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ROYAUME DU MAROC

ACADÉMIE HASSAN II DES SCIENCES ET TECHNIQUES

L’industrialisation, un impératif
pour le développement

Mohamed BERRADA
Professeur émérite de l’Université Hassan II de Casablanca - Maroc

Rabat, le 21 février 2018


Dépôt légal : 2018MO2877
ISBN : 978-9954-520-15-4

Réalisation : AGRI-BYS S.A.R.L.

Achevé d’imprimer : juillet 2018


Imprimerie Lawne : 11, rue Dakar, Océan, 10040-Rabat, Maroc
Sa Majesté Le Roi Mohammed VI - que Dieu Le garde -
Protecteur de l’Académie Hassan II
des Sciences et Techniques
Mesdames, messieurs,

Pourquoi l’industrialisation est-elle un impératif pour


notre développement?

Son action sur le développement est multiforme.


Permettez moi de retenir ici un indicateur majeur de
tout développement : sa capacité de créer des emplois
et donc des revenus. Effectivement, le secteur industriel
est le plus important secteur créateur d’emplois directs
et indirects. Or notre modèle économique actuel ne
répond pas à nos besoins de création d’emplois et donc
de développement. Notre économie souffre d’un niveau
de chômage élevé.

Comment ce secteur pourrait-il donc jouer un rôle stratégique pour créer davantage
d’emplois?

C’est une question complexe. Car la politique industrielle ne peut être perçue de manière
isolée. Sa dynamique est reliée à celle des autres secteurs. Elle est reliée aux réformes
économiques, politiques, sociales, institutionnelles, humaines et culturelles. Elle est
reliée à l’existence d’une élite d’entrepreneurs et d’un esprit industriel qui caractérise
la société. Mais surtout, elle est reliée au niveau d’éducation de la population.

Il s’agit donc, dans mon exposé, de fragmenter les secteurs tout en les reliant, en
recherchant en permanence une cohésion de l’ensemble, afin de mettre en évidence
les leviers fondamentaux de la compétitivité du processus industriel. Un processus
qui semble d’ailleurs traverser trois phases successives : une phase d’industrialisation
au lendemain de l’indépendance suivie d’une phase de désindustrialisation avec
aujourd’hui un processus de néo-industrialisation dans une perspective différente.

I. Quels sont d’abord les facteurs historiques du processus d’industrialisation?

Le Maroc, après indépendance, a mis en place une politique d’industrialisation par


substitution d’importation soutenue par des mécanismes de protection commerciale,
des barrières douanières, et par des incitations financières et fiscales. Cette stratégie
a contribué à l’émergence d’une élite d’entrepreneurs, issus des milieux traditionnels
du commerce et de l’agriculture qui ont constitué la première forme du capitalisme
industriel marocain. On a assisté ainsi à la création au cours des années 60-70
d’une multitude d’entreprises manufacturières : textile, agro-industrie, plastique,
sidérurgie, caoutchouc, mécanique, raffinage, montages automobiles, etc. Mais l’État
a également profité de ces incitations et a investi massivement dans ces secteurs à
travers ses filiales, privatisés par la suite, pour renforcer le secteur privé.

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La crise de la dette découlant des dérapages budgétaires des années 70 a conduit
l’État, au cours des années 80 et début 90, à mettre en place en liaison avec le FMI et
la BANQUE MONDIALE un plan d’ajustement accompagné de réformes structurelles
importantes. L’objectif était de stabiliser le cadre macroéconomique pour asseoir les
bases d’une croissance saine et durable. Cette politique a aussi permis de relancer
les capacités entrepreneuriales du pays dans la mesure où de nouvelles générations
d’entrepreneurs, stimulés par une concurrence plus agressive, ont commencé
à émerger et à remplacer l’élite traditionnelle précédente, qui s’était peu à peu
endormie dans une situation de rente, découlant de l’excès de protectionnisme.

Il faut reconnaitre que depuis la fin des années 90, le Maroc a réalisé des avancées
incontestables, tant sur les plans économique et social que sur les plans des libertés
individuelles et des droits civiques et politiques : réforme du code de la famille en
2004, réforme de la constitution, projet de régionalisation avancée, réforme de la loi
organique des finances. Il a réussi à accélérer son rythme de croissance après deux
décennies de croissance relativement faible, permettant ainsi de quasiment doubler
son PIB par habitant, éradiquer la pauvreté extrême, augmenter l’espérance de vie,
avec un meilleur accès aux services publics de base, y compris un accès universel à
l’éducation primaire.

De grands projets structurants ont été réalisés ou sont en cours de réalisation, parmi
lesquels on peut citer le port de Tanger-Med, le réseau autoroutier, et un réseau
d’écosystèmes s’articulant autour de projets industriels intégrés : parcs éoliens et
photovoltaïques pour parvenir à un mix en énergie renouvelable de 42% dans
2 ans, valorisation de l’exploitation du phosphate, de l’agroalimentaire, de l’industrie
pharmaceutique, de l’automobile, de l’aéronautique, du TGV, et des autres nouveaux
métiers mondiaux du Maroc, alors que des secteurs comme celui des finances, des
assurances, du transport aérien, du bâtiment, ou des télécoms s’appliquent à investir
et à conquérir le marché africain.

Les investissements ont-ils été créateurs


de croissance et d’emplois?
Le Maroc, incontestablement, fait figure d’exception dans une région du monde en
proie à de très grandes difficultés politiques, économiques et sociales. De grandes
avancées ont été accomplies dans une multitude de domaines, avec beaucoup
d’investissements d’infrastructure réalisés par l’Etat et les entreprises publiques. Ce
sont les éléments de l’actif de notre modèle économique.

La question qui se pose maintenant est la suivante : ces investissements ont-ils été
créateurs de croissance et d’emplois?

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II. Alors quelles sont maintenant les fragilités de notre modèle économique?

Comme dans tout corps humain, il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, qui dort
et qui risque de se réveiller plus tard………

On sait qu’un tremblement de terre se passe en surface. Or la théorie des mouvements


des plaques l’explique par des mouvements profonds. C’est à ce niveau qu’on doit
orienter nos recherches.

Quelles sont les sources de cette fragilité?

Tout d’abord, le problème de l’emploi et de l’insertion des jeunes dans la société,


qui constituent le défi majeur qui se pose à nous pour éviter une dislocation du
contrat social. Alors que le taux de chômage moyen est passé de 9.40% à 10.20%,
1.700.000 jeunes âgés de 15-24 ans n’ont actuellement aucun travail, ne suivent
aucune formation, ne fréquentent aucune école, et en majorité, ce sont des femmes.
Bien plus, le taux de chômage des diplômés du supérieur délivrés par les facultés
est de 25.30%, celui des diplômés de qualification professionnelle de 22%, celui de
l’enseignement secondaire de 19%, et les sans diplômes : 4.10% !!! Tout cela donne
à croire que la détention d’un diplôme augmente paradoxalement le risque de se
retrouver au chômage. Actuellement 854.000 diplômés n’arrivent pas à trouver de
travail, alors que seuls 251.000 sans diplôme sont au chômage.

Manifestement, notre système éducatif


est en crise…
Que traduit cette situation à un moment où on fait l’éloge de l’économie de la
connaissance en tant que ressort de notre développement?

On entendra dire que notre système de formation et d’éducation est inadapté par
rapport aux besoins des entreprises. Manifestement, notre système éducatif est en
crise. On le sait. Les réformes se suivent et se ressemblent. Sans progrès notable. 99%
des enfants de 6-7 ans entrent en primaire, mais 30% l’abandonnent au cours des 3
premières années, renforçant ainsi notre armée d’analphabètes.

Une des raisons : la rareté du préscolaire pour les couches populaires et la faiblesse
de motivation des parents. Or le préscolaire est essentiel pour éveiller l’intelligence
de l’enfant dès le plus jeune âge, la créativité, l’esprit d’entreprise et faire aimer
l’école par la suite. Il détermine la réussite scolaire et universitaire.

Au niveau des couches populaires, l’enfant reste à la maison et souvent sous la


soumission de parents analphabètes. On comprend par la suite les difficultés de
son intégration. Mais bien plus grave, cette situation conduit à une aggravation des
inégalités, face aux enfants qui n’ont pas pu bénéficier d’un préscolaire adéquat.

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Ces inégalités vont se poursuivre au niveau des études primaires, secondaires et
supérieures par le biais de la différenciation des établissements à accès ouvert avec
ceux à accès avec concours ou accès payant.

Mais notre système éducatif n’est pas seul en cause! C’est notre modèle de croissance
qui est devenu inadapté, dépassé. Il explique notre fragilité.

…mais notre modèle de croissance


est aussi devenu inadapté
1. D’abord, nous ne maitrisons pas notre croissance, qui reste largement dépendante
de facteurs exogènes comme le climat ou la situation économique de nos partenaires
européens : volatile, fluctuante, insuffisamment inclusive et mal répartie.

Elle fluctue d’année en année!

- 2.70% en 2014
- 1.20% en 2016
- 4.50% en 2017
- 2.80% en 2018

Thomas Piketty, dans son livre sur «Le capital au 21ème siècle», a démontré que les
taux de croissance dans le monde, en dehors de certains pays asiatiques comme la
Chine ou l’Inde, ont fortement baissé, dû en partie à la baisse de la fécondité, ce qui
ralentit aussi notre croissance. Mais cette baisse de la croissance se traduit par une
aggravation des inégalités.

Piketty constate que les inégalités augmentent lorsque le taux de rendement du


capital est supérieur au taux de croissance. Cela implique que les détenteurs de
capital s’enrichissent plus rapidement que le reste de la population, lorsque la
croissance baisse. Il constate que les inégalités s’accroissent un peu partout… Ce
qui est aussi malheureusement le cas de notre économie. Or on le sait, l’aggravation
des inégalités est source d’instabilité, et de dislocation du lien social. Et le lien social
constitue l’ossature d’une nation.

2. Ensuite, la croissance observée ne crée pas suffisamment d’emplois. Le nombre de


créations d’emplois nets ne cesse de baisser depuis 2000.
Entre 2000-2008 : 168.000
Entre 2009-2012 : 80.000
Entre 2013-2016 : 56.000

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Alors que nous avons besoin d’une création nette de 160.000 emplois par an pour
maintenir le taux de chômage à son niveau actuel.

La théorie keynésienne lie la croissance à l’investissement. Pourtant, notre taux


d’investissement par rapport au PIB a atteint un niveau exceptionnel, soit 30%. On
investit beaucoup sans que cela se traduise par de la croissance et des emplois. Cette
situation s’explique par le fait que la plus grande partie des investissements sont
des investissements publics et d’infrastructures. Des investissements considérables
en capital fixe. Ils sont essentiels pour la rentabilité sur le long terme des secteurs
productifs, mais ils ne sont pas créateurs d’emplois permanents.

Le secteur informel s’installe


de manière durable

Devant cette situation de rareté d’emploi, on ne doit pas s’étonner de voir le secteur
informel s’installer de manière durable. Bien souvent, l’informel vient corriger et
combler les incohérences des politiques économiques qui cherchent à décréter par
le haut les règles du capitalisme moderne. Nous oublions souvent que 32% de la
population ne sait pas lire et écrire, bien que le taux de scolarisation se soit amélioré
au cours de ces dernières années.

Les gouvernements cherchent à lutter contre l’informel, car il constitue selon eux une
concurrence déloyale au secteur formel. Mais ne constitue-t-il pas aussi une soupape
de sécurité sur le plan des équilibres sociaux? Un indicateur de ce qui ne marche
pas? Sans le secteur informel, le taux de chômage serait bien plus élevé! Je ne dis pas
qu’il faut l’encourager ou le protéger. Non. Mais c’est juste une réalité dont il faut
tenir compte. Il se réduira de lui-même par le jeu d’un facteur essentiel : l’éducation
et une stratégie économique orientée sur l’industrie.

3. Enfin, le caractère hétéroclite de notre modèle économique et les méthodes


d’analyse utilisées ne sont plus d’actualité face aux incertitudes et aux changements
rapides qui s’opèrent dans l’environnement international.

Tout cela pour dire aussi que les théories économiques qu’on enseigne dans nos
universités montrent leurs limites devant la complexité du monde économique, où
libéralisme et keynésianisme se croisent dans un tumulte de contradictions.

Ces contradictions laissent les marchés financiers libres arbitres des politiques
économiques, en sanctionnant à leur guise le manque d’austérité des uns et l’absence
de soutien à la croissance des autres.

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La conséquence de cette évolution est que la souveraineté nationale n’est plus entre
les mains de l’État, mais entre les mains des marchés financiers, du FMI, de la banque
mondiale ou des agences de notation. Nous ne sommes pas maitres de la définition
de notre politique. Nous devons tenir compte de ces contraintes.

Ainsi, notre modèle économique obéit à une logique avec un soubassement


keynésien. Plus on dépense plus on produit, plus on crée des revenus, plus on
consomme, plus on produit… et le moteur économique tournerait à merveille. Mais
le problème est que notre moteur a des fuites. C’est que l’ouverture commerciale
accélérée, découlant des différents accords commerciaux qui ont été signés depuis
la fin des années 90, fait que toute dépense susceptible de booster la croissance
s’adresse en bonne partie à des entreprises étrangères sous forme d’importations, et
non pas à des entreprises marocaines, aggravant par là même le déficit de la balance
commerciale. Plus on dépense, plus le déficit commercial s’aggrave!

Manifestement, quand on regarde l’évolution de la structure de nos importations,


on importe de tout et de plus en plus des produits de consommation y compris des
produits alimentaires. Le niveau bas de l’inflation – moins de 1% – s’explique en
partie par le niveau bas des prix des produits importés, et non pas par les fruits de
notre compétitivité.

Le libre-échange est bien, mais il a ses règles et ses limites. Et l’économie, comme le
corps humain, n’aime pas les excès!

Pourtant, Keynes conditionnait l’efficacité de son modèle de croissance à une situation


maitrisée du libre-échange où la priorité est donnée à la production nationale.

Plus récemment, en 2006, Paul Anthony Samuelson, prix Nobel d’économie en


1970, a constaté que les pays du sud acquièrent très vite les qualifications humaines
et techniques exigées, et que les avantages de la division internationale du travail ne
sont plus d’actualité.

La Chine ou la Corée du sud sont devenus


aujourd’hui des pays qui copient de moins
en moins et qui innovent de plus en plus.
4. Le résultat de cette situation est que la part du secteur industriel dans le PIB a
beaucoup baissé au cours des 20 dernières années. Les importations massives de pays
comme la Chine, la Turquie ou l’Égypte à des prix compétitifs ont entrainé la fermeture
d’une multitude d’entreprises industrielles traditionnelles qui se sont déployées par la
suite dans les nouveaux secteurs de rente, l’immobilier et le commerce.

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Les services sont devenus les premiers
pourvoyeurs d’emploi alors que c’est
l’industrie qui constitue la base principale
de création d’emplois directs et indirects
L’analyse sectorielle de la structure du PIB fait apparaître une tertiarisation croissante
du tissu productif national : 55% pour les services, contre 30% pour le secteur
secondaire et 15% pour le secteur primaire. Et au niveau du secteur secondaire, la
moitié appartient au secteur industriel.

Les services sont devenus les premiers pourvoyeurs d’emploi, avec la précarité qui
les caractérisent…réparation, commerce… étalage de marchandises chinoises sur les
trottoirs… gardiennage…

Or c’est l’industrie qui constitue la base principale de création d’emplois directs et


indirects.

III. Que faire? Comment la politique industrielle peut-elle améliorer la


qualité de notre croissance économique?

La qualité de croissance ne réside pas dans des taux élevés, mais dans sa régularité
et dans son caractère inclusif.

1. La régularité découle d’un processus de diversification que notre pays a déjà


engagé et doit accélérer, aussi bien sur le plan des produits que des marchés, et où le
secteur industriel est appelé à jouer un rôle central.

2. La qualité de la croissance réside aussi dans son inclusivité, c’est-à-dire une


croissance générée plus par l’imbrication des secteurs entre eux que par le rôle d’un
secteur particulier.

Manifestement, on assiste à l’émergence de nouveaux métiers industriels comme


l’industrie automobile ou aéronautique. Il faut s’en féliciter : leur développement
est rapide! Mais c’est aussi le signal d’un effet de levier prometteur pour l’avenir de
notre industrie. Car ces nouveaux métiers ne doivent pas constituer des ilots sans
relation avec le reste de l’économie. La croissance économique se définit par la
création de valeur ajoutée qui découle du degré d’intégration à l’intérieur de chaque
secteur et entre les secteurs. Il s’agit de faire en sorte que ces nouveaux secteurs
puissent devenir des locomotives pour les autres secteurs industriels traditionnels
existants, qui emploient beaucoup de monde et qui vivent des difficultés face à la
concurrence internationale.

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3. Protéger notre industrie contre le dumping. Le pays a besoin d’un minimum de
patriotisme économique. Donner la priorité à la production nationale. «Maroc d’abord!».

Entre le libre-échange tout azimut et protectionnisme tout azimut, il y a des espaces


de précaution où des actions sont nécessaires pour renforcer la compétitivité de
notre industrie, tout en respectant nos accords.

Partout dans le monde, à l’exception de notre pays, le débat entre libres échangistes
et protectionnistes, entre souverainistes et mondialistes est ouvert.

On le voit par exemple avec le Brexit, les annonces de Donald Trump concernant les
importations de Chine, d’Allemagne ou du Mexique.

Les pays qui défendent le plus le libre-échange sont souvent ceux qui installent des
barrières magiques à l’entrée.

4. Mais surtout, il faudrait renforcer la compétitivité de notre secteur industriel.

Le concept de compétitivité est complexe, il dépend d’une multitude d’éléments :


le coût des facteurs, le coût de l’énergie, les procédures administratives, la politique
fiscale, le coût du financement, le coût du foncier, mais aussi de la politique monétaire
et de la politique des taux de change.

La Chine est devenue l’atelier du monde grâce en particulier à un «yuan» largement


sous-estimé, ce qui lui permet aujourd’hui d’augmenter ses salaires et de réorienter sa
stratégie sur le marché local après avoir réduit au silence une multitude d’entreprises
industrielles dans le monde.

Mais ce n’est pas tout!

Il faut stimuler la productivité mais


aussi investir en capital immatériel
La production ne dépend pas seulement de l’existence des deux facteurs classiques :
travail/capital-Ils existent en abondance- mais de leur combinaison, ce qui s’exprime
en termes de productivité, qui dépend elle-même des progrès techniques réalisés.
Certains diront que les progrès techniques sont destructeurs d’emploi. Dans notre
pays, ce n’est pas le cas : un niveau de chômage élevé cohabite avec un faible
degré de progrès techniques. Je considère donc que l’introduction de nouvelles
technologies dans le domaine industriel sera de nature à booster la productivité,
baisser les coûts, améliorer la qualité des produits et services, gagner des parts de
marché, créer de la croissance et donc des emplois.

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La productivité n’a pas évolué depuis plusieurs années.

Comment donc stimuler la productivité des facteurs pour renforcer notre compétitivité?

Le capital fixe seul ne suffit pas. On peut acheter des machines performantes mais
elles ne produiront rien si on n’a pas le savoir-faire pour les faire marcher.

Il faut avoir aussi du capital immatériel. Le génie. Et c’est à ce niveau que se trouve
notre faiblesse. Nous devons investir en capital immatériel, une notion qui renvoie
à la fois :

- à la qualité du capital institutionnel, à la réforme de l’administration, à la lutte


contre la corruption,
- à la qualité du capital social du pays, marqué par le renforcement de la
cohésion sociale,
- mais surtout à la qualité du capital humain où l’éducation reste naturellement
le pilier de toute stratégie. Il est clair que tous les autres secteurs dépendent des
avancées dans ce domaine. Il est le facteur clé de la compétitivité industrielle.

Je voudrais, pour terminer, formuler deux réflexions à ce propos. Nous vivons dans un
monde où le matérialisme et la finance dominent. Une conséquence de la révolution
industrielle. Mais ce qui est bien plus triste, c’est que notre système d’enseignement
est devenu le reflet de cette situation!

Ma première réflexion : on assiste, depuis le 17eme siècle, à un processus de


spécialisations qui a enrichi la science tout en l’appauvrissant. Edgar Morin explique
dans son dernier livre «Connaissance, ignorance, mystère» que notre angoisse
découle de notre vision parcellaire de la connaissance. La connaissance des
problèmes fondamentaux et globaux nécessite de relier des connaissances séparées,
cloisonnées, compartimentées, dispersées. Or notre enseignement nous apprend à
séparer les connaissances et non pas à les relier. C’est pourquoi nous devons réduire
la dichotomie de nos universités, renforcer les liens entre les facultés, entre les
disciplines, et ouvrir plus nos universités sur leur environnement! Car c’est par leurs
contacts que les sciences s’enrichissent mutuellement.

Ma deuxième réflexion : conséquence de cette évolution, c’est que nous formons


aujourd’hui des jeunes non pas pour eux-mêmes et pour leur épanouissement
personnel, mais pour répondre aux besoins du modèle économique actuel basé sur
la compétitivité et la recherche du profit à tout prix !

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Nous formatons les jeunes. Des robots. On assiste ainsi à la lente disparition de
disciplines de culture générale qui ouvrent l’esprit pour la compréhension de
l’environnement, comme la philosophie, la sociologie, l’histoire, la littérature, la
poésie, la musique, le chant ou le théâtre, et même le sport pour laisser la place
aux matières quantitatives dont les seuls objectifs sont la performance économique
et financière de nos entreprises. Or ces disciplines visent l’épanouissement de
l’individu et donc agissent indirectement sur la productivité industrielle. On produit
mieux quand on est épanoui!

Et c’est là où l’action majeure du gouvernement doit être orienté dans notre pays.
Orienter la stratégie sur l’homme, sur le savoir-faire, sur le savoir être, sur la
connaissance qui est par définition infinie.

Adosser la croissance sur la connaissance devrait donner lieu théoriquement à une


croissance infinie!

Il suffit juste de regarder la situation de pays comme le Japon ou la Corée du sud qui
n’ont ni matière première, ni pétrole à l’opposé de celle d’autres pays qui disposent
en abondance de ces ressources.

Je vous remercie pour votre attention

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Académie Hassan II des Sciences et Techniques
Km 4, Avenue Mohammed VI - Rabat.

Tél : 0537 63 53 77 • Fax : 0537 75 81 71

E-mail : [email protected]

Site internet : http://www.academiesciences.ma


Mohamed BERRADA, né le 3 novembre 1944 à Casablanca, est un économiste et
homme politique marocain.

Lauréat de l’université de Bordeaux, il est docteur d’état en sciences économiques,


diplômé de Bordeaux Management School, diplômé de Sciences Po Bordeaux,
diplômé en sociologie, diplômé en démographie générale, diplômé de l’institut
d’administration des entreprises, et diplômé d’études supérieures de droit privé. À
partir de 1969, Il est professeur d’économie aux facultés de sciences juridiques,
économiques et sociales de Rabat et Casablanca. Il est nommé ministre de l’économie
et des Finances en 1986 par le Roi Hassan II et demeure à ce poste jusqu’en 1993
dans les gouvernements Lamrani et Laraki. À ce titre, il participe à l’élaboration et à
la mise en œuvre du programme d’ajustement et des reformes structurelles initiées
au Maroc. Il préside les assemblées annuelles du Fonds monétaire international
(FMI) et de la Banque mondiale en 1992 à Washington. De 1993 à 1999 (année
de l’avènement de Mohammed VI), il occupe le poste d’ambassadeur du Maroc en
France et de délégué du Maroc auprès de l’UNESCO. De 1999 et 2001, il devient
président de l’Office chérifien des phosphates, puis président-directeur général de la
compagnie Royal Air Maroc (RAM) de 2001 à 2006.

Depuis 2006, Il est professeur émérite à l’université Hassan II de Casablanca, président


du centre de recherches Links et membre du Conseil supérieur de l’enseignement
ainsi que du comité d’orientation de l’Institut royal des études stratégiques.

Il pilote également différentes activités de mécénat dans le domaine de la santé,


de l’éducation et du social. Il est auteur d’ouvrages et d’articles spécialisés dans le
management et la gestion des entreprises.

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