Grossesse Extra Uterine
Grossesse Extra Uterine
Grossesse Extra Uterine
INTRODUCTION
Pertinence
Il s’agit d’un thème qui est très important pour plusieurs raisons :
1) C’est une affection fréquente
2) Elle constitue une urgence gynécologique du fait de son risque hémorragique.
3) Elle met en jeu le pronostic vital maternel.
4) Elle peut compromettre le pronostic obstétrical ultérieur de la femme à cause du risque de
stérilité 2nd et de récidive.
Objectifs spécifiques
Citer les facteurs favorisant la G.E.U.
Indiquer les localisations de la G.E.U.
Décrire les signes cliniques de la G.E.U.
Enumérer les affections simulant la G.E.U.
Indiquer la méthode de traitement de la G.E.U.
I/ GENERALITES
A -Définition
La G.E.U. encore appelée grossesse ectopique est la nidation et le développement de l’œuf
fécondé en dehors de la cavité utérine.
B –Rappels
1-anatomie
a-Macroscopie :
Aussi appelées trompes de Fallope, les trompes utérines constituent la portion initiale des
voies génitales féminines et sont en situation intra péritonéale. On distingue quatre parties
pour chaque trompe de dedans en dehors :
- La portion interstitielle :
-L’isthme
-L’ampoule
- Le pavillon
2. Histologie :
La trompe utérine montre à sa face interne des plis longitudinaux qui jouent le rôle de rails
pour la migration de l’œuf. La trompe est constituée par une musculature lisse et d’un
revêtement péritonéal.
La muqueuse contient des cellules à cils vibratils et des cellules glandulaires.
3. Vascularisation et innervation :
Les artères qui vascularisent la trompe proviennent de l’artère utérine, branche de l’artère
iliaque et de l’artère ovarienne qui elle-même nait de l’aorte abdominale.
5-fécondation :
La fécondation a lieu dans le 1/3 externe de la trompe de Fallope.
Après 4 à 5 jours de transit tubaire l’œuf entouré de la membrane pellucide atteint la cavité
utérine au stade de MORULA. La nidation a lieu vers le 6ème jour après disparition de la
membrane pellucide au stade de Blastocyste quel que soit le lieu où l’œuf se trouve.
La GEU résulte d’un retard dans le transport de l’œuf fécondé
NB : la fécondation peut avoir lieu à la surface même de l’ovaire
II/ ETIOPATHOGENIE
A-Age de survenue
La G.E.U. peut survenir à n’importe quel moment de la période d’activité génitale.
B-Fréquence
KONE M (Yopougon) 2010 : 3,1%
ILOKI H (Congo) 2,9%
LANSAC (France) 13000 cas de GEU en 2005
La croissance des GEU est en rapport avec l’augmentation des IST et de leurs séquelles
tubaires ; le recul de l’âge de la première grossesse laissant le temps de l’installation d’une
pathologie tubaire
C-Facteurs favorisants
3. Le dispositif intra-utérin :
Le DIU prévient moins bien la GEU que la grossesse intra-utérine, il a une action anti- nidatoire
4. La contraception orale :
Les progestatifs micro dosés en prise continue augmentent le risque de GEU en raison de
l’action inhibitrice sur les contractions musculaires des trompes.
5. Le tabac :
La consommation de tabac, même modérée exposait au risque de GEU avec une relation dose-
effet, un des mécanismes incriminés est l’altération de la motilité tubaire et utérine.
6. La fécondation in vitro (FIV) et le transfert d’embryons :
Plus le nombre d’embryons réimplantés est important plus le risque de survenue de GEU
serait grand avec des localisations particulières : GEU bilatérales, grossesses hétérotopiques,
interstitielles ou abdominales.
Il existe un risque de passage rétrograde dans les trompes
7. La stérilisation tubaire :
Les mécanismes sont multiples : obturation tubaire incomplète, repérméabilisation
spontanée tubaire avec reconstruction anormale de la lumière.
8. L’âge :
L’âge maternel augmente le risque de GEU indépendamment d’exposition aux diverses lésions
inflammatoires tubaires ou lésions infectieuses chroniques tubaires (salpingites).
9.autres facteurs
-Antécédent GEU
-fibromyome de la corne utérine
-adénomyose des cornes utérines
-polype des cornes utérines
-malformation tubaire (diverticule)
D-Pathogénie
L’implantation en dehors de l’utérus de l’œuf fécondé s’explique par 2 mécanismes :
-soit un retard de la captation de l’œuf par le pavillon tubaire
-soit un arrêt ou un ralentissement de migration de l’œuf dans la trompe de Fallope.
Le péristaltisme tubaire peut être perturbé par les malformations congénitales, des influences
hormonales ou des séquelles inflammatoires.
Quel que soit le mécanisme mis en cause la GEU va être à l’origine des lésions d’anatomie
pathologique.
1-localisation :
Sur la trompe utérine : la plus fréquente +++ 95% de toutes les localisations
GEU ampullaire : 73% des localisations tubaires
GEU infundibulaire (pavillonnaire) 5%
GEU isthmique 20%
GEU interstitielle ou intramurale 2%
Autres localisations 5%
1) Sur l’ovaire : GEU ovarienne (3,2%)
Le diagnostic de G.E.U. ovarienne peut être retenu si les 4 conditions ci-dessous sont réunies :
a- Trompes homo et contro-latérales intactes
b- sac ovulaire à la place anatomique habituelle de l’ovaire
c- ligament utéro ovarien doit relier le sac ovulaire à l’utérus
d- le tissu ovarien doit être en contact direct avec le sac ovulaire
2) Sur le col de l’utérus : GEU cervicale (1,5%)
3) Dans l’abdomen : GEU abdominale (1,3%).
L’œuf se développe primitivement ou secondairement (après avortement tubo-abdominal par
exemple) dans la cavité péritonéale, en se fixant sur n’importe quel organe. La grossesse
abdominale primitive est exceptionnelle.
L’évolution peut se prolonger au-delà du cinquième mois, mais des accidents hémorragiques
graves peuvent survenir.
B- Au plan microscopique
L’examen de la caduque utérine recueillie par curetage ou par expulsion spontanée révèle :
- la présence de cellules déciduales,
- l’absence de villosités choriales
- les atypies cellulaires d’ARIAS-STELLA.
a -signes fonctionnels : Triade : douleur, anomalies des dernières règles (pertes de sang,
métrorragies) syncope.
douleur :
*siège : pelvien, unilatéral
*irradiation : cuisses, lombes, épigastre, dos
*intensité : variable, souvent forte
*évolution par renforcement paroxystique survenant par crises récidivantes
*type :
- simple sensation de pesanteur pelvienne
- sensation d’endolorissement pelvien
- ou colique salpingienne
accompagnés
métrorragies
elles peuvent se manifester sous la forme d’anomalies des dernières règles :
-anomalies quant au moment de survenue des règles :
- Soit un léger retard des règles
- soit quelques jours d’avance sur la date prévue des règles
-anomalies quant à la durée des dernières règles :
- Soit durée très courte par rapport à l’habitude
- soit durée anormalement prolongée
-anomalies quant à leur aspect et leur abondance (métrorragies)
- abondance : peu abondante
Perte de sang s’écoulant goutte à goutte, pertes distillées selon
Merger.
- couleur : brun, sépia, noirâtre comme du café noir.
- évolution : récidivante
- Accompagnées de douleur pelvienne et d’expulsion de fragments de caduque
Le 3ème élément de la triade : = syncopes ou à moindre degré Lipothymies.
Devant cette triade
L’interrogatoire recherchera les facteurs de risques déjà mentionnés.
b- Signes généraux
- Accélération du pouls ++
c- Signes physiques
Inspection : ballonnement sus pubien
Palpation abdominale :
- réveille une douleur unilatérale à la partie basse de la fosse iliaque
- pas de contracture abdominale
- légère défense abdominale
L’examen au spéculum :
- paroi vaginale violacée
- Col violacé et macroscopiquement sain
- Sang noir sépia provient de l’utérus
T.V. combiné au palper
-col ramolli, douloureux à la mobilisation
-utérus ramolli, augmenté de volume mais son volume est plus petit pour l’âge de la grossesse.
-masse latero-uterine
- Unilatérale
- douloureuse
- séparée de l’utérus par un sillon
- mobile
- molasse
- volume variable
- Douglas libre ou indolore avant tout accident hémorragique mais comblé et
douloureux après accident hémorragique
En résumé :
- Trouble des DDR
- sensibilité pelvienne
- quelque chose dans un CDS vaginal (Henri Mondor)
2-EXAMENS COMPLEMENTAIRES
Examen complémentaire à visée diagnostique
sac trophoblastique. Ce pseudo sac gestationnel est fréquent (10 à 20 % des GEU), il est source
de diagnostic erroné de GIU.
Certains caractères permettent de le différencier d’un véritable sac trophoblastique
• contours trop fins, irréguliers sans zone hypo échogène périphérique
• forme ovulaire aplati peu tonique variant en fonction du remplissage vésical
-épanchement liquidien
4) Cœlioscopie
La cœlioscopie a pour objectif de confirmer le diagnostic et de réaliser la thérapeutique ; elle
montre la GEU sous la forme précédemment décrite dans le sous chapitre de l’examen
macroscopique
4) La Progestérone plasmatique
Un taux supérieur à 25 ng/ml exclut une G.E.U. avec une sensibilité > 97% (H. Fernandez). La
progestéronémie est un bon marqueur de la vitalité ovulaire au seuil de 20-25 ng/ml, mais elle
n’a pas de valeur localisatrice du processus gravidique.
Au total, sur un plan diagnostique, il n’y a pas d’intérêt prouvé à utiliser le dosage plasmatique
de la progestérone.
V/ FORMES CLINIQUES
A-G.E.U. ROMPUE
Elle réalise un tableau d’inondation péritonéale : hémopéritoine par hémorragie interne.
1-Signes fonctionnels
Douleur
- Siège : abdominal mal localisé
- Début : brutal en coup de poignard
- Irradiation : lombes, épigastre, épaules
- intensité : sensation atroce en coup de poignard
sensation d’écoulement d’un liquide chaud dans l’abdomen
3-Signes physiques
Inspection : léger météorisme abdominal
palpation : abdomen douloureux,
Douleur à la décompression de l’ombilic (cri de l’ombilic)
Percussion abdominale : matité déclive dans les flancs
spéculum : col sain macroscopiquement
col et paroi vaginal violacés
sang provient de l’utérus
TV :
utérus semble flotter dans du liquide
utérus douloureux à la mobilisation
les doigts introduits dans le cul-de-sac postérieur du Douglas réveillent une
vive douleur = cri du Douglas.
Ponction du Douglas sous valve : sang incoagulable noir 2 cc.
Non traitée ou traitée trop tardivement la patiente meurt d’hémorragie interne.
L’interrogatoire oriente vers la G.E.U. rompue : par la notion des troubles des dernières règles.
Hématocèle constituée :
Signes fonctionnels (idem comme au début)
signes généraux (idem comme au début)
Signes physiques
Palpation : abdomen souple, douloureux dans sa partie basse
TV : très douloureux, masse volumineuse dans le petit bassin très douloureuse
- rénitente
- bien limitée en bas fond CDS Douglas
- mal limitée en haut et latéralement
- refoule le rectum vers la concavité sacrée
- col rétro-symphysaire
- utérus refoulé en avant et surélevé, chassé par la masse.
Toucher rectal (T.R.) : perçoit cette masse qui est volumineuse
C-GROSSESSE ABDOMINALE
Signes fonctionnels :
1) Grossesse douloureuse +++++++
douleur par intermittence
2) trouble plus ou moins de l’évacuation des matières et des gaz
3) nausées, vomissements
Signes physiques
Palpation : fœtus apparaît trop grand, trop étalé, trop superficiel.
TV : 2 masses
1 masse volumineuse = œuf abdominal
1 petite masse = utérus vide.
Examens complémentaires
Radiographie de A.S.P. profil : cravatage de l’œuf par les anses intestinales, fœtus projeté
vers le rachis maternel
Echographie abdominale : elle montre le fœtus en position abdominale avec un utérus
vide
A terme l’accouchement est impossible par les voies naturelles. Il se produit un faux travail
avec l’apparition :
- Coliques douloureuses
- Expulsions de caduques
D- Forme pseudo-abortive
Elle est fréquente, avec des hémorragies importantes.
L'expulsion de débris de caduque, que l'on peut prendre pour du placenta, trompe mais au
toucher vaginal le col est fermé, le corps est petit pour l'âge de la grossesse. On peut sentir une
petite masse latero-uterine douloureuse.
Il faut savoir penser à la GEU lors d'un curetage qui ne ramène que peu de chose, et refaire un
toucher vaginal en profitant du relâchement musculaire dû à l'anesthésie générale.
Il faut y penser encore lorsque l'examen histologique des débris de curetage montre une
transformation déciduale sans villosités, des atypies d’Arias Stella
E- La grossesse cervicale
Elle se présente cliniquement comme une fausse couche très hémorragique avec au toucher
vaginal l'impression d'un gros col. Le curetage évacuateur ne suffit pas à assurer l'hémostase
qui n'est souvent obtenue que par un cerclage du col ou une hystérectomie.
VI/ DIAGNOSTIC
Diagnostic positif
- Douleurs pelviennes
- Métrorragies minimes, noirâtres
- sensibilité pelvienne
- masse latero-uterine (quelque chose de douloureux dans un CDS vaginal)
L’échographie et la cœlioscopie sont des examens complémentaires précieux pour le
diagnostic positif
Diagnostic différentiel
Devant la douleur abdomino-pelvienne : il faut éliminer
- Salpingite
- dystrophie ovarienne
- kyste de l’ovaire compliqué
- fibrome utérin pédiculé tordu
- appendicite
- occlusion intestinale
Devant une masse latero-uterine : il faut éliminer
- Grossesse intra-utérine associée à un kyste ovarien fonctionnel
- kyste ovarien fonctionnel non compliqué (kyste lutéinique, corps jaune persistant,
kyste folliculaire)
- grossesse angulaire
Devant les métrorragies au 1er trimestre de la grossesse : il faut éliminer
- Menace d’avortement spontané
-restes d’avortement
-grossesse môlaire
-Les causes gynécologiques d’origine cervicale :
- cancer du col
- cervicite
- bilharziose du col
- tuberculose du col
- polype du col.
Devant les signes d’hémopéritoine (cas d’inondation péritonéale) : il faut éliminer
- Rupture d’un kyste ovarien hémorragique
- rupture d’une rate
- Rupture du foie
VII-TRAITEMENT
A-Curatif
1-But :
- assurer l’hémostase
- prévenir les récidives
2-Méthodes :
a-La chirurgie conventionnelle par laparotomie.
Le diagnostic de GEU étant fait, l'attitude classique (et souvent la seule possible dans bien des
pays) est la laparotomie avec deux possibilités :
■ le traitement radical par salpingectomie avec résection cunéiforme ou non de la corne
utérine correspondante ou parfois par une annexectomie
Ces techniques cœlioscopiques simplifient les suites opératoires, diminuent les adhérences
postopératoires et surtout abrègent la durée d'hospitalisation.
c- Le traitement médical
Il est basé sur l’utilisation de méthotrexate par voie générale : cet antimitotique a pour but de
bloquer le développement du trophoblaste qui se résorbe spontanément.
Il est recommandé d'utiliser le schéma à dose unique de 1mg/kg par voie intramusculaire,
La surveillance biologique se fera par le contrôle des taux d'HCG : il est important que le taux
d'HCG à J7 soit inférieur à 85% de l'HCG à J0. Si ce n'est pas le cas, une deuxième dose de
méthotrexate est préconisée.
d- Méthode complémentaire =
Réanimation par transfusion de sang iso groupe iso sanguin
3- indications
-si certains facteurs n'incitent pas au traitement chirurgical : patiente multi opérée,
antécédents chirurgicaux pelviens importants, obésité morbide, contre-indications
anesthésiques
Les contre-indications du méthotrexate sont :
-le refus de la patiente ;
- les difficultés de surveillance en ambulatoire, mauvaise compliance ;
-une hémodynamique instable ;
-un épanchement intra-abdominal ;
-des douleurs importantes ;
-une GEU supérieure à 4 cm ;
-un taux de β-HCG supérieur à 5000 mUI/ml (discutable entre 5000 et 10000)
-une thrombopénie inférieure à 100 000/mm³ ;
-une leucopénie inférieure à 2000/mm³ ;
-une créatinine supérieure à 130 µmol/L ;
-des ALAT ou ASAT supérieur à 2 fois la normale ;
Le score de Fernandez peut être utilisé pour définir la place du traitement médical
D’après Fernandez, le traitement médical de la GEU est possible si le score est inferieur a 13.
Au-delà, l’option chirurgicale prime.
B -Prévention de la G.E.U.
Elle consiste à faire la prévention des : IST, I.V.G.
VIII/ PRONOSTIC
Pronostic vital : encore grave en C.I. 2ème cause de mortalité maternelle au 1er trimestre de la
grossesse.
Pronostic fonctionnel réservé car : stérilité, récidive de la GEU.
Pronostic fonctionnel néanmoins meilleur chez la femme qui était déjà mère avant d’avoir la
GEU.
Pronostic fonctionnel sombre chez la femme qui inaugure sa vie obstétricale par une GEU.
CONCLUSION
La G.E.U. est une affection fréquente et très grave.
La localisation la plus fréquente se situe dans la trompe utérine.
Les formes cliniques de la G.E.U. sont nombreuses. Le diagnostic doit être précoce mais il est
souvent difficile.
C’est pour cela devant tout trouble des règles associé à la douleur pelvienne, il faut examiner
soigneusement la patiente en pensant à la G.E.U.
Au moindre doute demander les examens complémentaires dont l’échographie et la
cœlioscopie pour confirmer le diagnostic de la G.E.U.
Le traitement sera d’autant plus conservateur que le diagnostic sera précoce, permettant ainsi
un meilleur pronostic obstétrical.