Le Littoral D'assinie en Côte D'ivoire Dynamique

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Les Cahiers d’Outre-Mer

Revue de géographie de Bordeaux


251 | Juillet-Septembre 2010
Aspects de la Côte-d'Ivoire

Le littoral d’Assinie en Côte‑d’Ivoire : dynamique


côtière et aménagement touristique
Célestin Hauhouot

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/com/6023
DOI : 10.4000/com.6023
ISSN : 1961-8603

Éditeur
Presses universitaires de Bordeaux

Édition imprimée
Date de publication : 1 juillet 2010
Pagination : 305-320
ISBN : 978-2-86781-663-5
ISSN : 0373-5834

Référence électronique
Célestin Hauhouot, « Le littoral d’Assinie en Côte‑d’Ivoire : dynamique côtière et aménagement
touristique », Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 251 | Juillet-Septembre 2010, document 2, mis en ligne
le 01 juillet 2013, consulté le 21 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/com/6023 ;
DOI : https://doi.org/10.4000/com.6023

© Tous droits réservés


Les Cahiers d’Outre-Mer, 2010, n° 251, p. 305-320.

Le littoral d’Assinie en Côte-d’Ivoire :


dynamique côtière et aménagement touristique

Célestin HAUHOUOT1

De nombreuses études ont déjà été menées sur la cinématique du trait de


côte dans le golfe de Guinée (Hauhouot, 2000 ; Abé, 2005 ; Blivi, 1993). La
côte sableuse montre des signes inquiétants d’érosion. Elle enregistre réguliè-
rement des reculs de l’ordre de 1 à 5 m/an, voire 10 m/an. Ce phénomène est à
l’origine de la destruction des infrastructures, notamment des routes côtières,
des habitats et de la perte d’activités économiques (Blivi, 1993)2.
Les plages du littoral ivoirien, comme d’ailleurs celles de l’ensemble du
golfe de Guinée, présentent deux cas de figure. Certaines connaissent un déficit
sédimentaire chronique : c’est le cas des plages de Grand-Lahou et d’Abidjan
(Port-Bouët). D’autres montrent un bilan sédimentaire positif : c’est le cas de
la côte de Jacqueville à l’ouest d’Abidjan.
Le cas d’Assinie pose problème. Bien que situé dans un secteur long-
temps considéré comme stable, des équipements hôteliers sont épisodiquement
détruits par le déferlement des vagues. La situation semble si préoccupante
que des experts ivoiriens préparent un plan de protection de cette plage contre
l’érosion. Cette apparente contradiction justifie qu’on s’intéresse, à nouveau,
à la cinématique de la plage d’Assinie.

1. Institut de Géographie Tropicale Université de Cocody, Abidjan (Côte-d’Ivoire) ; mél : c_hauhouot@


yahoo.fr
2. http://www.nesda.kabissa.org/Rapports/Erosion.pdf

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Les Cahiers d’Outre-Mer

I – Méthodologie

1 – Une approche globale systémique


Pour l’analyse du littoral nous avons adopté une approche systémique.
Le littoral constitue un système composé des éléments suivants : la côte ; des
bassins versants des fleuves ; l’océan.
La côte est considérée comme le réservoir sur lequel agissent les agents
dynamiques et la société. Des agents marins (vagues, courants…) agissent sur
lui par l’intermédiaire de processus de transport sédimentaire (Cohen et al.,
2002). Ces processus modifient la forme des plages. Dans le même temps,
la plage dissipe l’énergie de la houle afin d’atteindre un état d’équilibre. Ces
changements de forme constituent des rétroactions qui, elles-mêmes, peuvent
être négatives ou positives. On parle de rétroaction négative quand le système
s’adapte pour maintenir sa morphologie globale. Cela est possible si le bilan
sédimentaire est équilibré ou positif. On parle de rétroaction positive quand
l’équilibre du système est rompu et que les adaptations ne permettent plus
de stabiliser la forme (Cohen et al., 2002). Une rétroaction positive entraîne
l’érosion du trait de côte tandis qu’une rétroaction négative provoque son
accrétion.

2 – Analyse de la cinématique du trait de côte


Pour déterminer l’érosion ou l’accrétion du trait de côte, on a exploi-
té l’imagerie satellitaire et les relevés de profils de plage. Plusieurs lignes
de référence sont utilisables pour matérialiser le trait de côte sur une image
de télédétection (Robin, 2002). Celles qui nous ont paru les plus accessibles
sur les images satellites Landsat TM 195-56 du 18 janvier 1986 et TM + du
2 février 2000, sont les lignes de rivage instantanées. Ces lignes marquent le
contact entre la surface marine déformée par l’onde de marée et la pente de
l’estran à l’instant de l’enregistrement. Elles sont très bien représentées dans
les bandes TM4 (proche infrarouge) et TM5 (moyen infrarouge).
Une fois la ligne de référence choisie, elle est saisie à l’écran sur chacune
des images, suivant le modèle « spaghetti ». On mesure ensuite les écarts
entre les lignes, puis on calcule une moyenne qu’on rapporte au temps de
l’observation.
L’analyse des relevés de plage porte sur la période 1986-2004. Les profils
de plages ont été levés en périodes de basse mer de vive-eau, à l’aide d’un
niveau de chantier de type WILD NA-20, d’une mire et d’une boussole (Abé,
2005). Ces repères sont visités périodiquement afin de mesurer les change-
ments morphologiques intervenus.

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Le littoral d’Assinie en Côte-d’Ivoire : dynamique côtière et aménagement touristique

II – Assinie : terre de tourisme

Assinie est un bourg d’environ 10 000 habitants. Il est constitué de trois


quartiers – Mafia, Sagbadou, France – et des campements Assouindé, Ebotiam,
Mabianéha et Madjan, dispersés sur le bord de mer (fig. 1). Le site montre des
paysages côtiers divers : cordons littoraux, lagune.

1 – Assinie, un littoral meuble


Le littoral d’Assinie peut être rangé dans l’ensemble des littoraux
meubles. Il forme un versant littoral composé d’une arrière-côte basse, d’une
plage de sable fin et d’une avant-plage peu étendue.
Assinie est apprécié pour ses grandes plages de sable blanc et fin. La
station balnéaire du Club Méd possède une plage étendue, d’une centaine de
mètres. D’autres plages sont moins étendues. C’est le cas de la plage où se
succèdent les résidences secondaires à l’ouest d’Assouindé. La largeur des
plages change souvent fortement en fonction de l’agitation de la mer. L’écart
peut varier de 60 à 80 m d’une saison à l’autre. Quelle que soit leur largeur,
les plages sont toutes constituées d’un stock de sédiments. Les grains de sable
ont une taille moyenne inférieure à 250 micromètres même quand celle-ci
varie dans le profil de plage. Ces variations permettent de distinguer un haut
estran généralement constitué de sables plus grossiers que ceux du bas estran
(Miossec, 2004).
L’avant-plage est peu étendue. Elle atteint une largeur maximum de
35 km dans le secteur d’Assinie. On ne dispose malheureusement pas de
profils bathymétriques des petits fonds (de 0 à -4 m) devant la plage. Cela
aurait permis de mieux apprécier la relation plage/avant-plage car, celle-ci
est essentielle dans l’équilibre dynamique du système littoral. Le matériel qui
constitue l’avant-plage est, sous certaines conditions, susceptible de réali-
menter la plage. Celui-ci est remonté vers le haut de l’estran par des houles
constructives.
On connaît mieux la morphologie de l’arrière-plage. L’espace rétro-litto-
ral immédiat de la plage est constitué de cordons littoraux. Selon leur forme et
la couleur du stock sédimentaire, on distingue deux ensembles. Le premier est
constitué de cordons de sable blanc, rectilignes et séparés par des dépressions
marécageuses. Au nord du canal d’Assinie, les cordons sont obliques. Ils
s’élargissent vers l’Est avec quelques crochets dans la presqu’île d’Etuessika
et l’île Assiendo (Pomel, 1979). Ces cordons sont séparés de la plage par un
ensemble de cordons de sable roux peu puissants (moins de 6 m), massifs et
accolés. Cet ensemble est éventré entre Assouindé et la passe d’Assinie par

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Les Cahiers d’Outre-Mer

la rivière du même nom. Cette bande de sable étroite, coincée entre la rivière
et la mer, oscille entre 250 et 800 m de largeur. Pourtant c’est elle qui a été
choisie pour abriter deux stations balnéaires de renommée internationale et
plusieurs équipements touristiques.

Figure 1 – Le site d’Assinie

2 – La lagune Aby
La côte est dominée par un complexe lagunaire constitué de trois lagunes
(Aby, Tendo et Ehi). Ce complexe auquel on a donné le nom d’Aby, forme un
vaste plan d’eau de 424 km2. Il est alimenté principalement par deux rivières
côtières, la Bia et le Tanoé. Il communique avec l’océan par une passe unique
au niveau du village d’Assinie-Mafia. L’entrée de la passe est rétrécie par la
concentration de plusieurs îles formant un véritable delta à l’embouchure de
la lagune.
Les grandes îles abritent des communautés villageoises éhotilé. Les plus
petites conservent les écosystèmes caractéristiques de l’environnement lagu-
naire. Ce sont les îles Assoco-Monobaha, Niamouan, Belouate, Mea, Elouame
(fig. 2). Elles constituent avec l’île Besson-Assoum excentrée à l’Est (dans la
lagune Tendo) le parc national des îles Éhotilé. Ce parc renferme une végé-
tation diversifiée avec différents types d’écosystèmes forestiers : la forêt de
terre ferme, la forêt ripicole en bord de rive, la forêt marécageuse classique,
le fourré marécageux, la mangrove. Il renferme aussi une faune diversifiée, où
l’on note la présence d’une avifaune très riche, composée d’espèces de diffé-
rentes familles (Ardeidae et Laridae). De nombreuses espèces de mammifères
sont également présentes. Ce sont le potamochère, l’antilope royale, le guib
harnaché et le céphalophe de Maxwell. Le parc abrite aussi une « commu-
nauté » de primates comprenant le cercopithèque hocheur et le cercopithèque

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Le littoral d’Assinie en Côte-d’Ivoire : dynamique côtière et aménagement touristique

pétauriste, des lamantins (Trichechus senegalensis) ainsi que de nombreuses


chauves-souris.
La lagune constitue un écosystème à la fois riche et d’une grande fragilité.
Elle est quotidiennement exposée à la pression des villages environnants. Des
riverains s’adonnent au braconnage et à l’agriculture dans le parc. Ils exploi-
tent le bois de mangrove pour fixer les filets de pêche et fumer le poisson.

Figure 2 – Le parc national des îles Éhotilé

3 – Les aménagements touristiques


Le littoral d’Assinie a fait l’objet d’un programme ambitieux d’aménage-
ment touristique initié dans les années 1972. Ce plan prévoyait la construction
de bases nautiques dans la lagune et celle de réceptifs touristiques et de rési-
dences secondaires sur le bord de mer.
Sous la cocoteraie, entre la mer et la rivière, deux secteurs ont été réservés
à la construction de réceptifs hôteliers, à Assouindé et à Assinie. Seul celui
d’Assouindé a effectivement accueilli (presque tous) les établissements proje-
tés. En effet, l’État a construit un hôtel classique (Sitour) et deux villages de
vacances exploités par des opérateurs privés (Valtur et Club Méditerranée).

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Les Cahiers d’Outre-Mer

L’hôtel Sitour est le plus modeste de ces réceptifs. C’est un hôtel d’une
vingtaine de chambres réparties entre des bungalows doubles ou individuels
(Dienot, 1980). Plusieurs paillotes installées sous la cocoteraie, près de la
lagune ou sur le bord de mer, permettent aux touristes d’admirer le paysage et
de se détendre.
Le complexe hôtelier Valtur (anciennement Les palétuviers), du nom de
son actuel exploitant, est un établissement de luxe dont l’architecture s’intègre
au paysage. C’est un village de vacances, comprenant plusieurs bâtiments
abritant des chambres. Les deux principaux bâtiments sont construits sur le
modèle des cases sur pilotis. Les architectes ont utilisé des matériaux locaux
comme le bois et les couvertures en chaume ou papo (palme de palmier
raphia). Ces bâtiments sont scindés en deux niveaux et chaque niveau
comprend plusieurs chambres confortables, climatisées, avec vue sur la mer
ou la lagune. On peut passer de l’un à l’autre grâce à une passerelle en bois.
Entre les bâtiments, plusieurs équipements collectifs sont mis à la disposition
des touristes : piscine, restaurant, bar, salons de détente, magasins. Un peu
partout sont disposés des « paillotes-parasol » et des transats pour le repos et
la détente. L’hôtel met aussi à la disposition de sa clientèle des courts de tennis
et des équipements de ski nautique.
Un kilomètre plus loin, à l’est du complexe Valtur, le Club Méditerranée
animait jusqu’en 1999 un autre village de vacances encore plus luxueux. Entre
les cocotiers, avaient été construits deux cents bungalows individuels, soit
une capacité de 640 lits. Leur architecture était largement inspirée des cases
rectangulaires traditionnelles akan. Tous les bungalows étaient dotés d’un
salon, d’une salle de bain et de toilettes indépendantes. Ils étaient climatisés
et décorés. Les bâtiments collectifs étaient aérés et ventilés grâce à une large
ouverture sur l’extérieur (Dienot, 1980).
Les villages de vacances ne sont accessibles qu’à une clientèle bourgeoise
et expatriée. Ce type de clientèle est attiré par le confort et le calme : c’est
connu. Effrayée par l’instabilité politique du pays, qui a commencé avec le
coup d’État de 1999, cette clientèle est partie entraînant la fermeture prolon-
gée de ces établissements. Aujourd’hui, le Club Méditerranée s’est définitive-
ment retiré du site d’Assinie, sans doute découragé par le manque de lisibilité
du programme de sortie de crise. Le complexe Valtur est à l’abandon en atten-
dant un repreneur éventuel.
D’autres établissements, moins luxueux, et ouverts à la bourgeoisie locale
sont installés sur la bande de sable. À Assouindé, on a dénombré 6 équipe-
ments hôteliers : ce sont 3 hôtels d’une capacité globale d’une trentaine de

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Le littoral d’Assinie en Côte-d’Ivoire : dynamique côtière et aménagement touristique

chambres et 3 restaurants. Le tableau 1 donne leurs caractéristiques et les


loisirs qu’ils offrent.
À côté des équipements hôteliers, on assiste au développement de rési-
dences secondaires sur bord de mer. Ces résidences sont construites dans un
style architectural qui s’intègre très bien au paysage. Les architectes ont opté
pour un mélange de matériaux locaux et de briques en ciment.
Les réceptifs et les résidences secondaires sont alignés parallèlement à
la plage. Ils forment une ligne rarement interrompue par des accès à la plage.
On a ainsi dénombré 99 résidences dont 6 en construction et 7 réceptifs
touristiques.

Équipements Nbre de
Nature Classement Nbre de lits Loisirs
touristiques couverts

Natation
Valtur Village vacances 3 *** 1 000 600 Tir à l’arc
Ski nautique

Club Natation
Village vacances 3 *** 1 000 500
Méditerranée Ski nautique

Océan (ex-Beach
Hôtel-restaurant 1* 60 6 doubles Sport balnéaire
Lodge)

5 doubles Natation
O Sole Mio Hôtel-restaurant 1* 50
5 singles Bain de soleil

Natation en lagune
Cotton Beach Hôtel-restaurant Non classé 100 20
Volley-ball

Natation en mer et
Jardin d’Éden Restaurant Non classé 300
en lagune

Natation
L’Amitié Hôtel-restaurant Non classé 300 7
Pêche

Les 4 parasols Hôtel-restaurant Non classé 100 5 Natation

Acquario Maquis Non classé 70 Natation

Blue marin Restaurant Non classé 300


(source : Kouamé, 2007 et nos enquêtes)

Tableau 1 – Inventaire des établissements touristiques d’Assouindé

On ne peut pas chiffrer le montant global des investissements réali-


sés faute de données suffisantes. Toutefois, on connaît celui des réceptifs
construits par l’État. Ils ont nécessité des investissements à hauteur de
15 468 millions de Fcfa (Dienot, 1981). Au regard du nombre et de la qualité

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Les Cahiers d’Outre-Mer

des constructions, on peut dire que la côte présente une grande valeur touris-
tique, et de ce fait, une grande vulnérabilité.
Sur le littoral, un grand nombre des constructions est implanté dans une
bande de 100 m entre la mer et la route. C’est une situation à risque au regard
du potentiel énergique de la barre qui déferle habituellement sur le littoral
ivoirien et l’ensemble du littoral de l’Afrique de l’Ouest.

(cliché Behmann J., 1975)

Photo 1 – Le Club Méditerranée d’Assinie


Ouvert au public en 1971, le Club Méd d’Assinie est un établissement touristique luxueux qui offre, en
plus de l’hébergement, des activités sportives et de loisirs.

(cliché Patrick B., 2008)

Photo 2 – Bouillonnement d’écume après le déferlement à Assouindé

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Le littoral d’Assinie en Côte-d’Ivoire : dynamique côtière et aménagement touristique

Après le déferlement, l’eau se retire en permanence sous forme de courants d’arrachement qui
interrompent la barre et ralentissent un transit littoral déjà affaibli. Les eaux de la lagune sont calmes.

(cliché Hauhouot, 2008)

Photo 3 – Impact de la barre sur une résidence secondaire à Assouindé


Cette résidence secondaire située à portée de la barre est menacée à court terme. La terrasse s’est
effondrée suite aux déferlements des rouleaux des vagues.

III – La côte d’Assinie est-elle menacée ?

1 – L’énergie dissipée à la côte


Les houles qui déferlent sur les côtes du golfe de Guinée sont d’origine
lointaine. Elles sont formées par les hautes pressions antarctiques, renforcées
par l’anticyclone de Sainte-Hélène très dynamique pendant la saison des pluies
de l’hémisphère Nord (Pomel et Pelletier, 1977). Ces houles s’orientent vers le
littoral avec un angle sud à sud-ouest et une période de 7 à 11 secondes pour
une hauteur significative de 1,33 m (Holfelder, 1978). Elles ont des longueurs
d’onde comprises entre 156 et 225 m et une célérité souvent supérieure à
15 m/s. Elles emmagasinent un potentiel d’énergie considérable jusqu’au
moment du déferlement. Les fortes houles sont présentes toute l’année avec
une itération mensuelle variable. Elles sont fréquentes (23 à 46 %) entre mars
et juillet avec un maximum en mai et juin. De novembre à mars, elles sont
rares (Varlet, 1958).

313
Les Cahiers d’Outre-Mer

Les changements saisonniers des profils de plage d’Assinie montrent


localement l’influence des fortes houles dans la dynamique littorale. Pendant
la période d’occurrence des fortes houles, on observe un raccourcissement
maximum de la plage. La largeur, qui atteint parfois 130 m en janvier et
février, est réduite à des valeurs minimales de 40 à 50 m en juin (Abé, 2005).
Quand les fortes houles deviennent moins fréquentes, la plage se recons-
truit lentement. À l’issue d’un cycle annuel, les accrétions compensent les
érosions. L’évolution saisonnière de la plage d’Assinie est l’illustration même
d’une rétroaction négative. La plage est en équilibre ; mieux elle engraisse. En
effet, l’analyse de l’imagerie satellitaire montre un engraissement moyen de
1 à 2 m/an de la plage d’Assouindé entre 1986 et 2000. Cet engraissement se
poursuit au-delà de 2000 comme le montre la figure 3.

(Source : Abé, 2005)

Figure 3 – Évolution du trait de côte à Assinie de 1986 à 2004

Il concerne essentiellement le bas estran. L’engraissement de la plage


s’explique par l’affaiblissement de la dérive littorale. Le littoral ivoirien est
parcouru par une dérive littorale qui s’oriente principalement vers l’Est.
Elle mobilise 200 000 m3/an de sable dans le secteur de Tabou-Fresco,
800 000 m3/an de sable entre Fresco et Abidjan et 400 000 m3/an de sable à
l’est d’Abidjan. Ces différences s’expliquent par les changements d’orien-

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Le littoral d’Assinie en Côte-d’Ivoire : dynamique côtière et aménagement touristique

tation de la ligne de rivage et le type de côte. À l’Ouest, les houles domi-


nantes sont obliques par rapport à la côte (45°). Cet angle favorise une
importante dérive, mais la lenteur du démantèlement de la côte rocheuse
limite la quantité de matériel disponible. Dans le centre, l’obliquité de
la houle par rapport à la côte est moins prononcée mais encore sensible
(Hinschberger, 1977). L’érosion est intense à Grand-Lahou et à Port-Bouët,
et les matériaux prélevés continuent leur migration vers l’Est.
À l’est d’Abidjan, les houles du sud-ouest sont presque perpendiculaires
à la côte. À Assinie, l’angle de la direction de propagation des houles domi-
nantes (SSO) avec la côte est de 85°. Avec un tel angle, le transport sédimen-
taire vers l’Est est faible. Il est même contrarié, d’une part, par les courants
d’arrachement très présents sur ce littoral et, d’autre part, par une dérive en
sens contraire.
Après le déferlement, l’eau se retire en permanence sous forme de
courants d’arrachement qui interrompent la barre, et ralentissent un transit
littoral déjà affaibli. Ce phénomène est bien visible sur la photographie 2. La
zone de contact entre les déferlements et les courants est marquée par une
ligne d’écume.
Des houles du Sud, moins fréquentes et plus fortes, produisent occasion-
nellement des dérives vers l’Ouest. Cette dérive en sens contraire favorise le
maintien dans la zone de déferlement des accumulations de sable qui peuvent
prendre la forme de rides. Ce sont ces rides qui remontent lentement pour
alimenter le haut de l’estran par houle favorable.

2 – L’impact des fortes houles


L’érosion ne se manifeste pas tout le temps sur la plage, qui du reste est
globalement en équilibre, mais les moments d’érosion sont traumatisants. Le
trait de côte recule brutalement de plusieurs mètres et la plage est submergée
lors des marées d’équinoxe. Les positions (extrêmes) atteintes par les vagues
permettent de délimiter une zone d’instabilité saisonnière de 100 m de large.
Toutes les constructions situées dans cette zone sont susceptibles de subir des
dommages. Elles sont épisodiquement submergées entre mai et fin juin. C’est
le cas de l’hôtel Valtur, où certaines installations sont situées à moins de 30 m
des vagues de basse mer. C’est aussi le cas des hôtels L’Amitié et O Sole Mio.
La terrasse de ce dernier est à 8 m des vagues de basse mer. On comprend dès
lors l’importance des dommages enregistrés (tableau 2).
Les résidences secondaires implantées à proximité de la ligne de rivage
sont également menacées. Une dizaine d’entre elles sont menacées à très court

315
Les Cahiers d’Outre-Mer

terme. Elles portent les marques de l’agression des vagues ou sont au bord du
front de recul matérialisé par la présence d’une microfalaise sableuse.

Équipements touristiques Dommages enregistrés Phénomènes/dates

Amaigrissement de la plage et
formation d’une microfalaise de
0,5 à 1 m
Ensablement de la piscine et
Déferlements de la barre en
destruction du lave-pieds
Hôtel Valtur (ex-les 1985, 1989, 1990 (16-17 juillet),
Destruction partielle du jardin
Palétuviers) 2000, 2001 et 2007 (Août)
Déracinement de cocotiers
Destruction de paillotes et d’un
bâtiment de 8 chambres
Inondation des chambres
Ensablement d’un bâtiment

Destruction d’un bâtiment


O Sole Mio Déracinement de poteaux Déferlement de la barre en 1994

Destruction de hangars à trois


Acquario Déferlement de la barre en 2000
reprises

Inondation du restaurant
Beach Lodge
Amaigrissement sensible de la Déferlement de la barre en 2001
(rebaptisé Océan)
plage (3 m de profondeur)

L’Amitié Destruction de deux chambres Déferlement de la barre

Jardin d’Éden Destruction de paillotes, cocotiers Déferlement de la barre

Résidences secondaires Destruction de terrasse, de clôture Déferlement de la barre


(Source : Kouamé, 2007, modifié par Hauhouot)

Tableau 2 – Dommages occasionnés


par le déferlement de la barre à Assouindé

3 – Vers la protection du littoral d’Assinie


Les propriétaires des constructions menacées par les vagues ont empilé
des sacs de sable sur la plage pour amortir le choc des vagues. C’est une forme
de protection rudimentaire et peu efficace. Les villages de vacances régulari-
sent leur plage à l’aide d’un bulldozer pour effacer les marques de l’érosion.
Un plan de protection global et mieux élaboré est en préparation dans
le cadre du projet du Grand Écosystème Marin du golfe de Guinée. Ce plan
envisage l’utilisation de technologies simples et peu coûteuses. Les experts du
projet sont intéressés par la technologie du gabion, déjà expérimentée, avec
succès semble-t-il, au Ghana voisin. À Accra, le gabion est associé à des épis
pour stabiliser la plage de Labadi. À Téma, la route littorale internationale est

316
Le littoral d’Assinie en Côte-d’Ivoire : dynamique côtière et aménagement touristique

protégée par un revêtement de gabion associé à un mur de protection (Blivi,


1993). Le gabion est une sorte de casier, le plus souvent fait de solides fils de
fer tressés et contenant des pierres. Cette technologie est d’un coût modique
si l’on dispose de pierres solides sur place, et d’une bonne tenue. Les gabions
sont relativement faciles à mettre en œuvre et aisément modulables.
La protection du littoral d’Assinie pose problème. La plupart des
constructions menacées appartiennent à des particuliers et sont implantées
dans le domaine public maritime. Ces derniers ne bénéficient donc que d’un
titre provisoire d’exploitation ou d’installation et pourtant ils ont construit des
maisons en brique. Certaines sont somptueuses, ce qui est étonnant au regard
de l’absence d’un titre foncier définitif.
Dans ces conditions est-il raisonnable d’envisager de protéger des
constructions dont le statut juridique est incertain au risque de perturber
peut-être négativement (le risque existe) la dynamique naturelle du site qui,
au demeurant, est globalement positive ? Il nous semble que la question du
statut foncier, qui fait l’objet d’une grande spéculation dans la région, doit être
clairement tranchée avant d’envisager de poser des gabions devant de telles
constructions.
*
Les atouts du littoral d’Assinie ont favorisé une artificialisation du litto-
ral. Sur la bande de sable d’Assouindé, plus d’une centaine de constructions
sont implantées à moins de 50 m de la ligne de rivage. Cette artificialisation
de l’arrière-plage immédiate est porteuse de risque même si ce littoral est
globalement en équilibre sédimentaire. Les rouleaux de vagues qui déferlent
fréquemment en mai-juin provoquent un recul saisonnier du trait de côte et
submergent les installations à proximité.
Au regard des résultats de l’analyse cinématique du trait de côte, on
peut dire que l’érosion côtière n’est pas une tendance lourde à Assinie. Les
dommages enregistrés s’expliquent surtout par une méconnaissance de la
dynamique saisonnière de la part des hôteliers et des particuliers qui se sont
installés trop près de la ligne de rivage. La plupart de ceux-ci sont installés
dans le domaine public maritime, et auraient dû se conformer aux normes de
construction dans cet espace. Il semble par conséquent incohérent d’envisager
de les protéger.

317
Les Cahiers d’Outre-Mer

Bibliographie

Abé J., 2005 - Contribution à la connaissance de la morphologie et de


la dynamique sédimentaire du littoral ivoirien (cas du littoral d’Abidjan).
Essais de modélisation en vue d’une gestion rationnelle. Thèse de Géologie,
UFRSTRM, Université de Cocody : Abidjan, 309 p. + bibliographie et annexe.
Abé J. et al., 1993 - Morphologie et hydrodynamique à l’embouchure du
fleuve Bandama. Journal Ivoirien d’Océanologie et de Limnologie. Abidjan,
vol. 2, p. 9-24.
Cohen O., Dolique F., Anthony E.-J. et Héquette A., 2002 - L’approche
morpho-dynamique en géomorphologie littorale. Le littoral : regards, pratiques
et savoirs. Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École Normale Supérieure : Paris,
230 p.
Diénot J., 1980 - L’impact du complexe touristique d’Assinie
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Le littoral d’Assinie en Côte-d’Ivoire : dynamique côtière et aménagement touristique

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Site consulté :
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Résumé

Le littoral d’Assinie a fait l’objet d’un plan ambitieux d’aménagement touristique.


On dénombre deux stations touristiques : le Club Méditerranée et Valtur (ex-hôtel des
Palétuviers), un peu moins d’une dizaine d’établissements touristiques plus modestes
et quelques résidences secondaires. Les implantations touristiques se justiient par la
beauté du site : une plage de sable in entourée de plans d’eau (mer, lagune, rivière)
offrant plusieurs loisirs (balade en lagune, sport nautique).
La plage connaît un équilibre sédimentaire annuel et même pluriannuel. C’est un
atout considérable, mais il ne justiie pas l’implantation des équipements touristiques
n’importe où. Ceux qui sont implantés à moins de 100 m de la ligne de contact
terre-mer, en toute méconnaissance de la dynamique saisonnière, enregistrent des
endommagements.
On comprend le souci des autorités, pressées par les hôteliers, de vouloir préserver
les équipements touristiques. Mais, la construction d’ouvrages de défense doit être
précédée d’une étude sérieuse sur modelé physique car l’expérience montre que les
ouvrages de protection ont parfois des conséquences négatives sur la dynamique
côtière.

MOTS-CLÉS : Côte-d’Ivoire, Assinie, érosion côtière, protection côtière, aménagements


touristiques.

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Les Cahiers d’Outre-Mer

Abstract

The coastline of Assinie in Côte-d’Ivoire : coastal dynamic and tourist


development
The coastline of Assinie has been an ambitious tourism development. There are two
resorts: Club Méditerranée and Valtur (ex-Hotel des Palétuviers), slightly less than
a dozen tourist establishments and a few smaller homes. The tourist settlements are
justiied by the beauty of a beach of ine sand surrounded by water (sea, lake, river)
which offers many leisure activities (walk through the lagoon, water sports).
The beach is experiencing a balanced and even multi-year annual sedimentary. It
is a tremendous asset, but it does not justify the establishment of tourist facilities
anywhere. Those which are located within 100 m of the contact line land - sea, any
breach of the seasonal dynamics, record damage.
We understand the concern of the authorities, pressed by the hoteliers want to preserve
the tourist facilities. But the construction of defense projects must be preceded by a
serious study of the physical model because experience shows that protection works
sometimes have negative consequences on coastal dynamics.

KEYWORDS : Côte-d’Ivoire, Assinie, coastal erosion, coastal protection, tourist


installation.

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