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Article scientifique

Sécheresse 2008 ; 19 (2) : 145-51

Bilan hydrique des sols


et recharge de la nappe profonde
de la plaine du Gharb (Maroc)
Malika Kili Résumé
Bouabid El Mansouri
La plaine du Gharb fait partie de l’un des plus grands bassins hydrogéologiques du
Jamal Chao Maroc occidental. Un bilan hydrique mensuel des différents types de sols, établi sur
treize années, a permis l’estimation des infiltrations par percolation profonde. Ces
Laboratoire des géosciences appliquées, évaluations concernent l’alimentation de la nappe phréatique superficielle et celle de
Équipe technologies des ressources en eau, la nappe profonde à travers la zone côtière perméable. La recharge interannuelle de
Faculté des sciences de Kénitra, la nappe profonde varie entre 0 et 52 % par rapport au volume moyen des
Université Ibn Tofail, précipitations reçues par cette zone. Celle-ci, située en marge océanique, est
BP 133, exposée à une surexploitation liée au développement croissant de l’agriculture
14000 Kénitra,
confrontée à des périodes récurrentes de sécheresse.
Maroc
<[email protected]> Mots clés : bilan hydrique, eau souterraine, Maroc.

Abstract
Water balance of topsoils and recharge of the deep groundwater on the Gharb plain
(Morocco)
The Gharb plain belongs to one of the largest hydrogeologic basins of Western
Morocco. Study of a monthly water balance of the various types of soils compiled
over thirteen years made the estimatation of infiltration by deep percolation possible.
These evaluations relate to the supply of the shallow water table and the deep
confined water under the plain through the permeable coastal zone. The interannual
recharge of the latter varies from 0 to 52% compared to the average volume of
annual total rainfall received by this area located near the oceanic margin and
overexploited due to the development of agriculture confronted with recurring
periods of drought.
Key words: ground water, Morocco, water balance.

L
e bassin du Gharb est situé sur la pas encore de l’usage des eaux superfi-
façade atlantique nord du Maroc cielles. Les prélèvements par pompages
(figure 1). Il correspond en grande privés de la nappe sont en continuelle
partie à une vaste plaine de 4 200 km2, augmentation avec un nombre de puits qui
doi: 10.1684/sec.2008.0132

couverte de sédiments récents déposés est passé de 2 000 à 22 000 durant ces
par l’oued Sebou et ses affluents. La ges- trois dernières décennies pour une superfi-
tion de l’eau d’irrigation combine l’usage cie avoisinant 33 000 hectares. Il en
du réseau superficiel au niveau de la résulte, pour la nappe en marge océani-
plaine et le pompage des ressources sou- que, une surexploitation avec le risque
terraines dans la zone côtière. Cette der- d’invasion saline [1]. L’objectif de cet arti-
Tirés à part : M. Kili nière, en projet d’équipement, ne profite cle est d’évaluer par le biais du bilan

Sécheresse vol. 19, n° 2, avril-mai-juin 2008 145


nuité géologique et structurale avec des
Collines de Lalla Zahra N
niveaux aquifères profonds et captifs sous

UE
Tanger
MER MEDITERRANEE
N 25 km

TIQ
Gharb
d’épaisses formations argileuses [8].
Mellila

AN
UE

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DOMAINE RIFAIN
T IQ

EAN
Kénitra

OC
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Rabat
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Mamora

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Casablanca

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Sidi Med Lahmar Prérif
Matériel et méthode

TIE

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450 000

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ue

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Rabat
bo

DO

EAN
O u A Données pédologiques

ine
OC

OC
MAROC
100 Km
CTCAS Mechraa Belksiri
Position de la et réserve hydrique des sols
Coupe géologique
rrha
Secteur d'étude
Le Gharb a fait l’objet d’une étude pédolo-
430 000

O. Oue Station météorologique


Menasra O
ue
Haouafat Sols hydromorphes (A), gique complète et détaillée de la zone
d Dar
Be Gueddari
Khenichet
RFU (TEW) = 120 mm
Vertisols et sols isohumiques
côtière et d’une grande partie de la
Sidi Ameur ht (B), RFU (TEW) = 80 mm plaine. Elle a été réalisée par des organis-
Sols peu évolués (C),
RFU (TEW) = 60 mm mes divers en vue d’une mise en valeur
agricole. Ces travaux ont permis une
410 000

Sols à sesquioxydes de la zone


côtière (D), RFU (TEW) = 40 mm
Sols à sesquioxydes de la zone
reconnaissance et une classification systé-
Kénitra Sidi Slimane
sud (E), RFU (TEW) = 30 mm
matique des sols. Des études pédologi-
Sols minéraux bruts et sols
Rides calcimagnesiques (F), ques [1, 9, 10], nécessaires à l’estimation
Plate forme de Mamora RFU (TEW) = 20 mm

B Sud-Rifaines Sols à humus évolué (G),


de la réserve facilement utilisable (RFU),
400 000 440 000 480 000 RFU très faible
nous ont permis d’établir une carte synthé-
tisant les principaux types de sols. Ceux-ci
sont associés à une valeur maximale de la
Figure 1. Carte pédologique de la plaine du Gharb.
A) localisation géographique de la plaine du Gharb (Maroc) ; B) carte synthétique des différents types de sols et
réserve facilement utilisable. Les valeurs
valeurs correspondantes de la réserve facilement utilisable (RFU) retenues d’après [1, 9, 10]. sont présentées d’après les études pédolo-
giques citées ci-dessus (figure 1).
hydrique des sols les quantités infiltrées sus- leux et argilo-sableux (figure 2). Il en Estimation de l’évapotranspiration
ceptibles d’alimenter les nappes souter- résulte un système hydrogéologique com-
raines superficielles et profondes. Ces esti- plexe, composé d’une nappe phréatique
de référence (potentielle)
mations étalées sur plusieurs années et d’une nappe profonde en charge. La La plaine du Gharb présente un climat
permettront d’apprécier l’évolution de la nappe phréatique est une nappe superfi- subhumide dans les secteurs nord et ouest
recharge de la nappe profonde à travers la cielle localisée dans les sols récents de la et offre les caractéristiques d’un climat
zone côtière considérée souvent, comme partie centrale de la plaine. Sur les bordu- semi-aride au sud et à l’est. Pour cette
« le château d’eau » qui alimente la nappe res occidentale et méridionale, se trouve étude, et compte tenu des données climati-
profonde en charge sous la plaine. une autre nappe phréatique de nature ques disponibles (rayonnement, tempéra-
généralement gréso-sableuse d’âge plio- ture, humidité, vitesse du vent), nous avons
quaternaire. Celle-ci est rattachée à la adopté trois méthodes empiriques : celles
Contexte géologique nappe profonde du fait que ses aquifères de Blaney-Criddle et de Hargreave et
s’enfoncent sous la plaine et sont en conti- Samani [11], et celle de Turc [12]. L’éva-
et hydrogéologique
Le bassin du Gharb correspond à une E
W Nappe profonde
zone d’effondrement formée en marge de
la chaîne bético-rifaine au Néogène.
Zone libre Zone captive en charge
Depuis sa formation, il constitue une zone
très subsidente [2-5]. Le substratum du 957/8
3363/8
remplissage plio-quaternaire est repré- 640/8 1567/8 MA 101 1742/8 583/8
CGD-5
238/8
1528/8 697/8 1517/8
1932/8
senté par une épaisse formation marneuse 242/8 288/8 3101/8 987/8 36/8 555/8
O. Sebou
919/8
O. Beht
d’âge Miocène supérieur et Pliocène Oued Sebou O. Beht O. Beht O. Beht

moyen [3, 6]. Les dépôts plio-quaternaires 0


Profondeur (m)

à intérêt hydrogéologique sont analysés à -40


partir des données de subsurface (forages -80
?
hydrogéologiques et pétroliers, prospec- -120
? ?
tion électrique). Le Pliocène supérieur com- -160 ? ?

porte trois principaux faciès : des conglo- -200


mérats d’origine fluvio-estuariens à 4 km ?
l’entrée du bassin vers l’est, des sables et
des grès marins dans la partie centrale, et
des calcaires bioclastiques littoraux sur la 1 2 3 4 5 6 7 8 9
bordure côtière. Le Quaternaire débute
par une sédimentation littorale composée 10 957/8 11 MA 101 12
de biocalcarénites de sables et de grès
dunaires qui n’intéressent que la frange Figure 2. Coupe géologique schématique ([d’après Kili et al. [8], légèrement modifiée).
côtière [7]. Le reste du bassin est occupé 1. Argiles ; 2. Argiles sableuses ; 3. Sables ; 4. Sables caillouteux ; 5. Tufs : Quaternaire moyen et supérieur
continental ; 6. Sables ; 7. Grès dunaires : Quaternaire moyen et supérieur côtier ; 8. Grès calcaires ; 9. Sables et
par une sédimentation continentale conglomérats grossiers : Pliocène et Quaternaire ancient ; 10. Toit du substratum impermeable ; 11. Forages
caillouteuse interstratifiée de niveaux argi- hydrogéologiques ; 12. Forages pétroliers (voir position de la coupe sur la figure 1).

146 Sécheresse vol. 19, n° 2, avril-mai-juin 2008


Tableau I. Bilan hydrique du sol dans la plaine du Gharb.

Mois Sept Oct Nov Déc Janv Fév Mars Avr Mai Juin Juil Août Total
ETP 99,87 87,47 57,26 40,62 44,73 47,86 71,48 85,67 114,67 139,11 147,04135,33 1 071,1
P 15,00 3,00 88,50 205,30 388,00 80,10 77,00 38,70 76,70 6,50 0,00 0,00 978,80
RFU 0,00 0,00 31,24 40,00 40,00 40,00 40,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 191,24
ETR 15,00 3,00 57,26 40,62 44,73 47,86 71,48 78,70 76,70 6,50 0,00 0,00 441,85
EX 0,00 0,00 0,00 124,68 343,27 32,24 5,52 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 505,71
Année : 1995-1996 ; station météorologique : Menasra ; sol de type D : RFUmax : 40 mm, voir figure 1.
ETP : évapotranpiration potentielle (mm) ; P : précipitations (mm) ; RFU : réserve facilement utilisable (mm) ; ETR : évapotranspiration réelle (mm) ; Ex : excédent ou
infiltration efficace (mm).

potranspiration est calculée à l’échelle plate à faible altitude couverte de sols peu tent respectivement, parmi les 13 années
mensuelle sur une période de 13 années perméables. La proximité de la nappe étudiées : une année à pluviométrie
(1987 à 1999) et au niveau de 11 sta- phréatique du sol entrave durant la saison moyenne variant à l’échelle du bassin,
tions couvrant la totalité de la plaine spa- hivernale le drainage souterrain et le ruis- entre 418 et 639 mm ; une année particu-
tialisées par la méthode de Thiessen [13]. sellement de surface naturel [17]. Dans la lièrement pluvieuse avec un cumul de 605
Une comparaison avec des mesures expé- zone côtière, l’absence du ruissellement à 988 mm ; et une année sèche où la
rimentales du bac (bac de classe A) dans est due à une forte perméabilité des sols pluviométrie pour la majorité des stations
la partie centrale de la plaine offre les sableux. reste en dessous des 400 mm (figure 3).
relations suivantes : Pour évaluer la recharge des aquifères à La réserve facilement utilisable est dans
ETBlCr = 0.76 Ebac R2 = 0.92 Erreur type = 9.41
l’échelle du bassin du Gharb à partir des tous les cas alimentée durant la période
(mm/mois) précipitations, l’infiltration efficace est esti- pluvieuse s’étendant généralement du
ETHarg = 0.78 Ebac 2
R = 0.91 Erreur type = 11.46 mée pour les différents types de sols à mois d’octobre au mois de février. Elle est
(mm/mois)
2
l’échelle mensuelle et annuelle. Les calculs reconstituée au maximum en saison froide
ETTurc = 0.66 Ebac R = 0.99 Erreur type = 4,20
(mm/mois) sont effectués par l’intermédiaire de durant les pics pluviométriques et suit leurs
ETmoy = 0.80 Ebac R2 = 0.98 Erreur type = 4.08 tableaux qui tiennent compte de la fluctuations. Durant la saison sèche (du
(mm/mois) balance entre les apports des précipita- mois d’avril au mois de septembre), elle
Les coefficients établis par régression tions, le stockage dans le sol (RFU), et les s’épuise souvent en totalité par l’évapo-
linéaire entre les méthodes empiriques et pertes dues à l’évapotranspiration transpiration réelle élevée durant cette
les valeurs expérimentales de bac sont très (tableau 1). Durant une période pluvieuse, période, et ce malgré les apports pluvio-
proches du coefficient du bac Kp égal à les couches du sol sont progressivement métriques possibles.
0,75 proposé par Doorenbos et al. [14] et humidifiées. Une partie de cette eau est Quant à la répartition mensuelle de l’infiltra-
par Allen et al. [15], pour des conditions retenue à l’intérieur par les forces de capil- tion efficace, elle se présente de la même
expérimentales et climatiques similaires à larité. Quand le sol est saturé et que l’effet manière à l’échelle du bassin. Elle concerne
celle de la plaine du Gharb. La moyenne de la gravité dépasse la capacité de réten- quelques mois de la saison pluvieuse et
des trois méthodes semble correspondre tion, l’eau peut continuer son cheminement s’annule durant le reste de l’année. Le maxi-
au meilleur cas avec une sous-estimation et atteindre la nappe par percolation pro- mum d’infiltration s’effectue lors de la saison
de 20 %, une bonne corrélation (98 %) et fonde. L’évapotranspiration s’oppose à ce froide durant le mois le plus arrosé et cette
une erreur type faible (4,08 mm/mois). processus et le régularise de manière à quantité est d’autant plus proche du pic
De ce fait, la moyenne des trois méthodes restituer une partie de l’eau vers l’atmos- pluviométrique que celui-ci est plus élevé, ce
est prise en considération dans le calcul du phère. La quantité évaporée est détermi- qui s’observe généralement durant l’année
bilan hydrique des sols. En moyenne, née par l’évapotranspiration potentielle. pluvieuse à moyennement pluvieuse (figure
l’évapotranspiration potentielle varie entre Ce paramètre correspond au pouvoir éva- 3A et 3B). En revanche, durant l’année
1 169 et 1 352 mm/an selon les caracté- porant de l’atmosphère sur le sol à travers sèche les quantités d’infiltration efficace
ristiques climatiques des différentes parties un couvert végétal ne souffrant d’aucun sont pratiquement nulles. Lorsqu’elles exis-
de la plaine. manque d’eau. tent, elles sont très faibles et suivent de loin
L’évapotranspiration réelle égalise l’éva- les pics pluviométriques de la saison froide
Estimation de l’infiltration efficace potranspiration potentielle lorsque les pré- (figure 3C).
cipitations et la quantité stockée dans le Par ailleurs, l’influence de la nature du sol
L’infiltration efficace en hydrogéologie, sol comme RFU suffisent à l’alimenter. Si sur l’infiltration efficace n’est clairement
appelée également excédent, constitue la les précipitations peuvent satisfaire au perceptible que durant l’année à pluvio-
fraction d’eau qui parvient par percolation maximum l’évapotranspiration réelle et la métrie moyenne dont les excédents sont
profonde à atteindre les nappes souterrai- RFU, le surplus éventuel va continuer son d’autant plus élevés que la RFU est faible
nes. Son estimation associée à celle de transfert en profondeur et détermine alors (figure 3A). Cela traduit une réponse plus
l’évapotranspiration réelle se fait par le l’infiltration efficace. favorable des sols perméables vis-à-vis de
biais d’un bilan hydrique du sol. Selon la l’infiltration efficace en raison du stock
procédure de Crampon [16], ce bilan fait faible retenu dans le sol comme réserve
intervenir la pluviométrie, l’évapotranspi- Résultats facilement utilisable.
ration potentielle, la réserve facilement
utilisable et le ruissellement. Bilan hydrique mensuel Bilan hydrique annuel
Dans cette étude, la part du ruissellement a et infiltration efficace
été négligée en raison des particularités et infiltration efficace
morpholithologiques de la plaine. Le Cette analyse mensuelle porte sur 3 an- L’infiltration efficace annuelle dans la
Gharb correspond en effet à une zone nées – 1990, 1995, 1999 – qui représen- plaine du Gharb est étroitement liée à la

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A Station S.M. Lahmar, année moyenne (1990). B Station S.M. Lahmar, année pluvieuse (1995).

Infiltration efficace mensuelle (mm)


Infiltration efficace mensuelle (mm)
500
200

400
150
300
100
200

50
100

0 0
S O N D J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A

C
Infiltration efficace mensuelle (mm)
Station S.M. Lahmar, année sèche (1999).

160

120

80

40

0
S O N D J F M A M J J A

Precipitation (mm) I.e.m. (MDF), sol à RFU I.e.m. (MDF), sol à RFU
(TEW) max=120mm (TEW) max=80mm

I.e.m. (MDF), sol à RFU I.e.m. (MDF), sol à RFU


(TEW) max=40mm (TEW) max=20mm

Figure 3. Infiltration efficace mensuelle (I.e.m.), selon les différents types de sols dans la partie nord de la plaine.
RFU max : réserve facilement utilisable maximale.

pluviométrie, dont elle suit les fluctuations. tion efficace est estimé pour chaque Recharge de la nappe profonde
Les quantités annuelles estimées varient phase, dans les différentes régions du à partir des infiltrations efficaces
entre 0 et 537 mm, ce qui représente 0 à bassin (figure 4).
55 % du cumul annuel des précipitations. Le cheminement des eaux de précipita-
Les quantités infiltrées annuellement les tions destinées à la percolation profonde,
Ces quantités sont variables selon les
plus élevées, concernent les secteurs nord dépend de la nature des dépôts sous-
caractéristiques pédoclimatiques des diffé-
et ouest où elles peuvent atteindre jacents aux sols et de leur perméabilité.
rentes régions du bassin ainsi que de l’évo-
lution climatique interannuelle. Concer- 537 mm, ce qui représente 55 % du cumul Les excédents pluviométriques dans la
nant ce dernier point, la période étudiée annuel des précipitations (figure 4A). Les plaine proprement dite, dont le sous-sol est
peut être divisée en quatre phases succes- deux zones centrale et orientale moins constitué de dépôts argileux imperméa-
sives : une phase à pluviométrie moyenne humides, présentent un maximum de bles, n’intéressent que la nappe phréati-
de 1987 à 1990 où la hauteur des préci- 390 mm, ce qui correspond à un pourcen- que peu profonde. Les infiltrations effica-
pitations annuelles est comprise entre tage de 48 % (figure 4B et 4C). La zone ces sont alors responsables de la remontée
362 et 702 mm, suivie d’une phase sèche sud est la partie la moins servie avec un de la nappe phréatique et de l’engorge-
de 4 ans (1991 à 1994) avec une pluvio- maximum de 220 mm (figure 4D). ment des sols fréquents dans certaines
métrie variable dans un intervalle de 215 L’influence des caractéristiques pédologi- parties de la plaine. En période sèche, ces
à 570 mm. L’année 1995 ainsi que les ques, comme cela a été observé dans excès sont épuisés par l’évapotranspira-
deux années suivantes ont bénéficié l’analyse mensuelle, se manifeste par une tion. L’infiltration par percolation vers la
d’apports dépassant généralement différenciation des courbes représentati- nappe profonde en charge sous la plaine
550 mm et atteignant un maximum de ves des excédents selon le type de sol. En s’effectue à travers les parties libres de
988 mm. À la dernière phase (1998 et effet, les infiltrations efficaces sont supé- cette nappe, situées dans la zone côtière
1999), le climat redevient sec avec un rieures pour les sols à RFU faible, dont la et la bordure sud. Les eaux infiltrées à
cumul pluviométrique en dessous de perméabilité est plus élevée. Dans les travers ces deux secteurs composés de
462 mm. conditions extrêmes d’années sèches, dépôts perméables constituent les princi-
Pour avoir une vue globale sur l’ensemble l’infiltration efficace s’annule dans tous pales sources d’alimentation des aquifères
du bassin, un intervalle du taux d’infiltra- les cas. profonds. Des estimations de la recharge

148 Sécheresse vol. 19, n° 2, avril-mai-juin 2008


A Secteur ouest (station Menasra) B Secteur central (station D. Gueddari)
1 200 1 000
1 000
800
800
600 600
400 400
200
200
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92 2

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00
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-1

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-

-
19

87
19
Précipitations (mm)
Précipitations (mm)
I. e. a., sol à RFU max = 20 mm
I. e. a., sol à RFU max = 30 mm
I. e. a., sol à RFU max = 80 mm I. e. a., sol à RFU max = 60 mm
I. e. a., sol à RFU max = 120 mm I. e. a., sol à RFU max = 80 mm

An. moy An. sèche An. pluv An. sèche An. moy An. sèche An. pluv An. sèche
Menasra 87-90 91-94 95-97 98-99 D. Guedd. 87-90 91-94 95-97 98-99
P. (mm) 539 à 640 282 à 570 676 à 979 292 à 408 P. (mm) 443 à 562 215 à 424 549 à 813 253 à 326
I. e. a. 0 à 253 0 à 160 239 à 537 0 à 435 I. e. a. 0 à 132 0 à 99 182 à 390 0 à 163
I.e./P (%) 0 à 41 0 à 28 35 à 55 0 à 24 I.e./P (%) 0 à 23 0 à 23 21 à 48 0 à 10

C Secteur oriental (station Khenichet)


D Secteur sud (station S. Slimane)
1 000 800
800 600
600
400
400
200 200

0 0
8

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Précipitations (mm) Précipitations (mm)
I. e. a., sol à RFU max = 30 mm
I. e. a., sol à RFU max = 60 mm I. e. a., sol à RFU max = 60 mm
I. e. a., sol à RFU max = 80 mm I. e. a., sol à RFU max = 80 mm

An. moy An. sèches An. pluv An. sèches An. moy An. sèches An. pluv An. sèches
Khenichet 87-90 91-94 95-97 98-99 S. Slimane 87-90 91-94 95-97 98-99
P. (mm) 455 à 562 249 à 463 604 à 814 240 à 322 P. (mm) 362 à 452 260 à 411 476 à 605 206 à 280
I. e. a. 0 à 127 0 à 96 215 à 305 0 à 163 I. e. a. 0 à 92 0 à 38 162 à 220 0 à 90
I.e./P (%) 0 à 24 0 à 21 23 à 37 0 I.e./P (%) 0 à 20 0 à 11 8 à 43 0

Figure 4. Infiltration efficace annuelle (I.e.a.) et rapports avec la pluviométrie.

annuelle de ces aquifères à partir de la seuil pluviométrique de 200 Mm3 au-des- pluvieuse. Les apports pluviométriques en
superficie totale de la zone d’infiltration sous duquel les infiltrations efficaces chu- dehors de cette période ne sont guère profi-
côtière (48 800 hectares) ont été effec- tent considérablement et tendent à s’annu- tables aux ressources souterraines du fait
tuées sur la base du bilan hydrique, tenant ler. Ce volume correspond à un cumul qu’ils sont épuisés par l’évapotranspiration
compte de l’excédent propre à chaque pluviométrique annuel de 400 mm qui réelle qui varie en moyenne entre 394 et
type de sol (tableau 2). L’évolution interan- détermine également, pour les agricul- 437 mm/an. Une validation par un suivi
nuelle de cette recharge par rapport aux teurs, le seuil de l’année sèche. piézométrique a été effectuée pour l’ensem-
précipitations moyennes annuelles (infiltra- ble de la zone côtière. Chaque période
tion efficace/Pmoy) à l’échelle de cette humide importante est accompagnée d’une
zone, varie entre 0 % – enregistrée en augmentation de l’infiltration efficace
1992 – et 52 % – atteinte durant l’année Conclusion traduite par une augmentation de l’altitude
exceptionnellement pluvieuse de 1995 de la nappe. Celle-ci ne réagit pas à une
avec un volume infiltré estimé à 236 Mm3 L’infiltration efficace dans la plaine du pluviométrie faible ou en dehors de la
(figure 5). Cette analyse fait ressortir un Gharb se déroule lors de la saison froide et saison froide. Les infiltrations efficaces

Sécheresse vol. 19, n° 2, avril-mai-juin 2008 149


Tableau II. Calcul de la recharge de la nappe profonde à travers la zone d’infiltration côtière pour l’année 1999.

I. e./sol (mm) Superficie/sol (ha) Superficie I. e./sol (m3) I. e. total


Sol A D F A D F Total (ha) A D F an. (m3)
S. M. 0,00 7,17 27,17 4761 12248 2560 19 569 0,00 878 182 695 552 1 573 733
Lahmar
CTCAS 0,00 6532 6 532 0,00 0
Menasra 0,00 0,00 5,68 3865 5933 5706 15 504 0,00 0,00 324 101 324 100
Sidi 0,00 2,65 22,65 712 1737 4746 7 195 0,00 46 031 1 074 969 1 120 999
Ameur
Total 488 00 ha 3 018 834
I.e./sol : infiltrations efficaces par type de sol et selon les données des différentes stations météorologiques.
A : ; D : ; F : différents types de sols, voir figure 1.

représentent un rapport variant à l’échelle varie entre 0 et 52 % par rapport au côtière, et sur la nécessité d’équiper cette
annuelle, entre 0 et 55 % du cumul pluvio- volume moyen des précipitations reçues, dernière, afin de profiter de l’usage des
métrique. Par ailleurs, on note un contrôle ce qui représente un volume annuel eaux superficielles. ■
pédoclimatique de la répartition spatio- variant entre 0 et 236 Mm3. Cette
temporelle de ces infiltrations. Cela mar- recharge reste, dans la plupart des cas
que, d’une part, les années pluvieuses par étudiés (77 %), inférieure à 100 Mm3. En
rapport aux années de sécheresse et, effet, la récurrence de périodes de séche- Références
d’autre part, une différenciation régionale resse peut durer plusieurs années consécu-
vis-à-vis de ce paramètre. L’influence des tives. La zone principale de l’approvision- 1. El Mansouri B. Développement d’outils et
caractéristiques pédologiques se manifeste nement par pluies de la nappe profonde concepts pour la gestion des eaux souterraines.
par l’intermédiaire de la réserve facilement ne fournit alors qu’une recharge très faible Application à l’aquifère côtier du Rharb. Thèse
d’État, université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc,
utilisable qui régularise dans une certaine ou nulle. Cette analyse contribuera à
1999.
limite, le transit des eaux selon le type de actualiser le bilan de la nappe profonde
sol. L’infiltration est plus aisée à travers des dans la perspective d’établir un modèle de 2. Michard A. Éléments de géologie marocaine.
sols perméables caractérisés par leurs fai- simulation des écoulements souterrains, Notes et Mém Serv Géol Maroc (Rabat) 1976 ;
bles réserves. outil qui contribuera à une meilleure 252 : 408.
La majeure partie des infiltrations intéresse gestion des ressources hydriques pro- 3. Cirac P. Le bassin sud-rifain occidental au
la nappe phréatique peu profonde. Les fondes. Celles-ci sont en effet confrontées Néogène supérieur. Evolution de la dynamique
excédents pluviométriques participant à la à une exploitation de plus en plus sédimentaire et de la paléogéographie au cours
recharge de la nappe profonde ne peu- croissante destinée à l’irrigation avec sou- d’une phase de comblement. Thèse d’État, uni-
vent atteindre celle-ci qu’à travers ses vent des efficiences de moins de 50 %. versité de Bordeaux I, France, 1985.
zones libres situées essentiellement dans Cette situation impose une réflexion sur les 4. Morel JL. Évolution récente de l’orogène rifaine
la zone côtière et sur la bordure sud. La moyens de préservation des eaux pro- et de son avant-pays depuis la fin de la mise en
recharge interannuelle de la zone côtière fondes, en particulier dans la zone place des nappes. Thèse d’État. Paris : Mém.
Géodifusion, 1988.
5. Flinch JF. Tectonic evolution of the Gibraltar
arc. Ph D Thesis, Rice Univ, Houston, Texas,
Précipitations moyennes (P moy) et infiltrations efficaces (I.e.) annuelles en millions de m3 1993.
500 6. Wernli R. Micropaléontologie du Néogène
post-nappes du Maroc septentrional et descrip-
tion systématique des Foraminifères planctoni-
400 ques. Notes et Mém Serv Géol Maroc (Rabat)
1987 ; 331 : 265 p.
7. Combe M. Le bassin Rharb-Maâmora et les
300
236
petits bassins septentrionaux des oueds Dradère
et Soueire. In : Ressources en eaux du Maroc. T2.
177 158 Plaines et bassins du Maroc atlantique. Rabat :
200
Ed Serv Géol, 1975.
96 8. Kili M, El Mansouri B, Chao J, Ait Forah A. De
66 81 83
100 nouveaux éléments structuraux du complexe
46
0,16 0
0,35 18
3
aquifère profond du bassin du Rharb (Maroc) :
0%
implications hydrogéologiques. CR Geoscience
36% 24% 32% 30% 0% 0% 52% 49% 45% 14% 2%
0 2006 ; 338 : 1194-202.
18%
1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000
9. Office régional de mise en valeur agricole du
I.e.(Mm3) P moy (Mm3) I.e./P moy(%) Gharb (ORMVAG). Étude pédologique au
1/20 000 de la troisième tranche d’irrigation
(TTI) sur une superficie de 100 000 ha. Zone
Figure 5. Évolution interannuelle de la recharge de la nappe profonde à travers la zone Menasra, Z1 et Z2. Rapport interne ORMVAG.
d’infiltration côtière (48 800 hectares de superficie). Kénitra (Maroc) : ORMVAG, 1994.

150 Sécheresse vol. 19, n° 2, avril-mai-juin 2008


10. Office régional de mise en valeur agricole du 13. Petrie G, Kennie TJM. Terrain modelling in 16. Crampon N. Cours inédit d’hydrogéologie.
Gharb (ORMVAG). Étude pédologique au surveying and civil engineering. Caithness : Lille : Université de Lille, 1986.
1/20 000 de la troisième tranche d’irrigation Whittles Publishing, 1990.
(TTI). Zone centrale et Zone sud. Rapport interne 14. Doorenbos J, Pruit WO. Les besoins en eau
ORMVAG. Kénitra (Maroc) : ORMVAG, 1996. des cultures. Bull FAO d’irrigation et de drai- 17. Hammani A. Modélisation couplée du drai-
nage, 24. Rome : FAO, 1986. nage souterrain et du drainage de surface :
11. Mohan S. Intercomparition of evapotranspi-
ration estimates. Hydr Sci J 1991 ; 36 : 5-10. 15. Allen Richard G, Pereira Luis S, Raes D, application à la conception du drainage agricole
Smith M. Crop evapotranspiration. Guidelines dans le périmètre irrigué du Gharb (Maroc),
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York : Academic Press, 1986. 1998. Maroc, 2002.

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