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ISBN : 978-2-02-100766-4
www.seuil. com
À Adrien, Corentin et Maxime
en leur souhaitant de vivre
dans un monde sans guerres.
Merci à Émilie Yabré, ainsi qu’à Marie-France Labbé et
Amandine Fontaine pour avoir, dans les plus brefs délais,
dactylographié ce texte. Didier Billion, Barthélemy
Courmont, Valérie Niquet, Geneviève de Villemagne,
Bastien Nivet et Bochra Kriout m’ont fourni des conseils
aussi utiles que précieux.
Table des matières
Couverture
1 - Le terrorisme
2 - Guerres de civilisation
3 - Guerres de religion
4 - États-Unis/pays musulmans
5 - États-Unis/États parias
6 - Guerres nucléaires
7 - Guerres chimiques
8 - Guerres bactériologiques
9 - Guerres Nord/Sud
10 - Guerres démographiques
11 - Guerres de diaspora
13 - Guerres de la faim
14 - Guerres du pétrole
15 - Guerres de l’eau
16 - Guerres de l’environnement
17 - Guerre de la drogue
18 - Guerres économiques
19 - Guerre de l’information
20 - Guerres de l’espace
21 - Guerres urbaines
22 - Guerres de sécession
24 - Guerre Chine/États-Unis
25 - Guerre Chine-Russie/États-Unis
26 - Guerre Chine/Russie
27 - Guerre Chine/Japon
28 - Guerre Japon/États-Unis
29 - Guerre Inde/Chine
32 - Guerre Grèce/Turquie
34 - Guerre France/Allemagne
35 - La Russie peut-elle redevenir une menace ?
36 - Football et guerre
37 - Guerre et tourisme
Introduction
Le terrorisme
Guerres de civilisation
Une civilisation est une identité culturelle. Elle se définit à la fois par
des éléments objectifs (langue, religion, histoire, coutumes, institutions) et
un élément subjectif (l’auto-identification des personnes concernées, la
croyance et la volonté d’appartenir à la civilisation concernée).
Une civilisation peut englober plusieurs États, nations, comme la
civilisation occidentale qui comprend une partie de l’Europe et l’Amérique
du Nord, ou un seul comme le Japon. Elle peut inclure de nombreuses sous-
civilisations : l’Islam est composé des sous-civilisations arabe, turque et
malaise, ou encore la civilisation occidentale partagée entre civilisations
européenne et nord-américaine.
Huntington définit huit types de civilisations : occidentale,
confucéenne, japonaise, islamique, hindoue, slave orthodoxe, latino-
américaine et africaine. Les civilisations sont le fruit de l’histoire. Elles ont
été façonnées par les siècles et ne sont pas près de disparaître.
Guerres de religion
Principales religions
L’Église catholique s’est répandue sur la planète à la faveur
des colonisations française, espagnole et portugaise. C’est la
seule religion à disposer d’un État, le Vatican, qui a
d’ailleurs une mission d’observation auprès des Nations
unies.
Les Églises protestantes sont organisées en ensembles
transnationaux, elles ne disposent pas d’un centre unique de
pouvoir. Elles sont très influentes en Amérique du Nord, en
Europe du Nord, dans le monde germanique, les îles
Britanniques et les îles du Pacifique.
L’orthodoxie (« conforme au dogme ») est née du schisme
d’Orient en 1054. Elle est présente dans le monde slave et
les Balkans.
L’Islam (« soumission » en arabe) connaît une expansion
continue depuis le XIIIe siècle. Né dans les pays arabes, il
les déborde largement. L’Indonésie, le Pakistan et le
Bangladesh sont des pays musulmans, soit sunnites, soit
chiites.
Les juifs disposent depuis 1948 d’un État, mais ils sont
quatre fois plus nombreux en dehors d’Israël. Le judaïsme,
par ailleurs, ne saurait être résumé à une religion, puisque de
nombreux juifs sont laïcs.
Le bouddhisme est présent en Asie, mais il suscite un
mouvement de sympathie et de curiosité dans le monde
occidental.
La religion hindouiste reste concentrée en Inde et au Népal.
Le Djihad
Signifiant « effort sur le chemin de Dieu », le Djihad est mis
en pratique dans une guerre sainte. Mais, contrairement à
une croyance répandue, cette guerre n’est pas menée contre
des infidèles, que Mahomet au cours de sa vie s’est employé
à convertir. Le problème est que, selon les versets, le Coran
donne un sens différent à cette guerre. Certains invitent à
l’offensive, d’autres à la défensive, d’autres encore à la seule
persuasion.
Le Djihad est de l’ordre de l’obligation communautaire et
non individuelle, tout croyant y est tenu si l’Islam est
attaqué. Quiconque meurt dans ce combat devient un shahid,
un « témoin » assuré du salut éternel.
Toute guerre contre des non-musulmans ne peut cependant
pas être tenue pour Djihad : il faut qu’elle soit motivée par
des buts religieux. Ainsi, certains réformistes ont expliqué
que la lutte armée n’est que l’un des aspects du Djihad.
L’obligation de propager l’Islam passe donc pour l’essentiel
par la prédication, mais la lutte est légitime si un pays résiste
ou refuse.
Compte tenu de la multiplication des autorités pouvant
inviter à prendre les armes pour la défense ou la propagation
de l’Islam, le Djihad est difficile à cerner.
L’Islam fait peur, car il est souvent associé à la figure du
fondamentaliste. Il est non seulement perçu comme une contestation
radicale de la domination occidentale sur la planète, mais également comme
la critique des valeurs qui fondent ce monde occidental : démocratie,
alternance politique, dialogue, statut de la femme, droits de l’homme…
La révolution iranienne de 1979, avec ses foules immenses proclamant
leur haine des Américains, allant jusqu’à la prise d’otages des diplomates
de l’ambassade américaine – ce qui niait le plus ancien des principes
acceptés dans le cadre des relations internationales, à savoir le respect des
représentants et envoyés des autres nations –, contribuait à dégrader l’image
de l’Islam.
L’assassinat, par un extrémiste, du président Sadate, coupable d’avoir
fait la paix avec Israël, la guerre du Liban et ses cortèges d’horreurs – et là
encore la prise en otages de journalistes et diplomates occidentaux –, le
développement d’attentats terroristes en Europe, l’image de « fous de
Dieu » prêts à tout, y compris à sacrifier leur vie, tout cela a contribué à
forger l’image d’une opposition irréductible entre le monde occidental et le
monde musulman.
Ce monde est rapidement analysé comme obscurantiste, non
démocratique, pour ne pas dire dictatorial. Les islamistes sont perçus
comme des terroristes s’ils sont dans l’opposition et comme des dictateurs
lorsqu’ils sont au pouvoir, appliquant une conception archaïque de la justice
rendant licite la lapidation ou l’amputation de ceux qui sont jugés
coupables.
Les réminiscences des invasions arabes en Europe au VIIIe siècle, le
souvenir en France de la guerre d’Algérie nourrissent les craintes. Pour
beaucoup, le fondamentalisme musulman devient rapidement la menace
principale à la paix globale et à la sécurité, remplaçant la menace
communiste disparue après l’implosion de l’Union soviétique.
Un secrétaire général de l’OTAN, le Belge Willy Claes, a été jusqu’à
déclarer en 1993 à un journal allemand :
« Le fondamentalisme islamique est aussi dangereux que l’était le
communisme : le fondamentalisme et la démocratie ne peuvent pas être
réconciliés, mais l’OTAN peut contribuer à contrecarrer la menace que
représente l’extrémisme islamique car elle est beaucoup plus qu’une
alliance militaire. »
Cette menace est d’autant plus grande que les dirigeants islamistes
sont soupçonnés de ne pas partager la même rationalité que les
Occidentaux, contrairement aux Soviétiques qui raisonnaient selon les
mêmes critères.
Les attentats-suicides qui se sont récemment multipliés avec le
déclenchement de la seconde Intifada, puis au cœur de la puissance
américaine, le 11 septembre 2001, prouvent que la pulsion de martyr est
glorifiée et donc dangereuse ; le recours au terrorisme, les appels au Djihad
(guerre sainte) font peur. La volonté de certains pays musulmans de se doter
d’armes de destruction massive (nucléaires, biologiques ou chimiques) et de
missiles balistiques suscite le spectre d’arsenaux nucléaires qui ne
serviraient plus à la dissuasion mais bien à la destruction.
Mais le danger du radicalisme religieux ne concerne pas que les
musulmans, même si leur contestation apparaît comme plus spectaculaire
parce qu’elle remet en cause l’état actuel du monde dominé par les
Occidentaux.
En Israël, de nombreux citoyens s’inquiètent de l’emprise croissante
des religieux sur leur vie quotidienne. Ces extrémistes, rejetant le processus
de paix avec les pays arabes, refusent le principe de la restitution des
territoires occupés illégalement par Israël depuis 1967 en échange de la
paix, notamment avec les Palestiniens. Selon eux, ces territoires sont sacrés
et appartiennent historiquement au peuple juif. Les plus extrémistes
n’hésitent pas à prôner l’expulsion de tous les Palestiniens pour conserver la
totalité des territoires. Ils n’hésitent pas à organiser des attentats contre ces
derniers et ont été jusqu’à assassiner le Premier ministre israélien Itzhak
Rabin, coupable à leurs yeux de dialoguer avec le leader palestinien Yasser
Arafat. Une partie de la société israélienne se mobilise par ailleurs contre
ces intégristes, car elle n’accepte pas l’ordre moral que ces derniers veulent
lui imposer.
La menace que l’Islam radical fait peser sur le monde occidental doit
être ramenée à sa juste mesure pour une série de facteurs.
– Le premier est l’extrême hétérogénéité de ce monde musulman. On
voit mal le Pakistan et l’Indonésie, très liés à l’Occident, la Turquie,
membre de l’OTAN, l’Arabie Saoudite, alliée fidèle des États-Unis,
attaquer ensemble ou avec d’autres pays le monde occidental. S’il y a risque
de conflit, c’est certainement plus entre pays musulmans, dont les rivalités
internes sont fortes, au-delà des proclamations d’unité. Le monde
musulman est trop éclaté pour avoir un leader unique capable de fédérer
l’ensemble de ces pays. Cela n’a néanmoins pas empêché la constitution
d’organisations terroristes internationales, dont la « nébuleuse Ben Laden »
fortement soupçonnée d’être à l’origine des actes terroristes du
11 septembre 2001.
– Ces pays sont, par ailleurs, beaucoup plus faibles militairement que
les pays occidentaux. Seul le Pakistan possède un arsenal nucléaire
rudimentaire, qui peut lui servir de force de dissuasion à l’encontre de
l’Inde, mais avec lequel il serait incapable de menacer un pays occidental.
Même si de nombreux pays musulmans veulent se doter de missiles
balistiques, ceux-ci restent de faible portée et en nombre très réduit. La
guerre du Golfe a donné une idée de la disproportion entre l’arsenal irakien
– dont l’armée était présentée bien à tort avant le déclenchement du conflit
comme la quatrième du monde – et celui des États-Unis.
– Enfin, l’islamisme radical est avant tout une menace pour les pays
musulmans, comme l’extrémisme juif est une menace pour Israël.
Les conflits ne peuvent pas s’expliquer par le seul facteur religieux. Il
peut y avoir des guerres entre peuples ou nations appartenant à des religions
différentes, de même qu’il y en a – plus nombreuses – opposant peuples et
nations croyant dans le même Dieu.
Une guerre entre blocs religieux relève plus du fantasme que de la
réalité. Les espaces religieux sont très souvent divisés et fragmentés (Islam,
chiite ou sunnite, orthodoxie hellénique ou slave, catholiques progressistes
ou intégristes, etc.). Néanmoins, les événements récents survenus aux États-
Unis réaniment cette hypothèse de guerre entre blocs religieux encouragée
par la multiplication des appels à la violence et à l’accomplissement de la
guerre sainte.
En tant que telles, les religions ne sont pas le facteur majeur du
déclenchement d’un conflit. Mais, ajoutées à d’autres rivalités (sociales,
nationales, politiques, ethniques, économiques, etc.), elles peuvent
contribuer au déclenchement du conflit. En effet, les poches de
paupérisation se multiplient et la conception de l’existence se résume
souvent à un choix entre la prison et le sacrifice pour une cause jugée
« noble ». La religion est souvent mise en avant, mais en fait ce sont avant
tout des revendications politiques qui sont exprimées.
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États-Unis/pays musulmans
Les relations entre les États-Unis et le monde musulman, qui est loin
de former un tout cohérent, sont en fait très complexes et remplies de
contradictions.
D’une part, les opinions publiques musulmanes, et principalement
arabes, reprochent aux États-Unis d’être extrêmement liés à Israël, d’avoir
été à ses côtés dans toutes les guerres qui l’ont opposé à ses voisins, de lui
fournir une aide économique et militaire considérable, et de ne pas faire
pression sur le gouvernement israélien pour qu’il restitue les territoires
palestiniens occupés depuis 1967 ou pour qu’il améliore le sort de la
population palestinienne. Elles déplorent que les États-Unis, si prompts à
punir le non-respect du droit international par l’Irak lorsque ce dernier a
envahi le Koweït, protègent Israël, qui lui aussi occupe illégalement la
Cisjordanie et la bande de Gaza.
Ce blâme est encore plus vif depuis le déclenchement de la seconde
Intifada, en septembre 2000. Il est également reproché aux États-Unis de
maintenir des sanctions contre l’Irak qui ont pour effet non pas d’affaiblir
Saddam Hussein, mais de faire cruellement souffrir la population irakienne
(les chiffres de 500 000 à 1 million de morts dus à l’embargo sont parfois
avancés). Enfin, certains ne pardonnent pas à Washington d’être présent
militairement, depuis la guerre du Golfe, en Arabie Saoudite où sont situés
les lieux saints de l’Islam.
D’autre part, les États-Unis sont également alliés à de nombreux pays
musulmans, qui apprécient la protection de la superpuissance militaire
américaine (l’Arabie Saoudite tout comme les monarchies du Golfe arabo-
persique font largement appel aux États-Unis pour équiper leurs armées).
Le grand danger est une coupure de plus en plus profonde entre des
gouvernements liés aux États-Unis et des populations de plus en plus
hostiles à ces derniers ; c’est ainsi que les attentats du 11 septembre, s’ils
ont été unanimement condamnés (à l’exception de l’Irak) par les
gouvernements arabes, n’ont pas suscité chez les populations de ces pays
une vive émotion mais plutôt de l’indifférence, quand ce ne fut pas un
plaisir mal dissimulé.
Les États-Unis ont des relations stables et étroites avec la majorité des
quinze pays musulmans les plus peuplés :
Si les relations avec les dirigeants des principaux pays musulmans sont
dans l’ensemble plutôt bonnes, il n’en va pas de même à l’égard des
populations qui majoritairement contestent la proximité de leur propre pays
avec Washington. Elles estiment que la politique américaine privilégie
Israël et ne prend pas en compte les aspirations des musulmans.
L’islamisme radical se nourrit de cette critique des liens entre les dirigeants
des pays arabes et Washington, estimant que les gouvernements trahissent
les intérêts des peuples musulmans au profit de la consolidation de leur
pouvoir personnel.
PORTRAIT
Une guerre générale entre une coalition des pays musulmans et les
États-Unis n’est donc guère envisageable du fait des liens étroits de la
plupart de ces pays avec Washington et du fait des divergences, rivalités et
différences entre les pays musulmans qui en aucun cas ne forment un bloc
uni. Il peut par contre y avoir des attaques contre la présence ou les intérêts
américains dans les pays musulmans (cela a été le cas au Soudan ou en
Libye) et bien sûr sur le sol américain même, comme cela s’est manifesté à
son paroxysme le 11 septembre 2001.
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États-Unis/États parias
Une nouvelle catégorie de pays est apparue au cours des années 90,
celle des « États bandits » ou « États voyous », traduction de l’expression
américaine Rogue States. C’est ainsi que sont définis les États dangereux
pour Washington. En 2000, Madeleine Albright, alors secrétaire d’État
américain, a proposé de changer cette appellation au profit de States of
Concern, moins agressive, mais qui note l’intérêt tout particulier que
Washington porte à ces régimes. Mais malgré tout, les Rogue States
continuent à se sentir directement visés par les autorités américaines et
alimentent les débats sur les propositions de politique de défense.
L’ordre international
Le cas de l’Iran
Les relations entre Téhéran et Washington sont tendues
depuis la révolution islamique de 1979 et l’affaire des otages
qui l’a suivie. En août 1996, le Congrès votait l’Iran-Libya
Act, sanctionnant les relations commerciales avec ces deux
États, à partir d’un texte de loi. Entre-temps, l’amélioration
de la situation politique en Iran, avec le gouvernement
Khatami, a confirmé le retour de l’Iran sur la scène
internationale. Cela n’a pas empêché le Congrès de
reconduire la loi en août 2001, avec une clause selon laquelle
le président américain se donne le droit de proposer à
nouveau le texte aux parlementaires en 2003, ce qui fait
penser que Washington envisage de reconsidérer ses
relations avec l’Iran si ce dernier accepte de dénoncer le
terrorisme, de reconnaître Israël et de renoncer à acquérir des
armes de destruction massive. La lutte contre les talibans,
dont l’Iran est également un adversaire, devrait permettre
d’accélérer le rapprochement entre Téhéran et Washington.
Guerres nucléaires
La dissuasion nucléaire
Il n’y a jamais eu de guerre entre pays possédant l’arme
atomique. C’est, pour les stratèges, l’effet de la dissuasion
nucléaire. Par un curieux paradoxe, l’ampleur des dégâts que
créerait une guerre entre pays nucléaires, pouvant aller
jusqu’à leur destruction totale, voire celle de la planète, les
dissuade de la déclarer. Contre un pays nucléaire, il n’est pas
possible de faire le calcul habituel du déclenchement d’un
conflit : est-ce que je peux gagner plus que ce que je risque
de perdre à l’issue de la guerre ? Car, par définition, le risque
de pertes est total. C’est la dissuasion nucléaire qui explique
qu’au moment de la guerre froide, alors que l’Europe était
divisée et surarmée comme jamais, il n’y a pas eu de
conflits, malgré l’hostilité réciproque entre l’URSS et les
États-Unis. Chacun savait que, même vainqueur, il risquerait
de ne plus gouverner que des décombres.
Reste le cas de l’Inde et du Pakistan, États rivaux, qui ont tous deux
affiché leur capacité nucléaire en mai 1998. Mais, loin de déclencher une
guerre atomique entre eux, cela les a contraints à établir un dialogue pour
l’éviter.
Enfin, l’arme nucléaire présente une menace d’autant plus grande
qu’elle est associée à un vecteur se présentant sous la forme d’un missile
balistique, qui permet de la transporter à des distances de plusieurs milliers
de kilomètres. Or, la technologie balistique n’est pas accessible à tous, et le
nombre d’États pouvant dissuader des adversaires éloignés est encore très
limité. Par ailleurs, en cas d’attaque nucléaire faite avec des missiles
balistiques, la provenance serait immédiatement connue, et celui qui aurait
lancé l’attaque serait immédiatement détruit en représailles.
Le terrorisme nucléaire
L’utilisation des armes nucléaires par des groupes terroristes est l’un
des scénarios le plus souvent utilisés au cinéma ou dans les romans. La
réalité est cependant différente de la fiction. S’il est vrai que les
connaissances permettant de fabriquer l’arme sont largement répandues (il
est cependant exagéré de dire que l’on peut les trouver dans les
bibliothèques universitaires), la mise au point de l’arme et son utilisation
demandent des installations qui dépassent les moyens des groupes
terroristes. On ne fabrique pas une arme nucléaire dans un garage avec deux
amis ingénieurs, même si leurs connaissances du sujet sont indiscutables.
Le nucléaire militaire reste une affaire d’États et non de groupes terroristes.
Les attentats du 11 septembre montrent d’ailleurs de façon horrible qu’il
n’est pas besoin d’arme nucléaire pour commettre des dégâts extrêmement
importants.
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Guerres chimiques
Les attaques
pour leur aspect clandestin. Elles ne sont pas décelables dans l’air,
et leur présence dans des conteneurs est presque impossible à détecter.
Elles peuvent très facilement être utilisées clandestinement ;
elles provoquent la mort après des souffrances atroces, parfois
même, comme l’a montré l’exemple de la Première Guerre mondiale,
longtemps après que le conflit a pris fin ;
elles sont très faciles à fabriquer, y compris à partir d’installations
civiles.
Le désarmement chimique
Le 13 janvier 1993 était signée, à Paris, la Convention
d’interdiction des armes chimiques. Celle-ci prévoit
l’interdiction totale des armes chimiques et la destruction des
stocks existants. Elle se donne les moyens d’assurer cette
interdiction grâce aux importants pouvoirs d’inspection
accordés à l’Organisation internationale pour l’interdiction
des armes chimiques (OIAC) installée à La Haye.
C’est la première fois qu’une catégorie entière d’armes est
interdite, et cette interdiction est assortie d’une véritable
procédure de vérification. Mais de nombreux États n’ont pas
signé le traité, notamment des pays arabes qui estiment
qu’ils ne peuvent pas renoncer aux armes chimiques tant
qu’Israël a l’arme nucléaire.
Les vents peuvent renvoyer les armes chimiques contre ceux qui les
ont lancées. Les troupes adverses peuvent s’équiper en moyens de
protection.
L’utilité militaire réelle des armes chimiques contre l’armée est de fait
limitée. Son impact psychologique est beaucoup plus important. Mais, face
à des populations civiles, l’emploi des armes chimiques provoque des effets
terrifiants.
L’utilisation des armes chimiques par une armée semble donc
improbable, car le pays qui s’y livrerait, violant la loi internationale, se
verrait durement puni. Il ne pourrait pas, en effet, dissimuler son forfait. Par
contre, l’utilisation d’armes chimiques par des groupes terroristes
clandestins ne peut être totalement exclue.
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Guerres bactériologiques
En effet, les menaces d’une guerre menée avec des armes biologiques
ou bactériologiques pourraient devenir l’un des plus grands dangers pesant
sur la planète. Les armes biologiques risquent fort, avec les armes
chimiques, de devenir l’une des principales préoccupations des
responsables civils et militaires de la sécurité, ainsi que de l’opinion
publique.
Elles ont tout pour frapper les esprits. Elles possèdent tout d’abord un
caractère indiscriminé : elles s’attaquent aussi bien aux adultes qu’aux
enfants, aux hommes qu’aux femmes, aux civils qu’aux militaires. On peut
citer également le caractère clandestin de leur utilisation. Elles sont, plus
encore que les autres armes, porteuses de peur, car elles s’attaquent à la
santé, principal facteur d’angoisse dans le monde occidental. Celui-ci se
veut à l’abri de la maladie grâce aux progrès techniques – et ces mêmes
progrès permettent que surgisse une menace militaire indéterminée. On peut
encore citer le décalage entre celle-ci et le déclenchement de ses effets.
Guerres Nord/Sud
L’effet d’attraction des oasis de richesse est de plus en plus fort, parce
que de plus en plus ancré dans les consciences. Il existe d’ailleurs
également au sein des sociétés du Nord. Un haut cadre dirigeant parisien
aura les mêmes goûts, le même mode de vie, les mêmes références
culturelles que ses homologues de Singapour ou de Rio de Janeiro. Mais si
tout ce beau monde va facilement à l’autre bout de la planète dans de
confortables avions, pour être logé dans des hôtels standardisés, il ne met
plus les pieds dans ses propres banlieues. À terme, ce double clivage social
représente la plus grave source de conflits et d’explosion dans le monde.
Les pays industrialisés, épuisés par la course à la puissance qu’ils ont
menée, recherchent le confort, car le monde s’effrite sous l’effet d’une
fringale de prospérité et de consommation qui exclut vision politique et
stratégie à long terme. L’inégalité économique n’est pas une donnée qu’on
puisse changer. Si 30 millions d’individus meurent de faim chaque année, si
800 millions souffrent de malnutrition chronique, ce n’est pas que la planète
n’est pas assez grande ou pas assez riche pour nourrir tous ses habitants. Le
problème vient de l’inégalité des ressources, du poids des guerres civiles, de
la corruption de nombreux gouvernements de pays pauvres. L’explication
par la fatalité n’est pas suffisante. Selon l’ONU, pour parvenir à la
satisfaction universelle des besoins sanitaires et nutritionnels, il n’en
coûterait que 13 milliards de dollars, soit à peine ce que les habitants des
États-Unis et de l’Union européenne dépensent, par an, en parfums…
10
Guerres démographiques
Repères
– Population mondiale :
Guerres de diaspora
Fin août 2001, un ferry indonésien avec à son bord 460 réfugiés
afghans sombre au large de l’Australie. Un cargo norvégien, le Tampa, se
porte à son secours. Mais le gouvernement australien refuse de les accueillir
et veut les envoyer sur la petite île-État de Nauru.
Le gouvernement australien entend en effet faire un exemple à l’égard
des milliers de réfugiés clandestins qui attendent, selon lui, en Indonésie,
pour tenter la traversée vers l’Australie.
Ce pays (19 millions d’habitants) accueille chaque année 8 000
réfugiés officiels. Les centres de rétention sont pleins à craquer et abritent
également 3 000 immigrés illégaux. Camberra craint que des réseaux ne se
mettent en place pour faciliter cette immigration clandestine en utilisant
notamment les procédures mises en place pour les réfugiés politiques.
La convention de Genève sur les réfugiés les définit comme « toute
personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa
religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou
de ses opinions politiques, qui se trouve en dehors du pays dont elle a la
nationalité et qui ne peut se réclamer de la protection de ce pays ». Adoptée
en 1951, cette convention a été signée par 126 pays. Mais elle ne crée pas
une obligation d’accueil, celui-ci pouvant en effet être refusé pour des
raisons d’ordre public.
Pendant très longtemps (à l’exception du cas spécifique des
Palestiniens), les réfugiés ont été peu nombreux. Il s’agissait la plupart du
temps d’opposants politiques qui fuyaient les pays de l’Est ou les dictatures
du tiers-monde. Ils provenaient généralement de milieux éduqués et
s’intégraient sans trop de difficultés. Si les dictatures sont loin d’avoir
disparu de la surface de la planète aujourd’hui, elles sont néanmoins moins
nombreuses qu’auparavant. Mais les réfugiés sont, eux, beaucoup plus
nombreux.
Aux réfugiés politiques se joignent désormais ce que l’on appelle
parfois des « réfugiés économiques ». Ceux-ci ne sont pas menacés en
raison de leurs idées ou de leur appartenance ethnique, mais ils sont
simplement à la recherche de meilleures conditions de vie, attirés par les
pays développés, véritables eldorados dont ils ont vu des images alléchantes
à la télévision. Ils tentent par tous les moyens de s’y installer, parce que les
conditions de vie d’un immigré clandestin, pour précaires qu’elles soient,
leur paraissent préférables à celles qu’ils ont dans leur pays d’origine. Ce ne
sont plus les élites éduquées qui veulent changer de pays, mais les masses
pauvres et sans qualification. Dès lors, l’accueil est moins enthousiaste. Les
réfugiés ne permettent plus au monde occidental de gagner des points
symboliques à peu de frais dans la lutte contre le communisme. Celle-ci est
finie, et le coût de l’accueil n’est plus du tout le même.
Les Afghans du Tampa sont en fait venus un peu tard. En pleine guerre
froide, lorsque l’URSS occupait l’Afghanistan, nul doute qu’on les aurait
accueillis en héros. Avant les attentats du 11 septembre, la situation était
certainement devenue plus difficile pour les Afghans, mais ils ne faisaient
plus l’objet d’autant de sollicitude, et le monde occidental les avait laissés à
leur triste sort.
Les réfugiés ont été chassés de chez eux par la guerre civile,
l’épuration ethnique ou tout simplement la misère. Ils sont mobiles et n’ont
plus rien à perdre. Que ce soit à bord de frêles embarcations, dans le train
d’atterrissage d’un avion ou cachés dans des camions, ils tentent par tous
les moyens et au péril de leur vie de rejoindre les pays développés pour
recueillir les miettes du festin.
Dès lors, les pays riches n’ont qu’une alternative : ou bien les
accueillir dans les meilleures conditions possibles pour qu’il n’y ait pas de
répercussions négatives en termes de sécurité ; ou bien se montrer
suffisamment lucides, courageux et généreux pour faire en sorte que les
causes de ces exodes de masse (guerres civiles et sous-développement)
disparaissent.
Dans les deux cas, cela nécessite de la volonté et des moyens ; une
action collective qui, pour l’heure, fait défaut.
13
Guerres de la faim
Guerres du pétrole
Guerres de l’eau
Le XXe siècle aura été celui de l’or noir et des crises qu’il aura
provoquées ; le XXIe siècle sera probablement celui de l’or bleu.
Traditionnellement perçue comme une manne venue du Ciel, l’eau est
aujourd’hui considérée en fonction de sa rareté et donc de sa cherté.
Crises de qualité :
Crises mixtes :
Afrique du Sud, 12 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau
potable, surtout dans les townships autour des grandes villes ;
ex-Yougoslavie, la grande plaine de Poljie (Dalmatie) et celle de
Bencovac (Krajina), vivant grâce à des infrastructures d’irrigation, ont
été paralysées par un conflit qui les a privées d’eau disponible en
quantité suffisante (destruction des infrastructures…) ;
multiplication des déplacements forcés de population accroît
considérablement la pression sur les ressources en eau ;
Maghreb, la situation promet d’être plus tendue qu’en Israël…
Avec moins de 1 000 mètres cubes d’eau par habitant (environ 800 au
Maroc, moins de 700 en Algérie et moins de 500 en Tunisie), les pays du
Maghreb ont déjà franchi le seuil où apparaissent des pénuries d’eau. Or la
demande va augmenter considérablement puisque, d’ici 2025, la population
y aura presque doublé. Les ressources renouvelables disponibles par
habitant vont diminuer d’ici l’an 2025 de plus de la moitié par rapport à
celles de 1980. Elles seront alors bien en deçà du seuil où se produisent des
pénuries véritablement critiques dans certaines régions (500 m3).
Très probablement, la situation hydrique du Maghreb sera alors plus
tendue qu’elle ne l’est aujourd’hui en Israël, par le jeu d’une double
concentration : concentration de la demande sur le littoral méditerranéen,
résultant de celle de la population et des terres cultivables ; et concentration
de l’allocation de la ressource en eau vers le milieu rural (déjà plus de 80 %
des prélèvements d’eau vont à un secteur agricole qui satisfait pourtant de
moins en moins les besoins des populations).
Une guerre de l’eau comparable à celle qui se déroule et/ou se
déroulera au Proche-Orient n’est guère envisageable, les pays du Maghreb
ne partageant pas entre eux les ressources en eau (pas de fleuve
transfrontalier par exemple). Toutefois, les tensions internes seront très
certainement accrues entre les nantis disposant de l’or bleu et les moins
nantis devant se contenter de quelques gouttes.
16
Guerres de l’environnement
Guerre de la drogue
Guerres économiques
L’économie traduit certes des appétits de pouvoir, mais son but est de
produire et d’échanger, alors que celui de la guerre militaire est de
conquérir ou soumettre. La compétition économique est permanente, la
guerre est discontinue. C’est pour toutes ces raisons que la guerre
économique peut se définir par la mobilisation de l’ensemble des moyens
économiques d’un État à l’encontre d’autres États, dans le but d’accroître sa
puissance et le niveau de vie de ses habitants.
Les acteurs de cette guerre sont les États et les firmes multinationales,
le monde entier en est le champ de bataille, et les armes utilisées sont aussi
bien offensives que défensives : sens de l’organisation, productivité,
innovation, obstacles douaniers, contingents, espionnage industriel,
regroupements régionaux…
Le choix des armes ne se porte plus aujourd’hui sur les restrictions et
les barrières douanières, obstacles mis à mal par le « désarmement
commercial » exercé sous l’égide du GATT, puis de l’OMC (Organisation
mondiale du commerce), mais davantage sur l’espionnage industriel –
pratique ancienne qui s’est institutionnalisée – et sur la création de blocs
commerciaux (Union européenne, AELE, ASEAN, ALENA, Mercosur…).
Ces derniers se sont érigés sur la base de regroupements régionaux pour
permettre, dans un premier temps, aux États-parties et aux entreprises de se
protéger des effets néfastes de la mondialisation (effet forteresse), puis,
dans un deuxième temps, pour mieux l’aborder, de s’organiser en vue de
conquérir des marchés extérieurs.
C’est sur ce terrain et dans le domaine des hautes technologies que se
manifeste le plus la guerre proprement économique. Cette compétition
ayant lieu dans des domaines sensibles relevant, dans la plupart des cas, de
la souveraineté nationale (industries d’armement), cela ne peut manquer
d’avoir des répercussions politiques.
La mondialisation se traduit par l’explosion des échanges
commerciaux internationaux. Les exportations mondiales de biens et de
services ont atteint, en 1998, 6 500 millions de dollars, soit 24 % de la
richesse mondiale. Si la tendance actuelle se poursuit, elles atteindront
11 400 milliards de dollars en 2005, soit 28 % du produit intérieur brut
mondial. Il y a vingt ans, la part du commerce mondial par rapport au
produit intérieur brut atteignait à peine plus de 9 %.
OMC
Vu l’importance des échanges commerciaux, le rôle des
organisations économiques internationales devient
déterminant, comme en témoigne l’importance croissante de
l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Créée le 1er janvier 1995, à la suite de l’accord de
Marrakech en avril 1994, l’OMC s’est substituée au GATT.
Elle s’est dotée de nouvelles fonctions visant, d’une part, à
établir une autorité plus ferme sur les règles multilatérales
(surveillance et répression des pratiques déloyales) et,
d’autre part, à organiser l’ouverture de nouveaux domaines
aux règles multilatérales (services financiers, marchés
publics, produits agricoles, produits culturels…).
L’objectif consiste à promouvoir le multilatéralisme au
détriment du bilatéralisme, voire de l’unilatéralisme. Le
recours à des mesures de sanctions économiques est l’une
des armes les plus efficaces dont dispose l’OMC.
Guerre de l’information
Le réseau « Échelon»
En 1948, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada,
l’Australie et la Nouvelle-Zélande conclurent en secret un
pacte de sécurité baptisé « Ukusa ». L’objectif de ce dernier
était alors de collecter des informations en provenance de
l’URSS et de ses alliés, par le biais d’un système d’écoute et
d’analyse : le réseau « Échelon ».
Avec la fin de la guerre froide et l’extraordinaire
développement des technologies de renseignement,
notamment dans l’informatique et les satellites, les
Américains réorientent ce fantastique instrument de
surveillance sur leurs concurrents économiques : le Japon et
les puissances européennes, telles l’Allemagne et la France.
Un réseau d’une centaine de satellites capte les ondes émises
par les radios ou les téléphones cellulaires, tandis que les
informations transmises par téléphones, fax ou messageries
électroniques sont interceptées par des systèmes
informatiques ; les millions de données collectées sont
analysées par la National Security Agency (NSA). Certaines
entreprises américaines (Lockheed, Boeing) disposent ainsi
de données – souvent confidentielles – « recueillies » auprès
de leurs concurrents, leur conférant un avantage dans le
développement de certains projets ou la négociation de
contrats.
Le Parlement européen s’est récemment élevé contre cet
espionnage économique à grande échelle et a exigé du
Royaume-Uni des informations sur son rôle dans le réseau
« Échelon ».
Guerres de l’espace
Si, dès le début, les intérêts militaires ont joué un rôle décisif dans
l’extension des activités spatiales, les applications civiles et commerciales
se sont multipliées au cours des décennies, non seulement dans des
domaines stratégiques comme l’économie et la gestion des infrastructures
terrestres, mais aussi dans notre vie quotidienne (télévision,
communication…). Il en résulte une dépendance accrue au bon
fonctionnement de l’outil spatial. Aujourd’hui, les principales applications
de l’espace sont les activités de renseignement (observation, écoute), de
télécommunication, de navigation et de localisation. Elles deviennent
l’élément central et vital de la maîtrise de l’information, concept clé de la
puissance, et dont les États-Unis, récemment confrontés à des actes
terroristes, ne connaissent que trop la valeur stratégique. Du statut de
simples outils au service de la défense, les moyens spatiaux, tant civils que
militaires, sont devenus les éléments fondateurs des politiques de sécurité et
de puissance au sens le plus large.
Deux spécificités caractérisent l’espace dans son utilité et son
importance pour l’homme :
La première est qu’il constitue le « point haut » par excellence, cher
aux militaires. En effet, il permet :
Qui maîtrise l’espace domine le monde. Il n’est dès lors pas étonnant
que la conquête de l’espace ait été le fruit de la compétition soviéto-
américaine. Il ne s’agissait pas seulement de résoudre une question de
prestige : qui réalisera le premier vol en orbite, qui enverra le premier
homme sur la Lune, etc. L’espace, c’est avant tout un problème de
suprématie stratégique. C’est par là que passent les missiles nucléaires
intercontinentaux, les satellites d’observation qui facilitent la connaissance
du dispositif militaire adverse, ou les satellites d’écoute qui permettent
d’intercepter les communications, les satellites de communication qui
permettent de transmettre des informations ou des ordres très rapidement.
Les satellites envoyés dans l’espace, s’ils sont le plus souvent
militaires, ne sont pas toujours guerriers. Ils peuvent servir tout autant à
veiller à la bonne exécution d’un accord de désarmement que surveiller les
mouvements des troupes pour prévenir un conflit ou lancer des opérations
militaires. Ce qui est certain, c’est que la maîtrise de l’espace permet de
voir, d’écouter et de communiquer. Ce qui donne un avantage déterminant
sur celui qui n’a pas ces capacités.
Aujourd’hui, le club des puissances spatiales compte, outre les deux
géants américain et russe, l’Europe (création de l’Agence spatiale
européenne en 1975, à vocation civile) et plus particulièrement la France, la
Grande-Bretagne, l’Italie et l’Espagne qui ont développé des programmes
militaires nationaux, ou en coopération, la Chine, le Japon, l’Inde et Israël.
Il faut ajouter à cette liste le Brésil qui ne dispose pas de lanceurs mais qui
s’appuie sur des coopérations pour développer son secteur spatial.
Guerres urbaines
Guerres de sécession
Le facteur désintégrateur qui agit sur les individus (les riches sont de
moins en moins solidaires des pauvres) concerne aussi les peuples. L’appât
du gain, la course vers la prospérité et la poursuite débridée des biens de
consommation semblent être devenus le nouveau moteur de l’histoire.
La dissymétrie a toujours été recherchée par les États les plus puissants
comme un moyen d’asseoir leur supériorité. Déjà, au XVe siècle, les frères
Bureau avaient offert à Charles VII un moyen de vaincre les Anglais, en
faisant de l’artillerie un élément dissymétrique décisif. De même,
l’asymétrie a fait son apparition depuis longtemps sur les théâtres
d’opérations. L’exemple le plus significatif est celui de la guerre du Viêt-
nam au cours de laquelle les combattants viêt-congs, plutôt que de se lancer
à corps perdu dans un affrontement direct avec les forces américaines, ont
cherché tous les moyens possibles pour contourner la puissance
dissymétrique de leur adversaire. Plus récemment, la guerre du Kosovo a
été la parfaite illustration de l’utilisation de moyens asymétriques pour faire
face aux armes techniquement supérieures de l’adversaire. Les forces serbes
ont utilisé des moyens très simples de camouflage et de leurrage, qui se sont
avérés particulièrement efficaces, puisque les systèmes de renseignement et
d’observation de l’OTAN ne sont pas parvenus à les déceler.
De cette manière, il convient de noter que la dissymétrie et l’asymétrie
ne sont pas à proprement parler de nouvelles menaces, mais elles se
révèlent de plus en plus décisives dans la plupart des conflits ou des
opérations de guerre, comme les attentats du 11 septembre.
La nouvelle menace ?
L’asymétrie des adversaires potentiels est aujourd’hui considérée
comme la principale menace pour les États-Unis, du fait de son caractère à
la fois imprévisible et indécelable. À la suite des attentats, il convient de
s’interroger sur les raisons de leur réussite, qui tient à la fois aux capacités
limitées des terroristes, mais également aux moyens trop sophistiqués de
l’hyperpuissance, incapable de faire face à des menaces qu’elle ne prend
même plus en considération, tant elles semblent limitées comparées à tous
les scénarios envisagés. En ce sens, la dissymétrie, plus encore que
l’asymétrie, contrarie la capacité d’une puissance, comme celle des États-
Unis, à faire face à ses adversaires.
La dissymétrie ne peut s’avérer efficace que si l’adversaire utilise des
moyens décelables et prévisibles pour y faire face. La guerre du Golfe a été
un succès militaire pour les troupes coalisées, car celles-ci connaissaient les
capacités irakiennes et pouvaient contrer tous les plans de Saddam Hussein
de par leur supériorité technique à tous les niveaux. Cependant, quand
l’adversaire choisit volontairement de contourner cette lutte inégale, en
usant de moyens asymétriques, la supériorité technique ne permet plus
d’assurer un avantage décisif.
En effet, si la dissymétrie suppose d’importants investissements sur le
long terme – seule possibilité d’acquérir des moyens techniquement
supérieurs aux adversaires potentiels –, l’asymétrie est, elle, accessible à
tous. De même, son champ opérationnel est d’autant plus important que les
capacités dissymétriques de la puissance ennemie sont importantes. Ainsi,
plus un État consacre des sommes colossales à l’acquisition et à la
fabrication de moyens sophistiqués – lui apportant, de façon théorique, un
avantage certain –, plus les capacités de nuisance de ses adversaires seront
importantes, car la technologie ne peut pas tout surveiller, et souvent elle ne
se met pas au niveau des armes qui lui font face.
Dans ces conditions, c’est la dissymétrie qui pose un réel problème, et
le seul moyen d’éviter que le fossé ne se creuse et offre des alternatives
assymétriques à des groupes non étatiques (type organisations terroristes)
ou à des États voyous est de couvrir de façon plus générale les différents
niveaux d’affrontement, de manière à pouvoir être au-dessus des forces de
l’adversaire, mais sans exposer de failles dans le dispositif.
24
Guerre Chine/États-Unis
Guerre Chine-Russie/États-Unis
Danger de l’alliance
Une telle alliance aurait effectivement de quoi faire peur aux États-
Unis, car elle constituerait un bloc géographique immense, contrôlant la
majeure partie de l’Eurasie. Elle se base sur le fait que Moscou et Pékin
sont les deux plus grands États qui contestent aujourd’hui la supériorité
américaine, même si Moscou montre des signes de rapprochement en
direction de Washington. Tous deux sont des États nucléaires disposant, par
ailleurs, d’un siège de membres permanents au Conseil de sécurité et donc
d’un droit de veto. Dans la mesure où, séparément, ils sont trop faibles pour
mettre en échec Washington, pourquoi, dès lors, ne pas unir leurs forces ?
Le fait que la Russie soit devenue un régime capitaliste, tandis que la Chine
se proclame encore communiste, n’est pas un obstacle considérable à cette
alliance. Tous deux ont en fait des régimes autoritaires, et leur intérêt
géopolitique peut les conduire à ne pas s’appesantir sur ces différences.
Guerre Chine/Russie
Guerre Chine/Japon
Guerre Japon/États-Unis
Guerre Inde/Chine
Depuis le début des années 60, la Chine et l’Inde s’affrontent dans une
rivalité de puissance. New Delhi n’accepte pas de voir son grand voisin
prendre sur la scène internationale la place de leader incontesté et reconnu
du monde asiatique. Pékin ne peut de son côté accepter l’émergence d’une
puissance concurrente.
Démographiquement, la Chine et l’Inde pèsent pratiquement le même
poids. Économiquement, la Chine a pris une avance considérable en se
lançant dès le début des années 80 dans une ambitieuse politique de
réformes. Stratégiquement, la fin de la guerre froide a ouvert la voie aux
ambitions chinoises, alors que la disparition de son allié soviétique a
considérablement affaibli les positions indiennes.
Au cours des années 90, les deux États ont toutefois amorcé un
rapprochement. Pékin souhaitait se consacrer à d’autres priorités : le
développement économique, source de puissance, et la réunification du
territoire. New Delhi souhaitait également alléger la charge constituée par le
maintien d’effectifs importants aux frontières. Enfin, New Delhi et Pékin
partagent un même discours favorable à la « multipolarité » contre la
superpuissance américaine.
La guerre de 1962
À partir de 1960, la tension le long de la frontière sino-
indienne de 4 500 km s’est accrue. Pékin n’accepte pas le
tracé de la « ligne Mac Mahon » établi par les Britanniques
en 1914 et, par une stratégie de grignotage, installe des
positions en territoire indien. Sous la pression de l’opinion
publique, le gouvernement de New Delhi renforce sa
présence militaire le long de la frontière contestée, et des
escarmouches se produisent à plusieurs reprises. Le
20 octobre 1962, la Chine déclenche une opération qualifiée
de « défense active » et la guerre éclate entre les deux États
géants d’Asie.
Conduite sur un terrain difficile, à très haute altitude, où
Pékin a pris soin d’acheminer discrètement depuis plusieurs
mois des hommes et du matériel, la guerre se traduit par une
éclatante victoire des forces chinoises. Mais la victoire de
Pékin sera autant politique que militaire. Pékin s’empare
d’un territoire de 40 000 km2 au Cachemire, dans l’Aksai
Chin, qui lui permet de relier par la route ses deux provinces
du Xinjiang et du Tibet. Politiquement, Pékin affirme sa
responsabilité aux yeux du monde en décrétant
unilatéralement un cessez-le-feu le 20 novembre 1962 et en
retirant volontairement ses troupes. En revanche, ce conflit
révélera la faiblesse de l’Inde qui prend conscience de la très
grande limite de ses capacités militaires et perd beaucoup de
son prestige international.
Mais, en dépit d’une indéniable détente, les rancœurs sont loin d’être
apaisées. La Chine a poursuivi sa stratégie de pression sur l’Inde en
renforçant ses liens militaires avec le Pakistan et la Birmanie. De son côté,
en procédant à de nouveaux essais nucléaires au mois de mai 1998, le
gouvernement indien a ouvertement désigné la Chine comme « menace
principale ».
La capacité de dissuasion que l’Inde cherche à acquérir, renforcée par
les nouveaux missiles Agni 2 qui peuvent atteindre la Chine utile, et peut-
être plus encore le pragmatisme de la stratégie chinoise, prompte à prendre
en compte les nouveaux équilibres qui se mettent en place, ne font pas
véritablement pencher la balance en faveur d’une nouvelle guerre sino-
indienne à grande échelle.
Toutefois, si la question frontalière entre les deux pays est qualifiée de
« mineure » par Pékin, qui revendique tout de même plus de 85 000 km2 du
territoire indien dans l’Anrunachal Pradesh, elle ne représente que la pointe
émergée de conflits plus fondamentaux. Ces « questions frontalières
mineures » pourraient donc servir de prétexte à un nouveau conflit entre
l’Inde et la Chine.
1. La Corée du Sud est liée aux États-Unis par un traité de sécurité. Environ 30 000 hommes des forces américaines sont basés en Corée du Sud.
2. Dont 15 petits sous-marins « d’observation ».
32
Guerre Grèce/Turquie
Pour ces motifs, une guerre entre les deux États est fort improbable,
non seulement parce qu’ils sont l’un et l’autre membres de l’OTAN, mais
aussi parce que la volonté de la Turquie d’adhérer à l’Union européenne la
dissuadera de tout dérapage.
33
Guerre France/Allemagne
Mémoire collective
Réconciliation
Football et guerre
Yougoslavie
Le football aurait pu constituer un bon révélateur des tensions entre les
différentes républiques formant la Yougoslavie avant même que la guerre
n’y éclate en juillet 1991. Pendant la Coupe du monde de 1998, l’entraîneur
croate, Blazevic, ira jusqu’à dire : « C’est moi qui ai dévoilé le sentiment
identitaire croate en gagnant le championnat de Yougoslavie en 1982, avec
le Dynamo de Zagreb. »
Le 13 mars 1990, à l’occasion d’un match entre le Dynamo de Zagreb
(croate) et les Partisans de Belgrade (serbes), des affrontements entre
supporters font 60 blessés.
À Split (Croatie), au cours d’un match entre l’Hadjuk et les Étoiles
rouges de Belgrade, le drapeau yougoslave est symboliquement brûlé par
les Croates.
Tenue responsable de la guerre, en Croatie et en Bosnie, l’équipe
yougoslave (Serbie + Monténégro) est exclue du championnat d’Europe des
nations où elle faisait partie des huit équipes qualifiées.
C’était pour la communauté internationale un moyen d’agir
symboliquement, de punir Belgrade sans prendre de risque militaire.
Pour certains, la cause est entendue : le football vient souffler sur les
braises des passions nationales, il est belligène, comme l’a montré la guerre
du football entre le Honduras et le Salvador en 1969. D’autres avancent, à
l’inverse, que le football permet d’éviter les guerres, réservant
l’affrontement au niveau symbolique dans les stades. Par effet de
sublimation, il évite les conflits, et si les rencontres sur le terrain sont
parfois rudes, c’est justement parce que la guerre est désormais interdite
entre les États. Le football est devenu un substitut légal et même
parfaitement admis aux conflits d’antan.
Sans en être la cause ou le précurseur, le football peut être le signe
avant-coureur d’un conflit à venir, comme on l’a vu en Yougoslavie.
Mais le football peut aussi permettre, grâce à sa force symbolique, des
réconciliations.
Joao Havelange, le président de la FIFA, déclarait avant la Coupe du
monde 1998 : « Il y a un projet qui n’a pas abouti, mais que j’espère
concrétiser. Ce serait un match entre les sélections de Palestine et d’Israël. »
C’est également dans le but de réconcilier le Japon et la Corée du Sud,
dont les relations sont historiquement difficiles, voire de faciliter la
réunification de la Corée, que Joao Havelange a fait en sorte que la Coupe
du monde 2002 soit attribuée conjointement au Japon et à la Corée du Sud.
Le football est donc un reflet, son caractère hautement spectaculaire ne
doit pas faire illusion. Un match de football ne viendra pas déclencher un
conflit entre deux pays qui entretiennent de bonnes relations, ni apporter la
paix à des États qui veulent en découdre.
37
Guerre et tourisme