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La circulation générale océanique

Auteur : Bruno VOITURIEZ


Président du Club des Argonautes, Membre de l’Académie de Marine

Les causes

À l’origine des courants marins et de leur configuration, on trouve (1) une source d’énergie, le soleil, (2) le couplage de
l’océan et de l’atmosphère, (3) la rotation de la Terre. De l’énergie solaire qui entre dans le système Terre, 56 % sont
absorbés par l’océan, deux fois plus que par l’atmosphère. L’océan est ainsi le principal réservoir d’énergie solaire. Il
en rétrocède une part à l’atmosphère par rayonnement, conduction, évaporation. Si bien que c’est l’océan (45 %) et
non le rayonnement solaire direct (34 %), qui est le principal fournisseur d’énergie de l’atmosphère. L’apport des
continents et de la biosphère terrestre représente 21 %. Ce transfert de chaleur et d’énergie de l’océan vers
l’atmosphère se fait principalement dans les régions intertropicales qui sont les principales bénéficiaires du
rayonnement solaire et où les températures de l’océan sont les plus élevées. Notamment dans la zone intertropicale
de convergence des alizés de l’hémisphère nord et de l’hémisphère sud (le pot au noir). Les océans équatoriaux sont la
chaudière qui, par convection, met en mouvement l’atmosphère. Le vent ainsi créé grâce aux apports énergétiques de
l’océan à l’atmosphère va en retour, par frottement à la surface de l’océan, lui transmettre de l’énergie mécanique et
générer les courants de surface. Ainsi circulations atmosphérique et océanique sont-elles indissolublement liées : on
parle de couplage entre l’océan et l’atmosphère. Le système climatique est une machine thermique à convertir et
distribuer l’énergie que la Terre reçoit du soleil et l’atmosphère et l’océan en sont les deux fluides. Ils assurent le
transport et la distribution de la chaleur de la source chaude équatoriale vers les régions polaires.

Les courants de surface

Les échanges thermodynamiques et mécaniques précédents, et les mouvements qu’ils induisent dans l’océan comme
dans l’atmosphère, génèrent des variations de pression atmosphérique et océanique, qui vont « organiser » la
circulation des deux fluides. La pression atmosphérique en un point représente le poids de la colonne d’air qui le
surmonte. Pareillement, la pression océanique en un point (pression hydrostatique) représente le poids de la colonne
d’eau au-dessus d’une surface en profondeur prise comme référence ; elle dépend de la densité et donc de la
température, de la salinité et bien sûr de la hauteur de la colonne d’eau. Les variations du niveau de la surface de la
mer que mesurent les satellites sont une représentation précise du champ de pression océanique.

En raison de la rotation de la Terre sur elle-même et de sa sphéricité, les courants atmosphériques et océaniques ne
s’écoulent pas en ligne droite des hautes vers les basses pressions. En effet la rotation de la Terre sphérique sur elle-
même impose à tout corps ou fluide en mouvement à sa surface une accélération complémentaire dite de Coriolis, qui
entraîne le mobile sur la droite de son mouvement dans l’hémisphère nord et sur la gauche dans l’hémisphère sud.
C’est pourquoi les grandes circulations océanique et atmosphérique, ignorant la ligne droite, s’organisent en de vastes
tourbillons autour des zones de haute (anticyclone) et basse (dépression) pression. Comme l’atmosphère, l’océan a
ses anticyclones et ses dépressions, que les mesures altimétriques satellitaires permettent de cartographier. Vents et
courants tournent dans le sens des aiguilles d’une montre autour des anticyclones, et en sens inverse autour des
dépressions. C’est le contraire dans l’hémisphère sud. Les vents et courants sont d’autant plus forts que le gradient de
pression autour de l’anticyclone ou de la dépression est élevé. Dans l’Atlantique nord entre le centre de l’anticyclone
océanique (centré sur les Bermudes) et la dépression du Labrador au sud du Groenland, la dénivellation est de 1,8 m.

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Figure 1. Les champs moyens de pression atmosphérique (en hectopascal) et océanique (représentée par la
topographie de la surface, anomalie en cm), et vents et courants associés. (sources : pour l’atmosphère : [4] ; pour
l’océan : CNES/CLS (Aviso)

Ce couplage entre océan et atmosphère fait que la circulation superficielle océanique est un calque de la circulation
atmosphérique. Dans l’Atlantique, autour de l’anticyclone océanique associé à l’anticyclone des Açores et entraînés
par le vent, tournent le Gulf Stream à l’ouest, le courant des Canaries à l’est, le courant équatorial Nord au sud, et
l’amorce de la dérive Nord-Atlantique au nord ; et, autour du système dépressionnaire d’Islande, on trouve à l’est la
dérive Nord-Atlantique, le courant de Norvège vers le nord, et à l’ouest le retour par le courant du Groenland et le
courant du Labrador. On retrouve les mêmes structures couplées océan/atmosphère dans le reste de l’océan mondial.

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Figure 2. Vents et courants moyens de surface en Atlantique. (sources : à gauche [3], à droite : NCEP (National
Centers for Environmental Prediction) de la NOAA).

La circulation thermohaline : le tapis roulant

On appelle circulation thermohaline les courants produits non par le vent mais par des différences de densité entre les
masses d’eau océanique. Dans l’Atlantique nord, les courants (Gulf Stream, dérive Nord-Atlantique, courant de
Norvège) sinuent en contournant les centres de haute et basse pression océaniques, et transportent de l’équateur
vers l’Arctique des eaux chaudes et très salées (c’est dans l’anticyclone océanique de l’Atlantique nord que l’on trouve
les eaux océaniques les plus salées). Dans leur parcours, elles échangent énergie et chaleur avec l’atmosphère, et leurs
propriétés (température, salinité) évoluent, mais elles gardent une sursalure importante par rapport aux eaux
environnantes. Plus elles montent vers le nord, plus elles se refroidissent et plus leur densité augmente. Lorsqu’en
hiver, en mers du Groenland et de Norvège, la banquise constituée d’eau douce se forme, la salinité augmente et
aussi la densité qui devient supérieure à celle des eaux sous-jacentes. Les eaux de surface plus lourdes plongent
jusqu'à leur profondeur d’équilibre hydrostatique vers 3 000 mètres de profondeur. Elles s’écoulent ensuite vers le
sud pour se répandre dans tout l’océan et, sous l’influence des mélanges et de la dissipation de l’énergie des marées,
elles regagnent la surface et finissent, via les courants de surface, par regagner leur point de départ prêtes pour un
nouveau tour. Un tour complet prend environ mille ans. C’est ce que l’on appelle le « tapis roulant », qui joue un rôle
important dans la dynamique du climat. En effet, la plongée des eaux profondes dans l’Atlantique nord représente en
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moyenne un débit de 15 millions de m /s (c’est à peu près 15 fois le débit de tous les fleuves de la Terre). Elle joue le
rôle d’une pompe aspirante et accroît d’autant le débit des courants de surface et donc le transport de chaleur vers le
nord par le Gulf Stream et la dérive Nord-Atlantique. La quantité de chaleur transmise par l’océan à l’atmosphère
s’accroît également assurant aux pays de l’Europe de l’Ouest, exposés aux vents d’ouest des hivers doux et humides.

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D’où la question à laquelle il est difficile d’échapper : quel pourrait être l’impact sur le climat du ralentissement ou de
l’arrêt de ce tapis roulant ? Hypothèse qui n’est pas à exclure, compte tenu du changement climatique qui tend à
diminuer la densité des eaux de surface, ces dernières devenant plus chaudes et moins salées (réduction de la surface
et de l’épaisseur de la banquise, augmentation des précipitations sur l’Arctique).

Figure 3. La circulation thermohaline (tapis roulant). (adaptée par Maier-Reimer d’après Broecker [1]).

Les tourbillons

La circulation générale océanique, bien ordonnée autour de vastes systèmes anticycloniques et cycloniques,
représente dans l’océan comme dans l’atmosphère une situation moyenne qui efface la variabilité que l’on observe à
de plus petites échelles de temps et d’espace. L’océan et l’atmosphère sont des fluides turbulents où les instabilités
produisent des « perturbations » qui ont des durées de vie et des extensions très différentes. Tout le monde connaît
les « dépressions » atmosphériques des prévisionnistes de la météo, qui, circulant d’ouest en est, viennent apporter
pluie et douceur relative sur la France en hiver. Leur durée de vie est de quelques jours et leur extension de l’ordre du
millier de kilomètres. Leurs équivalents dans l’océan, les tourbillons, sont de dimensions plus réduites – de l’ordre de
100 km de diamètre – et ont une vie beaucoup plus longue : de quelques mois à plus d’une année. Il fut longtemps
difficile de détecter ces tourbillons car, compte tenu de leur faible dimension et de leur mobilité, ils échappaient aux
moyens de mesure traditionnels à partir des navires océanographiques qui sont lents et dont l’autonomie était faible.
Les observations satellitaires permettent maintenant de les cartographier et de suivre leur évolution. Notamment la
mesure du niveau de la mer qui permet de distinguer les tourbillons anticycloniques (point haut) et cycloniques (point
bas).

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Les tourbillons existent dans tout l’océan. Ils sont des agents très actifs des transferts de quantité de mouvement et
de chaleur dans les océans et dans les échanges avec l’atmosphère. Ils doivent être pris en compte dans les modèles
océaniques, ce qui leur impose un maillage très serré pour bien les résoudre. Ils sont particulièrement développés
dans les zones de fort courant comme le Gulf Stream, le Kuro Shio et le courant des Aiguilles, qui méandrent et
sinuent entre les tourbillons qu’ils génèrent.

Figure 4 : Méandres et tourbillons dans le Gulf Stream.


En haut la topographie de surface : tourbillons anticycloniques en noir/rouge (surélévation) ; tourbillons cycloniques
en bleu/vert sous élévation. La dénivellation est d’environ 80 cm entre les deux types de tourbillon. (source :
US Naval Oceanographic Office).

Pour en savoir plus :

[1] Broecker W. S. (1991). The great conveyor belt. Oceanography, 4, 79-89.


[2] Fieux M. (2010). L’Océan Planétaire. Presses de l’ENSTA.
[3] Futura Sciences, dossier Gulf Stream : le Gulf Stream peut-il s’arrêter :
http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/climatologie/d/le-gulf-stream-peut-il-sarreter_637/c3/221/p4/
[4] Lutgens F.K. & Tarbuck E.J. (2001). The Atmosphere. 8th edition. Prentice Hall.
[5] Merle J. (2009). L’Océan gouverne-t-il le climat ? Vuibert.
[6] Minster J.-F. (1997). La Machine Océan. Flammarion.
[7] Voituriez B. (2003). Les Humeurs de l’Océan, effets sur le climat et les ressources vivantes. Éditions UNESCO
[8] Voituriez B. (2006). Le Gulf Stream. Éditions UNESCO.

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