vivre ma vie.
- régime de l’impersonnel : Il reste deux places.
- complément circonstanciel construit directement : Il travaille la nuit.
Cas particulier: les verbes dits de mesure où le complément n’est pas affecté par l’activité du
sujet (poids, prix, durée, distance): « coûter 20 euros », « mesurer deux mètres », « valoir une
fortune ». Ces constructions présentent une transitivité particulière, qu’il faut noter comme
telle si vous avez à décrire une occurrence de ce genre : sur le plan syntaxique, ces verbes ont
un comportement syntaxique plus proche des compléments d’objet directs car leur
construction permet moins de liberté avec leurs compléments et ils ne sont pas séparés du
verbe par une préposition ; mais sur le plan sémantique, ces cplts spécifient une sorte de
circonstant de manière. Une dénomination, qui combine l’approche sémantique et l’approche
syntaxique, permet de rendre compte de ce statut particulier : « complément circonstanciel
intégré à construction directe ». Le terme « circonstanciel » témoigne de l’approche
sémantique (du sens de « manière ») et l’expression « intégré à construction directe »
témoigne de l’approche syntaxique (« intégré » = dans la dépendance du verbe, « à
construction directe » = sans préposition).
3. Les constructions transitives indirectes : la fonction COI
Les verbes dits transitifs indirects et leur complément d’objet indirect, abrégé COI, présentent
la même définition de base que les précédents, mais leur construction s’opère par le
truchement d’une préposition, le plus souvent à ou de, et répond aux questions À qui ? À
quoi ? De qui ? De quoi ?
Comme précédemment, certains verbes ne permettent que cette construction, alors que
d’autres en connaissent plusieurs, avec des variations de sens plus ou moins importantes :
d’un côté, je ne peux pas dire qu’Un appartement consiste tout court, il faut nécessairement
qu’Il consiste en x pièces ; mais d’autre part je peux aussi bien dire Pierre a beaucoup veillé
que Paul a veillé son fils malade ou Marie a veillé à l’approvisionnement de la maison.
En revanche, les deux premiers de nos critères précédents suffisent à eux seuls à définir
syntaxiquement la construction transitive indirecte qui, en particulier, ne se prête en principe
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pas à la transformation passive : Pierre a résisté à ma proposition ne deviendra jamais *Ma
proposition a été résistée par Pierre.
3. 1. Déplacement : Le COI n’est pas librement déplaçable par rapport au verbe ; dans la
phrase assertive, il lui est obligatoirement postposé, sauf quand il prend la forme d’un pronom
personnel, ce qui permet de le distinguer de certains compléments de phrase construits avec
les mêmes prépositions : par exemple, on dit spontanément L’artiste pense à sa prestation et
très difficilement *À sa prestation l’artiste pense ou *L’artiste à sa prestation pense, alors
qu’il est tout à fait possible de dire soit L’artiste mange à minuit, soit À minuit, l’artiste
mange, soit encore L’artiste, à minuit, mange.
3. 2. Commutation : Le syntagme nominal COI peut être remplacé par un pronom personnel
de forme COI, forcément antéposé dans la phrase assertive, à savoir lui, leur, y ou en. Ces
pronoms équivalent à l’ensemble [préposition + complément] et permettent parfois de
discriminer le COI de certains compléments de phrase : L’artiste mange à minuit ne peut pas
être transformé en *L’artiste y mange, alors que L’artiste pense à sa prestation peut devenir Il
y pense.
3. 3. Cependant, le recours aux questions De qui ? De quoi ? À qui ? À quoi ? reste parfois
indispensable pour distinguer le COI d’autres compléments essentiels, notamment de lieu,
construits avec de ou à et pronominalisables par en ou y : Je pense à Paris ou Je rêve de Paris
sont des constructions transitives indirectes, alors que Je réside à Paris ou Je viens de Paris
répondent aux questions Où ? D’où ? Les grammaires hésitent sur le classement de ces
constructions, mais il vaut mieux les considérer comme intransitives et traiter leur élément
nominal comme un complément essentiel (= ni objet ni de phrase) construit indirectement. Il
en va de même pour des verbes tels que avancer vers, buter contre / sur, compter sur, courir
après, discuter avec, habiter / loger chez, passer par, tourner autour de, voter pour / contre,
etc.
Le COI peut être une complétive indirecte : je m’attends à ce que tu viennes.
Attention aux possibles erreurs : lorsqu’on trouve la suite verbe + SP, le SP peut être :
- COI : Je pense à Corinne.
- COS : J’écris à Corinne.
- complément essentiel indirect : Je reviens de Paris.
- régime indirect de l’impersonnel : Il s’agit de plaisanteries stupides.
- complément circonstanciel: Il fait beau à Paris.
Difficulté : comment faire la différence, par exemple, entre les deux compléments soulignés
ci-dessous :
- 1. Il appuie sur le bouton.
- 2. Il a mangé un poulet dès son arrivée ?
La grammaire traditionnelle y voit deux compléments circonstanciels (cplts de lieu et cplt de
temps) ; c’est sans doute aussi votre analyse spontanée. Cependant, malgré l’analogie
sémantique (mention d’un circonstant), une nette opposition syntaxique les sépare.
Il s’agit en effet de savoir si la préposition est imposée par le verbe, ou si, au moins, elle est
inscrite dans le programme du verbe. Si c’est le cas, on range ces cplts parmi les cplts intégrés
au verbe même si leur sens indique une circonstance : c’est le cas dans la phrase 1, « sur le
bouton » est un complément intégré au groupe verbal (on appuie toujours « sur »).
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Inversement, « hier» est un complément périphérique, non intégré au groupe verbal, il sera
rangé dans les compléments adjoints (voir chapitre 12).
On privilégie ainsi le critère syntaxique (l’autonomie de la préposition vis-à-vis du verbe :
« dès » n’est pas prévue par le verbe « manger ») par rapport au critère sémantique (le sens
locatif de la préposition).
Certains auteurs combinent la syntaxe et la sémantique et parlent, pour le cas où le sens de la
préposition est circonstanciel (en particulier le lieu, la manière, le temps) mais que cette
préposition est prévue par la construction du verbe et que le complément n’a pas d’autonomie
par rapport à lui (d’où le qualificatif « intégré »), de « Cplt circonstanciel intégré à
construction indirecte» (cas de la phrase 1 ci-dessus). Vous pouvez vous contenter de parler
de « compléments du verbe (à valeur circonstancielle)» et de rappeler leur dépendance vis-à-
vis du verbe.
4. Les constructions transitives à deux objets : la fonction COS
Certains verbes admettent ou exigent, en même temps ou séparément, un COD ou un COI et
un autre complément introduit par une préposition, le plus souvent à, qu’on nomme
complément d'objet second, = COS :
– COD + COS : Paul lit une histoire à son fils, Marie paye un verre à ses collègues, Jeanne a
passé son angine à Pierre...
– COI + COS : Paul parle de la vie à son fils, Marie rend compte de son expérience à un
collègue, Jeanne sert de répétitrice à Pierre...
Ce nouvel actant s’explique par le fait que ces verbes représentent la transmission d’une
valeur matérielle ou symbolique à une personne ou un objet constituant une cible
supplémentaire : ainsi d’acheter, donner, louer, prêter, vendre, etc., tous les verbes
d’énonciation, mais aussi cacher, autoriser, défendre, interdire, permettre, etc.
Le rôle syntaxique et sémantique de ces constructions doubles est très particulier : en analyse
actantielle, notamment, elles sont cruciales pour repérer le destinateur, généralement sujet du
verbe équivalent à dire ou à donner, et le destinataire, le plus souvent COS. Ce dernier était
autrefois appelé « complément d’attribution », ce qui n’était pas sémantiquement exact et
pouvait entraîner des confusions avec la construction attributive. Par référence aux langues à
cas comme le latin, l’allemand ou le russe..., on peut le considérer comme un datif, mais cette
désignation n’est pas reconnue par toutes les grammaires.
Son caractère logiquement ultérieur autorise à nommer ce nouvel actant objet second, mais :
4. 1. Il peut parfois fonctionner seul, ou apparaître en première position, avant le COD ou le
COI : on dira aussi bien Pierre écrit à Marie que Pierre écrit à Marie une longue lettre ou
Pierre écrit une longue lettre à Marie.
4. 2. Quelques constructions syntaxiquement identiques répartissent différemment les rôles
actantiels :
– Tantôt c’est le sujet du verbe qui est sémantiquement destinataire, le COS indiquant le
destinateur, ce qui insiste sur le résultat de la transmission : ainsi, Pierre a reçu un conseil de
Jeanne succède logiquement à Jeanne a prodigué un conseil à Pierre ; de même, si Marie
tient / a hérité sa maison d’un grand-oncle, c’est probablement qu’Un grand-oncle a légué sa
maison à Marie.
– Tantôt le COS recouvre la valeur transmise, le bénéficiaire étant représenté par le premier
complément : Jeanne a fourni Pierre en tomates équivaut à peu près à Jeanne a fourni des
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tomates à Pierre ; mais accuser, alimenter, approvisionner, pourvoir... ne connaissent que la
construction variante. Ainsi, dans « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage », l’
représentant son chien est COD et la rage COS, même si, sémantiquement, le chien est le
destinataire victime de l’anti-valeur rage.
Ces exemples rappellent l’intérêt de fonder l’analyse syntaxique en priorité sur des critères
formels et de ne la mettre que dans un second temps en rapport avec la production de sens.
Quelques verbes admettent trois compléments :
Pierre m’a acheté ce vélo 200 €.
Le bus transporte les passagers de Montpellier à Toulouse.
Quelques verbes admettent un datif : il concerne la personne indirectement intéressée mais
pas prévue par le verbe lui-même :
Chante-moi une chanson !
Sa femme lui a mijoté un lapin à la moutarde.
On parle de datif éthique lorsque le procès n’affecte pas directement la personne (1ère ou
2ème) :
Cet hiver, le petit m’a fait deux grippes.
Il te descend la pente à toute vitesse.