Hum - Sc. (IRCB) - T.XXXVII, 1 - HAVEAUX G. L. - La Tradition Historique Des Bapende Orientaux - 1954

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I n s t i t u t R o y a l Co l o ni al Be l g e Koninklijk Belgisch Koloniaal Instituut

SECTION DES SCIENCES MORALES SECTIE VOOR MORELE EN


ET POLITIQUES POLITIEKE WETENSCHAPPEN

M ém o ires. — Collection ln -8 °. V erh an d elin g en .— V erzam elin g in -8 °.


T o m e X X X V I I , fa sc. 1. Boek X X X V I I , aflev. 1.

La tradition historique
des

Bapende orientaux
PA R

le D r G. L. H A V E A U X
Directeur du département médico-social à la Minière du Bécéka.

A v e n u e M a r n ix , 25 M a r n ix la a n , 25
BRUXELLES BRUSSEL
1954

F 50
PRIJS :
La tradition historique
des

Bapende orientaux
PAR

le D' G. L. HAVEAUX
Directeur du département médico-social à la Minière du Bécéka.

MÉM. IN ST. ROYAL COLON. B EL G E .


Mémoire présenté à la séance du 15 février 1954
INTRODUCTION

S’il est extrêmement rare de trouver en Afrique des


traditions historiques écrites, on devient, d ’autre part,
de plus en plus convaincu de la grande valeur que l ’on
doit attribuer aux traditions orales.
Le respect et la vénération dont témoignent le plus grand
nombre de peuplades pour leur passé et la très grande
importance que ces peuplades y attachent, tant au point
de vue social que politique, ont encouragé de plus en
plus les chercheurs à sauver de l ’oubli ce que les anciens
et les chefs ont conservé de ces traditions.
L ’auteur de ce mémoire, qui a vécu plus de vingt ans
au Kasai, a eu l’avantage d’être en contact suivi avec
quelques « historiens ».
Il a le plaisir de mettre à la disposition des chercheurs
les données qu’il a recueillies et que lui ont communi­
quées notamment deux « historiens » Bapende : K a s a n j i
et K i o k o .
K a s a n j i , Léon, du village de Kela, près de Tshikapa,
est le frère du chef de la tribu des Akwa Loanda. C’est
un vieil homme, dont les facultés s’épuisent, mais qui
a voulu écrire un raccourci de l ’histoire de sa tribu pour
sauver, s’il se peut encore, les traditions de sa race.
K i o k o , Mukunzu, de Makumbi, sur le Kasai, est un
homme encore relativement jeune, qui a beaucoup voya­
gé parmi les Bapende et les tribus voisines. C’est un
« historien » qui contrôle ses sources. Il a remonté, à
travers le Congo belge, la migration vers ses origines,
en territoires de Tshikapa, Gungu et Kahemba. Seule la
4 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

crainte de l’étranger l’empêche d ’aller plus loin vers


Loanda, à travers l ’Angola, le pays de ses ancêtres.
Avant de passer à la relation des traditions historiques
des Bapende, il nous reste à remercier le distingué di­
recteur du Musée royal du Congo belge de Tervuren,
M. F. M. O l b r e c h t s , qui a bien voulu s’intéresser à ce
travail, nous aider de son expérience et qui nous a décidé
à le communiquer au public.
LA TRADITION HISTORIQUE DES BAPENDE ORIENTAUX

Les Bapende sont actuellement répartis au Kwango


(Bapende occidentaux) et au Kasai (Bapende orientaux),
en territoires de Ngungu et de Tshikapa, sur le sixième
parallèle, entre les longitudes 18° et 21° Est.
Ils sont nombreux à Ngungu : plus de 200.000.
A Tshikapa, ils sont près de 40.000 et en plein accrois­
sement.
Tous les Bapende s’accordent pour dire que leur pays
d’origine est sur la côte d’Angola, à Loanda.
C’est là que s’est formée leur race, c’est d’Angola
qu’ils tirent leur langue, leurs coutumes, leur organisa­
tion sociale et politique, basée sur le matriarcat.
Certains prétendent qu’ils ne reçurent le nom de Ba­
pende que lorsqu’ils atteignirent les rives du Haut-
Kwango, longtemps après avoir quitté la côte de la
grande mer.
A Loanda, ils se désignaient entre eux d ’après le nom
de leur clan : Akwa Ndongo, Akwa Songo ; les étrangers
les auraient appelés en bloc Masanji.
Le terme de Masanji est resté chez eux pour désigner
le bas peuple, les tributaires par rapport aux Manda,
classe de chefs.
Si les Bapende situent la formation de leur race à
Loanda, ils ont souvenance d’une origine plus lointaine.

Origine des Bapende.


« Tuayile ku Tandji ni M ilumbu». Nous sommes
partis du pays de Tandji ni Milumbu..., bien au delà
6 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

du Zambèze, disent K a s a n j i et M u k u n z u , dont nous


rapportons plus loin les traditions f1).
De ce pays, les Bapende n ’ont conservé aucun souve­
nir.
C’est de Tandji que seraient parties toutes les migra­
tions des principaux peuples conquérants.
Ngola Kiloanji conduisit son peuple vers l ’Ouest,
gagna la rivière Kwanza, qu’il descendit vers la mer
pour atteindre Loanda.

Au pays de Loanda.
A Loanda, suivant Mukunzu, les ancêtres des Bapende
peuplèrent la plaine de Luabala.
Ces ancêtres étaient des guerriers et des chasseurs ne
connaissant pas l’usage du fer ; ils vivaient de chasse
et de cueillette et avaient une succession patrilinéaire.
Il entrèrent dans le pays de Loanda sans grande diffi­
culté. La tradition ne rapporte rien de cette occupation.
Il y avait cependant d ’autres peuples dans le pays,
puisqu’un jour les ancêtres des Bapende virent arriver
chez eux le grand chef Bembo Kalamba.
La rencontre du Bembo et de son peuple fut une révé­
lation qui provoqua une transformation rapide dans la
vie sociale et politique de ces guerriers et chasseurs
nomades.
Bembo Kalamba, le maître forgeron, était habile à
fondre et à forger le fer, à tisser et à faire des poteries ;
il enseignait volontiers son art.
La femme de Bembo, Ngombe dia Nganda, détenait
l ’autorité et possédait le secret de l ’élevage et de la cul­
ture. Les filles de Ngombe transmettaient le pouvoir.
C’était un peuple d ’artisans et de cultivateurs, à struc­
ture matriarcale.
(*) Pour la relation de K a s a n j i , voir p. 34 ; pour celle de M ukunzu, p. 46.
voir aussi les cartes en annexe.
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 7

Le mariage des chefs guerriers avec les filles de Ngombe


amena la fusion des deux peuples et assura la légitimité
des descendants de Kiloanji.
Kalumbu et Mbaka, Luponzo et Tumba, Kavundji
et Niakina, Lumbu et Makombe, toutes filles de Ngombe
dia Nganda, sont toujours considérées comme les mères
des clans Bapende.
Le royaume des Bapende de Loanda était fondé.
On connaît l ’histoire de la fondation d ’autres royaumes
par des guerriers ou des chasseurs : celui du Kongo, ceux
du Lunda et des Baluba. En Angola et au Congo, les
fondateurs furent absorbés par la civilisation matriar­
cale ; au Lunda et chez les Baluba, la nouvelle dynastie
maintint le patrilinéat.
La tradition relatée par M u k u n z u est très proche de
celle que C a v a z z i (x) rapporte sur l’origine du royaume
de Ngola ou de Ndongo : Il apparut en ce pays un forge­
ron appelé Musuri, qui détenait les secrets de fondre
le fer, de le forger et d’en faire des instruments pour
l’agriculture et les usages ordinaires.
« Car, avant ce temps-là, on ne connaissait ni les couteaux, ni les
haches, ni les sabres, ni les flèches en fer : les cailloux tenaient lieu
de marteaux, les bois durs et pesants servaient de massue, les pierres
tranchantes étaient des couteaux» (2).

Musuri devint rapidement riche et influent. Il amas­


sait de grandes réserves dans ses greniers et les distri­
buait généreusement lors des disettes. Il fut élu, d ’un
consentement unanime, roi ou Ngola du pays de Ndongo.
« Musuri, selon la coutume du pays, eut plusieurs femmes ou concu­
bines ; il donna à l’une d’elles le nom de Nganna Inene, c’est-à-dire
grande dame et surintendante de la maison, titre d’honneur qu’elle
avait mérité par sa sagesse, son économie et son attachement singulier
au Roi son époux.

(1) J. B. L a b a t , Relation historique de l’Ethiopie occidentale, 5 vol., Paris,


J.-B. Delespierre 1732, in-12°. Tome I I , p. 426.
(2) Labat, op. cit., II, pp. 426 et sq.
8 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

» Le Roi eut trois filles, Zunda ria Ngola, Tumba ria Ngola et une
troisième dont ne ne sait plus le nom. Mais il n’eut point d ’enfants
mâles » (1).

Zunda ria Ngola succéda à son père, régna peu de


temps et mourut sans enfant.
Tumba était mariée à Ngola Kiloanji Kisama, un
grand guerrier.
Leur fils régna au royaume de Ndongo sous le nom
de son père : Ngola Kiloanji.
C a v a z z i recueillit ces traditions au 17e siècle chez
les Jingas du royaume de Matamba.

L’arrivée des Européens.


« Ngola Kiloanji wakasomba mu ditunga diende dia
Loanda amu bilengen: Ngola Kiloanji était installé
très confortablement dans son pays de Loanda... lors-
qu’apparurent les premiers Blancs que K a s a n j i appelle
les Tukusunia Tungunga.
D ’après M u n k u n z u , ces Blancs, qu’on prit d ’abord
pour des esprits, débarquèrent à la côte de Loanda.
Cet événement eut donc lieu après la découverte du
fleuve Congo, en 1484, alors que les Portugais exploraient
la côte vers le Sud. On peut ainsi fixer approximative­
ment l ’arrivée de Ngola Kiloanji Kisama à Loanda dans
la seconde moitié du 15e siècle.
Les Bapende crurent devoir défendre leur terre contre
des esprits ; ils furent écrasés par la puissance des armes
à feu. Pour cette population primitive, l’apparition sou­
daine d ’hommes blancs, semblables aux esprits, lançant
la foudre et le tonnerre, eut un retentissement considé­
rable.
La côte de Loanda fut désertée, les marais salants
abandonnés. La masse du peuple se retira vers l ’intérieur,

(*) V oir note 2, page précédente.


LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X 9

sur la rivière Lukala et le Ngola porta même sa résidence


très loin à Pungu a Ngondo.
Il y eut cependant, comme toujours, des audacieux
pour accueillir le retour des Portugais et lier des relations
à la côte.
Le manioc, le maïs, l’arachide et le tabac s’introdui­
sirent dans le pays par le trafic de Loanda. Ce port fut
très fréquenté par les Portugais, surtout après la décou­
verte du Brésil en 1500.
L ’introduction des cultures nouvelles renforça la
puissance déjà grande de la femme dans la communauté.
La fécondité des cultures était depuis longtemps sous
l’influence des femmes mères de clans qui présidaient
aux semailles, comme le décrit d’ailleurs C a v a z z i .
« Zunda ria Ngola était au champ avec ses sœurs et tous les domes­
tiques du Roi pour mettre en terre les semences avec les solennités
usitées dans le pays... » (1).

C’est à ce temps-là que Mukunzu fait remonter l ’ori­


gine de la prière au Dieu Créateur, Zambi ia Tanga (p. 48).
On ne peut s’empêcher d ’y voir une influence européenne,
une sorte de Pater dont les Bapende n’auraient retenu
que le côté tout matériel.

Le royaume d ’Angola.
Le royaume d’Angola, fondé par Ngola Kiloanji, se
situe primitivement, suivant la tradition, sur la côte
de Loanda ; les rivières Kwanza et Lukala en étaient
les limites.
C’est là que régnait Ngola Kiloanji, chef du clan
Bapende des Akwa Loanda.
Mgr C u v e l i e r (2) définit ainsi le royaume :

op. cit., II , p. 427.


(*) L a b a t ,
(*) Mgr J . C u v e l i e r , L ’ancien royaume du Congo (Bruges-Desclée de Brouwer,
in-8», 1946, p. 340).
10 L A T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

« On comprend sous le nom d’Angolais les tribus qui habitent les


régions d’Ambaka, Golungu, Kabiri, Dondo, entre le Kwanza, la
Zenza, la Kwizi... et la Golalwizi (affluent de la Lukala).
La langue parlée est le Kimbundu...
Le même territoire est appelé Ndongo... »

Suivant P l a n c q u a e r t (*), on pourrait fixer la fon­


dation du royaume avant la fin du 15e siècle :
« ...à l’époque où les Portugais découvrirent le Kongo, les Ambundu
appelés encore Jinga ou Zinga, envahissaient les provinces méridio­
nales de ce pays et finirent par constituer un nouveau royaume appelé
Angola du nom de leur chef Ngola. Le roi Alphonso I er combattit ces
envahisseurs tout au début du 17 e siècle ».

M ukunzu cite les noms des grands chefs ou Ngola :


1) Ngana Gombe ;
2) Ngola Inene Kiloanji ;
3) Ndambi Inene ia Ndjenge ;
4) Kiloanji kia Samba ;
5) Nzinga ia Bandji ;
6) Njinga Pande.

Il lui arrive de confondre Ndambi Inene et Kiloanji


kia Samba au cours de la narration des faits qu’il attri­
bue aux différents Ngola.
Ngana Gombe, qui était peut-être une femme, régnait
lors de l’arrivée des Portugais.
M u k u n z u ne l ’identifie pas avec Ngombe dia Nganda
et n ’y voit pas de relation ; il cite d ’ailleurs les noms
des Ngola successivement, sans vouloir établir aucun
lien de parenté entre eux.
Ngola Inene Kiloanji fut un guerrier conquérant,
pratiquement le seul dont les Bapende aient retenu le
nom.
D ’a p rè s K a s a n j i, N g o la K i l o a n j i a u r a it é té le c h e f

(l) P l a n c q u a e r t , M., S. J., Les Jacas et les Bayakas de Kwango (Mém. de


ÏT .R .C .B ., coll.in-80, Sect. Sc. mor. et polit., t. I I I , fase. I,Bruxelles, 1932, p. 44).
L A T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 11

du clan des Loanda et de la famille des Nduwa kana


Kibangwa Kalonga. Son descendant direct serait le
chef Ndeke actuellement prétendant au titre de Ngola
des Akwa Loanda près de Tshikapa.
Ndambi Inene avait pour mère Ndjenge. Il résidait
à Pungu a Ndongo et a laissé un souvenir de grande
cruauté. Pungu a Ndongo fut la grande capitale du
royaume où le Ngola se fit bâtir un palais au milieu des
rochers qui parsemaient la plaine.
Les Bapende ont conservé l’image très vivace de cette
région où ils habitaient dans un lieu fortifié, au cœur du
pays de Ndongo.
Kiloanji, dont la mère était Samba, n ’a pas laissé
de traces bien nettes.
Nzinga ia Bandji fut aussi un roi très cruel, toujours
en guerre avec les Portugais et le chef Lunda Kingudi
qui pesa si lourdement sur le sort des Bapende.
D ’après M u k u n z u , Bandji ne serait le nom ni du
père ni de la mère de Nzinga, mais un titre : Nzinga du
Bandji, Nzinga de l’Enclos. Il aurait été sacré en déca­
pitant un homme.
Kibulungu Djindji nous a raconté à Tshikapa, avec
force détails, à l’étonnement de notre infirmier Mukuna,
les rites ancestraux d ’intronisation des chefs Bapende.
Le chef désigné, après une longue retraite dans sa case,
où il était confié aux forgerons, était amené triompha­
lement au sommet d ’un monticule élevé dans une large
plaine. Là, devant tous les chefs des tribus voisines, les
guerriers en armes, la masse du peuple, il commençait
par invoquer les esprits de tous ses ascendants et de
tous les grands chefs de tribu. Et soudain, dans le re­
tentissement des gongs et des tambours, il tranchait
d ’un seul coup de hache la tête d ’un esclave. Saisissant
la tête, il buvait du sang et mangeait de la chair de
l’homme ; il était ainsi sacré. Pour commémorer son
sacre, le chef plantait un petit pieu grossièrement sculpté
12 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X

qu’il entourait d ’une clôture, son bandji. Il arrosait


régulièrement son bandji de sang humain et y suspen­
dait la tête de ses ennemis vaincus. C’était un Mfumu
wa Bandji. Il avait le droit, à sa mort, d’être enterré
sur les genoux de douze esclaves.
Jinga Pande, reine de Ndongo, de la famille des Jinga,
fut célèbre pour ses luttes avec les Portugais.
Elle marqua sa défaite et sa fuite de Pungu a Ndongo
en laissant dans la pierre la trace de son pied.
M u k u n z u critique et met en doute cette tradition,
« car , dit-il, nous savons depuis l ’arrivée des Euro­
péens au Kasai qu’il n ’y a que le ciment humide qui
conserve l’empreinte des pieds ».
Cependant, la même tradition persiste à Pungu a
Ndongo. L i v i n g s t o n e écrit dans sa relation de la tra­
versée de l’Afrique en 1854 :
« On nous fait voir sur l’un de ces rochers l’empreinte d’un pied q u i
passe pour être celui d ’une reine célèbre dont tout le pays reconnaissait
l’autorité » (1).

Ainsi donc de Pungu a Ndongo à Tshikapa, ce geste


rappelle le règne de Jinga après trois siècles et atteint
son but : Marquer les droits de Jinga sur la terre d’Angola.
On retrouve autre part de semblables traditions. Le
Père S t r u y f écrit :
« Après la traversée de la rivière, aux dires des indigènes, Kasongo
Lunda a posé son pied dans la pierre... Cette empreinte existe encore
pour le moment» (2).

Jinga Pande clôture pour M u k u n z u la liste des six rois.


C a v a z z i (3) donne une bien plus longue liste des rois
d’Angola :

(*) L i v i n g s t o n e , David, Exploration dans l’intérieur de l’Afrique Australe...


de saint Paul de Landa au Zambeze, 1840-56. (Paris, Hachette 1881, in 8°, p. 464).
(’) P. S t r u y f , Envahisseurs Badjok et conquérants Balunda, (Zaïre, n° 4,
avril 1948, pp. 351-361).
(8) C a v a z z i- L a b a t , op. cit., II, p p . 42 8 e t sq.
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X 13

1) Musuri, le fondateur, et sa femme E Nganna Inene ;


2) Zunda, fille de Nganna, régna peu de temps ;
3) Tumba, autre fille de Nganna, mariée au guerrier
Ngola Kiloanji Kisama ;
4) Ngola Kiloanji, qui « fut un guerrier de premier ordre
qui augmenta beaucoup ses états par ses conquêtes.
Il se rendit formidable » ;
5) Ndambi Angola, son fils, tenta de supprimer ses
frères et sœurs pour éviter les compétitions et s’adon­
na à tous les crimes ;
6) Ngola Kiloanji kia Ndambi. C’était un roi brave et
généreux auquel tous les peuples se soumettaient de
bon gré ;
7) Jinga Ngola Kilombo kia Kasanda, petit neveu de
Ngola Kiloanji Kisama, roi très cruel qui mourut rapi­
dement ;
8) Bandi Angola, son fils, encore plus cruel, fut tué
par ses troupes en révolte. Il aurait eu d’une de ses
femmes, Shinguela Kakombe, trois filles : Jinga, Kam-
bi et Funji et un fils Bandi ;
9) Ngola Bandi qui s’empara de la couronne et tua le
fils de sa sœur Jinga. Il déclara la guerre aux Portu­
gais et subit des défaites. Il dut recourir aux services
de sa sœur Jinga qu’il envoya en ambassade à Loanda.
« On admira beaucoup la vivacité et l ’esprit de cette princesse.
Elle demanda la paix avec dignité. Elle fit valoir que ces sortes
de prétention (à un tribut) ne pouvait avoir lieu que pour des
peuples qu’on avait subjugué parla force des armes et point du tout
pour un roi puissant qui recherchait volontairement l ’amitié des
Portugais »(x).

Jinga, née en 1582, fut baptisée à Loanda en 1622


sous le nom de Dona Anna Jinga da Souza ;
10) Jinga Bandi revint de Loanda, s’empressa de renier
son baptême et succéda en 1623 à son frère qu’elle

( ') L a b a t , op. cit., IV , p. 38.


14 L A T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

avait fait empoisonner par vengeance. Elle fut inau­


gurée avec les rites les plus cruels des Jacas. Ce fut
une reine très énergique, qui lutta contre les Portu­
gais, mais fut définitivement vaincue en 1627. Elle
quitta Pungu a Ndongo et se jeta sur le royaume de
Matamba où elle mourut en 1663.
La reine Jinga clôture la série des souvenirs d’An­
gola, sa famille continua à régner sur le Matamba.
Divers auteurs ont critiqué Cavazzi pour sa relation
de l ’histoire d’Angola et particulièrement au sujet
des noms des rois. Il nous suffit, pour nous, de consta­
ter que les traditions des Bapende, rapportées par
Kasanji et Mukunzu, se rapprochent de celles que
Cavazzi a recueillies chez les Jinga, descendants des
Ngola, pour y voir plus que des légendes.
Cette concordance dans les traditions, vieilles de
quatre à cinq siècles, nous confirme dans la convic­
tion que les Bapende ont vécu de Loanda à Pungu a
Ndongo, l ’origine, la fondation, les vicissitudes du
royaume d’Angola jusqu’à sa destruction en 1627.

L’histoire d’Angola.
Il nous paraît utile de rappeler quelques dates et faits
de cette histoire, pour illustrer les causes de la migra­
tion des Bapende et leur détermination de se soustraire
à l ’emprise de la traite, en s’enfonçant à l’intérieur de
l ’Afrique, au Kasai. Les dates et faits cités sont repris
de R i n c h o n (x), P l a n c q u a e r t (2) et Mgr C u v e l i e r ( 3).
1512. Peu après l’arrivée de l ’ambassadeur Alvare Lopez
à San Salvador, le roi du Kongo, Alfonso I er, était
allé secourir son fils, gouverneur de district, qui était
( ') R in c h o n , D ., L a tra ite e t l ’esclavage des Congolais. (W etteren, D e M eester,
in-8°, 1929, p . 10, p. 59).
(*) P la n q u a e r t , M ., (o p . c it., pp. 19-23, 37).
(*) M g r J . C u v e l ie r (o p . c it., p . 228-331, p p . 17).
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 15

attaqué par les Ambundu et revint avec 420 prison­


niers, dont 300 furent envoyés à Lisbonne comme
esclaves. Ngola avait attiré les commerçants portu­
gais en leur vendant des esclaves. Ces commerçants
aidaient les Ngolas à conquérir de nouvelles provinces.
1520. Balthazar de Castro est envoyé dans la capitale
du Ngola par le roi Emmanuel de Portugal pour y
nouer des relations commerciales. Il devait en outre
rechercher des mines d'argent. Fait prisonnier, de
Castro ne fut libéré qu’en 1526.
1550. Le roi Diego de Kongo, en guerre avec le Ngola,
délivra des prisonniers portugais.
1557. Ngola Kiloanji envoie une ambassade au Portu­
gal pour entrer en relations officielles et traiter du
commerce d’esclaves.
1558. Décès de Ngola Kiloanji. Début du règne de
Ndambi Kiloanji.
1566. Arrivée de Paul Diaz de Novaes à Pungu a Ndon-
go, capitale du Ngola. L ’ambassadeur était accompa­
gné du missionnaire François de Gouveia et de nom­
breux commerçants. Diaz et de Gouveia sont empri­
sonnés, les commerçants sont pillés et massacrés.
1568. Libération de Diaz sous promesse de ramener du
Portugal des renforts contre les Jacas ; de Gouveia
restera prisonnier jusqu’à sa mort en 1575. En atten­
dant, le Ngola aide les Jacas dans leurs expéditions
guerrières.
1575. Retour de Diaz et fondation de la colonie de
St-Paul de Loanda, avec garnison de 700 soldats et ma­
rins. De nombreux commerçants arrivent à la capi­
tale du Ngola. Diaz établit des fortins sur la rivière
Kwanza. Ngola craint pour sa couronne.
1576. Le missionnaire jésuite G a r c i a S im o e n s évalue
à 12.000 le nombre d’esclaves exportés par année
de Loanda. Ngola ravage et razzie les populations
16 L A T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

pour fournir des esclaves aux nombreux Portugais


qui se trouvent déjà à plus de 300 dans le pays.
1578. Ngola craint l’emprise portugaise, chasse les com­
merçants, en massacre 40, ainsi que tous ses sujets
baptisés. Début de la conquête portugaise du royaume
d ’Angola.
1583. Fondation du poste militaire portugais de Mas-
sangano, au confluent des rivières Lukala et Kwanza.
1590. Le deuxième gouverneur Luis Sevrao, ayant tra­
versé la rivière Lukala, fut défait par le Ngola à Ngo-
loma a Kitambu.
1595. Entrée au service des Portugais des troupes auxi­
liaires indigènes commandées par des Tandala. Ces
Tandala sont des chefs noirs qui ont fait soumission
au gouverneur à Loanda, et mis à son service une cen­
taine de guerriers indigènes. Ces guerriers sont exer­
cés au maniement du fusil et à la conduite des combats.
Leur rétribution après les combats sont les razzias
qu’ils peuvent effectuer à l’intérieur du pays.
1600. Le chroniqueur F r a n c o estime à 13.000 esclaves
l ’exportation annuelle de Loanda.
1615. Emmanuel Caveira Pereira envahit la contrée au
delà d’Ambaka, village situé sur la rivière Lukala.
Les populations résistent avec acharnement à cette
pénétration violente qui était provoquée par les be­
soins énormes de la traite d’esclaves.
1620. Ngola Zinga Bandi est écrasé par le gouverneur
Luis Mendes qui lui impose un tribut.
1621. Jinga, sœur du roi d’Angola, envoyée à Loanda
pour y négocier la paix, est retenue comme otage.
Elle est libérée en 1622 après son baptême.
1623. Anna Zinga succède à son frère Bandi qu’elle fit
assassiner et déclare la guerre aux Portugais.
1624. Kasanji ka Kingudi est châtié par le capitaine
R o g u e M i q u e l pour avoir pillé des caravanes.
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X 17

1625. Palabres entre Jinga et Kasanji qui se taillait


un royaume vers l’intérieur.
1627. Défaite écrasante de Jinga par les Portugais. Elle
abandonne Pungu a Ndongo et se réfugie au Matamba.
1641-48. Domination des Hollandais à Loanda. Arrêt
de la pénétration portugaise. Le capitaine hollandais
F u l l e r avec 60 soldats blancs aide la reine Jinga à
combattre les Portugais retranchés à l’intérieur.
1648. Expulsion des Hollandais. Reprise de la conquête
portugaise.
1650. C a r d o n e g a écrit :
« Qu’avons nous besoin de chercher des mines d’or et d’argent ?
La plus réelle et la plus riche des mines est la mine à esclaves où
nous puisons quantité de pièces d’Inde » (1).

La pièce d’Inde est un esclave de 1,82 m de hauteur


et ne présentant aucun défaut physique. Les meil­
leures pièces d ’Inde proviennent du royaume de
Jinga et de Kasanji.
1663. Mort de Jinga.
1671. Établissement d ’un poste militaire portugais à
Pungu a Ndongo.

L ’existence d ’un royaume d’Angola fut connue des


Portugais dès leur arrivée à San Salvador du Kongo.
Vers 1484, le roi de Kongo rangeait, en effet, un peu
prétentieusement, le roi d’Angola parmi ses feudataires.
Le bruit courait au Kongo que l’Angola renfermait des
montagnes d ’argent et qu’il serait aisé d ’y ouvrir des
mines.
L ’ambassade d e B a l t h a z a r d e C a s t r o en 1520 avait
pour but principal de rechercher ces mines et de s’en
faire attribuer par le Ngola la propriété et le droit d’ex­
ploitation.

f 1) R in c h o n , D. (op.cit.,p. 78 d ’après Cardonega : Historia Gérai das guerras


Angolanas 1 6 8 0 ).
18 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X

Mais cette ambassade échoua et les relations restèrent


précaires avec le Ngola. Des commerçants portugais
parcouraient cependant, à titre privé, le pays. La décou­
verte et la colonisation du Brésil amena, après 1540, un
besoin de plus en plus grand d ’esclaves pour mettre ce
pays en valeur.
Le Ngola, qui désirait s’enrichir et participer active­
ment à la traite, envoya une délégation à Lisbonne pour
renouer des relations officielles avec les Portugais. D i a z
d e N o v a e s , le nouvel ambassadeur, arriva à la capitale
du Ngola en 1560 avec une suite si nombreuse que le
Ngola en prit ombrage.
Après avoir reçu D i a z avec honneur, s’en être servi
pour réduire à l’obéissance certains chefs récalcitrants,
le Ngola massacre et pille les commerçants portugais
et retient D i a z prisonnier jusqu’en 1566.
A cette date, pressé par les attaques des Jacas, le
Ngola libère D i a z avec promesse de rétablir des rela­
tions normales s’il ramenait du Portugal une armée pour
chasser les envahisseurs.
Instruite par l’expérience, la Cour de Lisbonne décida
de fonder une colonie à Loanda pour se libérer des exi­
gences des rois du Kongo et d ’Angola sur le commerce
et la traite.
En 1575, D i a z d e N o v a e s , gouverneur de la future
colonie, arriva à Loanda avec 700 soldats. Il fonda la
ville de St-Paul de Loanda et soumit rapidement les
petits chefs voisins de la ville. Diaz conclut avec le Ngola
un traité qui permît aux trafiquants portugais de se
répandre rapidement dans le pays.
La traite d ’esclaves prit une ampleur si considérable
qu’elle occasionna des révoltes locales.
Le Ngola, craignant de perdre l’autorité sur le pays,
déclare la guerre aux Portugais et massacre un grand
nombre de commerçants et d ’esclaves baptisés.
C’était l’occasion pour Diaz d’entreprendre la conquête
L A T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 19

de l’Angola. Cette guerre de conquête ne se terminera


qu’un siècle plus tard par la fondation du poste militaire
de Pungu a Ndongo en 1671.
L ’Angola devint le réservoir d’esclaves pour la colonie
du Brésil.
Les populations se défendirent âprement tout en
reculant vers l’intérieur. Certaines abandonnèrent le
pays.
Parmi ces populations fugitives furent les Bapende.

Exode des Bapende.


L ’apparition des premiers Blancs après 1484 avait
déjà provoqué, d’après Kasanji et Mukunzu, le dépla­
cement des Bapende sur la rivière Lukala et même plus
à l ’intérieur, là où le Ngola fonda sa capitale, à Pungu
a Ndongo.
Les guerres du Ngola pour accroître son royaume et
asseoir son autorité, avaient des résultats néfastes pour
ses populations.
Déjà, en 1512, un premier contingent d ’esclaves Am-
bundu était envoyé au Portugal par le roi du Kongo.
Si le Ngola employait pour ses guerres de conquête
les guerriers de son clan, les Akwa Loanda, comme cela
paraît naturel, on peut supposer que les Bapende firent
leur apparition sur le marché de Lisbonne tout au début
du 16e siècle.
Le sort des populations ne fit qu’empirer par la suite,
lorsque le Ngola se prêta à la traite avec les trafiquants
européens.
Le Ngola attaquait non seulement les tribus ennemies,
mais il razziait encore ses propres populations pour four­
nir le marché d’esclaves.
Ces razzias étaient si soudaines et si rapides que Mu­
kunzu attribue au Ngola un pouvoir magique de dépla­
cement à travers l’espace.
20 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

Le Ngola n ’était plus qu’un riche trafiquant négligeant


les véritables intérêts de son royaume.
Lors des successions au trône, des compétitions sou­
vent acharnées s’élevaient qui n ’étaient pas sans soulever
des scissions parmi les tribus et les clans et des répres­
sions sanglantes. C a v a z z i raconte longuement ces com­
pétitions entre familles souveraines et puissantes.
Les prétendants évincés et qui survivaient, allaient
fournir plus tard des collaborateurs aux Portugais, com­
me le Ngola Ari, reconnu roi d ’Angola par les Portugais,
en 1627, sous le nom de Don Joâo da Souza ; ou ces pré­
tendants allaient s’enfoncer à la tête de leur tribu vers
l ’intérieur lors de la dislocation du royaume.
M u k u n z u racontait encore, après avoir terminé sa
narration, que tout le pays de Ngola était envahi par
les Blancs des compagnies. L ’achat d ’esclaves avait
provoqué de grands troubles, mais la guerre avec les
Portugais ne fut provoquée que par le rapt d’une femme
libre, fille de chef, qu’un commerçant gardait chez lui.
La conquête d ’Angola, commencée en 1578, ne prit
de l’extension qu’en 1615, lorsque Emmanuel C e r v e i r a
P e r e i r a traversa la rivière Lukala pour envahir le pays
de Ndongo, sous le règne de Zinga Bandi.
Les Portugais étaient soutenus par des troupes auxi­
liaires indigènes commandées par des Tandala.
C’est l’époque de l’entrée en scène de Kingudi Kia
Konde, l ’ennemi et le conquérant des Bapende. Kingudi,
d’après les traditions recueillies à Tshikapa, était le
neveu du roi des Lunda, Yala Mwaku. Sa mère, Konde
Matita, sœur du roi, avait de son mari Kavula trois
enfants : une fille, Lueji, et deux garçons, Kingudi et
Yala. Suivant le matrilinéat, Kingudi devait succéder
à son oncle Yala Mwaku. Il fut déshérité à cause de sa
brutalité et de sa cruauté à la suite d ’incidents assez
longs à raconter.
Lorsque Yala Mwaku fut tué dans une embuscade
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 21

par les Batshioko du chef Kabamba, les électeurs Bungu


portèrent Lueji, encore mineure, sur le trône des Lunda.
Elle était placée sous tutelle de Tshianga mbua Musefu,
fils de Kapungu Musongo, un électeur Bungu. Ce Tshian­
ga réussit à disperser les Batshioko ou à leur imposer
tribut, il amena sans incident Lueji à sa majorité. En ce
temps-là, les Baluba du royaume voisin de Mutombo
Mukulu s’établissaient dans le pays ; c’étaient des chas­
seurs aux ordres de leur chef Kibinda Ilunga. Bientôt,
Lueji s’éprit de Ilunga et amena les électeurs à consen­
tir à son mariage.
Kibinda Ilunga, avec le consentement de la Lueji,
s’empara par la suite du pouvoir et établit dans le royau­
me la prédominance des Baluba et leur régime patri-
linéaire. Cette situation souleva une partie des tribus
lunda qui abandonnèrent le pays et se dispersèrent,
les unes vers le Sud, les autres vers l ’Ouest.
Kingudi, chef du clan des Akwa Yongo, partit vers
l ’Ouest avec l’intention de faire des alliances pour reve­
nir conquérir le royaume de ses ancêtres au Lunda. Il
atteignit, après bien des détours et des combats, les
rives du Haut-Kwango, où il fonda le royaume des Im-
bangala.
Le Muate Yanfua, craignant le retour en force de
Kingudi et de son fils Kasanji, envoya le chef lunda
Kapende pour lui barrer la route à la rivière Kwango.
Kapende fonda sur la rive droite de cette rivière le royau­
me vassal des Shinji. Kasanji, dès son arrivée sur le
Kwango, envoya à la Lueji, Suana Mulunda, représen­
tante des Lunda, des cadeaux en signe d’amitié et de
bonne entente.
D ’après C a r v a l h o (*), Kingudi, lorsqu’il abandonna
le Lunda pour s’enfoncer vers l’Ouest, traversa la rivière

( 1) Carvalho (M. A. Diez de), Expediçâo Portuguese ao Muateyanfua-


Etnografia-Historia (Lisboa, Imprensa Nacional, 1890, in 8° ; pp. 75 à 82).
22 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

Kwanza vers sa source et la descendit pour atteindre


Loanda. En cours de route, il s’était allié au chef Gun­
gu dont il avait épousé la fille Kulajinga.
A Loanda, Kingudi offrit ses services au Gouverneur
de la Colonie. Il fut exercé au maniement des armes et
envoyé avec sa troupe à la conquête du royaume de
Ngola tout au début du 17e siècle.
C a r v a l h o écrit que d’Ambaka, sur la rivière Lukala,
jusqu’à la rivière Luyi, Kingudi combattit les Bapende.
Ceux-ci répètent souvent encore que Kingudi et Kasanji
furent les bêtes féroces qui les chassèrent de leur pays
et les réduisirent en esclavage.
La conquête du royaume de Ngola, commencée pra­
tiquement en 1615, par le passage en force de la Lukala,
fut marquée en 1627 par la défaite de Jinga à Pungu a
Ndongo et la destruction du royaume.
En 1624, Kasanji ka Kingudi n ’était pas encore très
loin à l’intérieur, puisqu’il fut rejoint par le capitaine
Roque Miquel qui lui infligea une défaite.
Mais déjà en 1625, Jinga était en difficulté avec Ka­
sanji qui précipite sa conquête. Kasanji est sur le point
d’atteindre le Haut-Kwango et de soumettre les Bapende.
Pendant plus d ’un siècle, de 1512 à 1627, les Bapende
n ’avaient subi que guerres et razzias, tant des Portugais
que de leurs propres Ngola, à la rivière Lukala, à Pungu
a Ndongo et jusqu’à la rivière Luyi qu’ils venaient d ’at­
teindre et où ils durent s’arrêter.
A la rivière Luyi et sur son affluent la Mowa, les Ba­
pende trouvèrent de bonnes terres et aussi des marais
salants. Ceux qui avaient déjà traversé le Kwango furent
soumis par le chef Kapende ka Mulemba et incorporés
au royaume des Shinji.
Au-delà du Kwango se trouvaient les Bawongo, les
Bakuba, les Basuku et les Bambala qui s’opposaient au
passage du fleuve.
Les Bakuba, voisins de Kapenda ka Mulemba, donné-
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 23

rent aux populations nouvelles qui venaient de joindre


le Kwango, le nom de Tupende.
Bloqués et rejoints par Kasanji, les Bapende formè­
rent partie du nouveau royaume des Imbangala. Ce
royaume en formation était composé de tribus d’origines
diverses : les Akwa Yongo de Kingudi, les Lunda ; les
Imbangala de Ngungu dont la fille Kulanjinga était
mère de Kasanji ; les Jinga du chef dissident Kalunga.
Ils prirent tous le nom de Imbangala.
Les Bapende eurent des chefs Imbangala dont on
retrouve les descendants parmi certains chefs actuels
des Akwa Loanda à Tshikapa.
Le joug des Imbangala fut dur aux Bapende. Tout
était prétexte à Kasanji pour faire des razzias dans leurs
villages. La traite d’esclaves allait chaque jour en s’ag­
gravant.
C a r d o n e g a (x) fait venir les meilleurs esclaves des
royaumes de Jinga et de Kasanji.
En 1671, la fondation du poste militaire de Pungu a
Ndongo et la conquête définitive de cet ancien royaume
rapprocha les Portugais et augmenta encore la pression
sur le royaume de Kasanji. On peut estimer à plus d’un
million le nombre d’esclaves vendus à Loanda et sortis
principalement du pays de Ndongo et de Kasanji.
On comprend que les Bapende décidèrent de quitter
définitivement ce pays et de s’enfoncer de plus en plus
vers l ’intérieur de l’Afrique.
D ’après R a v e n s t e i n (2), Kasanji ka Kingudi serait
né en 1608, aurait été baptisé en 1665 et serait décédé
en 1682.
Ce serait sur la fin du règne de Kasanji que les Bapende
quittèrent le royaume des Imbangala.

(‘ ) R i n c h o n , D., op. cit., p. 175, d ’après C a n d o n e g a , Portugal en Africa,


(Lisboa, 1901, t. I I I , p. 340).
(a) R a v e n s t e i n , E. G., The Strange Adventure of Andrew Battel (London,
1901, Hakluyt Society, in-8°, p. 177).
24 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

Fuite d ’Angola. — Conquête du Kasai.


Sur la rive droite du Kwango, les Bapende avaient
pour voisins les Shinji de Kapende vers le Sud, les Bakuba
en face et les Bambala et Basuku vers le Nord (1).
Les Bakuba et Bawongo étaient gouvernés par un
chef appelé le Nyimi.
La présence des Bakuba sur le Haut-Kwango n ’est
signalée nulle part à notre connaissance.
V a n d e r K e r k e n (2) fait état des relations des Ba­
kuba avec les Bapende.
« Shamba Bolongongo, le héros national des Bambala Bakuba,
voyagea tout jeune vers l’Ouest, notamment chez les Bapende. Il
aurait vécu aux environs de 1600 et aurait été le contemporain de
Alvare II, Nimi ne Pangu, roi de Congo, mort en 1614, avec lequel
il aurait eu des rapports.
» Il aurait été également le contemporain de Tshibinda Ilunga
vers la fin du 16e siècle, début du 17e..., il aurait vécu du temps de la
fondation en Angola du royaume des Imbangala (Kingudi)...
» A la suite des contacts avec l’Ouest, Shamba Bolongongo aurait
importé dans sa patrie le jeu de lela, le tissage du raphia (Bapende),
l ’art de la broderie, la culture du manioc... l’initiation des jeunes gens
selon l’usage des Bapende...
» Le roi des Bakuba portent le nom de Nyimi, ceux du royaume
de Congo portent souvent celui de Nimi...
» Le roi des Bakuba aurait adopté le titre de Nyimi bien avant 1700.
Le titre de Nymi des roi du Congo aurait été porté pour la première
fois par Alvare I, ayant commencé à régner en 1568 et pour la
deuxième fois par Alvare III, mort en 1622 ».

Après la défaite des Kongo à Ambuila en 1665, deux


Nimi ne Pangu, Alvare V II et Alvare I I I montèrent
encore sur le trône de San Salvador.
K a s a n j i fait-il allusion à ces Nimi ne Pangu, lorsqu’il

(*) Voir cartes en annexe, p. 54 e. s.


(2) V a n d e r K e r k e n , G., Ethnie Mongo ( V o l. I, l re partie, I.R.C.B., Sc. mor.
et polit., mém. in-8°, Bruxelles, 1944).
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 25

écrit que les Bakuba étaient voisins de Kapende ka


Mulemba et de Kangunga ka Pangu ?
Les relations que les Bakuba auraient eues avec les
rois du Kongo, du Lunda, avec les Imbangala et le
Bapende, s’expliqueraient très facilement s’ils ont réelle­
ment occupé au 16e et 17e siècles, la rive droite du
Haut-Kwango. Les Bapende l’assurent et doivent le
savoir, puiqu’ils n’ont pas jusqu’à ce jour perdu contact
avec les Bakuba.
Le passage du Kwango et la marche vers le Kasai
furent une guerre de conquête.
Les Bapende élurent au commandement suprême des
opérations Kisungu kia Ngombe, appelé aussi Kisungu
Kapumba. Kisungu procéda d’abord au réarmement
général des Bapende. Lorsque le potentiel d ’attaque fut
atteint, il passa en force le Kwango à Kisanga ni Lunda qui
est probablement le gué bien connu de Banza ni Lunda.
Sur la rive droite, les Bapende attaquèrent et battirent
les Bawongo et Bakuba qui prirent la fuite. Kisungu ne
leur laissa pas de repos et la chasse se poursuivit longue­
ment et sans arrêt vers le Nord-Est.
Les Bapende traversèrent les rivières Wamba et
Kwenge et envahirent la région comprise entre le Kwenge
et la Loange. Kisungu descendit le cours de la rivière
Lushima jusqu’à son confluent avec le Kwilu où il
s’arrêta au lieu dénommé Mashita Kisungu.
Mashita Kisungu est le dernier grand campement des
Bapende avant leur dispersion sur le 6e parallèle ;
il se trouve non loin de la mission de Kikombo en terri­
toire de Ngungu.
Les Bawongo, Bashilele, Bakuba descendirent dans
leur fuite le cours de la rivière Loange pour aller se fixer
dans leurs territoires actuels.
Kioko Mukunzu prétend que l ’on peut retrouver le
long des rives de la Loange des restes de fortifications
ou boma qui sont la trace du passage des Bakuba.
26 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

Nous avons vu un de ces boma, attribué aux Bawongo,


sur la rive droite de la rivière Lushiko, aux sources de
la Tobi, autre affluent de la Loange.
Il en reste une surélévation bien délimitée, entourée
de fossés, une sorte de tumulus d’une vingtaine de mètres
de longueur au milieu d’une plaine uniformément plane.
De Mashita Kisungu, certains clans Bapende se diri­
gent vers l’Est à la recherche de terres.
Le groupe des Akwa Njila rencontra à la Loange les
premiers Lunda de Muata Kumbana.
Le groupe des Akwa Loanda, en arrivant à la rivière
Tshikapa, fut bloqué par Mai-Munene, autre chef Lunda.
Muteba, Muateyanfua de Kola, fils de Naweji que
V e r h u l p e n (x) fait régner à la Kalani vers la fin du
17e, début du 18e siècle, envoya vers l ’Ouest les der­
nières grandes expéditions militaires lunda (2). Elles
étaient dirigées par ses parents Mai, Mutombo et Kasongo.
Kasongo atteignit le Kwango et fonda le royaume
des Bayaka (3).
Mutombo arriva à la Lushiko et s’intalla près de son
embouchure dans le Loange (4). Il allait régner sur les
Bapende. La rencontre des Akwa Njila et des Lunda
se fit sur la rivière Kitata, affluent de la Loange.
Mutombo leur désigna, comme son représentant, Ki-
dianga kia Monda appelé aussi Ndjobo.
Us atteignirent ensemble le Kasai, en face des Bashi-
lange, au confluent de la Lovua.
Kumbana plaça des résidents dans tous les groupe­
ments Bapende. On peut en retrouver les descendants
dans toutes les chefferies, à Kisakanga, Kotshi, Kibangu,
Kisama, Zamba, Kahemba, Kanzongo, etc.

f1) V e r h u l p e n , Ed., Baluba et Bal u baisés du Katanga (Anvers, Éd. Avenir


Belge, 1936, in-8°, p. 148).
(2) Voir aussi C a r v a l h o , op. cit., p p . 9 8 à 1 1 0 .
( a) P l a n q u a e r t , M., op. cit., p . 8 4 .

(*) P. S t r u y f t , op. cit., p . 3 6 2 .


LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 27

Pulu, Kikunga Tembo, Kianza sont, avec leurs grou­


pes, des Lunda pendéisés.
Mai Munene, partant de Koola vers l’Ouest, atteignit
la rivière Tshikapa qu’il descendit jusqu’au Kasai. Il
s’assujettit les populations du pays ; les Bapende Akwa
Loanda poursuivirent les restes de ces populations con­
quises. C’étaient des Tupokolo, des Pygmées ou pyg-
moïdes dont le chef s’appelait Mukanda Bidibu.
La chefferie de Mai Munene a été formée par les Lunda
conquérants des Tupokolo, des Bakete et des Bashilange.
Avec les plumes de Mukanda Bidibu, Mai Munene avait
acquis le titre de chef de terre. Il fut par la suite influen­
cé par les Baluba, tout en se proclamant toujours sujet
du Muate Yanfu.
L ’assujettissement des Bapende aux Lunda fut assez
lâche, mais suffisant pour imprégner les Bapende de cou­
tumes lunda et provoquer, à l’occasion, des réactions
parfois violentes.

Séjour des Bapende au Kasai.


Les Bapende sont au Kasai depuis douze classes d ’ini­
tiation. En admettant, d ’après les comparaisons de
K i o k o M u k u n z u , une étape de 18 à 20 ans entre chaque
classe d’initiation, l ’arrivée des Bapende de la classe des
Akwa Idibu sur leurs terres actuelles se serait effectuée
entre 1700 et 1730.
Tout en étant protégés et tributaires du Lunda Muata
Kumbana Mutombo, les Bapende restaient cependant
en relation avec les Imbangala de Kasanji et les Akwa
Songo Bimbadi de Malange.
Ces gens, dont les Bapende comprenaient très facile­
ment la langue, arrivaient au Kasai par la Loange, ven­
daient du sel et des tissus et achetaient des esclaves qu’ils
reconduisaient en caravane, en Angola.
Certains s’installaient même à demeure dans le pays.
28 L A T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X

Ils y ont fait souche, notamment à Kisama, et organi­


saient des relais pour des expéditions commerciales vers
les Bakuba et les Bashilange, vers Luebo et Luluabourg,
dirions-nous maintenant.
Il y eut des mulâtres Bimbadi installés chez les Ba­
pende. Ils prétendaient être nés et élevés en Europe,
pays des merveilles, d’où leurs pères noirs les auraient
ramenés pour pratiquer le commerce et la traite.
La traite ne causa cependant plus chez les Bapende
les troubles et les ravages qu’elle occasionna en Angola
sous la pression violente des Portugais.
Ce fut un commerce régulier, organisé par les chefs et
notables, pour les besoins et suivant les possibilités de
la population.
Les esclaves partaient, résignés à la fatalité, ignorants
de leur sort.
Cela dura plus d’un siècle jusqu’à l ’arrivée des Batshio-
ko. Les premiers Batshioko furent introduits dans le
pays par les Bimbadi Katshiabala et Kinsense. Ils
arrivaient en commerçants. D ’après les classes d’initia­
tion, leur première apparition eut lieu vers 1875. C’est
vers 1885, sous le règne de Muate Yanfua Mukasa, que
les Batshioko envahirent en masse les bassins du Kasai,
de la Lulua et du Lubilash (1).
Les conquêtes des Batshioko sur la rive gauche du
Kasai en territoire de Tshikapa sont relativement ré­
centes. Mukwandjanga, Kamba Katshiongo, Kajiku-
la, Muene Muyeji, que nous avons connus, sont des
conquérants partis de l ’Angola, ku Indongo, c’est-à-
dire de leur lieu d ’origine.
Le pays des Batshioko se situe en Angola, sur la rivière
Lungwe Bungu, affluent du Zambèze, près des sources
du Kasai. Ils avaient pour voisins, au Sud des Luimbi,
les Lutshatsha, à l ’Est les Luena, au Nord les Minungu,

(’) V e r h u l p e n , Ed., op. cit., p. 150.


LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 29

à l ’Ouest les Akwa Songo. Ils eurent comme chef loin­


tain Kanika ka Tembo et émigrèrent de la Kalani,
du Koola des Lunda, pour se réfugier aux sources du
Zambèze du temps de Lueji Lua Konde, avant la fonda­
tion de l ’empire Lunda de Kibinda Ilunga.
Ils s’appelaient alors A-yoko, c’est-à-dire ceux de la
gorge pour faire allusion à la prononciation gutturale de
leur idiome.
Des sources du Kasai et du Zambèse, les Batshioko
envahirent le pays des A-Luena, des Aminungu et des
Akwa Songo vers la moitié du 19e siècle.
Le Portugais Joacquim Rodriguez G r a ç a fut le pre­
mier européen qui visita la capitale du Lunda de 1843 à
1846.
Les Batshioko, partis du pays des Aminungu, pous­
sèrent une pointe agressive, à ce moment, jusqu’au Lunda.
En 1854, L i v i n g s t o n e (*) rencontra des difficultés au
pays des Batshioko en passant du Zambèze à la rivière
Kwango et décida de le contourner par le Nord à son
retour. Les Batshioko n ’avaient donc pas encore envahi
le pays des Shinji, au nord des Aminungu. En 1860
eut lieu la grande révolte des Bangala de Kasanji. La
répression fut violente.
Il régnait alors dans tout le Sud, aux sources du Kasai,
du Zambèze et du Kwango, un esprit d ’insécurité et
d ’aventure parmi les populations que l’invasion des
Batshioko menaçait.
Vers 1880 eut lieu la grande poussée des Batshioko vers
le Nord ; ils entraînaient avec eux des Lunda, des Luena,
des Akwa Songo, des Aminungu et bientôt des Shinji,
tous confondus sous le nom de Batshioko.
Dans le territoire de Tshikapa, les Bena Mai de Mai-
Munene furent les premiers atteints et écrasés rapide­
ment.

(*) L i v i n g s t o n e , D ., op. cit., p p . 377 à 386.


30 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A IX

Les Bapende reculèrent sous le choc, certains groupes


se soumirent, d ’autres se réfugièrent à l’est du Kasai
chez les Bashilange.
Cette conquête rapide était due à l’effroi que provo­
quaient les nombreuses arquebuses des Batshioko. Ces
derniers s’installèrent au pays des Bapende en conqué­
rants, vivant au détriment de la population qu’ils
razziaient sans scrupule. Ils installaient leurs campe­
ments auprès des gros villages bapende, réquisition­
naient vivres et femmes et imposaient des amendes et
des tributs d’esclaves au moindre manquement.
Cette situation ne dura pas longtemps. Les Bapende
réfugiés chez les Bashilange repassèrent le Kasai sous
la conduite de Ngulungu et repoussèrent les Batshioko
vers le Sud.
Ngulungu avait réussi à acheter des fusils et à battre
les Batshioko par surprise.
C’était au temps de la fondation du poste européen
de Luebo. Bientôt la poussée des Batshioko fut contenue
par l ’occupation belge du Kasai.
Sous le contrôle de l’Administration, les Bapende récu­
pérèrent la presque totalité de leurs terres en territoire
de Tshikapa.
Les Batshioko, refoulés sur les terres arides du sud du
territoire, perdirent peu à peu leur prestige. Avec la
disparition des grands chefs conquérants, leurs groupe­
ments se disséminèrent en une infinité de petits villages
jusqu’à perdre toute cohésion.
Cependant, la population dite Batshioko en territoire
de Tshikapa alla en augmentant jusqu’aux environs de
1930 par une immigration continue de villages venant
d’Angola. Depuis lors, les Batshioko et assimilés : Lunda,
Luena, Songo, Minungu, Shinji, sont entrés dans une
période de décroissance et de désorganisation rapide.
Cette décroissance fut précipitée par la libération vo­
lontaire ou forcée de nombreux esclaves qui trouvèrent
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 31

refuge autour du poste de Tshikapa ou dans leurs com­


munautés d’origine.
Il fut un temps, avant 1930, où la population des vil­
lages batshioko comprenait 80 % d ’esclaves.
Des familles entières d’esclaves bapende retournèrent
avec leurs enfants dans leurs groupements d ’origine.
Ils forment une masse de plusieurs milliers de personnes
déplacées qui se réadaptèrent peu à peu à leur milieu
coutumier.
Libérés de l’invasion des Batshioko, soustraits à l’in­
fluence lunda, les Bapende se développent en paix
actuellement et sont de plus en plus eux-mêmes, fiers
de leur race et de leurs traditions.

Les populations de Tshikapa.

Tshikapa se trouve au point de convergence de trois


grands groupes de populations dont les origines sont
différentes :
1) Les Bashilange, ou Bena Lulua, qui occupaient
autrefois, avant 1700, la moitié du territoire : dans la
partie Sud, à l’est de la rivière Tshikapa dans la partie
Nord, à l’est du Kasai.
Ces Bashilange sont formés de groupements d ’origine
obscure. Ce sont très probablement des Bakete sur fond
pygmoïde plus ou moins dense, acculturés par des vagues
de Baluba venant de l’Est après 1700. L ’imprégnation
par les Baluba est surtout forte à l ’Est vers la rivière
Luebo. Dans l ’Entre-Kasai-Luebo, vers le Sud, il faut
y ajouter du sang Babindji.
Il existe, sur la rive gauche du Kasai, dans l’angle
sud-est du territoire, un petit groupe de Badinga. Ces
Badinga et leurs voisins, les Bambala du territoire de
Luiza et les Batabua de l ’Angola forment un groupe
tout à fait à part, provenant peut-être du Haut-Kwango.
Ils sont soumis à une hiérarchie de chefs baluba qui sont
32 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

arrivés du Sud en descendant le cours du Kasai ou Luke,


au temps des grandes migrations Baluba. Leur migra­
tion aurait précédé et serait indépendante de celle des
Baluba de Kibinda-Ilunga, fondateur de l ’empire des
Lunda, à la fin du 16e siècle.
Il existe aussi, au nord de ces Badinga, un autre petit
groupe : celui des Bakete, de sang pur.
Ces Bakete, avec d’autres populations mélangées,
riveraines du Kasai, les Bakwa Fuye, les Bena Mai,
les Bakwa Funi, etc..., ont encore payé, tout dernière­
ment, tribut au chef des Bakete, Tambwe Muanza, du
territoire de Dibaya. Ces dernières populations de sang
mélangé reconnaissent donc ainsi leur premier fond
Bakete.
Tous ces groupements, dont nous venons de parler,
pratiquent le régime patrilinéaire.
2) Les Batshioko et assimilés, qui se trouvent à l ’ouest
du Kasai dans la partie sud du territoire.
Ces populations proviennent de la région située aux
sources du Zambèze, du Kasai et du Kwango.
A l’origine, c’étaient des populations de type inférieur
qui ont été civilisées et dirigées par des chefs batshioko
arrivés à la fin du 16e siècle du pays des Lunda. Elles
ont envahi le sud du territoire de Tshikapa à la fin
du 19e siècle, probablement sous la poussée des Portu­
gais s’avançant du plateau du Bihé.
Ce sont des populations du type matrilinéaire, mais qui
n ’ont plus aucune organisation politique. Étant des
bandes guerrières et pillardes, elles ont été arrêtées dans
leur expansion, alors qu’elles n ’avaient pas encore assi­
milés la masse trop importante d’esclaves conquis au
Kasai.
3) Les Bapende, qui occupent la partie nord-ouest du
territoire depuis le début du 18e siècle.
Ils sont originaires du plateau de Loanda où ils se
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X 33

trouvaient au 15e siècle. Ils faisaient alors partie de la


masse des Ambundu.
Ils ont participé à la fondation et à l’histoire du royau­
me d’Angola au 16e et 17e siècles.
Au 16e siècle, ils ont absorbé des éléments Jacas,
venant du Sud-Ouest, qui ont imprégné leurs coutumes
de rites cruels et sanguinaires.
Au 17e siècle, subjugés par les Imbagala, ils ont subi
une première influence lunda.
Au 18e siècle, après leur arrivée au Kasai, ils se trou­
vèrent englobés dans la zone de protectorat des Lunda
de Muata Kumbana, lieutenant du grand Muate Yan-
fua. Ils ont absorbé cependant et assimilé de nombreuses
familles et même des groupes entiers de Lunda.
Ils ont subi d’autre part aussi l’influence des Bashi-
lange par voisinage et par mariage.
Leur langue est pourtant encore très proche de celle
des Bimbadi de Malange sur le plateau de Loanda ; leur
civilisation est restée matriarcale.
Bousculés par les Batshioko, à la fin du 19e siècle,
les Bapende connaissent, sous la tutelle de l’adminis­
tration du Congo belge, une renaissance raciale en ce
20e siècle.
Le vieux chef Ndeke, Ngola de Tshikapa, se retrouve
à rêver de ses ancêtres de Loanda.
Sa pensée le reporte, à travers cinq siècles, vers le
grand Ngola Kiloanji Kisama.
Son vieux frère Kasanji recueille et note la tradition.
Il nous l’écrit en Tshiluba pour notre compréhension (1).

(l) Cette lettre, en Tshiluba, est déposée au Musée royal du Congo belge, à
Tervuren.
L A T R A D IT IO N
par L éon K asanji.

I. — Ngendo ya bena m u Angola ne dimw angala diabo.


1) Tudi Akwa Loanda. M u Akwa Loanda, tudi bena
Ngola K ilaji. M u bena Ngola, diku dietu, tudi bena Ndu-
wa kana kibangwa kalonga.
Dina dia Bampende edi, ndituinika Kudi Bawongo
Bashilele ne Bakuba. Bu mudi Batshioko binike Baluba
ne Tuloji emu.
2) Bakakuetu bamukile mu ditunga dia Tandji ni
Milumbu.
Kakuetu Ngola ke umuangile ditunga adio ; waya ku
Loanda. Ngola K ilaji, mumane kutangalaye bantu mu
Tandji, e Kupulaye misumba yende, kuyaye ku Loanda
ku kalunga lu iji.
Pakuya, uyile, wenda ushyia bantu mu miaba : bashala,
basamu misoko.
3) Ngola upuekele ne musulu wa kwanza, wafika ku
mai a Kalunga ku Loanda.

II. — Ngola udi unyema m vitaya Dukhusunya m u Loanda.


1) Ngola, wakasomba mu Ditungu diende dia Loanda
amu bilenga.
Dimwe edi, e kuluabo kubasanganabo kudi Dukhu­
sunya — Dungunga.
Dukhusunya— Dungunga aba, Bakanienga Bisense
bietu bia luepo ; Ngola wakasa nabo mvita mikole ? Dun­
gunga ! mu bukole bua mvita amu, ke Kutukumabo tshin-
goma, dina diatshio Denda a Nzundof
TRADUCTION

I. — Migration des tribus d ’Angola et leur dispersion.

1) Nous sommes de la tribu des Loanda.


Parmi les Loanda, nous sommes ceux de Ngola Kilaji.
Dans notre clan de Ngola, nous sommes ceux de
Nduwa kana Kibangwa Kalonga.
Ce nom de Bapende nous a été donné par les Bawongo,
Bashilele et Bakuba. Comme les Batshioko ont appelé
ici les Baluba du nom de Tuloji.
2) Nos ancêtres sont partis du pays de Tandji ni
Milumbu ; c’est notre ancêtre Ngola qui a quitté ce pays
et est parti pour Loanda.
Ngola Kilaji, ayant provoqué la dispersion des hommes
à Tandji, détruisit ses campements et partit vers Loan­
da vers la mer.
Tout le long de la route, il allait, laissant par endroit
des hommes : ils restaient et y construisaient des villages.
3) Ngola descendit le cours de la rivière Kuanza,
arriva à l’eau de Kalunga à Loanda.

II. — Ngola fait la guerre des Tukusunia à Loanda.


1) Ngola est resté longtemps dans son pays de Loanda
bien agréablement.
Un jour, arrivèrent nous surprendre les Tukusunia
Tungunga. Ces Tukusunia Tungunga, ils nous enlevèrent
nos marais de sel ; Ngola leur livra de durs combats !
Les Tungunga ! en plein combat, voilà qu’ils nous
frappent de coups de fusil, le nom de ce fusil est Tenda-
Zundo !
36 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

M u Tshipapu tshia buta atshio, ke Ngola Kuniema mu


Loanda, Kuluaye mu Hungwa-ndongo.
2) M u Hungwa-ndongo amu: Ngola wakabuela mu
lupangu lua mabue. Muamua, bakatuadija kumuashila
nzubu munene.
Nzubu awo, munane Kubanda Tshimana tshimwe,
tshikuabo tshilondela: ke Kumvuaye lumu lua ne: Ba-
luishi bakadi balua : Kababo baluila ku kakulu ne Ngonga.
Pavulukaye bubi bua Denda-Nzundo nanku, Bufuku
ke Ngola kuniema, bantu Kabayi bamanie to.
3) Muniema nanku, kuluaye mu M ulundu wa Bangu.
Ngola umuka pine apo e luendo luende Kulungulukalo to
to to ne kuneko.
4) Mfumu umuka mu kesua ni Bango, Kuluaye mu
Kizanga ni Lunda.
5) Bua kumuangalabo muine amu: Kusangilabo mua
Kisungu kia Ngombe, Kusangishabo bia lufu biabo ;
kubiunguija difuta dinene, ke Kumuangalabo, kusabuka
Kuangu.

III . — Malu a dia m unem u dia Kuangu.


1) Diamunemu dia Kwangu ke diakasanganabo Ba-
wongo, bawongo aba ke bakatuinika dina dia Bapende,
bualu Kapende ka Mulemba wa Ngola wakadi muena
mutumba nabo, ne Kangunga ka Pango.
Bawongo bakadi base ne bakuba, ne Bakwa musuku,
ne Babala.
2) Ngola wakadi kumpala kua bantu bonso, ku luendo,
ne ku bumfumu kabidi !
Ngola, wakaluisha Bawongo : wabutula musoko awo —
Bawongo ne bakuba batuniema ; balua ku mpala ne Ba­
kuba, tuetu tuabatua mu nima, tuabwela nabo mu Kasai
emu ; ne base, batumvua, bamuangala, ne base, batum-
vua, bamwangala, amu nanku...
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X 37

Par peur de ce fusil, Ngola s’enfuit de Loanda et vint


à Pungu a Ndongo.
2) A Pungu a Ndongo : Ngola pénétra dans l’enceinte
de pierres. Là, on commença à lui construire une grande
maison.
Cette maison, lorsqu’un mur était achevé, on en com­
mençait un autre : voilà qu’on entend la rumeur : les
ennemis sont sur le point d’arriver : ils arrivent vers
Kakulu ne Ngonga.
Se souvenant de la méchanceté du Tenda-Zundo, la
nuit, Ngola s’enfuit, à l’insu de tous.
3) Il s’enfuit ainsi, il vint à Mulundu de Bangu. Ngola
partit de là et sa marche l’éloigna de plus en plus jus­
qu’ici.
4) Le chef partit de Kesua ni Bangu, il vint à Kizanga
ni Lunda.
5) Pour émigrer de là, ils se réunirent à Kisungu Kia
Ngombe ils rassemblèrent leurs armes ; ils en assemblè­
rent une grande quantité, alors ils émigrèrent, traver­
sant le Kwango.

III. — Événements de ce côté du Kwango.


1) De ce côté du Kwango, ils rencontrèrent les Ba-
wongo. Ce sont ces Bawongo qui nous appelèrent Ba­
pende, parce que Kapende Ka Mulemba de Ngola était
leur voisin avec Kangunga Ka Pangu.
Les Bawongo habitaient avec les Bakuba, les Basuku
et les Bambala.
2) Ngola était à la tête de tout le monde pour la mi­
gration et pour l’autorité aussi !
Ngola a combattu les Bawongo et dévasté leur village.
Les Bawongo et les Bakuba nous fuirent.
Les Bawongo s’avançaient devant avec les Bakuba,
nous, nous les suivions, nous sommes entrés avec eux
ici au Kasai. Lorsqu’il s’installaient, ils nous entendaient ;
ils émigraient ; lorsqu’ils s’installaient, ils nous enten­
daient, ils émigraient ainsi de suite...
38 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E DES BAPENDE O R IE N T A U X
I

IV. — Dikuata dia buloba bua Kasai Tshikapa ne Lova.


1) Tukhongo (Bawongo) bamone ne Bakwa Loanda
badi pa buipi, kupuekabo ne musulu wa loange, kutushi-
labo kaba.
Bakaku bakalua bololoke to to ne muakaluabo kubuela
mu buloba bua Malongo, munkatshi mua lova ne Tshikapa.
2) Mikalu. M u buloba bua Ndeke bua Kumpala bua
Malongo.
K u mutu kua lova, musulu wa Mungululu.
3) Kumanda kua lova, musulu wa kaseeshi.
4) Kumutu kua Tshikapa, musulu wa Ngombe.
5) Kumanda kua Tshikapa, musulu wa Milombe.
6) Kumanda kua lova tudi mukalu ne Tshibulungu.
Tshibulungu mukalu ne: kanzongo.
Kanzongo mukalu ne Komba, Komba mukalu ne Mbum-
ba Dembo kumanda ku Lovua.
7) Kumanda kua Tshikapa, mukalu ne Kashimba,
ne Mukala ku musulu Milombe.

V. — Basangana.
1) Munemu tuakasangana Tupokolo.
M fumu wa Tupokolo diende Mukanda Bidibu.
Nsala wende wa Bumfumu udi kudi M ai Munene.
2) Mukanda Bidibu wakafua, bantu bende bakaniema.
3) Tuakabania buloba bua Tupokolo ne Mai-Munene
mu musulu Tshikapa.
M ukalu wetu ne Mai-Munene, udi anu Musulu wa
Tshikapa (Lubile).
Diamuamua dia Nzadi Kasai m musulu wa Tshim-
binda.
Kamana Ndeke udi munkatshi mua buloba buetu.
4) Kumanda tudi mukalu ne Kajimba ku musulu
Batshiamba.
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 39

IV. — Conquête de la terre du Kasai. Tshikapa et Lovua.

1) Les Tukongo (Bawongo), lorsqu’ils virent les Loan­


da tout près, descendirent le cours de la rivière Loange,
nous laissant place.
Nos ancêtres avancèrent s’étendant jusqu’à pénétrer
sur la terre de Malongo entre les rivières Lovua et Tshi­
kapa.
2) Les bornes. Sur la première terre de Ndeke de Ma­
longo. En amont de la Lovua, la rivière Mangululu.
3) En aval de la Lovua, la rivière Kasheshi.
4) En amont de la Tshikapa, la rivière Ngombe.
5) En aval de la Tshikapa, la rivière Milombe.
6) En aval de la Lovua, nous avons nos limites avec
Tshibulungu, Tshibulungu ses limites avec Kansongo,
Kansongo avec Kimba, Kimba avec Bumba Tembo en
aval de la Lovua.
7) En aval de la Tshikapa, nous avons nos limites
avec Kashimba et Mukala à la rivière Milombe.

V. — Ceux que nous avons rencontrés.

1) Ici nous avons rencontré les Tupokolo.


Le chef des Topokolo a pour nom Mukanda Bidibu.
Ses plumes de chef sont chez Mai Munene.
2) Mukandu Bidibu mourut, ses hommes s’enfuirent.
3) Nous avons partagé la terre des Topokolo avec
Mai Munene à la rivière Tshikapa.
Notre frontière avec Mai est donc la rivière Tshikapa
(Lubile).
Au-delà du fleuve Kasai, c’est la rivière Tshimbinda.
Ndeke est au milieu de notre terre.
4) En aval, nous avons nos limites avec Kajimba à
la rivière Bashiamba.
40 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X

VI. — Buloba buibidi bua Ndeke.


1) Dina Ndeke, ndina didinika pa bualu kampanda
dituakalua nadio ndia Ngola.
Kaku mumuke pa bualu abo ku tshiji, ke kuyaye mu
buloba bua Kela, Kushiyaye buloba bua Kanyoka ku
Malongo.
Ku Nsadi mu Kela amo, wakadia mukalu kumutu ne
Kajimba Bwa Khoji, ne Mukala Bwa Kakulu ne Ngon-
ga mu musulu wa Luime.
2) Kashimba ne Mukala bamona nanku, kumukabo
pabo mu St André Tshikapa amu, kuyabo kuasa mu
Khobo, tuetu Kudia Kabidi nabo mukalu ku musulu
Sunzuji.
3) Mukala mushiye Kashimba e Kuyaye kuasa mu
bua Kisama mu Kimbo ku mutu kua lungeya.
4) Mukala ne Kashimba bashiye bua St André ne
Dibumba ne Mbula mputu nanku.
Ke bena M ai aba, Ndaia, ne Ndombo, ne Tshijiba e
Kupinganabomu Ke Mudi\u.

V II. — M utudi balondangana pa kubuela m u ditunga edi.

a) Kale :
1. Mmuakadi Tupokolo Mfumu Mukanda Bidi bu
2. Akwa Loanda Mfumu NGola K ila ji Ndeke
3. Akwa Kakulu Mfumu Mukala
4. Akwa Khoji Mfumu Kashimba
5. Akwa Nyama Mfumu Kibulungu, wakashala yeye
ku Lova. Bakuabo bonso Bakatusangana.
6. Diamuamua, M ai Munene, Bena Maye
7. M udia Nsadi Kabeya Lumbu wa Bashilange
8. Ku M anda: Ngandoko, Bwa Tshipanga, ne Dika
Bwa nKala, Aba ke bena Mutumba.
b) Batshioko badi ne bidimu bikese kuneku ku N zadi:
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D E S B A P E N D E O R IE N T A U X 41

VI. — Troisième terre de Ndeke.


1. Ce nom de Ndeke a été donné pour un motif quel­
conque. Le nom de Ngola est celui avec lequel nous
sommes arrivés. Notre aïeul quitta, pour cela, avec
dépit et partit sur la terre de Kela, abandonnant la terre
de Kanyoka à Malonga. Sur le fleuve, ici à Kela, il joi­
gnit Kajimba des Akwa Koji et Mukala des Akwa Ka-
kulu ne Ngonga à la source de la rivière Luimi.
2. Kashimba et Mukala voyant cela, partirent de leur
côté de St-André Tshikapa, pour s’installer à Khobo ;
nous prîmes encore frontière avec eux à la rivière Sun-
zuji.
3. Mukala quitta Kashimba et alla s’installer sur la
terre de Kisama à Kimbo à la source de la Lungeya.
4. Mukala et Kashimba ont abandonné ainsi la terre
de S1-André avec la terre de Dibumba et de Mbula Mputu.
Ce sont les Bena Mai : Ndala, Ndombo et Tshijiba qui y
retournèrent. C’est ainsi.

V II. — Comment nous nous sommes succédé pour entrer


dans cette région.
a) Autrefois :
1. Il y avait les Tupokolo du chef Mukanda Budibu.
2. Les Akwa Loanda du chef Ngola Kilaji Ndeke.
3. Les Akwa Kakulu de Mukala.
4. Les Akwa Khoji de Kashimba.
5. Les Akwa Nyama de Kimbulungu qui est resté à la
Lova. Tous les autres Bapende nous ont suivis.
6. Au-delà (de la Tshikapa) Mai Munene, Bena Mai.
7. Au-delà du fleuve : Kabeya Lumbu des Bashi-
lange.
8. En aval : Ngandoko, Bakwa Tshipanga et Dika
Bwa Nkala. Ceux-là étaient nos voisins.
b) Les Batshioko. — Ils ont peu d ’années ici au Kasai.
42 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X

Bakalua ne bungenda buabo bua kusumba bantu kua


Mukenge Kalamba ne Fuamba wa Lualua.
Bashioko, bakafika kunu kunima kua bena kuetu, ba-
luile ne Katshiabala ne Kisese, badine dina ne: Bimbadi.
Tshilejilu: Kamba Katshiongo wakafua eu, ne Muana
M ueji kabidi mbalelela kuabo ku Idongo. Mukalenge
Ndeke eu, ke balelela mu matuku a Batshioko.
Tatu mbalelela mu Bampende nkayabo.
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X 43

Ils sont venus, avec leur commerce, pour acheter des


hommes à Mukenge Kalamba et à Fuamba de la Lulua.
Les Batshioko sont arrivés ici après tous les nôtres ;
ils sont arrivés avec Katshiabala et Kinsense qu’on
appelle Bimbadi. Indication : Kamba Katshiongo, qui
est mort et Muene Muyeji aussi sont nés chez eux en
Indongo.
Le Chef Ndeke actuel est né du temps des Batshioko.
Son père est né du temps où les Bapende étaient seuls.
44 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X

V III. — Bisa bia m u Angola 5 binene bidi m u Kasai ne m u


Angola.

Les tribus d'Angola sont cinq au Kasai et en Angola:


I. Akwa Loanda Bena Ngola, Mfumu Ndeke
II. Akwa Mbaka Mfumu Munene Bambi
III . Akwa Kisenze » » Kisenzele
IV. Akwa Lemba » » Bundungu ne Jimbo
V. Akwa Malenga » » Malenga Lunda
I. Akwa Loanda Bena Ngola
1. Bena Ngola Bena Nduwa Kana, Mfumu Ndeke
2. Akwa Laula » Kalunga a Ngombe
3. Akwa Hina » Hinga dia Ngombe
4. Akwa Zuwa » Ndala wa Ngombe
5. Akwa Huka » Kalandula Ngombe
6. Akwa Kakulu » Mukala
7. Akwa Muenga » Kasembo
8. Akwa Mema » Njanga a Makumbi
9. Akwa Seho » Tshisakanga ne Koja
10. Akwa Tema
11. Akwa Kamwanya
12. Akwa Songo dia Ngola » Bumba Tembo
13. Akwa Kakotshi Ka Ndambi
14. Akwa Belua Diebu
15. Akwa Hungwa Ndongo
16. Akwa Pidi
17. Akwa Kinzaji » Nzaji wa Longela
II. Akwa Mbaka Ndelu ya Ngola
1. Akwa Mbaka Mfumu Tshisakanga wa Mbaka
2. Akwa Shitu Ngulunguwa Mbaka
3. Akwa Samba Bambi wa Kavundji ne
Mbadika wa Sandoa
4. Akwa Tule Kutsha (Mukuza) wa Hako
5. Akwa Nyama Kimbulungu ne Ngungu wa
Mabanza
6. Akwa Khoji Kashimba (Katemo Ka Ka­
vundji)
7. Akwa Lembe Bumba wa Kadamba
8 . Akwa Nyanga Nyanga ne Kibunda
9. Tushinji Kapende ka Mulemba
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E D ES B A P E N D E O R IE N T A U X 45

10. Akwa Mate


11. Akwa Ndumbu Ndola
12. Akwambi
13. Akwa Mbondo
14. Mandume
15. Akwa Mbamba
16. Akwa Hanya
17. Imbangala
I II. Akwa Kisenzele — Ndelu ya Ngola
1. Akwa Kisenzele Mfumu Kisenzele Kia Kanengu
2. Akwa Longa » Lubanji wa Ngombe
3. Akwa Kinyange » Muku wa Kombo
4. Akwa Muta )) Kanzongo (Mutanga waNgombe)
5. Akwa Kilundu )) Kasanji ne Mitombi wa Ngombe
6. Akwa Luhombo )) Mushinga wa Bundji
7. Akwa Kinyenga )) Mulundu wa Kayonga
8. Akwa Nzunzu )) Kitanga ne Kahemba
9. Akwa Sungu » Kioso kia Sungu
10. Tuluena » Shayesue
11. Akwa Tumba » Holo
12. Akwa Musanga )) Bindjikila
IV. Akwa Letnba
Ndelu ya Kalunga wa ba Ngola
Mikila yasoka ku Ngombe
1. Akwa Lushiku Mfumu Bundungu wa Kalunga
2. Akwa Shinya » Jimbo Inene
3. Akwa Ngongo » Mashi Madanana
4. Akwa Kikhungu » Khungu a Nene ne Muhaku
5. Akwa Kubole )) Kikunga ne Kidoma
6. Bena Ngoji wa Ndele » Musanji wa Hungu
7. Akwa Ngombe Inene » Mushila ne Ngombe wa Nzundu
V. Akwa Malenga Lunda
1. Akwa Malenga Mfumu Malenga Mvudi
2. Akwa Kitombe » Pulu wa Tumba
3. Akwa Katundo » Bangu wa Tumba
4. Akwa Kisamba » Kikunga wa Tembo
5. Akwa Kinene kia Tumba
LA T R A D IT IO N
par M u ku n zu .

N. B. Cette tradition racontée en Kipende et Tshiluba


et répétée fut notée en français et retraduite en Tshiluba
pour vérification par K ioko M ukumzu , devant le clerc
Lusamba.

I. — Séjour à Loanda.

Nos ancêtres, qui venaient du Zambèze, étaient arri­


vés à la grande mer à Loanda.
A Loanda, ils habitaient la plaine de Luabala.
Nos ancêtres étaient des guerriers et des chasseurs,
mais ils ne connaissaient pas le fer, leurs flèches et lances
étaient en bois.
Un jour, nous arriva Bembo Kalamba, le forgeron.
Il arriva avec tous ses gens et tout son bétail.
Ce fut un grand étonnement pour nos ancêtres.
Bembo Kalamba connaissait tout ; il nous apprit
à fondre le minerai de fer et à forger ; il nous apprit à
tisser, à faire des pots.
Sa femme Ngombe dia Nganda était chef et détenait
l’autorité ; elle nous apprit l ’élevage et la culture.
Nos ancêtres se prirent avec eux d ’amitié et deman­
dèrent en mariage toutes les filles de Ngombe.
Ce sont les filles de Ngombe qui sont toutes les mères
souches des clans Bapende.
Les mères des clans Bapende sont : Kulumbu et Mbaka,
Luponzo. et Tumba, Kavundji et Niakina, Lumbu et
Makombe.
Ce sont Katemo et Bambi a Kavundji, Kabuya, Tum-
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E DES BAPENDE O R IE N T A U X 47

ba et Dambi a Makombe : Kakodi et Muvumbi a Lum­


bu, Kinene kia Tumba.
Nous venons de Ngala Ngombe.

II. — L ’arrivée des Blancs.


Nos pères vivaient confortablement dans la plaine de
Luabala. Ils avaient des vaches et des cultures ; ils
avaient des marais de sel et des bananiers.
Tout à coup, ils virent sur la grande mer surgir un
grand bateau.
Ce bateau avait des ailes toutes blanches, étincelantes
comme des couteaux.
Des hommes blancs sortirent de l’eau et dirent des
paroles qu’on ne comprenait pas.
Nos ancêtres prirent peur, ils dirent que c’étaient des
Vumbi, des esprits revenants.
On les repoussa à la mer par des volées de flèches.
Mais les Vumbi crachèrent du feu avec un bruit de ton­
nerre. Beaucoup d’hommes furent tués. Nos ancêtres
s’enfuirent.
Les notables et les devins dirent que ces Vumbi étaient
les anciens possesseurs de la terre.
Nos pères quittèrent la plaine de Luabala, craignant
le retour du bateau Ulungu.
Ils se retirèrent sur la rivière Lukala.
D ’autres étaient restés près de la grande mer.
Le bateau revint et des hommes blancs réapparurent.
Ils demandaient des poules et des œufs ; ils donnaient
des tissus et des perles.
Les Blancs revinrent encore. Ils apportèrent du maïs
et du manioc, des couteaux et des houes, des arachides
et du tabac.
De ce temps-là à nos jours, les Blancs ne nous appor­
tèrent plus rien, sinon des guerres et des misères.
C’est à Loanda qu’ils nous apportèrent les arachides,
le maïs et le manioc et la manière de cultiver.
48 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E DES BAPENDE O R IE N T A U X

Pour réussir les cultures, il faut prier. Ils priaient


ainsi (*) :
Zambi ia Tanga Dieu Créateur
Maweza, Muna Mukulu Maweza, Premier né,
Utuvile Aie pitié de nous
Utubambe Garde-nous
Utuhuwe kia kudia Donne-nous à manger
Utuvushile masuku Nourris-nous toujours,
M u Jina Diaye En ton nom
Maweza Maweza
Utuhuwe musa muanio Donne-nous notre pain aujourd’hui
Soko jaye Ton manioc
Masa aye Ton maïs
Shinzu shaye Tes arachides
Musanga aye Ton sorgho
Makunda aye Tes bananes
Yikumba yesu yaye Tous tes biens
Maweza Maweza
Utuhakile nayio réserve les nous.

I I I . — Les grands chefs ou Ngola.

Ce sont : Ngana Ngombe, Ngola Inene Kiloanji,


Ndambi Inene ia Ndjenge, Kiloanji kia Samba, Nzinga
ia Bandji, Jinga Pande.
Ngana Ngombe vit arriver les commerçants portugais
et commença la vente d ’esclaves. Il y eut de grands
désordres. Ngola Inene Kiloanji fut le grand chef des
Bapende et de toutes les autres tribus ; il fit la conquête
de tout le pays.
Ndambi Inene ia Ndjenge et tous les autres grands
chefs s’appelèrent aussi Ngola.
Ndambi Inene avait sa cour à Pungu a Ndongo où
il s’était retiré. A cet endroit, il y avait de grandes
pierres debout dans la plaine près de la rivière
Kwanza.

(*) E n la n g u e K ip e n d e .
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E DES BAPENDE O R IE N T A U X 49

Ndambi était un chef terrible ; il réprimait les révol­


tes avec cruauté.
Pour s’élever dans l ’air et surprendre les hommes des
villages éloignés, il se soulevait en enfonçant des lances
dans la poitrine de deux esclaves couchés à ses côtés.
Quand la lance touchait le cœur, Ndambi disparaissait
et razziait un village.
Kiloanji Kia Samba fut aussi Ngola.
C’était les grandes guerres avec les Portugais.
Les Bapende avaient quitté la rivière Lukala et se
trouvaient à Pungu a Ndongo à cause des batailles ;
il y avait beaucoup de morts.
Nzinga ia Bandji fut sacré Ngola en décapitant un
homme devant la foule réunie dans la plaine. Il versa
le sang de l’homme dans du malafu et but. Tout le monde
était rempli d’étonnement.
C’étaient des guerres, rien que des guerres avec les
Portugais et les hommes de Kingudi.
Les Bapende fuyaient ou étaient pris par Kingudi.
Jinga Pande était une femme et succéda à Bandji.
Elle eut une grande renommée en Ngola. Elle lutta avec
violence contre les Portugais. Elle fut vaincue. Jinga
s’enfuit de Pungu à Ndongo.
C’est en quittant Pungu a Ndongo que Jinga laissa
la trace de son pied dans la pierre.
Les Bapende s’enfuirent à Musenge Kihunda près des
marais de sel de la rivière Luyi où ils furent rejoints par
Kasanji ka Kingudi.
Kasanji était fils d ’une femme de nos frères de race
les Imba-Ngala.
Les Bapende habitaient sur le Kwango et sur la rivière
Luyi auprès de Kapende ka Mulemba et de Kasanji ka
Kingudi.
Au-delà du Kwango se trouvaient les Bakuba, les
Basuku, les Bambala et beaucoup d’autres encore.
50 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E DES BAPENDE O R IE N T A U X

IV. — Départ vers le Kasai.

C’est Nyime, chef des Bakuba, qui nous a montré


la route du Kasai.
C’est à cause des guerres de Kapende et des exactions
de Kasanji que les Bapende ont quitté pour toujours
le pays de Ngola.
Kisungu ka Pumba était notre chef.
Nous sommes partis de Musenge Kihunda pour tra­
verser le Kwango et atteindre la rivière Lutshima. Nous
avons descendu le cours de la Lutshima jusqu’à Mashi-
ta Kisungu.
Mashita Kisungu est près de la Mission de Kikombo.
Partis de Mashita Kisungu, nous sommes arrivés à
Muhafu a Bondo, de Muhafu à Ndunda Musenge près de
la mission de Mukedi, de Dunda Musenge à Mikenge a
Bangu, de Mikenge au Kasai à Kindamba. Nous avons
rencontré à la rivière Loange, sur la Kitata, les premiers
Lunda Shabana et Mulunguji du Muata Mutombo Kum-
bana.
Le premier Lunda qui est arrivé avec nous au Kasai
est Kidianga Kia Monda.
Au-delà du Kasai, nous vîmes les feux des Bashilange.

V. — Séjour au Kasai.

Nous sommes arrivés avec les Lunda au Kasai. Les


Bapende qui sont arrivés les premiers au Kasai étaient
de la classe d’initiation des Akwa Idibu. Nos coutumes
d’initiation nous viennent de Ngola, de l’origine de
notre race.
Autrefois n’entraient à l’initiation que les jeunes gens
en âge de se marier.
Autrefois, on ne se mariait pas comme maintenant,
on se mariait à un âge plus avancé.
Les classes d’initiation sont ainsi :
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E DES BAPENDE O R IE N T A U X 51

Akwa Idibu sont arrivés au Kasai, ils ont disparu,


Akwa Katamba les ont suivis, ils ont disparu.
Akwa Ngulubi » »
Akwa Muepele » »
Akwa Mitete » »
Akwa Mikambi » »
Akwa Mabolo
Akwa Masoso
Akwa Tungombe Ces derniers ont été initiés à l’arrivée des
Batshioko.
Akwa Tumbunda les ont suivis, ils ont disparu.
Akwa Ndende » »
Akwa Mea les ont suivi, ils ont disparu,
Akwa Ndeke ce sont les derniers initiés.

V I. — Les clans.

1. Akwa Loanda Mère souche Kalumbu a Ngombe


2. Akwa Mbaka
Zumba Mbaka a Ngombe
Shitu )) »
Samba Bambi a Kavundji
Koji Katemo a Kavundji
Tule Kabuya a Makombe
Niama Tumba a Makombe
Njila Dambi a Makombe
Nianga Luponzo a Ngombe
3. Akwa Kisenze
Muta Kakodi a Lumbu
Kilundu Muvumbi a Lumbu
Tunda Kinene Kia Tumba

Ainsi se terminent les traditions historiques des


Bapende. Nous les avons recueillies et commentées
pour intéresser ceux qui parcourent le territoire de
Tshikapa et spécialement pour les agents de l’Assistance
médicale aux Indigènes de la Forminière, qui passent de
longues soirées dans la brousse en contact étroit avec les
indigènes.
52 LA TRADITION HISTORIQUE DES BAPENDE O R IE N T A U X
Carte 1. — Les migrations.
LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E DES BAPENDE O R IE N T A U X 53

Carte 2. — Emplacements des tribus vers 1650.


54 LA T R A D IT IO N H IS T O R IQ U E DES BAPENDE O R IE N T A U X
LA
TRADITION
HISTORIQUE
DES
BAPENDE
O R IE N T A U X
Carte 4. — Carte ethnographique vers 1900. en
CJi
TABLE DES MATIÈRES

Introduction ............................................................................. 3
La tradition historique des Bapende orientaux ......................... 5

La tradition par Kasanji .............................................................. 34

La tradition par Mukunzu .......................................................... 46


É D I T IO N S J. D U C U L O T , S . A ., G E M B L O U X (B E L G IQ U E ).

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